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HISTOIRE DE LA ROUMANIE AU XX-E SIECLE En 1919, le président de la République Frangaise, Raymond Poincaré, s'est exclamé, plein d'admiration et de respect; «Lrexistence des Roumains est un miracle et leur langue est une énigme». De tous les peuples latins, les Roumains ont le miews préservé la romanité, ct le roumain est la langue romane qui a le micus conservé Théritage latin. La culture et la civilisation roumaines, une forma mentis Iatine, représentent ut ppont entre deux mondes. cultures et civilisations, !Occident et FOrient La Roumanie (en roumain- Romania) est un pays d’Europe Centrale. Elle @ environ 22 millions habitants et s’étend sur 237.000 Km2. La population roumaine est pluriethnique. Les Roumains, qui représentent 89% de la population totale, sont issus de la fusion des populations préromaines et romaines de l'ancienne Dacie, auxquelles se sont mélés des Barbares dorigine germanique et slave. Les principales minorités ethniques sont les Hongrois (7% de la population), essentiellement concentrés en Transylvanie, les Roms (2%), résidant surtout dans la plaine roumaine et se caractérisant par une forte natalité, et enfin les Allemands (1,6%), installés dans la Transylvanie méridionale et le Banat. Il existe en outre un grand nombre de petites minorités: Juifs (Bucarest), Serbes, Ukrainiens (Moldavie), Bulgares, Tures et Tartares (Dobroudia). La géographie. L’arc des Carpates forme l’ossature du pays. Au milieu de ce cercle de montagnes il y a le vaste plateau de la Transylvanie. Au sud et au sud-est il y a la grande Plaine roumaine. Le Danube forme la frontiére naturelle au sud, Entre le Danube et la Mer Noire s’étend la Dobroudja et le Delta. Le territoire est divisé en 41 départements Gudete). Les villes les plus importantes sont Bucarest (la capitale de la Valachie depuis 1659), Iasi, Timisoara, Brasov, Cluj-Napoca, Sibiu, Constanta Le climat est de type continental: les hivers sont rudes et les étés chaudes Esquisse historique. La Roumanie jusqu’au XIX-e sidele. La Roumanie est l’ancienne Dacie (Dacia) érigée en province romaine par Trajan au I-er siécle ap. J.Ch, La conquate romaine de la Dacie est le fait significatif de histoire antique, car le Latin a donné naissance a la langue roumaine. L'empereur romain Traianus (Trajan) a célébré cette vietoire pendant 123 jours et a érigé une colonne décorée de bas-reliefs de marbre pour raconter histoire cette conquéte. La colonne de Traianus existe toujours au Forum de Rome. Aprés la retraite des Romains au Ill-e siécle (271-275), a Pepoque de 'empereur Aurélian, elle fut envahie par des flots succesif’ de barbares migrateurs: Goths, Gepides. Avares, Huns, Slaves, qui ont détruit tout sur leur passage. Ce fut une période bien sombre, durant laquelle les habitants romanisés se réfugient dans les montagnes en conservant leurs traditions et leur langue. Du X-e au Xill-e siécle, plusieurs principautés de langue néolatine et de religion othodoxe se constituent. Dés le XIV-e siécle, les trois provinces prennent leur visage historique: la Moldavie, la Valachie, la Transylvanie. Chaqu’une de ces provinces aa sa téte un voievode (une sorte de petit roi) L’architecture religieuse connait un prodigieux essor. En Valachie le style des églises est purement byzantin, en Moldavie ce style se combine avec des éléments gothiques (les célébres églises peintes a 'extérieur:Voronet, Humor, Arbore, Moldovita Sucevita), 2 La Moldavie et la Valachie ont été conquises par les Turcs et ont vécu sous leur joug plusieurs siécles, malgré la résistence héroique d’Etienne le Grand et de Michel le Brave, Au XVIl-e siécle, La Transylvanie a été annex¢ par I’ Autriche Tout au long du XVIII-e siécle, les principautés roumaines ont éé gouvernés att nom de la Porte Ottomane par des Grecs appellés phanariotes, d’aprés le nom du quartier de Constantinople (le Phanar). Les conséquences économiques ont éte désastreuses. C'est Pune des causes du retard économique et social du pays. En 1848, un mouvement national et libéral qui éclate dans les trois provinces est reprimé par les Russes, les Turcs et les