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M. le Chanoine G. Bardy * 1881-1955 In memoriam : M, le chanoine Bardy est né 4 Belfort, le 25 novembre 1881, d’une famille solidement enracinée dans Je Territoire. Il fit ses-études au lycée de sa ville natale, et y prépara ses bachots. Ensuite, pour répondre A l'appel de Dieu, il partit au Séminaire Saint-Sulpice, 4 Paris, oi il regut ‘lordi- nation sacerdotale le 30 juin 1906. Il fut heureux dans cette sainte maison, et-il ‘garda toujours. une grande reconnaissance 4 ses ancies majtres, avant tout pour le haut exemple de vie sacerdotale qu’ils lui avaient donné, Ceux-ci semarquérent vite Ja solidité et la vivacité de son intelligence, et V'encouragérent a travailler. Il prit done ses, grades, en. lettres et en théologie. A la fin de son Séminaire, il décida, sian l’y autorisait, de consa+ erer sa vie au travail intellectuel, I hésita entre la philosophie et la patcis- tique ; finalement, il choisit les Péres. Le dogme chrétien était alors attaqué, d'un peu partout, sur cé e terrain, IL-s’engagea passionnément; dans la. recherche, et ce fut d’abord,.a 1’In- stitut, Catholique de Paris, sa thése de -Théologie, sur. Didyme V Aveugle (zgr0). Il-prépara’ ensuite sa thése. de lettres sur Paul de. Samosate (1923). Son président. de thése était Ch, Gtignebert. Il allait-le voir -de temps en temps. Les visites étaient cordiales, mais-souyent, et vigou- reusement affrontées. « Nous parlions parfois. des Evangiles:et de saint Paul, disait-il. Mais nous. nous arrétions vite, parce que nous étions tous Jes deux bien élevés ! », i Il enseigna pendant quleques années, (de 1909 1914) a I’école Saint- Jean de Besangon, la philosophie, d’une fagon trés personnelle, Pour lui, comme pour ceux de'sa génération, la guerre de 1914 vint interrompre la tache. Il fit partie, comme infirmier, de l’expédition d’Orient ; et il racon- tait volontiers des histoires, héroiques ou.impayables, 4 ce sujet. Il en revint avec une surdité partielle mais irrémédiable, et qui devait, quelques années plus tard, devenir absolue. Il fut nommé Maitre de Conférences a la Faculté de Théologie de Lille (x99). Il avait refusé Strasbourg, plus avantageux A toutes sortes de points de vue, pour servir dans l'enseignément libre. Il se donna de tout son. cceur A ses cours et a ses étudiants, Il passa sa thése de lettres a Paris (1923), et: 1a se place l’épreuve la plus douloureuse de sa carriére, Le livre fut dénoncé-& Rome, pour quelques passages, jugés inexacts et dangereux, Il accepta immédiatement de les corriger, et, le jour méme o& 2 J. MOUROUX il apprit sa condamnation il se remit au travail : la seconde édition de son Paul de Samosate put parattre en 1929. Mais il dut abandonner sa chaire et quitter Lille. Tl partit, avec un simple courage, mais le coeur déchiré. Je ne I’ai jamais entendu parler de ce drame — et rarement — qu’avec une trés grande charité. Mgr Petit de Julleville, alors évéque de Dijon, qui l’estimait et qui Vaimait, le fit venir auprés de lui. Il voulait rénover sa vieille Semaine Religieuse, et en faire Yorgane vivant et efficace de toute I’activité reli- gieuse de son diocése. Ce fut alors le lancement de cette Vie Diocésaine, pleine‘d’articles variés, solides, pittoresques ; remplie de renseignements “de toute sorte ; illustrée de magnifiques photos, et qui enchantait ses lecteurs. Au bout de quelques années, il devint I’héte du Grand Séminaire, ty tenait de front la tédaction de la Vie Diovésaine, la collaboration & la Vie Catholique, et son travail personnel. Présence silencieuse, fidéle; sotiriante, dans la grande maison. Pendant la guerre et l’occupation, avet sa charité coutumiére, il « boucha les trous » et fit des cours. A la Libération, il gafda seulement le cours de Patrologie, que ses éléves trotivaient parfois trop savant ! : Sa santé se maintenait, solide. Il travaillait avec acharnemient, faisant parfois une longue promenade a pied avec les élves. Il méprisait magni- fiquement le souei le plus légitime de santé. Il s'installait 8 sa table, & Jongueur de journée, a longueur d’aunée, sans prendre de repos. I lui arrivait parfois, les derniéres années, de se plaindre, avec étonnement, d@avoir mal a la téte le soir | Il arriva ce qui devait.arriver. Le lendemain dune