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Toponymie et Histoire maure ar A. LERICHE. Dans son ouvrage intitulé Esmeraldo de Situ Orbis, Duerte co Pereira éerit qu’a trente lieues d’Arguin, vers PEst, il y aune petite lagune du nom d’Ydamem et qu’’ une distance d’en- viron 40 lieues de celle-ci, vers le Sud-Est se trouve Widan. Puis & 15 ou 20 lieues de Wadan «il y a trois petits villages peuplés d’Azenegues : le premier s’appelle Synguyty, le second Tynygunhy et le troisitme Marzy ». Enfin, a 4 lieues de la lagune d’Ydamem, v lement, on rencontre une autre lagune nommé: ers le Sud-Est éga- Emsery (1). Ypamem.— Tout en reconnaissant que nil’orientation ni les dis- lances ne concordaient, Th. Monod s’est demandé si la saline d'Idjil ne correspondait pas aux salines d’ Ydamem-Emsery dont parle Duarte Pacheco Pereira (2). Ydamem la petite lagune qui devrait se trouver, d’aprés Ia description ci-dessus, & peu prés & mi-chemin entre Arguin et n doit @tre, selon moi, Dawuin (encore orthographié en Maure Daman) mot qui, en Zénagui, signifie : les eaux (3). Tei encore les distances et Vorientation ne concordent pas car si Chinguctti et Wadan se trouvent bien & Est d’Arguin, Daman est au Sud-Est (4). Mais si les Portugais eurent bien une facto- rerie & Wadan, plusieurs des renseignements qu'ils nous ont trans- mis ont dd étre recueillis verbalement et Von sait combien les termes désignant Vorientation chez les Maures, méme encore de nos jours, varient de sens suivant les régions (5). Or, & Daman se trouve en effet une daya ct des terrains qui sont cultivés depuis plusieurs sigcles. Encore actuellement ils sont Vobjet de querelles constantes entre les ’Aulid Bu-sb’a et les *Ahel Barik-Allah. D’aprés “Ahmed Yora c'est 1a que serait mort (vers 1040 = Batlelin de Ulfan, t. XIV, 22 338 A. HE 1630/31 J.-C.) et enterré Fancétre éponyme des Aa a guerriére du Trarza. En 1198 1784) il s’y livra une grande hataille entre les *Aalad Ahmed min Daman, du Trarza également, et les *Aalad Daman qui ¥ perdirent cent hommes. Par ses terrains de culture, Daman est le point Je plus impor- tant du cercle d’Akjoujt. Ensuite viennent : aid Daman, a) Lekhchetm = le petit bee. Nom dune saline qui se trouve & peu prés au point de jouetion des trois cercles @’Akjoujt, de la baie du Lévrier et du Trarza. b) Les dunes de PAkehar, parce que riches en paturage: °Askaj (Salsola Sieberi) et Talh (Acacia Raddiana) en particulie Cette région est réputée pour son {roid (8). Elle doit son non *Akeh re des ‘Aalad ’Akchar d’ow descendent les *Atlad ‘Ammoni et les *Aalad Gh actuels (7). Lorsque les [lassan branche des Beni Hilal quittérent le Sud marocain pour s’instatler, Mauritanie, nt parfois appuy & ance! ie fur par les sultans du Maroc qui leur fournissaient des contingents ausiliaires. “Akehar com mandait Pun entre ews et if finit par s’installer dans la région qui porte son nom, Winx. — Centre connu depuis trés longtemps. Dans une chr tab mufarrib el sibad (= le liv qui charme les serviteurs de Diew) dont «les fenillets sont con- sacrés aux cités de ce pays et destings & lagrément des parents les phis proches et les plus éloignés», Pauteur dont le nom est incon (8) éerit : «Ouadane fut fondée le jour de arajat, en Va 30 (1329) par des gens venus du Touat, tous éminents par Ie rang et le savoir, et qui furent les ancétres des td ou El Hadj. Leur cité n’a jamais cessé (etre un centre de Musulmans des plus remarquables par la science (®). » En réalité, Wadan fut bien fondé le jour de ‘arafat qui est le neuvidine du mois de dw hijja (1) mais en Pan 536 = 1142. C'est un des plus anciens centres de Mauritanie. ‘Taleb “Ahmed ben Twer ej-jenna, des *Idaw el Hadji de Wadan (1), auteur de trois ouvrages dont une chronique citée par fe colonel Modat (12) dit que le mot Wadan signifie : « les deus rivigres : la riviére de Ja science ct la