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1955 Vol. I— 4 REVUE DES ETUDES AUGUSTINIENNES L’église principale et les autres sanctuaires chrétiens d’Hippone-la-Royale d’aprés les textes de saint Augustin* La‘ visite des fouilles d’Hippone, que jai eu Je privilage de faire sous la direction aimable et qualifiée de M, Erwan Marec avec un groupe charmant de participants au Congrés Augustinien en automne 1934, est A Vorigine de ce travail. I veut @tre une réponse A Vexposé savant de'M. Marec sur fes monuments chrétiens découverts par Ini, publié dans Augustinus Magister’ et un, modeste témoignage de reconnaissance que tous les augistinisants doivent 4 I’éminent archéologue. I. — LES SANCTUAIRES CHRETIENS D’HIPPONE-LA-ROYALE Au début du sidcle Stephan Gsell* avait le premier énuméré les édifices chrétiens d’Hippone, dont les textes nous ont conservé le souvenir. Ses conclusions ont été acceptées sans discussion par le R. P. J. Mesnage® * Lauteur se propose de confronter dans une étude ultérienre les conclusions, obtenucs par Nanas des texte, sux sfsultat des fouls nécentes mendes & bien dans in viele ite @'Hipponeta-Royale par M. E, 1. ERWAN MAREC, Las derniéras outa @' Hippo Regius, dans Augustinus Magister. Congres international Augustinien, Paris, 21-24 septembre r9s4. Communications, I, p. 1-28, 2, STEPHAN GsExt, Les monuments antiques de Algérie. Paris, xgor, t. 1, p. 212-214. 3. J. MESwace, L’Afrique chrétienne, Patis 1912, p. 264 8. 1 LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROVALE or de virginité!? ; le sermon 260 suppose un auditoire plus mélé, néophytes mariés d’abord, mais aussi continents’, Aucun indice certain ne permet d’assigner une date a notre texte. L’afirmation que le mariage n’a pas été condamné! s'expliquerait bien pendant la controverse manichéenne ; mais elle se rencontre aussi ailleurs. a préoccupation de la continence correspondrait a I’époque de la réaction provoquée par la réfutation de Jovinien, c’est-A-dire, & Vépoque des deux traités De bono conjugali et De sancta virginitate, soit a l’année 40x. Les banquets, que l’on avait V’habitude de célébrer dans 1a basilique Kontienne et que saint Augustin réussit 4 supprimer en 395, ne sont pas méme mentionnés™, Le sermon 262 a été prononcé Ini aussi dans la basilique léontienne!®, mais le jour de l'Ascension qui fut en méme temps celui de l'anniversaire de saint Léonce”, c’est-d-dire, le 4 mai!8. Cette coincidence permet de dater Je sermon en 41x ou en 422. Cette derniére année cependant est 4 exclure en raison de Ja polémique donatiste, dont le sermon nous transmet l’écho". Comme la communauté s'est réunie pour célébrer la féte de 1’Ascension, ce qui empéche le prédicateur de parler du saint local, la basilique ne peut étre la chapelle funéraire ou la memoria de saint Léonce. Saint Augustin ne mentionne d’ailleurs jamais cet évéque parmi les martyrs d’Hippone, contrairement a ce qu'il fait pour saint Théogéne, pour saint Fidentius et ses compagnons, et pour les Huit Martyrs, Les martyrologes anciens observent le méme silence. Son martyre est donc loin d’étre assuré. Les agapes célébrées en son honneur, dont nous parlerons tout & I’heure, ne constituent pas une preuve suffisante. Le culte des saints non-martyrs (confesseurs) commence au rv? sitcle. Les banquets funéraires d’origine paienne ont pu étre continués @ l’occa- sion de l'anniversaire de l’évéque fondateur, méme s’il n'était pas martyr. Aussi le R. P. H. Delehaye, en désaccord sur ce point avec P. Monceaux, a-t-il rejeté le martyre de saint Léonce, La basilique abritait-elle au moins Je tombeau de saint Léonce ? Tusage d’y célébrer V'anniversaire de la déposition par des banquets 12, N, 2 : quomodo irascitur Deus, quando vovetur castitas, et non exhibetur ; quando vovetur virginitas, et non exhibetur... Potest ergo virgini sanctimoniali nubenti dici, etc. PI, XXXVI, 799 s. 13. Pl), XXXVIIL, r202 : castitatem servate, sive conjugalem, sive omnimode continentize, Quisque quod vovit reddat. : 14. Sermo 260, P.L, XXXVIMI, 1202 : non quia nuptic damnantur: 15. Ct, epist, a9 et sermo 252 commentés ci-dessous, p. 303-305. 36, P.I,, XXXVI, 1207 : habitus in basilica Leontiana, 37. N.,2. PL, XXXVI, 1208 : Occurrit autem huic Ecelesie alia vernacula sollemnitas, Conditoris basilice hujus sancti Ieontil hodie depositio est. 38, Cf. G, RauscuEN, dans Jahrbitcher d. chrisil. Kirche 1897, p. 459 & 19. Ci. A. KUNZELMANN, Die Chronologie der Sermones dhl. Augustinus, dans Bfiscellanea Aggostiniana, vol. U1, 193t, p. sor 8. 20. H, DpLRHAYE, Sanctus, Subsidia hagiographica x7, 1917, p. 117 5. O. PERLER 302 pourrait en étre l'indice*4. Mais je ne voudrais pas Vaffirmer. Méme le culte des martyrs n’était pas nécessairement lié A Pexistence ou a la présence du tombeau. Les corps ont été quelquefois dispersés par les persécuteurs. Cela n’empécha pas leur culte. Saint Léonce a di cons- truire la basilique, qui a regu son nom, pour servir au culte ordinaire de la communauté, donc 4 l’intérieur de la ville ou du moins A sa lisiére, en dehors du cimetigre. Méme 4 ne pas tenir compte des presctiptions de fa loi civile, les inhumations étaient interdites dans les basiliques. Les Donatistes les premiers en introduisirent la coutume, non sans protestation de l’autorité ecclésiastique. Les catholiques suivirent beau- coup plus tard. Le culte rendu & saint Léonce s’explique suffisamment par le souvenir qui se rattachait a l’église fondée par Ini%. La lettre 29, qui est de l'année 395, est le document le plus important sur ce culte, mais elle pose des problémes délicats. Le manuscrit, que les Bénédictins avaient dépisté dans le monastére des Cisterciens de Sainte-Croix-de-Jérusalem 4 Rome et que A. Goldbacher n’a pu retrouver, portait, en guise d’adresse, la notice suivante qui est donnée également par le manuserit de Cheltenham r226r : « Epistola presbyteri Hippo- nensium regiorum ad Alypium episcopum Thagastensium de die natali Leontii quondam episcopi Hipponensis® ». Nous n’avons pas de raison suffisante pour rejeter Ihistoricité de cette notice. I est vrai que son auteur ne nous communique pas le nom de ce prétre d’Hippone qui ne peut étre que saint Augustin. La critique interne impose cette conclusion au point que personne n’d contesté l'authenticité de la lettre. L/omis- sion peut s'expliquer par le fait que ce prétre était trop connu de auteur de Ja notice ou de ses lecteurs pour qu’il sentit le besoin de mentionner Son nom, ou peut-étre cette précision n’avait-elle aucun intérét pour lui, Alypius lui uon plus n'est pas nommé dans la lettre, Nous savons pour- tant que vers cette époque” il était évéque de Thagaste. Aucune raison par conséquent de douter que la lettre n’entende parler de l'anniversaire de saint Léonce, bien que celui-ci n’y soit pas nommé. Au contraire | L'anniversaire, dont il est question dans la lettre, suivait le « dies Qua- dragesimac » (epist. 29,3). La familiarité de l'auteur de la notice avec la terminologie ancienne I’a préservé de voir 14 le premier jour du Caréme comme le font les éditeurs de la Congrégation de Saint-Maur (sous réserve 2t. D, G. Laatnor, Sermons inddits de saint Augustin pour des fates de saints, dans Rev benddict. 50, 1949, p. 69, Yadmet, : : 22. H. Drcemave, Sanctus, 1917, p. 223-125. 23. CL P. MoNceaux, Histoire littdraire de PAjrique clrétienne, t. V, De 44. 24. Lun ou autre des sermons de saint Auzustin pour des fétes de Saints, rSemmént dKcouverts par D.C. Lambot (Rev. bénédict., 50, 1949, p. 55-81) a pu étze prononcé en I de saint I¢once A Poceasion de son anniversaire. eee ee as. CSEL 34, 1, 124, L’auteur de la notice est Augustin foi-méme, selon i, OGL ef tee Waste , seion De Bruyne, Rev, 36, Cf. A Gorpsaciter, dans CSEL, 58, p. 13s LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 303 il est vrai), mais il entend correctement le quarantiéme jour aprés la résurrection, c’est-d-dire, la féte de I’Ascension, car celle-ci était proche de l’anniversaire de saint Léonce. Le sermon 262, cité ci-dessus, en est Ja preuve. Saint Augustin emploie ordinairement le terme de « Quadra- gesima » pour le temps du Caréme®, jamais, si je ne me trompe, celui de « dies Quadragesimae » pour désigner le premier jour du Cartme. Par contre « dies Quadragesimae » avec l’addition d’ « Ascensionis » est attesté pour le jour de l’Ascension dans différents titres de sermons®, Ce méme sens est maintenant assuré par tin texte d’un sermon du manuserit A.a.r4 de la Landesbibliothek de Fulda que Dom Lambot vient de publier?, ZEtheria s’exprime comme la lettre 29%. On ne comprendrait d’ailleurs pas pourquoi ie prédicatenr aurait omis dans ses allocutions le jetine prescrit au temps du Caréme. Tl aurait fourni un motif efficace et tout indiqué pour détourner les auditeurs des banquets luxueux*, La coincidence des deux fétes, celle de I’Ascension et celle de la veille de la Saint-Léonce, permet de dater ct 1a lettre 29 et les événements racontés par elle en l’année 395. Car c'est l'unique fois dans la vie de saint Augustin que la veille de la Saint -Léonce® coincide avec le jour de l’Ascension, Nous admettons par conséquent également l’affirmation, contenue dans la notice, que saint Léonce fut un ancien évéque d’Hippone. Le sermon 262,2 parle uniquement du fondateur de ta pasilique qui west pas nécessairement wn évéque. - Dans le corps de Ja lettre saint Augustin raconte a l’évéque de Thagaste comment il a réussi A supprimer les banquets licencieux célébrés en Vhonneur de saint Léonce le jour de son anniversaire. Il avait préché trois jours de suite, le mercredi (feria quarta), le jour de !’Ascension (dies quadragesime), enfin le jour anniversaire de 1a déposition de saint Téonce (postridie... cum inlucisset dies, cwi solebant fauces vertlresque se 27, Observationes quadragesinue : sernio 205, 15 210, 105 azz, 1 (PI, XXXVI, 103 i052; 1054) ; amniversario reditu quadtagesimee : sermo 206, ¢ (Pi, XXXVI, ro41). Pour cette signification, cf. Cum, Mommamann, Die altchristiche Sondersprache in den Sermonen alt. Augustinus. Nijmegen, 1932, p. 140. 28, Liveriani VIII (MA I, p. 39x), Casin. 11, 76 (MA 1, p. 4x3), Guelferbyt, XX (MA I, P. 504), XXI (MA I, p, 507), Morin XVII (MA T, p. 659), Lambot (Rev. bénddict, LY, 1052. Ps 97-T00). 29..N. 4, ligne 64 ss. de Védition parue dans la Reowe bénddictine, t. XIX, 1952, p. 97-00. Ct. du méme auteur, Un « ieivnium Quinguagesime » en Afrique au 3° side, dans Rev. béné- dict, KLVIT, 1938) p. 121 8. 