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SOCIÉTÉ
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DES

Sciences ET ARTS

DE

L'ILEDE LA REUNION

ANNÉE
1885

SAINT-DENIS
Typographie Lahuppe frères & Drouhet fils
RUBDE L'KOLISK– W

1886

1
' ,-l BULLETIN
Il. J SELA.
SOCIÉTÉ
DESSCIENCES
ET ARTS
DE
SAINT-DENIS
Ile de la Réunion
SAINT-DENIS

TYPOGRAPIIIE LAHDPPE FRÈRES & DROUUET FILS

IMPRIMEURS DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS


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SCIENCESET ARTS
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L'ILEDE LA RÉUNION
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ANNÉE 1885

SAINT-DENIS

Typographie Lalujpe frères & Drouhet fils


48 RBB DK L'ÉGLISE 48

1886

©
SOCIÉTÉ
DESSCIENCES
ETARTS

LASOCIÉTÉ
AÉTÉFONDÉE
PAR
M. HUBERT DELISLE

Gouverneur de la Réunion,

PAR ARRÊTÉ DU 27 DÉCEMBRE1855


ET RECONNUEPAR DÉCISION DU MTNISTRI
DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
EN DATE DU 29 NOVEMBRE1865

LISTE DESMEMBRES
DE LA SOCIÉTÉDESSCIENCESET ARTS
Au 1°' janvier 1886

Membres protecteurs

MM. DE Lormf.Ij (C %), ancien Gouverneur.


Faron (C ^), commissaire général de la ma-
rine, ancien Gouverneur.
CUINIER (C |î), commissaire général de la ma-
rine, Gouverneur de la Réunion.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

membres honoraires

MM. Louis CRIVELLI(j§s)>officier de l'Instruction pu-


blique, Inspecteur des Etudes en retraite, an-
cien Président de la Société et son repré-
sentant à Paris.
G. Imhaus (C ^t), receveur général des Bou-
ches-du-Rhône.
G. Couturier (0 ^), ancien Gouverneur de la
Guadeloupe.
L. MoREi.(|b), avocat, officier d'Académie, an-
cien Président de la Société.

Bureau
MM. LE SINER(%), président.
Adolple LE Roy, vice-président.
PASCALCRÉMAZY, secrétaire.
Omot, trésorier.

Membres titulaires

MM. Azéma (Mazaé)(#) Officier de l'Instruction pu-


blique, docteur en médecine, président de la
Commission du Uii'-euic, conseiller munici-
pal et conseiller général.
Bridet (Hilaire) (0 ^), capitaine de frégate en
retraite, directeur de la Banque de l'ile de la
Réunion.
Buttié (Joseph)ingénieur colonial des Ponts et
Chaussées.
Cerisier (Charles), chef de bureau de la Direc-
tion de l'intérieur.
Créhazv (Pascal), avocat, conseiller général.
Dubuisson (Edouard), Directeur de la Compa-
gnie d'assurances la Créole.
Focahd (Volcy) greffier en chef de la Cour d'ap-
pel, ancien secrétaire,
GREC,agrégé des sciences mathématiques, pro-
fesseur au Lycée.
DES SCIENCES ET AftTS

MM. Grenard (Emile), directeur du Crédit agricole


et commercial.
Jacob DE Cordemoy (Bénédict), secrétaire géné-
ral de la Direction de l'intérieur,
Jacob DE Cordemoy (Camille), ingénieur, con-
seiller général de Saint-Pierre.
LAMADON, ancien professeur du Lycée de Saint-
Denis.
LANTZ (Jean-Auguste) ($), Officier d'A«adémie,
préparateur-conservateur du Muséum d'his-
toire naturelle de Samt-Denis.
LE SINER (i^ Officier d'Académie, docteur en
médecine.
Loupy (Jules), avoué, conseiller général de Saint-
André.
Mac-Auliffe (%), docteur en médecine.
Madré, procureur de la République à Saint-
Denis.
Ménakd (Camille), comptable à Saint-Bonis.
Nicolas (Ernest), professeur de musique.
Obiot, agrégé de l'Université, professeur de ma-
thématiques au Lycée.
Pajot (Elie), propriétaire.
Ricquebourg (Louis), secrétaire de la Chambre
de commerce.
Rieul (Albert), avocat.
Koussw (Antoine), professeur de dessin au Ly-
cée.
SERS (Paul), avocat, conseiller privé.
Vinson (Auguste, (4), docteur en médecine.
VOLLARD (Ambroise), ancien notaire.

Membres eorrespoudaut«

MM. Autdier, en Franco.


Ai.LEACME, ex-juge à Nossi-Bé.
Babquisseau (Jean-Baptiste), à Saint-Pierre.
Bedingfell, à Maurice,
Bellaigue deBuchas (0 $.), à Paris.
BON (Etierne-Joseph) (^=), Ot'ficierde l'Instruc-
tion publique, proviseur au Lycée de Nantes.
BOTTARD (Léonce), à Saint-Paul.
BULLETIN
DELASOCIÉTÉ

MM. BRUNET(Dufour), procureur général à Pondi.


chéry.
CHATELAIN(Louis-Charles), inspecteur en chef
des services administratifs et financiers de la
marine et des colonies.
Castelnau (le comte de)($), au Cap.
Cazamian (Firmin), licencié ès lettres, Officier
d'Académie, en France, ancien secrétaire.
Caumont (Aldric) (%), avocat au Havre.
COMTE(A.-O.) (^), à Nantes.
DELTEIL,pharmacien principal, en France.
Dostob (Georges), professeur en retraite, à Paris.
FONTAINE,à Saint-Leu.
Foucaud (le comte de) (|t), à Cayenne.
Fhoppier (G.), à Maurice.
GAYET, pharmacien de la marine en France.
Gerbier, professeur en France.
Ghandidier (Alfred) {%), naturaliste voyageur à
Paris.
Hehvé (Edouard) (&), publiciste à Paris.
Hugo (Sehuehardl), professeur à l'Université de
Gratz (Autriche).
Hugoulin (%}, pharmacien principal à Toulon.
ITIER'(J.-0.) (#), receveur municipal à Marseille.
JACOBDECokdemoy (Eugène docteur en méde-
cine, à Saint-Benoit.
JACQUIER, ingénieur en France.
JoLY, (N.), professeur a la Faculté des Sciences
et à l'Ecole de Médecine de Toulouse, mem-
bre correspondant de l'Institut.
Joly, professeur en retraite, à Toulouse.
LACAUSSADE (A) (^), à Paris.
LAVOLLÉE (j^), à Paris.
Lacour, en France.
LAHUPPE(Thomy), juge-président du Tribunal
deChaudoc (Cochinchine).
LE Boucher, gouverneur de la Nouvelle-Calédo-
nie.
Leconte DELisle, à Paris.
LEJEUNE(D. M.), à Maurice.
LEPINE,Grand Vicaire, au Cap.
LuRAwsHY DE ALEXANDRE, gentilhomme russe,
à Viarzma.
DE Mahï, député de la Réunion, à Paris.
DES SCIENCES ET ARTS

MM. MARTINS, à Montpellier.


Michel (%), docteur en médecine, à St-Benoit.
Oodemans, directeur de l'Observatoire de Bata-
via.
Pollen (François), naturaliste, voyageur hol-
landais.
Raoul(jJ.), pharmacien de la Marine, en France.
Sknèque (le docteur), à Maurice.
Textoh DE Ravisi fi§), à Bohaine (Aisne).
Toiiiibis (L. de) (3I), à Toulouse,
Trociion (A), magistrat, secrétaire o'e la Société
dp Géographie à Tours.
DE Villkle (Auguste), à Saint-Paul.
Vivien (Placide) professeur en retraite à Paris
ViÉHE(Ch.), à Maurice.
YTIER, â Pans.
RÈGLEMENT

DE LA

SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

ART. 1er. Une Société a été fondée à


Saint-Denis sous le patronage de M. Hubert-
Delisle, Gouverneur de l'Ile de la Réunion,
sous le titre de Société des Sciences et Arts,
ART. 2.- Le but de la Société est de pro-
pager les Sciences, les Lettres et les Beaux-
Arts, et de concourir au progrès intellectuel
de la Colonie, en entretenant, surtout parmi
la jeunesse, le goût des travaux de l'esprit.
ART. 3. – La Société peut être composée
de 50 membres titulaires, et d'un nombre in-
déterminé de membres honoraires etdemem-
bres correspondants.
ART. 4. Chaque membre titulaire, ho-
noraire ou correspondant reçoit un diplôme
extrait d'un registre à souches, signe par le
Président et le Secrétaire et formulé ainsi
SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

DE L'ILE DE LA RÉUNION
La Société des Sciences et Arts de l'Ue de la
Réunion, instituée à Saint-Denis, le 27 Dé-
cembre 1855, a admis en qualité de membre,
M., etc.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

ART. 5.- Il sera publié un Bulletin an-


nuel des travaux de la Société.
ART. 6. La Société nomme annuelle-
ment trois commissions, l'une pour les LET-
TRES, l'autre pour les SCIENCES, la 3° pour
les BEAUX-ARTS. Ces commissions pourront
rendre compte à la Société des ouvrages qui
lui sont offerts, lorsque les auteurs en auront
désiré le compte-rendu.
Les Commissions forment avec le Bureau
un Jury, chargé de désigner les travaux qui
doivent être insérés au Bulletin.
ART. 7.- Il ne peut être publié dans le
Bulletin que des travaux inédits, sauf les ex-
ceptions préalablement autorisées par la So-
ciété.
ART. 8. La Société pourra distribuer
des prix annuels destinés à encourager les
Sciences, les Lettres et les Beaux-Arts.
Ces prix seront décernés dans une séance
publique.
ART. 9. -La forme et les conditions du
concours sont déterminées par le règlement
suivant:
I

Chaque année, les prix sont donnés dans la


séance publique, et le programme du concours
ouvert pour l'année suivante est lu dans la
même séance.
II
Le concours est interdit aux membres ti-
tulaires de la Société.
DES SCIENCES ET ARTS

III
Les ouvrages envoyés au concours, dont les
auteurs se sont fait connaître, même indirec-
tement, en sont exclus.
IV
Les mémoires doivent être adressés, francs
de port, au Président ou au Secrétaire de la
Société.
V
Les manuscrits porteront chacun une épi-
graphe ou devise, qui sera répétée dans et sur
un billet cacheté, joint à l'ouvrage et conte-
nant le nom de l'auteur.
VI
Les concurrents sont prévenus que la So-
ciété ne rendra aucun des ouvrages envoyés
au concours mais les auteurs auront la li-
berté d'en faire prendre des copies.

Des membres titulaires honoraires'


et correspondants

ART. 10. Les membres titulaires ne


peuvent être choisis que parmi les habitants
de la ville de Saint-Denis.
ART. 11. Un membre titulaire qui a né-
gligé d'assister aux séances pendant trois mois,
sans faire connaître les motifs de son absen-
ce ou qui, pendant le semestre, n'aura pas
réglé sa cotisation, peut être réputé démis-
sionnaire.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

ART. 12. Les membres honoraires sont


attachés laSocictésansêtreastreints à aucun
n
des devoirs imposés aux membres titulaires
ou correspondants.

ART. 13. Chaque membre correspon-


dant est invité à envoyer annuellement à la
Société un travail scientifique oulittéraire, ou
une oeuvre d'art.

Art. 14.– Les membres honoraires et les


membres correspondants ont le droit d'assis-
ter aux séances avec voix consultative.
Ils reçoivent le Bulletin de la Société.

Du Buiaau

ART. 15. Le Bureau de la Société est


composé d'un Président, d'un Vice-Prési-
dent, d'un Trésorier et d'un Secrétaire. Le Bu-
reau ne pourra délibérer à moins de 3 mem-
bres.
Du Président

ART. 16. Le Président fait exécuter le


Règlement.
Il a la police des séances.
En cas de partage dans les délibérations, sa
voix est prépondérante.
Il signe les délibérations et le procès-ver-
bal de chaque séance.

ART. 17. En l'absence du Président et


du Vice-Président, le plus âgé des membres
présents occupe le fauteuil.
DES SCIENCES ET ARTS

Du Trésorier

ART. 18. Le Trésorier est chargé des re-


cettes et des dépenses el du classement et de
la conservation des livres appartenant ù la
Société.
Son compte, apuré préalablement par le
Bureau, sera, à la dernière séance de chaque
année, soumis à l'approbation de la Société.
Du Secrétaire

ART. 19. Le Secrétaire rédige les procès-


verbaux.
Il s'entend avec le Président pour la cor-
respondance, l'expédition des diplômes et la
tenue des registres de la Société.
Il signe, avec le Président, les délibérations
et toutes pièces émanant de la Société.
ART. 20. Il recueille les travaux de la So-
ciété, met en ordre les lettres, manuscrits, etc.
ART. 21. Il prépare les liste des ouvra-
ges à acheter ces listes, approuvées par le
Bureau, sont arrêtées définitivement par la
Société.
ART.22. En cas d'empêchement, le Se-
crétaire est suppléé par le plus jeune des
membres présents.

Des Commissions

ART. 23. La Société nomme des Com-


missions qui font leur rapport sur les matiè-
res qui leur ont été assignées.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
i
Des Elections

ART. 24. En cas de vacance, la Société


n'admet de nouveaux membres titulaires que
sur la proposition écrite et signée de deux
membres titulaires.
Art. 25. La dato de la proposition et le
nom du candidat sont inscrits au procès-
verbal de la séance.
ART. 26. II est donné avis des proposi-
tions à tous les membres titulaires. Ceux qui
justifient de leur empêchement peuvent en-
voyer leur suffrage cacheté, et ce suffrage n'est
ouvert qu'au moment de l'élection, immédia-
tement avant le dépouillement du scrutin.
Art." 27. Les élections auront lieu, quel
que soit le nombre des membres présents,
pourvu que ce nombre soit réglementaire, con-
• formément à l'article 38.
ART. 28. Les trois quarts des suffrages
des votants sont nécessaires pour l'admission.
Les candidats qui, à la première épreuve,
n'ont pas réuni les trois quarts des suffrages
exprimés, sont soumis à un second scrutin,
et ils devront réunir les trois quarts des suf-
frages des membres présents.
Art. 29.-Les suffrages des absents ne sont
admis que pour la première épreuve.
ART. 30. Les membres honoraires et les
membres correspondants sont élus sur la pré-
sentation d'un membre titulaire et conformé-
ment aux dispositions des articles 30 et 31 du
présent Règlement.
DES SCIENCESET ARTS

ART. 31. Les membres du Bureau sont


nommés pour un an, au scrutin secret et à
la majorité absolue des membres présents.
Au second tour de scrutin, la majorité rela-
tive décide de l'élection. Ils peuvent être
réélus.
ART. 32. Quinze jours avant la séance
dans laquelle doit avoir lieu le renouvelle-
ment du Bureau, il en est donné avis par let-
tres individuelles à tous les membres titu-
laires.
ART. 33. Dans toute élection, le droit de
suffrage appartient exclusivement aux mem-
bres titulaires.
Des Séances
Art. 34. Les séances ordinaires ont lieu
le 1er ou le 2e vendredi du mois qui suit l'ar-
rivée de la malle de France.
Le Bureau peut fixer un autre jour lorsque
les circonstances l'exigent le Secrétaire en
donne avis aux membres titulaires.
ART. 35. Les séances ordinaires s'ou-
vrent à huit heures précises du soir. La So-
ciété peut choisir une autre heure lorsqu'elle
le juge convenable.
Chaque séance commence par la lecture
du procès-verbal de la séance précédente.
Les Commissions font ensuite leur rapport.
Enfin oa entend la lecture des travaux parti-
culiers.
ART. 36. Les membres de la Société ne
peuvent lire devant elle que des travaux iaé-
dits.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

ART. 37. Les membres de la Société qui


ont des travaux à lire se font inscrire par le
Président ou le Secrétaire huit jours avant la
séance.
ART. 38. Une séance ne peut avoir lieu
que lorsqu'elle se compose du tiers des mem-
bres titulaires présents dans la Colonie
ART. 39. Chaque année, il y aura une
séance publique. L'époque en sera fixée par
la Société.
ART. 40 Le Secrétaire fait à cette séan-
ce le compte-rendu des travaux de l'année.
ART. 41 Le Bureau réuni aux trois
Commissions mentionnées en l'article 6 dé-
signe les travaux qui doivent être lus aux
séances publiques.

Dépenses et Recettes

ART. 42 Les recettes de la Société se


composent des dons volontaires, et de la co-
tisation que les membres titulaires sont tenus
d'acquitter sur un récépissé délivré par le
Trésorier.
ART. 43. Les dons faits à la Société
sont inscrits sur un registre spécial avec les
noms des donateurs.
ART. 44 La cotisation a été fixée à 25
francs par la Société. Elle est payable par
année et d'avance.
ART. 45. Toutes les dépenses doivent
être autorisées par le Bureau.
BDLLETIK DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

Dispositions finales

Art. 46. Le présent Règlement ne peut


être modifié que sur la proposition de cinq
membres au moins et approuvé par S. Ex.
le Ministre de l'Instruction publique. Tous
les membres titulaires sont convoqués et re-
çoivent communicalion im mois u l'avance,
de la modification proposée.
Les trois quarts des suffrages, les fractions
en sus, sont nécessaires pour son adoption.'
Les membres présents ont seuls le droit
de voter.

Le Président,
LE SINER.

Le Secrétaire,
RAFFRAY.
Seanee du ,80 Mars 1885

Présents
MM. Le Sinëb, président;
P. CRÉMAZY,secrétaire
DUBIÏISSON,
FOCAED,
LANTZ,
MADRE,
MÉ\AED,
EOOTSIN.

Lecture par le Secrétaire et adoption par la so-


ciété du procès-verbal de la séance du 20 dé-
cembre 1884.
Dépôt par !e Président sur le bureau des di-
verses publications, de la France et de l'étranger,
par lui reçues pour la société depuis la dernière
séance.
Lecture par le Secrétaire d'une lettre de M.
Détiré Racymackers, membre de la société royale
malacologique de Belgique. Cette lettre du 5 fé-
vrier 1885 offre l'échange d'une certaine quantité
de coquilles terrestres, fluviatiles et marines de
l'Europe contre les espèces de la faune malaco-
logique de la Réunion. Le Secrétaire est prié de
de s'entendre, pour répondre à M. Racymackers,
avec les membres titulaires ou correspondants de
notre société qui s'occupent d'histoire naturelle,
et spécialement des mollusques.
La proposition de M. Lamadon absent excusé,
au sujet de l'Exposition agricole, industrielle,
scientifique, artistique et littéraire qu'il croit
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

utile d'ouvrir à Saint-Denis, en 1885 ou 1886,


sous le patronage de la Société des Sciences et
Arts, est renvoyée à la prochaine séance.
M. Ddbuisson donne lecture d'un article de M.
C. Flammarion, inséré dans la livraison de l'As-
tronomie populaire de février 1885, sur les trem-
blements de terre qui ont récemment ravagé
l'Espagne.
La séance est levée à 10 heures.

Le Secrétaire,
P. Ckl'hazt.
Séance du «41 avril 1885

Présents:c
MM.
LE Sinek, président
P. Ckémazï, secrétaire
ORIOT,trésorier
Bkidet,
Dubuisson,
GRENARD,
Laïiadoh,
Lantz,
Loupy,
MADRE,
MÉNARD,
Absents excusés
MM.
B. JACOB,
E. Nicolas,
P. SERS,
A. VlNSON.
M, A. de Faymoreau, délégué de Mayotte et
de Nossi-Bé au conseil supérieur des colonies, as-
siste à la séance M. le Président lui souhaite
la bienvenue.
Lecture et adoption du procès-verbal de la
précédente séancedu 20 mars 188S.
M. LE Pbë'sident exprime les regrets de toute
notre société au sujet de la mort récente de M
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

Charles Frappier de Montbenoit qui, depuis long-


temps, figurait parmi les membres correspon-
dants de notre corporation. L'assistance s'associe
aux sentiments si justement manifestés par M. le
Président et rend hommage à la mémoire de ce
savant modeste. C'est à lui que l'histoire na-
turelle doit la monographie des orchidées de l'île
de la Réunion, qu'il a complétée des espèces in-
digènes découvertes jusqu'en 1880 à la suite des
travaux des D'i Petit-Thon. ir-u, Claude Richard,
Bel nier, les frères Eugène et Camille Jacob, etc.,
crc.
M. Dusuisson nnnnmre que des amis de M.
C. Frappier s'o'capentî; Saint-Pierre, de réunir
tous les travaux de ce Bi.tur.sHste distingué,
travailleur infatigable, dont h publication aurait
un grande import-inee scientifique.
Il est décidi'1 que lu notice biographique pu-
Miée dans le Sport Colonial par une parente du
défunt, sous le' nom à'Ignota, sera insérée au
bulletin de 1883.
Le secrétaire lit une lettre, datée du 10 mars
1885, de M. D. Bruoet, Procureur générai à
Pondichéry, qui remercie la Société d'avoir bien
voulu décider l'impression dans le bulletin de
188-4, de son étude sur l'instruction publique à
k Réunion M. le Président est invité à ne pas
omettre l'insertion de ce travail dans le bulletin
de l'année dernière qui sera prochainement com-
posé.
M. LE PRÉSIDENT dépose sur le bureau 41t
numéros des recueils mensuels de la Société de
géographie de Tours, de l'année 1884 jusques et
y compris le u° de janvier 1885.
DESSCIENCES
ET ARTS

M DuBtnssoH présente des observations sur


la dernière éclipse de lune, presque totale, qui
a été visible a la Réunion, le 30 mars 1888 de'
6 heures 45' 50" à 9 heures 53' 12". Il appuie
ses observations d'une lecture destinée à préciser
les phases du phénomène qu'il a particulièrement
observé et montre des dessins indicateurs de la
marche de l'ombre pendant l'éclipsé. Il termine
en rappelant à la Société le vœu qu'elle a émis
pour le prompt établissement d'un observatoire
à la Réunion.
M Lamadon développe sa proposition exposée
dans la dernière séance. Il désirerait un renou-
vellement plus fréquent des expositions et con-
cours il demande de faire examiner, par une
commission, l'organisation, en 1886, d'uue ex-
position littéraire, artistique, scientifique, agrico.
le et d'économie politique. M. Lamadon n'a
p:isen vue nue exposition intercoloniale; il dé-
clare son projet plus modeste et plus pratique.
Les produits coloniaux ordinaires, sucres
rhums, vanilles et cafés devront êtie exclus, à
moins qu'ils n'offrent des améliorations propres à
les représenter comme des produits nouveaux.
Tous les produits des cultures et industries
nouvelles seraient admis à concourir. Des con-
cours spéciaux avec récompenses, seraient ou-
verts sur divers sujets choisis par les Comités
spéciaux de la Société des Sciences et Arts.
On pourrait étendre le Concours musical inau-
guré l'an dernier sur l'initiative de M. E. Nico-
las en mettant au concours un morceau de mu-
sique, qui devrait être composé et orchestré
par des musiciens de la colonie et serait exécu-
té par les fanfares de Saint-Denis et des quar-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

tiers. Ce concours musical attirerait au chef-


lieu des visiteurs dont l'affluence assurerait le suc-
ces de l'exposition
La partie littéraire,scientifique et artistique de
l'expositien serait formée sur le même plan que
celle de 1881.
M. Lamadon ajoute quelques observations sur
les exigences financières de l'opération Il dit,
enfin, qu'il se borne à tracer les grandes lignes de
son projet, sans toucher aux points de détail qui
devront être examines par la commission spécia-
le dent il demande la nomination. Après ces ex-
plications de J! Lamadon, la Société renvoie à
la prochaine séance la discussion de la proposi-
tion et la nomination, s'il y a lieu, d'une com-
mission pour étudier les bases de cette exposi-
tion.
La séance est levée à 10 h. -1/4,.

Le Président, Le Secrétaire,
LeSinek. P. Ceémazy.
Charles Frappier de Montbenoit

D'autres voix plus autorisées que la -mienne


ont parlé de cette belle intelligence, de ce grand
savoir mêlé à tant de simplicité, qui vient de
s'étwndre en la personne de Charles Frappier.
Si je viens a mon tour entretenir le lecteur d'un
de ses compatriotes les plus distingués, c'est que
je m'en fais un devoir bien doux, bien triste aus-
si. J'y suis amenée par l'affection, par la recon-
naissance. Je ne puis oublier l'assistance bien-
veillante, les encouragements toujours persua-
sifs qu'il m'a prodigués aux différentes étapes de
ma vie. N'est-ce pas lui qui m'a rendu si chère
la plume qui vient aujourd'hui déposer un mo-
dette hommage sur 'sa tombe à peine fermée,
toute émue de retracer son nom bien-aimé à tra
vers un voile de larmes, quand, il y a quelques
jours, la joie et la gaieté dictaient les mots qu'elle
lui écrivait!
Si tout le monde a rendu justice aux grandes
connaissances du vieux savant que nous pleu-
rons, peu de personnes l'ont connu sous son vé-
ritable jour, dans la vie retirée qu'il n'a cessé de
mener, loin du public qu'il semblait fuir. Aussi
l'a-t-on représenté souvent pour un original
doublé de science, mais sauvage, ne tenant au-
cun compte du prochain. Que de fois ai-je en-
tendu émettre cette opinion des plus injustes,
et quelle grande erreur répandue sans doute in-
consciemment par beaucoup 1
Notre vieux maître détestait seulement les
fâcheux, pour ne pas dire plus, et je demande
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

quel est l'homme intelligent, supérieur, qui, pré-


occupé sans cesse de ses recherches, de ses études,
ne s'est pas toujours dérobé à une compagnie de
peu d'intérêt pour lui?
Croyez-moi, le savant était doublé de l'homme
le plus simple et d'une bienveillance extrême
j'en prends à témoin tous ceux, inconnus de lui
bien souvent, qui sont -allés ù lui, et l'ont entre-
tenu. L'accueil était toujours empressé, il met-
tait avec joie ses connaissances b. !a disposition
de tous: dans ce vaste champ de la science, tous
ceux qui l'abordaient étaient des amis pour lui.
J'étcnnerai quand j'ajouterai qu'il avait le ca-
ractère fort gai, et l'avait conservé en dépit <îea
années qui ne l'avaient pas ménagé pourtanr,
et malgré leur cortége de souflrances, de vicis-
situdes et de tribulations. Il y a bien peu de
temps, qnclo.ues mois à priise, que ?e rappelant
quelques laits de sa jeunesse, je le voyais rnse
comme mes souvenirs d'enfance le voient à vingt
«us, en arriste.
A cette époque, si le voyageur bien inspiré,
en quittant Suint– Pierre, s'était dirigé sur nos
hauteurs jiiir la route de la Plaine et celle du
Tampon, il aboutissait fatalement à une belle
propriété, située entie deux ravines profondes,
pareille à un îlot. C'était alors un des plus beaux
domaines de l'île, auquel son propriétaire lais-
sait un cachet des plus pittoresques par la dis-
position de petites forêts entrecoupant heureuse-
ment les plantations de café et de cannes. Là,
au milieu de plantes rares, de fleurs amoureu-
sement soignées, de fougères et de ses « chères
orchidées >, Charles Frappier vécut de longues
années auprès de son parent du même nom, plus
eune que lui, mais auquel un attachement pro.
DES SCIENCES ET ARTS

fond l'unissait depuis l'enfance. Mêmes senti-


ments élevés, mêmes goûts, mêmes amours, mê-
me impulsion vers les mêmes sciences, les rap-
prochaieot étroitement à mesure qu'ils avançaient
dans la vie, et tous deux jetèrent ensemble les
bases de ce grand ouvrage sur la Faune et la
Flore de Bourbon, ouvrage auquel travaillait en-
core Charles Frappier ces temps derniers.
D'incessantes recherches furent faites dans la
forêt riche et variée qui les entourait, et de
grandes excursions eurent lieu dans l'intérieur
de l'île, afin d'enrichir l'Herbier, et de connaître
à fond les coins et recoins du pays. Le souvenir
de ces explorations vit encore dans la population
du Tampon, où chacun admirait et aimait ce.
deux hommes si bien doués, et si simples en même
temps. Oii les voyait sans cesse passer, l'un le
propriétaire, sur une forte multf, l'autre sur un
bel âne, suivis du guide expérimenté, type du
marcheur infai iguble, du convive extraordinaire
en ntêins temps, connu sous le iiom de Joscmoct
Laurel, et dont les lazzis n'étaient pas un des
moîudiea charmes d« ces courses.
C'était toujours une riche moisson que tou*
deux rapportai* nt, ec peu h peu le travail avan-
çait, s'augmentait.
Mais là se se bornaient pas les études Je ces
érudits ils abordaient toutes les branches, et
ont collabore1 pour une bonne part au livre.de
Maillard, leur ami commun. L'oreille d'en en-
fiitit q>iiécoutait tout, a retenu la discussion très
vive de tous truis, Mai'ard voulant faire connaî-
tre au public le nom de ces deux Messieurs, et
eux s'y refusant éu^rgiqnement. Si dans les plan-
ches du livre de cet ingénieur du mérite, quel-
ques papillons ou plantes portent le nom de
DE LA SOCIÉTÉ
BULLETIN