riviére des palmiers » et pour montrer Vimportance spiritnelle de la ville, il écrit qu’a Wadan ily avait 40 maisons voisines dans chacune desquelles on pouvait trouver un savant. VOPONYMIE ET HISTOIRE MAURE 339 Mais cette étymologie a da étre tardive. Comme ceux qui les ont précédés et comme ceux qui les ont suivis (18) les Arabes ont trés souvent dénaturé les noms propres qu’ils ont rencontrés pour les remplacer par des voeables de leur langue qui s’en rappro- chaient plus ou moins et qui par la suite donnaient lieu a des éty- mologies fantaisistes et faciles. Lorsque les *Idaw el [adj a ent a W Tichit, ils y trouvérent quelques paillottes de Teizégué. Ev dans une risdla intitulée El Ghallawyia, le Kunti Sidi Mohammed el Khalifa (} 1244 = 1829) (4) parle d’un Liew dit "In-Walin qui semble bien devoir s’identifier avec Wadan :d’aprés Mokhtar ald [amidun celui-ci serait alors la déformation du zénagui : ‘in- *udydn = celui (l’endroit) des lechements (15) et endroit aurait 6L6 ainsi nommé parce que trés isolé dans le désert. é n, Venant de Syxouyry = Chinguetti; est suffisamment connu. Sidi ‘Abd Allah ben el Hadjj Brahim des "Idaw-‘Ali de Tidjik, dans son livre intitulé Cahihatu el nagli fi ‘Alawyyati? daw 6 wa bakryyati Mohammed Ghulli (#8) dit que le mot Chinguctti signifie ‘aiorin el Khil = les sources des chevaux. Il semble avoir été le premier & lui donner ce par auteur du Wasi (p. 413). Mais aucun d’eux ne dit en quelle langue et n’en donne d’explication étymologique. D’apres le capitaine interpréte Martin, il voudrait de Guetti» cu zénagui chen = sources et de Gueiti «nom d'une petite colline située & un kilométre & Est du poste militaire actuel» (27), Mais cette explication ne semble guére plus satislai- sante que la précédente pour la bonne raison qu’en zénagui ichchen ignifie non pas source (qui se dit: tud) mais chevaux. Hy a a une confusion de la part de ces auteurs et elle peut sexpliquer par leur ignorance de la langue zénaguyia. Car «la source des chevaux» existe bien, non pas & Chinguett 100 km. au Sud de cette localité. Encore actuellement, ce lieu est appelé par les Maures Tadchin (du zén. tud-n-ichchen = la soure des chevaux) et il figure sur nos cartes sous le nom de Toudoussin Quant Guil, c’est effectivement le nom d’une colline située prés de Chinguetti et quoique partiellement erronée, l’étymologie du capitainc-interprete Martin a cependant Vavantage de se rap- procher de celle qui est donnée dans Vouvrage intitulé Kitab mufar- rib el "ibdd dont il a 6té parlé précédemment (9). D’aprés son auteur, cette contrée de la Mauritanie s’appelai autrefois Chin. Un saint errant du nom de Mohammed Gholli ons quiaété rep :« sources. mais a 340 A. LERICUE ben “Ibrahim ar iva un jour [a oft s*était élevé ‘Abwer : «Il s'ar- réta sur emplacement de cette eélebre cite, lequel était au som- met d'une colline dénormes proportions que lon appelait Guith, On changea, dans la suite le Kaf en djim et, la ri Chin, on donna le construction ppelant nom de Chindjith au lieu of furent éle I . La nouvelle eilé se dressait sur cette colline, e’est-2 dire sur la rive droite d’un cours d’eau coulant & travers des amon. cellements de sables jusqu’alors inhabités (18), » Le capitaine Martin t d’autre part que : «La création de Chinguetli remonterait, d’aprés les auteurs arabes, & Vannée 714 de Vhégire (1256 de notre er te ville, qui se blottit au pied des hautes dunes fauves de POuarane, a 80 km. & Est d’Atar, aurait 640 années d’esistence. » Et page suivante, en parlant WAbwer : « Cette derniére avait été fondée en 290 de hégire (972) de notre ére) ct le petit village qui seul subsiste, sur son emplacement a donc, & Vheure actuelle, 564 ans. » Je ne vois pas du lout comment comptes car 714 A. H.= 1315 J.-C., ow une ancient ‘en 1938) de 623 ans pour Chinguetti et 290 A. H. = 903 J.