3, Chap. umf, CSEI, XXXIX, 93 : die quadragesimaram post pascha, quinta feria qua- dragesimarum, 3T. Cf. sermo 205 83, PAL. XXXVIT, 1039 $6, 32, Chm, 2, 5, 8. CSHL, XXXIV, 1, x14, ligne 19 ; 115, ligne xo ; 129, ligne 6, S'il ne s'agissait pas de Ja fete de saint Iéonce, il faudrait opter. entre les auires Saints d’Hippone, Mais 1a {ete de saint ‘(Théogene se célébrait le 26 janvier, celle des Vingt Mattyrs le 13 novembre, Res- terait la féte des Huit Martyrs dont jignore 1a date. Mais leur culte sentble avoir été pew impor- tant, du moins au début du ministére de saint Augustin, 304 0. PERLER parare)®, C’était, en 395, le 2, le 3 et le 4 mai. Quelle est 1a basilique dans laquelle saint Augustin précha ? Il semble d’abord que ce fut tou. jours dans la méme. Car rien n’indique un changement de lieu. Tes auditeurs, qui arrivent plus nombreux le second jour (a. 3) et qui sont plus ou moins les mémes le troisiéme jour (n. 8), ne sont pas priés de se réunir dans un autre sanctuaire le jour suivant. Le prédicateur suppose au contraire que c'est dans cette méme église, ott il préche le jour de V’Ascension, que se font habituellement les banquets™, Comme ce rite se pratiquait sur les tombeaux ou dans les chapelles (memoriae) des martyrs et, par extension, des confesseurs, cette église semble avoir été celle de saint Léonce, non sa chapelle funéraire (nous en avons exposé les raisons ci-dessus}, mais l’église fondée par lui. Son souvenir s’y perpé- tuait comme le sermon 262 le prouve. L’exemple des banquets en I’hon- neur de saint Pierre au Vatican, cité au numéro ro, est un autre indice qu'il ne faut pas dissocier cet usage d'un souvenir local ou personnel du martyr ou du confesseur. Le canon 17 du sixiéme concile de Carthage (23 septembre 4or) défend la construction d'une memoria ailleurs que Ia of se trouve le corps d'un martyr ou ses reliques ou encore « Vori- sine d'une habitation ou possession ou passion®’ ». Nous nous croyons autorisés & étendre cette prescription au culte naissant des confesseurs, T/origine de l'église était donc une raison suffisante pour y célébrer anniversaire du fondateur®*, Nous ignorons comment les Donatist justifiaient les banquets dans leur basilique. Mais nous connaissons leur manie du culte des Saints et la facilité avec laquelle ils créaient des memoriae. UL n’est pas exclu qu’ils aient été en possession du tombeau de saint Léonce. . Liéglise dans laquelle saint Augustin précha les trois jours de suite était grande*”, Elle avait une abside surélevée™, Elle était voisine de la maison de l'évéque. Les interlocuteurs du prédicateur, mécontents de Vabolition de ces réjéuissances, avaient objecté I’usage romain pra- tiqué dans la basilique de Saint-Pierre au Vatican. Saint Augustin leur répond que ce liew était éloigné de Uhabitation et de la surveillance de Vévéque”. La réponse suppose que tel n’était pas le cas A Hippone, Ss MDEL, XXNIV, 4, 114, ligne 19; 115, ligne 105 119, ligne 6. 1a. N. 0. CSEL, XNXIV, 1, r18, ligne a ss, : si potestas daretur totum tam magna: basilica PAINE tuthis epulantium ebrionumque complerent. Zbid., n. 2, p. 125, ligne 3 + intra parietes ecclesia, 3. Mawar, t. LIT, cul. 782, Cf, HReete-Lncuercg, Hist, des Conciles, t. Uh, 1 78: Lr » Hist, TL, ty py 12% 2 ait lettre semble indiquer que Musage des banquets était fort ancien. ‘Nous lscus en efit au chapitre rete race Rat To lige 2 : post persecutiones tam multas tamque uel les cum facta pace sntilium in christ i i = sa Ee ge ianum nomen uenire cupientes... uisam. 37. N. 6, p. 113, ligme 2: totum tam magne basilion spati : i a 2. tot ngp spatium. Cf. n. 3 : freqnens multitude 38 N. 8 p. rip, ligne 18: ante horam, qua exhedram ascenderamus, 38'S. 10, p. 120, ligne 24 + quod remotus sit focus ab episcopi conuersatione; LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 305 D’autre part, le texte duquel tous, a partir de Gsell!9, concluent a la proximité de I’église donatiste ne semble pas probant. L’aprés-midi du troisiéme jour saint Augustin était revenu a Iéglise avee son évéque. Ses ouailles dociles assistérent aux lectures et chantérent des psaumes att liew de s'adonner aux réjouissances d'autrefois, Valére, ému de ce suecés, pria son prétre de prendre encore une fois la parole, Le setmon fut court. Le sujet était tout indiqué. Ce fut une action de grace faite & Dieu et une compataison entre la piété des catholiques et la licence des Donatistes qui avaient célébré bruyamment leurs banquets : « Ef quoniam in hereticorum basilica audiebamus ab eis solita conuiuia celebrata, cum adhuc co ipso tempore, quo a nobis ista gerebantur, alli in poculis pordurarent, divi... etc. », Je traduirais : «Ht parce que nous entendions dire que dans la basilique des hérétiques les banquets habituels avaient Gté eélébrés par eux ct, comme ati moment méme ot ces choses étaient faites par nous, ils continuaient & vider leurs verres, je dis, ete... » La différence des temps est A observer : « audiebamus-celebruta-perdurarent- dint ». Les banquets étaient terminés en ce moment « celebrata ». Les beuveries seules qui les suivaient continnaient, De méme que saint Augustin avait été renseigné antérieurement par les fdales stir ce qui se passat", il Pétait encore maintenant « audiebamus », Il nest pas nécessaire qu'il ait entendu le bruit du festin donatiste de ses Ppropres oreilles, pas méme au moment oit il fait son dernier sermon, « cum in poculis perdurarent », Tl connaissait trop bien I'usage de continuer les orgies jusqu’au soir‘, Cette interprétation des mots « adiebamus ab eis solita conuinia celebrata » est, justifiée par les paralléles suivants : Hpisé. 97,1... ut audimiinus te merito sublimatum » Conf. TX, x1, 32... audieram inde balneis nomen inditum quia Graci, ete, Le verbe auxiliaire « esse », 1'étant pas néces- saire, est omis. On ne peut done, a partir de ce texte, conchure au voi sinage des deux basiliques, de celle dans laquelle saint Augustin précha et: de celle ott les Donatistes s’étaient réunis. TI est vrai que la lettre ne V’exclut pas explicitement, Le sermon 252,4, fixé par Kunzelmann‘# au yendredi de Ja semaine de Paques 396, fait allusion aux événements racontés dans la lettre 29'?. 40. St. Geet, Les monuments antiques de VAlgérie, Paris, xgor, t. 1, p. 117. 41. CSEL, XXXIV, 1, rar, lignes 23-26, 42. N. 8, p. 129, ligne 7 : muntiatur milsi nonnullos,,, nondum a murmuratione cessasse.. Jigne x9 : quos audicrem... fuisse conquestos 43. Ch. Ammrosws De HEIs XVII, 62, SEI, XXXII, 2, 448 ; qui calices ad sepulehra sartyrum deferunt atque illis in uesperam bibunt. Cf, sur ce culte I?. VAN DER Maer, Augustinus dor Seelsorger. K8In 1953, p. 487-542. 44, CSEL, XXXIV, 2, 516, 45. CSEY, XXXIMT, 222, ligne 7. 46. MATT, p, 4g2, 47. Pl, XXXVII, 1174 : In ista civitate, Fratres mei, nonne experti sumus, quod recor datur nobiscum Sanctitas Vestra, quanto periculo nostro de ista basilica ebtiositates expulerit Deus ? Nonne seditione carnatium pene mergebatur nobiseum navis ? Unde loc nist de ilo numero piscitm innumerabili ? 306 0. PERLER Mais il n’est pas sr qu’il ait été prononcé dans la méme basilique‘®. T/église de saint Iéonce est nommée une derniére fois dans les actes du synode d’Hippone du 24 septembre 427. Le manuscrit de Vérone LX (58), étudié par Boudinhon®, donne le texte suivant : « Piaerio et Ardabore vv. cc. consulibus VIII kal. octob. in basilica sancta Leontina® ». Le synode était présidé par 1’évaque Aurelius de Carthage. Les termes « sancta Leontina » é&tonnent et dénotent une date plus récente. En résumé la basilique de saint Léonce est attestée comme un lieu de culte catholique pour les années 395, 401 (date incertaine), 411, 427 et peut-étre 396. Saint Augustin y précha peut-étre le vendredi de la semaine de Paques (s. 252), certainement le dimanche de Quasimodo (s. 260), deux fois le jour de l’Ascension (ep. 29,3 et s. 262), deux fois pour la féte de saint Léonce (s. 262 et ef, 29,8) ; une fois cette féte coincida avec le jour de I’Ascension (s. 262). C'est une grande église ayant son exédre (ep. 29,3-6-8). Elle fut Je lieu des banquets en I’honneur de saint Léonce (ep. 29,2-6), fondateur de Ja basilique (s. 262), depuis fort long- temps, et vraisemblablement depuis son origine®. De ces faits il semble permis de conclure que ce fut I’église principale a l’époque de saint Léonce, celle of, encore du temps de saint Augustin, les catholiques se réunissaient pour le culte ordinaire au moins certains jours. Le dimanche de Quasimodo par exemple, était une des fétes les plus solennelles. Ce jour les néophytes étaient renvoyés de l’espace qui leur était réservé. Ce n'était en tout cas pas la chapelle funéraire (ou la memoria) de saint Léonce. Rien n’indique qu'elle ait été utilisée également par les Dona- tistes, a moins que l’on veuille en voir un indice dans les banquets célébrés pat eux aussi, Mais nous admettons difficilement cette coexistence des cultes catholique et donatiste. Cette basilique est citée par son nom uniquement dans les titres des sermons 260 et 262 et dans les actes du synode de 427. Jamais saint Augustin ne Vappelle ainsi, L’appellation lui revient en raison de son fondateur (s. 262), mort avant l’origine du donatisme. Nous trouvons les deux formes-« basilica Leontiana » et une fois « basilica sancta Leon- tina ». La terminaison « ana » est attestée pour la basilica Honoriana, ancien temple de Ceelestis®, dans le titre du sermon 163. Nous lisons dans une lettre du pape Félix II « basilica Constantiniana+ », Saint 48. Le pronom ¢ ista basilica » pourrait indiquer une différence de lieu. Cf, notre note 367 a la page 343. 49. Revue d'histoire et de littérature relig. X, 1905, p. 267 ss. Tarticle a &é reproduit dans Herrce-Lucuenca, Hisloire des Conciles, t, IT, p. 1367 $8. Cf. dbid., p. 1302-1308 sur le méme conelle, So. Mawst, t, IV, col. 539 qui suit Harduin, donne le texte : Pierfo et Ardato: Teontian 51, Epist. 29, 8, of, c-dessus p. 304, note 36. : 32. Ch. GAG. Tavern, Saint Augustin et Carthage, dans MA II, p, 3137, ner 53. P.L., XXXVII, 889. 54. Epist., 13. Tanse, p. 259. in Basilica LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROVALE 307 Ambroise dit Portiana, & Milan‘, saint Paulin de Milan Ambrosiana, a Milan”, Par contre saint Augustin, préchant probablement a Hippo Diarrhytos dans Ja basilique construite par I'évéque Florentius, nous dit qu'elle était appelée Florentia®’, Le fondateur saint Léonce semble atre devenu une sainte Léontine dans le manuscrit de Vérone : ¢ in basilica (dite) sancia Leontina », De telles métamorphoses n’étaient pas rares. A Rome, le titulus Clementis devint I’ « ecclesia sancti Clementis® », . La basilique de la Paix. Cette basilique est mentionnée uniquement dans des actes ecclésias- tiques, dans ceux du synode d’Hippone de 393, ceux de la conférence avec le manichéen Félix en décembre 404, enfin dans ceux de ’élection du prétre Hraclius comme successeur de saint Augustin le 24 septem- bre 426. Le synode d’Hippone de 393 se réunit dans le secretarium de la. basi- lique de la Paix‘, Saint Augustin appelle ce synode « synode plénier de toute I’Afrique® ». Comme les évéques africains étaient nombreux (de fait le nombre des participants’ variait beaucoup), ce secretarium devait avoir des dimensions considérables. La salle ainsi désignée servait ordinairement de « sacristie »*, Elle était aussi destinée a la réception des fidéles par le clergé™, Son nom pourrait indiquer que I’évéque y exergait la juridiction®®, Le secretarium contenait aussi la biblioth&que", S'il était suffisamment vaste, il pouvait abriter des assembiées synodales. Les conciles d’Afrique se réunissaient tantét dans le secretarium, tantét 35. Epist., 20, 1. PI, XVI, 994. 56. Vila Ambrosi, XIV, XLII, XLVI, Pl, XIV, 32, 42, 43- 57. Sermo 359,9. P.I,. XXXIX, 1597 : Honorastis episcopum vestrum ut haue bastiteam Florentiam vocare velietis ; sed Florentia ejus vos estis, 58. Ci. J. P. Kmsen, Die rémischen Titelhirchen im Altertum. Paderborn 1918, p. 36-41 59. MANst, IIT, 730, cf. 919-924, les canons cités par le concile de Carthage de 397 et IV, 483 Gloriosissimo imperatore Theodosio. Augusto TIT et Abundatio viris clarissimis consulibus, VIIE Idus Octobris, Hippone regio, in secretario basilice pacis, 60. Retract. I, XVI (XVI, I) CSEL, XXXVI, 84 : plenarium totius Africw concitium, 61. Cf, Paurmy pe Norn, epist., 32, 16. CSEL, XXTX, 2gr. 62, Cf. Suurice Sévine, Dial, T (I, 1), CSEL, 1, 180. 63. Ch S, AvOUSZIN, sermo 47, 3, 4; P.lo, XXXVI, 297 : magnum secretum judicis, unde secretarium nominatur, Sur l'exercice de la juridiction, of. F. Manrrove, Saint Augustin et Ia compétence deta juridiction ecelésiastique aus v° sidcle. Mémoires de In Société nationale des antiquaires de France, 7* série, t. X, torr, p. 1-78. Cet article ne traite cependant pas de Vendroit of les évéques exergaient la juridiction. Possidius parle de cette fouction aux chap. xnx et xx. 64. Cf, PAULIN De Notx, epist., 32, 16, CSEL, XXIX, agr. Possidius mentionne la bibti théque dans les chapitres xvi et xxx. Pour la bibliotheque de saint Augustin, qui semble avoir été dans la maison de I'évéque, cf. B. ALTANER, Die Bibliothek d. hl. Augustinus, dans Theologische Revue, XUAV,. 