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‘Manrine PECHARMAN CNRS.CRAL. PORT-ROYAL ET L’ANALYSE AUGUSTINIENNE DU LANGAG! Dans un texte qu'il a publié en 1969 sous forme de préambule a une réédition de la Grantmaire générale et raisonnée d’Amnauld et Lancelot,’ Michel Foucault souligne que, gece a cette ceuvre (et c'est la ce qui fait @elle une ceuvre-charniére), «l’analyse de la langue [...] voit s’ouvrir devant elle une tiche encore inédite: rechercher Ia raison des usages» (p. vin), Cette «raison», dont Passignation rend transparents les faits de langue particuliers en les suborconnant & des lois universellement valables, renvoic 4 un ordre que Ja suite du texte de ‘Foucault caractérise comme ordre de ce que les hommes en général peuvent vouloir dire» (p. x). elle est la mutation épistémologique opérée par Port-Royal dans Vhistoire de la grammaire: montret la «raison» qui est au principe des formes lin- guistiques différenciées et qui n’est pas elle-méme d’ordre linguistique, mais, écrit Foucault, de Pordte «de ce qu’on veut exprimer, de la fin qu'on poursuit en parlant» (p. xm), Pour cette grammaire générale et raisonnée qui tient le «vouloir dite» pour «ordre immanent toute parole pronon- cee» (la formule est encore de Foucault, p. xiv), il ne saurait y avoir de ragles qu'incorporées aux énonciations effectives tout en étant fondées dans des principes expliquant «comment elles permettent de dire ce qu’on veut dize» (p. xxv). Autrement dit, nous ne parlons jamais sans que la parole prononcée ne se conforme a des régles et analyse de ces demnigres doit elle-méme reposer sur lanalyse générale de Pénonciation comme effet une intentionnalité. 1 Asnautp et Lavertot, Grammaite générale et ratsonnée, avec Jes Remargues de. Ch. Duele, Introduction de M. Feacault, Pais, Republications Pault, 1969 (ete elntroducton cat par ailleurs reprise dans M. Foucaut, Dits of dents 19341988, 1, 1954-1969, Paes, Gallinard, pp. 732732), — 101 — MARTINE PECHARMAN Lk avoULOM PaRLER> b’AvGuSTIN Cette restructuration de lepistém linguistique par la Grammatre géné rale et raisonnée de Port-Royal peut-elle se voir attribucr une paternité augustinienne? I est notable en effet que la discussion sur le langage par laquelle stouvre le De magistro® d’Augustin ne parte pas de la question directe «Qu’est-ce que parler?», et ne commence pas par une définition de la parole, mais que la demande inaugurale dans ce dialogue porte sur Ja volonté qui se manifeste dans le fait méme de parler: «Que voulons-nous faite [..] lorsque nous parlons?» (I, 1, p. 43), Parler est immédiatement considéré non seulement en tant qu’espéce de l'agir ou faire («ageren, I, 2, p. 48), mais comme action que Pon exerce volontairement. Le langage est une action, mais ce nest pas une action naturelle, il n'y aurait pas de “parler”, sans un “vouloir-parler”, Toute la question pour Augustin est analyser ce vouloit-parler comme un vouloie portant sur une action qui ne trouve pas sa fin en elle-méme, c'est-A-dire, qui ne s'achéve pas dans le locuteur. Parler est une action non pas immanente mais transitive, une action qui produit? son effet en dehors dVelle-méme, dans un autre que le locuteus, L'interrogation sur efficience de la parole ne fait alors qu'un avec le probléme de sa cause finale: demander de quoi le locuteur veut que sa parole soit la cause efficiente, c'est demander «pour quelle raison» («guar ob causamer, VIL, 19, pp. 90-91), & quelle fin, nous parlons, La question de la fin du langage doit se prendre, pour le De magistro, la fois ou de maniére inséparable comme la question de la fin en vue de laquelle la parole a été instituée (wesse institutams lacutionene, T, 2, p. 44) et comme la question de ce que chaque locuteur veut faire en parlant: la fin de Pinstitu- tion du langage ne se distingue pas de la fin de chacun de ses usages indi- viduels, Parler, en chacune de ses occurrences, c'est renouveler indéfini- ment Pacte institution méme du langage. Crest done strictement par rapport & cette question de la fin visée par Tinstitution e/ou Pusage de la parole, que se construit avec Augustin le défi nition de Ja parole donnée dans le De magisiro en I, 2: «Celui qui parle [..] donne de sa volonté un signe extérieur par le son articulés («guif...} laguitun, 2 Nous silsons Pétion établie pur Goulven Madcc, dans le volume 6 des Guores de Suit Augustin, «Bidlioni’que Augustinienne>, Paris, Derelbe de Brouwer, 1996 (repr, Inst (@Ehudes’Augustinionnes, 1999) 2 La queaion inaugural du dialogue utilise nar efficere velo, con logins) le vere weffceren (2 1, p42: «Quid sbi vide. — 102 ~ PORT-ROVAL ET I’ANALYSE AUGUSTINIENNE DU LANGAGE suse voluntats signwn foras dat per articulatum sonny, pp. 44-45). «Parler», comme le dit de maniére plus bréve le De dialectica, «est donner un signe au j moyen d'un son articulé> («Loge est articulata voce signumt dares).* Signum dare ox sigyum voluntatis dare, les deux formules sont équivalentes, si bien quill faut tenir la volonté a la fois pour le principe et pour lobjet du signe qu'elle donne: d'une part, iln’y a jamais de donation d'un signe que volon- taite, et tout signe institué est nécessairement le signe de la valonté qui le donne avant d'étre, pat un effet de cette volonté, le signe de quelque chose; autre part, il n'y a jamais wutre chose de signifi par un signe intentionnel, qu'un certain état volitif de lame. La «raison» de Pusage de signes tels que les sons vocaux articulés, cst la volonté de dire sur quoi se porte la volonté, & quoi elle se rapporte. Le langage est institué pour se signifier les uns aux autres, par Pinterlocution, le désir de chacun d'@tre entendu, et d’étre recon, pu par autrui en tant qu’dme désirante, L’enfant gui commence a parler évoqué dans les Confessions, I, VILL, 13,° constitue & cet égard un cas para- digmatique: le vouloie-parler est une volonté d’exprimer ses volontés, les <éntentions de [son] cocur», «sensa cordis».° Le passage de Pinfatia& la pue ritia, du non-langage au langage, ne saurait méme, du point de vue de ce que veut ime, constituer un saltus, ily a au contaire continuité entre le vouloic- parler du pueret la volonté déja présente chee! infans de trouver les signes hui permettant de manifester aus autses ses intentions ou sentiments («signa, qué bus sensa mca nota als facerem, jam in fine infantiae quacrebart», 1, VI, 10)? Etre et vivre, pour homme, ne sont pas en effet séparables de la possession @une volomté,* qui donne a chaque individu le sentiment de sok: selon le pre- rier livre des Confessions, vouloir exprimer son vouloie est, par excellence, un désir constitutif du so 4 Cet extrait est cité par G. Mader dans le rablesu comparatf du De magitro et du De di Ieeiea qu'il donne en note de son Edition (eNotes complémentaces,p. 333). ® Pour une leciae devenue fameuse de ce passige comme soutenant Mdentté entre Io signification dan mot et Fobjer que ce mot sere A nommer, voir L, Wirrcewsrein, Phil Sepia! Investigations, wanalated by GEM. Anscombe, Oxford, Bal Blackwall, 1978, 1, § 1 pre © Nous teprenons ici Ja traduction proposse par Patice Cambronne das Jédition de la ude (Saint AUGUSTIN, Ler Confessions précédées de Daiogues philoopbigues, in Eivores, 1, dition publige sous la direction de Lucien Jerphagnon, Pars, Gallimard, «Bibliothque de Ia Piginden, 1998, p, 750). Pour le texte latin, ut porte «sense cords mer, voir Bveres de Sone Augen, vl. 13, Paris, Desde de Brouwer, «Bibliotheque