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Imprimer cet article publié le 12-07-2005 sur le site www.la-croix.com

Le 14 juillet, fête populaire

La France célèbre jeudi 14 juillet sa fête nationale. Une journée qui reste un symbole fort
pour les Français et qui obéit à un rituel très codifié. Enquête

Photo AFP.

Les Français se réveillent-ils plus «français» que d’habitude au matin du 14 juillet, gorgés d’ardeur patriotique, ou
préfèrent-ils rester dans leur «lit douillet», comme le chantait Brassens, pourfendeur des «imbéciles heureux qui sont
nés quelque part» ? La vérité est entre les deux. Si aucune étude n’a été réalisée sur le degré d’attachement des
Français à leur fête nationale, certains chiffres ne trompent pas.

Dans les chaumières, le défilé militaire du 14 juillet attire ainsi chaque année près de 10 millions de téléspectateurs. À
Paris, ils seront nombreux, jeudi, à faire sonner leur réveil aux aurores pour être aux premières loges du spectacle de
la nation «en armes». En 2004, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont ainsi rassemblées sur les
Champs.

Entre autres signes de patriotisme, un sondage CSA réalisé les 21 et 22 juin derniers montre que 72% des Français
sont attachés à La Marseillaise comme hymne national et que 62% sont favorables à une sanction pénale maximum
de six mois de prison et 7 500 € d’amende en cas d’outrage au drapeau tricolore et à La Marseillaise.

Le 14 juillet, érigé au rang de fête nationale en 1880

Pas de doute, donc, le 14 juillet, érigé au rang de fête nationale en 1880, est bien un symbole fort, qui réveille le
sentiment d’appartenance à la nation. «En France, l’idée de nation joue un rôle plus important qu’à l’étranger, en
raison du centralisme de l’État français», analyse Robert Rochefort, directeur du Crédoc (Centre de recherche pour
l’étude et l’observation des conditions de vie).

Hors de l’Hexagone, le jour fait date dans les ambassades, qui ne lésinent pas sur les cartons d’invitation pour des
soirées mémorables. De fait, personne n’oserait aujourd’hui, même chez les régionalistes, s’en prendre au 14 juillet.
Contesté à la fin du XIXe siècle sur sa gauche par les partisans du 1er mai et sur sa droite par les défenseurs du 15
août, fête de l’Assomption de Marie, il aura fallu deux guerres pour que le 14 juillet fédère définitivement les Français.

«Pour les jeunes qui militent, c’est tout un symbole. C’est l’aboutissement des Lumières, l’idéal démocratique. Mais je
suis davantage attaché à l’égalité qu’à l’aspect nationaliste des commémorations», estime Bruno Julia, président de
l’Unef, syndicat étudiant.

Le 14 juillet obéit à un rituel très codifié

Les Français associent moins le 14 juillet, fête de la liberté et de la Révolution, à la fête de la Fédération de 1790,
événement fondateur de l’unité de la nation. «C’est le résultat d’une volonté délibérée de la IIIe République de
brouiller les cartes entre 1789 et 1790, et ne pas faire la pédagogie de l’insurrection, en célébrant uniquement la prise
de la Bastille», explique Olivier Ihl, professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble et
auteur de La Fête républicaine.

Pour d’autres, c’est «la faute au temps». «Les repères historiques s’estompent et la fête gagne peu à peu un

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caractère intemporel. Les Français ont besoin de se reconnaître dans quelque chose qui a appartenu à leurs pères»,
explique Nathalie Cretin, historienne spécialiste de l’histoire des fêtes et des traditions.

Riche en symboles, le 14 juillet obéit à un rituel très codifié. Les commémorations officielles du matin, défilé militaire,
garden-party, discours présidentiel et remise de décorations sont quasiment minutés. Le soir, place au défoulement et
à la fête, avec le banquet républicain, la retraite aux flambeaux et son lot de pétards, l’immanquable feu d’artifice et le
bal sous les platanes.

"Le village ne se mélange plus"

«Le bal populaire symbolise l’émancipation du peuple, qui, libéré de la tutelle des autorités, peut enfin se retrouver.
Pour les autorités, c’est une source de légitimation et l’occasion de marier le rire et le sacré», explique Olivier Ihl.
Rares sont les mairies qui ne sacrifient pas au rituel pyrotechnique. «Dans ma ville, le feu a lieu le 14 pour permettre
aux petites communes de l’organiser le 13», souligne une adjointe au maire de Chinon (Indre-et-Loire).

«C’est un moment symbolique fort au cours duquel tout le monde regarde dans la même direction», affirme Jacky, 60
ans. Quant au bal, il séduit toujours les Français. Pourtant, l’alchimie estivale ne suffit pas au mélange des noceurs.
«En segmentant les musiques en fonction de l’âge ou des goûts, les municipalités finissent par séparer les gens»,
regrette Nathalie Cretin.

Dans les grandes villes, les «créateurs d’événements» montent des concerts en plusieurs lieux, tandis que les petites
villes font appel à des DJ, mettant les accordéonistes au chômage. «Quand il y a des concerts, les gens ne dansent
pas, ils viennent et repartent entre amis. Le village ne se mélange plus», poursuit Nathalie Cretin.