1948, p. 73-78. x O. PERLER dans les basiliques*, On peut se demander pourquoi le synode de 393 a eu liew dans le secretarium de la basilique de la Paix, tandis que celui de 427 s'est déroulé dans la basilique Kontienne®’. I est difficile d’en indiquer la raison. Les deux synodes étaient présidés par le métropo- litain Auréle de Carthage. Les deux ont di réunir un nombre consi- dérable de participants. On peut penser & une modification intervenue entre les deux dates assez dloignées l'une de l'autre. Nous verrons que fe secretarium présumé de 1a basilique de la Paix a regu vers 425, comme annexe, la memoria de saint Etienne. Cette transformation pourrait expliquer ce changement. Quoi qu’il en soit, il semble permis de conclure de la différence des lieux et de leur désignation que les deux églises étaient distinctes, que la basilique Iéontienne était plus petite parce qu’elle n’avait pas de secretarium suffisamment grand pour réunir les évéques, enfin que le secretarium de Véglise de la Paix ne convenait pas au synode de 427 pour une raison que nous ne comnaissons pas, que mous pouvons tout at plus deviner. En tout cas les synodes de Carthage se réunissaient tantét dans l'une, tantét dans l'autre éylise, mais toujours dans la méme salle : ou basilique ow secretarium® Pendant Vhiver de 4o4, saint Augustin tint trois conférences avec le manichéen Félix, dont deux publiques, dans l'église d’Hippone : publice in Hipponensi ecclesia. Nous possédons les actes ecclésiastiques de ces derniéres. Ils spécifient seulement au début du deuxiéme livre le lieu exact de la dispute, c’est-a-dire, l'église de la Paix : in ecclesia Pacis Lréglise de la Paix est done V'église principale puisqu’Augustin et Possi- dius P'appellent tout court « l'église d’Hippone ». Pendant la conférence Yévéque et le manichéen Félix sont séparés du peuple par des cancels, Ala fin de la premitre dispute publique Félix avait demandé un délai de plusieurs jours pour préparer sa réponse. II s'engagea A rester auprés dun habitant catholique d’Hippone. Saint Augustin le laissa choisir parmi les assistants qui se tenaient debout prés des cancels”, La présence 65, La liste est donnée par AvG, AUBORLET, dans le Dictionnaire Whist. et de géographie, ats dfrigae, tT, col, BtE-822 . 6. Cf, etdessus a. 50. 67, € tn sectetario basilice restitutar +: le 2% awit 397, be 27 avril 399, le 15 ow te 16 juin et de nouveau be 1 septembre yor, Je 16 juin et Fe 15 octobre 408 ; «in basilica regionis secun- dior 9 de 25 anit 4ny, be 22 juin qog, le 23 aodit qos, fe 4 juin 407, le 15 juin 4oo, le r4 juin gta: kt grande conférence de qre « in secretario thermarum Gargilianarum »; « in secretari Ddasitice Fausth 6: te x? mai 4x3, ke 13 jwin 42t, la premigre seance du synode du 25 mai at yo mai 419 Ia sceonde «ance de ce synode eut Hew « in secrotarla hasilice restitutse ». Nows Auportsavr donne dans le Dict d'hist eae géogr.,t.T, col, 811 Contra... Felicem presente populo in ecclesia biduo disputaui, Hipponem quidem uenerat. 69, CSE _ptidie iduum Decembrium, res sic agi ccepit in ecclesia Pacis. 70. I 20, €8 6 7 Elige tibi aliquem de presentibus istis fratribus, qui ad can eellum stant. Sed cum illo, qui est in medio, — Les Benédictins ont rendu Te texte plus comprehensible en choisiswnt Ia variante « sim + au lieu de + sed >. LES SANCTUALR D'HIPPONE A-ROVALE 9, d'un peuple nombreux semble devoir expliquer pourquoi on a chi pour ces denx conférences publiques, l'église principale et non Je secre: tarium, qui avait hébergé le synode de 33. Par contre, la premidre conférence, non publique, pouvait avoir ew Hen dans le seeretarium La dernitre notice enfin se rapporte a VGection du prétre Eruclius comme successeur de Vévéque, le 26 septembre 425, Elle ent tieu en présence de saint Augustin et de ses collégues Relivianus et Martinianus, de sept prétres, du clergé d’Hippone et de nombreux fiddles™ Le texte ne contient aucune autre précision locale. Il en sera tout autrement dans la lettre 126 qui raconte l'élection du prétre Pinianus par ie peuple d’Hippone. Cette fois l'église n'est pas mentionnée. La ressem- blance des deux événements semble cependant indiquer le méme liew. Nous y reviendrons. Quelle est Vorigine de l'appellation basilica Pacis? Elle est unique en Afrique, et sauf erreur dans tout I'Occident™. A Byzance, Constantin le Grand fit construire l’église de l'Firene, dédiée 4 la Paix divine”. Il avait construit une autre église sous l'invocation de la Sainte-Sage une troisitme sous celle de la Sainte-Puissance™', Nicéphore appelie ta premiére V’église de la Sainte-Paix. Paix, Sagesse, Puissance sont évidem- ment des perfections du Christ-Sauveur qu: reflétent les vertus ou les préoccupations de I'empereur. Le rétablissement et la consolidation de la paix en particulier était le grand souci de sa politique. Constantin avait fait ériger une église & Constantine (Numidie}, Lorsque les Donatistes Voceupérent, malgré la protestation des catholiques et des autorités civiles, Vempereur préféra en construire une seconde & ses frais pour les catholiques, les exhortant ainsi par son exemple 4 imiter la patience de Dieu”. Faut-il rattacher le nom de notre basilique a cet ordre d’'idées ? Dans ce cas, il faudrait lui assigner I’époque constantinienne comme date dorigine. D’autre part, le mot Pax est continuellement sur les lévres de saint Optat et de saint Augustin en face du donatisme™, L,’appellation « église de la Paix » pourrait par conséquent étre synonyme d’ « église catholique » ou d’ « église d’union », Et on pense immédiatement a I'union qui s’était 7. Epist,, 213, CSEL, LVL 372.3. 72. CE AvM, Scunptper, Die altchristh, Bischofs-wnd Gemeindehiechen w, thre Benennsons dans Nachrichten dAhad.d. Wissenschaft. in Gottingen. Philol, Hist. Kl. 1983, 7. p. 153160 Cet auteur ne mentionne ni exemple d'Hippone ni cetul de Constantinople 73. Soceats, Hist, evel, 1, 16, B.G., LXVIL, 127. 74, Nreéruons Cauuste, Eccles, Hist, VIL, 49, PG. 75. CSEL., XXVI, 225, Hanes 11-24. 76. Ace sujet P. MoNCRAUX, Hist, litt, de UAfrique chrét, IV. p. 449, a pa éctire : « (Ce moot) était devenu Féquivatent d'unitas. 1 désigmait Punité du christianinme Toca, representé excha- sivement par I'Figlise catholique : dans le langage des poltmistes africans du temps, Ia « paix », a. paix du Christ », la « paix catholique », comme dit Augustin, c'était unite religieuse, lunite catholique, maintenue ou établie par la proscription du schisme. » CXLY, 1328, jee 0. PERLER faite entre catholiques et Donatistes aprés V’édit de Constant de 347. Elie dura at’ moins jusqu’a Julien. Optat a laissé une description enthou- siaste de cette période’?. La rentrée des Donatistes aurait nécessité la construction d'une église plus grande, comme il arrivera, par exemple, & Cnicul aprés la conférence de 411%. Dans un traité écrit contre les Manichéens”, saint Augustin appelle les églises catholiques « domicilia pacis +, Mais exemple de la basilique de la Paix d’Hippone est unique en Afrique. Le terme « pax » ne se trouve jamais dans les déclarations des nombreux évéques qui assistérent & la conférence de Carthage de 411". Saint Augustin ne semble jamais faire allusion au vocable de son église pour inviter les schismatiques 4 se joindre aux catholiques. Tout cela s'accorde mal avec cette deuxiéme solution. Quoi qu'il en soit, appellation « ecclesia Pacis» ne semble pas avoir &é populaire puisqu’elle n'apparait que dans des actes officiels. Elle indique une origine postérieure par rapport a celle de Ja basilique de saint Léonce. Les plus anciennes églises portent le nom de leur fondateur*™. La basilique des Donatistes. La basilique des Donatistes est mentionnée pour la premiére fois dans la lettre 29,11 comme étant le lieu des banquets bruyants en I’hon- neur de saint Léonce®, Mais ce ne fut pas I’église fondée par cet évéque, probablement non plus sa memoria. Saint Augustin I'appelle simplement a basilique des hérétiques. Tl semble donc que ce fut leur unique basi- lique. Comme nous l'avons déja dit, le texte de la lettre ne permet nul- lement de conclure qu’elle fut voisine de I’église catholique. La basilique donatiste a été confisquée vers 45/6 @ la suite de Pédit d’Honorius™, Saint Augustin fit afficher sur ses parois un recueil d’argu- ments et de textes dirigés contre les schismatiques“. Cet ouvrage est 37. Ovsar, 1, 15, CSEL, XXVI, 50 : etenim cum Africanos populos et orieutales et ceteros tanscrinos pax una coninngeret et ipsa unites representatis omnibus membris corpus eceleske ecaxularet, datebat hoe ctiabolas, qui semper de fratrum pace torquetur... pax deo placita apud omnes chrittianos poptlos habitabat. -~ Saint Optat attribue la paix & Comstantis, de fait il Wagit, selon Monceaux (Hist. litt, de PAfrique chréi., IVB, p. 39), de vod fils Comatant 7A CEE, Atmentist, Larchdolome chrétienne em Algérie, AWA det IIT Congreso interna iowele di archovkigis cristiana. Roma 1434, Pe 413% po. ©, Fasstom, XU, 16, Pu. XLI, 273. Posstpmes, ¢ xt : Pax Boclesiae atque unitas et cerpit et comectta est: c. XI : pucks unitas Bo Mawst, IV, 9 98, Les évéyues catholiques emploient les expressions ¢ unitas », « unitas vathotica », ¢ uitas est illic +, « Heclesia est illic 9. Bt Ch A. ScHvEIDER, ac, p. 153 © So. CSEL, XXXIV. 1, 33. Ch F. Mowceacx, Hist, le VAjrique chrét. Wy p. 73. MM. Retrast., 1, 53, 1 XVI, hg: ..cumque librum (i. e. Probationum et testi- mioaioram contra Donatistas liber) de edidi, ut in parietius basilice que Donatistaram fuemt, prius pmpositus legeretur LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROVALE Brn perdu. L’efficacité de cette propagande suppose que les adversaires continuaient 4 fréquenter leur église devenne catholique’. Les Donatistes s'en emparérent de nouveau, peut-étre déja du temps de leur évéque Proculeianus®, en tout cas sous son successent Macrobins. Le retour de celui-ci est attesté par Ia lettre ro8 qui est de l'année 400. Les Circoncellions redoublérent leurs violences contre les catholiques*’. Macrobius les y avait méme encouragés par ses exhortations prononcées dans la basilique récupérée. Saint Augustin lui éerit : « Malgré la présence de ces criminels, tu n’as pas lavé d’eau salée le dallage, ce que. aprés les nétres, tes cleres ont cri devoir faire® ». Les Donatistes avaient l'habi- tude de laver les liewx souillés, a ce qu’ils croyaient, par la présence des catholiques**. Nous pensons, avec Monceaux™, que selon ce texte les Donatistes récupérérent leur basilique, temporairement occupée par les catholiques. L’édit de tolérance du début de l'année 410, qui proclama la liberté de toutes les sectes*, fut certes une occasion propice”. Le sermon 46, prononcé vers la méme époque contre les Donatistes d'Hip- pone, nous en donne la certitude. « Certains de nos fréres se rendirent hier & leur basilique », dit le prédicateur au numéro 31. On pense qu'il s’agit de Maxime et de Théodore porteurs d’une lettre de saint Augustin™ et que Macrobius avaient mal recus*®, L/édit de proscription, publié par Marcellinus aprés la conférence de 411, suivi le 30 janvier 412 de la constitution d’'Honorius, décréta de nouveau V’attribution aux catholiques des églises donatistes*. L'ordre 85, TI semble que saint Augustin ait affiché dans la Basilique catholique également tes ‘Actes de la conférence de 44%. Cf. sermo 164, 9, 13. P-Ln, XXXVHL, gor : Gesta.... que jam proponenda Vestra Caritas lectura est. 88, 6. CSEL,, XXXIV, 2, 41 87. Epis!., 108, 5, 14. CSEL,, XXXIV, 2, .nos potins ista in tantis latrociniis Circam- cellionum clericorumque uestrorum experti sumus... quorum duces, quando te ingredientent in hac patria cum suis cuncis deduxerunt, deo laudes inter cantica comclumantes, quasi unees, uelut tuba prceliorum in suis omnibus latrocintis habuerunt. 