« Frappieri ce fut une surprise que la cons-


cience de l'auteur crut devoir leur faire, mais à
laquelle la modestie des deux cousins ne le con-
viait pas.
Le grand mot est lâché Modestie Ce fut le
caractère dominant de ces deux intrlligences
qui se comprenaient si bien. Les recherches, les
études ne les effrayaient pas, mais à condition
que leur nom ne fût point prononcé, et qu'elles
profitassent, pour ainsi dire, à d'autres. Bien
différents en cela de ceux qui ne recherchent que
le bruit, et le font autour d'eux pour les ac-
tions, souvent les plus minimes
Plus tard, après un laps de cinq années, Char-
les Frappier vint s'installer de nouveau chea
son parent, chargé cette fois de l'instruction de
ses enfants, et nous l'avons vu professeur émé-
rite, intéressant toujours ses élèves, rendues as.
sez indépendantes par cette vie de la- campagne.
En quelques jours, il commença, pour
rer un mode excellent d'études, tout uninaugu-abrégé
d'histoire générale, concis, lumineux, facile en
même temps, qui mériterait de voir le jour.
Quelles belles et bonnes années furent celles-là,
exemptes de soucis et de chagrins de toute sortel
C'était la fin du bon temps de Bourbon, aussi-
tôt après les désastres venaient s'abattre sur cette
île fortuiiée ils allaient sans relâche, progres-
sant avec les années, la conduire jusqu'à nos
jours si assombris!
Mais alors, la vie s'écoulait calme et heureuse,
et les labeurs de la journée terminés, nos deux
jeunes savants s'entretenaient de toutes sciences:
après l'histoiie naturelle, c'était la musique, tous
deux l'ayant approfondie par des études spécia-
les, et à ce propos, je rappellerai la composition
DES SCIENCES ET ARTS

de Charles Frappier, qne peu de personnes con-


naissent, le « Bengali », valse dont les motifs
gracieux rappellent les variations de cet oiseau
chanteur. La valse fut éditée à Paris, mais ne fut
distribuée que dans la famille, toujours par suite
de la modestie de l'auteur, fuyant le bruit, l'é-
clat.
Je m'appesantis sur cette période de la vie du
sympathique savant parce qu'il a souvent répété
qu'elle fut la plus heureuse de son existence,
celle où il travailla le plus, secondé par son pa-
rent comme aussi par la riche bibliothèque mise
à sa disposition. Tous ses travaux datent de cette
époque, et si les événements et l'état de sa santé
n'étaient venus l'obliger à regagner le littoral,
il y a nombre d'années que la monographie des
orchidées, la rectification de la table des loga-
rithmes, et nombre d'autres travaux savant',
eussent été publiés. Placé au secrétariat de la
mairie de Saint-Pierre, où il était alors auprès
d'un autre ami, il n'eut plus autant de loisirs, et
quand il résigna ces dernières fonctions, l'âge se
faisait sentir, emportant peu à peu l'activité, l'é-
nergie, apanage des jeunes ans pour tous.
C'est à peu près dans sa 72' année que notre
vénéié savant a dû terminer sa carrière je ne
l'assure pas, n'ayant à l'appui de mon dire que
la connaissance de ce mot qui mérita à son au-
teur, enfant terrible à cette époque, une vive re-
montrance, avec )e regret d'avoir peiné un maî-
tre affectionné. C'était h propos des guerres duIl
i" empire, et les deux cousins, parlant de la
campagne de 1815, s'étendaient sur les consé-
quences funestes de la bataille de Leipzig, qui
commença, pour ainsi dire, la marche décrois-
sante des succès du grand génie militaire. Char-
BULLETIN
DELASOCIÉTÉ
les Frappier soupira et dit Oui, c'est la veille
de cette bataille que je naissais – Et l'enfant
de s'écrier Alors, oncle Charles, vous êtes né
sous une mauvaise étoile?. Esprit rêveur, vo-
yant la vie d'un oeil sombre, cette parole d'une
enfant ne pouvait que le frapper, et abandonnant
les champs de bataille de Nupoléon, ce fut sa
propre existence qu'il déploya, la montrant tou-
jours enrayée pur de fâcheux incidents, avec des
déductions peu consolantes sur la destinée qui
lui revenait.
Heureusement, ces moments sombres ne du-
raient pas; comme je l'ai dit plus haut, le vieux
savant était plutôt gai. Il avait nombre d'aven-
tures et d'historiettes très-plaisanles qu'il aimait
à raconter, au plus grand contentement de ceux
qui l'écoutaient, et dans lesquelles, le plus sou-
vent, il avait joué le rôle principal. Sa timidité
native, en outre, lui avait procuré nombre de mé-
saventures qu'il détaillait en riant aux larmes.
_Témoiu ce bal, où il avait accepté l'emploi de
commissaire, il ne savait trop comment: debout
au barreau, comme l'on dit chez nous, il atten-
daitles dames, mais dès qu'uued'elles apparaissait,
le commissaire, bien loin de lui otfrir le bras,
s'enfuyait par un mouvement irrésistible.
Et cette autre: pressé de paraître à une réunion
chez utie tante qui lui imposait assez, il était
parvenu dans le salon, alors que toutes les dames
et les demoiselles y avaient, pris place déjà. Aussi,
le jeune neveu, perdant la tête, embrassa sa tante,
et toutes les dames à la file. Quand il
rencontra une porte, il se sauva, et l'on ne le re-
vit de quinze jours!
Ce n'était que de la timidité, et il ne faudrait
pas s'y tromper comme le fit je ne sais qui déjà,
DES SCIENCES ET ARTS

venu à Saint-Pierre à la recherche d'une situa-


tion sociale, et qui se croyait apte au journalis-
me comme à tout autre état. Il avait entendu
parler de Charles Frappier, de son existence re-
tirée, de sa grande timidité ou modestie
de là à écrire un article qui fît rire, il n'y avait
qu'un pas.
Connaissait-il la personnalité de cet enfant de
Saint-Pierre que tout le monde estimait et res-
pectai* appartenant à une honorable famille de
la commune, et dont les noius du père et de l'on-
cle étaient inscrit. en lettres il'or dans la grande
salle de la mairie? A quoi bon?. dans ce petit
quartier, on pouvait sans doute tout oser.
Il osa donc dépeindre le secrétaire invisible de
la mairie, le traitant d'homme qui n'osait lever les
yeux, etc. L'article à peine paru, surgissait de-
vant le chroniqueur le petit homme qui, se croi-
sant les bras, l'apostropha, lui demandant de le
regarder en face pour se convaincre qu'il n'avait
pas peur, et voulant corriger d'importance l'inju-
rieux t
On eut beaucoup de peine à calmer Charles
Frappier, justement indigné uinsi que tout le pu-
blic, et ce qu'on y gagna, ce fut le départ à ja-
mais du journaliste l
Me voici presque arrivée au terme de cette
notice. Il me reste a dire que Charles Frappier
avait fait des études en France, à une époque
où l'on n'envoyait guère de créoles dans la mè-
re-patrie. Ce fut, je crois, son parent, M. Frap-
pier de Jérusalem, alors procureur général à
Bourbon, qui y détermina sa famille. Il revint
avec une instruction des plus brillantes, mais
inaugurant, dès l',idolescence, les goûts modestes
dont il ne s'est jamais départi depuis, il préféra
LS
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

une vie obscure au milieu de ses auteurs favoris


à tout emploi qu'il pouvait tenir indifféremment.
Quel professeur précieux l'on eût possédé en
lui, avec les connaissances approfondies qu'il
possédait dans toutes les sciences Une seule
fois, il occupa les fonctions de Juge de Paix dans
la partie du Vent, mais à la fuite d'une affaire
des plus anodines, s'étant convaincu que son ju-
gement n'avait pas été très juste, il préféra envo-
yer sa démission plutôt que de s'exposer à se
tromper de nouveau. Ce Eeul fait se passe de
commentaire. Et après convaincu que la vie
publique n'était point faite pour lui, il reprit
pour toujours le chemin de Saint-Pierre, et re-
commença son existence toute d'études, que dis-
trayaient seules les visites de parents et amis.
l'our ceux qui le connaissaient, qui l'aimaient,
la mort est vécue bien vite, ses facultés étant de:
meurées les mêmes le corps seul nv.ait fléchi.
Etait-ce pressentiment? Recevant de celle quii
écrit ces ligues les vceux du nouvel an, il taxait
cette année iSSo « la dernière peut-être où son
compte allait rester ouvert au livre de vie. »
ajoutant: « Voyezdonc défiler et s'éteindre au-
tour de moi tant de jeunes existences si chères
au doyen de la famille »
L'at'ection sincère, le guide éclairé, ce style
pur, au tour original et aux images inattendues,
tout cela e&t descendu dans la tombe C'est avec
sérénité comme toutes les âmes élevées, qu'il a
vu le suprême moment arriver: la mort n'effraie
pas ces grandes intelligences, elles l'envisagent
avec calme, comme le faisait depuis longues an-
nées notre vieux maître. Il en parlait sans cesse,
même sur le ton badin, et écrivait encore à pro-
pos d'expression de gratitude concernant son ar-
des SCIENCES ET ARTS

ticle sur son parent, compositeurs et musiciens


« Nous nous aimions comme de véritables frères,
et si les morts vont vite, comme prétend la bal-
lade, les vivants aussi, et il y en a qui sont bien
près de l'atteindre. Eh bien si l'on se retrouve
dans un autre monde, nous serons tous assez mu-
siciens pour chanter, d'abord, à nous trois, l'ac-
cord parfait, en attendant les autres. »
Sa seule angoisse a dû être pour ses papiers,
ses manuscrits, fidèles confidents qu'il surveillait
avec un soi» jaloux. Toute sa vie, sa joie, ses
espérances aussi, s'y étaient concentrée?, et si
quelques dispositions dernières n'en ont pas fait
droit, son dernier regard, comme sa dernière pen-
sée, les confiait à cet ami de ses dernières années,
si plein de tendresse et de sollicitude pour lui.
Seul il avait été admis à connaître l'esprit et la
portée de ses travaux. A lui donc le soin, l'hon-
neur de les mettre en lumière pour perpétuer un
nom qui, malgré tout, s'est fait connaître, tant il
est vrai que le véritable mérite apparaît quand
même.
Et aujourd'hui que le souvenir seul demeure,
que l'éternité a repris sa proie, dans les mêmes
sentiments de douleur, de regret et de vénéra-
tion, je confonds ces deux Frappier de Montbe-
noit, qui resteront longtemps encore dans la
mémoire de ceux qui les ont connus et appré-
ciés ?
ISNOÏA.
JO février 1885.
<"
Eclipse de Lune du 30 Mars 1885

Oh. lo1» 50" La lune est sortie de l'ho-


rizon, affectant une couleur
rouge brique clair. Elle
plane dans une atmosphère
abso lumentlimpide à 5 deg.
au- dessus de l'horizon lors-
que son bord S. E. s'irise
légèrement sur !e disque,
et cependant cette partie
ut sensibtement plus som-
bre que le reste. Le bord
Nord E. très clair.
6 h. 26'" ISO"*– Le bord S. E. s'assombrit
sensiblement.
6 h. 29™ 50'' Sous l'influence de la pé-
nombre, les cirques sont
plus visibles. Platon est
noir, on le voyait à peine
tout à l'heure.
8 h. 32m – Kepler noir bien visible.
Aristarque reste très bril-
lant.
G h. 35™ – Les Remparts de 'Tycho
brunissent.
G h. 41™ 50". Contact d'entrée – L'ombre
tutusparente se voit jusque
près de Chickard.
6 h. n1" – LW.ianciure passe par Ha-
inzel. Le bord éclipsé dis-
pv.aît.
6 h. 50"' 30" – L-: bcrd éclipsé redevient
vi.-ibîe.
(!) Oo:>eu.-lioi]<> prise;, (ic U G ira de S;iint-D(mis avec une
lunotlÊ de if/'o (3e àrcK'È.iii-ociTlajrc terreslre-cliainL1 ^e 3^'
– Cliraaonxtiiî rCzlé Leiups juoven (lo Siitnt-Denis sur l'élal
absolu (i'undULreddnlLiniirclu; u'av/iit pasôK! véntine depuis
six mois. Je ne crois pas à une erreur de plus d'une minute.
Nord
"Marche de l'ombre sur le disquelunaire
pendant l'éclipsé dn.30 Mars
oWrvee £ l'île Je la
TUuiuori
BULLETIN BB LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

6 h. S2m L'ombre atteint le bord de


la Mer des Humeurs.
6 h. 57"° Tycho, Képler dans l'om-
bre transparente.
7 h. 0 Le bord disparaît, au cen-
tre de l'arcéclipsé, formant
deux cornes claires. Le
bord de l'ombre est mal
défini l'ombre transparen-
te est certes égale bien
moins de 2 fois le diamètre
de Tycho.
7 h. 3"° 3' Contact avec Tycho ce cra-
tère est en plein dans l'om-
bre transparente.
7 h. 10m 7" Contact avec Aristarque.
7 h. 12m ia"S – Contact avec Copernic.
Toute la partie éclipsée est
absolumentinvisible Aris-
tarqae seul paraît comme
un promontoire blanchâ-
tre dans l'ombre, très bien'
visible avec l'oculaire ter-
restre de la lunette.
7 h. i6m – Aristarque toujours bien
visible.
7 h. 17" Le bord de l'ombre coupe
le cirque de Ptolémée par
moitié.
7 h. 25'" 18" – Les Apennins pénètrent
dans l'ombre.
7 h. 29'" 49" – Archimède, contact.
7 h. 30" 'il" – L'ombre transparente tou-
che la Pointe Est du Golfe
des Iris.
BULLETIN DE hk SOCIÉTÉ

7 h. 32m 81" Contact Manilius. Bord


éclipsé toujours invisible.
7 h, 34"" 50" – Le bord de l'ombre sur le
promontoire Est du Golfe
des Iris, et celui de l'om-
bre transparente sur les
monts Ilœmus. Elle ne me
paraît pas beaucoup plus
large que Platon (1').
7 h. 41'" – L'ombre s'avance sensible-
ment de l'Ouèst au Nord
et presque plus au N. E.
Elle glisse.
7 h. 42m – Bord éclipsé complètement
invisible.
7 h. 44° 5" Contact du promontoire
Nord du Golfe des Iris.
7 h 48'" – Platon, Posidonius et Pro-
chis à égale, distance de
l'ombre, mais-elle ne s'a-
vance que par en haut.
7 h. 53™ Contact de l'ombre trans-
,parente avec Posidonius.
7 h. 53m 8" – Contact de l'ombre avec
Proclus.
7 h. 55™ 25" – Contact de l'ombre avec
Posidonius.
7 h. 85' 41 "5– Contact de l'ombre avec
Mer des Crises (Sud).
7 h. 38™ 20" Lebordéclipfeé est toujours
invisible.
8 h. 2™ Les deux cornes s'élargis-
sent.
8 li. 2m 32" – Une petite étoile tiès bril-
lante surgit brusquement
an bord supérieur (Ouest)
DES SCIENCES ET ARTS

du disque éclipsé comme


un diamant tremblotant et
sans appui. Le bord de la
lune est invisible.
8 h. 4" 20" – Les cornes s'allongent. La
Mer des Crises éclipsée
jusqu'au bord septentrio-
nal, reste cependant visi-
ble. Platon se maintient
sur le bord de l'ombre. Je
revois Positionius
8 h.' -10'" – Mer des Crises dans l'om-
bre, mais toujours visible.
8 h. 11"' – Bord éclipsé reparaît très-
faiblement (lunette).
8 h., 12°" – Le bord de l'ombre passe
par la pointe Nord d\» la
Mer des (Irises, Egàde,PIa.
ton, et le milieu du Golfe
de la Rosée.
8 h. 14'" – Platon semble s'éclairer.
8 h. 17m – Le disque s'éclaire par l'Est
et le S. E.
8 h.19"' maximum– Le Golfe des Iris reparaît
dans l'ombre transparente
et les alentours de Plalon
s'éclairent.
8 h. 23m 20" – Le bord S. E". s'illumine.
8 h. 24e" 45" – Aristarque apparaît déjà
comme un pointdans l'obs-
cin-ité (oc. terr.).
8 h. 27'" 32" – L'ombre îase le fond du
Golfe les Ins.
8 h. 39™ 25'' – Contact extérieur avec Po-
sidonïus, en retour.
BULLBTJN DE LA SOCIÉTÉ

9 h. 0m 48" -• Contact extérieur avec Co-


pernic.
9 h. 12m – Le bord éclipsé complète-
ment visible à l'œil nu.
9 h. Um S" – Contact intérieur avec la
Mer de la Sérénité.
Contact extérieur avec la
Mer desCrises (celle-ci est
devenue invisible).
A partir de 9 h. 15mla lu-
ne se trouvant à plus de
45 deg. au-dessus de l'ho-
rizon, et fa longueur de la
lunette mesurant près de 2
mètres, l'oculaire est pres-
qu'au niveau du sol et les
observations deviennent
très difficiles surtout fa-
tigantes. Il fallut attendre
le moment de la sortie et à
9 h. 43"° 34" – presque couché sur le dos,
je vis Pëtavius sortir de
l'ombre. Une échancrure
seulement restait; je la vis
se retirer rapidement, et à
9 L. 53' 12" le dernier fragment, en se
détachant laissa le bord
dans l'ombre transparente.

N. B. – L'ombre est bien plus nette dans son


contour, que lors delà marche d'entrée. L'ombre
transparente bien accentuée. L'estimation de sa
largeur à 1 fois d/2 le diamètre de Platon du
Nord au Sud me paraît la plus exacte.
- '9

Marche de la Lune dans l'ombre de la Terre


pendant l'éclipsé lu 30 Mars
observée
âl'îledela Béniuoii
DESSCHKCESETtMS
Observations.
1–Le maximum de l'Eclipse avait été ûxé par
les calculs aux 88/100 de la totalité. On peut voir
d'après la figure 1 que nous avons dressée que
cette proportion ne paratt pas avoir été mathéma-
tiquement atteinte. Peut-être ie point exact du
maximum m'a-t-il échappe entre deux observa-
tons cependant toute mon attention s'est portée
~ur le cirque .P<<H(Mqui n'a jamais été éclipsé.
Son pourtour ~Mf~ a été mordu par l'ombre, qui a
glissé sur lui.
2 Jusqu'à preuve du contraire., !'om~-e <retM-
~arett/a est coasidërce comme la projection de la
lumière solaire assombrie par la couronne atmos-
phérique terrestre. La. mesure de l'épaisseur de
cette ombre peut donc servir à donner celle de
notre atmosphère, sur laquelle on est loin d'être
d'accord.
Pendant l'éclipse du 4 octobre 1881., l'ombre
transparente put être estimée à 2 minutes d'arc
n'ayant aucun instrument micrométrique à ma
disposition, je ne pus opérer que par comparai-.
son avec les cirques lunaires dont le diamètre
est exactement connu par rapport !) celui de )a
lune elle-même.
A la distance qui sépare l'observateur de la
lune, l'ombre projetée par la terre occupe un dia-
mètre de 2.20 fois plus grand que celui de la
lune il résulte de cette proportion que la minute
d'arc, à cette distance représente 182 kilom.
par coMéqueut si l'ombre transparente projetée
par notre atmosphère a 2' de largeur, celle-ci au-
rait 364 kiiomëtres. Nous voilà bien loin des 80
kilomètres qui paraissaient jusqu'ici être sa li-
mite.
Avril 1885. ED. DcBcissoN.
StéaMce du tO JntM t885

Etaient présents:
MM. LE SiNER, p~M<?!<
P. CnEMAZY, MeretaM'e
ORIOT,<r<<Mn'e?'
DDBDISSON,
LA)fADON,
LANTZ,
NICOLAS,
MADRE,
Roussa.
M. Charles Cerisier, chef de bureau de la Di-
rection de l'Intérieur, est présenté à la Société
M. le Président lui fait des compliments de bien-
venue, en lui témoignant le dédr de le voir pren-
dre rang dans notre Société, conme membre ti-
tulaire.
Lecture par le Secrétaire et adoption par la So-
ciété du procès-verbal de la séance du 24 avril
1885.
Lecture d'une lettre, du 6 avril 1885, de M. L.
Crivelli, ancien président de la Société et son re-
présentant à Paris.
Dépôt sur le bureau d'un exemplaire du dis-
cours d'un ancien confrère, M. D. Brunet, pro-
eureur général à Pondichéry, discours pro-
noncé à l'audience de rentrée de la Cour d'appel
de Pondichéry du 7 mars 1885.
M. E. DuBCiSSONfait une lecture écoutée avec
intérêt; son travail a pour titre: Causerie sur
l'optique, son passé, son présent et son avenir au
point de vue télégraphique.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

Discussion au sujet de la proposition Lamadon


pour l'organisation des concours qu'il voudrait
voir créer sous le patronnage do la Société, chaque
année et dès ~886. Divers moyens sont indiqués
qui sont comb.tttuspar d'autres; on fait sur-
tout ressortir, malgré l'avantage de ces exposi-
tions, la diSicuIté d'en former qui seraient à la
fois, comme le désire le proposant, littéraires,
artistiques, scientifiques, agricoles, industriels et
d'économie politique.
Les inconvénients Je ces concours, principa-
lement au point de vue de notre situation finan-
ciere, ne taissent pas que d'embarrasser 'a Société
elle croit devoir ]en\'uyH' l'examen eti'étude ap-
profondie de la queniot), à une Commission qui
est chargée de fixer les bases d'un projet, s'il est
possible, et d'en faire un rappnrt.– M. Lama~on
présente une liste de 8 membres qui, sur sa pro-
position, doivent composer cette Commission.
Ce sont MM. Dubuissoa,&reiiard, Lamadoa,
Ad. Le Roy, Madré, Nicolas, Oriot, Roussin.
La liste de M. Lamaflon est adoptée, avec cette
déclaration que !a Commission nommée fonction-
nera avec l'adjonction et sous lii présidence du
Président de la Société.
La séance est levée à M heures.

Le Secrétaire,

P. CRËMAZY.
Causerie sur l'Optique

S<Mtp&ss~, son pr~scmt, aon avenir,


an point <tc vnc téSégp&pit~ne
H y a quelques mois, en septembre 1884, la
petite ville de Brogtie, en France, richement pa-
voisée, assistait enfin a l'inauguration de la statue
élevée, après un siècle écoulé, à un des Français
les plus justement célèbres par l'importance de
leurs découvertes scientifiques.
AagustinFresnelfatun génie, qui contribua
largement a. illustrer la France par le progrès des
sciences il était temps que l'incompréhensible
oubli dont il avait été l'objet fût réparé, et que les
immenses services rendus par lui reçussent la
consécration publique qui leur ct~it due. Désor-
mais, son souvenir ne pourra plus s'effacer de la
mémoire de ses compatriotes.
Dans le discours prononce h cette fête d'inau-
g[)!'ation,p:u' M.Ja.min, aunomile l'Académie,
dont il avaic t'të membre, Fresnel fut appelé le
Newton ~H c~is, et c'est juste titre, car c'est
a lui qu'en doit les pins ingénieuses applications
de la théorie de ta lumiÈre, les conceptions les
plus haruies et !<'s plus originales en matière
d'optique.
Trop courte, helus pour sa patrie et pour la
science, fut l'existence de l'illustre jeune homme,
qui mourut à Ville d'Avray en 1827, il l'âge de
37 an! cinq années après avoir pub)iu sa magni-
iique théorie de L' po)arisation de la lumière, qui
eût suffi a l'immortaliser, et qui rencontra pour-
tant alors, la plus formidable opposition de la
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

part des savants et de son ami Arago lui-même.


Mais rien ne devait résister à la vérité de sa dé-
monstration, qui rallia bientôt ]'una.nime assen-
timent des savants dn monde entier.
Une des plus belles conceptions de Fresnel
fut, fans contredit, la théorie des phares, dont
l'application préside encore, de nos jours, à la
construction de tous ceux qui sont élevés dans
l'intérêt de la navigation. Il substitua aux ré-
Sectenrs m~taHiques de grandes lentilles planes
et convexes disposées suivant un sy~eme parti-
culier imaginé par Buffon, et connues sous le nom
de lentilles à écbplons il réunit, pour chaque
phare, huit systèmes ~'inMaMes ëca.rtcs de 45
degrés, et lançant chacun son énorme faisceau
lumineux mr une partie de l'horizon. De plus,
comme il restait encore des points intermédiaires
obscurs, dans l'ombre desquels te phare ne pou-
vait être aperçu, il adapta nn mouvement d'hor-
logerie en vertu duquel cehii-ci tourne sur lui-
même et éclaire successivement tout [e cercle de
l'horizon.
J'arrive a vous donner l'explication que vous
désirez sans aucun doute. Pourquoi cette page
d'histoire?
Si le nom de Fresnel a été p!aoé a côté de celui
de Newton, il en est un autre qui vient d'être
placé à côté de celui de Fresnel dans une récente
conférence tenue par M. L. P. Adam, a Maurice;
c'est celui de M. Je colonel du génie Mangin.
L'avenir dira si M. Adam se trompait ea éle-
vant à cette hauteur les mérites du savant et trop
modeste soldat français, qui, depuis 1871, a usé
les forces quelui avait laissées une campagne dont
il est revenu mutilé, à la solution du plus beau
problème d'optique.
DES SCIENCES BT ARTS

Qui de nous ne frémit encore au souvenir de


l'horrible situation dans )aquel)e se sont trouvés,
eu 1870, nos corps d'armée de défense, lorsque
séparés les uns des autres par l'ennemi, leurs che&
ne purent réaliser aucun moyen de communica-
tion entr'eux, pour concerter leur marche res-
pective en vue d'une jonction considérée comme
unique moyen de salut! N'est-ce point là ce qui
fut la cause de tous nos désastres? Aussi l'Ad-
ministration de la guerre songea.t-elle dès te len-
demain de la paix, à jeter les bases d'une orga-
nisation puissante ayant pour but d'assurer la
communication entre tous les points des irontiè-
res et des côtes, envers et contre tontes les cir-
constances imaginables.
C'est de là que date t~ création au ministère
de la guerre, de la Commission permanente dite
des communications aériennes, qui fut char-
gée exclusivement de l'étude et de l'application
à la défense du pays, de tous les moyens propres
à en assurer la réalisation.
Le colonel Mangin, nommé président de cette
Comn.ission, se mit à l'œuvre avec une passion
teHequc l'organisation demandée existe aujour-
d'hui. Le télégraphe optique relie actuellement
tous les forts~de ceinture de la France, défiant
ainsi tous les efforts qui pourraient être tentés
pour interrompre des communications basées sur
un principe [~immatériel, {la lumière, servie par
des appa.reUs~qui ne sauraient Être atteints qu'a-
près la démolition des puissantes casemates qui
les abritent.
La distance qui sépare ces postes importe peu
si elle n'est que 25 à 80 kitom., l'emploi d'un
BULLETIN M LA SOCIÉTÉ

simple projecteur de campagne suffit si le temps


est brumeux, la vivacité du foyer lumineux,
centuplée par l'emploi de l'électricité, perce )a
brume faut-il porter !e rayon lumineux au delà
de 100, de 150 kilom. ? alors commence le rôle
du merveilleux appareil téiescopique du colonel
Mangin, appareil qui est la propriété de l'Etat,
et dont M. L. P. Adam, par faveur spéciale du
Ministère de la guerre, a p'j se servir pour faire
chaque soir posant quelque temps, la. conversa-
tion entre le Pic-Lacroix, &la. Réunion, et le Pic
Vert, ù Hnurice, sans autre lumière qu'une sim-
ple lampe apétrole.
La théorie de cet appareil repose sur des don-
nées absolument originales, d'une très haute por-
tée mathématique la solution du problème sur
lequel il est basé et l'immense résultat obtenu
dans l'application constitue un véritable titre de
gloire qui place, en eËet, le colonel Mangin à
coté de Fresnel. Au moment ou l'honorable sa-
vaut, dont la santé ruinée par le travail, vient de
prendre sa retraite, M. Adam devait cet éclatant
hommage à son illustre maître, et dans un avenir
prochain, les événements viendront consacrer son
jugement.
Il semble, en effet, que le colonel Mangin at-
tendit, pour prendre cette retraite, que l'entre-
prise de M. Adam, dont il suivait de loin les pé-
ripéties avec un très grand intérêt, eût, par sa
réussite, donné à son invention la plus magnifi-
que consécration qu'il pût désirfi-.
La jonction optique de Maurice à la Réunion.
à travers un bras de mer de 180 kilom. au moyeu
de la simple lumière du pétroic, constitue le plus
beau résultat admissible avec le réflecteur de 60
centimètres et je pourrais témoigner par de
DES SCtE~CESET ATtTS

nombreuses lettres du colonel Mangin que l'ap-


plioation à ses appareils d'une source de Inmie~'e
électrique, donnera ton~ les ]-Mu!:ats qu'en nt-
tend M. Adam pour servir a des connnunications
intercotouialcsrcgunores.Tous les doutes, i) cet
égard, s'évanouissent en pouvant que la lumière
qui !t sud déjà. dans une certaine mesure, serait
alors plus que centuplée, et assurerait t'échange
des dépêches même pendant ph~ienrs hsnre9 de
la journée.
Des appareils propres u. l'expédition et :'t Lt ré-
ception automatiques des dépêches sont l'objet
d'un travail assidu, et M. Adam, qui a. déjà sou-
mis a l'Académie des Sciences, en )88~, un np-
pareil expéditeur~ a. promis de présenter h l'Ex-
position prochaine un récepteur photographique,
c'est-à-dire que les dépêches s'inscriront automa-
tiquement !'ur nnebande an bromure d'arg'int qai
se déroulera devaut le foyer de la luuette.

Quand on examine avec attention les avant~-


ges delà tëleg)aphieoptiquf,<;tqn'on ne se com-
plait pas quand m&ute dans (les ohjec.tions qui ne
soutiendraient pas la discussion, en prM['nca fies
{aitsiiccompti.sdeja, on est c'jnduit a penser q!i'il
y it dans cette n hnirabte conquête ~cientinqno
les été!nent~ d'une imtHense révolution des mo-
yens de communication a grande distance. Au
pnintde vue économique, en tiret, partout où les
signaux optiques ne rencontreront pas l'obsta.ole
infranchissable, le seul, la rotonditedehi surface
terrestre, les avantages seiout entièrement de
leur côté. Plus de ces innneascs capitaux n~res-
saires pour la pose,l'entretien,leai'cpiirations des
BULLETIN DE' LA SOCIÉTÉ

cables sous-marins et terrestres Plus d'inter-


ruptions pendant des mois entiers 1 Le rayon lu-
mineux, immatériel, inaltérable, toujours prêt à
faire son office entre le passage de deux nuages,
coûtera cent fois moins.
La substitution des signaux optiques à un grand
nombre de câbles sous-marins et continentaux
est, aux yeux de ceux qui partageront nos con-
victions, une question de temps.
M. Adam a fait de cette perspective le sujet
principal de la conférence dont les journaux de
Maurice ont rendu compte en termes si remar-
quablement élogieux, et on a apprécié sainement
le plan qu'il a exposé d'un service optique à tra-
vers Madagascar.
Je sais bien que beaucoup de personnes ac-
cueillent ces idées avec des sourires dédaigneux,
des manifestations d'incrédulité Mais qu'im-
porte ? EUes ne feront pas que ce qui doit être, ne
sera pas. Tous les grands progrès dont se prévaut
aujourd'hui l'humanité, et qui servent & sa mar-
che en avant, n'ont-ils pas toujours trouvé des
incrédules et des détracteurs?
Qu'a donc pensé le Grand Bonaparte du pre-
mier bateau à vapeur ? Que dirait Fulton s'il res*
suscitait demain à bord des splendides steamers
qui visitent notre rade?
La grenouille de Gdvani ne laissait guère pré-
voir les splendides applications de l'électricité
Daguerre et Montgotner resteraient stupéfaits, le
premier devant Ls photographies de M. Le Cor-
ney, et le second devant le ballon-cigare dirigea-
ble de MM. Renard et Erebs.
Le télégraphe est menacé par le téléphone;
celui-ci ne sera-t-il pas détrôné lui-même par
quelque conquête nouvelle de la science? Qui
CES SCIENCES ET ARTS

oserait l'affirmer, lorsqu'il sait queUes puissantes


facultés sont mises au service des recherches, et
qu'on voitle champ de ces recherches s'étendre,
chaque jour plus gr.n)d, devant l'humanité 1
L'avenir est aux hommes de tr~vai)~ et lorsque
les Graham Bell, après avoir découvert le télé-
phone, se donnent la peine de chercher encore,
comment ne pas s'attendre à des merveilles?