eugustniennen, 1962, p. 296 7 Wid, p. 288, * Le passage cue noys renons de citer dans Confessions, I, VI 10, p. 288, commence pat les nits: conan ent ef bean clint Lae et sig [}e. CE NI, Ii, 5, p. 586: wlan seebam me | babere volustaen gaan me siveres, — 103 — MARTINE PECHARMAN Les sons vocaux atticulés se trouvent donc désignés, dans la definition du parler que propose le De magistro, comme faisant partie de ce qu’Augustin appelle ailleurs (dans la bipartition des signes du De docirina ebristiana, U1, 1, 1) des «signa date par opposition aux «signa naturalian? Ala difference des signes dits «naturelo» qui «d’eux-mémes, font connaitre quelque chose d’autre en plus d’eux-mémes» («praeter se aliquid aliud ex se cognosci faciunt», p. 32), la vox articulata qui entre dans la définition du «parler» comme «signifier» ne peut remplir sa fonction de signe, autre. ment dit, ne peut, érant pergue, faire connaitre autre chose qu’elle-méme,"° ue parce qu’elle est destinge de maniére délibérée a produize cet effet cognitif. Les sons vocaux articulés du De magistro, comme tous les signes dependant d'une donation (les «signes institués» ou «signes intention. nels»), supposent une volonté de signification, un <«appetitus significan- di. La definition générique du signe comme dune chose qui fait venix a esprit de celui qui la pergoit, en plus de son apparence sensible, quelque chose d’autre, se trouve infléchie par cette détermination volontaire de la signification: quand le passage, dans esprit du donataive du signe, de la chose immédiatement pergue @ autre chose quielle-méme, dépend d'un vouloir signifier du donateur, c'est que la chose a connaitte 3 partir du signe n’est pas, pour utiliser le vocabulaire atistorélicien du début du Peri Herméncias (16a35q,), de Vordre des pragmata, des choses dans le monde, mais de celui des pathemata #2: psuches, des états de l’ame. Vouloir produire une connaissance dans esprit d’autrui au moyen et 4 partir d'un signe, c'est, de Ia part de Pusager de ce signe, vouloir faire connaitre & autrui quelqu’une de ses conceptions ou quelqu'an de ses sen timents. La transitivité qui définit le procés sémiotique en tant que tel (faire passer Ja pensée de la perception d'une forme sensible a la saisie intellec- twelle d’autre chose) se redouble alors d'une transitivité intersubjective: comme le dit Augustin dans le De doctrina christiana, le donateur du signe » Nous nous seférans & 'éltéon du De doctrina christians pat Joseph Mactin (Torah, Brepols, «Cotpus Christianorum, Series Latina», vol. XXXII, 1960), Rapplos a dfn ol ied ie De dc crivion U1: gra ot emi res preter specienn, qua ingerit senvbus,aliud aignid ex se facens in cogitattonemt veniren (le signe ext, en effet, une chose qui, en plus dea forme qu'elle ote aux sens, fait vent, Gelle-néme, quelque chose autre ala pensée>), De méme dans le De delecice, 5: wuignam est quod ot ips sens et practer se aliquid anime, ostendits (le signe est ce ul, ea se presentant soisméme ala sensation, présente encore autre chose que sob-méme 4 Pespatt). Cenc expression est tise, dans le De doctriva cbitina, sue le mode privet (sine L.) allo appetitu sgnficandi) dans la Ulinition des signa natura (Ml, I, p. 321. On trouve de svéme plus loin Vexpression exine coluntate sgnficandé» (I, 3, p. 33) — 104 — ion ‘na itre ese nes PORT-ROYAL ET L'ANALYSH AUGUSTINIENNE DU LANGAGE a pour fin de «faire passer (éraicere) dans V'esprit d’autrui ce que [lui- méme] a dans lesprity."? La volonté de signification qui dirige Pinstitution et Tusage de la parole selon Augustin nous fat ainsi découvrir que Pexpres- sion des pensées par le langage n'est pas, comme on aurait pu le croire sur Je modele de Pberméneia atistorélicienne, une relation qui commence dans les choses et s'achéve dans les mots par la médiation des concepts, mais une relation qui commence dans V'esprit du locuteur et qui doit trouver son achévement dans lesprit de Pauditeur par la médiation des mots: si Ja signification est bien une relation transitive, cette transitive ne tient pas ila duplication ou réitération aristotélicienne de la relation sémantique (Cest-a-dire & une réitération qui conduit a faire de la signification ditecte des concepts une signification indirecte des choses elles-mémes et & tenit les mots pour les signes des choses du seul fait quis sont les signes des concepts). La transitivité de la relation sémantique met ici en jeu deux esprits, celui qui donne le signe et celui qui regoit le signe, et le probléme de Vexpression de mes pensées n'est pas seulement celui de la possibilité pour les mots que j'utilise d'étre les signes de ma pensée, mais celui de leuz possibilité d’étre pour autrui les causes de la formation d’une pensée comme la mienne. La définition générale du signe, avant la distinction par Augustin des signa naturalia ct des signa data, fait apparattre que le procés sémiotique se satisfait, pour son accomplissement, d'un seul esprit, celui pour lequel la perception sensible d'une chose a pour effet immeédiat ui congoit & partir de la la pensée d’une autre chose. Mais, quand la rela- tion sémantique n’est pas naturelle et que le signe est «connés, «intention- nb», le passage du signe a la chose signifiée est insuffisant a déctire la tota- lité du processus de signification, ou plutat, il ne parvient a le décrire qu’a la condition de dédoubler la relation sémantique, de désenvelopper, en quelque sorte, une deuxiéme relation enfermée dans celle du signe a la chose qu'il signifie: en effet, Ja transition du signe & ce qu'il signifie implique alors la réussite d'une communication d'espeit a esprit entre le donateur du signe et son destinataire, Qu’un signe intentionnel fasse accé- der Pesprit qui le regoit & une connaissance immédiatement causée par la perception sensible de ce signe, revient & faire participer cet esprit & la méme pensée que l'utilisateur du signe, L'inférence du signe a la chose signifige recouvre ainsi, pour Pesprit qui opére cette inférence, Paceés 4 De docrina cbvistana, I, 1,3, p.33: eNec alla conse est nobis sgnificandi i ext signi ai wis ad depromenta et raendion aera enirno, quod oni gv gu sin — 1065 — MARTINE PECHARMANS ‘ton seulement 4 un autre mode de com si, par cette intellection, cognitif d'un autre esprit, fige est alors inséparable d' jet mental de la sensation a ccace de tout signe, n’ deux esprits differ ftte ame. Mis au service de Vppettus significant Procés sémiotique devient le moyen, pour Pintellection 9 laquelc na esprit Poe ae lt & pati d'une certain perception sensible, dere sen cpet 13" SSPtt Comme ce quill posséde alors en commun avec un eee esprit,!3 vouloie signifier: alors due la definition générale du signe s'accommode aust bits dey soli. potme, ‘application de cette definition aux signes dépendant Pane meen tion de signifier oblige a intégret, a la relation de signification, la relation & Pauttesesprits faut que es mots queje prononce pulners coc, repus par pout ane des significstions que je lui destine, pour que la rslaton na, pourrait-on dite, la transition sémantique, soit termvinew L/arontr SEMANTIQUE DBS MOTS SELON AUGUSTIN Dans sa dimension purement phénoménale, action volontaire de pat ler consiste seulement, comme le souligne Adéods dans le De magistro, § Bev oi a eadacon Fj Sa Recor a ne eee Peitosophigues, ed, Pltinde, vo 1, p. 342: aquand Ie nace dele dee toe bouche et cul Fenda e pene aac 15 pensé avant Gee de ou cn das, sue