88, Zhid, Alio tamen die coneussi ae stimulati aculels wetborum torus, que in ens per Punicum interpretem honesta et ingenua libertatis indignatione iaculatus 4 factis , par opposition & la « velus 17 qui est aussi la « minor 9%, encore du temps de saint Ambroise. Le capitulaire et évangéliaire ambro- sien de S. Giovanni Battista in Busto Arsizio, qui ne semble pas étre antérieur au x¢ siécle, désigne la cathédrale de Milan par le simple nom a’ «ecclesia», tandis qu’il précise les autres église de la ville : «ad sanctum Stefanum », « ad sanctam Mariam » etc. En Orient, 1’équivalent de « basilica maior » est le terme det Ia grande église, peyddy eeeAnota ». A Antioche, c’est celle qui a été construite par Constantin“, Saint Jean Chrysostome, Théodoret, Philostorge et Malabas ’appellent simplement « la grande église »', De méme Procope, qui ajoute qu’on la désigne aussi par le terme «1'église » sans autre quali- fication™?, Elle aussi a succédé a une ou plutét & deux « anciennes » basi- liques. La premigre remonterait aux temps apostoliques, selon une tradition locale™*, A Alexandrie, Constance fit ériger une église appelée «Ja grande » par saint Athanase!, Le synode d’Ephése de 431 se réunit dans la « grande église », connue sous le vocable de. Sainte-Marie™®, A Constantinople, empereur construisit, aprés les deux églises des Apdtres et de la Paix, celle de Sainte-Sophie, appelée de nouveau «la grande église ». Elle était tout proche (cvvfjwrat) de Sainte-Iréne, comprise dans la méme enceinte (apéBodov) de sorte que « les deux portaient un surnom (zpocwwpla) commun, celui de « Ja grande église »!48, supposons-nous. Socrate nous dit dans le méme texte, que l’empereur avait agrandi et embelli celle de la Paix parce qu’elle avait été auparavant petite. Celle-ci existait done déja, mais sous un autre nom!47, 1». 69-98 j A. DE CAPITANT D'AZAKGO, La Chiesa Maggiore di Milano Santa Tecla. Milano 1952, Pp. 3-275 O. Parcer, L'inscription du baptistéve de Sainte-Thécle a Milan at le De Sacramentis de saint Ambroise, dans Rivista. di Archeologia Cristian, XXVIT, 1952, p. 165 $8. 334. A. DE CAPITANI D'AZARGO, op. cit., p. T7 et 23, 135. Epist, 20, 1, et 13. PL. XVI, 994-907. 136, Epist, 20, 1 et 63, 68. PL, XVI, 994-1208. 137. Epist. 20, ro, P.L,, XVI, 997. 138. E - Pl, XVI, root. Ch. A. DE CAPITANT D'AZARGO, op. cit., p. 9 8 139. A. CAPITANI D'AZARGO, op. cit., p. 6r. (40: Vile Constantini, IIT, 50. GCS. Eus., I, p. 98 8, et Tricennal., IX, 15 ibid, p. 29x. CL W. Exresren, Die Kirchen Antiochias im IV Jahrhundert, dans Zeitschr. j. neutestament Wissensch., XXXVI, 1937, p. 256 3. " 14x. Les textes sont cités dans V'article d’Eurester, p. 258. 142, Procors, De bello Persico, I, 9, t4 (J. Haury I, 1905, p. 192). 143. Extester, art. cité, p. 272-278. 144. Apologia ad Const., XIV, 1. P.G., XXV, 612B ; Hist. Arian, LV, 2 et raccv,2 5 Mi, p. 214,16 et 224, 7.Ce fut le ¢ Kaisarcion », tae ree 145. CYRILLE D’ALEX,, epist. 23, P.G., LXXVIL, 133 D. 146. Socrate, Hixl. eccl., IL, 16. P.G., LXVIL, 217 B. 147. Ibid. Socrate affirme (ibid., I, 16. P.G., LXVIL, 11: Constanti: bid. sl » I, 16. PG, a nti Je nom d'Rirené a Véglise restaurée ct agrandie par lul. ae LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROVALE 317 Il résulte de tous ces exemples que la désignation « ecclesia maior » « éxrdnota peyddn » est une création du rv° sidcle, qu'elle devient £ré- quente a partir de Constantin qui favorisa la constrnction de nouvelles églises. Le comparatif « maior » implique l’existence d’une église « minor »- Celle-ci ne suffisant plus au nombre croissant des fidéles a été remplacée par la « Majeure », qui est appelée aussi la « nouvelle » par opposition a « Vancienne », Les exemples d’Antioche, de Constantinople et de Milan sont particuligrement instructifs. Les églises antérieures & Constantin étaient dénommées d’aprés leur fondateur™#, Par extension, et plus tard, le terme « basilica maior » a pu désigner L'église principale, épiscopale, cathédrale, surtout dans sa forme grecque, « la grande église ». A la lumitre de ces comparaisons la basilique construite par saint Léonce avant lorigine du donatisme ne peut étre, semble-t-il, V'église Majeure. Mais celle-ci doit étre 1a basilique de la Paix. Son nom Vindique deja, Comment alors expliquer le fait que le méme dimanche de Quasimodo saint Augustin préche, telle année, d’abord dans la chapelle des Vingt- Martyrs, ensuite, dans ’église Majeure (s. 257 et 258)", telle autre année, d'abord de nouveau dans la chapelle des Vingt-Martyrs, mais ensuite dans 1a basilique Iéontienne (s. 148 et 260) ? Faut-il admettre une faute de sténographe ou de copiste ? Faut-il renoncer A un ordre fixe dans le choix des sanctuaires destinés at culte dominical? Ni l'une ni l'autre possibilité ne sont a exclure. Mais avant dy recourir, il faut tenter d’autres explications. Ia basilique de saint Léonce aurait pu étre agrandie et recevoir pour cette raison le nom de « basilica Maior » et ainsi étre iden- tique également a l’église de la Paix. Il suffit de citer l’exemple de Sainte- Iréne a Constantinople qui avait certainement un autre nom avant la restauration de Constantin. La basilique Majeure de Milan, elle aussi, dédiée d’abord au Saint-Sauveur, a recu plus tard Je nom d’église Sainte- ‘Thacle, Cette fois ce serait encore un cas plutdt exceptionnel. La désigna- tion « antiqua ecclesia » donnée par la lettre 99,3 quisuppose une « nova », et la distinction des deux églises, ancienne et nouvelle, ne sont pas favo- tables a cette solution. Il est aussi possible que l’église Iéontienne ait été tout proche de la basilique Majeure, de sorte que les deux formaient un ensemble qui pouvait étre désigné par un vocable unique. Ainsi 'avertissement donné 148, J.P. Kinscx, Die rémischen Titelkirchen im Altertum, Paderborn, r9r8, p. 3 ss. Le méme dans Affi del IV Congresso di Archeologia Cristiana, Roma, 1940, vol. T, p, 113 8%. 149. On ne peut objecter que saint Augustin emploie le terme « in maiore basilica #, dans le sermon 325,2 par opposition & la chapelle des Vingt Martyrs of il préche. Car & son époque cest un terme technique. Cest pourquoi nous le trouvons dans la notice qui précéde le sermon 238. 150, L’evéque suit le mame ordre te dimanche du x5 novembre 408, selon le sermon 325, Cf, ciedessus, p. 313. 18 0. PERLER par saint Augustin dans le sermon 325,2 pourrait & la rigueur s’entendre, soit de la basilique de la Paix, soit de la basilique de saint Léonce, pat opposition aux autres églises excentriques. Le cas s'est présenté a Cons- tantinople : l'église de Sainte-Iréne et celle de Sainte-Sophie étaient si voisines l'une de l'autre qu’elles étaient désignées, au dire de Socrate, par tin nom unique, sans doute celui de « la grande église ». Le rdle que Féglis de saint Léonce jouait dans la vie liturgique de la communaut $1 s‘explique le mieux si elle est voisine de la maison de I'évéque et de Péglise de la Paix (Majeure), c'est-A-dite, si elle est située dans le méme quartier. Les fouilles de Djemilla, de Tébessa, de Timgad et, comme nous le verrons, d’Hippone aussi, ont démontré que les chrétiens formaient volontiers des quartiers 4 part, ayant souvent plusieurs églises, se trouvant en dehors du centre des villes romaines avec leur forum et leurs temples, plutat a la lisiére de la cité ou méme & Vextérieur des remparts'®?, Je ne pense pas qu'il faille mettre en doute, malgré l'absence de textes formels, 'identité de ta basilique Majeure avec celle de Ja Paix. Lune et mation sont du 1V° siécle, l'une et l'autre s'appliquent & un édifice grand et plus neuf. Comme le secrétarium de P’église de la Paix peut contenir les évéques du coneile plénier de 393, comme saint Augustin y organise la conférence avec le manichéen Félix et y fait élire comme successeur le prétre Eraclins en présence d’évéques, du clergé et des fiddles, elle doit étre Iéglise principale. L’ancienne éflise. Italica, matrone romaine, dont le procureur séjournait 4 Hippone™*, dt moins au moment de la rédaction de Ja lettre 99, s’est vivement intéressée une maison que saint Augustin aurait désiré acquérir parce qu'elle était contigué a son église. La maison appartenait A un jeune homme noble appelé Tulianus. Italica avait demandé par lettre des nouvelles de cette affaire!, Saint Augustin lui donne une réponse bréve qui exprime sa déception. Il remercie Italica de l'intérét qu'elle porte a Véglise en ajoutant qu’une solution n'a pas été trouvée : « Car celle (la maison) que nous pouvons donner en échange, ils ne la veulent pas ; celle qu’ils veulent, nous ne pouvons la donner. Car celle-ci n’a pas été laissée a I’Aglise par mon prédécesseur comme ils l'entendaient (dire) par erreur, mais c’est une St. Cf. chdessus, p. 306 et 315. 8, 553, Cf, St. GseLt, Les monuments antiques de Algérie, t. TI, p. 117, 0. t. 18. Epis, go. CSEL. XXXIV, 1, 533-535. 154. Cf, Goupaicum. CSI. LVI, 28. 485, CSEL. XXXIV, m, 333 ! de domo clarissimi et eyregii i nostris pagers ct cyregii iuuenis Juliani, que nostris LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 319 propriété privée, située au milieu de ses (de I’Eglise) anciens biens (predia) et elle fait bloc (coheereé) avec I’ancienne église, comme celle dont il est question (fait bloc) avec Mautre (église) 955, Dans ce texte il est question de trois maisons et de deux églises. Lune des maisons que saint Augustin désire avoir « est jointe & nos parois » (adhevet nostris parietibus). La fin de la lettre parait indiquer que ces parois sont les murs de l’église. Cette fois la contiguité est méme plus fortement exprimée (cohcerel)!5", Uned euxiéme maison que saint Augustin pourrait eéder, mais que I’on ne veut pas, n'a pas d'importance directe pour notre question. Elle ne peut d’ailleurs pas étre localisée. La troisigme que Y’on désire en échange, mais que saint Augustin ne peut donner parce que l’Eglise n’en est pas propriétaire, est située au milieu d’anciennes propriétés de I'glise, Elle est mitoyenne de l'autre, c'est-A-dire, de Vancienne église. IL n'est question que de deux églises (alferi-alferi), dans un sens exclusif, semble-t-il. L’une est dite : antiqua », ce qui n'implique pas nécessaire ment un état délabré, ruing, La contiguité d’une maison que Von désire acquétir lexclut plutét. Cette désignation suppose que l'autre église est plus récente que la premidre, mais non pas nécessairement netve. Les deux églises sont séparées l'une de l'autre. L’ancienne est située au milieu @« anciennes propriétés » de I'Eglise. « Predium » peut désigner toute propriété fonciére, jardin, terrain, maison, Le pluriel fait penser A un ensemble d’édifices et de cours, sinon de jardins, c’est-A-dire, A l’ancienne agglomération chrétienne, y compris l'ancienne maison de I’évéque. IL est vrai que toutes les maisons n'y étaient pas la propriété de I'Eglise bien que la contiguité le fit croire. L’autre des deux églises est, par oppo- sition & l'ancienne, la « neuve », quoiqu’elle ne soit pas ainsi désignée d'une maniére explicite. Elle aussi est comprise dans un ensemble de « predia ». La situation de Vadjectif au début du membre de la phrase, « inter antiqua cius predia», semble marquer une opposition aux « nova 356. Epist, 99,3, CSRI,. XXXIV, 1, 535, Ugnes 8-12 : de domo illa quid dicam, nisi beni- gnissine tue cure gratias agam? nam eam, quam dare possumus, nolunt, quam uolant autem, dare non possumus; neque enim sicut falso audierunt, a decessore meo telicta est ceclesiz, sed inter antiqua clus preedia possidetur et antiquee alteri ecclesize sic colveret quem- admodum ista, de qua agitur alteri, 157. Nous dounons le sens de + basilica + au mot « ecclesia antiqua +, Celul-ci a immédia- tement avant Ia signification de communauté + relicta est ecclesie +. Le premier sens se trouve par exemple dans le sermon 356,7 (édit. Lanmor, p. 137, ligne 7) ¢ postera ecclesize +, On pour- rait aussi penser dans le cas de Ia lettre 99 au sens plus large de « quartier de I"Bglise » tel que nous le trouvons dans De civ. Dei, XXIE, 8 (édit, DomBarr-Kaxs, TI, 579, ligne 30) et dans Possprus, Vita Aug., chap. v et xv, Dans ce cas, il ne serait pas nécessaire que ies maisons fussent contigués aux basiliques, Mais tel n'est pas le sens naturel, Sur le double sens du terme ¢ ecclesia », basilique ou communauté, Cf. epist. 