Je viens de prononcer un nom qui oi.'vre à


mon esprit tout un monde de perspectives nou-
velles ette)!emeat brillantes pour les signaux op-
tiques que je ne puis me dispenser, pendant que
je cherche a faire passer dans t'âme de mon au-
ditoire une partie de la confiance que m'inspire
cet agent de l'avenir, de vous les communiquer
encore. »
Graham Bell, !e très célèbre physicien améri-
cain à qui la Franco :t accorda, en 1880, le prix
Volta, avant qu'il n'eût dévoUC tetéiëphone, n'H-
vait pas encore, par cette prodigieuse décou-
verte, sufËsumment étonné l'Univers. Permettez-
moi de vous faire entendre les termes mêmes
dans lesquels Louis Figuier parle de l'incroyable
création nouvelle de M. Bel].

« It est impossible, en effet, de concevoir une


plus brillante, nne pius étonnante création que
celle dont M. Graham Bel) a enrichi la sniencH
en 1880. M. Graham Bell a ~at< parler la J~MmM-
rel
Ces mots suffisent pour faire apprécier rim-
mense originaUte, et en même temps !n. portée
extraordinaire de cette découverte. Un rayon de
BULLETIN DE LA 60C!ËTË

lumière vient remplacer, comme transmetteur du


son, les corps solides, liquides ou gazeux. Un
rayon de soleil ou de lumière électrique faitl'oi-
fice de conducteur métallique, pour Uaumiettre
les sons du téfephoue. Est-il possible d'imaginer
rien de plus nouveau ? Cela confond l'imagina-
tion.
< Les découvertes qui ont vu le jour depuis
quelques anaées, )e téféphone, le phonographe,
]e microphone, et maintenant le photophoue,
nous dévoilent une branche toute nouvelle de ]a
physique, un ordre de faits, dont les physiciens
n'avaient aucune idée jusqu'à ces dernières an-
nées. H s'agit de phénomènes qui se passent dans
J'intimité des mo)<;cu]esdes corps, et qui se tra-
duiseut par des tN'ets d'induction électrique ou
étectro-magaetique, ou par diverses vibrations
des molécules d'une prodigieuse pensibihtc, se
manifestant pourtant au dehors et produisant des
enets physiques extérieurs 'apprécjaMes. Dans
tous ces phénomènes nouveuux, on voit l'électri-
cité jouer le rôle de f~ chaleur, la chateur se
changer en électricité, l'électricité produire le
son, et vpnir,àsontour,jjroduire)es vibrations
sonores. On voit, en un mot, les forces physi-
ques se remplacer, se suppléer f'unc l'autre, ce
qui amène à conclure, par des faits indiscutables,
a l'identité de toutes ces forces, c'est à-dire à
ce que l'on a appelé, avec raison, ~M~ët~M for.
ces physiques.
En raison de leur siège, qui se trouve dans
rintimite des molécules et en raison du pett de
temps qui s'est écoulé depuis qu'ils se sont rêve-
lés aux savants ces phénomènes électriques et
élect~o-magcëtiques, ces effets d'induction, ces
vibrations moléculaires, sont souvent difficiles à
DES SCIENCES ET ARTS

expliquer cnr les lois actuellement connues dans


la science. Il est donc sage de ne pas se presser
de chercher des explications. Ce qu'il importe.
c'est d'enregistrer les faits acquis, surtout quand
ils se traduisent par la construction d'instruments
d'une utilité directe.
a Tel est ]e cas du pAo~ne de M. Graham
Bell, dont la théorie physique e~t diffieile a don-
ner, et qu'il faut pour le moment se borner a faire
connaître dans ses dispositions et dans ses effets.
C'est ce que nous allons faire.
< Le mot p/Wop/tO)teest formé de deux mots
grecs lumière et voix. L'uppa.reit auquel M.
Graham Bell a donne ce nom, bien justifié, sert
à transmettre les sons, et surtout ceux de la voix
humaine, Hn moyen de l'.Ltumiere. Les rayons
lumineux sont 1:),force en vertu de laquelle le
sou se transmet a distMC~. Cette découverte
merveilleuse est due, ainsi qu'H vient d'être dit,
à M. Grahamt!e)t, l'inventeur du téléphone.
M.CrnhamBL-HatronveIeninyen de eon-
vertir les vibrations lumineuses eu vibrations so-
nores. Il a mis en évidence ce grand fait. que
les vibrations lumineuses produisent un son
quand elles tout sunisanmeut rapides.
« Le principe général du photnphune, l'ins-
trument pratique dont la construction a été la
conséquence de la découverte de ce f<dt fonda-
m(nta). peut se résumer comme il suit.'
c i'renons un mimir sur lequel tombe un ra-
yon Lunint'ux et parlons derrière ce miroir la
suifaoe du miroir renochissaat variera dans !.a
forme, soust'in&neccede~vituations vocales, et
le ravon indUcnt variera d'intensité au point
d'incidence, s.iivaut que la courbure du miroir
vibrant s'atténuera ou s'exagérera. Si maintenant
BULLETM DE LA. SOCIÉTÉ

ou recueille à distance le rayon réfléchi, on y


percevra la trace de ces variations d'intensité
et, par des dispositions particuliè'rs de l'appareil
récepteur, ces variations d'intensité pourront pro-
duire, H.leur tour, des vibrations sonores, iden-
tiques aux vibrations vocales du départ. Les sons
de la voix seront donc transmis à distance, sans
aucun autre intermédiaire que le rayon lumineux.
« Ainsi, tandis que le téléphone nécessite des
conducteurs métalliques pour joindre entre elles
les deux stations en correspondance, dans le pho-
tophone le récepteur est tout H fait indépendant
du transmetteur. Un faisceau de lumière traver-
sant l'espace d'un poste n l'autre, fans rencon-
trer d'obstacle opaque, snmt pour produire l'ef-
fet cherché. Cette condition n'est m~me pas ab-
solue car certaiûes substances qui forment écran
n'empêchent pas toujours. les communications
verbales de s'établir par l'intermédiaire du rayon
lumineux.
Le principe sur lequel est basé le photo-
phone était connu depuis un certain temps. En
1873, M. Witioughby Smith avait reconnu, que
le corps simple connu fous le nom de sélénium,
et qui appartient à la famille chimique du sou-
fre, présente une résistance bien plus faible au
passage du courant électrique lorsqu'il est expo-
sé à la lumière que lorsqu'il est dans l'obscurité.
En d'autres termes. M Wil!oughby Smith avait
découvert que le sélénium exposé au soleil est
conducteur de l'électricité, et qu'il ne la conduit
pas s'il est dans l'obscurité.
< Bien des essais furent tentés pour mettre à
profit cette singulière propriété du sélénium.
Nous n'entrerons pas ici dans les détails relatifs
à ces recherches, afin d'arriver tout de suite à
DES SCmNCE9 ET ARTS

la description de l'appareil extraordinaire de M


Graham Bell.
Pour rendre sensibles les propriétés du sélé-
nium, cet ingénieux physicien dispose comme il
suit l'expérience.
Un crayon de sélénium est placé dan~ le
courant continu d'une pile voltaïque et introduit
en même temps dans le circuit d'un téléphone,
propre à transmettre les sons de la voix. On fait
tomber sur le sélénium un faisceau lumineux,
que l'on éclipse un grand nombre de fois en une
seconde de temps. Ce sont donc des émissions lu-
mineuses successives et tre~ rapprochées. Cha-
cune de ces émissions occasionne une variation
dans la résistance électrique du sélénium, et par
suite dans l'intensité du courant dont ie circuit
est le siège. Le téléphone placé dans ce circuit
subit de cette manière des alternatives d'aim~a-
tations et de désaimantations correspondantes.
Admettons qu'il se produise de la sorte 435
éclairs, il eo résultera, un nombre ëga.1 de varia-
tions dans le courant, et la pluque du téléphone
récepteur exécutera 435 vibrations, c'est-à-dire
la note ~c du diapason normal.
« Pour transmettre de même la voix humaine,
M. Bell dispose deux petites lames voisines et
parallèles, percées de fentes étroites, en regard
l'une de l'autre, permettant à un faisce<m lumi-
neux de les traverser librement. L'une de ces la-
mes est solidaire d'un support fixe, l'autre dé-
pend d'une membrane téléphonique mince à la-
quelle elle est perpendiculaire. Lorsqu'on parle
contre cette membrane, elle vibre et eutmme la
lame dans tous ses mouvements. Alors les deux
fentes cessent de be correspondre et le faisceau de
lumière est éclipsé à certains instants en entier
BULLETM DE LA SOCIÉTÉ 1

ou partieUement. Ce faisceau subit de la sorte,


constammet~t, des vari:ttiot!sdans son intensité,
!esquf'f)es correspondent ex'.ictementaux diverses
Mnpiitudes des vibrations de la membrane. C'est
ce que Bell appe)[e un rayon de lumière on-
dH~tfoM'e.
c L'appareil récepteur est disposé à l'autre sta-
tion, séparée de la ptecëdente par une distance
quelconque. Cet np[)!t]ci[ rcceptenrse compose
du seieniuQ], de la pile et du téléphone articu-
lant. Le rayon ondiuatoire dirigé sur le së!ëniuia
l'impressionne a chaque instant, en raison de son
intensité. li en résulte des 'vailations ondula-
Xotrcs dans la résistance du sëtenium et des vi-
brations correspondantes dans )e tft~phone. Ainsi,
on entend avec ce tëtëphone )es paroles pronon-
cées vis-a-vis de la membrane de la première sta-
tion.
tI.an~eiHeure disposition consiste atairerc-
Bëcinr le Iai.eeau lumineux sur un miroir plan et
ilexible, tel qu'une feuille de mica argenté ou do
vn're mince. Ou parle a)ors conh'e ce miroir, et
ce sont ses prnpj'c's vibrations qni moditient
constamment ht direction du rayon réfléchi
« Ouantata!)<Hr(;ed<jiumic)e,on s'est servi
dn t~oteii, dont iesrayoL~s concentres t-urit; mi-
toifai'uided'Hueh'i~tide étaient tendus parat-
ieiesparuneantieJentiUe aussitôt ap)es]eur ré-
ilexion.Ot)S'e:t('a!e[ucntservid'un foyer élec-
trique et même d'une lampe a g~z ou a pétrole.
« J)ans !es expériences qui ont été faites HParis,
h la fin du tnots d'octobre <880, datâtes ate-
liers de les ruyons du foyer élec-
trique étaient reçus sur un r;neoteur paraboli-
que, qui ~es condensait tous eu un même point
le foyer de ce miroir. C'est ce foyer que se
DES SCIENCES ET ARTS

trouvnit le fragment <!e s~enium H impression-


ner. Ce dernier ftis~it, comme p)'Ec6.Iftnment,
partie du circuit d'une pile et d'un téléphone cr-
dinaire.
Les corn'.cpn~uanccs par tephotophone exi-
geront des stations qui ne soient séparées par au-
cun <t:)ote, mur, maison, !nontag!!e. On pour-
rait surmonter ces diHicuttesau moyen de mir"irs
métalliques ou ren'cteurs pour dévier lit ]u-
miere; mais ces tetlexio! a.b.sobant une notable
partie des rnyons incidents, enlèveraieut une
pMtib de leur puissauee et en réduiraient la por-
tée.
« Parmi les conséquences théoriques qui clé-
coulent de li découverte du photophone, il faut
enregistrer !e.~6mviHitM
tËnpr~tnit't'!ieu,).tp!iysiqncMsigneune
durée nohddt'tprop!!g.ttisn de? sons. Cette
proposition e~tdeu~nt!e.I! n'y pas de ftteiise
~~<so' puisque cette vitesse ebtca:!de, grâce aux
nouve~es dispoi-ition- cetic de tatunnere.
« Le photophone ~en]t)'e, !nett!e t'n dcf~utxn
antre dogme bcit'ntiuqn~ beauooTp plus alMo)u.
On enseigne, en eifet. que les sons ne se propngent
p&sdnns!Htide.~hn'pui~qudIa)unticrese
truusniet dans le vide aus:fi bien et meujt! mieux
qu'a travers t'atm(!Sj')[cre,est-npossib'.edtj dire
plus ]o!~gtempsque le son ne se pro) âge pas dans
Ie'i'ide?I)estdetouiecvidt'nceque,surie.<!i])es
dunonv~m~s~p~rre~
pace, et aller aussi vite et amsi loin qu'un rayon
de lumière.
n Faut-il conclure de ce que le s<<npeut fnin'
chir l'espace à chevt.t su)' un rayon de soleil, (lue
)'ou pourrait, avec lc nouvel instrument créé par
le génie du physicien d'Amérique, recevoir, grâce
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

aux rayons de lumière qui en émanent, des sons


et.des paroles envoyés par les habitants des as-
tres qui font partie de notre système solaire ?
En supposant i° que ces astres soient habités
par des humanités semblables à la nôtre, 2' que
ces humanités ayant eu un développement intel-
lectuel pareil au nôtre, ont pu découvrir, comme
nous, le photophone, pourrait-on conserver l'es-
pérance d'échanger des paroles avec les popu-
lations de Mars, de Vénus, ou tout an moins de
la Lune, si elle est habitée?
< Cette pensée est du domaine du roman, mais
le roman est si curie'jx, si intéressant, si fécond
en aperçus splendides, quel'oH peutse permettre,
en passant, cette éblouissante échappée dans t'in-
fini des cieux.
Pour revenir à la réalité scientifique, nous
nous demanderons quel est l'avenir et quelles se-
ront les applications du photophone ? L'instru-
ment est bien récent encore pour que l'on se per-
mette ces prévisions. Il est en effet bien évident
que le photophone n'est encore que dans l'enfan-
ce et que de grands et sérieux perfectionnements
lui seront prochainement apportés.
Cependant, en raisonnant sur l'état présent
de ce merveilleux instrument, on peut dire d'a-
bord qu'il menace sérieusement la télégraphie
électrique, et le téléphone tui-même. It nous
donne, en effet, le moyen de correspondre, sans
aucun conducteur métallique, d'un point visible
à un autre point visibte, d'une manufacture à un
atelier, d'un château à un village, d'une maison
à une autre. La té~ég~aphie a.ériennf, qui a dispa-
ru a l'-tvenement de la télégraphie électrique,
pourra reprendre possession de son domaine, grâ-
ce à des postes convenablement espacés dans la
DES SCIENCES ET ARTS

campagne, comme l'étaient autrefois les postes du


télégraphe Chappe. Il suffira que le soleil brille
ou que des foyers électriques soient placés entre
les deux stations pour établir une Mt'rf~on~ance
~cr/ee entre ces deux stations, correspondaure
instantanée, qui serait, par conséquent, plus ra-
pide encore que la correspondance télégraphique
L'art militaire estappe!? a profiter largement
duphotophone. Une ville Msiëgee~ourra.it cor-
respondre, par des 7'K~/OMShmMtMM~: par~<<s,
avec le reste du pays non investi.
< La pensée &e porte naturellement, en pré-
sence de cette admirable découverte, au siège de
Paris, et l'on se demande avec regret si le sort
de notre capitale et celui de nos villes bloquées
par les bandes nucmandes n'auraient pas été dif-
~ët'entj si l'on tût possédé a cette épuque u. têt
instrument 1
« Les signaux solaires sont du reste déjà en
usage dans les armées actuelles. L'armée anglaise
s'en est serv ie dans ses récentes guerres dans l'O-
rient. Mais il ne s'ugit ici que d'éclairs envoyés
d'un poste a Fantr~, répondant & des signes con-
ventionnels. Combien différent est le photophone,
par lequel on fait pcH*!et' le soleil
Dans la mariue, ]e photophone sera d'une
évidente utiKtc. En mer, rien ne limite, comme
sur la terre, la marche directe des rayons lumi-
neux. On pourra donc se parler de navire à na-
vire, g)&ce à tatumijre du soleil on à la lumière
électrique, comme si l'on était bord à bord.
Les phares, les sémaphores, au lieu de sim-
ples feux d'avertissement, pourront envoyer a~ec
la parole, tous les renseignements nécessaires,
répondre aux questions des navires en pleine mer,
leur transmettre tous les avis, toutes les recom-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

mandations utiles concernaut l'entrée du port,


toutes tes nouvelles du psys, etc. De véritables
conversations s'établiront ainsi t'ntre l'équipage
et les phares ou sémaphores du littoral.
< Nous 'anticipons peut-~tre un peu sur J'ave.
nir par toutes ces prévisions séduisantes mais on
ne peut mettre en doute que ces briMaates promes-
ses en ce qui touche les applications d~ photo-
phone à I:t corre.~pot]dance portée, sur terre et sur
mer, ne se réalisent dans un temps pins ou moins
prochain. Le juste enthousiasme qu'a excité dans
l'esprit de tous les physiciens l'admirable décou-
verte que ~ous venons d'exposer, excusera auprès
de nos lecteurs ces espérances anticipées et impa-
tientes. r

Maintenant,, messieurs, qu'il vous plaise de


rapprocher ces détails et lus réflexions de M.
Figuier des résultats obtenus par M. Adam à
180 kilom. de distance, avec les rcBecteurs Man-
gin. Dites-vous que pendant que M. Adam tra-
vaille sans relâche à, fixer les conséquences de
ses remarquables travaux pour les faire servir au
profit muterie], humanitaire et mural des Iles-
~œurs de la mer des Indes, M. Mangin, dans sa
paisible retraite de St-Jean d'Ange!y, ne cesse de
rechercher des periectinonements à ses appareils,
et M. Graham Bell travaille aussi sans relâche à
rendre pratique son photophore.
Photaphone et réflecteurs Mangin sont faits
pour révolutionner ensemble la télégraphie ter-
restre, comme le ballon et l'électricité révolu-
tionneront la navigation, eu attendant toujours
mieux.
Mai 1885.
ED. DCBCISSON.
Séance du i0 Juillet <88S

Etaient présents:
MM. LE StNEU, président;
A.LERoY.Mce-pt'eyM/~t;
P.CREMAZY,ïfcr~an'e;
LAMADON.
MADRE,
E.NICOLAS,
Roussm,
A.ViNSON.

Lecture et adoption du procès-verbal de la


précédente séance du 19 juin 1885.
i~ecturededeux lettres, l'une du Havre en date
du 29 avril i885, du pt-ësideat de la Société des
Sciences et Arts du Havre, qui propose l'échange
de ses bulletins mensuels contre les publications
de notre Socictt;: L'autre du Ministre de l'Ins-.
trnction publique et des cultes, du 12 mai j885,
invitant notre Société choisir des questions
dont ta liste devra être adressée d'urgence au
ministère, pour ~neter le programme défiuitif du
C~M'/rM des SoHet<M sau');)(M, en !888.
La Société prie le Président de se mettre en
rapport avec la Société des Sciences et Arts du
Havre; elle ajourne, à sa prochaine réunion, la
réponse au Alini-tere de l'Instruction publique.
Lecture de denx lettres de M. Lecorney, pho.
tograplie à Saint-Denis, des et 6 juillet ~885-
ces lettres contenant 2 plis cachetés a l'adresse d~
Président de notre Société, lesquels reD&rme~j;
l'exposé d'un procédé de photographie direct
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

basé sur des propriétés Inappliquées jusque ce


jour; Fauteur déclare qn'ils sont les duplicatas
des plis qu'it a envoyés à la Société française de
photographie et prie le Président de les déposer
dans les nrchives de la Société, se réservant de
faire ouvrir ces lettres plus tard ou de les rede-
mander, suivant les circonstances. Le Président se
charge de la conservation de ces plis.
M. AUGUSTE VINSONdonne lecture d'un travail
fort intéresMmt, recueil d'impressions et de sou-
venirs que lui a inspirés la mort de Victor Hugo.
Tous les membres de notre Société ont applaudi
à cet hommage, si sincère et si brillant, rendu à
la mémoire de notre grand poète par l'un de ses
plus fervents admirateurs.
M. LAMADON a lu le rapport qu'il a été chargé
de rédiger, au nom de la Commission nommée
pour ctndier les bases et conditions d'une expo-
sition intercoloniale en 1886, qui serait patron-
née parl~ Société des Sciences et Arts de Saint-
Denis. On renvoie n, in prochaine séance la dis-
cussion et l'approbation dé<n)itivedLesmesures pro-
posées dans ce rapport.
M. AUGUSTEVmsoN lit une pièce de vers sur
le papillon Demo/eu~.
M. Charles Cérisier, chef de bureau à la Direc-
tion de l'intétieur, régulièrement présenté, est
élu, à l'unanimité, membre titulaire de la Société.
La séance est levée à i 0 h. 1/2.
le Sect'e<a~
P. CREMAZY.
Le.Pf&t~Mt,
Le SINER.
Victor Hugo

L'Ile de la Réunion doit un hommage particu-


lier à la mémoire du grand poète que nous avons
ici toujours aimé et toujours admiré. C'est Victor
Hugo dont le vote à l'Académie française a le
premier honoré notre compatriote Lecoute De-
lisle. Parmi les amis intimes choisis pour veiller
sa dépouille mortelle, nous trouvons un autre fils
de notre île, Léon Dierx.
Ces hautes préférences commandent de la part
de l'Ile de la Réunion une profonde reconnais-
sance.
Il appartenait à un membre de la Société des
Sciences et des Arts, (celle des lettres de notre
colonie orientale et lointaine), d'apporter eu
tribut.
Mais devant cette belle figure humanitaire.
cette dette e~t si lourde et tellement écrasante
que nous l'acquitterons, comme la veuve de l'E-
vangile, dans la forme la plus simple, c'est-n-dire,
par des impressions et des souvenirs.
Venu au monde dix-huit années plus tard que
ce grand mort, j'ai pu voir dans mon obscurité
cet astre s'allumer, briller et mourir. pour
l'immortalité. La vie matérielle est close à un
grand âge, enviable pour l'humanité. La vie mo-
rale est immortelle elle a commencé du jour où
Victor Ilugo s'est fait connaître. Chef d'une ëoo"
le nouvelle, il fut appelé de suite maître par ses
apôtres ou ses disciples. Ils gravitaient autour de
lui comme des planètes autour du soleil.
Ardent amant des choses littéraires, dès le plus
mLLET!?<DELA SOCIÉTÉ

jeune &ge,adouze ans, je suivais le sillon que


devait ouvrir ce maître Plus tard
quan 1 su célébrité montait comme une marée
haute sous lit dou!))e attraction de son ~6"M et
des puissiincesdel~ terre,–tesroisctiepeu-
p!e,–j'étais placé an coin le plus discret de
ses admirateurs et cependant j'admirais ses beau-
tés de toutes les forces de mon âme.
De,; faits bien modestes yevetërent la magie,
qu'avait déjà, il y a, cinquante uns, le nom de
Victor Hngo.
Je vais vous en citer deux don! je fuis le témoin.
J'étais parti a H ans do l'it<; Bjurbon pour la
France sur un navirede Nantes. Le 30 mai 1835,
sur les côtes de Rret~ne, a.vant même que nouss
eussions pu voir HeUe-He,cnmmeune ligne
bleue à l'horizon, te pilotemonma.bord.On se
presse autour de lui, ou l'interrog'e. on lui de-
mande des nouvelles de ia.Fra.uco. « Le roi Louis-
Phi~ipneet la famille royH)e se portentbien, nous
dit-it.Anth(':t!.re,ityat'uuueuonveIiepiHCC:
ÂSGELOOULE TYUANDE PADOUE,de Victor Hu-
~O.N »
Le pilote breton, ce tnnriii. priysan de t'Oce~n,
ht:) veste de bure grossiurc, nv~ut etefr.tppede
ce nom déjà immense.Ytctornogo!
Oneûtditqu.'[tj))'es!-ent!Uti':U!ttiur vénère des
Tl{AYAiLLm!sDE LA. MEK,!e)nc-i(.!ent honoraire
des~:t!etfur~deh)SËtneett'~iuhtreexiiede
G!)prnesey!Nousarriva,mesà.Nantns,o[iydon-
t~it des représentations dtLno'iVHituctbenu dra-
me et l'.dtluence était cousidurabic.
Apros ce fait, un autre du me'ae genre élève
aucoUegedeK.uites.jensiusunjourundra.me
émouVt'nt pusc près dt: moi sur le banc, couvert
de monpupitre. Insensible aux avertissements
DES SCIENCES ZT ARTS

charitables des condisciples, j'étais pris en fla-


grant délit de lecture clandestine. Le surveillant
était sur moi, il était trop tard pour faire évader
le térnoio accablant. Je restai sans bouger. Le
maître prit le livre, lut le titre « LE nOl s'AMtj-
SE et me )e rendit en souriant. Il était devenu
mon conjplict' Le nom du l'auteur l'avait séduit.
C'était une grâ~e entière.
Mais a Bourbon déjà. IlAN-D'IsLAVDEétait dans
toutes les mains. Bcc-jARGAL était connu on
jouait avec un grand succès ANTONYd'Alexandre
Dumas, où Madame Hortense !\[!ineuvriez et M.
Lacoste étaient chaque fois vivement applaudis
par le public créuie.
La nouvelle école prenait pied dans notre île
avec une surprei ante rapidité. Victor Hugo, le
chef du Romantisme, y était acclamé et cetébro
avec passion.
LES FEUILLES D'AUTOMNE, LES ORIENTALES,LES
CHANTSDUCREruSCULEconstellaient le ciel litté-
raire de la France, de l'Europe, de f'etranger et
répanda.ient!eurssp]eadeurs infiniesj jusque dans
les colonies les plus lointaines.
IL) novateur était né. Il a!)umait un volcan snr
!e sol glacé de la décadence classique. Avant le
premier empire qui devait vitrifier la poésie mor.
te.née, le plus beau poême avait été écrit en pro-
se et par un ingénieur dans une île de la Franc?.
C'était PAUL ET VrRGINE(1788). Le ciel, le pay-
sage, les montagnes, ia nature, tout était neuf et
changé, VIRGINIEdonna l'idée a, Chateaubriand
d'écrire une idyliedes bois et d'un Nouveau-
monde, alors il fit ArALA. C'était une bel)e com-
position de rhétorique, une imitation attardée du
poème de Bernardin de Saint-Pierre, et qui parut
5
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

juste l'année qui précéda la naissance de Victor


Hugo, 1801.
Messieurs, mes idées sont personnelles, elles
n'engagent aucun âme suivre. Je n'ai jamais plus
aimé et admiré Chateaubriand que dans t'iTHŒ-
EAKEDEPARIS A JERUSALEM, que j'ai relu vingt
fois.
La plus belle page de la vie de l'auteur du GE-
NIEDP cnEiSTTAMSME et des MARTYRSfut d'avoir
salué Victor Hugo du nom d'ENFANTscBLniE et
d'avoir senti en lui le plus grand poète des temps
modernes. Par In, même, M. de Chateaubriand
s'accusait de la race des poètes. Voltaire et Cœ-
the furent les deux grandes cétébrités littéraires
du 18' siècle.
Victor Hugo et Byron devaieut être les plus
grands poètes du dix-neuvième.
Dans ces deux siècles la France pour le renom
tient toujours le rang suprême.
A vingt ans, Messieurs, tout le monde fait des
vers, parceque l'âge de vingt ans est a lui seul
une poésie, chez tes créules surtout, dans un mi.
lieu incandescent, où se déroutent les plus belles
scènes de la nature, où la lumière tombe à flots
éblouissants, où l'Ooéaa, doux ou terrible, a des
chocs d'une grandeur inconnue ou une harmonie
ineffable et souveraine. Voilà pourquoi !e culte
des créoles de l'i]e de Bourbon pour notre grand
poète a été le culte de fils nombreux pour un pè-
re. Tout le monde y a compris le charme et la
beauté de son langage.
Mon respect pour lui était placé si haut que
malgré la fougue poétique de la jeunesse, malgré
les transports d'une admiration sans bornes,
jamais je n'ai osé envoyer à Victor Hugo une
épitre rimée, une ode ou une lettre. Et cependant
DES SCIENCES ET ARTS

j'adressais cet hommage à d'autres moins méri-


tants. Son nom et son souvenir étaient sans cesse
sous ma plume et dans ma pensée. J'en parlais,
mais je ne lui portai? pas.C'est de lui que je disais
avec raison dans une revue des littérateurs du
siècle
Victor Hugo pour qui mon encens rescnë
Tout eutier da~n mon co;ur encor s'est concerte.
()S3S)
Dans une autre occasion
Victor Hogo parciLen sa spuc.'e snDime
Angrand condoi-qui ptaue au-desus de l'abîme.
~18KJ)
En prose ce fut le même respect exprime. Le
géant me semblait trop gr.tufl, ht mesure po~tr
l'atteindre trop petite. En ëcriviUtt une nouvelle,
je lui rendais ]eptus solannethoiumage. Je parlais
d'autres auteurs et je disais:
« Que pouvait être ma tiiste personnalité
humble et inconnue, auprès do tn~s ce? beau~
noms ?Je savais que je n'étais ni C/:t'M-JTtt)'oMj
ni 0~/mp!0, IjCSDEUXPLUSGEA~DË9FIGURESLIT-
TERAH!E81<UDtX NEUVIEME SIECLE. )) (i8'73)
Ce dernier jugement sera ce)ui des siècles fu-
turs.
J'assistai à Paris a la plus belle période de la
vie de Vicier Hugo. Par un bonheur inespéré
je fus présent à sa réception à l'Académie Fran-
çaise.
Ma belle- soeur (aujourd'hui reHgieuse et soeur
de la Miséricorie &Lysieus) avait publié un livre
pour la jeunesse. RHe crut devoir en adresser
humblement un exemplaire a Victor Hugo. Le
grand poète lui répondit par use flatteuse épitre
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

toute remplie de l'esprit de galanterie chevale-


resque qu'il employa à l'égard de la fille d'un de
ses pluschers lieutenants, Mile Théophile Gautier.
Ma belle-soeur alla remercier l'iltu-~te poète, et
s'était fait accompagner par son père, un ancien
colonel du 1" empire, lequel avait connu l'oncle
de Victor Hugo. Rien ne lut plus exquis que la
réception faite à fa fille et au vieil officier con-
tcmporHin de gloire des grands parents de l'illus-
tre écrivain.
Quelques jours après, par l'insigne faveur
d'un membre de l'Institut (Académie des Scien-
ces), car je n'avais aucun lien dans le monde
des lettres, j'avais une carte pour assister dans
une tribune latérale à la réception de Victor Hugo.
Je m'y rendis de bonne heure et comme il y fal-
lait attendre longtemps, les places étant très dis-
putées, mon voisin crut devoir me faire par son
âge les avances d'une conversation qui m'apprit
que j'avais l'honneur de parler a. Alexandre An-
dryane, l'auteur des MÉMOIRES D'UNPRISONMEB.
D'KTAT~le compagnon et l'ami de Sylvio Pellico
?t l'ami aussi de Victor Hugo. Je revis mon voi-
sin de hasard plusieurs fois pendant mon séjour à
Paris. J'avais heureusement lu les MÉMOIRES
D'UN FRISOMNIEB D'ETAT à Nantes chez les mes-
sieurs Lauriot frères, et il s'en fallut de bien peu
que le n&Yi)'equi vint à Bourbon sous le nom de
VICTORJACQUEMONT ne portât celui d'ALEXANDRE
ANDRYANE.
J'étais dans les secrets de l'honorable maison
de Nantes à. laquelle je dois tant de reconnais-
sance.
Cette présence à la réception de Victor Hugo
fut un fait mémorable dans ma vie et qui acquiert
aujourd'hui une grande valeur de souvenir.
DES SCIENCES ET ARTS