acne Peurdc nous penne mte temps neve power us K.D0m mime a en quelque sore, raja de tl ane eee ul map: Ponezait & moi par Fintermédiire de mes others — 106 — PORT-ROVAL ET V”ANALYSE AUGUSTINIENNE DU LANGAGE «prononcer des mots» (averba promeren, I, 1, p. 42). Mais ce n’est pas a dire que Varticulation de la voix, qui fait la nature physique de la parole én tant que production de sons distincts les uns des autres, fasse toute la nature de la parole: la prononciation des mots reste bien en deca de ex pression verbale. La restriction augustinienne du langage, de la edocatiow, aux «mots qui résennenb» («sonantilal verbla}», 1, 2, p. 46), est insépa- rable dans le De reagistro de son irréductbilité a un phénomene seulement sonore: le phénoméne de Ia parole est immédiatement sémantique et non pas simplement acoustique. Comme le dit Adéodat 4 Augustin, «par cha. cun [des sons] qui sortent de ta bouche, tu me donnes un signe pour me faire comprendre quelque chose» («ornibus [somis], quae ore io enum. pint, signe mibi das, ut aliquid intellegam, TI, 3, pp. 50-51). A la fagon du De dialectca, 5, qui définit le mot comme signe «proféré par un locu- teur en sorte qu'il puisse étce compris par un auditeur»,"* le De magistro peut ainsi définir la plus petite unité du langage comme «ce qui est proféré comme un son de voix articulé avec une signification» («quod cum aliguo significatu articulate voce profertur», IV, 8, pp. 62-63; cf. TV, 9, pp. 66-61). La description seulement phénoménale du langage comme prononciation dle mots, suffit done en fait & le définir eomme une action non-physique: Ja parole est usage de mots et non pas simplement de sons, les mots sont itréductibles aux sons dont ils supposent pourtant articulation, La radi- cale extétiorité du langage a Pesprit («sigmm foras dat», dit la description du locuteur dans le De magistro, I, 2, p. 44) comporte en effet un risque qu’ Augustin prend soin d'éviter, & savoir, le risque de prendte la fin (a signification) pour réductible a son mayen (la prolation verbale), ov, pour le die autrement, le risque de faire assumer par le signe dans sa matérialite toute la charge de la signification. Parler, c'est proférer des mots, mais cela rnc revient pas & admettre que la signification des mots ne fasse qu'un avec des sons mémes de ces mots: Augustin insiste & plusieurs reprises sur fab surdité attachée a la thése de V'identité, dans la parole, du son et de sa ignification. Absurdité, car la chose signifiée n’aucait plus alors un statut urement mental, mais ce serait un étre réel, qui devrait, comme le son, tre proféré, asortir de notre bouche» («ore nostro exiren, De magistro, VAIL 23, pp. 104-105), ma bouche donnerait passage 4 une béte feroce 1 Le text ain de ect extrait et cit par. Made dans les «Notes compllznenaitess de $00 dion du De megiuo,p. 33; «Verbum ext sucuasqu re sg, quod ab donc pos ‘ella a laqueneprlatann, Nows medion a nshstion proposes dans M. Banat F Deore, Anette lignite dons Pansat classique, Pa, Klncsiec 1981 p21 — 107 — NARTINE PECHARMAN », Ou a Pastre solaire en disant le mot «soleily,!5 Plus faire connaitre a d'autres esprits les ipvit des choses, Augustin, la croya sieoifie reviendcait&réifier-ou hy Pat le locuteur, a faise du signifcanduns ‘on plus la pensée d'une chose, mais cette chose elle-méme. Pour conserver a la signification son status idécl, Fextériorité cu langage, phénoméne extra-mental, doit done érre rem ue inséparable de la thise de Ualitité du signe et de In chose signfice, ‘fue chose est le son, autre chose la choos Quill signifien."® Crest sur cette i eppuie Vaffirmation de la naturalité de la dant les signes,Vattention de Pespritse por, fe aux choses signifiéess (eu anditis Signis ad res signficatas feratur inten. fo», VIIL, 24, pp. 108-109) 27 La signification Suppose nécessairement que i naturelle de la signi cum aliguo significaty nie, car leffet produit ot Iui-méme, du mot antique n'est py le montre la distinction faite “diction, sion peut dite que | est produit dans Fesprit pac le my Temot est a cause effciente dans cause: le dicibile ion deat, woe wspecvenet De may, VIL 2, 104105 ot La Pevenion de Fan, ye. Pade vel eae De i , cl i i de Fe, 5,» 38 (eu chose, dese ton, sare Br none meh, EV 8 Sane ean co etm, te Sen me cd srl eid gai de 1 Traduction lisse mode "lt pour cette forule, De magi, NY, & p62 TV, 9 p. 66 — 108 — TORFROYAL ET LANALYSS AUCUSTINIENE DU LaNGAGE dles mots, le wsens» des mots, est fermé» (cinclusumn)”? dans Vesprit prement parler il n'est jamais dane Je 4h case départ: selon Ja deusitme parti telque chose de mental, il est «ren: urement intrieut & Yesprit. A pro. Mot. On se trouve ainsi renvoyé a © du De magiiro, les mots n’échap se glisse, par des oteilles (ferbuer) que nous avons dans ie coeur denn Wocutiod»£ , qui consisterait, «sans proférer aucun son», a «fpenser] les mots eux-mémes» (I, 2, pp. 46-47), Selon cette conjecture, il sufftst, pour parler d'un «langage intéticucy, avoir égard aux mots en tant quils sont conservés dans la mémoire, qui les tourme et retourne en elle-méme, faisant avec les images des song comme elle fait avec toutes les images de choses corporelles:” Comme le montrent en effet les Confessions, X, VII, 12, clest dans les «vastes Palais» de la mémoire que sont enfouis «les trésots des innombrables ima &es apportées par les perceptions d'objets de toutes sortes» (pp. 161-163), et il est établi dés le live I, VIM, 13, que usage du langage ne s’apprend lui-méme que gréce a cette thésaurisation: c'est parce que ma mémoite ala capacité de conserver tout ce dont je fais expérience, que je peux appren- dre & parler, non pas sous Ja conduite d'un maitre extétieus, mais, comme le dit Augustin, «ego ipse menter,** par moi-méme, par les seules ressour ces de mon esprit. La compétence linguistique s'acquiert dans Pintériorité méme de esprit que Diew a donné a T’homme, Vinfans devient un «puer Joquens» (p. 296) parce que la nature cxéée de la mens est d'étre Pabord tune mémoite. Sans la capacité mnémonique, les scénes quotidiennes of Vinfans voit que Yon redouble V'atticuation de certains sons en désignant du geste un objet, ne lui serviraient pas & apprendre peu a peu les noms communément donnés aux choses sensibles, comme s'il assistait chaque fois a leur premiére imposition.’ Fussent-ils appuyés de gestes, les sons Prononcés en présence de I'nfans ne deviendraient jamais pour lui des «mots» servant 4 nommer les choses autour de lui et par la a manifester 4 autrai un désir ou une aversion & Pégard de ces choses, si son esprit 3 Aurustn, dps ce passage du De magia, déoumne hypothe un lange itsiue ides tla penste des mots exrméies, de igo & coroboret aration dae fale rae ‘monigue di langage cnemon cet tera obteren ee revotenda eat oot ‘Bis guaran ase sunt verbo» p48). Pour Forging seible des tos pe i Contesons, XXIV, 22 cn memoria westra(.