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EDITION NATIONALE DE MUSIQUE CLASSIQUE N° 5433 ALFRED CORTOT Edition de Travail des (Euvres de LISZT SONATE EN SI MINEUR TRAVAILLER, non seulement le passage difficile, mais la diffictlté méme qui s'y trouve contenue, en lui restituant son caractére élémentaire. ALFRED CORTOT EDITIONS SALABERT 22, rue Chauchat - PARIS 575 Madison Avenue and 57* Street - NEW YORK Printed in France SONATE EN SI MINEUR dédiée a Robert Schumann Avant-Propos Entre toutes les ceuvres_elles sont prés de quatre cents dont l’infatigable génie de Liszt a doté le répertoire des pianistes_il n'en est pas qui témoigne d'un plus éloquent postulat musical que l'admirable Sonate qui fait l'objet de la présente édition. Ebau. chée dés 1849,reprise et terminée & Weimar durant les années 1852-53,au cours de la période créatrice étonnamment significative qui donnait également jour aux douze poe. mes symphoniques et @ la géniale Faust-symphonie;dédiée & Robert Schumann en signe de reconnaissance pour la marque d’affection admirative dont celui-ci I'avait honoré en lui consacrant Venvoi de la Fantaisie en Ut majeur op.17,elle représente non seulement Vintensif et lucide effort qui tendait a affranchir la forme Sonate de ses contraintes tra. ditionnelles,mais encore,et envisagée d'une maniére intrinséque,1'un des sommets de la littérature de notre instrument. Nul programme ne précise la tendance de cette gigantesque composition,dans laquel. le toutes les ressources du piano sont mises en ceuvre avec une nouveauté,une ingéniosi.. té d’écriture prodigieuses. Mais les thémes s'y affrontent dans un tel sentiment de plasticité dramatique que lon ne peut s'empécher de leur attacher un sens symbolique,de les faire passer du plan de lab. straction constructive sur celui de la sensibilité purement humaine, et d'entrevoir ainsi le conflit des émotions sous le choc des propositions musicales. Le champ,ici,est grand ouvert @ l’imagination de l'interpréte,et on ne pourrait suppo- ser qu'il s'y veuille tenir a la seule qualité de la présentation instrumentale sans méconnai. tre grandement l'intention secréte du compositeur,et par voie de conséquence indirecte la raisond’é. tre essentielle du postulat idéologique qui entraine sa conception hors des sentiers bat tus du formalise conformiste et loin de lordonnance conventionnelle,en trois ou quatre é~ pisodes de genre et de facture déterminés. Cest ainsi que I’on se croit autorisé & suggérer au virtuose éprouvé qui se risque & Ja traduction de ces pages monumentales,et qui forme par la méme te téméraire projet de rendre un auditoire attentif, pendant la demi-heure nécessitée par leur exécution inin. terrompue,au sort des trois thémes dont les transformations multiples constituent les pé_ ripéties dune veritable action musicale, adoption d’un argument poétique susceptible de se modeler avec une certaine vraisemblance l’enchainement organique des sonorités. Entre tous les sujets qui peuvent se proposer au choix de l'interpréte,il n’en est pas, A notre gré tout au moins,qui puisse témoigner d’une plus entiére concordance avec la ten. dance générale de la composition que celui qui consiste @ supposer,au travers de ses diffé. rents aspects,de ses contrastes aussi bien que de sa logique expressive,les débats de cons. cience qui emplissent l'ame tourmentée de Faust la recherche d'une insaisissable vérité. Et il semble bien que chacun des épisodes qui constituent l'ensemble d'une ceuvre tour a tour fébrile ou méditative,se préte a étre déchiffré & la lueur du texte de Geethe, Car ce sont,dés les premiéres mesures, les mémes interrogations anxieuses, les mémes inquiétudes devant le mystére insondable de lexistence. Puis,voici les modifications des thémes qui paraissent vouloir successivement suggérer toutes les modalités de ce fiévreux désir de bonheur qui revét parfois la forme du désespoir, et dont nulle promesse d’idéal ne saurait,semble-t-il,combler les impérieuses exigences. Les passions, les enthousiasmes, les découragements s'y joignent dune semblable ar_ deur et d'un pareil excés. EAS 4520 EMS 6438 Et tandis qu’un élan impétueux anime irrésistiblement la progression d’une mé. lodie,une autre mélodie chargée d’amertume ou de doute est 1a,qui se profile-dansson om_ bre,et comme s'il appartenait 4 son réle musical de saper une illusion ou de persifler un élan généreux.Plus loin,un motif caressant apparait,qui semble dire la