Le poète ctaitjeune encore, imberbe, sanstrop


d'embonpoint, avecune chevelure abondante. Ses
yeux noirs brillaient sous un frout vaste et pro-
éminent. Fne sorte de pâleur (peut-être due a
l'émotion du jour et de la scène) était répandue
sur son visage. Son sourire était &n. distingue,
d'une rare et courtoise bienveillance. L'épée, les
palmes et l'habit académiques lui allaient comme
à un immortel.
C'était Il lui que quelques jours auparavant le
vienx M. de Cessac, plus qu'octogénaire-, avait
écrit ces mots pour le consoler d'un échec acadé-
mique temporaire où il avait pris sa place
c Jeune, vous êtes immortel et vous avez le
droit d'attendre. o
M. de Salvundy, le ministre de l'instruction pu-
blique sous Louis-Philippe, l'auteur d'Alonzo,
un roman oublié, avait été choisi pour répon-
dre au récipiendaire.
Il se produisit à cette occasion un incident mc-
morable dnntje n'ai plus retrouvé la tr~ce nulle
part et que je dois pour ce fait consigner ici. Les
difcours avaient été, selon les habitudes et !es rè-
gtements de l'Académie française, échangés à l'a-
vance entre les orateurs, et même lus devant une
commission académique.Personne ne~e doutait, de
rien, ni du ferpent caché sousies fleurs et qui de-
vait saiHir au beau milieu de la séance publique.
Quand M. de Salvandy lut sa réponse et qu'au
pleiu de son discours, il félicitait l'auteur d'HcR-
KAXIet de LUCKECEHOHGIA.
< Personno, » luidit-iL < persoune mieux que
vous n'a fait un aussi puissent usage de l'art
scénique.
Le calenibourg inconscient et imprévu tomba
dau& la foule plus vite qu'un éclair. Ce fut un
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

rire homérique, si gênera], si complet et ti spon-


tané que les académiciens se tordaient. Victor
Hugo ne pnt se retenir et éclata comme l'audi-
toire, mais avec plus de respect.
Hé)as uu seul ne rit pas il resta sérieux, de-
vint rouge et d'un air piqué, il répéta: per-
sonne mieux que vous n'a fait un aussi puissant
usage de l'Mt scénique (je veux dire de l'art dra-
matique) ajouta-t-it en appuyant.
Hé!as! ces temps sont déjà bien loin! que de
tristesses depuis pour l'auteur des FEdHES D'AU-
TOMNE,que de chocs pour les gouvernements, que
de douleurs pour !a patrie Victor Hugo est de-
meure debout sur le siècle, avec cette autre grande
gloire, mais terriuante, Napoléon Victor Hugo,
en serrant dans sa marche nos idées, nos inven-
tions, nos découvertes, nos progrès, nos libertés
a suivi le siècle comme un grand fleuve, qui s'a-
grandit, s'élargit, s'éta)e, de plus en plus majes-
tueux, jusqu'à son embouchure, jusqu'au moment
ou il va se perdre dans l'immensité de l'Océan en
laissant sur son passage les terres fécondées par
sa puissance. Une plus donce joie entoure son au-
réote de gloire. Il a consolé, il a nouni les âmes,
H a séché les pleurs.
Le génie militaire de l'an est plus grand dans
les ~ges passés et présents; le génie humanitaire
de 1 autre se lève plus aimabiepouf l'histoire et
cette uuiversniité morale lui conquiert la sympa-
thie et l'affection de tous les peuples.
M. Renan a dit Il semble que Victor Hugo
fut créé par un décret spécial et nominatif de
l'Eternel. » Avec ma foi chrétienne, je tuppri-
merai les deux premieis mots et je dirai que,
comme Napoléon, Victor Hugo a été créé par
un décret spécial et nominatif de Dieu.
DES SCIENCES ET ARTS

Les grandes figures qui dominent les siècles et


qui apparaissent à leur heure sont ciselées dans
un moule particulier et créées par un ordre for-
mel. Dans Victor Hugo, même avant le poète
dont la verve surabonde, il y a le grand humani-
taire et l'idéaliste suprême. Envers le prochain,
c'est la morale effective, universelle du Christ.
Victor Hugo s'est peint tout entier et il a fait
une profession de foi dans les vers qu'il met lui-
même dans la bouche de François de Paule dans
son dernier drame
L'homme est sur cette terre
Pour tout aimer. ILest le frère, il est l'ami.
H doit savoir pourquoi s'i) ttiouuo fnnrmi.
Dieu de l'esprit humain a fait une aile ouverte
Sur la création, et sous la branche verte,
Dans l'herbe, dans la mer, dam l'onde et dans le vent
L'homme ne doit proscrire aMLin ctre vivant.

Dès ses débuts, cette bonté immense, secoura-


ble à tous, s'auirme elle se montre dans toutes
ses œuvres commo;uu idéal de siaoeritë toujours
invariable. Dans cet auguste et chaste poème
NoTRE-DAMEDE PAÏUS(qu'on a appelé si impro-
prement un roman), voyez cette surprenante ap
parition, cette bohënnetine.sans mère, sans pa-
rents, sans éducation, sans la moindre instruction;
qui donc domine sa nature inculte et cependant
attrayante, son esprit pénétrant? C'est une bonté
native, naturelle. On dirait l'âme de Victor Hugo.
Sur le pilori, un monstre est attache, un miracle
de laideur la foule raille autour, lui jette de san-
glants sarcasmes cette masse humaine, informe,
souSre de mille douleurs physiques et morales:
c'est un supplicie il meurt de soif; une goutte
d'eau est nécessaire. Le verre d'eau froide de
BULLETIN DE LA SOOtËTE

l'Evangile n'f~t pas ]h pour ie désaltérer! Il souf-


fre une goutte On rit, on jouit du mal-
heur d'autrui. Une jeune fille écarte la foule, s'é-
tancet'tprescnteaux lèvres du monstre altéré, du
mutheureuxpan! du martyr.Iagoutted'e!tU
du Hdut, de la charité, de l'tSper.'nee? N'fst-cti
))&s filme de Victor Hugo fUe-meme, c:tc!ice dans
(.ettc picne précieuse, dans cette EmeMude?
Qu'advint-i)?CLtte foule, jniHeu''e et cru<')Ie tout
tt l'heure, !)pp]audith outrance Vive taGitana!
Vi~'e ht Bohémienne! Viveta.Esmo~tdai Etc'est
ainsi qr.e Victor Hugo a ptis sur ]~iou!e, sur la
mt:ioni):!r(;me, sur les peuples d'Europe etAmo-
riqup,c(;t ascendant universel.
Mon âme est une smnr pour ces âm~ssi belles.
Ce].) ( mb]asse toute la terre et même le monde
des esprits:

L.)\ie et le trépas ponrno~sn'ont plus de lui


Tantôt j'!)if)eleurs pa~ tantôtje prends leurs ailes.
Vision meD~nteou je suis mort comme elles!
EUes vnantes comme moi!
Fant-H s'etotinpr aptes cela que Michelet dans
soi, Hisro)RE DE FnANCE,parlant ~.e la cathedrate
de 'NoTHL-D.MIEM!PAP.!S,r~ppe!h' i'œuvre gran-
dinn'du poete~ttacon~ideIH co!tmc plus iné-
bt:nd:d)!(;()a)!s]~;iostcntc que les tours gothi-
ques (tu tuonuruen); de pierre.
Si c'e~t un roman, c'est le plus beau qui ait
jamais t'.te!ait.
Si c'ettun poi'me, c'pst)e plus beaudes temps
modt ri ep.
Un écrivain i'a, appe]e récemment « un pur
ehef-d œuvre.
]\Je6sieurs, dès que le porteur matériel et vi-
DES SCIENCES ET ARTS

vant de ]a grande clarté qui se répandait sur le


monde intellectuel et moral a pnru descendre der-
rière l'horizon humain qui ei-t!a mort, tous les
ttBurs se sont pmu.
D'un parti diamétralement opposé aux idées du
grand poète, !onsf'igneurFreppeI est venu s'ins-
onre des premiers. C'était un bel acte de t.tpart
del'Evêque qui no voyait dans l'illustre malade
qu'une gloire de la France, nu-dessus de tous les
partis.
Le Cardinal archevêque de F.tris a oSert bien-
vfir.itnimentFesfervicesdansdestermesomua
qui ne ;ont point arrivés aux oreilles du mourant,
Tout cela peut être juge diversement. tLtisdans
ce piècte d'athéisme et d'incrédulité, au moment
où l'ou veut eilacer partout le nom de 1 ie~),
ce nom qui prend la. p]ace de tout, –Victor Hu-
goataitunegrande(;hosp:i]a,dit)espre!Uters
iutjts<.iusymbote des apôtres: ejE CROISES
DIEU! »
On a répète à ce propos que le Déisme était
1 antichambre de l'Athéisme.
VousNtepcrm.Ht.trtZ, Mcs~Ie):rs,d.€ oroirc'qu'une
aSirmattonn'i'jimais Été une négation.
Cc)ui!)ui {.ti--aitprif;rsaûue pour tous. se re-
oomm!ttidt',apreas~u]ort, à lit prière de toutes
les âtm'i). Donc, par les supplications humaineF,
le gtatKl poète croit que Dieu peut faire tUchir
ses rigueurs et ses lois en faveur de ceux qu'il
aime ou qui le touchent, par teur dëtres.e et leurs
vœux, c'est làdéjà une erovituce acquise au sur-
naturel, et il u'en faut pas davantage pour arri-
ver à une doctrine consolante et pleine d'espé-
rance, celle du Christ dont Victor Hugo imite
l'immense charité, l'incommensurable amour dans
son élan vers les petits, les aSUgos, les pauvres,
BULLETtN PE LA SOCtÉTË DES SCIENCES ET ARTS

les déshérités, les faibles et les opprimés Tout


déiste qu'il se proclame, son testament est tout à
faitcht'étien.
Victor Hugo a constamment combattu en fa-
veur de l'immortalité de l'âme. Dans ses récentes
poésies, il s'écriait « plutôt que le néant, mieux
vaut encore Satan, car souffrir, c'est être et pour
tous, être, esprit, âme, c'est toujours une même
chose: Me immortalité!
Victor Hugo, ce génie extraordinaire, cet
apôtre par sa parole, appartient à ('Humanité.
Selon nos idées terrestres et selon ses croyances
divines, Victor Hugo est entré dans l'immortalité;
et cet homme, honoré de l'univers, honore grande.
ment la France: il honore t'Humsmité tout en-
tière.

Docteur AUGUSTEVINSON.

Lazaret dela Grande-Chaloupe,le 28 juin 1885.


Séance du StJTnMtet t88S

ptaieutprcsects:
MM. LeSiNER,p!iWc)tf;
P. CmMAZY, ~ecfe<at!'e
BRIDE.T,
C.CEMSIER,
DUBUISSON,
LAMADON,
LANTZ,
C. M~NAED,
NiCOT.AS,
Rousse.
Lecture et adoption du proees-verbat de la
séance du 10 juillet ittSS.
M. LE PRESIDENTadresse des compliments de
bienvenue à M. C. Cerisier, au nom de la Société
qui vient de l'élire membre titulaire.
Renouvellement de la proposition de M. P.
CrëmMyau sujet de la lettre du Ministre de l'Ins-
truction publique et des cultes du 12 mai 1S8S
cette lettre avait pour but d'inviter notre Société
à choisir des questions, à adresser d'urgence au
ministère, pour servir à fixer le programme défi-
nitif du Congrès des Sociétés savantes en d88S.
On arrête que ie Président répondra au Ministre
que sa oomniunica.tion est arrivée trop tard à la
Réunion p'tur que notre Société ait eu ie temps
de rechercher et de préparer les questions pro-
pres à être proposées an Ministère; on décide
qu'elle fera le nécessaire pour s'entendre sur le
choix de ces questions et les envoyer, en temps
utile, en vue du congrès qui se réunira, en 1887
BULLETIN DE LA SOCtÉT):

M. Cerisier reçoit les remerciements de la So*·


ciété pourl'offre qu'il lui fait des deux brochures
récentes dont il est l'auteur: 1" Notes sur les
Colonies, i88), avec un projet d'institut d'édu-
cution coloniale 2" Les co~otM'M /aHfSMM, ) 885,
conférence par lui faite à Paris en décembre 1884,
sousie.sanppices de)a. Société de Statistique.
Lecture nouveDe est fournie du rapport de la
Commission chargée d'étudier les conditions d'aae
exposition intercoloniale qui serait ouverte, l'an-
née prochaine, sousle patronage de notre Société.
Les articles de ce projet, rédigé et lu par M. La-
madon, sont discutés et successivement adoptés
dans leurs détails et leur ensemble. Il est décidé
que la plus large et la plus prompte publicité
sera donnée à ce programme; il est nécessaire de
prévenir longtemps à l'avance toutes les person-
nes de bonne volonté qui, à la Réunion comme
dans les colonies françaises et étrangères établies
dans nos mers, peuvent être en mesure de con-
courir à cette grande Exposition.
M. DuBUtSSONmontre à ses confrères un pas-
sage de la Revue du mois de mai t885, de la So-
ciété de géographie de Tours. C'est nn éloge que
le Secrétaire général de cette Société veut bien
faire de ]a nôtre. On est d'avis, n cause surtout
du très sympathique inté)ët qu'il exprime en fa-
veur de notre compagnie de ia. reproduire dans le
compte-reudu de la présente séance ite~ta.inst
conçu
« La Société des Sciences et Arts de )'He de la
Réunion accepte aussi t'échange de nos bulle-
tics.
< Le Secrétaire généra], à ce propos, sigoate à
« l'assemblée les sympathies qui doivent s'atta-
DES SCIENCES ET ARTS

cher à !:) compagnie dont s'agit: c'est la


seale société savante qui existe dons les calo-
niea françaises. Composée de fonctionnaires de
]a marine,demagistrats, d'avocats, deméJecins,
de professeurs, d'ingénieurs, de négociants,
etc., etc. Elle publie chaque année un bulletin n
renfermant souvent des travaux remarquables
et qui ne dépareraient pas les annales des so-
ciétés savantes de la métropole. It convient
donc de s'intéresser à sa prospérité et de se
réjouir de la voir se mettre en communication
avec ses sœurs de la France continentale. c
M. le Président est invité &tiure fenh' par le
plus prochain courrier a M. Albert Trochon à
Tours, les remerciements de notre Société pour
cette mention aussi bienveillante que natteuse,
avec l'espresnon de nos vœux pour la prospérité
de !a Société dont il est le secrétaire généru].
La séance est levée à 10 heures ')/4.

Le J'eN(<ef< Ls Secrétaire,
LE SMER. Il. CRÉMAZY.
EXMSMMR'mMMm~E DEi8M
Art. 1. Une exposition intet coloniale s'ouvrira
à Saint-Denis (Ile de la Réunion) le octobre
1886.
Cette exposition sera précédée de divers con-
cours.
Art. 2. Pourront prendre part à l'exposition
et aux concours
La Rennion, l'île Maurice, les Seyehelies, nos
colonies de Mu.daga.5oai',Mayotte, Sainte-Marie,
Nossi-Bé.
Les Créoles de ces diverses colonies en rési-
dence h l'Etranger.

PREMIÈRE PARTIE

C<tMC<MM*!S
Art. 3. Les concours sont au nombre de trois.
1° Concours de poésie,
2° Concours de sciences,
3° Concours de composition et d'exécution
musicales.
Art. 4.. Concours de ~oMtc. Une médaille
d'or sera décernée au morceau de poésie le plus
remarquable qui sera adressé au Président de la
Société des Sciences et Arts a S~nt-Denis (Ré-
union) avant le 3 juillet 1880.
Les pièces de poésie envoyées au concours de-
Tront porter pour toute signature une devise et
être accompagnées d'une enveloppe cachetée por-
tant en suscription la même devise et a l'intérieur
le nom et l'adresse de l'auteur.
BCLLETN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

Ces enveloppes ne seront ouvertes que si les


pièces correspondantes ont obtenu une récompense.
Tous les genres de poésie sont admis à concou-
rir il est &désirer toutefois que t'inspiration qui
aura dicté les pièces sonmises au concours se Mt-
tache autant que possible directement à des sou-
venirs coloniaux.
Art. S. CoMOtft'ssCiMt~Me.–Une médaille
d'or sera décernée a l'étude scientifique la plus
intéressante et la plus utile.
Sciences physiques et naturelles, sciences exac-
tes, économie politique, économie rurale, agri-
culture, industrie, commerce, tous les sujets
sont admis au concours. Il su-Bit que l'étude pré.
sentée contienne, outre le mérite de l'exactitude
théorique, des indications pratiques fnsceptibles
de favoriser, à quelque point de vue que ce soit,
le développement du commerce, de l'Industrie et
surtout de la production agricole à l'Ile de la Ré-
union.
Les mêmes délais et les mêmes formalités que
pour le concours de poésie sont applicables aux
travaux scientifiques.
Art. 6. gt°' CoHcaurs (~compo~'h'otet~'ea~-
f<ftOHmu~'ce~M.
Dans les délais et avec les formalités men-
tionnées aux articles 4 et ci-dessus, tous les mor-
ceaux de musique adressés au président de la So-
ciété des Sciences et arts seront admis à partici-
per au concours.
Tous les genres sont admis. Toutes les compo-
sitions envoyées à la Société devront représenter
environ huit ou dix pages d'impression, et être
arrangées pour piano à quatre mains et violon,
de telle sorte que le morceau couronné puisse être
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

exécuté en public lors de la distribution des ré-


compenses.
Le meilleur morceau sera grave aux frais de
la Société des Sciences et arts.
§ 2.– Les concours d'e~Mtt/tOK mx~'ca~e sont
au nombre de quatre.

1° Concours de violon.
2° Concours de chant.
3° Concours de piano.
4" Concours de fanfares.

§ 3. – Les concou.rs de M'o~on,de chant et de


piano, auront lieu d'après le règlement adopté
par)aSocit''tcde.sScipncesetatts pour les con-
cours analogues de ')88-4.
Ils s'ouvriront du 1" au <J octobre ~886, à
un jour et une heure qui seront ultérieurement
déterminés.
§ 4.'–' Le concours t!M/'a"M*M aura lieu au
Jardin colonial Io~dimanche après l'ouverture
de l'exposition.
Le morceau donné au concours sera communi-
qué aux directeurs des fanfares qui désireront
participer à la lutte au plus tard le {" avril t886.
Les prix consisteront en une ou plu sieurs ban-
nières décernées aux fanfares dont l'exécution
aura été le plus remarquable.
En dehors du morceau mis au concours, les
fanfares devront exécuter chacune au moins deux
morceaux de leur répertoire.
Art. 7. Tous les travaux envoyés aux con-
cours prévus par les articles 4, 5 et 6 du présent
règlement devront être absolument inédits.
DES SCIENCES ET ARTS

DEUXIÈME PARTIE

Exposîtïom
Art. 8.-L'exposition proprement dite s'on-
vrirftal'Hotel-de-Vtilekier octobre 1886.
Tous les objets envoyés au concours devront
être parvenus au PrésU<jut de la Société des Scien-
ces et arts avant le i5 septembre 1886, dernier
délai.
Lea objets exposés seront divisés en trois clas-
ses.
1" classe, Lf<frMe<scM;tees;
2"' – Beaux arts
3°" – ~4~nett~u?-ee<f;~us~ne.

PREMIÈRE CLASSE
lettres et Selences
i" groupe,– ï'raucn<a?pe~(t~oy!(jttfe~. –Tra-
vaux d'ecoie.–\iusecsoo!&ire.
2' – ZsmetMeufe collection de h~Tes
rares ou ea~;eMaj
3° – Dessin hneeme, /Ht;ts, carte! du
yeo~ra~/np, ca~t~~ap/ne,
4* – 7f<)pri/?K)'i'e,~)/M~rapAie.

DEUXÏËME CLASSE
Ap<e
FREM)ÈRECATÉGORIE
1" groupe Peinture religieuse. P~rtraits.
2" Pa'/fnyM e/ mttt'~te~.
3° PetMiut'e de ~euM, aquarelles,
pastels, mi uatut'fs.
6
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

4* – Sculpture, modelage, gravure.


S' – Photographie.
6' – La meilleure collection d'objets
d'arts et tableaux introduits dans la. Colonie.

DEUXIÈME
CATÉGORIE

1" groupe- Ouvrages de lingerie, tapisserie,


travaux divers à l'aiguille, au
crochet, broderie, dentelles,
fleurs artificielles.
2'' – Objets d'art fabriqués avec les
plantes textiles et les pailles du pays.
TROISIÈME CLASSE
Industrie et cultures x<mveHe<t
t" groupe – Produits distitlës, vins et liqueurs.
2° Parfums.
3' Fécules.
4' Produits pharmaceutiques.
'Se Instruments nouveaux ou per-
fectionnés à l'usage des industries ou des cultures
locales.

Le présent règlement a été adopté par la Société des


Sciences et arts dans la séance du3i juillet 1885,sur la
rapport d'une commission spéciale composée de MM.
Le Suier, p)-dett< Du Buisson, Grenai'd, Ad. Le Roy,
Nicolas, Roussin; Lamadon, r~po)'<eMf.
Stéanee da tt Béeemb'e i88S

Etaient présenta:
MM. LE SiNER, BrcM'Jen<
P. CBEMAZY,Mcre<a!re~
OMOT, <rMoner;
CERtSIER.
DnBuissoN,
LAMADON,
LANTZ,
MADRE,
M~NARD,
NICOLAS,
RoussiN.

Le Président donne lecture d'une lettre par


laquelle M. Adolphe Le Roy~ vice-pt'esident, don-
ne sadéo"s:iort;de membre de la société. Il ex-
prime, au sujet de cette détermination, des re-
grets auxquels l'assemblée s'associe en exprimant
l'espoir que tes raisons sur lesquelles elle s'ap-
puie lui permettront bientôt de reprendre sa
place dans la société.
Lecture ~t adoption du procès-verbal de la
séance du 2) juillet iS85.
Lecture d'une lettre de M. Albert Trochon,
avocat à Tours, du 6 novembre i88g elle an-
nonce au président l'envoi de 1" 2 numéros de
la Nouvelle Revue des 15 août et 1" septembre
1881, contenant les articles :Pa~!er du général
.DMaën, par J. fessier 2* d'une brochure inti-
.tulee Biographie ~u général Deeaën, par E<à
Gantier, Caën Paris, i8SO du oataioguj
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ;

des manuscrits de la bibliothèque municipale de


Caën, 1 vol. in-8". Caën 1880. Le Président
est chargé d'adresser à M. Trochon lea remer-
ciements de la société.
On lit une lettre de M. Antoine, ancien inspec-
teur de l'instruction publique à la Réunion
cette lettre, du 26 juillet 188 S, contient une
note sur l'instruction primaire à la Réunion,
ainsi qu'une relation d'un voyage du comte d'E-
riceira, grand de Portugal, vice-amiral et con-
sul général des Indes Orientales etc. On décide
que ces notes seront insérées dans le bulletin de
la Société en t88S.
M. E. Dubuisson offre à la bibliothèque de la
société un numéro d'Octobre 188S de la revue
mensuelle l'.A~ronomt'e ce journal a reproduit
in. extenso les communications qu'il a faites avec
figures à l'appui, à ~In société des sciences et
arts, au sujet des observations faites par lut à
Suint-Denis, de l'éclipse de lune du 50 mars.
M. Charles Cerisier fait une lecture fort intë"
ressante sur le Soudan, en montrant un croquis
du chemin de fer de Médine à Bammakou, entre
le haut Sénégal et le Haut Niger.
M. Dubuisson lit une note non moins instruc-
tive sur la pluie d'étoiles filantes qu'on a pu ob.
server, dans la soirée du 37 novembre 1S8S. et
qui a été fort brillante, surtout entre 8 et 9 heu-
res.
M. Crémazy offre à la Société 1° un homma-
ge envers à Alexandre de La Serve lu par lui à
la séance de l'innauguration au Conseil général
de la statue de l'ancien sénateur de la Réunion
DES SCIENCES ET ARTS

2" un mémoire sur les Pas géométriques. Ces do-


cuments seront publiés au bulletin de la Société.
La séance est levée à 10 h. i/4.