Autrichiens. Grace a I"intervention de Napoléon Ill, la Moldavie et la Valachie forment un Etat unique, appelé les Principautés unies, dirige par le prince roumain Cuza (1859). Il abdique en 1866, étant remplacé par un roi origine allemande, Carol (Karl) de Hohenzollern-Sigmaringen. Le nom de Roumanie est officialisé en Juillet 1866, avec l'accord de I'Empire Ottoman qui reste son Suzerain Ltengagement de la Roumanie dans la guerre Russo-Turque de 1877 permet enfin Vindépendance a l'occasion du congrés de Berlin (1878). Tandis que les Transylvains continuent de lutter pour leur existence, le reste de la Roumanie entre dans une phase de ‘modernisation importante de son réseau routier, la création d'un réseau ferroviaire et le développement d'une riche industrie pétroliére. Une nouvelle constitution est proclamée et le pays (érigé en royaume en 1881), connait une période de grand développement. La deuxiéme moitié du XIX-e siécle représente un essor culturel trés important: c’est P époque des classiques roumains (Maiorescu, Eminesco, Caragiale, Creanga). 1900-1914 Tout au long de cette période, le probleme le plus brilant est le probléme agraire Les mesures prises par le gouvernement pour transférer de nouvelles terres A la paysannerie sont restées sans effet. D’ou, en 1907, sous influence sans doute de la révolution russe de 1905, une violente insurrection paysanne en Moldavie qui provoque la panique parmi les possédants, conservateurs et libéraux réconciliés. Une répression féroce rétablit l’ordre, mais ne résout pas le probléme. A I"issue de la premiére guerre balkanique de 1912, le traité de Bucarest accorde 4 la Roumanie le Quadrilatere de la Dobroudja méridionale.La Roumanie devient la plus grande puissance des Balkans. 1914-1918 Le déclenchement du premier conflit mondial contraint la Roumanie & un choix difficile que doit faire, aprés la mort du roi Carol Ter, & la fin de 1914, son neveu et successcur Ferdinand Ief, Au début, la Roumanie proclame sa neutralité mais les ministres favorables aux Alliés (lonel Bratianu, Take Ionescu) I’emportent en aoat 1916 Malheureusement, intervention roumaine tourne au désastre, Les Allemands entrent a Bucarest. L’effondrement russe ruine les possibilités de résistance des troupes roumaines en Moldavie (1917). La Roumanie, par le traité de Bucarest de mai 1918, devient un simple protectorat économique allemand et doit abandonner la Dobroudja. La capitulation autrichienne change le désastre en triomphe. Tandis que les troupes roumaines entrent en Transylvanie, une assemblée enthousiaste réunie a Alba Tilia Ie Ler décembre 1918 (avec Maniu et Vaida) proclame le rattachement a la Roumanie de tous les territoires roumains de l’ancienne Autriche-Hongrie. La formation de la Grande Roumanie est confirmée par les traités de paix: la Roumanie réintégre le sud de la Dobroudja (le Quadrilatére), la Bucovine, la 3 Transylvanie, le Banat et la Bessarabie. Le résultat global est que le royaume de Roumanie double, et au-dela, son territoire et sa population. Lentre deux-guerres: le royaume de Roumanie de 1919 4 1944 La Grande Roumanie de 1918-1920 connait de graves difficultés, inhérentes a sa composition méme, et d’abord un probleme de minorités. Si ancien royaume était parfaitement homogene, on compte maintenant, a cété de 12 millions et demi de Roumains, prés de 4 millions d'allogénes: 1.300.000 Hongrois, 700. 000 Allemands (Saxons et les Souabes) autant d’Ukrainiens ou de Russes (en Bessarabie et en Bucovine du Nord), 350. 000 Bulgares (en Dobroudja), 700. 