ordination, le 30 juin 1953, il eut une attaque sévére, Il s’en tira grfce aux soins énergiques de son ami, le Dt Deslandres, fils du’professeur Maurice Deslandres, bien connu des jutistes et des participants des Semai- nes Sociales. Il ne se remit jamais complétement, -mais il continua’ de s'acharner 4 travailler. Au début de 1955, une récidive vint mettre fin A toute activité intellectuelle réguliére. Il se patalysait de plus en plus. ta nuit descendait, par moments, sur cette magnifique intelligence. IL s’en rendait compte, tout en espérant encore ; mais il disait « oui » au Sei- gneur, Il nous quitta le lendemain de l’ordination, le 30 juin 1955, et partit se reposet A proximité de sa famille. Il s’éteignit tout doucement. Tavait dit un jour: «Ce serait beau de mourir pour la Toussaint » ; Diew Ya rappelé & lui, aux premiéres vépres de la féte, le 3x octobre 1955. e * Il appattient a ses pairs de dire quelle fut l'importance du travail de M. Bardy, en matiare de Patrologie ; la bibliographie qu'on trouvera plus Join donnera une idée de son labeur ; et les articles de ce recueil, parti- culigrement 1a notice du R. P. Camelot, en rendront témoignage, «! ILavait des méthodes de travail bien personnelles. A voir sa table, M. LE CHANOINE G. BARDY : 3 rarement encombrée, parfaitement en ordre, on se demandait comment it préparait ses livres et ses articles. Mais, quand il, vous montrait ses Jiasses de fiches, couvertes de son écriture minuscule (et terrible pour les typos | ), on était confondn de la somme de travail, méthodique et solide, que chacun d’eux représentait. Souvent contraint par les. dimensions d'une revue ou d'un dictionnaire, il n’utilisait qu’en partie toutes ses richesses, et il remettait 4 plus tard une reprise plus compléte de ces matériaux. Il écrivait d’ailleurs le plus souvent de premier jet : dédain du souci littéraire ? crainte du temps perdu ? économie chez un homme débordé ? c’était difficile 4 savoir. Il avait en tout cas une parfaite humilité devant le résultat. Quand il était content d’une étude, il disait ; «ce n’est pas mal » Je plus souvent : « c’est quelconque »; parfois méme : « oh! c’est nul ; mais cela pourra quand méme rendre service | ». On s’étonnera sans doute de la poussiére d'articles ou de notices qu’il a semés tm peu partout, C’était, de sa part, charité qui ne savait pas refuser. Avant la guerre, une quantité de notices lui avait été demandée pour um petit dictionnaire (qui, je crois, ne parut point), et on lui faisait remarquer qu’il y perdait son temps : « Il faut bien aider les gens qui essaient de travailler », répon- dait-il, Toute une part de son ceuvre était ainsi sacrifi¢e, mais c’était, pour lui, trés consciemment, le sacrifice de la charité. Ses comptes rendus étaient eux-mémes fort charitables en général, mis & part quelques exceptions retentissantes, Mais il était rate qu'une étude de Patrologie le satisfit pleinement. Il disait souvent, méme d’études en apparence trés « scientifiques » : « Il y a trop de textes que l’auteur ne connait pas »; et il avait tat fait de le montrer, avec une précision éton- nante de détails. Il se voulait, d’ailleurs, de plus.en plus « historien », Tl se méfiait des études patristiques trop « philosophiques », trop « spiri- tuelles » : les soucis de sa génération n’étaient pas ceux d'awjourd’hui, Mais il était d’une charité inépuisable pour les travailleurs, les étudiants attelés & une thise, les confrares en mal de renseignements, Les heures ne comptaient plus, quand il s’agissait de faire bénéficier les autres de son Savoir, Et nous l’avons vu, un jour, tout en grognant qu'on «ne devrait pas faire ca », chercher les références de quelques phrases isolées de saint Augustin, que lui demandait un curé, et.., les trouver rapidement ! * o* «Pour nous, qui avons yécu a ses cétés pendant tant d’années, il nous faut dire que-sa vie a été un grand exemple, dont se souviennent des géné- rations de prétres. Il était d’une extraordinaire fidélité, Fidéle aux obligations prises, par exemple cette messe de la paroisse Saint-Michel, qu’il assura tous les jours pendant 25 ans. Fidéle A son rythme de vie spirituelle, comme un simple séminariste. Fidéle a la ragle de vie du Séminaire, ne manquant

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