Le Président, Le StO-~otre,
LE StNER. P. CEÉMAZÏ.
Note sur l'Instruction primaire
A LA RÉUNION

Le travail surt'7n~fMC<iOMprimaire à ~tjRe-


t/M'ot),insère dans ]e Bulletiu de la Société des
lettres, sciences et arts (<883)intëresMq'ticonque
se préoccupe de cette question si grande partout
et touche spécialement ceux qui out pu l'étudier
et ht servir à la Réunion même.
Ce travail est un témoignage de plus de l'atta-
chement que cette Colonie porte depuis )ongtemps
a l'instruction publique: par l'expose des sacri-
fices pécuniaires taits libéralement, constamment,
courageusement par la place même que lui don-
ne dans ses études une société qui la, doit en ef-
fet le premier exemple, et enfin par ce qu'on trou-
ve de solidité, de conscience, d'émotion, dans
cette oeuvre d'un enfant de la Réunion. (*)
Cette émotion, née de l'intelligence et du vif
souci des besoins de son pays, ne l'empêche pas
de :e garder d'une indulgente complaisance. Au
lieu de s'attacher à vanter les largesses de la Co.
iomei!il les atténue en rappelant les lourdes char-
ges de lit mère-patrie dont elle est exempte. C'est
un fils contre qui il faudrait presque défendre s.~
mère, en rappelant combien aussi ce))e-ei est
proportionnellement moins riche que la Métropo-
le, avec son sol en grande partie encore impro-
ductif, et son manque d'industrie: situation di-
sons-ie tout de suite, a prendre avant tout en
considération pour chercher non seulement ce que
peutrëclamerl'instruction publique à iaBeunion,
[~j M. Camille Jacob de Cordemoy.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCtENCES ET ARTS

mais ce qu'on doit attendre d'elle. Aujourd'hui


cette situation ne fait que relever les sacrifices
pour lesquels la Réunion est peut-être égalée par
les autres colonies, mais après leur avoir don-
né un exemple suivi bien tardivement.
Quand des idées et des propositions s'accordent
venant de plusieurs côtés, c'est un grand préjugé
pour leur lëgittmitë, leur à propos et leur impor-
tance. Aussi peut-on relever comme un signe fa-
vorable l'accord, résultant de recherches indé-
pendantes, entre ce travail et le rapport officiel
de 1880.
On le voit par expmple pour ce qui regM'de les
Mt:mM~ et lesntoMers scolaires. Les recom-
mandations de notre auteur à ce sujet ne sont gne-
re compléter que par une seule fort importante
c'est que le bâtiment d'école comprenne toujours
le logementde l'instituteur, particulièrement pour
la sûreté du matériel scolaire. Cela est de rigueur
en France et doit l'être encore plus peut-être dans
les pays chauds où les bâtiments des classes peu-
vent n'être que des constructions légères, aux-
quelles invite le climat, mais qui ne pourraient
être, sans risqne, isolées. C'est fort justement du
reste qu'il demande que tout soit construit en ma.
çonnerie. Quand les travaux du Chemin de fer
ont amené dans l'Ile une armée d'ouvriers outil-
lés et expérimentés, la pensée a dû venir que
c'était une occasion d'entreprendre le renouvelle-
ment ou la construction de tous les bâtiments pu-
blics qui laissaient s. désirer, en profitant de cette
colonie industrielle et des élèves qu'elle allait
former.
L'essor imprimé en France cette sorte de tra-
vaux et de dépenses est offert en exemple. Mais
il est bon d'avouer aussi qu'on y a manqué de
BULLETIN DE LA SOCtËTË

mesure; qu'on a été quelquefois inconsidéré dans


les conditions prescrites, inconsidéré dans les dé-
penses. soit que l'objet en fût peu nécessaire,
soit que le contrôle fûtinsumsant. Sous ces réser-
ves, il doit être utile par les fautes commises en
même temps que par le bien accompli.
Les deux auteurs reconnaissent franchement la
supériorité, à la Réunion, des écoles congréga-
MtSi'Mde ~ai'coKS, mais en appréciant les cir-
constances, font de cette supériorité un avantage
encore plus qu'un mérite. Cependant faut-il croi-
re que, après l'extension du service universitaire
depuis quatre ans, cette supériorité n'a pas encore
été atténuée?
Tous deux déplorent l'absence de l'inspiration
patriotique, c'est-à dire de tout intérêt réel, de
toute vérité duns l'ense~/Me~M~ de l'histoire
de France, cet enseignement qui est le titre prin-
cipal de l'instruction a être :'ppe)ée publique Ma-
<<o/K!~e. Il est arrivé que non seulement un ins-
tituteur, mais un m~ire, patriote, répnNicain a
appris comme une chose toute nouvelle qu'une
leçon, une interrogation sur n'importe quelle ma-
tière pouvait être dans l'école l'occasion d'un
appel au patriotisme.
Yoilaia. première application pratique que tous
deux veulent fiLJrede l'enseignement public. Mais
tous deux montrent qu'il doit y en avoir une
autre que son action doit faire aussi estimer les
occupations du plus grand nombre des citoyens,
iesplus indispensable!' à la patrie celles du cul-
tivateur et de l'ouvrier, et que sur <'e point il
faut introduire l'exemple dans les écoles, rar
exfmple paip.-t-ou toujours un serviteur à l'ins-
tituteur, qui doit pourtant montrer à ses élèves
DES SCIENCES ET ARTS

à accomplir les travaux domestique", a ne pas


rougir des occupations manuelles?
Tous deux s'accordent dans l'appréciation des
conférences, tentées des i880, et qui peut-être
fonctionnent manintenant; des concours, chose
qui doit être rare, inattendue et qui à cause de
cela fut suspendue en 1880, je crois; desce/
~c<t<! d'étude mis en vigueur cette année là.
Tous deux s'accordent, pour le para.l!ete des
,choses de l'Instruction put/tique entre la France
et la Colonie, à prendre le terme de ocmparai-
son le plus naturel, c'est a-dire un département
des Alpes. Mais l'infériorité de !a Colonie, si elle
est incontesta bif, n'est-elle pas exagérée? Elle
existe et il est aussi étonnant que regrettable
qu'elte soit restée aussi pour les salles d'asile.
Mais il doit y avoir supériorité pour les ottt;rot/'s.
Sont-ils vraiment réduits à deux ? En 1880, on
en comptait treize, ou, en ne comptant que les
établissements publics et sépares de tout autres,
environ six. Avec des améliorations, la supério-
rité sous ce rapport était une des plus précieuses
à maintenir. ·
Il n'y u pas non plus à taxer beaucoup la
Réunion d'infériorité pour s'}8 comités qui sont
traités un peu rudement de MOtMMtan.E. On hait
bien ce que sont ordinairement, plus ou moins, les
commissions, ne sortant que par intermittence
d'une tranquillité muette et léthargique ou ne
vivant que par un seul de leurs membres. Mais
si la Colonie conserve dans son administration
quelques élémentsrefractaires à une centralisation
aussi complète que dans la métropole, elle peut
faire quelque cas de Les comitéslocaux qui n'exis-
tent pas eu France: car les délègues cantonaux
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

ne sont que des visiteurs isolés d'écoles ne for-


mant nullement un corps.
Pour les caisses des écoles, la Réunion en don-
nerait tout comme la métropole. Une expérience
fat &it<! un jour à HeD-Bourg au premier ap.
pet en un instant, on réunit de quoi améliorerno-
tablement le vêtement et la nourriture des élèves.
Ce fut un des exemples peu connus mais assez
nombreux et de plus d'une sorte de ce qui pour-
rait se réaliser au milieu d'une population trop
dépréciée quelquefois même par les siens.
Pour les bibliothèques pedai'yog~MM elles
sontfort utiles. Ma,Isc'est une lacune bien aisée
à combler. EUes ne doivent pas être nombreuses
ni contenir beaucoup de volumes, sous peine d'ê-
tre dénaturées. Des administrateurs dévoués ont
en France modéré les libéralités de ce côté au
profit d'autres établissements plus utiles a déve-
lopper, par exemple les bibliothèques scolaires.
Une observation semblable est à faire pour les
cat'sses d'épargne scolaires. On risque d'y con-
fondre ce qui procède de l'élan du cœur, de Fes-
prit d'ordre et du sacrifice volontaire, avec ce
qui est arraché par de petits importuns à leurs
parents en vue d'une bonne note, ou même par
la pression de l'instituteur sur ses élèves. Des
gens expérimentés se sont par ces raisons un
peu refroidis pour cette institution, quoiqu'elle
puisse agir fort heureusement sur bon nombre
d'enfants et même de parents. Mais l'instrument
est d'un maniement bien délicat.
L'auteur de notre article se plaint du peu de
contrôle exercé sur les écoies primaires. Il en
fait le reproche un peu à tout le monde, depuis
les conseils municipaux qui, après de si véhé-
mentes revendications à ce sujet, se contentent,
DES SCIENCES ET ARTS

parait-il, d'une victoire platonique, jusqu'au Vi-


ce-Recteur qui, dit-il, semble plus particuliè-
ment attaché au Lycée, et ne s'occupe guc~
res en fait des écoles primaires.
Cela est-il tout à fait exact. Il est vrai qu'unri
recteur, en France, s'occupe praticulièrement de
l'enseignement secondaire. Mais un inspecteur
«l'académie s'occupe plus particulièrement du
l'enseignement primaire.
Quant au regret qu'il n'y ait eu que trois
rapports des chefsde service de publiés (au moins
au moment où l'auteur écrivait}, il est très-juste,
et les représentants et dépositaires des intérêts
de la Colonie auraient pu s'en émouvoir plus tôt.
Du jour qu'il y avait un inspecteur d'académie
chef de service on devait s'étonner qu'un rap-
port de 1ui ne fût pas publié chaque année, com-
me en France il l'est par les soins de la Préfec-
ture. Il en a été en effet rédigé dès le coinmen
cernent mais il eût fallu que la publication en
fût réclamée par quelqu'un.
L'opinion que, des trois rapports publiés, ce-
lui de M. Viantite rapproche davantage du
type qui serait utile, appelle une observation.
C'est que ce qui semble une lacune dans les au-
tres rapports est une omission volontaire. Jamais
un rapport publié sur l'instruction publique en
France n'est entré dans les détails personnels.
Les personnes mêmes qui ont approuvé ici cette
divulgation ont-elles jamais attendu rien de pa-
reil pour une autre administration? L'imagina-
t-on pour ie personnel judiciaire ? pour tout au-
tre ?
Mais si un rapport sur l'instruction publique
ne publie pas les notes individuelles, il n'en doit
pas moins établir 1a valeur des écoles prises
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

dans leur ensemble, la situation générale, les


lacunes, les améliorations accomplies. Or
celuide 1880, cité spécialement, n'y a pas man-
qué. Puisqu'il a été question de comparaison
avec la Métropole la Réunion pourrait avec
quelque complaisance comparer le niveau de ses
examens atteint dès 1879, avec celui des exa-
mens en France et tout d'abord à Paris.
Il n'est pas moins vrai que les résultats pour
chaque école doivent être relevés, et ils l'ont été
bien souvent, en particulier dans la période pré-
cédant ce rapport de 1880. Il est bien vrai aussi
que ces rapports sont efficaces à la condition de
ne pas être immédiatement ensevelis dans la
poussière silencieuse des bureaux. Les communi-
cations des rapports et des conclusions n'étaient
alors permises, d'une part, qu'avec la Commis-
sion supérieure de l'Instructiou publique et le Di-
tecteur de l'intérieur, d'une autre, qu'avec les
comités communaux et les Maires.
Or ces communications étaient fréquentes et
peut-être même prodiguées, il n'y avait pas as-
surément lieu de dire que le chet de service sem-
blait plus particulièrement attaché au Lycée.
Quant à leur transmission aux assemblées inté-
ressées et même obligées à en avoir connaissan-
ce elle se trouvait appartenir au Directeur de
l'intérieur en rapport avec le Conseil général, et
surtout à chaque maire dans le Conseil munici-
pal.
Il n'est donc pas très exact de dire que le rap-
port de 1880 n'est qu'un programme. Une gran-
de place, il est vrai, y est donnée à ce qui est
programme de toute nature, parce que c'était la
première occasion pour son auteur d'appeler l'at-
tention sur ces matières, toutefois il n'a pas ou-
DES SCIENCES ET ARTS

blié que la nécessité de soumettre les résultats


généraux au public et aux assemblées est la vraie
raison de ces sortes de travaux, et qu'il est essen-
tiel que les chefs de service tiennent la Colonie
au courant de leurs efforts et de leurs tentatives.
Nous rencontrons aussi, à ce propos, le regret
qu'il n'existe pas de programmes de l'ensei-
gnement et de l'emploi dtt temps. En effet, e:i-
tre les mesures pour l'organisation et les pro-
grès de l'instruction publique, il n'en est pas de
plus essentielle. Toutes les autres n'ont de valeur
que pour aider à l'application de ces programmes.
Mais ils sont peut-être promulgués aujourd'hui.
Du moins, en 1880, ils étaient rédigés en détail,
tenant compte des conditions particulières à la
Réunion même pour l'enseignement agricole et
prêts pour une application immédiate.
C'est encore une satisfaction de rencontrer les
vœux pour la constatation de l'état du maté-
riel et de ce qu'il laisse à désirer, d'accord avec
ce qui avait été effectué avant 1880 constata-
tion de l'état du matériel dans chaque école, et
commencement des mesures d'amélioration.
Tous deux se rencontrent aussi par l'expérien-
ce, soit des meilleures conditions de l'enseigne-
ment, soit des éléments favorables existants dans
la population créole, pour préconiser l'emploi
plus général des institutrices.
Il en est de même pour l'importance des con-
ditions d'âge dans les écoles. Mais ici encore il ne
faut pas trop humilier la colonie par comparai-
son avec la Métropole. Celle- ji a des règlements
à ce sujet, mais bien imparfaitement observés; et
ici comme là-bas c'est une cause de véritable dé-
sordre, de dépenses et de moindres résultats. Eu
effet les élèves âgés, surtout s'ils sont les plus
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

avancés attirent les soins particuliers du maître


presque toujours aux dépens de l'enseignement
régulier de la masse des enfants pour qui l'école
est faite.
C'est pour eux qne doits'ouvrirle cours d'adul-
tes ou plutôt les deux cours différents d'adultes,
les avancés et les arriérés, cours si utiles à mul-
avec cette distinction; et qu'il faudrait dis-
tipHer
tinguer encore des cours des apprentis enfants
d'âge scolaire, mais déjà attachés à un métier
gagne-pain.
Si on respectait inflexiblement ces démarca.
tions, il en résulterait, entre autres avantages,
celui-ci, le plus précieux: que des adolescents
ne seraient pas retenus écartés du travail manuel
dont à certain âge on ne prend plus l'habitude.
C'est là un mal, un appauvrissement, un désordre
moral dans la colonie et en France.
Ecoles, programmes, règlements mûrement
établis, consciencieusement observés, améliorés
par la vigilance, avec la tendance aux applica-
tions pratique: voilà de vrais préparatifs d'ex-
pédition pour Madagascar, même concurremment
avec l'œuvre militane, surtout avant qu'elle fût
engagée, et aussitôt apre-i – pour Madagascar
oùFlacourt, malgré des mécomptes sanglants, re-
commandait de n'envoyer que des laboureurs et
des artisans; où pendant un demi-siècle les es-
prits les plus éclairés invitaient à soumettre par
un commerce bienveillant el non par la force et
la violence, en y détruisant l'esclavage et en y in-
vitant les nationaux. (Gossigny).
Pour cette affirmation qu'acceptait le génie,
net et précis autant qu'étendu de Colbert (on le
voit par les statuts de la Compagnie des Indes en
1664), se sont rencontrés les esprits guidés par
DES SCIENCES ET ARTS

les inspirations les plus différentes. Sans comp-


ter ceux qui ne nous ont pas laissé d'affirmations
aussi spéciale?, Turgot et les administrateurs des
Mascareignes les plus expérimentés, Poivre, Ter-
nay et maint de leurs coopérateurs, on trouve en
grand nombre, il y a plus d'un siècle, celles de
savants spectateurs désintéressés comme Rocher,
Legentil, Commersou aussi bien que d'hommes
hardis aux tentatives ou aux systèmes, tels que
,l'aventurier Beniowski si malaisé encore à juger,
et le républicain Brunel formulant en 1796 les
mesures prises en 1848 mais aussi d'hommes
les plus calmes, les plus éclairés, les plus compé-
tents, comme le savant créole (Jossigny entouré
de malgaches sur ses riches domaines.
Voila quel a dû être le constant sujet de préoc-
cupations de tout administrateur aux vues éle-
vées et patriotiques depuis le gouverneur jusqu'au
chef de service de l'instruction publique et que
le rapport de 1880, s'il est le plus développé de
tous, aurait dû hardiment signaler.
La plus belle créatiou possible d'écoles sera
avec un enseignement agricole, une école d'arts
et métiers à la Réunion, visant. dessin établis-
sement, à se compléter le plus vite possible par
une succursale malgache, à Sainte-Marie, à Nos-
si-Bé, Passandava, Saint-Augustin et mieux en-
core à notre vieux Fort-Dauphin, enfin sur le
sol même de la grande île.
ANTOINE.
Lettres curieuses sur divers sujets

Pauis 1725 in 12. T. II. p. 174.

Ilcluiioii d'un voyage de Son Excellence


Monsieur le Comte el'fiîricelra a
Grand de Portugal, ci-devant vice-roi
et capitaine général de, Indes Orientales.

« L'auteur nous apprend que le Vice-Roi partit de


o Goa, le 23 janvier 1721, sur le vaisseau la Vierge du
«Cap, portant 30 canons, 130 hommes d'équipage et un
grand nombre de passagers. Mais il n'est pas ques-
«tion de l'archevêque de Goa. Le 10 lévrier survint
« une tempête qui dura quatre jours dans toute savio-
c lence. D énormes oies se déclarèrent les trois
« mâts etlegouveniciil furent brisés: il fallut jeter à la
« mer neuf canons et une grande partie du charge-
ment, en même temps qu'on bouehait les voies d'eau.
« Quand le temps i'ut moins rude on installa comme ou
« put, en cinq jours de travail, une mature et desgré-
« ments improvisés. »

Pour lors, dit la relation, le vaisseau gouverna


vers l'île Bnirbon éloigné d'environ 480 lieues;
c'était la terre la plus pioche où l'on pût relâ-
cher.
« Cependant il y eut encore un gros temps à essu ·
a qer, du 30 mars au '/er avril. »
Enfin.
Le 5 avril on vit à la distance d'environ trois
lieues l'île Maurice nommée par les Français l'île
de France.
I e 4 on eut connaissance de l'île Bourbon, où
J'on mouille le C à la pointe du jour sur seize
bi:i,«ses d'eau dans la rade de Siiint-DeniF,nu fond
de laquelle est le quartier et l'habitation de Mon-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENdEê ET AHTfc

sieur de Beauvollier de Courchant, gouverneur de


l'île pour Sa Majesté trè-s-chrétienne lequel re-
çut Monsieur le comte d'Ericeira avec tous les
honneurs qui sont dus à ce seigneur, et avec
toute la magnificence qu'un tel lieu pouvait per-
mettre. Il le fit saluer de sept coups de canon, et
accompagner par les habitants jusqu'à la maison
qui lui avait été préparée, où il entra en passant
par une double haie de cette milice, qui le salua
de trois décharges de mousqueterie.
Comme il y avait sur le vaisseau plusieurs ma-
lades, Monsieur le Comte d'Ericeira, tendre et
compatissant, les fit mettre à terre, et leur fit
préparer une maison
Le 26 du même mois à la pointe du jour il pa-
rut deux vaisseaux qui s'approchaient de Saint-
Denis, avec la brise assez forte. Ils avaient tous
deux pavillon anglais. Monsieur le comte d'Eri-
ceira qui était à terre dans une maison plus éloi-
gnée du bord de la mei', et à une certaine distan-
ce de celle où étaient les malades les passagers
et ses domestiques, alla promptement à son bord,
suivi seulement de deux gentilshommes, dont l'un
avait été son capitaine des gardes dans les Indes,
et l'autre capitaine de sa chaloupe, d'un capitaine
d'infanterie au régiment de Goa, et d'un valet de
chambre.
Monsieur de Courchant fit tout ce qu'il put pour
empêcher son Excellence d'aller s'exposer dans
uue rade foraine, sur un navire tout délabré et
sans soldats, mais sa valeur l'emportunt sur l'a-
vis de ce gouverneur, il lui dit qu'il croyait de
son devoir de courir les mêmes risques que le vais-
seau du Roi son maître, qui lui avait été confié.
Avant de radeuber le vaisseau, on avait dé-
couvert le derrière pour le visiter, et l'on avait
7
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

trouvé A courbes crevées parla force du roulis.


Son excellence n'ayant que 21 canons, 34 fusils,
point de sabres, d'espontons ni de g/enades, et
manquant de tout ce qui est nécessaire pour em-
pêcber un abordage, à cause que quelques unis-
ses pleines de ce? aimes avaient été jetées à la
mer avec rne partie du canon et les marchan-
dises, il ne faut pas s'étonner si on se trouve
dans un grand embarras mais comme les plus
grands périls ne sont pas capables d'effrayer ce
Seigneur, il se prépare à se défendre à i'anchre
faute de mâts et de voiles pour se battre en fai-
sant des bordées. La côte de l'île étant dépour-
vue de canon, de forteresses et de troupes, il n'é-
tait pas possible d'empêcher l'approche de deux
vaisseaux en cs>s qu'ils fussent pirates.
Cependant les vaisseaux approchaient tous
deux pavoisés de rouge, et étant à portée de fu-
sil, mirent leurs pavillons noirs, semés de têtes
de morts, et commencèrent brusquement à envo-
yer des bordées de canons, et des décharges de
mousqueterie. Monsieur le comte d'Ericeira résolu
de vaincre ou de périr, en fit faire autant à son
vaisseau mais quelques efforts qu'il fit, la partie
était trop inégale pour n'être pas accablé. Le
Victorieuse, un des vaisseaux forbans, monté de
36 pièces de canon, et de 200 hommes d'équipa-
ge, commandé par La Bausse, français de nation,
mouilla sous son beaupré, et en même temps
l'autre forban nommé la Fantaisie, commandé
par Siger, anglais (1) de 36 canons et do 280
hommes d'équipage, vont par le gaillard du côté
de tribord mais le jeu des portugais lui fit man-
quer l'abordage, et après avoir été repoussé vi-

(1) Onle nomme ailleurs Butler.


DES SCIENCES ET ARTS

goureusement, il alla se mettre à l'attribord tout


ouvert et sans défense, et continua son feu jusqu'à
ce qu'il eut fait sauter la dunette. Le vaisseau,
pour faire mieux servirson canon, tâcha de pré-
senter le côté aux ennemis en faisant couper son
câble mais malheureusement le calme qui sur-
vint tout à coup fit que le vaisseau, demeura im-
mobile faute do vent. Cependant le feu continuait
de toutes parts, etdéjîi sept canons du vaisseau
portugais étaient hors d'état de servir, l'un avant
sauté à la mer et six ayant été démontés de leurs
affûts, lesquels furent brisés par la viuleiicn du rou-
lis du vaisseau avant et après qu'il eût été démâ-
té, ce qui domid un moyeu aux forbans de monter
à l'abordage pour la seconde tois.
Ils franchirent le bcaupré pur l'arrière (I), et
eutrèrent près de 200 hommes qui accablèrent les
portugais, extrêmement diminués par les morts,
par les blessés, et par ceux qui au nombre de
treize avaient gag aé le vaisseau le Victorieux et
pris parti avec les for' uns. Le rr?te ds l'équipage
se jeta à la mer tâchant de gagner !a l.srre h la
nage, Ou se précipitù <i;iusla cil- t:ii!em"'it que
Monsieur le comte d'Eii;eir i -etrouva sur le pont
abandonné de toutsoti moiiuc. excepté d'environ
vingt personnes (2), y compris se- tioi-, domesti-
ques, et ceux qui restèreiitdaos l'entre-pont, gar-
dant le lieu où ou les avyifc placés.
Comme son Excellence a en la b^nlé de nous
communiquer cette relation écrite de sa main pro-
pre et que sa modestie nous a imposé silence sur
une infinité d'actions, dont le gouverneur de l'île

(1) Cela est assez singulièrement dit, il est visible que


les forbans eutrèrent pai' l'avant.
(2) Le nombre "211 donné plus haut comprend dts per-
sonnes passées dans l'entre-pont.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

Bourbon a envoyé un détail exact et circonstan-


cié à la compagnie. Nous nous contenterons
pour obéir à Monsieur le comte d'Ericeira de
dire simplement qu'il demeura ferme sur le gail
lard de derrière, ou il essuya un feu terrible et
continuel à lu tête de sa petite troupe, composée
d'onze personnes où il f ut d'autant plus exposé
qu'ayant lui seul un habit d'écarlate les deux
vaisseaux forbans avaient toujours tiré sur lui, le
choisissant à chaque coup de sorte que c'est une
espèce de miracle qu'il n'ait pas été tué, ayant
été oblige de pointer lui-même plusieurs canons
n\ ec des morceaux de bois, faute d'instruments
nécessaires. Cela irritait si fort les forbans que
plusieurs se jetèrent impétueusement sur lui à
coups de sabres, dont il en para un fort heureu-
sement de sa canne, selon le rapport qu'en a fait
le gouverneur de Bourbon mais enfin accablé
par la multitude, il fut saisi par derrière et ren-
versé sur le pont où il se défendit encore intrépi-
dement avec sa canne, la lame de sou épéo ayant
été cassée. Il aurait pourtant péri sous les coups
redoublés si Taylor anglais et quartier-maître
des forbans, n'eût pas crié aux siens de ne le pas
tuer, et de faire cesser partout le carnage Il y
avait sur le pont plusieurs portugais morts ou
blessés; le nombre des nègres esclaves qui étaient
à bord, destinas pour le Brésil, était diminué de
plus de soixant». Monsieur le comte d'Ericeira
fut conduit à bord du vaisseau la Fantaisie, et
traité fort civilement par les foibans ils lui ren-
dirent même son épée, quoique d'or, et sa croix
de l'ordre du Christ. Quelque temps après, levais-
seau portugais qui était dégréé des vergues et des
manoeuvres fut remorqué jusqu'à larade de Saint-
Denis.
DES SCIENCES ET AR1S

Les forbans détachèrent le vaisseau le Victo-


rieux leur meilleur voilier, lequel arriva avant
la nuit, et ayant envoyé sa chaloupe bord d'un
vaisseau Ostendois, nommé la Ville d'Ostende
de ii canons, ttde soixante hommes d'équipa-
ge, commandé par le capitaine Erderik Andrik,
qui se rendit sans avoir tiré un seul coup rie ca-
non, à cause que l'équipage, mutiné contre le ca-
pitaine, ne voulut pas combattre. Ce vaisseauqni
avait relâché pour boucher plusieurs voyes d'eau,
ayant appris l'événement de Saint-Denis, s'était
approché de terre sur ud pied et demi d'eau
Le Gouverneur de l'île qui était allé par terre
à Siiint-Paul, où il craignait quelque descente, y
arriva à la pointe du jour pour donner avis des
fortuns, et pour faire mettre les habitants sons
les armes afin d'être eu état de défense. A huit
heures du soir Monsieur le comte d'Ericeira vit
venir à son bord Cogdom, forban anglais, qui avait
commandé un vaisseau, et avait obtcnn pour lui
et son équipage une amnistie au nom du Roi et
de la Compagnie. Il fit à son Excellence des
compliments de la part du gouverneur, et tâcha
de persuader les officiers Forbans de laisser aller
Monsieur le comte d'Ericeira à terre, mais quel-
ques instances qu'il en fit,il ne peut rien obtenir.
Le jour suivant son Excellence parla elle-mê-
me au capitaine Français la Biusse qui lui promit
de faire tous les efforts imaginables pour obtenir
sa liberté mais il lui fut impossible de vaincre
l'obstination du capitaine Siger anglais.
Monsieur le comte étant à table avec ces mal-
heureux là, leur dit en riant qu'il était un meuble
bien inutile daus un vaisseau Forban qu'il ne
leur servait à autrc chose qu'à faire devenir leurs
vivres plus rares, et qu'ils le devaient laisser al-
BULL1TINDE LA SOCIÉTÉ

ter à l'île Bourbon. Sur quoi Siger lui demanda


si son Excellence pourrait trouver à terre 2,000
piastres pour sa rançon. Elle lui répondit qu'a-
près avoir perdu tout ce qu\ Ile avait il serait
peut être ass<z difficile de trouver cette somme,
mais qu'on lui permit d'écrit o Monsieur le gou-
verneur par un de ses gentil.'hommes ce qui lui
fut accordé, et le lendemain la Buusse s'offrit
pour aller lui-même porter la lettre. Les 2,000
piastres arrivèrent à midi, et les Forbans tapis-
sèrent magnifiquement leur plus beau canot, qu'ils
offrirent à Monsieur le comte pour le conduire
à terre. Les officiers l'accompagnèrent, et même
chaque vaisseau le .alna de 21 coups de canon
et par onze crïp de Vive le Roi.
Le gouverneur, toujours attentif à ce qui était
dit à ton Excelienet l'attendait sur le bord de la
mer, à la tête de qi.cslques habitaus le fusil sur
l'épaule et le menit ûiner ch: z Mr n^ieur Desforsres
Boucher, Lieutenant de-Roi clé l'île (1). Les For-
bans lestèrent encore deux jour» à terre se pro-
menant partout sans armes, et sans faire inanité
à persoune. Ils demandèrent quelques rafraîchis-
sements qu'ils payèient au prix courant. Ils vou-
lurent faire un piésent au gouverneur d'une ma-
gnifique pendule d'Angleterre, mais il la refusa.
Ils partirent enfin apiès avoir tenu couseil, man-
quant à la parole qu'ils avaient donnée de rendre
une des prises après l'avoir fouillée. Ou crut que
ce manquement de paroles vint de ce que les
Portugais et les Flanis>ns qui avaient pris parti
avec eux leur firent accroire qu'il y avait des
diamants cachés, ce qui était faux.
(l) Quoique le gouverneur eût son habitation à Saint-
Denis, le siège de l'administration était toujours à
Saint-Paul.
DES SCIENCES ET ARTS

Son Excellence demeura à l'île Bourbon jus-


qu'au 15 novembre qu'elle est partie pour Fran-
ce (1), sur le vaisseau le Triton, de la compagnie
des Indes, de 34 canons, conimauié par Mon-
sieur de Fougeray-Garnier, deSaiat-Malo, qui ve-
nait de JJoka chargé de café.
ANTOINE.