-C. d’od une ancienneté de 1.035 ans pour ’Abwer. Les deux hémistiches suivants donnent d’ailleurs les dates exactes de la construction de ces deux centres : é es dé- uleur a pu faire Chindjifi el ‘avla buniet fi ‘admi gag Wa buniet Chindjiti di fi ‘admi khag. = Chinguetti la premitre (=’Abwer) fut construite en Pan qay Et cette Chinguetti-ci (I'actuelle) fut batie en Pan kha. Crest 14 un moyen mnémotechnique qui donne, suivant le teme de I’Aigech : = 160 = 660 pour ’Abwer. . pour Chinguetti .. .. Q Kh Ahmed ben el "Emin ech-Chingili nen dit rien. Il se contente Wéerire (p. 413) qu’cil s’écoula quarante ans (= 39 années chré- tiennes) entre le peuplement de Chinguetti et la disparition d”Ab- wer». Chinguetti datant de 1262 (660 A. H.) ’Abwer aurait done subsisté de 777 & 1223 de notre are (29). ‘Tyxvounny.—Il s’agit de Tinigui, centre trés ancien construit par les Tadjakant et situé & Pouest de Wad Le mot vient probablement du zénagui : ten engui = celle dont VOPONYMIE ET HISTOIRE MAU 341 r voulé fortome nu coul avec abondance et avee force, ou de tenguih = elle a ne Au cours @une gu erre civile dont Th. Monod a raconté Vori gine (2) toute In population du village ful presque en cement esterininge. La légende ajoute que pour punir les auteurs de cette lutte fratricide, Dieu changea les palmiers en tetchas (= Balanites segyptiaca). Manzy. — 3 ma conn tifie Emseny. — A mon avis, il doit s’agir de I’ Inchiri. IL ne s’y trouve pas de «lagune » mais en parlant d’Ydamem ce nom a dé venir dans la bouche des informateurs (24) qui ont ren- seigné les Portugai: Cest en cette région, en effet, que se trouve Daman. Comprise entre 'Amatlich et la partie méridionale de l’Akchar, elle s’étend au Sud d’Akjoujt et débute 4 Ba-rjeimat (= celui a qui des petits airns) Daprés la tradition maure, V'Inchiri avait autrefois ses cours Weau et était suffisamment arrosée pour qu’on y puisse cul- liver (7), Lorigine du nom est zénaguia : certains le font venir de : in-ch °iri = la Lente vers les troupeaux de chameaux (2) ; pour “Ahmed Yora (24) il vient de : in-charan = celui (Pendroit) des HH. Gaden en donne une autre pos rbres. éLymologic dont il ne m’a pas évé ble de trouver confirmation : « /nchiri viendrait de Neicher, nom quwaurait porté, «du temps des noirs », Pagglomération des villages qu’ils ont occupés dans cette région, ainsi que lattestent les nombreux débris de poteries et de pierr contre (25). » Dans PInchiri, outre Daman, se trouve la ddya bien tres fréquentéc a?) Te blani les cOtés s polies qu’on y ren- ronnue cb melli, dont le nom vient du zénagui : amolledj Autrefois, elle s’appelait Amolledj en-touraren = dont ont tachetés de blane. Ce deuxiéme nom a fini par dési- ner un lieu-dit situé & proximité du précédent. LERICHE NOTES Portuyztis ot te 1930, p. 109% (2) P. pe Crsivatet Th, Mx al par Valemtim Pernandes (1506-1507) git Ki d'un pluriel de phiiel, tes particulier, de F inchiri Certains pluriels Zénaga s¢ forment en préfixant la pa daw nom, EX. : baball = pere, pl. ed-bawbuh = péres ; yummith min = meres. Te mol ‘anien = eaux, se retronve hemama de : iehen-n“amen = trace d'eaus. Sehoat ef Ma a kx pointe nord da lac Hkiz sappelle en zénagul : Tedyery-n-anan — le out, In fin des ens. (1) Damin se Lroave 4 43 km. environ SW. d’Akjou 5 F ¢X., seFa1 pour les uns le Nord et pour d'autres VOuest. Voir, & ce sujet tose des Vents chez les Nomades sahariens (Bulletin di C a Rluides historiques ef seientijiques de UA. 0, F., né 4, 4° (rinestee 1928). (6) Alors que PAdrar passe pour élre te pays de Ia faim et FAouker celui de ta soit. (2) Noms de deux tribus querrigres de I'Ad (8) Ilse pourrait que ce soit EL Héchir ben “Aled Malymad des “Aght estion dans fes Notes africaines, n* 48, octobre 1950, p. 110, Mort en 13 tin disciple de Cheik MA el sAinin, (3) Traduction Ismaél Hamer + Villes Sahariennes (enue du Monde musulinan, vol, XIN, 