pureté attendrissante de VEternel Féminin,de cet“Ewig Weibliche"dont parle le poéte. Tl n'est pas jusqu’a la silhouet. te énigmatique de VEsprit de négation,du Méphistophéles légendaire,qui ne fasse irruption en ricanant dans la satanique Fughette qui prépare la réexposition des motifs principaux, tout en les parodiant. Et de méme que la conclusion du second Faust annonce la rédemption des ames péche. Tesses,de méme 'ceuvre se termine en une évocation pacifiée des trois themes, présageant, elle aussi,sur le plan des sonorités mystérieusement suggestives,la délivrance et le repos éternel. ‘IL va de soi que ce commentaire imaginatif nous est strictement personnel et que Yon ne prétend nullement Pimposer & Pinterprétation du chef-d’euvre dont les pages qui suivent tendent faciliter l'étude technique. Mais peut étre y trouvera t-on le point de départ d’une argumentation idéologique complémentaire,laquelle,on y insiste,parait indispensable ala Juste traduction d'une musique qui,ainsi que Liszt en a Iui-méme défini la tendance secré. te,tend a devenir non plus une simple combinaison de sons,mais*un langage poétique plus apte, peut-étre,que la poésie elle-méme,a exprimer tout ce qui,en nous,franchit les horizons accoutumés, tout ce qui échappe & V'analyse> Et cependant,et & ne vouloir s’en tenir qu’ celle-ci sur le plan strictement architectu. ral que lui assignent certains commentateurs,on whésite pas a affirmer que le génie de Liszt ya ouvert, pour plusieurs générations de compositeurs,un horizon entiérement neuf, en leur proposant un principe d’argumentation thématique jusqualors totalement inexploité. La variation en est & la base,de méme que dans l'euvre beethovenienne de la méme pé_ riode,mais une variation étonnamment mobile, assouplie, plastique,et qui prend texte des the. mes essentiels,exposés chacun 4 leur tour et 4 leur place,avec la ferme concision,le relief saisissant qui conviennent la présentation des protagonistes d'un véritable drame sonore, pour fournir tous les éléments du développement,y compris méme la figuration des dessins mélodiques secondaires ou les éléments du rythme d’accompagnement. Et ces thémes vont étre appelés & se passionner, s’attendrir,4 s'enthousiasmer, animés une existence musicale multipliée,du seul fait de leurs modifications de caractére et sans que leur contexte mélodique se voit matériellement altéré. Dire que cette composition est cyclique serait trop peu dire. Elle puise dans la logique de son mécanisme intérieur toute la subtilité instinctive des réflexes d'un organisme vivant, et nulle autre cause que celle de l’émotion et du sentiment expressif ne parait déterminer le Tappel des motifs générateurs ou la raison d’étre de leurs transformations successive. Crest déja,dans le domaine de la musique instrumentale, l’application du‘‘leitmotiv” a. vec toute sa signification poétique, mais non en vertu d’un systéme prémédité ou d'un mode @argumentation théorique précongu. Au reste,Vatmosphére wagnérienne avant la lettre de cette couvre ne saurait manquer de retenir, par maints détails, attention de Vinterpréte. Et pour mieux établir Vinfluence que le caractére de cette musique a pu exercer sur la conception de V'auteur de la Tétralogie et de Parsifal (dont la rédaction & cette époque n’était Pas encore entreprise) il suffirait de citer ces mots que Wagner écrivait & son futur beau-pére, aprés avoir pris connaissance Londres, en 1855,sous les doigts de Karl Klindworth,de la Sona. te qui venait de’paraitre:‘“Ta Sonate est belle au-dela de toute expression, profonde,noble, subli. me comme tu l'es toi-méme.’ AC. W.B, Les indications de doigtés ou de nuances mentionnées entre parenth@ées dans la présente édition sont conformes aux corrections manuscrites apportées par Liszt sur un exemplaire de premier tirage de cette so_ nate consereé au Musée Prangois Liszt de Budapestetdoot i mia é.é obigeammentgennis de pene copie. ‘La plupart de ces annotations se voient au reste commentées dans les notes relatives aux passages qui Jes contiennent. On signale,parailleurs,la différence quil y a lieu d’établir entre les detix indications de, pédale dont. on a fail usage dans cette révision. Lis imentionhabitelle $d @ implique la teaue de la pda forte jusuay signe derelevée La mention 32. non accompagnée de ce signe ne sapplique en principe qu’a la note laquelle elle se voit affectée. EAS 1452 EMS 5438

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