000. Juifs (particuliérement nombreux en Moldavie et notamment dans les villes). La convention du 9 décembre 1919 leur garantit l’égalité civile, le respect des particularismes religieux, linguistiques, scolaires Mais application risque d’en étre difficile. De plus, on a promis aux combattants, aux moments difficiles de 1917, la réforme agraire et la liberté politique, et il importe de satisfaire les aspirations de la paysannerie. La fail ite de la démocratie Lhistoire politique de la Grande Roumanie commence sous d'heureux auspices Les lois agraires de 1918 et 1921 transférent a la paysannerie les biens de la couronne, ceux des propriétaires étrangers ou absents, limitent 100 hectares la propriété des terres arables. Le suffrage universel est institué en 1919. Les premiéres élections faites au suffrage universel portent au pouvoir la Ligue du peuple du général Avarescu. Les partis qui se disputent le pouvoir sont le Parti libéral (les freres Bratianu) et Je Parti paysan (Mihalache et Maniu). Une certaine nonchalance désinvolte et le godt de I’argent facile semblent caractériser désormais une bonne part des milieux politiques roumains. A cela s'ajoutent des problémes dynastiques: le roi Ferdinand étant mort en 1927 (la méme année que lonel Bratianu), son fils Carol, intelligent mais discrédité, est écarté au profit dun Conseil de régence; il remonte pourtant sur le tréne dés 1930 et parvient a décomposer totalement le systéme parlementaire: il impose un gouvernement personnel en semant Ia discorde dans tous les partis. Dans les années trente, les effets de la crise mondiale enlévent a la démocratie ses derniéres chances. La petite exploitation paysanne est resiée fragile (les réformes agraires 1n°ont donné en moyenne que 2 ou 3 ha a chaque famille). Or, leffondrement du prix des céréales touche directement la Roumanie, pays exportateur. Le paysan découragé se replie sur une économie de subsistance et la restriction du marché intérieur frappe Vindustrie, deja asphyxiée par la privation de capitaux extérieurs. Cette crise apporte avec elle les conséquences habituelles, chémage, bas salaires, conffits sociaux. Ce contexte économique et social permet la montée rapide du fascisme, lié a la personne de Comeliu Codreanu et au mouvement qui devient en 1930, aprés divers avatars, la Garde de fer (les légionnaires) Le programme de celui-ci est un mélange de christianisme de croisade, de nationalisme intransigeant et d’antisémitisme virulent L'ascension politique de Codreanu, jalonnée d’assassinats politiques (par exemple, en 1933, le ministre libéral Ion Duca qui avait voulu dissoudre la Garde), bénéficie de Puissantes et mystérieuses complicités. Aprés avoir paru se servit de Codreanu pour achever d’abattre les partis traditionnels, le roi Carol II décide de se défaire de Codreanu, qui est arrété ct exécuté a la fin de 1938. II promulgue une nouvelle Constitution @inspiration mussolinienne, supprime les partis politiques (seuls protestent luliu Mani et Dinu Bratianu, frére de lonel) et etablit une dictature royale. A la veille de la seconde le, la Roumanie est isolée guerre mondi LA SECONDE GUERRE MONDIALE Au lendemain de la Premiére Guerre mondiale, la politique extérieure de la Roumanie avait été entigrement orientée vers la France. Les objectifs étaient similaires maintien d'un statu quo territorial avantageux et protection contre le bolchevisme, ce qui explique Padhésion sans réserves de la Roumanie a la Petite-Entente de 1921 (avec la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie) et 4 Pentente balkanique de 1934, ainsi que la participation trés active de la Roumanie aux travaux de la Société des Nations et & I’idéal de sécurité collective. Mais, dans les années trente, tout change. Il y a a cela des raisons idéologiques, économiques et politiques enfin ‘Comme toutes les puissances menacées par le nazisme, la Roumanie pratique la politique du sauve-qui-peut, donnant des gages a I’ Allemagne ~ les accords de mars 1939 fui livrent Ie pétrole roumain-, tout en essayant de ne pas couper les ponts avec TOccident (garantie franco-anglaise en avril 1939), Aprés l’anéantissement de la Pologne et l’effondrement de la France, la Roumanie ne peut que s’aligner sur I’ Axe. Mais Hitler n’éprouve nul besoin de la ménager et, en quelques mois, la Grande Roumanie est démembrée: elle perd la Transylvanie de nord (le dictat de Vienne), la Bucovine et la Bessarabie (Ie pacte Ribbentrop-Molotov), le sud de la Dobroudja (1940). C’est une faillite totale que Ia Roumanie va tenter de réparer, mais elle ne fera que s’enfoncer plus avant dans le malheur. Le maréchal Ion Antonescu (le Conducator), homme intégre et populaire mais trés autoritaire, appelé au gouvernement par le roi Carol