1012, p. 2 (10) Le jour de varafil est cel de la Reconnaissance, situe i chiassés. dwt Pai met plaeé, Adlam se mil la recherche de son épouse, et c'est A ¢ Moir Te non qui lui fut donne. (IL) Voir Notes aAfriraines, 9°48, octobre 1950, p. 110. Pour Vannée 1250 (= 1834/5) Pauteur de Chroniques de Ousata et de Nema #eerit qu’en eelte année Taleb “Alimed ben ‘wer ej-Jenna s'est rendu # Wadin, (Traduction P. Manry, Itevue des Blues isla- niques, année 1927, p. 362) (12) Buttetin di Comité d'Etudes historiques et scientifiques de UA. O. Fy 1922, p. 360, n. 2, Dans. un autre ouvrage inédit (L“Adear Tmar) cité par ‘Th Moned, in Sur uelqies constructions anciennes du Sahara Oeetdental (Rutetin de Géagraphie et dAr- thvolonie de ta province Oran, (. 71, umnée 1918, tire it park pe TM), le colonel Moda donne Ia date de 585 (= THU-1141) pour tv constriction de Wad in. Dans un. views potine didactique maure, J est dit que Wedan fut bati en an fetwcin) (= 500 ay rticule ed ou méme simplement mere, pl. ed-yum- dont iLest 1917, i se rendent au Djebel sArafit = le Mont res de Ia Mekke, Aprés avoir été la terre; de Ceylan oit il avait 6té mont qwil la rencontra, L=20—Ww (18) Gest ainsi quien Algérie de Bii-tAshri = 1 nous avons fait Bois Sacré et pour nous Stadiina est devents Saimt-Donat ! Voir a ee sujet C. SONNECK. 4» 1901) Cie par te Bulletin des Etd-s arabes (Alger), Chants arabes du Maghreb (Par 15, nove, 104 (4) Auteur de plusicurs ouy t. VILL, 1909, p. 413) donne Ia 1 7 dentre eu P. Marry (Etudes sur Miskin et Tes tribus dir Souda es Herabieh, les Iyueliad (Leroux, Paris, 1920, p. (5) Id est Fendroit oft les arelles-femeties léchent curs faons. Trarza un puils porte le nem de El MelLas quia ke meme sens. (16) Id est: 1c récil authentique de Vorigine ‘Alawite des Idaw ‘Ali et ‘Abw-Bekrienne de Mohammed Ghulli. » Lauteur 1818) était, en M des quatre plus grands savants de son temps. ‘Alamed hen El "Emin ech Chingili qui 6 axon (Revie du Monde musulman, » dont Pun cité également par tome [rt : Les Kounta de Est, Mass s1"Aouker du ses contribules, parle de Iai (Vasily p. 2 (17) «Chinswetti » (teoue des offiviers de réserve Sénégal-Mauritanie, n° 6, décembre 1938, p. (8) Op. Iam. Haumet reconnait que dans Je texte qui i Dans sa traductio ent de lire Mohammed Ghul; seuls quelq geur porte est lui (es ares. toms propres ont &é vocalisés. med Ghellow mais il cor TOPONYMIE ET WISTOIRE MAURE 343 (U9) Ci-dessous quelques autres dates dont struction de Chinguet ti P. Amuatat : 700 = 1302 in Petite Chi niques, 1937, pp. 57 et 11213). ‘Th. Moxop citant le colonel Modat : 620 = 1224 (Sur quelques constructions an- ciennes, p. 13). F, be La Cuappiur : Chinguetti : xv? siéele, ‘Abwer: Oceidental (Hespéris, Le XI, 1930, p- 46, n. 1). (20) « Méharées », p. 189. Du méme auteur, sur tion de In Gate d'Afrique, Dp. Sahara Oceidental, p. 28. (21) Ges changoments de CI! en S (ef. Synguyty) laisseraient supposer que ees infor- mateurs étaient de race noire. Comme les gens d’Ephraim dont parle 6) et qui se trahissaient par la prononeiation du mot sehibloleth (— épi), Ia plupart d'entre cux ne peuvent prononcer le ch. (22) Voir Dr A. J. Lucas. Considérations sur Vethnique maure et en partis xe race aneienne : les Bufours (Journal de la Société des Africanistes, (. fy fase. D. 158-1660. (23) ‘Ini = ensemble de plusienrs troupeaux de chamenux Keseb, spar diff ns auteurs pour Ia con- nique des Id ow Aich (Keone des Etudes ista- me s. in Histoire du Sahara nygunhy, voir également : Deserip~ nn. ISL ett Sur quelques construetio correspond aun (24) Le 1 e nés sur histoire des puits, traduit par P, Manry (Burletin du Comité d Etudes historiques et seientijiques de PA. O. Fas 1920, n° 3, D- 331). (25) Les Salines d'Aoulil (Iteoue du Monde musulman, . XM, nov. 1910, 18 91, De AUT na.

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