190,19. 158, Le terme ayant ce sens se trouve dans l'énumération suivante : Habes multa boua ; aurum, argentum, gemmas, preedia, fatnilias, armenta, greges. Sermon du manuscrit 994. de 1a National-Bibliothek de Vieune, publié par D. C. Laasuor, dans Revue bénddicl., XIV, 1933, p. 101-107, ligne x62. Cf, J. P. Kansce, Die rimischen Titelkirchen im Alterium, p.43, 8. 3. 320 O. PERLER predia » sous-entendus. Saint Augustin désire compléter cet ensemble par Vacquisition de la maison de Julianus. . / Btant donné la qualité de Julianus (les termes « clarissimus et egregius » sont des titres de noblesse), il faut s’attendre 4 des maisons plutét impor- tantes et riches. Th est plus difficile de déterminer 1a position relative des deux agglo- mérations. Nous nous trouvons en tout cas 4 l'intérieur de la ville, ou du moins & sa lisitre. Les deux églises successives ont da étre destinées au culte ordinaire de la communauté. Elles ne paraissent pas étre trés éloignées l'une de l'autre. Le déplacement du centre ctiltuel ne se fait que pour des raisons impérieuses. A Rome, les églises du tv? siécle, qui avaient succédé aux anciennes « domus ecclesi@ », ont été construites a cété d’elles ou elles ont méme utilisé les fondations et les murs de ces | derniéres'®®. Il en est de méme de Sainte-Sophie et de Sainte-Iréne a Constantinople!®™, des deux anciennes églises successives d’Antioche!™. En Afrique, exemple le plus frappant et le mieux attesté est celui de Djemila. La grande église du ve siécle & cing nefs y est placée a cété de Vancienne basilique du 1v® sidele qui est plus petite!*, Si les gens de Julianus réclament, en échange de la maison voisine de l’église neuve, celle contigué a l’ancienne, il est probable que ces deux maisons n’étaient pas trop éloignées l'une de l'autre. Quelles sont ces deux églises ? Saint Augustin ne les désigne jamais par leur nom propre. Italica vivant 4 Rome ne les a probablement pas connues. Il semble d’abord que les désignations « antiqua » — (« nova ») et («minor ») — maior » de la lettre 99 et des sermons 325 /258 s’appliqu nt aux mémes édifices, Ten était ainsia Milan, a Constantinople, 4 Antioche™, Ce sont, conformément au résultat de nos analyses, deux églises succes- sives, voisines tout en étant distinctes, situées dans une agglomération d’édifices chrétiens, 4 l’intérieur ou a la lisidre de Ja cité, servant au culte ordinaire de la communauté. Les deux noms, celui de la basilique de saint Léonce et celui de l’église de la Paix, s’imposent en excluant les autres. Nous ne pensons pas qu'il faille entendre par I’ancienne église une église antérieure 4 la construction de Saint-Léonce. Deux indices s’oppose- raient a cette interprétation : J’existence de deux églises seulement, ce qui semble ressortir des termes calter-alier » de la lettre 99,3, et 'impor- 159. J-P. Kmscn, Die rémischen Titelhirchen im Alterium, p. 129 $8. et dans Ali del IV Coneresso internasionale di Archealogia Cristiana, vol. I, 1940, p. 113-126. x60. Cf, ci-dessus, p. 316. x6r. Cf, W. EXTesTer, art. atid, p. 272 8, x62. Cf. E, Aunsrrm, Aiti del IIT Congreso internasionale di Archeologia Cristiana, 1934, De 413-415. : 163. Cf. ch-dessus, p. 325 8. 164. Cf. ci-dessus, p. 319. LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROVALE 320 tance de V'agglomération « inter antiqua eius predia ». Car dans.ce cas il faudrait supposer trois centres catholiques ; le premier formé autour du sanctuaire du mi sitcle, le second autour de V’église de saint I,éonce, enfin le troisitme autour de I'église de la Paix. Cela semble exagéré. Nous apprenons par le sermon 355,45 que Julianus avait légué la maison en question a I’Eglise avant la fin de l'année 425. L/’évéque avait accepté ce legs parce que le donateur était décédé sans laisser de postérité, S'il Vavait nommé « clarissimus et egregius iuuenis » en 408 /9**, il 'appelle maintenant « filius Julianus >. Celui-ci avait-il regu entre-temps le baptéme ? La memoria de saint Etienne. Comme la memoria de saint Etienne est a proximité de I'église prin- cipale, nous en parlons ici. Elle a été construite par le diacre Eraclius et & ses frais!®, En janvier 426, date du sermon 356, elle s'imposait dans tout Véclat de sa nouveauté A l'admiration des fidéles d’Hippone. Des reli- ques avaient été apportées vers la fin de l'année 424 ou aut début de 425%, Ce peu de cendre (exiguus pulvis) avait attiré ce jour-la un peuple nom- breux!"®, Les reliques avaient été déposées dans un autel d'un sanc- tuaire dédié au premier martys”, Te jour de la dédicace tomba entre le 1g juin et le début du mois de juillet! Ce fut, semble-t-il, en année 425°. Un jour de Paques, probablement de l'année 426, Patil, jeune homme malade, originaire de Césarée en Cappadoce, y fut subitement guéri apras avoir visité d'autres sanctuaires sans succés. Sa scetr Palladia le fut de méme deux jours plus tard (le 13 avril 426), Saint Augustin nous en a laissé environ we année aprés les événements le récit détaillé dans la Cité de Diew"**. Nous possédons en plus les allocutions faites A cette 165. Fidit. Ianmor, p, 128, ligne 24 : Alii Iuliant Hereditatem suscepi, Quare ? Quia sine filiis defunctus est. 166. Lpist. 99, 1. CSEL. XXXIV, um, 533, ‘ 367. Sermo, 356, 7, dit. Lamon, p. 136, ligne 12, 168. De civ. Dei, X11, 8, édit. Domparz-Kats, t. IT, p. 577, ligne 24 : Nondum est autem biennium, ex quo apud Hipponem regium ccepit esse ista memoria. — Nous citerons Pédition de Dombart-Kalb dans les notes qui suivent sans répéter Ja citation complete, 369. Sermo, 327, 1. Pi, XXXVIM, 1435 : Exiguus pulvis tantum popwlum congregavit + cinis latet, beneficia patent. x70. Sermo, 318, 1. P.l,., XXXVII, 1437 : Exspectat Sanctitas Vestra scire quid hodie in isto loco positum sit, Reliquiz sunt primi et beatissimi Martyris Stephani... Commendatur ergo Caritati Vestre et locus et dies... Nos enim in isto loco non atam fecimus Stephano, sed de reliquiis Stephani aram Deo. w7, Ch, © Lasmon, Revise dénedict., LIX, 1947, p. 107. x72. La date donnée par D. C. Lambot pout la dédicace (juin-juillet), comparée aux données de la Cité de Diew, XXIL, van {p. 577, ligne 24) et des sermons 319 A 324, semble exiger cette année 425. Les sermons 319 A 324, pronottcés In semaine de PAques, seront par conséquent & dater de année suivante, KUNZREMANN, MA IT, p. 508 5, avait choisi Pannée 425. 173. De civ. Dei, XXU, vant, p. 579-582. 32a O. PERLER occasion, Elles sont enrichies de notes du sténographe. Le sermon g20t4 a &€é prononeé le jour de Paques aprés le miracle, le sermon 321" le iundi de Paques. Le prédicateur y promet de lire le jour suivant Je récit du miracle {Jibellus) qu'il veut encore compléter. Le mardi, l’évéque introduit la lecture du [ihellus (s, 322)" suivie immédiatement du sermon 3237. Pendant le sermon se produit Ja guérison de Palladia dans la chapelle voisine de saint Etienne. Il fut impossible de continuer Je sermon at milien des clameurs!”’, Il sera achevé le jour suivant'”, Nulle part ailleurs saint Augustin ne nous a donné des renseignements plus précis sur son église principale et sur la chapelle de saint Etienne. Car on n@ peut douter qu'il précha dans [église Majeure ou cathédrale, le matin de Paques et, selon toutes probabilités, de méme les jours suivants'*. Nous en déduisons les données suivantes : La basilique et la memoria sont trés proches. Frére et sceur, arrivés quinze jours avant Paques, visitérent tous les jours « Véglise et en elle la memoria du glorieux martyr Etienne (ecclesiam et in ca memoriam) ». Cette dernigre expression est ambigué. De fait, la memoria ne se trouve pas 4 l'intérieur de 1a basilique comme la suite le montrera. « Ecclesia » a donc ici un sens plus étendu. Le libeltus dit : « orabam in loco sbi est memo- ria >. Aumatinde Paques se produisit le premier miracle. « Partout l’église est remplie des voix de ceux qui crient et qui expriment leur joie». Lex- pression « ecclesia usquequague completa est » semble confirmer le méme sens large du terme « ecclesia ». Celui-ci comprend au moins la memoria et la basilique. De la (inde h, e. de ecclesia) l'un aprés l'autre vient raconter ce qui s'est passé a saint Augustin « assis 14 d’ot il allait partir » pour célabrer office de Paques™*. Le jeune homme guéri Iui-méme, ac-ompa- gné de plusieurs autres, vient se jeter a ses genoux et recoit le baiser de 183, Oi lévéque était-il assis en ce moment ? Dans le secretarium, ou 174. Sermo, 320, PL, XXXVI, 1442. 275. Sermo, 32%, ibid, 443- 176, Sermo, 322, ibid, 1443 8. 177, Sermo, 323, ibid., 1445S KUNZREMANN, MA IZ, p. 509 se trompe en intercalant ‘quelques jours entre Ia lecture du libellus et le sermon 323. De cis. Dei, p. 58z, ligne 8, suppose Je enatraire : Inter here recitato eorum libello de conspectu populi ¢os abire preecepi, et de tota ips causa aliquanto diligentius ceperam disputare. — C'est notre sermon 323. 278, De civ, Dei, XU, vist, fin p. 58x, 19 58. 179. Sermo, 324, Pala KXXVIIL, 1446 8. 180, Les vermons de Piques (et en général également ceux des jours suivants, semble-t-il) se pronongaient dans la méme basilique oit avait été céldbrée la Vigile de Piques. Cf, sermo 219 2215 223, 226,1, P-L, XXXVITI, 1087 ss. Pour Jes catécheses baptismales, cf, T-A. AUDET, Les catéchéses baplismales de saint Augustin, dans Augustinus Magister, I, p. 151-160. rir, De cit, Dei, p. 380, ligne 14. . 18a. Ibid. p. 580, ligne 15 : Inde ad me curritur, ubi sedebam iam me 15 : Ih ‘i processurus, — $i ce Jansags ait tout a fait preci il faudrait en concure que Tévéque se trouvait en dehors de ecclesia ». Sfais le terme + inde + peut se rapport i ‘memoria of Je miracle - peut se rapporter aussi bien A 1a memoria ol Je 183. Ibid. p. 380, ligne 18, LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 323 ce qui est plus probable, dans la domus episcopi ? Il nous serait utile de le savoir, mais le texte ne le précise pas. Ensuite saint Augustin s’avanga vers le peuple (procedimus), l’église (ecclesia) était pleine, elle retentissait des cris de joie : Deo gratias ! Deo laudes 1 » Arrivée au haut de l'abside Vévéque salua comme d’habitude le peuple qui I’acclama avec plus d’enthousiasme encore'®, Le calme étant revenu,, la lecture des Ecritures commence, Elle est suivie d’un bref sermon, c’est-a-dire, du sermon 320. Le jeune homme, miraculeusement guéri, est le sermon le plus éloquent, dit ’évéque qui est fatigué du jetine de Ja veille et des travaux de la vigile pascale, Le mardi, le récit (libellus) du miracle est prét, Saint Augustin le fait lire « sur les degrés de I’ex8dre » parlant Iui-méme du haut de la chaire épiscopale. Tl ordonna au jeune homme guéri et A sa sceur de se tenir debout sur les degrés de I’absidel®’. La foille les regarde, l'un guéri de son mal, l'autre toute tremblante. La lecture du libellus ter- minée, l'évéque les fait éloigner du peuplel®, Il commence son sermon, tirant une legon morale de la maladie des deux et exhortant les fid@les A prier pour que Palladia soit également guérie. C’est notre sermon 323. Tout a coup la parole du prédicateur est coupée par de nouvelles accla- mations qui viennent du cété de la memoria du martyr. Les regards des auditeurs se tournent instinctivement de ce c6té. Ils commencent tous A y courit ensemble, Palladia, étant descendue des degrés de l’abside, avait continué son chemin pour aller prier auprés du martyr. Ayant touché Jes cancels elle tomba évanouie et se releva bientot guérie. Pendant que saint Augustin s’enquiert dela raison des acclamations, des gens entrent dans Ja basilique avec Palladia la reconduisant du sanctuaire (laco) du martyr. Les acclamations unies aux larmes ne semblent alors pouvoir se terminer. Ia jeune fille est conduite a travers les fidéles jusqu’au haut de Vabside oi, peu auparavant, elle s'était tenue debout!