} sons noninansecunion ogee eee, sonst copa [ivan (, 180), Povr ane ul ceodis ke age eae tes des sons, vol inal, De Thntate,X,V. 7, p. 136 limuginesoponnt oacekaey A, XB, p. 468 tenant [] apne coptione obliges 3! Nou abrégsons ila formule complies (egos mente guar dedi mi, dews meas, a cit, p. 296), gu rppome cette aequistion autonome du nage tla nature dc oe Fe % es Confessions, XM, 2, insistent sur la valu de convention au’ propos des exes ses de Taphabet (ettdon id pation e plac, inerse boots eee Pree, R312), autement di, 2 propos dim appreniaps Gependan crn ace arama Dans Festo-appentisge do langage del, VIU, sce en pas soma eee dls comme signe dtentionnel que le mes soat eens pa Tenant Pea Ie ee etsentin, volt De dec tana, 1 STV 9 = 12 — sig me da fai x 2 PORT-ROYAI, ET L'ANALYSE AUGUSTINIENNE BU LANGAGE nvavait pas la Faculté de conserver les traces ou vestiges de cette expérience. Le geste d'ostension™ permet, pour sa part, de distinguer, dans le flux sonote de tout ce que l'on a entendu, quel est le son qui, comme ce geste, porte Ia désignation de la chose qui est alors P'objet d'une demande ou d’un rejet. Mais les seules perceptions concomitantes de ce geste, de ce son et de cette chose ne suffiraient pas & faire de I fafans a son tour un locuteus: il faut pour cela que sa mémoire recusille et retienne, sans les délier, Fimage de tel son et limage de telle chose. Comme le dit le De magistro, X, 33, pp. 128 128, sur exemple du mot «caput», «téte», un mot ne peut pas étre identifié comme tel au moment méme od Yon pergoit pout Ia premiére fois les sla. bes le composant, il ne devient un mot pour moi qu’en étant compris et rete- ‘nu comme le signe d'une chose dont j'ai par ailleurs la connaissance.** L’usage du langage se fonde ainsi sur Pintégration 4 la mémoite, sous effet dela volonté qui anime I'esprit humain,>° des deux termes du procés sémio- tique, le signe et ce qu'l signifie, Or, pour Augustin, il ne suift pas, pour déterminer ce qui assure une signification de sa constance & travers toutes ses incarnations sonotes, de convoquer la capacité qu’a la mémoire, dans Je silence des mots, de faire revenir & Vesprit les images des choses quills signifient, simplement en tournant et retournant en elle-méme les images de leurs sons. Il ne suffit pas de rentrer dans les «vastes palais» de la mémoite, of Lacies cogitantis du De Trinitate,** la vision interne elle aussi mue par la volonié, trouve toujours assez d'images de sons pour exercet le travail de remémoration des choses signifiées; il faut aller plus profond dans Vintériorité et faire du vouloir-dize un principe antérieur non seule- ment 4 la parole prononcée, mais aussi a la parole pensée, qui n’est jamais faite que des images des sons propres 4 une langue donnée. L'identification du langage intérieur aux mots seulement congus se trouve pat la méme récu. sée. Le véritable verbum, le verbe véritablement intérieur, celui gui assure esprit d'étre vraiment chez soi («apud se»*”) et de ne pas en sorti est 3 Un passage du De magitro suligne que cet usage du geste de désignation n'puise pas le champ de Fostension, qui peut aussi se fare sane tignese (il, 5, pp. 54°50), oi A compares avec Confesions, X, XV, 23, pp. 180-182, ot Augustin souligne que signi fication des noms donnés aux choses se apport toujats meme lorsque ces choses Sout presen tes) aux images que la némoixe conserve celles, 3 La volomté quia linfors de Confessions I, VILL, 13, dexprimer ses volontés, ne patvient gn effet tre satisfac que parce que c'est elle-méme qui «grave les mots dans le mémolte (el De Trintat, XI, VU, 15, p 203), % Pour ls notion d sacs cogitantio, voit De Tristate, XI, VIN, 15, p. 200 et XV, UT, 5, », 432. Voir aussi XII, XX, 26, p. 340; win memoria sun il verborwin son, etiam quando inde on cogttat et inde formatur aces vecordaionis ous quando de bis cegitan % Pout cet aapud ser, qui est prs dune ciation par Augustin de Sagese, I, 1 faDiverunt — 13 — MARTINE PECHARMAN a-dire de ne pas se perdre au dehors, «n’appartient a aucune langue», dit ‘Augustin dans le De Trinitate (XV, X, 19, p. 469). L'eantus apd animaums Iegué> que Vhypothése évoquée au début du De magistro (I, 2, p. 46) confond avec la contemplation muetie cles mots, ne doit comporter «ni son, ni pensée dun som» (De Trinitate, XV, XIV, 24, p. 491): pour que la signification soit assurée d'une veritable intériorité, i fant dépasser, non seulement le «verbum prolatitum in soncm, le mot proféré, mais aussile «verbu cogitatioum in sini. Titudive soni, le mot pensé.® Le principe du vouloir-dire est dans un “dire” dont Vntériorité est absolument déliée de tout rapport (Fat-ce celui des ima. ges mentales des sons) au dehors, un dire qui a son lieu, selon les Confessions, ‘cintus mai» (XI, I, 5, p. 278), tout au-dedans de moi, la ott Ia pensée, non seulement réduit au silence le bruit de toutes les langues, mais exclut en outre que les paroles extérieures reviennent encore comme objets de representation. Le vouloir-dire a enfin trouvé sa domiciliation, au méme lieu que la pritre du De neagistro (I, 2), qui n'a sa place ~ on peut accumuler les Citations — que «clans le sanctuaire de Vespsit», «dans les profondeurs mémes ide Pame raisonnable», «dans le temple de Vesprit et dans la chambre du coeur» (pp. 45-47). Au plus profond du coeur, la pensée n'est plus contrainte a Péparpillement temporel que lui imposent encore les sparia sonorum: lors- ‘quils ne sont que congus, elle est enfin tout entigre rendue a Ja pure instan tanéite de Pintellegere.” Port-ROvAL CONTRE LE «VOULOIR DIRE» D'AUGUSTIN Les auteurs de la Grammaire générale et raisonnée sont-ils préts & aller aussi loin dans Vintériorité du vouloir-dire? L'usage des mots doit-il selon Port-Royal trouver sa «raison», son fondement ultime, comme chez ‘Augustin, dans une intuition intellectuelle, dont les pensées brassées par la mémoire sont seulement des «vestigese,"° auxquels esprit peut rappor- ud se (J), vie De Tring, XV, %, 17, p- AGA. Augustin asi recouts un passage de Matthieu 1X, 3 contenant Ia formule adixerunt intra sem * % Poor eat double exclusion, voir De Trinitte, XV, XI, 20, p. 414 (et ja XV, X, 19. 1.468: soc no solo ateguan sn, ron eto andequans ony es iinet tne cobntanh De meme, Be Gove ad litern, TW, 3, p92: neque Sono vod neqne togiaione tnpors sonora volvetien 2 Voie ausi De ctechizndis radibas Il 3, pp 4849, pout ete apposition ene Ie parle «gsi ese devon avout) ex pense cache ean ftraiten (i serete se) “® Poor cxte thtse de Forigine puement itlecte“invtive des connaissances signifies pr an nan fron cng vor em gs ds Dec ae I — 14 — terl sig parc rela Aut par me PONT-ROYAL ET L'ANALYSE AUGUSTINIENNE DU LANGAGE ter les traces elles aussi mémoriales des sons choisis pat Jes hommes pour signifier ce qui est dans Vesprit? Ou bien le vouloit-dite au principe de la parole (et, partant, le mentalisme des Messieurs) se satisfait-il de la scule relation entre les pensées que tourne et rerourne esprit - comme le dirait Augustin -, et la figuration mentale des mots? I ne sulfit pas, pour étre augustinien en philosophie du langage, de partager avec Augustin la thése (cruellement éprouvée par Pinfans des Confessions) de Vimpossibilité, pour ceux qui sont «au dehors, foris, de pénétrer «par aucun de leurs sens» dans mon ame et done de connaitre mes volontés, qui sont «au dedans», intus (I, VI, 8, pp. 286-287), La néces- sité de substituer, & Vampossible ostension & autrui du contenu de mon esprit, le recours a des signes sensibles, est cependant bien au centre de Tune des premiéres phrases de la Grammaire générale et raisonnéer -«Parler, est expliquer ses pensées par des signes que les hommes ont inven ts & ce dessein» (p, 7). Expliquer. «Explicare verbis sonantibusw, dérouler en mots qui résonnent, comme le disait Augustin pour marquer la distance séparant la «locution, la succession des mots proférés au dehors, du dis cours qui reste immanent & lesprit (De catechizandis radibus, Tl, 3, p. 48). Mais la lecture qu'ils ont faite de Descartes incite les Messieurs de Port-Royal accentuer d'une autre maniére qu’Augustin la nécessité @user pour autrui de signes de nos pensées.