,<|1) II semble donc que c'est à tort que d'autres écri-


vains ont dit que le Vice-Roi était resté jusqu'au com-
mencement de l'^née suivante ou près d'un an à
Bourbon. Son séjour a été d'un peu plus de six mois.
Le Soudan et le Haut Sénégal

Messieurs,

J'ai tenu à payer ma dette de bienvenue n


l'honorable Société qui m'a fait l'honneur de me
recevoir dans son sein. Quoique de bien faible
valeur, j'espère que mon témoignage de bonne
volonté me sera compté comme un bon point par-
mi vous. Aussi, tout en vous demandant votre
extrême indulgence, je me risque à exiger de
vous quelques minutes d'attention pour une ques-
tion qui, si elle n'est plus d'actualité maintenant,
touche encore de bien près cependant au granl 1
principe de notre politique colonialedu moment.
Il s'agit du Soudan français, de l'affaire du
iIaut Sénégal. Vous avez été tenus au courant par
les journaux des projets grandioses qui depuis
1880 ont été à l'ordre du jour, la pénétration au
centre Afrique par l'Algérie et le Sénégal. Certes,
si des événements politiques de toute autre na-
ture, n'étaient venus changer les intentions du
gouvernement, si le Tonkiu, la Tunisie, Madagas-
car n'avaient pas préoccupé par ailleurs nos hom-
mes d'Etat, nous aurions peut-être mené plus
rondement cette affaire et les critiques, dont elle
a étél'objet, auraient peut-être alors été atténuées
sinon étouffées par les résultats obtenus, c'est-à-
dire parla léussite. Dans tous les cas, l'œuvre du
chemin île fer du haut Senégal a compté en Fran-
ce autant de partisans que de détracteurs. Pré-
sentée 1 ar h s enthousiastes chauvins comme une
panacée pour l'émancipation coloniale, considé-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

rée au contraire par ses adversaires comme une


conception idiote, dangereuse et inutile, la ques.
tion envisagée froidement réunit cependant toutes
les conditions de haute politique et doit être étu-
diée sans parti-pris, en mettant dans la balance
le pour et le contre. En pensant surtout, que si
les résultats attendus ne devaient pas être immé-
diats, on préparait au moins le terrain pour l'ave-
nir qu'on ouvrait à l'activité des générations
françaises futures de vastes champs d'exploita-
tion pour l'initiative privée et qu'enfin on agran-
dissait en Afrique, en semant la civilisation, la
surface des tories destinées à être converties par
le drapeau tricolore.
Mêlé, comme je l'ai été, aux secrets de cette
grande question, confident intime souvent des
hommes spéciaux et de haute valeur auxquels
était confié le soin de mener à bien l'œuvre, j'ai
eu entre les mains des éléments d'appréciation
que n'ont certes pu posséder ni les détracteurs ni
même les euth'iusiastes chauvins de la question.
C'est pour ce motif que mon exposé sera l'ex-
pression fidè'e de la vérité.
Je ne vous parlerai que pour mémoire de la
colonie proprement dite du Sénégal. Les deux ar-
roiidisscmcirs qui la composent et qui ont pi'iir
flief-lieu ù5i Louis, siége du gouvernement :'i
l'emboucliutv du fleuve Sénégal, et Dakar, port
militaire et couinieicial important mr le pioinou-
toire iiu Cap Vert, sont depuis le mois de juillet
dernier reliés par un chemin de fer semblable à
celui que nous possédons à laRéuuion. Ce chemin
de fer a 258 kilomètres de parcours et travrrse
le Cayor, province pour ainsi dire indépendante,
dans sa plus grarde partie.
La colonie du Sénégal ne ressemble pas an»
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

autres colonies. Composée de postes militaires e


comptoirs disséminés, séparée les uns des autres
par des pays indépendants ou des colonies étran-
gères, elle offre un assemblage bizarre de pays di-
vers de races, de peuples d'allures différentes va-
riant entre l'arabe, le yoloff, le peul, le mandri-
gue, le bambara, le sarracolet, le maure, l'égyp-
tien même, différant même de religion et coha-
bitant en conservant leurs mœurs respectives
sur ce sol qui n'est ni fertile, ni Improductif, mais
qui n'acertespas les qualités ni la beauté du beau
sol bourbonnais.
JI ne faut pas non plus confondre le Sénégal
proprement dit qui ne s'étend pour ainsi dire,
administrativement parlant, que jusqu'à Médine,
avec le Haut-Sénégal qui va de MéJiue jusqu'au
Niger.
Par suite il ne faut pas confondre le chemin
de fer de Dakar à Saint-Louis, chemin de fer es-
sentiellement colonial concédé .à une société, >
comme celui de Bourbon et exploité par elle avec
le chemin de fer du haut fleuve appelé pour le
moment chemin de fer de'Kayes à Bafoulabé en
attendant qu'il devienne chemin de ferde Kayes
à Bamakou sur le Niger. Ce dernier est plutot
stratégique pour le moment, jusqu'au jour où il
pourra devenir commercial Le Chemin de fer de
Kayes àBatoulabé a été la conséquence de notre'
occupation au delà du point où le fleuve cessait
d:êtte navigable. Le fleuve du Sénégal est eu ef-
fet navigablesur 250lieues de son parcours, c'est-
à-dire jusqu'à Médine pendant près de cinq
mois de l'année. J'ai vu pund-mt mon séjour au
Sénégal, et c'était la première fois que l'expérien-
ce s'tn tentait, deux navires à vapeur de 1,200
tonneaux partis de Bordeaux avec uu chargement
DIS SCIÏNCBS
ET ARTS

de matériel pour le haut-fleuve remonter le Sé-


négal jusqu'à Kayes à 13 kilomètres avant Médine,
et revenir 20 jours après à Saint-Louis sans au-
cun accideut ni échouage.
Ces deux navires sont le Condé de la maison
Maurel et Brun et le Soudan de la maison De-
vès et Chaumont. L'épreuve de la navigation du
fleuve était donc concluante. Mais avant de vous
parler du chemin de fer du haut fleuve permet-
tez-moi de vous donner quelques détails sur l'his-
. torique de îa question, en remontant à l'origine.
Vous savez que déjà en 1863 l'illustre gouver-
neur qui a donné à cette Colonie l'élan réel d'mia
colonisatiou intelligente, le général Faidherbe
écrivait: II bous faudrait créer une ligne de pos-
tes distants d'une trentaine de lieues entre Mé-
dine sur le Sénégal et Bammakou ou tout autre
point sur le Niger afin d'éfciblir un centre com-
mercial sur le fleuve et par suite détourner au
profit du Sénégal le courant des caravanes de
marnes qui sillonnent le désert en aliant de Tom-
bouktou, de Segou et de l'intérieur au Maroc et
vice versa. Le premier de ces postes serait Ba-. •
foulabé.
Cette' idée donna naissance à la mission de
Mage à Segou en 1863. Mais de 1865 à 1879 on
ne put en raison des événements politiques de
France rien faire de ces côtés. Ce n'est qu'en 1879
que la question fut reprise et voici dans quelles
conditions.
C'est le fameux projet du Trausaharien du
chemin de fer à travers le Sahara qui a donné
naissance à la question des chemins de fer séné-
galais.
Vers 1879 la Commision parlementaire, poli-
tique, économique, technique et administrative
L ETIN DE LA SOCIÉTÉ

nommée pour étudier certaines questions relatives


au Sud de l'Algérie et à l'Afrique il'aprè3 les
renseignements qui avaient été donnés au Gou-
vernement et aux Chambres sur la proposition et
les études d'un M. Duponchel, ingénieur, conçut
la pensée de joindre par une voie ferrée le Sud de
l'Algérie au centre de l'Afrique en se basant sur
des documents d'un certain intérêt produits par
des voyageurs envoyés en mission et sur les ré-
cits d'hommes spéciaux appelés en témoignage.
C'était surtout le Soudan, ce pays mystérieux,
cette fameuse ville de Tombouktou, capitale d'un
empire qu'on disait immense, c'ét.iit en un mot
cette terre promise du centre Afrique qui était l'ob-
jectif. On se voyait déjà descendant le Niger sur
des paquebots magnifiques et allant barrer aux
anglais un étés par les cataractes de Boussa le
chemin de l'EJen soudanais. En effet à ce mo-
ment on était prévenu que des missions anglaises,
avec titre officiel, remontaient le grand fleuve de
l'embouchure à la source avec l'espuir même de
doubler les fameux Boussa ou cataractes qui se
trouvent à 300 lieues environ au-dessus de l'em-
bouchure On voyait déjà une voie ferrée traver-
sant le Sahara et le drapeau tricolore flottant sur
lesminarets de Tombouktou.
!.a mission Flatters qui périt si tristement l'an-
née suivante, massacrée par les Touaregs, avait
par les récits de sa première expédition enflam-
mé tous les enthousiasmes, et on ne doutait plus
de la possession entière du quart de l'Afrique di-
visé en quatre provinces la Berbarie, le Sahara,
le Soudan central et le Soudan sénégalais.
Mais dans le sein de la Commission du Tran-
faharien il se trouva des hommes d'un esprit plus
réfléchi, plus pratique, qui, sans s'opposer à la réa-
DES SCIENCES ET ARTS

lisation de ces grandioses conceptions proposèrent


nn moyen terme, c'est-à-dire un tempérament an
zèle ardent des géographes politiques en cham-
bre. Ces hommes étaient les français éminents que
l'on nomme le général Faidherbe, le général Brière
de l'Ile, l'amiral Jauréguibéry et M l'Inspecteur
général des Ponts et Chaussées Legros. Vous
avez, dirent-ils, del'autre côté «luS ihara. une co-
lonie française qu'on appelle le Sénégal.
Elleest traversée par un fleuve qui coule del'Est
l'Ouest et dont la source est voisine de celle du
fameux Dioliba ou Niger. Les deux fleuves pren-
nent leur source pour ainsi dire au même en-
droit l'un sur le versant Est, l'autre sur le ver-
sant Ouest. Ce fleuve Sénégal constitue pour vous
une voie provisoire de pénétration au Soudan et
vous permettra de vous livrer à des études plus
complètes sur ces pays que vous ne connaissez
que par ouï dire jusqu'à ce jour vous aurez l'a-
vantage au moins d'être chez vous, de pouvoir
ravitailler plus facilement que dans le Sahara vos
missions. Puis quand vous aurez étudié ces pays
inconuus, que vous saurez ce qu'ils valent, vous
verrez s'il y a lieu de remplacer les caravanes de
chameaux qui sillouilent le Sahara par une voie
ferréeavec embranchement sur le Sénégal en pas-
sant par Tombouktou. Usera temps toujours de
mettre votre projet à exécution. Ce sera moins
difficile et moins coûteux. Au lieu de commencer
par le Nord commencez par le Sud, et par le point
le plus rapproché
Ces conseils prévalurent et tout en décidant
qu'on continuerait les études par le Nord on fit
entrer le Sénégal dans la combinaison et les Cham-
bres votèrent successivement pour les études par
le Sénégal des crédits jusqu'à concurrence de 23
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

millions. Ce sont ces crédits qui permirent aux


missions Soleillet, Galliéni, Darrien, Bayol même
de rapporter les premiers renseignements sur le
vrai Soudan, sur les villes principales de ces pays,
comme Bamakou, Kita, Spgou, Sikaoo, sur Tim-
bo et. le FoutaDjallon. Quant aux missions du
Nord nous connaissons la fin tragique du colo-
nel Flatters et les difficultés d'exécution qui ont
ensuite été découvertes.
Ainsi donc la pénétration au Soudan devait
définitivement se tenter par le Sénégal et nous
verrons plus tard comment ce projet a réussi,
puisque dès maintenant nous savons que le pa-
villon français flotte à Bammako et qu'une canon-
nière française démontable sillonne déjà depuis
un an les eaux de Djoliba Niger en fleuve uni.
Quelques indications sur la carte sont néces-
saires pour donner une idée bien exacte de ta
conception.
Mais on remarquera avec regret et c'est là la
critique à faire dans l'exécution tentée de l'œuvre,
c'est qu'on a toujours employé des moyens ter-
mes. On n'a pas tenté, ceci avecjuste raison peut-
être, on n'a pas tenté immédiatement le Tran-
saharien. On s'en est tenu à une solution provi-
soire en opérant par le Sénégal.
Ceci étant adopté au lieu de faire le chemin
de fer comme continuation de celui de Dakar à St-
Louis, on veut piovisoiremeut utiliser la navi-
gation du fleuve et on fait partir iechemin de fer
de pénétration ou Soudan non pas de la côte mais
de Kayes ou Médine, c'est-à-dire 260 lieues dans
l'intérieur. Enfin on décide que le tronçon au
lieu d'aller jusqu'au Niger n'ira provisoirement
qu'au tiers de la route, c'est-à-dire a Bafoulabé
ce qui revient à décider qu'on construira uu
DES SCIENCES ET ARTS

tronçon de chemin de fer en plein centre Afrique


éloigné des 2 points lêtes de ligne, naturelles, Saint-
Lonis et Banimakou. Un simple examen de la
carte suffit pour dé.nontrer la chose.
Je ne critique pas les moyens employés puisque
c'est par raison d'économie qu'on a procédé ainsi
mais il n'en eit pas moins vrai que, puisque le
principe fondamental était reconnu en bonne
politique on devait tout faire pour marcher car-
rément et attein Ire le plus rapidement possible
le but.
En résumé on \onkit arriver sur le Niger
coûte que coûte et je n'ai pas besoin de vous
dire comment le colonel Deebordes avec sa co-
lonne de 300 hommes an prix de mille difficultés
et avec une énergie peu commune a résolu le
problème à la suite de 3 campagnes remarquables
et de glorieux faits d'armes.
Les sommes dépensées et pour les expéditions
et pour la construction du chemin de fer sont les
suivantes en chiffres ronds
En 1879. 1 million 1/2.
En 1880. 3 millions.
En 1881. 7 millions (achat de matériel).
En 1882. 8 millions 1/2.
En 1883. 5 millions.

Auxquels il faut ajouter 3 millions environ sur


les crédits piopres du Département et de la Colo-
nie. Soit un total de 2c>millions environ.
Les résultats sont les suivants à ce jour. L'œu-
vre sans être abandonnée est remise à des temps
meilleurs. Pnisse-t-il ne pas en être de même de
Madagascar 70 kilomètres de voie fonctionnent
entre Kayes et Bffoulabé.
Nos postes sont établis et tiennent le pays.Nous
BULLETIN
CEtA SOCIÉTÉ

sommes sur le Niger. En un mot le but est


atteint, mais si l'on semble abandonner ce qui est
fait, qu'adviendra-t-il dans l'avenir? L'effort
énorme n'aura produit aucun résultat et des mil-
lions auront été dépensés en pure perte.
Maintenant on s'est souvent demandé pourquoi
onfaisait un chemin de fer sans tête etsans queue?
Je vous ai donné tout à l'heure mon opinion là-
dessus. Mais voici comment on explique la chose
On voulait arriver vite sur le Niger pour l'occu-
per et prendre possession avant les anglais qui
convoitaient la proie. On a donc commencé par
occuper militairement les points importants. Puis
ensuite on s'est dit: faisons tout de suite un
chemin de fer pour arriver jusqu'à Bafoulabé,
nous le continuerons ensuite par Kita jusqu'au
Niger quand le moment sera venu, c'est-à-dire
quand le pays que nous occuperons militaire-
ment aura été pacifié, que notre domination y
sera assurée complètement et que nous serons en
un mot chez nous. Une route ordinaire aurait eu
l'inconvénient de demander un entretien coûteux
et difficile à assurer dans un pays où pendant la
saison des pluies et des inondations les herbes
atteignent des hauteurs de 4 et 5 mètres. Une
voie ferrée s'entretient d'elle-même. Elle est plus
pratique pour le transi ort que le dos des cha-
meaux et des ânes, seuls animaux qui résistent
dans ces pays. Remplacer les caravanes par des
convois de voitures dans des pays aussi peu civili-
sés n'eût pas été pratique et en fin de compte à
notre époque, la voie carrossable n'est pratique
qu'où la voie ferrée ne peut pas se faire.
La longueur totale de la ligne Kayes en cons-
truction est de 133 kilomètres. Le chemin de fer
se dirige sur Bafoulabé poste avancé construit
DES SCIENCES ET ARTS

auconfluent des deux rivières qui forment le Sé-


négal, le Bafiny et le Bakoy. Elle se continuera
ensuite vers le Niger que l'on atteint en passant
par les forts de Budombé, de Kita, par les redou-
tes de Kondin, de Kragassolo. La tête de ligne sur
le Niger sera Bammakou, notre dernier poste
avancé actuel, qui se trouve à d.800 kilomètres
de l'embouchure du fleuve Sénégal, en plein inté.
rieur de l'Afrique, et qui est relié par le télégraphe
avec Saint-Louis. Ce télégraphe a été construit
sous la direction des officiers français par un in-
digène du pays Bé Mademba Seye, au fur et à
mesure que la colonne d'expédition pénétrait
dans l'intéiieuret maintenant que le câble sous-
marin relie Saint-Louis avec Paris, on peut îe-
cevoir à Bammakou des nouvelles des élections le
jour même où elles ont eu lieu. Bourbon est moins
favorisé comme vous le voyez, sous ce rapport.
Je termine en vous donnant un aperçu succinct
du commerce du î "ut Sénégal. A Médiue, d'après
les documents ofE-iels, la valeur du mouvement
commercial serait rituellement de 5 millions, à
Bafoulabé de 8 ml. lions, à Bammakou de 5 mil-
lions, à Kita de 4 i: illions
Si ces chiffres fjat exacts, c'est d'un bon au-
gure pour l'avenir de notre colonie, car avec les
voies de communication ces chiffres ne peuvent
qu'augmenter.
Mais ce sont nos jeunes générations seules qui
pourront prouver si ces conceptions de longue
haleine étaient pratiques. Cela dépendra un peu
de leur initiative, de leur courage, de leur esprit
d'entreprise, de leur patriotisme. Comme a dit
Leroy Beaulieu: La France sera une puissance co-
loniale on elle cessera d'être. Si l'on est patriote
on doit donc être partisan convaincu des grandes
8
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

conceptions coloniales qui ont pour but non seu-


lement d'améliorer le présent, mais encore d'as-
surer l'avenir du pays que l'on aime.

CHARLESCÉRISIER.
Les Etoiles filantes

Permettez-moi, pour entrer en matière, d'em-


prunter un paragraphe à M. Flammarion, l'astro-
nome poète
« Dans la nuit limpide et transparente, une
t lointaine étoile semble se détacher des cieux,
« glisse en silence sous la voûte nocturne, file,
c file et disparaît.
« Le cœur éprouvé par les douleurs terrestres
« croit que le Ciel se préoccupe de nos destinées,
< et que l'étoile filante marque le départ d'une
a âme pour l'autre vie; la jeune fille, dont le
regard pensif s'est attaché un instant sur le
« météore, se hâte de formuler un vœu. dans
l'espoir de le voir rapidement accompli; le
« poète songe que les étoiles, fleurs du Ciel,
n s'épanouissent dans les champs célestes, et croit
voir leurs pétales lumineux emportés par les
vents supérieurs dans la uuit infinie.
c L'astronome sait que cet astre éphémère
« n'est ni une étoile, ni une âme, mais un mo-
a lécule, un atome cosmique, un fragment plus
« on moins exigu en lui-même, mais dout l'en-
• seignement peut être bien grand, s'il peut nous
apprendie d'où vient et comment il rencontre
« la terre sur son passage. »
r

Qu'est-ce, en «ffet, que ce feu clair et rapide


qui s'allume soudain dans un ciel limpide, par-
-court un arc de cercle plus ou moins grand, ton-
BULLETIN
DELA SOCIÉTÉ

tôt dans un sens, tantôt dans l'autre, et dispa-


raît aussi brusquement en laissant un sillage
phosphorescent qui se dissipe bientôt ?
Mystérieux projectiles, qu'êtes-vous? d'où
venez-vous? Est-ce uniquemeut pour donner aux
amoureux l'occasion d'émettre un vœu. et aux
oisifs celle de méditer, que vous apparaissez? Ou
bien, êtes-vous une manifestation de plus de cette
inconcevable et chaque jour plus admirable loi
de la gravitation universelle oh la science, au fur
et à mesure que ses travailleurs pénètrent plus
avant, voit s'ouvrir devant elle un infini de pro-
blèmes toujours nouveaux ?
C'est ce que je me suis permis de rechercher
dans cette petite étude; elle m'a été inspirée par
la pluie d'étoiles du 27 novembre dernier, que
les habitants de cette île ont eu la bonne fortune
de contempler. Bien peu s'en estfallu que ce beau
phénomène ne passât inaperçu, pour nous, car
toutes les soirées précédentes avaient été mar-
quées par un ciel couvert.

L'étoile Mante est un événement de toutes les


nuits, de toutes les heures, pourrais-je ajouter,
car il est presqu'impossible qu'un observateur
placé pour embrasser une zone étendue du firma-
ment puisse rester une heure, sans en voir au
moins une. M. Quételet estimait à 8 le nombre
moyen des chutes pour une heure, et Sir J.
Hershel disait que, souvent, ce chiffre pouvait
être porté à plus de 32 pour tout le ciel.
Mais l'observation de véritables pluies d'étoi-
les ne remonte guère au-delà de celle que l'illus-
tre de Humboldt fit en Amérique dans la nuit
du 11 au 12 novembre 1799; cependant les ha-
DES SCIENCES ET ARTS

bitants de Cumana (Amérique) l'informèrent que


le phénomène s'était produit en 1766. Or, il a été
observé encore plus tôt, en 1733. Cette pério-
dicité frappa l'astronome Olbers, qui, dès 1837,
annonça pour 1866 le retour des grandes averses
de novembre, et cette prédiction se réalisa com-
plètement. Donc, la périodicité de 33 ans est
bien établie pour cet essaim.
Boguslawski, se basant sur la connexion qui
existe entre cet essaim et la comète de 1866 dé-
couverte par Tempel, remonta dans l'histoire avec
les apparitions périodiques de cette comète et ar-
riva à déterminer un retard de 3/4 de jour dans
les retours successifs du phénomène.
M. A. H. Newton, en cherchant aussi dans le
passé toutes les indications remontant jusqu'à
l'année 902 de notre ère, a fixé avec plus de pré-
cision encore à 33 ans et 3 mois la durée de la
période; il a constaté en outre qu'un retard de
un jour se produisait tous les 70 ans dans la date
de l'apparition. En supposant que les météores
circulent en des anneaux autour du soleil, cet as-
tronome a recherché quelle devrait être la durée
de la révolution dans leur orbite pouvant expli-
quer les chutes périodiques des météores aux
époques observées. Le problème, d'après lui, com-
portait cinq solutions et il émit l'opinion que le
retard d'un jour par 70 ans, constaté par lui,
devait fournir le moyen de trouver la solution
exacte.
Partant de cette idée, M. Adams trouva par
une belle analyse, en tenant compte des pertur-
bations séculaires, que la durée de la révolution
de cet essaim d'étoiles filantes était précisément
33,25 ans, c'est-à-dire le nombre même qui re-
présente la périoae du phénomène.
BULLETINDE LA SOCIÉTÉ

Nous avons dit que, dans la nuit des 13-14 no-


vembre 1866, une grandiose chute d'étoiles fi-
lantes vint donner une splendide consécration à
ces travaux elle produisit une très grande im-
pression sur les astronomes.
Ce fut commeune révélation; M. Schiaparclli
y vit une nouvelle et décisive confirmation de ses
travaux si célèbres aujourd'hui sur la connexion
qui existe entre les comètes et les chutes <i'é-
toiles filantes en effet, la comète de 1866 qui a
pusse rilors très près de la terre, 0,19 ou 7 mil-
lions de lieues seulement, 83 rapproche également
trè.->près de l'orbite terrestre pour n'en être. dans
son nœud ascendant, qu'à, la distance 0,0066 ou
214,200liei,es, ce qui, dans l'immensité des cieux,
est presque rien, puisqu'on a vu des queues de
comètes avoir dix fois cette somme pour équiva-
lent de leur largeur, et cent fois, pour leur lon-
gueur. (188"2).
De son côté, M. Leverrier, sur les bases éta-
blies par Newton, s'est mis à l'étude, et a dé-
terminé avec toute la précision possible les élé-
ments de cet essaim; il démontre que:
1° Ils sont identiques avec les éléments de la
comète de J866
2" Que l'un et l'autre ont été conquis à notre
système par la planète Uranus en l'an 126 de
notre ère, en modifiant leur trajectoire pour la
rendre elliptique.
C'était le triomphe de la belle théorie de M.
Schiaparelli. qui ne fait que prendre chaque jour
plus de consistance.
DES SCIENCES ET ARTS

Du 9 aul4 août, on constate souvent des chutes


importantes, assez régulières, mais jamais elles
n'ont la magnificence de celles de novembre. Les
points d'émission sont plus nombreux et plus ir-
réguliers.
Ici encore il y a connexion avec une comète,
la 3"6 de 1862, et c'est elle qui fournit à Schia-
-parelli la première confirmation de sa théorie;
cet éminent astronome a démontré l'idendité de
l'orbite de cette comète avec l'essaim du 10 août,
connu sous le nom de courant de Laurentius, en
remontant jusqu'en l'an 830 de notre ère.
Elle s'approche plus près encore de l'orbite
terrestre que celle de 1866: 0,008 ou 183,000
lieues à l'endroit où passe la terre le 10 août.
En 1863, moins d'une année après le passage
de la comète au périhélie, une grande chute eut
lieu le 10 août, laissant bien la preuve que l'astre
parsème son passage de corpuscules provenant de
ta désagrégation.
Il est encore à présumer que la richesse de
l'essaim du 10 août est augmentée par la ren-
contre de l'orbite de cette comète avec celles de
1882 11(0,000) et de 1862 II (0,021) dont elle
se rapproche beaucoup dans son nœud descendant.

Nous arrivons à l'essaim du 27 novembre, le


plus riche detous; nous pouvons en parler main-
tenant comme d'un spectacle splendide, stupé-
liant, pourrais-je ajouter, et bien fait pour con-
vaincre l'homme de son infirmité au milieu des
splendeurs de l'univers.
Le centre d'émanation de cet essaim est assez
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

irrégulier, mais on peut pourtant le ramener à la


position suivante:
AR = 23° Décl. = f 45*
c'est-à-dire le voisinage de la belle étoile Gamma
d'Andromède.
Voici l'histoire de ce courant de météores, très
curieuse et très originale.
Le 27 février 1826, M. Biéla, de Josephstadt,
découvrait une comète; 10 jours après, sans qu'il
y ait eu communication entre eux, M. Gambart,
à Marseille, la signalait, et après en avoir calculé
les éléments, reconnut celle ds 1772 et de 1805;
sa période était de 6 ans 1/2, et l'annonce de
son retour en 1832 causa auiaonde une horrible
peur. Cette immense frayeur, accréditée facile-
ment parce que l'orbite de c-tte comète coupe
celle de la terre, ne se dissip que le lendemain
du jour indiqué, et cependant \rago avait pris la
peine d'écrire longtempsà lV'ince que « lepas-
« sage de la comète très près d'un certain point
« de l'orbite terrestre aura lieu le 29 octobre
« avant minuit; eh bien! la terre n'arrivera au
« même point que le 30 novembre au matin,
« c'est-à-dire plus d'un mois après. On n'a
« plus maintenant qu'à se rappeler que la vitesse
« moyenne de la terre dans son orbite est de
s 674,000 lieues par jour, et un calcul très sim-
« pie prouvera que la comète passera à plus de
« 20 millions de lieues de la Terre. »
Personne, en effet, ne fut le moindrement in-
•comtnodé, sinon elle, peut-être, car eile ne tarda
pas à accuser les troubles les plus sérieux dans sa
constitution.
En 1839 elle reparut, mais dans une saison très
défavorable aux observations et il fallut attendre
DES SCIENCES ET ARTS

1845. Exacte au rendez-vous le 25 novembre,


elle suivait sa marche régulièrement sousles yeux
ravis des observateurs, lorsque tout à coup, le 15a
janvier 1846, ceux-ci eurent la stupéfaction de
la voir se séparer en deux, chaque segment for-
mant une comète avec sa queue, sa tête, son
noyau, et s'écartant peu à peu de l'autre.
Qui saura jamais ce qui s'est passé la? Quel
mystère!
Les deux comètes s'éloignèrent ainsi côte à
côte, (si on peut ainsi dire de deux objets voya-
geant à 60 mille lieues d'écartement) et disparu-
renten même temps.
Il est facile de se figurer l'impatience avec la-
quelle les deux jumelles furent attendues en 1852.
Elles reparurent, mais leur écartement avait
atteint la distance de 500 mille lieues.
Les astronomes n'étaient pas au bout de leurs
étonnements an sujet de cet astre étraDge en
1859, tous étaient à leurs postes pour l'attendre,
tous avaient à cœur de constater de nouvelles
surprises.
La surprise dépassa leur attente: les comètes
ne reparurent pa-s eu 1859; pas davantage en
1866. Mystère sur mystère 1
On avait renoncé à les retrcuver, on ne cher-
chait plus qu'à les oublier.
#
L'illustre Leverrier qui n'était plus, hélas î di-
recteur de l'Observatoire de Paris, par suite d'un
acte d'injustice qui a indigné le monde entier,
s'occupait, en 1872, d'organiser de nombreux
centres d'observations en vue de l'arrivée pro-
chaine, 12-13 novembre 1872, du fameux essaim
d'étoiles filantes dont nous avons déjà parle.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

Il avait preparé et réparti sur les points les


plus favorables à l'observation, en France, une
petite armée d'astronomes émérites formant un
véritable réseau de stations pour enregistrer le
nombre et la direction des étoiles filantes, et les
lignes télégraphiques françaises avaient pris des
dispositions spéciales pour les communications
rapides.
La chute ne fut pas très considérable, mais les
observations excellentes. Lesobservateursavaient
quitté leurs postes lorsque dans la nuit du 27 au
28 novembre, quelques jours après, par consé-
quent, alors que rien ne le faisait prévoir, arriva
une pluie d'étoiles d'une magnificence inouïe.
Le Père Denza, de Moncalieri, près de Turin,
s'exprime ainsi:
« Toutes les admirables et gracieuses figures
« que nous voyons tracées sur la voûte du ciel
« lors des grandes pluies météoriques, toutesvin-
« rent charmer nos yeux. C'étaient de nombreux
« météores aux couleurs délicates et variées,
« plusieurs suivies de longues et brillantes trai-
« nées, un grand nombre éblouissant de lumière,
a quelques autres du diamètre lunaire à peu près
< des nuages transparents et luisants, qui ça et
« là, en mille manières, se rompant dans l'at-
« mosphère, s'ouvraient en faisceau de rayons
« aux formes les plus vagues et les plus bizarres. »

Qui pensait alors à la comète de Biéla, dispa-


rue depuis 20 ans?
Cependantun astronome allemand, Klinkerfues,
voyant les étoiles filantes tomber à gros flocons
au moment même où la terre passait au point
DES SCIENCES ET ARTS

d'intersection de son orbite avec celle de la dé-


funte comète deBipla, crut que c'était la comète
elle- même qui avait rencontre la terre, calcula la
position de celle. ci, et comme elle ne pouvait être
visible que<inns l'autre hémisphère, il télégraphia
à Pogson, Il Madras, cette dépêche devenue lé-
gendaire
Biêla rencontré Terre le 27, cherches près
thêta Centaure.
Pogson aperçut effectivement une comète le 1"'
décembre à la place indiquée, mais le temps ne
lui permit pas des observations précises, et les
choses en sont restées là.
Il n'en restait pas moins parfaitement établi
que la terre, fur le parcours de la comète de
ISiéla, a traversé un essaim colossal de corpus-
cules cosmiques qni ont produit la pluie du 27
novembre, pendant laquelle on n'estime pas à
moins de 100 mille le nombre des fusées de ce
merveilleux feu d'artifice.
Depuis lors, le phénomène aurait dû se repro-
duire en 1878, mais je ne possède aucun docu-
ment qui en parle, et nous venons de l'cci ire dans
nos annales en le constatant dans toute sa splen.
deur, le 27 novembre 1885.
Il y a lieu de faire ici une remarque par suite
du retard constaté dans la période de la comète
de Biéla, 6 ans 1/2; il est facile de comprendre
que le retard de 6 mois fait juste un an de plus
en deux passages, et explique que la pluie n'est
arrivée qu'en 1885 an lieu de 1878.
Eu effet, si en 1872, la terre a passé dans l'es-
saim, il fallait que la comète eût passe au point
d'intersection avant elle; l'année suivante elle
était de 6 mois eu arrière, la terre ne rencontre
BULLETIN DE LA. SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

rien. Mais en 1883, il y a 2 fois 6 ans, et 2 fois


Gmois, et la terre doit rencontrer, au bout de
13 ans, l'essaim de 1872.
y
Il résulte de tout ce que nous venons de dire
que les étoiles filantes ne sont autre chose que
des corps cosmiques voyageant autour du soleil,
suivant une orbite commandéela plupart du temps
par une comète.
Ces corps, en rencontrant le globe terrestre,
traversent son atmosphère, dont la résistance
amène par une loi mécanique inéluctable le dé-
veloppement d'une chaleur énorme ils s'en-
flamment et disparaissent s'ils sont trop peu vo-
lumineux pour arriver jusqu'à la surface du globe,
et y tombent sous forme d'aérolithes, si leur vo-
lume résiste à la compression que leur vitesse
leur fait subir.
Cette vitesse dépend entièrement de la direc-
tion dans laquelle le corps entre dansl'atmosphère:
S'il marche dans le même sens que la terre, la
translation de celle-ci étant de 29,460 mètres par
seconde, celle de l'étoile étant de 40,000, sa vi-
tesse se réduit à 10,000 mètres par seconde;
niais si elle marche en sens inverse, les nombres
s'additionnent et produisent alors 70,000 mètres,
mais dans la première seconde, car cette énergie
diminue avec le carré de la distance parcourue.
Ce sera un sujet à revoir, si vous le permettez,
dans une prochaine étude sur les pierres tombées
du ciel, que le temps ne m'a pas permis de vous
offrir ce soir.
Saint-Denis, le il décembre 1885.
Ed. Dubuisson.
Hommage
A
LA IHÊMOIHB D'ALEXANDRE DE LA S1RVB
A L'OCCASION
DE L'INAUGURATION DE SON BUSTE
JlU
CONSEIL GÉNÉRALDEL'ILEDELARÉUNION
LE MARDI,29SEPTEMBRE1885.
La Serve ce nom seul a fait battre nos cœurs
II fut le fils aîné d'un fervent patriote
Qui lutta, le premier, parmi les défensenrs
D"ua pays dédaigné qu'on traitait en ilote.