Il, force ce demier a abdiquer au profit de son fils Michel (sept. 1940), Le nouvel Etat, «national et égionnairen, est dominé en fait par Horia Sima, successeur de Codreanu, qui fait régner pendant quelques mois un régime de terreur (persécution antisémite, assassinat de Phistorien N. lorga). Lorsque P’Allemagne envahit Union soviétique, la Roumanie se joint a elle pour recouvrer la Bessarabie, dépasse le Dniestr. Mais cette action implique la guerre avec Ia Grande-Bretagne et les Etats-Unis, Au début de 1943, les divisions Toumaines sont enfoncées sur le front de Stalingrad. La Roumanie de 1944 & nos jours Le 23 avait 1944, la Roumanie change de camp lorsque le jeune roi Michel ler ose destituer et faire arréter par un coup d’Etat le maréchal Ion Antonescu. L’opposition Jon Antonescu existait de longue date chez les membres des partis national libéral et national paysan; les communistes, trés minoritaires (quelques centaines de militants), travaillaient de leur c6té s'unir aux forces antifascistes pour créer un front de gauche qui prendrait la reléve du pouvoir d’Antonescu. L’avancée des troupes soviétiques précipite ies événements. La Roumanie signe armistice avec I’U.R.S.S et la Roumanie déclare la guerre a I'Axe, engageant 550 000 soldats contre I'Allemagne. Le roi rétablit la Constitution démocratique de 1923 et forme un gouvernement dirigé par un militaire, le général Sanatescu Le coup o’Etat a prouvé que larmée dans son ensemble est restée fidele a la royauté, mais une nouvelle confrontation est en train de naitre entre, d'un cété, le roi et les démocrates et, de l'autre, les communistes et Moscou. Cette lutte pour le pouvoir dure trois ans. Lorsque le roi quitte le pays (1947), poussé a l’exil par les communistes, la Roumanie entre dans la guerre froide comme satellite de I’U.R.S.S. Cette longue période ne prendra fin qu’en 1989. Lrentrée en scéne des communistes et le processus de sovi 5 Le roi et les opposants @ Antonescu veulent batir une Roumanie libérale et démocratique. Les communistes ont un autre projet: réaliser, sous I’égide de Moscou, une révolution politique, économique et sociale dinspitation stalinienne. Les premiers mois qui suivent le coup d’Etat sont difficiles. L’U.R.S.S. conclut l'armistice avec la Roumanie le 12 septembre 1944: celle-ci doit 300 millions de dollars de réparations & V'URSS. et prend en charge les troupes soviétiques stationnées sur son territoire. La frontiére soviéto-roumaine est rétablie telle qu’elle avait été fixée en juin 1940 La Bessarabie et la Bucovine sont replacées sous la souveraineté soviétique et la Transylvanie septentrionale réintégrée dans les fiontiéres roumaines. Le Quadrilatére de la Dobroudja demeure bulgare. L’armée roumaine reprend le chemin de la guerre aux cotés de I’ Armée rouge; les campagnes de Hongrie et de Tchécoslovaquie font plus de 40 000 morts dans ses rangs. Cette guerre et la mobilisation imposée par I’U.R.S.S. sur le mot @ordre «tout pour le front» pésent lourdement sur un pays dont certaines régions, telle a Moldavie. sont en ruine. C'est dans une ambiance de compléte désorganisation que se réalise, Vinvestissement du pouvoir par le parti communiste. Moscou intervient directement en imposant au roi Michel, en mars 1945, le procommuniste Petru Groza, dirigeant du Front des laboureurs, qui forme le nouveau gouvernement. Des préfets communistes sont installés de force. Les élections sont manipulées, le vote truqué. Les résultats du vote truqué du 19 novembre 1946 donnent une victoire écrasante aux candidats de la gauche du Front national démocratique; et ouvrent la voie a un processus d’épuration des ministéres, Tl restera a évacuer le roi et a arréter et condamner les grandes figures de opposition. Nombre de personnalités de la haute administration et de la vie politique roumaine prennent le chemin de I’exil, vers Europe occidentale et les Etats-Unis, doi ils essaieront d’agir. Le 30 décembre, le roi Michel est sommé par Petru Groza @abdiquer et de quitter le pays La monarchie est abolie et la Republique populaire roumaine est proclamée avec l'aide du Kremlin, Les acteurs communistes de cette conquéte