Introduction a l'étude de l’ame*
L’auteur de ce petit traité m’a demandé de présenter, en guise d’in-
troduction, quelques oonsidérations préliminaires 4 V’étude de lame.
‘Comme ce livre est destiné aux jeunes gens qui en abordent le sujet pour
la, premitre fois, c'est & eux que je m’adresse.
1. frupe De Lime Br STUD DU VIVANT,
Que I’on dévie & peine de Ia vérité au commencement et I’écart s'accrott
mille et mille fois par la suite’, C’est pourquoi il ne faut jamais passer
Iégerement sur les préliminaires d’une doctrine, ni présumer qu’on les con-
nait suffisamment; ils méritent au contraire toute notre attention. On
trouve dans La lettre volée d’Edgar Poé l'utile comparaison que voici:
‘Le principe de la force d'inertie, par exemple, semble identique dans les deux
natures, physique et métaphysique; un gros corps est plus diffilement mis en mou-
‘vement qu’tn petit, ot a quantité de mouvement est en proportion de cette disiculté;
voila qui est aussi positif que cette proposition anslogue: les intellects d'une vaste
fapacité, qui sont en méme temps plus impétueux, plus constants et plus accidentés
ans lout mouvement que eux d'un degré inférieur, sont ceux qui se meuvent le moins
fisément, et qui sont le plus embarrassés d’hésitation quand ils e mettent en marche®.
Nous supposons connus Jes principaux problémes touchant l'étre
mobile en général et dans ses grandes divisions: la mobilité selon le lieu,
qui est la plus commune; la mobilité selon Ia, qualité; et la mobilité selon
la quantité, qui est restreinte aux étres animés. Aristote a discuté des
principes et des propriétés de I'étre mobile et de ses grandes divisions,
fen général, dans le livre des Physiques. Le De Caelo et Mundo et le De
Generatione et Corruptione étudient en particulier les deux premiéres espéces
de mobilité. Ces deux derniers ouvrages qui traitent de sujets dont l'étude
demande une expérience trés circonstanciée, et dont bien des théories de-
mourent plus ou moins provisoires, sont en grande partie périmés® et rem-
placés par la physique et Ia. chimie; tandis que les livres Physiques, dans
Ia mesure od ils ne recourent pas & des phénoménes et & des théories qui
relavent des traités subséquents (et il n'est pas toujours facile de faire la
part du caduc), sont & Pabri du temps,
Cotte introduction a été préparée pour lo Précis de nsychologie thomiste de M.
vanad Stamsias Cantix, Québec, Université Laval, 1948.
1. Anistora, De Caelo, I, 0.5, 271b10; 8. Tuomas, ibid, leet.9 (6d. Litow.), 2.4; De
Ente t Essentia, Prooemium.
2. Trad. Bawomcares.
3, On peut lire 2 ce sujet la Praefatio & W'édition Iéonine des commentaires de
saint ‘Thomas sur ees écrite d'Aristote.Corrigenda
LAVAL THEOLOGIQUE ET PHILOSOPHIQUE
Vou. m, n. 1.
Au liow de: I faut lire :
Page 44, -n'est pas abstrait, dans. . n'est pas, dans 'ensem-
ligne 8: Vensemble', abstrait. .. ble’, abstrait. ..
Page 46, -nous partirons. .. nous parlions. ..
ligne 10:10 LAVAL THAOLOGIQUE BY PHILOSOPHIQUE
Vous commences a présent étude de la troisiéme espace de mobilité,
colle de ’étre mobile animé, du corps vivant. Et voici qu'une premidre
difficulté se pose au sujet du titre méme de ce traité. Le mot, psychologie
signifie que c'est bien Ame, ot non pas le vivant ou Pétre mobile animé,
qui fait Vobjet. de ce discours, de ce traité. Les Physigues avaient pour
sujet étre mobile comme tel, le De Caslo traitait du corps mobile; le
‘De Generatione et Corruptione, des choses qui viennent & V’étre et qui péris-
sent au terme d’un mouvement selon la qualité, appelé altération. Ce-
pendant le traité.de lame étudie demblée non pas le mobile animé, le
corps vivant, mais résolument ce qui n’est en somme qu’un principe des
vivants naturels: leur principe propre et intrinsque que nous convenons
@appeler PAme. Ne conviendrait-il pas de considérer et de définir en
premier lieu le vivant naturel en général, et de montrer ensuite quelle est
Ja caractéristique de sa forme? Les propriétés générales des corps vivants
comme tels une fois bien établies, on chercherait en second lieu celles de
V’ame en particulier.
Cependant c'est dans Vordre inverse qu’on doit procéder, comme
saint Thomas le soutient exprossément. L'étude du vivant doit partir
de Pétude de "me en elle-méme, et ce n'est qu’en dernier lieu qu’on peut
aborder la considération générale du vivant: «Ultimo autem ordinantur
libri qui pertinent ad communem considerationem vivi. wv Tel est,
Pordre qu'il faut suivre, et pour cause
Das le début de son commentaire sur le De Anima, saint Thomas dit
qu'il faut considérer d’abord les choses qui sont communes A tous les étres
animés; or ce qui est d’abord commun & tous les étres animés, c'est 'ame:
‘Gin hoe enim omnia animata conveniunt»®. Et pourtant, premiére vue,
cette raison laisse un doute. En effet, ne pourrait-on pas dire tout aussi
bien, sinon miewx: ce que toutes ces espéces de vivants ont en commun,
C'est d’éire vivants? N’oublions pas cependant que nous sommes ici en
philosophie de la nature: nous étudions les choses naturelles. Or, parmi
celles-ci, cil en est qui sont simplement corps et grandeurs, comme les
pierzes et les autres choses inanimées; d'autres ont corps et grandeur,
comme les plantes et les animaux, et leur partie principale est V’dme—
L. In de Seneu ot Sensoto, lect.t (6d, Prnowra), 2.6.
2, xSiout docet Philosophus in undesimo de Animalibus, in quolibet gonsre rerum
nocearo et pus considarare communia ot scorsum, et posiee propria, unewigne dius
Joueris: quem quidem modum Aristoteles sarvat in Philosophia prims. Tn Meta
Shysicne enitn primo tractat et considerat communia entis inquantum ens, postos
Pato consilerat propria unieuique enti. Cujus ratio est, quia nisi hoc floret, idem
Yeerstur Lrequenter, ‘Rerum autem animaiarum omnum quoddam genus est; et
{dco in considerations rerum animatarum oportet prius eonsiderare ea quae sunt com-
{hunts omnibus animatis, postwodum vero illa quae sunt propria, euilibet rei animate.
Gommene autem omnibus rebus animatis oot anima: in hoe enim omnia animata
Couvauiunt. Ad (eadendum igitur de rebus animatis scientiam, neoossarium fuit
rine tradere seientiam de anime temquam communem eis. Aristoteles ergo volens
Fraddere soiontiann de {psig rebus animatis, primo tradi: scientiam de anima, postmodum
Yoro doterminai de propriis singulis animatis in sequentibus libris». — In T de Anima,
[rout (ei. Prnorra}, ni, Le commentaire sur ce premier. livre est un reporlatum
Geo legonsorales do calnt'Phomas par son secrétaire et sini intime, Raynald de =iperno.
GE Bo Manoonwer, Soncli Thomae Opusoula Omnia, Paris 1927, Introduction,
PDAAV-Vit, XXIKXI.
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