Sur les traces du père il marcha fermement


A cette école il eut, jeune, l'âme virile,
Et, de la liberté noble et fidele amant,
II flétrit les excès d'une époque servile,

Où, sous un faux César dont nos fils rougiront,


0 France, ton renom de gloire militaire,
Legs brillant d'un passé, vierge d'un tel affront
S'éclipsait dans le sang d'une effroyable guerre

La presse muselée, il en brisa les fers


La haine des tyrans en ses écrits s'allume
Plus nos droits sont niés et plus ils lui sont chers
Et, comme un glaire, il fit etinceler sa plume 1

Après la nuit sinistre, est-ce crime, est-ce erreur 1


Ou nos chefs outrageaient une foule innocent*,
Grâce à La Serve, ami du peuple et son vengeur,
Le droit mit en échec la force triomphante 1
'BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

Le »ole universel revint, comblant nos \œux.


Bourbon lui tresse alors sa conronne civique,
L'acclame et l'investit du rôle glorieux
Ue fonder, sur le sol français, la République

Inébranlable,il tint son poste de combat.


L'honneur fut son drapeau, son Dieu fut sa patrie,
Et quand la mort le prit, ce tribun, au Sénat,
Servait toujours la France avec idolâtrie

La raison et la foi, ces flambeaux du devoir,


Eclairent jusqu'au bout J'apôtre en sa carrière,
Non loin de son ami, qui, naguère au Pouvoir,
S'y montrait en vainqueur, sous la même bannière.

Il eut ses ennemis mais calme, plein de sens,


L'œil vers son bat, rendant le mépris pour l'insulte,
Au parti du progrès il n'offrit son encens
Que pour l'Humanité dont il garda- le culte

Et maintenant, Colons, que la postérité


Luit pour l'homme éminenl, type antique du juste,
Màle dans sa droiture et doux dans sa bonté,
Que son souvenir dure en \os cœurs – que son buste

Vous retrace ses traits et ses titres d'honneur


Dans votre livre d'or illnstrez sa mémoire
Quand do grands citoyens aident à la grandeur
D'un peuple, n'est-il pas fier d'avoir une histoire Q
?

Rappelez-Tous surtout que son ambition


Ne fut pas le manteau de basses coavoitisss 1
Ni flattant ni fhtté sans ostentation,
Il fut le bouclier vivant de nos franchises
DES SCIENCES ET ARTS

Ce bronze ici rayonne où siègent vos élus


Votre reconnaissance accroît son auréole
Caractère et talent, l'exemple touche plus,
Quand il nous vient si pur d'un si vaillant créole 1

Dans les heures de doute où l'esprit abattu


Cherche haut un appui qui rentle le csurage,
Que l'aspect de ce sage inspire la vertu 1
Nous nous relèverons devant sa grande image 1

PASCALGrÈMAZY.
Mémoire

AMonsieur
le Sénateur
etMessieurs
lesDéputés
DEL'ILEDELA.RÉUNION

Monsieur le Sénateur,
Messieurs les Députés,
Les nombreux occupants à la Réunion de la
zone du littoral, connue sous le nom de Réserve
des Pas géométriques, ont l'honneur de vous
exposer leur situation fausse et intolérable, comme
détenteurs des terrains placés dans cette réserve.
Ils y sont établis à des titres divers, en vertu,
soit de concessions qu'ils tiennent de leurs au-
teurs, soit d'autorisations administratives, mais
la précarité de la possession de la plupart d'en-
tr'eux est le juste sujet de leurs plaintes et ils
sollicitent vivement l'inauguration d'un nouvel
ordre de choses, pour jouir irrévocablement, en
qualité de propriétaires, d'un domaine sur lequel
ils ne peuvent exercer les droits incommutables
qui appartiennent à la propriété privée.
Si la Guadeloupe et ses dépendances ont pu ob-
tenir le bénéfice du décret du 21 mars 18S2 qui
change les bases légales sur lequelles était assise
la réserve des pas géométriques, les raisons de
décider dans le même sens et d'adopter la même
mesure, pour la Réunion, ne sont pas moins cer-
taines ici il n'est pas, en effet, difficile de dé-
montrer que le régime qui a été en vigueur aux
Antilles jusqu'en 1882, sur cette matière, diffère
complètement du nôtre.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

L'étude comparative de ces deux législations


au poiotde vue de l'origine du territoire réservé,
de sa destination, de son étendue et de ses limi-
tes, des titres de concession pour la propriété ou
pour la jouissance, amène a reconnaître que les
pas géométriques ou cinquante pas dri Roi,
dans les coloaie-s de l'O iest, sont régis pur les
principes qn protègent iu domaine public, c'est-
à-dire l'ina'iéiubt'ité et l'imprescriptibilité.
Au contraire, lu mômeréserve tamtoriaÎR à la
Réunion ne figure que nominalement parmi les
biens dit domaine publie, ea méconnaissance des
faits qui ont présidé à Li majeure partie des con-
cessions accordée-* duns l'Iie, et par une fausse
interprétation des îèg'es du droit d-ms l'espèoe.
Il est donc ncoessaire de rechercher 1° et en
grandes lignes, h-,petj3 réel et la portée des tex-
tes législatifs qui ont été suivis et exécutés aux
Antilles dès leur piise de possession; 2° et par
voie d'analyse, ce que les législateurs, colonial et
métropolitain, ont édicté à l'Ile de Bourbon, par
les concessions et par les règlements, arrêtés, or-
donnances et décrets qui, depuis les premiers
temps de la colonisation, se sont succédé au su-
jet des cinquante pas géométriques.
L'inévitable conclusion de ce parallèle tourne-
ra sans aucun doute en faveur de la requête que
les soussignés vous présentent.

er
CliapISi-c 4"
LEGISLATION DES ANTILLES

On a contesté la valeur légale des droits que


l'Etat pouvait exercer à la Guadeloupe et à la
Martinique, sur les cinquante pas géométriques,
9
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

sur ce contour des îles dont l'espace a été réservé


pour établir les bourgs, paroisses, forts, re-
tranchements, batteries et autres ouvrages
publics, nécessaires tant pour leur décoration
que pour leur défense.
Mais, de nombreux documents s'imposent de-
puis l'origine, avec précision et concordance, pour
repousser cette opinion les voici dans l'ordre
chronologique; il suffira de les interroger pour
se convaincre que les dispositions législatives qui
y sont inscrites déterminent le caractère, l'éten-
due, les limites et les effets dc cette possession.
Ce sont d'ubord
Le règlement du Conseil souverain du 3 mars
1670;
L'ordre du Roi du 6 août 1704
Les letttes ministérielles des 3 décembre 1757
et 17 janvier 1788
De plus, et de tout temps, les concessions éta-
blies sur le littoral n'ont pris' naissance qu'au-
dessus des cinquante pas du roi
Ensuite, l'usage n'a jamais permis de confon-
dre ces terrains, occupés par des détenteurs usu-
fruitiers, avec ceux des riverains propriétaires
En outre, si le possesseur précaire, en a joui
avec l'exemption des obligations qui incombent à
l'usufruitier, celui-ci n'a pu prescrire contre le
pi'>priétaîre, malgré la défense portée à l'article
2,236 du Code civil
Enfin, la réserve des pas géométriques qui
n'était qu'un possessoire protégé et surveillé par
l'Etat, dans un intérêt commun, dépendant du
grand domaine, devenu celui de la nation >vr i a
décret du 1" décembre 1790 et, par sa desti-
nation, était inaliénable;
En dernière analyse, elle n'a pas cessé d'exis-
DES SCIENCES ET ARTS

ter dans les conditions où elle a été primitive-


ment établie, car l'ordonnance royale du 9 février
1827, dont il est f ùt mention d<un le décret du
21 mars 1882, la déclare inaliénable et inéchan-
geable, en lui imprimât le caractère propre qui
ailccte essentiellement le domaine public.
Le seul point par où cette réserve se soustrait
aux règles et conditions qui régissent les biens
du domaine public, est celui qui touche à l'em-
ploi de cette réserve aune destination déterminée;
chaque fois qu'une concession a Lé délivrée pour
l'établissement des villes et bourgs et que; sur les
terrains concédés, il a été élevé d^s constructions,
les concessions ainsi fuites et rempiles deviennent
définitives et irrévocables; elles sont alors, con-
trairement au principe général, susceptibles d'a-
liénation et de prescription, parce que tel est le
vœu des lois qui, aux Antilles, réglementaient
les concessions des pas géométriques La réser-
ve à la disposition de l'Etat ayant rempli son
objet
Sous l'empire d'une telle législation, rigoureu-
sement observée, les habit.mts de la Guade-
loupe n'ont pas craint d'élever leurs doléances
jusqu'au Département de lu marine et des colonies
pour en obtenir la réforme: ils ont représenté
avec succès au Pouvoir compétent que la réserve
des pas géométriques ne répoudait plus à aucune
exigence d'intérêt général qu'elle était main-
tenue sous la garde de l'Etat pour des motifs qui
n'avaient plus de valeur à notre époque qu'elle
devait être considérée comme inutile pour la dé-
fense des côtes qu'elle enlevait à la propriété
privée des terrains qu'on aurait pu, depuis long-
temps, consscrer à l'agriculture, à l'industrie et
au commerce qu'enfin la précarité du titre des
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

concessionnaire!?, menacéa de déguerpissement à


toute réquisition de J'autorité, était un obstacle
permanent à la mi.se en valeur complète de toute
cette portion de terres «voisinant les rivages de
la mer; qu'il fallait, un conséquence, replacer
dans le droit commun, ai; grand profit de la com-
munauté des habitants, de si longues étendues de
terrain, dont les poweateurs n'avaient jamais pu
tirer nu parti durable, arrêtés Fans cesse par la
crainte d'une éviction administrative.
Le ministère obtempéra leurs vœux et le dé-
cret du 21 mars 1882 fut pl omulguc à la Guade-
loupe et dépendances.
Dans ses principales dispositions, le décret por-
te que 1* « les détenteurs des terrains bâtis
« dans les villes, bourgs et villages, sur le péri-
« mètre dos 50 pas géométriques réservés à
« l'Etat, recevront (les titres de propriété défini-
«tifs et incommutubles^; 2» dans l'intérieur des
« villes, bourgs et villages, des concessions ir-
« révocables de terrains non bâtis peuvent être
« accordées titre gratuit ou onéreux, par dé-
a crets délibérés en Conseil d'Etat. p
La conclusion à tirer de la publication de ce
décret à la Guadeloupe,dont les pas géométriques
étaient placés sous un régime légal tout autre que
celui qui gouverne l'Ile de la Réunion, est que le
Département de la marine et des colonies ne doit
éprouver aucun scrupule à en provoquer la pro-
mulgation dans notre Colonie.
Il sera démontré, dans le chapitre qui suit,
qu'en elï'et la zône des pas géométriques dans
notre île
l°Ne figure pas comme réserve dans toutes les
concessions de terres faites avant l'année 1807,
à partir du bord de la mer
DES SCIENCES ET ARTS

2° Ne peut être considérée comme rentrant dans


la catégorie des biens du domaine publie
3" Et constitue, au contraire, une propriété de
l'Etat que l'ordonnance du 21 août 1 825 a fait
distinctement entrer dans le domaine colonial.

Chapitre Il
Pour prouver tes trois propositions ci-dessus
formulées, il faut
1° Faire rapidement l'historique des concessions
deterres à l'île deBourbon, depuis son occupation
pour le Roi jusqu'en 73 et 1767 et, depuis cette'
dernière année, jusqu'en 1807
2o Analyser l'arrête du capitaine-général De-
caen du S mai 1807;
5° Caractériser la portée de l'arrêté du gouver-
neur de Frcyciuet, en date du 10 novembre 1 82î
i o Interpréter les ordonnances royales des 17i
a> ût et 21 août 1825, confirmées par celle du 22
août i 833
50 Argumenter du décret colonial du li août
1839.
SECTIONI
L'examen des archives coloniales permet de
constater que les anciennes concessions de ter-
rains, à l'Ile de Bourbon, depuis que la Compa-
gnie des Indes en prit l'administration en 4 603,
étaient généralement faites sans restrictions, du
bord de la mer au sommet des montagnes. f,e plus
grand nombre de ces concessions était positive-
ment accordé saas réserve. Ce n'est qu'à partir de
l'année 1722, que l'on voit apparaître la preniù
re stipulation réservant la portion du littoral si-
tuée au-dessous dela terre cultivable, laquelle doit
servir de commune pour élever des bestiaux.
BULLETIN DE LA SOCIÉTL

Sous le gouvernement des successeurs de La-


bourdonnais, ks bornesdes concessions indiquent
le bas de la commune, ou les 50 pas géométri-
ques, réservés -pour la commune le hng des bords
dela mer.
Un arrêt de 1751 du Conseil supérieur de la
Colonie, à l'occasion de plusieurs contrats de ter-
res concédées dans la partie Sous-le-Vent, excluait
de l'étendue concédée les cinquante pas du Roi de
5 pieds chaque, le long et au-dessus du bord dela
mer et ci compter de l'tndioil où la laine vient
frapper dans les plu; hautes marées
Mais, on ne peut coii^irlércr cet arrêt comme
réglant les limites de toutes les concessions que les
habitants avaient déjà reçues sans restrictions; la
preuve en est qu'un arrêt d'ectobre 1737, en sta-
tuant sur la superficie tntale d'uue concession,
déclare que: partant du bord de la mer, sans au-
cune réserve, la borne de la dite concession ne peut
être restreinte par le retrancherrent des cinquante
pas géométriques QUEL'ON DIT ÊTRERÉSERVÉSAU
Roy le long du bord de la mer.
C'est donc par le titre même de la concession
que l'étendue de la propriété était déterminée; là
où n'existait pas la mention de la réserve, les pro-
piféfés étaient limitées en b 's par le bord de la
mer,c"omnieen Lautp.ir le sommet desmontagi.es.
ÇttM^i de choses dura ainsi jusqu'en 1 7S4,an-
néé mjfiquée par un règlement de la Compagnie
des Inûts,,édictant que les cinquante pas géomé-
triques'rê lung du bord de la mer demeureront
parties e&s^hlieltes et inaliénables du domaine de
la Compagnie et prononçant la réunion au dit
domaine de tous les terrains ci-dessus concédés dans
les dites limites.
Mais, un autre article de ce règlement respec-
DES SCIENCES ET ARTS

tait les droits acquis par les précédents concession-


uaires, jouissant de concessions délivrées sans cette
réserve ces concessionnaires ne pouvaient pas
être troublés ils étaient propriétaires définitifs.
De plus, de 1754 à 1707 – époque où le Roi
reprit possession de l'Ile, – ce règlement prohibi-
tif ne fut pas exécuté; la revue desconcessions,qui
s'échelonnent dans l'intervalle, démontre que les
actes en étaient rédigés sans contenir tous lu
mention delà réserve dsij- ciuquante pas.
L'expression continue de cette réserve: Borné
au, Nord, dans sa longueur, des pas géométriques,
ne se retrouve dans les actes nouveaux de con-
cessions, qu'à compter de i'annéfi 1707 elle f'it
répété assez régulièrement dans tes contrats fauc-
cessits de concessions, mais déjà la plus grande
partie du territoire de l'île Buurbon avait pasié
aux mains de colons, presque tons bénéficiaires
de titres sans réserve.
Les parties du littoral non concédées dans ht
zone des pas géométriques lurent, depuis lor<,
l'objet de permis d'élàbjir, révocables suivant les
besoins du service de l'Etat
Il est curieux de noter que ces besoins qui n'é-
taient, à l'origine, que ceux des riverains ayant à
passer sur ces terres et à y laisser paitre leurs
troupeaux,prirent à cette époque un autre carac-
tère l'Administratiou supérieure eut surtout en
vue, par la déclaration de précarité de ces permis
d'établir, la protection et la défense des côtes, la
surveillance des bateaux y accédant, etc., etc.
Cette idée est utile à consigner ici, parce qu'elle
a évidemment, surtout dans ces temps de guerre
continentale et maritime, contribué à inspirer
l'arrêté du 5 mai 1807, dont les termes et la por-
tée sont certainement sujets à critique.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

SECTION

Imbu de cette double préoccupation; la dcfei.-


Fe des côtes et l'utilité publique,lc général Decaen
fit, pour les Tes de France et de Uonapurte,l'arrê-
té ci- dessus, concernant les réserves des bords de
la mer, sur toute l'étendue des côtes de ces deux
Iles. Il déclara ces réserves inaliénables, en les
classant parmi les terrains qui appartiennent es-
sentiellement au domaine public.
Il commettait en cela l'erreur drjà commise par
la Compagnie des Indes, qui, par son règlement
de 1734, déciétait d'inaliénabilité les 50 pas géo-
métriques, le loiig du bord de la mer, commefai-
sant partie essentielle de son domaine. On fait
cependant que ces prescriptions illégales ne fu-
rent pas suivies d'effet, et parce que la seule vo-
lonté du législateur ne peut pincer hors du droit
commun des terrains qui, par leur nature et leur
destination, sont susceptibles de devenir proprié-
té privée, et parce qu'en fait, presque tout le ter-
ritoire de l'Ile étant déjà aliéné, on s'est heurté
à des occupants qui sont restés tranquilles pro-
priétaires de concessions octroyées sans stipula-
tion de réserve.
L'ordonnance d'octobre 1771 et le jugement du
Tribunal terrier de septembre 1783 révèlent bien
que, nonobstant cette intention de se rendre maî-
tres de tous ces terrains, les directeurs de la Com-
pagnie des Indes jusqu'eu 1767 comme les ad-
ministrateurs pour le Roi qui, eux, ont été
chargés «lu gouvernement des deux îles, non
seulement ont ea égard aux droits acquis, mais
même ont continué à délivrer des concessions sans
y mentiouner aucune restriction.
Le capitaine général Dccaen, par son arrêté
DES SCIENCES ET ARTS

de 1807, voulait, sans doute, en fixant l'étendue


des réserves des bords de la mer, en les faisant ren-
trer dans les biens du domaine public, combler
une lacune; il se proposait de faire une législa-
tion, plus précise quant à la délimitation des ter-
rains qu'il entendait réserver, et plus radicale
par la création d'un domaine qui, érigé en do-
maine public, ne serait plus dorénavant concédé à
personne. Cependant, ce n'était pas absolu car
l'article 7 de cet arrêté dispose que les titulaires
de permis d'établissement et tous occupants des
pas géométriques, par actes de jouissance ou de
propriété, pourraient représenter leurs titres à la
réquisition du Directeur du Génie; c'était impli-
citement reconnaître qu'ils ne seraient pas inquié-
tés dans l'exercice de leurs droits d'usufruit et
de propriété; c'était rendre inefficace cet arrêté
lui-même, qui devenait lettre morte en présence
de la ni'-iji'nre partie des concessions anciennes et
récentes auxquelles le Gouvernement lui-même
s'interdirait de toucher.
Quelle était alors la portée d'un acte législatif
supprimant l'existence de la propriété privée sur
des tei rains où cette même propriété continuait à
s'exerct r ?2
I! n'is-t pus téméraire de répondre que l'oeuvre
du géiiéiiil Decaëu: 1°En fait, n'a pas produitles
résultats qu'elle avait en vue, et 2° en droit, n'a
pu avoir |ioui" effet de constituer en domaine pu-
blie dci- terrains dout l'affectation a toujours ré-
sisté à ce classement.
Tonales auteurs qui ont explique leurs doctri-
nes sur le domaine public, sont d'accord pour le
définir, en termes à peu près semblables. (Gilbert,
Dalloz, Proudhon).
u C'est la réunion des choses qui présentent
BULLETIN DE LA SOCIËTK

< cumulativement ce double caractère d'être des-


tinés à un usage public et de résister, tant que
« dure cette destination, à toute idéed'appro-
< priation privée. c
Trois autres caractères principaux du domaine
public, d'après Dalloz, Proudboa et Dufour, sont:
i° Qu'une aSectation à un service public ne
classe un terrain dans le domaine public que tant
que cftteaSectatioa dure
3* Que l'occupation d'un terrain, destiné à un
Msa~e d'ntHite commune, doit être e~'ec<M.'eet ac-
tuelle
3° Que ça terrain, ainsi rsu)gé dans lesbiens du
domaine public, ue peut être productif de reve-
nus, tant que dure son affectation a. un service
pubtic.
Or, qui ne sait qu'aucun de ces caractères ne
peut h'a.ppHquer aux potions déterrâtes qu'on
appelle pas géométriques?
10 Ces terrains, ni par leur MCttm'e ni par
leur destination, )ie sont affectés à '.n usage
public, puisqu'ils sont occupés, en plus ou moins
grande étendue, par des particuliers qui enjoué-
Mot privément;
2* Il n'y a, par conséquent, occupation ni e/
/eeMM ni actuelle par un service publie, puis-
qu'au contraire, c'est comme usufruitiers ou pro-
priétaires pour t'intéret particulier des occupants,
que t'occupation existe et oonnone;
3° Ils sont esseutiellement productifs de reve-
nus, par le fait des redevances qui, qu'on le
verra bientôt, sont payées en vertu du décret co-
lonial du S a.outi83t).
Absolument, cette comparaison fait ressortir
que l'érection dee pas géométriques en domaine
DES SCIENCES ET ARTS

pnMicestunen.agranteaberra.tio'adugénéra.l
Decaëu. E!ieprovitnt dela confusion qui régnait
alors dans les esprits au sujet du domaine de l'E-
tatetdu domaine public. Déjà le décret du 1"
décembre 1790 n'avait fait aucune distinction en-
tre ces domaines. (lire ses considérants et ses ar-
ticles 2, 3 et 5, gg 1 et 2) et les rédacteurs du
Code civil, dans les articles 83~, 539, 5M et
541 avaient incorporé, dans le domaine puMic,
des choses qui,par leur nature etleur destination,
ne pouvaient d'aucune façon y être comprises,
telles que les lais et relais de la mer, les succes-
sions en déshérence, les anciennes places fortes,
etc., etc.
Si de telles hérésies viciaient le décret rendu
par l'Assemblée nationale en 1790 sur les domai-
nes nationaux et ces articles fondamentaux du Co-
de civil de 1801. édictés au titre de la distinction
des b~'os et au chapitre des 6<pMSdeHts~eMffa.p-
pû~ avec ceux qui les possedent, comment le
)égii.)utt;L;rcj[otu~ldt*li'!07aura.it-H été moins
ignorait et plus perspicace, pour procéder avec
tég.dite?
A la lumière des principes posés par l'ancienne
jurMpru~c~ce,on a!tr.dtpu reconnaître, pourtant,
qu'i~ct:mn!tj'ossib'.edectas!'erlesp~sgrométt'i-
u!T's dant. i)'' grande domaines, ceux-la seuls qui
ëtiueot i!)!uipnaMes et impre~oriptibies; ils ne
devaient, titrer que dH)):! les biens du petit do-
mainf, do/~ on peut disposer !o/'sgtt'oH eK~OM~.
Or, depuis les premières oonoe:-s)0fts jusqu'à
celies com~'Uipurmin~ de l'arrête de )80' ou u'n-
vait pas cessé d'amener ces réserves; toutes les
fois que le pouvoir exécutif a cru devoir les re-
prendre, U n a eu restitution que de la part des
possesseurs qui n'étaient point fondés en titres.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

On avait donc disposé de ces terrains qui, par


leurs transmissions successives à titres onéreux,
demoniraifnt bien leur nature et leur destination
radicalement opposées à celles du domaine public.
11 y a pis. C'est que ie général Decaën, par
un considérant principal et l'article 2 de son ar-
iête, a arbitrairement détermine la targeur de
cette réserve
« Considérant, dit-il, que cette iargenr n'est
autre chose que tesrtt'cf~es et bords de la mer,
do)~ la ~f:t!ei<~ a été fixée M 50pas f/eo-
9HC<f'n~MM,etc.; que, dans tous les cas, dit-il
encore, elle compjendra t'espacR jugé neoes-
~Mire a la d~fctise de la côte sans perdre de vue
« celui q~i. doit exister pour les pacages et ie
« putcoursfh-s troupeaux. n
L<i rivage df ]a mer ne pouvait ctre ainsi indë-
finiment étendu au src de l'Administrateur des
deux l'es à cette cpoque. Cette étendue résulte
de t'ordonnance de la maricede'i68t, titre VU
Sera réputé bord et rivage de hi mer tout
« ce qu'elle couvre et découvre pendant les non-
c vcUes et piciues lunea et jusqu'où le grand flot
de Ma's M peut étendre sur les grèves. <
Dans la Méditerranée, c'est le p~ts ~'(Mid/o~
de rM~ef; à i'Ile Bourbon, c'est lib partie qui
m«'!te jubqn'à Mf/~e bornée par la hctM~e
mer û!f<a;grandes marées..
Seuls appartienncot au domaine public < les
< terrains qui sont circonscrits parle rivage ma-
< ritime, c'est-à-dire ceux qui font partie du lit
< de !a mer, et qui sont comme afectps par la
nature eHe-uieme à l'usage public, (Dufour-
Droit administratif).
DES SCIENCES ET ARTS

Le Conseil d'Etat s'est prononcé dans ce sens


par son arrêt duH janvier )873.
I!. est donc inadmisuMf que les pas géométri-
ques créés par le général Decaen, d'une étendus
de S! mètres environ a compter du rivage bai-
gné par !a.haute mer aux grandes murées, fassent
« partie du lit de lu. mer, x pas plus que la re-
serve en que&tion ne peut être placée an sommet
d'un cap, s'élevant a.uue grande hauteur au-des-
sus des flots.
On ne saurait, avec p))is de raison, soutenir
que ces terrdns réservés doivent être assimilés
aux lais et relaie de la mer ils ne leur ressem-
blent pas, puisque les lais et relais sont des at-
terrissements mis a découvert par la mer quand
elle se retire en outre, lussent-ils déclarés sem-
Mubles, qu'ils ne devraient pas figurer parmi les
biens du domaine public, la Cour de Cassation
ayant juL.e (3 novembre 1824 et 2 juavier 't84.4)
que, malgré les enonciations de l'article 538, les
lais et relais de la mer n'étaient point des dëpen
dances du domaine public.
Depuis 184'i, certains arrêts, fondés sur des
appréciations de faits, peuvent avoir paru faire
ûéohir cette jurisprudence, appuyée sur la doc-
trine de Dufour et de Bpaussant mais un récent
arrêt de Cassation, du 9 août 1876 doit lever
tous les doutes pour la solution que nous propo-
sons il décide que: les terrains situés au-
a dessus du flot dem~rs ne sont pas des lais et
a reluis de la mer, quand ils ne sont pas pénétrés
« par les enax et ne reçoivent leur atteinte qu'ac-
cidenteHement, a!or& surtout qu'ils forment des
< prop!i;tes particulières depuis près d'un siècle,
4 sans qu'il soit établi qu'ils aient fait autrefois
<' partie de la mer. »
BULLETIN DE LA SOCtÉTË

Les termes de la légende de cet arrêt ne sem-


blent-ils pas se réfère!' a notre espèce des pas
géométriques. situes ::u-dessus du ttot des gran-
des niui écs, ne s'ib'ssant qu'en partie etacelden-
tel!ement]eu)'~t:inte,etp!C''qiiCtuus. ou con-
cédés à de-! titre-! divers a. ce.~ particu)icr~ pour
Ipurufagt'piiYe. <'u rentes Huxn~ains de la Colo-
nie qui les n traités c~mn~e des domaines suscep-
tibles de propriété privée ?