*! Cest moins du dualisme me/corps inscrit chez Augustin dans la coupure dedans/dchors (ime par nature impénétrable du dehors, cest alors Pime dont autrui ne peut avoir aucun genre de connaissance sensible) qu'il faut partir, que de Punion de lime et du corps (me unie & un corps est soustraite par ce comps a une communication directe avec les autres Ames). Partir de cette union, mettre au premier plan Vimpossibilité d'une connaissance innné- diate de mon esprit par d'autres esprits, est aussi se donner la possibilité de pallier ce défaut en faisant de mon corps luisméme Finstrument d'une connaissance indirecte de mon ame par autrui. Car ce sont des signes cor: porels qui réalisent la médiation, C'est ainsi que, pour les Messieurs, une fagon de souscrire 4 l'affirmation de Descartes écrivant & Morus (le 5 41 Vols su ce point J-C. Pawven, L’Analyse de lngage & Port Royal, Pats, Minuit, 1985, pp. 106-111, © Pout Fimpossibilité en outte d'une connaissance inellectaelle de ame dutru, voit par ‘exemple De Trinitte, 1X, 12, pp, 144-145, qui recuse pourle «Cagnorce te pcan, «Conn. toi totméinen, adressé & Véme, route analogie avec le «Cognotce voluntaren ius hominis, Gonnais la volonté de cet hommes, car ce serait demander & Nime de vapprchender avelel absentens, acomme une absenter. 1s — DMARTINE PECHARMAN février 1649) que «la parole est unique signe et la seule marque assurée de la pensée cachée et renfermée dans le comps (hace [..] loguela unicum est cogitationis in corpore latentis signurn certum),® revient, au début de Ja Seconde Partie de la Grantmeaire générale et raisonnée, & sémerveiller devant Pusage que nous faisons d'une infinie variété de mots, qui, n’ayant tien de semblable en eux-mémes ce qui se passe dans notre esprit, ne laissent pas d’en découvrir aux autres tout le secret, et de faire entendre 4 ceux qui n'y peuvent pénétrer, tout ce que nous concevons, et tous les divers mouvements de notre Ame» (p. 22). Est-ce la une déclatation comparable a celle que l'on trouve dans le De doctrina christiana, Ul, Ill, 4, ob Augustin écrit: «les mots, chez les hommes, occupent la premizre place quand il s'agit de signifier tout ce qu'ils congoivent dans leur esprit, sils veulent le révéler?»** Nullement, cat pour la Grammaire de Poxt- Royal, Ja relation de dépendance entre la division des mots en quelques genres fondamentaux et «la connaissance de ce qui se passe dans notre esptiv»*® ne laisse pas de place a une subordination de la signification des pensées a un youloir-signifier qui serait encore plus secret que es contenus mentaux a signifier. On ne saurait ainsi former meilleur dip- tygue, contre l'indépassable impénétrabilité pour autrui de lame de chaque homme (qui se traduit chez Augustin par Virréductible distance entre le langage extérieur et le dire intérieur), qu’en faisant, de l'éloge par Amauld et Lancelot du pouvoir qu’ont les mots de sévéler «tout le secret» de nos pensées, le pendant du passage de la Letive @ Morus du 5 février 1649 dans lequel Descattes utilise Pargument de Pimpénétrabi- lité, pour Pesprit humain, du «coeur» des bétes («ren humana illorum corda non pervadit», «esprit humain ne peut pénétrer dans leut coeur **), pour justifier limpossibilité de démontrer, autrement que pat “© Rappelons que le teste latin de cote lettre & Morus a && publié par Cleselier en 1657 et que la traduction en a ete donnée dans I’sdition parisenne de 1724. Pout le passage cit, voir Descanres, Correspondance avee Arnauld et Morus, introduction et notes par Genevieve Lewis, Pais, Viin, 1953, pp. 126-127, ot shat porate nines einen rina scons ccs aximo conc, xt en quisque prodere vei» (ed. cit, 34; nous reprenons la traduction de Jean-Yves Boriaud dans la Pleade, Il, p35). sad it a chaps rede seconde pani en Grane gnc née (Que le connaissance de ce qui se passe dans notre esp est nécesate pour comprentre les fondements de la grammar, et que cest dela que dépend la diverte des rots gut composer le dion, 4 Lieltion de 1724 portit le ecu a traduction a &é amendée par Pesdinand Alguié {in Dascanres, Givores philosophigues,t Ili, Pare, Gatnet, 1973, p. 883) — 116 — de an en pc PORT-ROYAL BT LANALYS \UGUSTINIENNE DU LANGAGE des raisons probables, qu’ll n'y a en elles aucune cogitatio. Il est d’ailleurs amusant de constater que, dans la version frangaise de Ja correspondance centre Descartes ct Morus pour lédition parisienne de 1724, Paddition que porte ce passage (cl’esprit humain ne peut pénétrer dans le coeur pour savoir ce qui s'y passer ~ nous soulignons) peut se lise comme un écho déplacé de ce qu’écrivent Amauld et Nicole dans Ja (grande) Perpétuité de la fot (M1, 12)*" & propos de Pimpuissance ot se trouvent les hommes de «(voir] immédiatement ce qui se passe dans l’esprit et le coeur des uns et des autres», Impuissance qui, pour les Messieurs, est contournée préci- sément par ce que leur Grammaire appelle «la diversité des mots qui composent le discours»: cette diversité, fondée dans la connaissance gu’a esprit des opérations qui lui sont naturelles et ramenée a la distinction ~ déduite de la typologie cartésienne des pensées dans la Méditation Troisiéme ~ entre les mots qui «signifient les objets des pensées» et les mots qui signifient «la forme ct la manitre de nos pensées», suffit & rem- placer Vimpossible pénétration dans l'ame d'autrui par Tintelligence de ‘stout ce qui [s'y] passe», au moyen des signes du langage. * La doctrine du discours intérieur chez Augustin fait de usage des signes sonores qui différent selon les langues la suite @’une relation, a Yin: térieur de esprit (animus), entre la pensée intuitive et la mémoire: en effet, selon le De catecbtzandis rudibus, I, 3, Vintellection qui se.répand dans Pes- prit on un éclair Iaisse cependant quelques traces gravées dans la mémoire, et Cest i partir de cette sorte de caractéristique mentale universelle dépo- s6e par 'ntellectus, que sont proférés les mots servant & composer un dis cours dans quelque langue que ce soit. La mémoire qui contient les vesti- ges — qui ne sont d’aucune langue ~ de la pensée intuitive, fournit ainsi le citére auquel se mesure la valeur sémantique des mots. Mais, bien que les images des sons des mots puissent de la sorte étre toujours tapportées & des empreintes de la pensée dans la mémoite, il demeure impossible d’expri- mer pleinement ces vestiges intuitifs. Le discours extérieur est nécessaire- ment toujours en défaut par rapport au discours intérieur: & la dissem- blance entre Je sonum vocis ct les traces de l'intellectus dans la mémoire, ne peut que s'ajouter Ja distance infiniment infinie qui sépare les mots © Le Pepétnte de le fo de 'Eglse catholique touchant lEucharitic difendse contre le ore he seur Claude, ministre de Charenton, t Tl, Pars, Chaves Savrenx, 1672, 9.93 8 Grammaire générale et rasonrée, II, pp. 22-24. Pout le stat lgique de la «connais: sance de ce qui se passe dans notre esprit, voit M. Péciansan, La signficaion dans la pila sophie du lange @’ Antoine Amauld, 1 J-C. Pawohyre (6), Antone Arvauld, philosophic da langage ot de ls connaissance, Pasi, Vein, 1935, pp. 69-80. uy MARTINE PECHARMAN de la falgurance méme de la pensée. Le vouloir-dire, qui ne fait qu'un avec ce dire incorporel et immédiae de la pensée, reste ains inaccessitle au ding proféré, a la succession des mots,” Or, Pout Port-Royal, il est acquis que la question “qu'estce que parler?” qui porte sur le discours extérieur, n'est pas seulement, comme I' cra Augustin, la question “pourquoi patlons- pous?”