Les Français ont-ils peur de s’avouer patriotes ?

Désormais, c’est au tour des banquets républicains de recréer du lien social, à l’image du gigantesque pique-nique
organisé en l’an 2000 le long de la «Méridienne verte» qui traversait la France de Dunkerque jusqu’à la frontière
espagnole. «C’est très agréable de rencontrer des gens qu’on ne voit pas autrement, raconte Betty, élue d’une
commune de 1 800 habitants. C’est quand même plus convivial que le 11 novembre !».

Si la tradition festive est toujours présente, certains Français ne savent pas à quel événement historique rattacher le
14 juillet. C’est le cas d’Odette, 47 ans, pour qui le 14 juillet évoque vaguement la guerre et la Libération de 1945.
Quand on les interroge sur le sentiment d’appartenance à la nation, on est souvent déçu. «Bizarrement, je ne me dis
pas “c’est génial d’être française, j’aime mon pays”, explique Camille, 23 ans. Mais s’il n’y avait pas de défilé ni de bal,
je ne trouverais pas cela normal.»

Les Français ont-ils peur de s’avouer patriotes ? «En réalité, le sentiment d’appartenance est la chose la mieux
partagée dans ce pays, explique Olivier Ihl. Si les Français sont aujourd’hui moins enclins à l’exaltation, c’est que les
fêtes obéissent à des cycles et que nous traversons une période d’accalmie, mais dans les villes gagnées par le Front
national, le 14 juillet est une fête vivace et frondeuse. La fête est là, immuable, et les Français se l’approprient
différemment, selon la conjoncture. Le jour du 14 juillet 1944, à la fin du régime de Vichy, la prise de la Bastille avait
retrouvé sa dimension sacrale.»

Une secrète nécessité

En temps de paix pourtant, certains symboles peuvent apparaître désuets à certains, notamment aux jeunes
générations qui n’ont connu ni la guerre ni la conscription : «Je ne suis pas pour les défilés militaires, affirme Émilie,
jeune professeur de lettres. Je préférerais qu’on mette en avant des valeurs humanistes en faisant défiler par exemple
des associations qui œuvrent pour la réinsertion.»

Plus fort est l’attachement des collégiens : «On le voit dans les copies, les jeunes ont une très forte volonté
d’appartenance à la nation, à l’idée du vouloir vivre ensemble. C’est une source d’espoir pour eux», constate
Élisabeth Labaye, professeur d’histoire. La fête nationale ? Pour les Français, le 14 juillet résonne comme une secrète
nécessité.

Hélène DUVIGNEAU

***

Lire aussi dans La Croix des mercredi 13 et jeudi 14 juillet

- La longue histoire des rituels du 14 juillet


- "Un moment fort du lien armée-nation". Entretien avec le général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée
de l'air
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Repères

Un 14 juillet sous très haute surveillance

Après les attentats du 7 juillet à Londres, le plan Vigipirate, qui est passé du orange au rouge, sera particulièrement
sollicité pour encadrer cette journée de fête nationale. 5 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour le défilé.
Les services de police concernés ont reçu, de la part de la préfecture de police de Paris, «des consignes d’extrême
vigilance». Aux abords du défilé, tout objet qui serait « de nature à troubler l’ordre public» pourra être ainsi saisi. La
préfecture recommande notamment aux spectateurs «d’éviter de venir avec des sacs».

Un défilé sous le signe de la «solidarité»

C’est le thème choisi cette année pour le défilé du 14 juillet : « Les forces armées au service de la solidarité », depuis
les interventions lors de catastrophes jusqu’aux missions telles que Vigipirate, en passant par des actions en faveur
des plus démunis dans le cadre du plan «grand froid» ou des engagements hors du territoire national.

Parmi les unités qui illustreront le thème de la solidarité figurera notamment l’ensemble du groupe école Jeanne d’Arc-
Georges Leygues qui a participé aux opérations Beryx en Asie après le tsunami et le premier régiment d’hélicoptères
de combat (Beryx, Côte d’Ivoire et lutte contre les incendies en France). De plus, pour la première fois, une base
pétrolière interarmées participera au défilé motorisé, en hommage à son rôle dans l’approvisionnement des réfugiés
du Darfour.

Une fête nationale aux couleurs brésiliennes

La France, qui a fait de l’année 2005 l’année du Brésil, a convié le président Lula da Silva aux cérémonies du 14
juillet. Le Brésil sera représenté, lors du défilé, avec le vol de sept avions Tucano, et la présence de deux unités
brésiliennes qui descendront les Champs- élysées : les 50 musiciens de la fanfare du corps des fusiliers marins et les
96 cadets de l’académie militaire des «Flèches noires».

***

Naturalisations «par le sang versé»

Lors des cérémonies du 14 juillet au Sénat, Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, naturalisera deux
légionnaires (un Portugais et un Ukrainien) qui avaient été blessés en 2003 en Côte d’Ivoire. L’acquisition de la
nationalité française « par le sang versé » est « automatique et sans condition pour un militaire étranger servant dans
les armées françaises blessé en mission au cours d’un engagement opérationnel ».

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