du pouvoir n’étaient pas nombreux en 1944, mais ils étaient soutenus directement par Moscou, oti certains, tels Ana Pauker et Walter Roman, ont séjourné plusieurs années. Le part élt a sa direction (19 octobre 1945), un homme de terrain qui a connu la prison, Gheorghe Gheorghiu-Dej, choisi par Moscou La Roumanie de Gheorghiu-Dej L’alignement de Bucarest sur Moscou se manifeste par la répression qui s'abat contre I’Eglise, contre les représentants des anciens partis historiques — Tuliu Maniu, chef du Parti national paysan, est arrété en 1947 et condamné —, contre certains communistes éclairés de la premiére heure ~ Lucretiu Patrascanu est arrété en 1948 Le pouvoir met sur pied un programme reposant sur les enseignements de Mars, Engels, Lénine et Staline, L’objectif est de faire de la Roumanie un pays «industriel et agrairey avancé dont le pilier serait la classe ouvriére. La collectivisation a un double objectif, pédagogique et économique. Elle s’accompagne dune pénétration des villages par les activistes du parti, et de répressions lorsqu’il y a résistance. Les paysans récalcitrants sont exécutés ou déportés vers les steppes du Baragan.. En ces premiéres années de la décennie 1950, la soviétisation bat son plein dans un cadre russifié: le livre Tusse est largement diffusé, l'Institut d°études roumano-soviétiques est fondé en 1947, et Institut Maxime-Gorki en 1948. Pras de 8 000 textes et ouvrages sont interdits en 1948 Des campagnes censurent les intellectuels cosmopolites, la norme est le réalisme socialiste. L*histoire célébre les Soviétiques et les grandes victoires de I” Armée rouge, la linguistique gomme les racines latines de la langue roumaine et souligne les aifinités slaves de la roumanité (le manuel d’histoire de Roller), La Roumanie socialiste: entre résignation et adhésion, Dans ses institutions comme dans ses structures économiques, la Roumanie socialiste présente un profil similaire 4 celui des autres “démocraties populaires” : toute- puissance du parti unique, économie planifige, nationalisation du secteur privé, collectivisation, Dés son arrivée au pouvoir, Petru Groza entreprend la collectivisation des terres (achevée en 1962) et la nationalisation de l'industrie naissante. Pendant les années 50, la Roumanie 2 été dirigée d'une poigne de fer par des communistes particuligrement intransigeants: les tribunaux sont parfois dirigés par des opportunistes féroces dont plus d'un million de personnes seront les victimes; intellectuels, prétres, propritaires terriens, professions libérales, voire toute personne suspectée d'avoir une Education élevée, sont systématiquement emprisonnés, déportés, soumis au travail force dans @horribles conditions (prisons et camps de travail foreé: Gherla, Aiud, Pitesti, Sighet, le canal Danube-Mer Noire) et méme sommairement exécutés. Evidemment, leurs biens sont confisqués par ces tribunaux. Les derniéres années de la décennie 1950 sont caractérisées par un début d’ouverture et une trés légere detente intérieure, que concrétisera la libération des détenus politiques en 1963 et en 1964, Les succés économiques et les promesses d’une poursuite de ces succés renforcent la légitimité du régime, A partir de 1962, refusant de s‘aligner sur les positions de I'URSS en politique internationale, la Roumanie s'écarte sensiblement de lorbite soviétique; Le réglement de la succession de Gheorghiu-Dej, qui meurt en 1965, se fait sans heurt. Le temps de Ceausescu, apogée et rise, Le camarade Nicolae Ceausescu est choisi lors de la séance pléniére du comité central du 22 mars 1965, A l’époque, on sait peu de chose du personnage. L"homme est né & Scomicesti, dans le département de POlt, en 1918, dans un milieu de paysans pauvres; il quitte sa commune natale pour s’installer a Bucarest et est repéré par la police dés 1934 du fait de ses activités politiques, Parmi les objectifs majeurs de la nouvelle equipe communiste figurent Pachévement de la collectivisation et V'industrialisation galopante. Cette industrialisation est assortie d'un déplacement des populations des campagnes vers les villes. Le c6té prométhéen des mutations économiques et sociales ne