. mais aussi, comme Pa montré Descartes dans la Citquisme Pattie du Discours de la Méthode, la question “qu'estace qui est vevtab ‘ment langage?” 'estA-dire, quelle est le manide de parler qui fat le lam Sage bwnain? Comment les hommes parlentils, afin de adéclarer au antres (leurs) pensées»?° Le langage ne consiste pas simplement & «user de paroles fou) d’nutres signes» a cette fin, mais & en user «commer on usent les hommes, & savois, dit Descartes, «en les composentn " Le von loindire se trouve ici en quelque sorte embrigadé dane la composition meme des mots en énoncés, et i n'est pas plus impossible, pour ln Grammaire générale et raisonnée, que les hommes patviennent avec lee Signes a «amarquer tout ce qui se passe dans leur esprit» (p. 24), qu'il ne Data impossible & Descartes qu'un homme queloonque puisse’ toujours && due la machine la plus élaborée ne peut jamais, 3 savoir, «atrangels] diversement» des paroles «pour répondre au sens de tout ce qui se dira cn sa présences. Le vouloirdie, pour Descartes, se révele dans la capa. Cité d'earranger ensemble diverses paroles», et d'een composer un dis, cours»: parler «ainsi que» le font les hommes, parler sous la forme discun. ignage suffisant de la présence de la pensée que Yon veut signifier? Avec Descattes, le principe du cogitando dicere (won dit quand on pense), explcité par Augustin dans le De Trinftate, XV, X, 17.™ se trouve desttué pat le principe «on pense quand on ditn (lequel est au contraire tenu par Augustin pour Ja méme affirmation, pour Paffis- oz-PeurTopposion coe la permanence del pot tI bili du langage exon, oly exemple Practatas ie lebanns Beangetion, XIN). cNes nutes haba HE Ep trom sb oases a ‘ot ae Naud pots ernie ttn e tne se!° Copa tamen a nent eo fone monnt dt ar er ncton ec fe fe Pats, Detdee de Brouwer, «Biblithégue suguninicanen, 1968, p. 734), Pour tanya ox ea eee resin vot C Proce, Le Dias iter de Plton Calas Scien, Bae Le Seu, 1599, pp” 108-118, 5 GBaoresde Decree, Ada Tannery, vol Vp. 56 % tbidem 2% Disconrs dele mitbode, Cinuitme Parte, ed tp. 57 8 bide. $s Wo pa ecrple De Tyntte, XV. X17, pp. 464-465: conde ode stipe gu gia, eauicongue pense, pale dale lod ee Coo — 118 — PORT-ROVA BT ANALYSE AUGUSTINENNE BU LANGAGE mation, toujours, de la réalité du discours intévieur, du dicere in corde suo), Or, cest d'un «on pense quand on dit» (cogitat dicens) qui n’admet pas pout équivalent le (dict cogitans) augustinien, que se réclame la théorie des idées qui forme la premiére partie de la Logiaue ou Art de Penser d’Arnauld et Nicole: on y trouve, d2s le chapitre I, reptise quasi littéralement de la Letire de Descartes a Mersenne de juillet 1641, Pidentification, sur Pexemple du nom «Diew», de Vidée et de la signi fication de nos paroles, «lorsque nous entendons ce que nous disons».*¢ Cette clause, «lorsque nous entendons ce que nous disons», revient & tune nécessité ex bypotbesi: sous la supposition quill y a discours, nécessai- rement, les mots qui composent ce discours ont une signification congue par le locuteur. Tout locuteur, du moment méme qu'il use de la parole, assigne une signification aux mots quill utilise, sans quoi il ne tiendr aucun discours sur tien, il n’y aurait pas discours, contre 'hypothése. I est impossible, éctit Descartes a Mersenne, de former des propositions (celle la proposition «Dieu est infini et incompréhensible>, ou la proposi tion alje ctois) que Diew est»), non seulement sans avoir Vidée de Diew, mnais aussi sans savoir «quelle est cette idée>, «ce que Von doit entendre par elle».°” Entendre ce que Pon dit et entendre quelque chose par une idée, cela constitue une seule et méme intellection, qui est nécessairement supposée d2s lors qu’ y a composition des mots en énoncés: quand nous usons de Ia parole, les mots portent nécessairement une signification & notce esprit, sans cela, parler serait «ne tien dite».*® Toute signification appartient pour Descartes a une suite sémantique, et la vérité d'un premier Goncé permet de découvrir la signification d’autres termes, jusque li incompris: c'est ainsi que, dans Ia Seconde Méditation, il suffit que la pro- ‘8 De Trinitate, XV, X, 1, compare sas passage de Lu, V, 21,22, avee Soese, “emiéinequily sat dns le re dela Sagase Ie dren en pensar’ (Dierun ceataned) tly dicks peaserent en disine (Cogaverant dents). Liane autre texte menitent gue hem o3e pale co furmeme dans le fond ce sn cous auternent di, parle loreal pence» (pp. 456-467) Weis ja De Trae, XIV, VIL 10, p. 370: sserbum eae vie copitatone nom poet cota nim one ad dics, ela ilo interione verbo guod dallas gents pertnt lingua % La Logique ow L’Art de penser, Siton entique par Piewe Clit et Frangis Githal seconde Elis vere, Pate Vie 198, pfs enous he poutons Hen exprinet par nos pals lorsque nous entendons ce que nous sons, que de cela ime ne eo eetan gue nous avons sth nous dé de la chose que nous sigifions pas nor paroles» (Wet res de Descertr, 6 ‘KaameTannery, vol Il, p- 395: ebooe ne seuens fen exprimer par nos parle, lorsque nous fetenons ce que nous daons, que de cla mm ne sot cera que nous avons en nus id dela chove qu est sgeiice pr nos parce). 5 Descartes & Mersene, let 1641, 64, ct, pp. 393394 28 Ld, p. 394 (ace ne eri on MARTINE PECHTARMAN Position «Ego suv, ou «Ego existon, toutes les fois qu'elle est proférée ou bien congue parl’esprit, doive étre posée comme nécessairement viaic, pour que Ia recherche aussit6t entreprise de la signification capable de donner tune intelligence suffisante du pronom «egon, conduise i découvrir, comme autant de significations inséparables de cette demiére — qui renvoie a le seule «cogitation ~, es significations des mots «mens», canimusn, «intellec. 41s» et aration, «amots dont la signification m’éiait auparavant inconnue», écrit alors Descartes («voces mibi prius significationis ignotacs)? Le voulois-dire qui doit donner & Port-Royal la raison de l'asage du lan gage n'a donc pas, comme celui d’Augustin, & dépasser lordte méme de la rofération ou de la conception mentale du discours, pour trouver, dans une intention au-dela de la représentation muette des mots, le signifé ultime du discours humain, Les mots, prononcés ou seulement concus, suffisent & épuiser la signification de «ce qui se passe dane nos pensées».