®, La notice du sténographe qui a fixé par écrit I’allocution de saint Augustin, n’ajoute rien d’essentiel a ce récit dela Cité de Diew qui est d'une précision remarquable. Le notaire compléte cependant en spécifiant les acclamations : « Deo gratias. Christo laudes | »1*, Nous concluons de cette analyse, que I'église Majeure et la memoria de saint Etienne sont tout proches l’une de I’autre. La memoria n’est 184, On dirait que les voix des Donatistes (Deo laudes { était leur devise) se méldrent & celles des catholiques (Deo gratias |), Te sténographie du sermon 323,4 rendra les exclamation provoquées deux jours plus tard par la guérison de Palladia par les termes : ¢ Deo gratir Christo laudes! ». 185. Ibid., p. 580, ligne 23. 186. Ibid, p. 581, ligne 1 s. 287. 188, 189, Ibid., p. 582, ligne 10 55. 190. Sermo, 322, 4. P-L., XXXVI, 1444. In gradibus exedre, in qua de superiore loquebar loco 33: Tlla enim, ubi de gradibus descendit, in quibus stetera 334 O. PERLER cependant pas 4 l'intérieur de la basilique comme pourrait le faire croire le début du récit!™, Elle lui est annexe. Car Palladia sortit de la basilique. Lordre donné par l’évéque d’éloigner Paul et Palladia, « eos de conspectu populi abire praccepi », n'est peut-étre pas suffisamment clair; mais la continuation du texte ne laisse aucun doute : « Is sont entrés avec elle dans la basilique, 'emmenant guérie du sanctuaire (loco) du martyr »¥**, La memoria était-elle une chapelle annexe ott l’on avait accés de l'inté- rieur de la basilique par une porte ou par une ouverture munie ou non d'une courtine (corlina) de sorte que I’on aurait méme pu y suivre de ses yeux l'événement ? Le texte ne permet pas une telle précision. Mais une contiguité si étroite n'est pas exigée. On entend les acclamations qui viennent de la memoria. Les auditeurs se tournent de ce cdté (comverst sunt co). Cela n’implique pas nécessairement qu’ils aient vu de leurs yenx le spectacle. Saint Augustin en tout cas ne le vit pas, puisqu’il s'informa dela raison du bruit. Détournés du prédicateur par les acclamations, les auditenrs tendent les oreilles, les visages instinctivement vers le lieu @oit la rumeur provient. Nous ue faisons pas violence au texte en suppo- sant une chapelle séparée de la basilique, distante quoique proche delle, vers laquelle les auditeurs se seraient rués!, On serait entré avec Palladia par la porte principale. On l'aurait conduite a travers la foule, hommes et femmes, massée des deux cétés, jusqu’a l’abside surélevée, pour la mon- trer & toute l’assistance. Le mouvement du texte s’accorde bien avec cette interprétation ou reconstruction de l’événement!*. Les indications archéologiques suivantes sont a retenir : La basilique (Majeure) est désignée par son nom propre « Basilica » a Yendroit oi il ne peut s'agir que de Védifice (ingressi sunt basilicam). Elle comprend une « exédre! sou « absidel™ » a laquelle on monte par plusieurs degrés!7, Saint Augustin y parle au peuple d’un lieu surélevé, sans doute du trne réservé a l’évéque", L’évéque (ainsi que Palladia} avait traversé son entrée la foule qui occupait la nef. Arrivé 4 Pabside il salua le peuple qui l’acclama a son tour!®, La memoria est une chapelle plus petite comme lindique déja son rat. De civ, Dei, p. 579, ligne 3o + ecclesiam cotidie ct in ea memoriain frequentabant. 192, Ibid, p. sh, ligne £8 5, 193. Ibid p. $82, ligne x5 $8, : perrexerat... dum ergo requireremus quid factum fuerit,. . ingressi sunt cum illa in basilicam in qua eramus, adducentes cam sanam de martyris loco. tn}. Ibid, p. 581, ligne 18 ss. ¢ ingress! sunt ...in basilica... tum vero tantus ab utroque sexu adnirationis clamor exortus est, ut vox continuata cum lacrimis non videretur posse finiri, Perducta est ad eum tocum, ubi paulo ante steterat tremens. — Te sténographe du Sermon 3334, Poly XXXVIUL r44r, écrit : ad absidem perducta est, 393, De civ. Dei, p. 58r, ligne 196, Sermo, 323, 4, P.L,, XXXVIL, 1446. 107. De civ. Dei, p. 581, ligne 1-13. 198. Ibid, 581, ligne x. 199. Ibid, p. 580, ligne 23. LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 325 nom « memoria °°, Le sermon 319 emploie le terme non moins signifi- catif de « cella x*, Il exprime l’exiguité de I’édifice par rapport la basi- lique. C’est un lieu de pritre « orationum locus > dit le sermon 318, 32, suffisamment grand pour réunir un certain nombre de visiteurs. Les reliques da martyr, enfermées dans un reliquaire, étaient déposées dans, ow mieux, sous un autel®®, L/autel ou son emplacement était entouré de cancels (cancelli), auxquels Paul et Palladia s'étaient cramponnés dans leur détresse®, Une ouverture (fenestella confessionis) était probable- ment pratiquée dans les parois ajourées de l’autel™, Elle permettait de regarder a l'intérieur ou méme d’y passer des objets que l'on croyait sanctifiés par le contact du tombeau. Les exemples de ces « jenestella» ne sont pas rares en Afrique®®®. On en a trouvé une récemment & Waldeck- Rousseau”. L’expression « martyrium », employée dans la Cité de Dieu®® semble désigner le tombeau, c’est-A-dire, le teliquaire enfermé pro- bablement dans une cavité sous Vautel. L’équivalent latin serait plutét « conjessio », Il ne semble pas désigner I’autel Iui-méme, moins encore la chapelle, bien que ce dernier sens surtout ne soit pas inusité?. La memoria elle-méme a dai étre votitée. Saint Augustin, abrégeant un jour son sermon en Vhonneur de saint Etienne, s’en excuse en disant : « Lisez les quatre vers que j’ai fait écrire dans la chapelle (cella)... Pour que tous les retien- nent, ils sont peu nombreux ; pour que tous les lisent, ils sont éerits en lieu public. Nous n’avons pas besoin de chercher de livre (contenant le récit des miractes). Que la votite la-bas (camera sta) soit votre livre 1. 200. Tbid., 579, ligne, 30; 581, ligne rx; sermo 322; 324e4 aor. Seria, 31947, Pulp, XXXVIML, 1442. 202. Sermo, 318,3, P-L, XXXVI, t440. 203. Que les reliques étaient enfermées dans un reliquaire résulte du sermon 317.1, P.L,, XXXVI, 1435 : Exiguus pulvis tantum populum congregavit : cinis latet, beneficia patent, — T/autel est mentionné dans le sermon 318,1, P.l,, XXXVI, 1437 8. : Exspectat Sanctitas Vestra scire quid hodie in isto loco positum sit. Reliquize sunt primi et beatissimi Martyris Stephani... in isto loco non aram fecimus Stephano, sed de reliquiis Stephani aram Deo, A, BERSHLER, Les vestiges du christianisme antique dans la Numidie centrale, 1943, p. 186 et zor ss. fournit des exemples bien conservés, 204. De civ. Dei, p. 580, ligne $s, ; sermo, 322, Plu XXXVI, 1444. 205. Cf. J. BRAUN, Der christl. Altar., Miinchen, 1. TI, 1924, p. 561 ss. J. P. Kirsen- ‘rm, Kuavser, art, Altar IIT, dans Realleciton f. Antike 1s. Christentum, t. I, col, 343-354 206. Cf, A. BERTHIER, op. cit, Pl. XXIX, n. 59-60. 207. Dép. @Oran, cf. Lybica, T, 1953, p. 286 s. On peut aussi comparer la disposition du tombeau de saint Pierre au Vatican, décrite par Gricorae Dr LouRs, Lid. in gloria marlyrusm 27, MGH, $8 Rerum Mero., I, 1884, p. 503 5. Cf. J. Ruvsscuann, Rev, d'hist,ccelés., XUIX, 1954, B. 45- 208. De civ. Dei, p. 380, ligne 5. 209. H, Leccercg, Diet. darchdolog. et de liturg. chrét, X, 1, col. 2512-2523 apporte de nombreux textes; il pense (col. 2516) que mariyrium dans notre texte est synonyme de memoria, CE A. GRaaR, Martyrium, Parls, 1946 et A, Bentmmr, op. cil., p. axa 2x0. Sermo, 319,8, P.X., KXXVIIE, 1442 ; Quid vobis plus dicam et multum loquar? Legite quatuor versus, qlios in cella scripsimus, legite, tenete, in corde habete, Propterea enim eos ibi scribere voluimus, ut qui vult legat, quando vult legat. Ut omnes teneant, ideo pauci sunt : ut onines legant, ideo publice scripti sunt, Non opus est ut queeratur codex. + camera ista codex vester sit, + 356,7. 326 O. PERLER Aussi l’évéque renvoie-t-il la lecture du libellus au dimanche suivant, La lecture de 1a Bible (probablement le récit de la lapidation de saint Etienne) avait été longue et la chaleur était lourde. Nous sommes donc en été™, « Camera » désigne certainement la vottte. Saint Augustin écrit ailleurs; « vice camerae tabernaculum pellibus... tegebatur , Saint Paulin de Nole décrit ainsi l'abside d'une église de Nole, votitée et enjolivée d’une mosaique portant une inscription : « Adsidem solo et parietibus marmo= ratam camera musiuo inlusa clarificat, cujus picture: hi uersus sunt : Plena coruscat trinitas... etc®!8, » Nous pouvons supposer également dansla memo- ria d’Hippone une décoration en mosaique de la votite, peut-étre de Vabside. Elle a pu représenter la lapidation de saint Etienne et porter les quatre vers, probablement deux distiques. Possidius nous a conservé un distique gravé sur Ia table du triclinium™4. L’inscription de la memoria de saint Etienne semble perdue a jamais. Si nous l’entendons selon le contexte immédiat du sermon 319, elle a exalté la puissance d’interces- siondu martyr auprés de Dieu qui seutl opére les miracles, Elle a résumé Vhistoire du martyr, si nous l'interprétons 4 la lumiére des chapitres précédents du méme sermon commentant le chapitre vit des Actes des Apéires qui venait d'etre Iu, Le sermon 316,57 semble en effet faire allusion 4 une représentation de la lapidation de saint Etienne ; « Dulcis- sima pictura est hac, ubi videtis sanctum Stephanum lapidari 4, « Picturan peut désigner une mosaique, comme dans le texte de saint Paulin de Nole cité ci-dessus**, Mais ce sermon, oi a-t-il été prononcé ? Si c'est dans la chapelle desaint Etienne, il faudrait la supposer assez spacieuse™, Le prédicateur pourrait entendre par « pictura » le récit des Actes ou sa propre description. La description ou l’ekphrasis était en effet un procédé de style, dit asiatique, dont saint Augustina profondément subi l'influence. arr. D.C. Launor, Rev, dénedict., LIX, 1947, p. 107, a pu fixer Ja fin juin ou le début du mois de juillet, ara. Quast. in Hept. at3, E exemples, 214. Possiprus, Vita s. Aug., c. 22. 315, Sermo, 319) 5 Pe ina eh T434- Ainsi interpréte Vinseription A, Vaccanr, I versi di San Agostino, iad Catoliea, XCVIM, 1947, p, 212 5, ae 1947, P. 2zz 8, Ce sens semble étre exigé 216. Sermo, 319, 1-5, PI. KXXVIL, 1431-2434. Ainsi Pentend eee Hl, 1431-1434. Ainsi Ventend Sr, Gsxtt, Mon, ant, 217. PL, XXXVI, 1434. 318, Tes manuscrits 11, 702. (Corbelensis) et 2020 (Regius) de la Bibliotheque Ni de Paris, présentent la variante hic au lieu de hac. Elle serait plus forte Stole 219. Epist. 