SECTION111

Du reste,cette législation de 1807, entachca


d'illégalité, devait rester gnnsexëoutiou. Quatorze
ans aptes, )e 10 novembre IS~t, fe commandant
de Freyeinet, adminii-ti-itteur pour le roi n. Bour-
bon, rend'ait t)h ancte qui preuve Lt complète
ignorance de l'arrête du général Decacn.
A'ors que ce deriiier avait iudiqué les Hmites
des pas géométriques et les moyens d'en ~borner
et baliser les referves, l'acte de M: Freyelnet était
ttiit en vue de la nécesMté d'e<et&Hr avec exacti-
tude les H)K~M de ces )Hcmes pas g~o)Më~t-
gMes-
On n'y rappeDe aucune des dispositions par
lesquelles les ternuos réserves sont tuis hors du
droit commun par leur classement dans le domaine
publie on sollicite, de tous les possesseurs des
terra;us gisant dans crt espace, l'exhibition des
titres suivant lesquels ils les possèdent; la tegle
générale posée par le gouvernement colonial est
qu'il laisse) a paisibles propriétaires tous ceux qui
repiosenteront des actes suffisants et qu'il ne
s'emparera que des terrains pour lesquels il n'y
ifura.paseuunejusti&cation de possession légi-
time.
DES SCIENCES ET ARTS

N'est-ce pas le plus éclatant aveu que ces ré-


serves ne se rattachaient pas au domaine pubho,
alors notamment que l'Administration ne voûtait
se substituer aux détenteurs de ce soi et de ses
annexes que pour y établir des constructions et
les mettre en culture ?
Des magasins pour tes besoins de ht Colonie et
des cultures pour le service de son administra-
tion, n'ont pas assurément le caractère d'utilité
publique, résultant d'une affectation formeJte à
un service public ac~ue~ et e/~ec~. Enfin la mise
en cutture de ces réserves implique l'éventuelle
perception des revenus qu'elles auraient produits,
ce qui est absolument opposé à la gratuité, i'uoe
des règles essentielles, indispensables à la consti-
tution et à la conservation du domaine public.
SECTION lï
En 1825 intervient un ordre de choses nou-
veau. Le Couvernementde l'îte de Bourbon et dé-
pendances est constitué par une ordonnance orga-
nique qui est encore la base de notre système .td-
ministratif cette ordonnance du 2t août 1825
est précédée de celles du 26 janvier et du 17 août
de la même innée.
La première du 26 janvier abandonne à la Co-
lonie tous ses revenus en la chargeant de toutes
les dépenses qui lui sont propres, la métropole
ne prenant à son compte que les dépenses dites
de souveraineté.
La seconde, du 17 août, remettait en toute
propriété à la même lie tes établissements publics
de toute nature et les propriétés domaniales y
existant, à charge 'le les réparer et entretenir
et de n'en disposer que sur l'autorité du roi.-
L'article suivant ajoutait ~e sont pas compris
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
(
dans les établissements oi-de~us abandonnes, les
Mtime!)ts militaires, fortifications, bntteries, torts
et autres ouvrages, iosquels restent la propriété
de l'Etat. » Rien ~'c~t phi-) précis. – Toutes les
propriétés dotnani~.esmjnt ccdce.~ en tout:; pro-
priété a l'île de Dourb"n, sauf celles dcM~aces
dans les exceptions de L'.trtic!e snbsRqneat. Il est
doncpateut q!'e, !f;s pas géométriques [ie rentrunt
pns dans le e:u~ro Je~ exceptions mentionnées en
Cette dermere dt-position, ue font partie m dit do-
niaine uMic ni dit domaine de l'Etat :tbsu.rc-
Tnpr~,l'autorité roynte ips Humitréserves et cxc)ns
de ]'bnndcn fidt en toute ptopr~te !:i (!o~mie,
s'ils avaient été considérés comme eiépenduncea,
soit dH domninepuMic, soit du don~inp de)'Ëtat.
Il faut donu eonotHre qu'ils lotit partie des pro-
priétés domaninics concédées il l.i, Colonie par
cettcord'jnt'n.nce du 17 tioût. –0~ ol'jectera, il
estvriii, que la 3° ordonnance, du 3t août j82S~
renferme dans Hon artic!c33,§3, une défense ex-
presse, ainsi conçue:
a Aucune poition des 50 pas gc~meù'iques,
rcsprvcs sur !e littoral, ne peut être echa.ngëe ni
a!ience. Mais cette disposition prohibitive peut
être considérée comme l'expression plus radicale
de l'article 3 de la précédente ordonnance du 17
ao&t qui, en reinettant les propriétés doma.niaies
à la, Colonie, lui enjoint de M'e~ disposer ~MC
S!r t'(tM~tsct<!0)t du .Rot. D'autre part, cette
dëolMatiou d'inaliénabilité ne saurait avoir logi-
quement pour effet d'attribuer à ces pas géomé-
triques le caractère de biens d') domaine public,
alors que le ponvoir métropolitain procède par
deux dispositions de loi, l'une générale qui com-
prend l'abandon des ë~ot&ssetKs~s publics de
toute nature et des propriétés domaniales,
DES SCtEMCBS HT ARTS

l'autre spéciale qui renferme et cnimere les excep-


tions. La lettre et l'esprit de la première révè-
lent l'iutention de L'ordonnance de placer les pas
géométriques parmi les propriétés domaniales re-
mises fi la Colonie les termes formels et exclu-
sifs de la seconde repoussent l'idée d'une excep-
tion qui ferait rentrer les mêmes terrains dans le
domaine publie ou dans le domaine de l'Etat.
Eu outre, il importe de ne pas oublier que c'est
dans cette ordonnance même, concernant Bour-
bon et ses dépendance?, qu'est introduite la pres-
cription destinée à protéger les propriétés doma-
niales abandonnées a cette même Colonie.
Enfiu, l'f'rgument décisif sur en ~inte~ celui
qu'on doit emprunter aux articles 86 g ~0 et !OJ- 1
g 14 de cette dernière ordonnance du 2t août
1828.
L'organisation administrative q~'eUe a établie
crée deux fonctionnaires, l'un qui est l'ordonna-
teur et qui n'a dans ses attributions que ie~ af-
faires de la métropole; l'autre qui est le Direc-
teur de l'intérieur et qui n'est chargé que de
l'administration intérieure de la Colonie.
L'article 86, concernant le premier, stipule dans
songiOqu'ila!'e[dtKMMS~'6~:o~et la police
administrative des hôpitaux militaires, cAaM-
tiers, etc., e<c., ateliers, magasins, prisons
militaires, casernes, lazareths, postes mili-
taires et autres ~ocbMssemen~s dépendant de
la guerre et ~e marine
L'article ~4 qui a trait au 2' fonctionnaire,
stipule dans son i4' p qu'il a dans ses fonctions:
« t'administrution du domaine, la revendication
des terrains envahis etc.; la conservation DES
50 PAS GEOMETRIQUES et de toute autre feser~e
faite dans ~Mtïefgt des divers services pH&~cs.
M
BULLETIN DE LA SOCtÉTË

Le rapprochement de ces deux textes ne laisse


plus subsister un doute sur la question. Il est ma-
nifeste que, si les pas géométriques avaient fait
partie du domaine public ou du domaine de l'Etat.
leur surveillance et leur con servation auraient
été dévolues au représentant des intérêts de
l'Etat dans la Colonie. I! est non moins manifeste,
après cette séparation prononcée entre ces deux
services distincts, que si tes mêmes pas géométri-
ques n'avaient pas été classés dans le domaine
colonial, ce n'est pas le Directeur de l'intérieur
qui eût été chargé, par une dévolution expresse,
du soin de leur conservation. La raison impose
donc cette solution, corroborée du reste par l'or-
donnance du 22 août 1835, que la réserve des
pas géométriques est positivement une dépen-
dance du domaine colonial.
SECTIONV
L'examen du décret du S août i839, après
celui des articles relatifs a la matière tirés des
ordonnances de i82S et de 1833; complète la
démonstration que poursuit ce mémoire. Il est
d'abord remarquable de constater que son inti-
tulé: ([Décret colonial ooncerna.nt les échanges,
at'éNations ctconcessionsdes biens domaniaux
prête côté à notre thèse que les pas géométri-
ques, dont le sort est réglé par cet acte législatif,
sont une propriété de la Colonie.
« Nanteuil, qui le publie dans sou réper-
toire, le commente par ces mots: Quel que
« soit le titre de ce décret, il est évident qu'il
« ne concerne que les biens qui font partie du
domaine colonial; a it l'accompagne de cette
réitexiot): « Les biens du domaine colonial sont,
comme ceux de l'Etat et des communes, soumis
DES SCIENCES ET ARTS

aux règles de la propriété et, comme tels, sus-


ceptibles de propriété privée et de prescription.
Ce mémoire n'a pas soutenu et ne soutient p<ts
d'autres conclusions.
Comment, du rente, aurdt-ort pu contester
cette vérité qui se dégageait si clairement de
l'ordonnance de 1825 ?'e
Il est certain qu'on dec!ara.iti)ia.)iénaMf's les
terrains domaniaux ctae~és dnus !:i première di-
vision et que ces terrains étaient les pas ~ëoMe-
triques mais on ne fais~'t que répétef h. prohi-
biti'on th; l'orJonnance pou) rendre, par ses ri-
vages, la mer partout aco<-s~]b)e. Comme si en
France, où la réserve des pas pëomerri'j'ies est
inconnue, la mer n'était pas libre, ab~oiuinent
libre 1
On tombait, au surplus, dans une oontrildic-
tion choquante, en aliénant provisoirement ces
mêmes terrains, déclarés indtén~bles, par la cou-
cession de portions de terre sujettes à révoca-
tion, il est vrai, mais demeurant indénaiment, à
la faveur des redevances, aux ma.i)M de posses-
seurs qui les exploitaient en propriétaires.
On faussait le principe même de la réserve, eu
sacrifiant l'intérêt supérieur de l'usage public a.u
profit de quelques particuliers, en convertissant
des biens soi-disant réservé;) pocrI'utUité gêné-
rale, la défense de i'tie, la circulation oom-
mune par les rivages de la tuer, le pacage des
troupeaux, etc., etc., en biens tivrés en
jouissance u l'intérêt privé seulement.
Il est piquant de lire, dans la discussion qui
s'est élevée pour l'élaboration de ce décret, que
tous les orateurs ont reconnu que cette réserve
était bien une propriété de la Colonie, dont elle
tire parti par des redevances mises aux enchères
148 BULLETIN DE LA SOR[ËT~

et dont les produits sont partagés, par moitié,


avides communes où sont situés les terrains géo-
métriques concédés.
La clause d'inaliénabilité etaitsi mplement une
clause de style. Cette disposition était dictée au
Conseil colonial de l'époque par les deux ordon-
naBCfS des 17 et 2i août 1825. toujours en vi-
gueur la première subordonnant l'aliénation au
consentement de l'Etat; la 2° défendant l'aliéna-
tion et l'échange, mais toutes deux faisant passer
cette réserve dans la catégorie des propriétés de
la. Colonie, c'est à-dire de propriétés légalement
aliéaa.Mes et échangeables. Il convient d'ajouter
que l'assemblée coloniale a été unanime il décider
que tous les concessionnaires non grevés de la
réserve, pourraient user de l~urs concessions
comme propriétaires ineommntubles, ce qui était
encore contrai) e à la défense absolue de l'ordon-
nance et du décret qui frappaient d'indisponibi-
lité toutes les portions des 50 pas géométriques.
La sanctions royale fut enfin donnée le 27 avril
i84i à ce décret portant la date de ~839 et mis
en délibération depuis t856. Après beaucoup de
lenteurs administratives et <!erenvois pour amen-
dements, le décret fut ii~opté avec cette formule:
« Adoption d'un projet de décret ayant pour but
« de régler le mode et les conditions de conees-
< sions, aliénations et échanges de terrains, etc.,
etc., appartenant au domaine de la Colo-
« nie. »
Il est indéniable que pour le ministère d'alors
ces terrains étaient bel et bien la propriété de la
Colonie.
Mais deux motifs péremptoit'es résolvent en-
core la difficulté dans ce sens. D'une part, si les
pas géométriques, sur lesquels on venait de légi-
DES SCIENCES ET ARTS

férer, avaient été considérés comme des biens du


domaine public, la sanction du Roi aurait été re-
fusée à ce décret; le pouvoir métropolitain n'au-
rait pas ratifié un acte, pris par le pouvoir colo-
nial en dehors de ses attributions et réellement
entache d'incompétence. Personne n'affirmera que
le Conseil colonial de l'époque aurait eu qua-
lité pour faire une loi sur les dépendances du do-
maine public. D'autre part, la gratuité étant un
des caractères essentiels des concessions faites sur
le domaine pubtic, (voir Dalloz) comment admet-
tre que l'autorité royale eût sanctionné un décret
dont les principales prescriptions tracent les for-
malités de la mise aux enchères, de l'adjudica-
tion et de la nouvelle adjudication, sur folle en-
chère, de la jouis&anot; de ces terrains géométri-
ques ? L'assemblée coloniale était-elle à ce point
puissante qu'etic itur:ut a l'Ue de Bourbon donné
force de loi à des ~c~ que le pouvoir souverain
n'aurait, pu lui-même rendre légaux ?
C'est donc une nouvelle et irréfutable preuve
que c'est la Colonie qui e,t propriétaire des pas
géométriques qu'elle possède, en indivis, avec de
nombreux détenteurs dont tes uns louissent erl
vertu d'acquisitions régulières, quand d'autres
tiennent de leurs auteurs des concessions gratui-
tes, comme celle du carré Lahretonnière (a Saint-
Denis, Pont Protêt) qui a été faite le 2S piuviose
an XIII, sans redevance.
C'est si bien ainsi, que ce prétendu terrain
RESERVE n'est qu'imparfaitement délimité même
en 1884!! L'Administration, malgré les travaux
exécutés pour l'établissement de la voie tefrée le
long de ce ruban de terre de 81 mètres parallèle
aux rivages, ne sait pas encore où sont exacte-
ment les bornej de ce domauie colonial. Elle a
BULLETIN DE LA SOCtÊTÉ

demandé au Conseil général et obtenu de lui,


dans la séance du H septembre i 884 le vote
d'un crédit supplémentaire « de fr. i ,000 pour
la révision de la délimitation, "a6nderégu!ari-
« ser la situation des occupants des pas géomé-
triques et de permettre au trésor de recouvrer
les redevances qui lui sont dues – Un do-
maine public dans l'indivision quel plu.?probant
témoignage que ces terrains occupés par les uns et
par les autres, à. des titres divers et mal délimi-
tés, ne ressemblent en rien, par leur nature, leur
drstifja.tion et leur affectation, à ceux du do-
maine public

ChttpMre tM

On continua à procéder d'après les errements


du décret de < 839 pour les permis d'établir avec
redevances. Il semble pourtant que It! s.-consulte
de <8S4 dbvnit avoir pour résultat de modifierles
droits de l'Administration locale, en ce qui tou-
che ia gestion de ce domaine, car l'article 6 9
de ce s.-consulte investit l'Empereur du pouvoir
de rendre des décrets, en la forme de règlements
d'Administration publique < pour statuer en
dehors des prérogatives accordées au Conseil gé-
néral de la Colonie, < sur les matières doma-
niales. )'
Assurément, le droit, pour « l'Empereur de sta-
tuer sur ces mu.t]ères. !"s mêmes que celles qui
font l'objet du décret de '1839, est bien contraire
à of raêtac décret qui charge le gouvernement
local des échanges, aliénations et concessions re-
latifs aux propriétés domEUi~des. Malgré ou en
raison de cette antinomie fo!'me!!e le sf~atus-
consulte ne reçut jamais son exécution sur ce
DES SCIENCES ET ARTS

point, mais la question du domaine public ne fut


point agitée.
En i866, un nouveau sénatus-consulte trans-
mit au Conseil général le pouvoir que s'était ad-
jugé l'Empereur, par l'acte de 18S~, de statuer
sur le même objet les 3 premiers articles du sé-
natus-censulte du 4 juillet 1866 arment le dit
Conseil général du droit souverain de statuer
sur les acquisitions aliénations et échanges
des propriétés immobilièresde la Colonie, quand
eltes ne sont pas aSeotées à un service public,
de leur changement de destination et d'affecta-
tion et de leur mode de gestion.
On peut énoncer sans ern'urquf, si, dansl'es-
prit des légisiateurs d'alors, ces propriétés im-
mobilières de la Colonie avaient été des dépen-
dances du domaine public, ils n'eussent poins mis
un tel pouvoir aux muius du Conseil généra), tout
à fait incompétent pour aliéner et échanger un
tel domaine, lequel pour fondements l'inaUena-
bDitéetrinéohaugeabitité. D'autre part, ces pro-
priétés n'étant pas pour la plupart anectées à un
service public, les propriétés immobilières, dont
il est fait mention dans ces 3 articles, doivent
s'entendre aussi bien des pas géométriques que
des autres propriétés de la Colonie. L'île de la
Réunion est encore gouvernée par ce séuatus.
consulte de 1866 et les raisons de décider, con-
formément à notre thèse, n'ont rien perdu pré-
sentement de leur autorité.
En vain objectera-t-on deux décrets du 2S
février t878 qui annulent deux détibera.tions
du Conseil général de la 'Réunion des 3 juil-
let et i"' août 1877. Ces deux décrets pré-
sideutiels ne changent rien a ~j. question de
savoir si les pas géométriques à la Réunion sotit
BULLETIN DE LA SOCIËmÈ

ou non incorpores dans le domaine public. Ils


ont été rendus, le Co~eit d'Etat entendu, sur
des votes du Conseil général décidant t" Que
les permis d'établir, concédés aux communes
dans un intérêt puMif, seraient dorénavant sou-
mis à des redevances annuet!es d'un franc par
hectare 2o Qu'il se réservait de statuer sur
le chiffre de chaque redevance des conoetsion-
na.ires des pas gëomettiqnes et que, pour ce
iaire, l'administration locale aurait à lui sou-
mettre annuellement l'état des redev.coes à
percevoir. e
Ces votes ont été considérés comme des excès
de pouvoir, mais les décisions qui les annulent
ne se prononcent pas et n'avaient point à se pro-
noncer sur le classement lé~al des pas géométri-
ques dans les biens du domaine public; ni dans
leur dispositif, ni dans leurs considérants, ces dé-
crets du Président de la République n'ont pas vide
le conflit au sujet de ]a présente discussion.
Si même, ces décrets s'étaient/expliqués a cet
égard de manière a trancher juridiquement la
question, même par voie indirecte, par l'at tribu-
tion du caractère de domaine public aux pfis géo-
métriques de la Réunion, ils auraient catégori-
quement violé l'ordonnance elle-même de 1825
qui tst invoquée par le rédacteur des décrets et
qui, comme on l'a démontré, place irrécusable-
ment la réserve des pas géométriques dans le lot
des propriétés appartenant à la Colonie.
La question demeure donc entière et les juri-
dictions compétentes n'en ont jamais été saisies
régulièrement nul doute que, portée dans la
forme devant qui de droit, elle n'obtienne défini-
tivement la solution toujours assurée aux vrais
principes que l'on vient de discuter.
DES SCIENCES ET ARTS

Chapitre V

Nous n'ignorons pas que la cause que nous


défendons a rencontré de sérieux cintradicteurs
mais la consciencieuse étude de leur système
nous a. plutôt convaincus de leur sincérité que
de la justesse de leur dialectique.
Leur religion'a été mal éclairée par l'insuffi-
sante ou l'arbitraire interprétation des textes,
sous l'influence de considérations tirées du fait
plus que du droit et de la tradition plus que de
la loi.
Quand certains éléments sont indispensables,
par la vertu de la doctrine et de la jurisprudence,
pour donner un corps à cette entité juridique
qu'on appelle domaine pubtic, » nous ne re-
connaîtrons jamais que, faute de ces éléments, il
puisse être créé. S'il est surabondamment dé-
montré, par l'historique et l'argumentation qui
précèdent, que la résfrve des pas géométriques a.
la Réunion n'est qu'une réferve domaniale n'ayant
rien de commun avec les biens du domaine public,
quels motifs aUégner pour refuser l'application
à notre pays du décret du 21 mars i882, promul-
gué a la Guadeloupe?
Si ce décret convenait à une colonie plutôt
qu'a, l'autre, on peut bien prétendre que c'est a
la nôtre, où la Iégis!a,tion domimiatc (.t si di6é
rente de celle qui régnait aux AotiUfs; les raisons
qui ont préoccupé nos législateurs de 1807 et de
d839 ne sont plus Ie=!mêmes à notre époque.
Une réserve dans notre ile pour la défense des
côtes est sérieusement illusoire; les effrayants
appareils de destruction, dont la science moderne
arme les forces Lavâtes des nations de guerre,
BULLETIN DE LA SOMMÉ

rendraient inutile toute tentative de résistance


sur nos rivages ouverts.
L'utilité publique, l'un des principaux objec-
tifs de nos anciens administrateurs pour la créa-
tion et l'entretien de pâturages et le pacage des
troupeaux, n'a presque jamais reçu satisfaction
plus de la moitié des réserves a été livrée aux
entreprises de l'intérêt privé pour augmenter les
recettes du budget colonial; l'autre moitié Qu'est
qu'une longue lande couverte de broussailles à
part les remblais et stations pour la ligne
du chemin de fer de Saint-Benoit à Saint-Pierre,
quelques établissements de batelage,quelques chau-
fourneries et sucreries édifiées à des distances iné-
gates, le reste des espaces inoccupés est stérile,
étant dans l'inculture et l'abandon.
Sur les 2SO kilomètres environ de développe-
ment que mesure la ceinture de nos rivages, il y
en a 200 à peu près, en retranchant les falaises ac-
cores et ies espaces de terrains calcaires et sablon-
neux plantés et boisés en filaos c'est-à-dire près
de 1,600 hectares presque improductifs pour l'a-
griculture, le commerce et l'industrie.
Il est pins que temps que cesse un tel état de
choses si préjudiciable aux intérêts de tous les co-
Ions; il est plus que temps que les concession-
naires réguliers ne soient plus sous l'appréhension
permanente d'une révocation qui leur interdit
l'exécution d'une entreprise de longue haleine, au
point de vue agricole ou commercial.
Ce changement si nécessaire ne coûtera pas
beaucoup aux finances de la Colonie, car c'est à
peine si son budget fait une recette annuelle de
30,000 francs sur tous les produits dit domaine;
les ventes de la plupart de ces terrains réservés
lui assurera d'un autre côté d'immédiates com-
DES SCIENCES ET ARTS

pensations, en déchargeant le service local du re.


couvrement difficile des redevances irrégulière-
ment acquittées.
Maintenant surtout que ia population des hau-
teurs et des régions moyennes de FHe tend à re-
Nuer vers les villes, villages et bourgs situés sur
le littoral, il est fort difficile d'enrayer ce mou-
vement il est donc opportun et politique de
rendre aisément accessibles à ces créoles déshé-
rités ou ignorants détours vrais intérêts, tant de
terres inemployées que leur activité pourra fé-
conder par des cultures appropriées à ce sol. I[
faut enfin combattre, par tous les moyens utiles
que suggère l'économie politique et que Ja loi ap-
prouve, la misère envahissante qui frappe toutes
les classes de notre société coloniale.
Telles sont, Messieurs les Sénateur et Députés,
!e~ considérations que nous avions à vous sou-
mettre pour le triomphe de la o~use que nous
vous recommandons; votre esprit cc)airé les mé-
ditera et votre sagesse les proposera à l'approba-
tion des pouvoirs 'DHtropuiitains nous o?c'~s
ainsi espérer que vous n'aurez pas de peine a ob-
tenir, dans l'intérêt général de la Colonie que
vous représentez, le bienfait de la mesure que
nous sollicitons de votre patriotisme.

Saiot.Denis, 20 novembre 188.4.

PASCAL CREMAZY.
.lMM;Ctt~tt BorresM de SOt~-D~M.
f"of)se!~e)'y<Mra~
La publication de l'éloge suivant de l'illustre colo-
nel Mangin a été déridée sur la proposition de M. Ed.
Dubuisson. La Société des Sciences et Arts f)e la Réu-
nion devait cet hommage a l'inventeur des appareils
quicntser\i:t ta jonction optique de Maurice et de
Bourbon, et qui ont f.'it l'objet, en 1883, d'une con-
férence de M. L. P. Adam ..u sein de la Société.

Le colonel Mangin

DU «nGARO !<DU25 NOYEMBHE


EXTRAIT t885

Nous avons annoncé l'autre jour en quelques


ligues la mort subite du colonel Mangin. Dix
lignes banales, c'est à peu près tout ce que la
presse oousacre a. ce savant, qui lut un homme
extraordinaire, dans toute l'acception du mot.
Alphonse M'.mgm, ancieu élève de l'Ecole po-
lytechnique, colonel du génie, a'rempli le Mémo-
rial des officiers du génie de notes remarqua-
bles et de communications restées célèbres dans
l'arme il a imaginé en 1867 un pont-levis à
contrejjoida variable qui a réuni tous les suffra-
ges du comité supérieur; il a inventé en ~868
ijn a&ût à éclipse qui dénotait les plus hautes
qualités de mécanique et de mathématique; il a
fait en physique, en optique et en ciectricité des
travaux universellement admirés perfectionnant
les premiers essais de M. Maurat, il a créé de
toutes pièces, il a rendu possible, maniable la té-
légraphie optique, qui a don~é de si grands ré-
sultats en Tunisie et au Tonktu, qui fait commu-
niquer aujourd'hui, avec une régularité )-:irF!utf,
tout le réseau de nos places fortes de i'J~t, Long-
BULLEI'M DE LA SOCOSTÉ DES SCIENCES ET ARTS

Wy, Verdun, Commercy, Toul, Besançon, Belfort,


Dijon, ~(l'insu de l'ennemi possible et a quelques
centaines de mètres au dessus de sa tête; il a bâti
de toutes pièces ces engins merveilleux qui por-
tent jusqu'à 200 kilomètres les rayons lumineux
d'une simple lampe à pétrole ou d'un foyer élec-
trique il a change la face des operatioas delà
guerre moderne, eu mettant en communication
constante les états-majors cparpii)é'! il a permis
à l'Algérie de se couvrir de pos~s d'observation
qui deviennent autant de phares défensifs contre
une insurrection indigène; il a relié entre elles
les Iles de Maurice et de la Réunion, qui n'avaient
jamais pu réussir a communiquer [~r un câble
sous-marin; H a enût) imaginé uft appareil qui
s'appelle le J*er!~rap&e instantané Mangin,
appareil de photographie panoramique qui per-
met a des officiers élevés en ballon captif de re-
lever, en une seconde, le tour d'horizon entier
d'une position quelconque; il a laissé, dans ses
cartons, les plans achevés de ce chef-d'œuvre qui
rendra peut être impossibles les sièges des places
fortes et il meurt moins connu des Français,
bien certainement, que son carnavalesque homo-
nyme Mangin, le marchand de crayons!
~=
<

Et pourtant, quel homme mérite plus de vivre


dans la mémoire de ses semblables, <~uecelui qui
rend la guerre difficile, que celui qui fait
avancer d'un grand pas la solution tant souhaitée
des peuples modernes la guerre impossible, par
la trop grande perfection des moyens de tuer, ou
9
par l'intaiDibilité des moyens de se défendre ?
Le colonel Mangin a été cet homme-là, et il
BULLETIN DE LA aOCtËTÉ

{
est juste que sou nom soit répète à la foule qui
n'est pas ingrate, mais qui souvent ignore.
Ce que ce grand savant eût inspiré de thuri-
féraires, s'il eût possède l'humeur brnui!!onneet
ambitieuse de certains généraux actuels, est aisé
à imaginer. Mais il avait la modestie d'une jeune
fille. On ne saura jamais à quel point ce colonel
fut désintéressé, disons )e mot du jour, naïf. Car
!e désintéressement porté à ce point, dans une
époque de lucre et de cabotinisme comme la aô-
tre, devient une exception qui fait sourire l'ar-
mée des sceptiques.
Croirait-on, pour ne citer qu'un exemple, qae
cette invention de la te)égrajihie optique, qui
constituait une fortune à elle seule, le- colonel
Mangin l'a donnée, mais donné sans arrière-
pensée d'échange, de récompense quelconque ni
d'honneurs (il est mort colonel), au ministère de
la guerre de son pays, lequel ministère a accepté
le cadeau presque en rechignant, et s'est hâté de
passer la commande des appareils Mangin MM.
Sautter et Lemonnier, constructeurs électriciens,
lesquels ont déjà fait des millions avec l'ap-
pareil en question ?
Quand on disait à ce contempteur des gain~
l&gitimes qu'il jetait l'or aux autres au lieu de le
prendre pour lui, alors que cet or iut reveuait
de droit, il répondait
Bah A quoi bon ? J'ai ce qu'il faut
pour vivre.
I) possédait, en effet, des rentes honorah~s, il
était marié mais n'avait point d'enfants.
Que de gens aujourd'hui se sont enrichis au.
tour de lui, en exploitant, fort loyalement du
reste, des découvertes dont l'honneur lui suffisait.
Et quel honneur H repoussait tout ce qui pou-
DES SCIENCES ET ARTS

vait ressembler à la sollicitation d'une réco mpen-


se honorifique.
Tout dernièrement, dans le parc de Chalais,
alors que les officiers supérieurs accompagnaient
le ministre de la guerre aux expériences de M)!.
Renard etKrebs, on parlaaucoloue) Mangin d'un
siège à l'Institut.
Vous l'aurez; on vous le doit nous vous
soutiendrons, lui disait le titulaire de l'emploi su
prême c'était, je crois, le général Campenon.
Monsieur le Ministre, répondit le colonel
Mangin, je ne serai jamais de l'Institut. Il faut
faire des visites, et je veux toujours ignorer ce
que c'est qu'une visite de ce genre.

f
Son esprit inventait sans cesse. H a imaginé,
pour éclairer t'œil d'un patient qui devait subir
la rude épreuve de l'abiation, une lampe magique,
c'est le mot, qui produit des milliers de carcels.
L'instrument est encore chez )e fabricant. Son
succès sera considérable dans le monde spécial.
L'honneur de l'avoir inventé reviendra au co-
lonel Mangin quant à l'argent que la découverte
pourra produire, il ira, je crois, n un médecin de
CleruMnt a qui le colonela t.ut, cadeau de la lam-
pe. Ce médecin a, paraît-il, remplacé l'œil ab-
sent d'un Auvergnat par un ceil de lapin. On
assure que l'Auvergnat y voit parfaitement avec
son cei] d'herbivore. L'Idée de cette substitution
venait du colonel, mais le docteur se plaignit de
ne pas avoir eu de lumière assez intense pour
bien pratiquer sou opération. Le colonel chercha
et trouva la lampe.
Et ainsi de maintes découvertes, que l'esprit
BUU-.ETM DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS

infatigable d'Alphonse Mangin multipliait sans


compter, dédaignant les brevets, satisfait d'avoir
créé.
Cet homme rare était né à Mirecourt, dans les
Yo~gesen t82o. Les gens de Mirecourt, fiers au-
jot,rd'hui de posséder un compatriote dont toutes
les puissancei- de l'Europe ont salué le génie,–en
commandant force appareils de télégraphie opti-
que chez les constructeurs patentés du gouverae-
ment frunçu.is, veulent élever une statue à l'en-
fant du pays.
Il !'a bien méritée.
Si tous ceux qui se sont enrichis avec les dé-
couvertes de ce ~incinu~tue. scientifique appor-
tent feutement un quart pour cent de leurs béné-
iices à la souscription déjii ouvertf, on aura dans
quarante-huit heures les trente-mille francs que
coûte aujourd'hui l'image en bronze d'un homme
célèbre.
PIERRE GlMABD.
Table des Matières

Pajtm
Liste des Membres de la Société au 1" Janvier
1886. 5
Liste des Membres correspondants. 7
Règlement de la Société des Sciences et Arts. «
Séance du 20 Mars d88o. 2)
Séance du 24 A~rii i885. 23
Charles Frappier de Montbenoit (IGNOTA). 37
Eclipse de lune du 30 Mars 1885 (Eo. DusCEsoN). 36
Séance du 19 Juin 1885. t3
Causerie sur l'Optique (En. Dusnissott). 45
Séance du 10 Juillet 1885. 6<
Vic'or Hu~o (!)' Ai;< YtNSON). 63
Séance du 31.tuiUet. 75
Exposition intercoloniale de 1886. 78
Séance du 11 Décembre 1886. 83
Note sur l'Instruction primaire à la Réunion (AN-
JOINE). 8f)
Lettres curieuses sur divers sujets (ANTOINE). 96
Le Soudan et le Haut Sénégal (Cn. CEMStER). 104
Les Etoiles niantes (En. DuBuissoN). 115
Hommage à ia mémoire d'Alexandre de la Serve
(P. CttËMJLZY). <25
Mémoire à M. le Sénateur et à MM. les Députés
(P. Cn~fAM). 128
Le Colonel Mangin ( PiERBE6!FFAM ). 06
,I¡'~(J!
~y`
Typ. Lahappe frères et Dronhet Sis.
=- j Me de_i'Eg)ise 48.

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