®® Crest bien, comme I'a dit Michel Foucault, dans un ordre immanent 2 la parole, que se trouve inscrite toute V'intentionnalité du die: si la Grammaire Générale et Raitonnée marque Vappatition d'une nouvelle epi. 22nd, cest tout simplement parce qu'elle préfére, au dépassement august nien des verba, soit prononeés soit congus, pat un dicere intus sans commune mesure avec ordre du parler aux autres, un cantonnement dans «Ja maniére naturelle en laquelle nous exprimons nos pensées» (fin de II, 1. Tous Jes mots des diverses langues sont tirés, «par une suite néces saire> (ibid), de cette expression naturelle, qui fait du langage ordinaire, pluiét que du discours intérieur, le véritable lieu du vouloie-dice d'aprés Port-Royal. Pour Jes Messieurs, cette naturalité toute logique des formes sénérales prises par l'usage de la parole commande jasqu’a la convention portant sur les mots dans leur matérialité, elle imite Parbitraire du langage en donnant, a «l'accord que les hommes ont fait de prendre de certains sons pour étre signes des idées que nous avons dans 'esprit»,®® un fonde- ment dans les modes principaux de nos pensées, La matérialité naturelle. ment non-signifiante des sons n’altére en rien le rapport naturel unissant nécessairement, a un mode différent de la pensée, un genre lui aussi diffé- rent de mots: c'est ce rapport qui se trouve tonjours préservé, quels que soient les sons choisis comme signes de nos idées. Aussi écrit d'Amauld 4 Meditario Secunda, in Caares de Descarter, 04, Adatn Tannery, vol Vil, p. 27 ade: tion de Michelle Beyssade), © Cette expression est prise de la Gravmnine générale et rasonaée, U1, p. 23. © Bid, p24 & La Lopiqne ou Art de penton, 1,1, p. 42. — 120 — PORT-ROYAL ET L’ANALYSE AUGUSTINIENNE DU LANGAGE qui a pour titre Si on droit de supposer que les mots de sens de Jansénius dans la bulle d’Alexandre VIL signifient plus naturellersent la grice efficace que toute autre chose, composé peu aprés la publication de la Grammaire sénérale et raisonnée, peut-il formuler comme une maxime générale que ."® Si une chose peut étre congue comme un signe, c'est qu’au liew de Pour cette notion, voir, oure la Perpétité dela fot TI, XU, la Logique ow VAt de pen von 1, VIL 7 Cette expression ext prise de a Gramive générale et raitonnée, TIT, p. 23, Diaprés le De dilectica, 5, Augustin, le signifé reste a contraire «renfermén dats Fespri. 7 Cet ouvage a &é publié en trois tomes: Ten 1669, . en 1672, t, Il en 1674 Voir le tite dela Premitre Partie de Ia Lopigue ow WArt de penser, p39. 7 De doctrinachrstiana, I, I, 1, p. 32. Cette définiton marque le dépassement des dif cultés susctées dans le De magisio, X, 3335 & propos du statu eognitf du signe " La Lopique ou VArt de penser, 1, TV, p. 53 et p. 54 — 124 — PORT.ROVAL BT L'ANALYSE AUGUSTIMIENNE DU LANGAGE 4a segarder en elle-méme, lesprit ne la regarde qu’en tant quielle peut en représenter une autre; cette différence dans le mode de considération est c= qui détermine, pour la chose congue, la substitution de l'cidée de signe» Al'eidée de chose».”” La perception sensible de la chose, quand celle-ci ex: apprthendée comme signe, n'importe plus alors comme tine opération conceptuelle qui se suffic& elle-méme, mais comme une pensée & laquelle «cla vue de Vespritn’® ne peut pas s’arzéter, la conception proprement dite de la chose-signe étant ici comme rendue seconde par rapport a la consi dération de sa fonction représentative. L’idée imprimée dans les sens rest pilus seulement une image, un mode de conception donnant la représenta. tion d'une chose corporelle, car cette demiére n'est plus regardée dans ca nature propre, mais telstivement a une autre chose, a laquelle lesprit la tapporte: d'image sensible, Vidée de la chose-signe est devenue Vidée d'une simage de» (ou «représentation de», ou afigure de»), Un signe est cette image sensible qui accéde & la représentativité en faisant venir & Pesprit Fidée d'une autre chose que celle qui la produit en frappant nos senst tun signe ne peut done étre signe, «subsistefr}»” comme signe, que pout autant que cette dualité conceptuelle du représentant et du représenté est ‘maintenue, Ainsi, il est impossible, daprés la définition augustinienne du signe retravaillée dans la Logique des Messicurs,*° que Fesprit ait Vidéo d'une chose comme d’un signe, sans connaitze en méme temps ce dont elle est le signe, car précisément, cette chose n'est dite «significativen ou steprésentatives que par rapport au contenu cognitf<'ajoutant a Pimpres sion qu'elle produit directement sur les sens, Comme le dit encore Arnauld en 1684 dans le cadre de la polémique qui Toppose @ Malebranche (Défense contre la Réponse au livre Des Vraies et des fausses ides, V. 15° exemple"), la structure générale du signe, conformément 3 «la définition célébre, qu’a donnée S. Augustin du signe sensible», peut analyser 1 Ibid, p. 33, % Tid, pp. 3253. % Idi, p. 34 ft Dans la Perpétuité de la fo, TH, 1, les Mcsieurscommentent a dulité du signe pon {element en invoquan autor cf Augustin, done is rapportent la formule aalad videiey sod itellegitur, utlise & propos du suctement dans le Sermo aux vowacutx boplscs via oe 2 reprenant 8 leur compte la notion, empruniée & a logique médivale, fe steme oe woe fornoeati>, quis defiiseent comme ce qui «n'est qu'une chose unique en dle mere see dont Ingoelle on concoit quelque rapport & quel’ autre chose qui n'est Hance quineer cn Pour un autre commentave dela défisition augusinienne do sine, vet did TE Lt 1 Fiance Mesie AntcineArusld,. XXXVI, Pats Laussone, che Sigismond d Arey, 1780, p. 587, — 125 ~ MARTIN PLEHARNAN comme une relation entre deux tetmes, le premier («An») étant «représen- tatifo du second («3»). Or, «afin qu’A me soit représentatif, il faut que je aie pas seulement la perception d'A, mais que ae aussi celle de B, et que celle d°A me soit un degré pour l'avoir. Car si mon esprit ne voyait qu'A sans passer de la vue d’A a celle de B, je ne verrais A, que comme une chose absolue, et non comme un signe représentatif de Bo. Pour éviter cette auto-contradiction du signe que produirait l'arrét de esprit, dans Ja chose-signe, & ce qui n'est que sa réalite immédiatement perceptible, il faut donc subordonner la connaissance du signe comme signe a la conneis- sance de son signifig. La gradation cognitive rendue possible par le signe ecouvre en effet une hiérarchie conceptuelle dans laquelle le terme conga en premier n’est pas le terme dominant ou recteur, car il ne poste pas en Jui-méme, dans sa nature propre, la raison du mode de connaissance dont i est alors objet. Aussi Amnauld conclutil: Nous ne pouvons done rien connaitre comme représentatif, que nous ne connaissions en méme temps ce dont il est représentatif: c'est pourquoi si je connaissais A, sans connefize B, je ne connattrais pas A comme un signe, mais comme une chose, selon Ia difference que S. Augustin met entre les choses et let Signes: inter res et signa’™ Lorsque le chapitre LV de la Logigue (p. $4) définit la nature du signe pat la «double idée» que suscite une seule et méme impression sensible, i Sagit d'une certaine fagon de se réclamer d’ Augustin, de perpétuer la dis tinction augustinienne, dans le De doctrina christiana TI I, 1, entre le mode attention de Pesprit requis par les res et celui requis pat les signa, en ren dant inséparables la connaissance d’une chose comme représentative d'une autre chose, et la connaissance de la chose représentée par la premisre. Considérer une chose non pas quant 4 son étre, mais quant a son étre signe, c'est nécessaitement, pour esprit, connaitre a la fois le signe et son signifi, car, comme le dit la Perpétuité de la foi (I, 1, IIE) dans une veine sttictement augustinienne, «il n’est pas possible que des signes n’ex- 12 Ibid, Cette distinction augustinienne sert introduction i le definition du signe dans le De docvina ebristiane, 3,1 (Quonian de rebus cuon srberem, praca conmonars nes it it adtenderct, mii quod sunt, non etiam si quid alld prectr te significant, nein de sigs dt sens oc dia, ne quis ines adtendat, quod st, sed potas, quod signa Sunt 1d est, gu sgn fant, p. 32) La Perpétuté de loi, UI, XU, allbgue dala ndine distinction aily's des soe ‘855 que nous regardons comme des chores et @autres au contaire que nous eonsidésons commne signes, Cesva-die dans lesqulles nous avons moins 'égerd a ce quelle sont qua ce qu'eles sgnifent, ou neturllement ot par institutions — 126 — FORT-ROYAL FT L’ANALYSE AUGUSTINIENNE DU LANGAGE Gitent Tidée de ce quis signifient». Or, en fonction de ce principe, les Messieurs vont introduire dans la Dewxime Partie de leur Logique, au cha- ite XIV (quis e demier chapitre sjouré en 1683), une anayee dese de soulignent qu'elle «appartient proprement a la Logiquen dea « méme qu'on lit en lui et laguelle on répond: ale propoaition cate cars, et dans ce que novs savons qu'il a dans Tesprit,et dans ce que nous exprimens par nos pazoless. ~~ 128 — PORT-ROYAL ET L'ANALYSE AUGUSTINIEND U LANGAGE témoigne du sous-entendu constitutif selon Port-Royal de la «maniére natu: relle> d’exprimer nos pensées, Ce que les déductions tirées par les Messieurs de la définition augus tinienne du signe font apparaitre, c'est d’abord quiil est impossible d’en- tendte la proposition cect est mon corps comme une proposition figurative: Je langage ordinaire ne le permet pas, ot, la Perpétuité de la foi Pa rappel, Jésus-Chrise aétant vrai homme s'{est] ‘conformé au langage des autres hommes».