doit pas masquer la faiblesse du niveau de vie. Le secteur social est sous-développé, mais la population roumaine, majoritairement d'origine rurale, semble accepter cette pauvreté, se contentant encore des espoirs placés dans le futur et du prestige extérieur dont semble jouir le pays. Il n'est pas rare d’entendre parler de Ceausescu comme de «notre Ceausescu» La Roumanie se démarque progressivement de l'Union Sovietique et une certaine indépendance militaire et politique vis-a-vis de Moscou se fait jour: elle maintient, notamment, des relations avec la Chine et Israél, et, en 1968, ses troupes n’interviennent pas & Prague avec celles du pacte de Varsovie; simultanément, se manifeste une certaine autonomie économique (aprés avoir refusé la te du travail en 1962, la Roumanie multiplie les liens avec 'Occident et fait appel aux capitaux occidentaux pour développer lindustrialisation, adhésion au FMI en 1972) Le régime semble trés solide. L’encadrement de la population ne se reldche pas et, en 1966, l'avortement est interdit. En 1967, la famille est contrélée par des mesures qui rendent difficile le divorce Les horaires de travail sont tres réglementés et la discipline dans les entreprises est renforcée. Le pouvoir se personalise. Ceausescu commente a placer sa famille aux postes clés, Elena Ceausescu entre au comité central lors de la conférence du parti de juillet 1972, En 1980, elle deviemt vice-Premier ministre. Le fils, Nicu, sera ministre de la Jeunesse et premier secrétaire de I'Union des jeunesses communistes; en 1987, il accédera au poste de premier secrétaire de la région de Sibiu. Le noyau dirigeant se resserre, En novembre 1974, le X1€ congrés du parti entérine l’abolition du présidium et remplace ce dernier par un bureau permanent de cing membres, issus du comité exécutif. Le cercle des conseillers se réduit. La fonction de président de la République est créée pour Ceausescu. Le culte de la personnalité s’installe et se développe, Ceausescu est qualifié de Conducator, de «fils le plus aimé de la nation» et de «resplendissant militant révolutionnairen. Les louanges ne cesseront plus jusqu’en 1989, et Ceausescu incarnera a la fois les grandes figures de Vhistoire, telle celle de Michel le Brave, et la vigueur de la nature: il est appelé aussi «le Danube de la pensée». Les enfants des écoles composent des poémes a sa gloire et les artisans produisent des faiences de facture traditionnelle a Veffigie du couple Ceausescu. Les hommages adressés au président a l'occasion de ses soixante ans sont une somme des manifestations de ce culte. Une révérence idéologique est associge a cette célébration. Les éditions d’Etat publient les textes @histoire et de sciences humaines assortis des pensées du chef de I'Etat offertes en exergue. En fait, quelque chose se détraque dans le systéme; Ie culte de la personnalité et la mobilisation idéologique masquent un piétinement puis une déroute dans la réalisation des objectifs de V’économie et des espoirs d’un mieux-éire de la société Le dévoilement des faiblesses. La Roumanie s'est lancée dans I’industrialisation sans disposer des ressources énergétiques suffisantes ct avec une faible productivité du travail. Elle subit de plein fouet les deux chocs pétroliers des années 1970. Le régime, qui s’obstine, pense trouver une parade dans Ia fuite en avant: les formes et les moyens de contréle de la population sont renforeés, puis un revirement nationaliste allant au-dela de la défense de l'intégrité territoriale et de la ligne autonome du parti entend plonger le pays dans un isolement qui se prétend porteur de grandeur et d’exemplarité. Le premier geste date de juillet 1971. Lorsque le chef de I’Etat annonce une reprise en main de la propagande par le parti et une mise au pas des intellectuels et de Pensemble du monde de la création artistique, qui avaient «oublié» la finalité socialiste de leurs tches, le choc dans le monde intellectuel est rude, Cette option communiste- nationaliste se double du renforcement d'un Ftat policier, qui sous Ceaucescu va prendre rapidement le visage caricatural d'une dictature personnelle, et la singularité de son