32, 10, CSEL, XXIX, 286, 220. D.C. Lanmon, Rev. benédicl., LIX, 1947, p. ro: te i zg Peinture représentant in seine du inartyre, 1” P “05 Peuse ae Vabside était omée d'une 2 ML, qu, CLXXVM, 23, CSEL, XXVIIT, 233. ist. 32, 10, CSEL, XXIX, 286. Le Thesaurus, vol. IIE, col, 203-204, donne d’autres LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 327 La memoria de saint Théogéne. Un matin de Pentecdte saint Augustin avait rassemblé ses fidéles dans la chapelle de Saint-Théogéne. Il y avait interprété tn texte du livre de Tobie se rapportant a la Pentecdte selon 1a version des Septante®. J'ignore 1a raison de cette cérémonie le jour de la Pentecdte, qui cette année (417) tomba Ie 0 juin. Une notice semblable se lit dans le sermon 273,7,7%% qui semble étre du 21 janvier 396%. Car ce jour on célébra I’anniversaixe des martyrs espagnols Fructuosus, Augurius et Eulogius, mais aussi celui de sainte Agnés (n® 6). Réfutant l'affirmation des paiens, qui identifiaient le cultedes martyrs avec celui des héros paiens, le prédicateur interroge ses auditeurs : « Quand avez-vous entendt dire de moi ou d’un de mes confréres dans V’épiscopat ow d’un prétre quelconque : J’offre le sacrifice A toi, saint ‘Théogéne ? »?# Ce Théogine doit étre ’évéque d’Hippone qui, en 256, assista au synode de Carthage présidé par saint, Cyprien®®, Saint Augustin explique chari- tablement son vote en faveur du baptéme unique catholique dans le De baptismo™, 'Théogéene a di mourir victime de fa persécution de Vale tien. Le martyrologe romain indique sa féte le 26 janvier™. La proximité decette féte est probablement la raison de sa mention dans le sermon 273. Car Théogéne ne figure dans aucune autre énumération de martyrs, pas méme dans La Cité de Dieu, livre XXU, 8. Sa memoria n’était par consé quent pas trés fréquentée, I faut Ia supposer au lien de sa sépulture, done en dehors de la ville. Peut-étre le sermon De uno martyre du manuscrit ‘Theol. Fol. 203 de la Landesbibliothek de Stuttgart, publié par Dom Lambot®8, a-t-il été prononcé le jour de la féte de notre martyr. Le prédicateur semble faire allusion au temps d’hiver®*, Or l’anniversaire de saint Théogéne se célébrait le 26 janvier™, 2ax. Sermo, Mai CLVIII 2 MA I, p. 381, ligne 24 : Audistis mane, qui fuistis intenti, cum legeretur lectio Tobia ad memoriam beati ‘Theogenis, quod in die pentecostes sibi fecerit prandium, ete, 222, Sermo, 273, 7 7 Ploy XXXVIL, r25r. 223. A. KUNZELMANN a. c, MA II, p. 492. 224, Quando audistis dict apud Memoriam sancti Theogenis, a me, vel ab aliquo fratre ct collega meo, vel ab aliquo presbytero, Offero tibi, sancte Theogenis ? 225, Sententia episcop. 14, CSEL, TIT, 1, De 443+ 226, De bapt. c. Donat., VI, 21, 36-37, CSEL, Tl, 317 8. 227, Martyrologium Romanum, édit, H. Daceuays, ete,, p. 36. 228. Rev. béndd., XLVI, 1934, P. 398-406. 229. Ibid., p. 400, ligne 64 88. : Si posset pecunia audire amatores suos, quam multi ei dicerent : Propter te duram hiemem in mari pertuli, propter te naufragia tanta sustinui, prop- ter te periclitans in fluctibus iacturam feci, etc. 230. D. C. LAMBUT pense (ibid., p. 409) «ue saint Augustin se trouvait en deliors d’#ippone, A cause des paroles : Beati mattyris natalis ilhwxit quem voluit tos domius:celebrare vobis- 28 0. PERLER La memoria des Vingt Martyrs. Saint Augustin y précha le dimanche de Quasimodo les sermons 257 *** et 148% et de nouveau le 15 novembre 408 le sermon 325%, Les actes des martyrs y étaient lus le jour anniversaire, c’est-d-dire, le 15 novembre, Saint Augustin cite nommément trois d’entre eux: l’évéque Fidentius, Valeriana et Victoria, dans le sermon 325,174 et une partie de l’interro- gatoire dans le sermon 326,2%%. Ces martyrs sont mentionnés de méme dans une énumération du sermon Morin IT,3°, On pense qu’ils ont été massacrés a la suite du IV® édit de Dioclétien et de Maximien®”, Fidentius est connu du martyrologe romain, La chapelle des Vingt Martyrs était trés célébre, nous dit saint Augus- tin dans la Cité de Dieu®°. Il y raconte que Florentius, tailleur d’Hippone, ayant perdu son manteau et n’ayant pas de quoi s’en procurer un notveau, s'adressa & ces martyrs. Des jeunes gens entendirent sa priére confiante dans leur chapelle, se moquérent de Iui et le suivirent apras sa sortie, Se promenant au bord de ja mer, le tailleur trouva un gros poisson rejeté par les flots. Il le vendit pour 300 folles 4 un certain Cattosus qui en éventrant l’animal y découvrit une bague en or. Cattosus la rendit a Vheurenx tailleur en disant : « Voici comment les Vingt Martyrs t'ont vétu! » Peut-étre est-il permis de conclure de ce récit, que la mémoria n’était pas trés éloignée du rivage de Ja mer. cum. —Comme Pévéque était souvent absent — on sait que ses fidéles s'en plaignaient:—, ces paroles auraient pu étre dites également A Hippone. — Je nose pas affirmer sur la base du texte du sermon 373,7 (P-I,,, XXXVIL, 1252) que la chapelle de saint Théogéne contenait Test vial que le texte assocte les apdtres a saint Théogene : aut offero tibi, Petre 7 aut offers Ubi Paule ? Cette association peut s'expliquer parla oflébrité des deux apotres, CE. surmo yay.0 PAL}. XXXVILL, 1448, ol les deux apétres cont mentionnés, cette fois etitéte, aver les Vingt Martyrs et le jour de leur anniversaire. De méme De civ. Dei, VIL, 27 (Donnant-Kave 166) + Offeru tibi sacrificium Petre vel Paule vel Cypriane, cum apud eorum memorias offeretar ea. 334, Sermo, 237, Plo XXXVIML, 1193 note 6 : Tractatus die Dominica memoriam sanctorum, — crestri-dire des Vingt Martyrs. Cela, semble seaulier Ace cen termons x48 et 260, comparés avec les sermons 257 et 248, ware nes U8, Piles XEXVIIE, 799 : le Dominico ottavarum Pasche dictus ad sanctos 233. CL. chdessus, p. 3136. 2u4. PAL., XXXVI, 1448, 235. Pil, XXXVI, 1450, 236. MAT, p. 505. 237. P. MoNceaux, Hist. litt. de Afrique chr Be ea SACS, itt de PAtrique ed, tT, p33 239. De civ. Dei, REIL. 8°11, p. 574, ligne 7 & LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 329 La basilique des Huit Martyrs. Le prétre Leporius avait biti cette basilique sur l’ordre de saint Augus- tin vers 425. Il avait recueilli des auménes pour Ja construction d’un hospice (xenodochium) et les fidéles avaient été si généreux qu'il restait de quoi ériger aussi la basilique™®, Au mois de janvier 426, date du sermon 356, elle venait d’étre achevée, Elle a dii remplacer un sanctuaire antérieur- Saint Augustin, préchant le jour de Sainte-Hulalie (le 10 décembre), énumére les Huit Martyrs avec les Vingt Martyrs, & la suite de sainte Eulalie, Crispine et Cyprien®", Sainte Crispine est 1a noble martyse de ‘Theveste, originaire de ‘Thagura (Tunisie), fétée le 5 décembre. La date de ce sermon est a chercher, selon Kunzelmann™®, entre 410 et 412. Lexiguité et la pauvreté de la memoria semblent avoir motivé la nouvelle construction, qui cette fois fut une véritable « basilique », érigée probablement sur les tombes des martyrs. Elle n'est pas mentionnée dans la Cité de Dieu lib. XXII 8. Le culte des Huit Martyrs ne parait done pas avoir été tr8s populaire. L’hospice. Nous citons a titre de complément I’hospice et les monastéres. Lhospice (xenodochiwm) a, été construit sur Vordre de l’évéque par le prétre Leporius. Celui-ci avait recueilli les auménes nécessaires a cette fin. L’hospice était sur le point d’étre achevé au début de l'année 426%, On peut se demander si I’affluence des palerins, occasionnée par le culte de saint Etienne et par la construction de sa memoria, n’avait pas rendu nécessaire, ou du moins souhaitable, cet établissement. L’é- véque ne pouvait pas recevoir A sa table tous les pélerins, comme il recevra Paul de Césarée Je jour de PAques 4264, Cet usage des hospices s’était d’ailleurs répandu de I’ Orient 4 I’Occident des la fin du 1v® siécle™®. Comme ces maisons étaient proches des sanctuaires visités, il faudrait situer celle d’Hippone dans le voisinage de la memoria de saint Etienne, & condition que notre supposition soit fondée. A Nole, l’hospice était si proche du sanctuaire de saint Félix que les pélerins pouvaient voir d'une 240. Sermo, 356, 10, édit. Tamon, p, 139, ligne 1. 24x. Monin, IZ, 2 MAT, p. 595. 242. KUNZBLMANN, a. c. MA IT, p. 462. 243. Sermo, 356, To, édit, Lauoz, p. 139, ligne 3. 244. De cto. Dei, XXII, 8, DoMPART-Katn, IT, p. 580. Remarquer cependant que fa memoria de saint Itienne a été construite par Eracltus, tandis que le xenodochium par Leporius et en méme temps, semble-til, que la basilique des Huit Martyrs, 245. Cl. BERNHARD KOrTING, Poregrinatio Religiosn, 1950, p. 365-86. 330 0. PERLER de ses fenétres le tombeau vénéré et suivre la célébration du sacrifice offert 4 son autel*8, Les monastéres. : Deux monastéres au moins ont été fondés 4 Hippone par saint Augustin lui-méme. Le premier fut le monastére des moines laiques. Saint Augustin désira vivre en moine, méme aprés son ordination. L'évaque Valére- connaissant le projet de son nouveau prétre, lui céda un jardin apparte- nant A l'église. C'est dans ce jardin que fut installé le premier couvent™’. Possidius précise que ce monastére fut © a V'intérieur de Végtise 1°, Frappé par l'expression « intra ecclesiam », Baronius pensa que Possidius avait confondu le monastére des laiques avec celui des clercs, dont il sera question tout 4 I’heure®*. On ne peut admettre cette erreur de la part du premier biographe du saint. Il avait trop longtemps vécu dans le monastére des laiques 4 Hippone. Son texte exige cependant une explica- tion, « Ecclesia » ne peut évidemment pas avoir le sens de « basilica », mais celui de « quartier de l’église ». Les fouilles des villes africaines ainsi que Ia lettre 99% attestent I'existence de ces agglomérations. Nous avons trouvé ce méme sens d’église-quartier dans les textes de la Cité de Diew relatifs 4 la memoria de saint Etienne. La encore saint Augustin écrivit : «eclesiam cotidie et in ea memoriam gloriosissimi Slephani frequentabant 2, Or nous apprenons par la suite du texte que 1a chapelle de saint Ftienne se trouvait dant le voisinage de la basilique et non dans celle-ci®®?, Possi- dius lui-méme atteste le double sens du terme : « Scio item non solus ipse, vero etiam alii jratres et conservi, qui nobiscum intra Hipponensem Eccle- siam cum eodem sancto viro vivebant, nobis pariter ad mensam constilutis eum dixisse : Advertistis hodie in ecclesia meum sermonem... etc. »°5, Possidius, ayant été moine laique a Hippone avant son élévation a 1’épi- Scopat, doit vouloir parler encore cette fois du monastére « intra ecclesiam» dans lequel il a vécu avec d'autres confréres, Saint Augustin, par contre, parle de la basilique dans laquelle il avait préché*, Ce monastére devint 240. Tide, p. 380 selon Carmen 28, 146 8, et 27, 4oo-yor; 452-154, CSEL, XXX, 297, 7) 8, 282. 247, Sermo, 35542, @dit. Laatmor, p, 125, ligne 22 5. : Valerius dedit mihi hortum illum, it quo mune est monasterium, 248. Vita August. c. ¥ ; Pactus ergo presbyter monasteriunt intra ecclesiam mox instituit, 249. Vila S. Augustini, lib, IL, cv, Tet IV, ¢, 2,7, Pn, XXXIL, 174, et 222 5. ago. Cf, eb-dessus, p. 319. 251. De civ. Dei, XXII, 8, t. IL, p. 579, ligne 30 5. 392. Ch, chdexsts, p. 322 5. 253. Vite Augustini, ¢. 15, 354. A. HaRwack, Possidius' Augustinus' Leben, Abhandl. d. Preuss. Ahad. d. Wissensch, Phil. hist, Abt. Nr. 1, p. 30, traduits innerhalb des Grundatiickes +. Ce n'est pas faux, mais ne rend pas le sens de quartier de I'Bglise. AD. ZUMEELLER, Das MOnchism d. hl. Augue. LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 331 une pépinitre de prétres et d’évéques**, Ayant succédé en 396 a Valére, Augustin transforma fa maison épiscopale en monastére de clers™*, Cela exigea un aménagement de cette maison, peut-étre méme de nouvelles constructions. Les sermons 355 et 356%? ainsi que la lettre 21375 nous attestent la présence de deux sous-diacres, de six diacres : Eraclius, Fausti- nus, Hipponensis, Lazarus, Severus, Valens, et de huit prétres, Barnabas. Fortunatianus, Ianuarius, Lazarus, Leporius, Rusticus, Saturninus et Heraclius*®, Mais cette liste n'est peut-étre pas complete’, Le couvent des femmes, mentionné dans le sermon 355,3,6,% a été dirigé selon Possidius par la sceur du Saint Nous ne nous occuperons pas d'autres monastéres fondés dans le voi- sinage d’Hippone par les prétres Leporius et Barnabé®*. Possidius parle de monastéres d’hommes et de femmes remplis d’ascétes et pourvus de supérieurs?