** La supposition d’aprés laquelle Jésus-Christ n’a voulu dési- get a ses disciples Je pain de lEucharistie que comme une figure de son corps est nécessairement ruinée «selon les véritables principes du lan- gage des hommes», puisque sa conséquence serait que le Christ, en disant ceci est mon corps dans V'intention d’@tre entendu «en un sens de figure», a totalement mésusé du langage, les paroles quil a prononeées ne pouvant pes étre adéquates & ce quil voulait dite. En effet, le «premier établisse- ment» d'un signe ne s'accommode pas d'une expression elliptique et ne doit rien laisser & suppléer dans esprit d’auttui.®’ Ce «premier établisse- mend» ne saurait admettre Pusage de la forme propositionnelle abrégée cette chose est cette autre chose», qui obéit rout naturellement dans le langage humain 4 la régle selon laquelle «on ne donne aux signes le nom des choses signifiées, que lorsqu'ils sont déja regardés comme signesn. Sachant que le pain est «du nombre des étres que lon regarde comme cho- ses et non comme signes», Jésus-Christ ne pouvait pas parler comme il a parlé, s'il voulait étre entendu de maniate figurée: la proposition cect est ‘mon corps n'a aucun fondement dans la question antécédente gu’est-ce que ce pain est en signification et en figure?, introuvable dans Vesprit des disciples du Christ. Aussi le véritable abrégement produisant la formule de ’Euchatistie ne se trouve-til pas, pour Port-Royal, dans usage de la copule a la place de 'expression développée «es! on signification et et figures *® % La Pepa de la foi, I, XI Les citations suivants sont elles asi ies de ce cha- pitre, Pour les problimes gue pose aux Messcurs la referonce de fears adversives un pas Sage de sinc Agustin dsent qf eue-Cnrist fa) donne le nom de son cotps a signe», vt a © On ne peot pas «commences instittion d'un signe en le nomnant du nom dela chose anne, on ne pe as mis pour «signifien), et celle li seule peut étre dite une propo: sition pour Hézode, Luc, XI 32) ouch leg trbut dune proposition (ala vignen dans «Jesus la vignen), presente ine double idée au moyen d'un seul mot: le mot utilisé ne donne par sede By ba erp de eo, 1, XII comarente les deux exemple Gxogut Lar aa dt verb comme margue de et Iaison gue nous fons dane no xpi ey tinue: propos et teotce dele Gomme goriuince senna Sine Yale Lew on tv de peer ep. 109 shape ean 1 oe oe dea Granmave wt tide fo U,V. Yoav, VO, fe set dane propesion gu eaggsttbami des echeae qui sone applies ct. ne sent put coon neers ee Fon pa a oe glen es nome] quien sgiication, en fits, ees pena Pon pa sane convenance redler, anak eptet di fo Th VIL, IE: lane de la métapbore (.) conse 4 présente cab cp ats fle eaten cl abe Ton vt sinter pase ape a Gls est marque innltement pat letome méupharoure Anreoteseae pal, ca ae inet Tt heme une metaphor, erent pes lala igure mal dee eee mea oS fare dune sure chose. La mdtaphore etre pour Pee Red ee ‘renal, cst aun tableau intérieu gu ne apeapit ae par Tete — BIS MARTINE PECHARMAN ment la conception de lidée qui lui est attachée par une convention humaine, mais cette idée fait elle-méme venir a Vesprit une autre idée, quielle repeésente. La métaphore selon Port-Royal est, pousrat-on dite hyper-augustinienne, en tant qu'elle oblige a vétifier deux fois, cest-i-dine en la redoublant, la structure de gradation cognitive qui est essentielle au signe dans la définition du De doctrina christiane. Dune part, Vimpression sensible produite par le mot, image du son de ce mot, suscite dans lesprt Tidée de la chose signifiée par ce mot; d'autre part, cette idée, qui est encore une image, Pidée d'une chose elle-méme corporelle, n'est pas le terme du rapport de signification, mais & son tour une “image de”, car la chose quelle fait concevoir est derechef regardée par esprit comme teprésentative d’une autre chose. Dans la métaphore, la chose que l'on veut signifier n’est pas celle représentée par les mots eux-mémes, mais une autre chose; la chose figurée dont la conception vient & esprit par la médiation de Pimage directement exprimée.* S'il est facile & Pesprit de suivre jus- u’au bout les differents degrés conceptuels qui sont consttutifs de la métaphore, cest que le rapport de représentation entre Vidée exprimée et Fidée que Von veut faire concevoir par son moyen se fonde dans un rap- port de ressemblance, entre une qualité qui est pour la chose directement exprimée comme son attribut essential, et la nature de le chose gue on veut signifier.? Pour esprit, qui est dans V'incapacité de concevoir quelque «ananiéte d’étre» que ce soit autrement que dans unc chose, il est tout A fait naturel, lorsqu’une qualité est la premigre qu'il considére dans une chose d'une certaine espace, de regarder cette chose elle-méme comme Je fondement possible d'une comparaison, sous le rapport de la aualité qui est sa qualité principale, avec des choses d’espéce toute diffé- reote. Concevoie la chose & lorigine de la comparaison comme une chose représentative de toute autre chose en laquelle cette qualité serait reconnue 2 La Pardue ft U,V ola meaphore consist non as seeds mote des sens pou repent les choses gue Yon wear ae nee Sener 4 ‘oyen de tos, es images de cestanes chess 4:8 pete image dela chose dane Fp Wi Gh reprézate une water, 2 La Peretti de lf, VI, V- equa une chose a ue certain qual laguele es pritse pore daberd, mot sige cee chose pute emplaye pur neaphore pou de ete ual: ins la rut cals quale tmineme un gare cous le eee a anche calle de le ncge ls ccs uals éminentes serve de fendements casper Ce passage dt: «espric sent toujours en quelque sore Vidée naturelle du mat; i sent due Pidée métaphorique n'est pas vrai, mais qu'elle le conduit dla vai [-] ett conga par Jesnoyen de cet imajela chore qu’ epesete, gui ext ce quelon spp tubers ae = 133 — MARTINE PECHLARMAN que les Messieurs ont pris pour guide dans leur tiche de traduction “sens pour sens”, plutét que “mot pour mov”, du Nowweaw Testament:!) 3 savoir, Augustin qui enseigne que Ia régle pour détettniner le sens dun auteur, Pintention de signification d'un loguens, est toujours de regarder «toute la suite du discours», 1 Le modéle d'exéyse donné par Augustin et consistant &recennaitre Fintention de Fa teur spar toute la suite de son discours» est lout par Acnauld dis la Preniére Apologie pou Monsieur Janéntus (1648), I, 4 — Ba —

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