cheminement politique place la Roumanie, déja économiquement en retard par rapport 4 ses voisins occidentaux, dans une dynamique d'isolement international qui va lui imposer de se rapprocher & nouveau de Moscou sur Ie plan économique. Malgré la puissante Securitate (police politique), les années 1980 voient se multiplier les oppositions Ceausescu: tyran mégalomane et ultranationaliste Nicolae Ceausescu, ancien cordonnier, pousse a son extréme Tidentité collectiviste, sous tous ses aspects, quiils soient négatifs ou positifs, Il s‘engage enfin, sur 8 la voie-trés controversée de la "systématisation” od l'on rase quartiers, banlieues et villages pour reloger les gens dans des cités dortoir doit notamment les fameux " blocs "(HLM), qui sis défigurent beaucoup de quartiers, ont donné un logement nombre de familles qui arrivaient dans les villes. La Securitate (milice politique) est alors toute puissante et la population souffre de trés nombreuses restrictions Srappuyant sur la "Securitate" - police politique aussi omniprésente que la paranoia était générale - Ceausescu, tyran mégalomane et ultranationaliste entreprend des chantiers "pharaoniques" et souvent inutiles. Révant dautarcie, il néglige la misére grandissante des populations pour réduire la dette extérieure La chute des Ceausescu. Ceausescu a perdu toute orédibilité & lintérieur, et son épouse est hale pour son usurpation du pouvoir, le Conducator est condamné par les tribunes internationales et critiqué par la direction soviétique, qui s'est engagée dans Ia perestroika. Il va suffire dune semaine pour éliminer le couple et porter au pouvoir, dans la confusion d'un coup @ Etat accompagné dune insurrection populaire, un groupe de communistes réformateurs dont les figures de proue sont le futur président Ion Iliescu et son chef de gouvernement Petre Roman. Les événements de décembre 1989, qui commencent & Timisoara a occasion d'une manifestation de soutien en faveur d’un pasteur hongrois, Laszlo Tokes, déplacé d’office, n’ont pas été tout a fait éclaircis, La chronologie des manifestations débute 4 Timisoara, ou I'armée tire sur la foule, et rebondit les 20 et 21 décembre a Bucarest. Deux éléments restent cerner de plus prés: le degré de préparation du coup Etat par Iliescu et son entourage, dont on ne sait s’ils auraient agi seuls ou en liaison avec les Soviétiques, et le réle de l'armée, qui, aprés avoir exercé une forte répression, prétend se démarquer des forces de la Securitate et déclare sa solidarité avec le peuple le 22 décembre. Quelles sont les responsabilités respectives de Parmée et de la Securitate? Encore mal élucidées dans leur déclenchement et dans leur déroulement, les tragiques journées de la révolution nationale, a Timisoara et a Bucarest en décembre 1989, en sont Taboutissement: au terme de violents combats de rue qui firent «officiellement» plus d'un millier de victimes, le régime communiste fut renversé et le couple Ceaucescu fut exécuté. Le rdle joué par les agences de presse de Yougoslavie et de Hongrie, qui ont fortement dramatisé le caractére sanglant des événements, est difficile a évaluer avec exactitude. Le chef de Etat roumain, qui a tenté de contrOler la situation en s’adressant directement a la foule le 21 décembre, est arrété avec sa femme alors qu’ils tentent de prendre la fuite. La radio nationale passe entre les mains des insurgés de Bucarest; un Front de salut national prend le pouvoir Des figures nouvelles s'imposent: Comeliu Manescu, Silviu Brucan, Gelu Voican. Les visages des dissidents Doina Comea, Ana Blandiana, Mircea Dinescu apparaissent sur les écrans 4 cété de ceux des communistes réformateurs. Le lundi 25 décembre, peu avant 21 heures, la télévision annonce la condamnation a mort par un tribunal extraordinaire de Ceausescu et de sa femme, ainsi que leur exécution. On connaitra plus tard la composition du tribunal et le réle joué par le général Stanculescu dans l'organisation de ce proces expéditif et de l’exécution par balles qui le suit, Ces journées menées dans la confusion qui répondent la fois & une volonté de changement

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