™4, Ayant passé en revue les édifices sacrées d'Hippone, nous constatons le succés d'un apostolat sans tréve. Les nouvelles constructions en sont la manifestation visible, bien que l’évéque ne s’en occupat pas personnel- lement. Il laissa ce soin & d’autres®5, Nous compreuons qu’aprés la confiscation des biens des Donatistes, qui ne cessaient de s’en plaindre*, tinus. Warzburg, 1950, p. 62 8. ne précise pas aménagement du monastére ; mais celui-ci abritait sclon ui une comnnunauté assez grande, Ti comprenait conformément & la régle (dont Ja date est discutable) cuisine, réfectoire, magasins pour les habits ct pour les vivres. Le dortoir semble avoir été commun. L/oratoire n'y manquait pas, ni une petite bibliotheque 285. Possiprus, Vita s. August., c. 11. Cf, P, Monceaux, Saint Augustin ef saint Antoine, MATL, p. 778 256, Sermo, 355,2, dit. Lavon, p, 126, ligne 4 5. : Tt volut habere in dumo ista episeopt monasterium clericorum, 257. Edit, Laxcnor, p. 258. CSEL, LVIL, 3 259. CE, P, MONCEAUS a.c.MA IL, p, 82, Heractius mentionné comme prétee dans la lettre 21 5 du mois de septembre 426 semble étre le méme que le diacre Eraclius du sermon 3567 qui est du début de la méme année, 260. Sermo 356,8 (édit. Lanmor, p. 137, ligne 21) présente dans certains manuscrits (de: Bamberg) Ja variante subdiaconi ou dans dautres subdiacones, Lambot préfére la variante diaconi contre les éditeurs du xvi siéele, Ie nombre de deux sous-diacres seulement (8. 356.3) semble petit, 26x. Edit. Tanmor, p. 126, ligne 15 et p. 130, ligne 25 5. 262, Possirus, Vita s. August., ¢. 26. 263, Sermo 356,xo ct 15 édit. LAMDOn, p, 138 et 142. Cf. P. MONCRAUS a.c., MATT, p. 828. 264. Possiprus, Vila s. Angust., ©. 3%. 265, Possmpiws, Vila s. August. c, 24 ; fabricarum novarum numquam studium tabuit, devitans in eis implicationem sui animi,,. on tamen illa volentes et acdificantes prohibebat, nisi tantum immoderatos. 266. In Joh. ir. VI 25, Pil. XXXV, 1436. 332 O, PERLER Jes ressources nécessaires ces constructions ne devaient pas manquer®*”, Mais les charges aussi s’étaient accrues*®*, Les fidéles se montraient @ailleurs si généreux que l’évéque refusait souvent les donations faites a Péglise. On lui en avait fait des reproches **. On est d’autre part frappé par le fait que de nouvelles églises, devant servir au culte ordinaire, n’ont pas été construites, malgré le nombre croissant des fidéles, surtout a partir de la conversion des Donatistes. a memoria de saint Etienne était une chapelle de dimensions modestes. Ia basilique des Huit Martyrs semble s’étre trouvée en dehors de la ville et elle était destinée au culte des martyrs. Il parait done que les églises, existantes dés avant !’artivée de saint Augustin, suffisaient aux foules accrues. C’est une raison de plus, semble-t-il, pour admettre la distinction entre l’église de la Paix et celle de saint Léonce, servant I’'une et l'autre au culte ordinaire?”, Il faut supposer que la basiliqne des Donatistes, elle aussi, avait été affectée an culte catholique. Le nombre relativement grand de prétres mentionnés ci-dessus nots invite d’ailleurs 4 admettre cette solution. Il n’en reste pas moins vrai que l’église principale était le lieu ott se célébrait, sous la présidence de Pévéque, Voffice solennel, ordinaire. Seule une basilique vaste a pu y suffire. Il. — L'EGLISE PRINCIPALE D’HIPPONE-LA-ROYALE Nous réunissons sous cetitre les indications assez nombreuses (et certes pas complates) qui font allusion a l’ensemble architectural ou a l’emplace- ment de la basilique principale, A la suite de M. Marec nous pourrions Vappeler Véglise cathédrale parce que c'est I’église ol-se trouve 1a chaire (cathedra) du haut de laquelle I’évétue parlait habituellement a ses fidales. Ces textes ne la désignent jamais par son nom propre « d’église de la Paix » ou d’ « église Majeure ». Le terme qui lui conviendrait peut-étre le mieux a pu étre celui d’« église » sans autre qualificatif?”, Nous ne som- mes dailleurs pas toujours sizs que ces allusions se rapportent A notre cathédrale. D’ott la ‘nécessité de garder une prudente réserve au moins a L'égard de certaines d’entre elles. 267. Ci. In lelire 126,7, CSEL, XIAV, 13 qui est pourtant d’avant Pédit de qzx/t2_; Vix uigesima particula res mea paterma existimari potest in comparatione prediorum ecclesize, que nunc ut dominus existimor possidere. 268. Cf. Cue, Courtors, Les Vandales et 'Ajrique, Pats 1953, p. 139- 1269. Ch. sermo 355-356. 270, M.A. BERTRIER op. cit., p. 167 est étonné du grand nombre des basiliques en Numidie, mémie dans des localités de moindre importance. Tl en compte sept a Qued Rhezel. 271. Cf. les notes 68 8, et 142. LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 333 Sa description, La basilique principale a été sans doute de forme oblongue comme la plupart des basiliques africaines?”®, Le prédicateur exprime plus d'une fois son admiration au sujet de l’am- pleur de I’édifice:« Quomodo debet eum, qui hane domum magnam iniravit, intanta ejus festivitate vigilare», dit! évéque pendant une vigile de Paques*”*. Mais nous avons vu qu’il est dit également de la basilique léontienne : totum tam magnae basilicae spatium », & condition que notre interpréta- tion de la lettre 29 soit exacte®™, M. E. Marec cite” avec ingéniosité un texte du commentaire sur la premiére éptire de saint Jean qui permettrait de préciser les mesures, cent coudées pour 1a longueur, cinquante pour la Jargeur ou 44 m. 30 sur 22m, 15", It s'agit sans doute de mesures approxi- matives, « verbi gratia », dit le texte, mais l'indication reste précieuse. Parmi les parties de la basilique, l’abside surélevée, i’emplacement de l'autel entouré de cancels et les nefs séparées, par des colonnes, sont men- tionnés explicitement. Nous avons résumé ci-dessus les données’’, que le récit de la guérison de Paul de Césarée et de sa sceur permettait de recueillir. I’ « exédre » ou Tc abside » est séparée de la nef par plusieurs degrés*”®, Saint Augustin y parle d'une chaire surélevée®™, I! semble légitime de situer dans la méme église l’affaire du riche Pinianus que le peuple d’Hippone, le désirant avoir comme prétre, voulut faire ordonner de force au printemps de l’année 4110, Limportance de Vacte et la présence de plusieurs évéques’®! sem- blent Vindiquer, mais nous n’en avons pas la certitude absolue. L’élection 272. Quast. in Heptat, UL qu. 277,, CSEL, XXVIEI, 209 + forma tabernaculi..., utmam quadra an rotunda sit an oblongam habeat quadraturam Jateribus longioribus brevioribus frontibus sicut plereque basilice construuntur. 1273. Sermo 219 fin. P.1,, XXXVI, 1088, de date incerlaine. In epist. Joh., cap. 3) t.1¥; 9, PI, KEXY, 2010 : Basilica ista ampla. Sermo Mat 326,4 MAT, p. 358s, Cf. note 305. Enar. jin Ps, xaz,4, PI, XXXVIL, x62r : Corpora edificaverunt istam structuram, quam videtis amplam surrexisse, hujus basilice, 11 est vrai queS. M. ZARB, Chronalogia Enarrationum S. Aug. in Psalmos, Angelicum XVII, 2940, p. 278, place ce sermon & Carthage. 274. Ch, ei-dessis p. 306. 275. Augustinus Magister, I, ac. p. 15 276, In epist. Joh., ¢. 1H, tr. IV, 5, Pl. XXXV, 2010: Comparant notre justice avec celle de Dieu qui, tout en gerdant une certaine proportiounalité, ne sont jamais égales, Veveque continie ; Quomodo, verbi gratia, visa basilica ista ampla, si velit facere aliquis minorem sed tamch proportione ad mensuras ejus, ut verbi gratia, si lata est ista simplum, et long Guplum ; faciat et file latam simplum, ef longam duplum : videtur sic fecisse sicut est iste Sed ista habet,,verbi gratia, centum cubitos, illa triginta : et sic est, et impar est. — Les homé- Ties ont éte prononcées pendant la semaine de Paques de l'année 416 & Hippone, nous sup- ‘posons Gans Véglise principale, mais nous n'en avons pas Ja certitude, 277. D- 824 8 278, Tn gradibus exedrae, de gradibus descendit. 279. Tn qua de superiore loquebar loco, 280. Epist. 125-126, CSEL, XLIV, 3-18. aBr. Epis. 126,5, CSEL, XLIV, 11. a4 O. PERLER d’Eraclius, qui fut un év/nement semblable, eut lieu en tout cas dans Véglise de la Paix®*. L’épisode, qui risquait de dégénérer en révolte, se passa certainement dans I'église*, et 4 l'occasion du sacrifice : aprés 'in- cident les catéchuménes sont renvoyés™!. L'évéque se tient avec le clergé dans Vabside, oa montérent aussi les représentants du peuple pour discu- ter avec l’éveque®S, Pinianus et sa mére s’y étaient également entretenus avec l'évéque™. La foule était massée devant les degrés de l’abside™”. Pour sortir de la basilique, saint Augustin aurait di traverser avec Alypius (évéque de Thagaste), les foules réunies dans les nefs®*. Au début de la révolte, févéque était descendu vers le peuple pour le calmer. IL revint aux banquettes (subsellia)*®, La mention des « subsellia nostra » étonne. Ceux-ci étaient réservés aux prétres, tandis que 'évéque occupait la chaire placée au fond de Vabside. N’y avait-il pas de chaire épiscopale ? Ne serions-nous pas dans l’église cathédrale? A supposer que saint Augus- tin emploie un langage précis, technique, on pourrait, on doit méme éluder la difficulté en invoquant l’usage de céder la présidence a un évéque étranger™, Or nous savons que I'évéque de Thagaste, Alypius, au moins lui, sinon d'autres évéques®!, fut présent. Le langage de saint Augustin semble donc étre trés exact. Loin d’exclure une chaire épiscopale, il la suppose, Celle-ci étant le symbole de l’évéque ne manquait jamais dans les églises cathédrales, tant catholiques que donatistes®™*. C'est de l’abside que l'évéque salue le peuple avec la formule « Dominus vobiscum », C’est également du haut de l’abside que se font les lectures**. L'autel était placé en dehors de l’abside. S'adressant aux néophytes le matin de Paques, saint Augustin leur dit : « Ce que tu as entendu (a 382. Epist. 213, CSET, LVM, 3 38}. Epist. 1262, CSEL, XEAV, 9 : erat metus ipse communts ac propter ecclesiam, in qua eranms, maxime metuens abscedere cogitabam. 284. Ibid. 5, Te 11s 285. [di t, p. 8: dleebam ego, quibs poteram, qui ad nos in absidem honoratiores ot wraviores ascenderant, 286. Epi, 125, 2, p. 3-4 1 mee ipsa (Albina} tantum uerwm etiam saneti Mii efus, qui hos etiam inst die in abside dixerunt, ak7. Bhist,, 126, 1, p. 8: multitude wero pro gradibus constituta, 288, Tos. ap. deinde, xi cnn Cratre Alypio discederem per populum constipatum, cauendum fit, ne quisquam in eum manum mittere auderet. : 389. Laid. 1, p. $2 ad nostra subsellin relicta turba redferam, 290. Eph, 128, 3, CSEL, XEIV, 32 + Poterlt quippe unusquisque nostrum honoris sibi socio copulato, nicissim sedere eminentius, sicut peregrina episcopo iuxta consistente collega, I wagit de la proposition faite par saint Augustin aux Donatistes avant la conférence de 4rt CL. sermo 359.5, Puli SXXIX, 1594: Diximus, ut ambo sedeant in una simplici basilica ; ite in cathedra chtistiana, ille in haetica quasi collega juxta sedeat, 49%. Epis, 126, 5, D. te 292. Epist., 23, 3 adressée a1 293. Sermo Guelferbyt. 7,3, MA I, p. 463, prononcé le jour de Paques. _ 294. De civ, Dei 11, 28, édit, Dospart-Kata I, p. 95, ligne x s, : ubl sancta seriptura iusti- tizque doctrina de superiors loco in conspectu omnium personante et qui faciunt audiant ad premimn, etc. LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 335 Yoffice de la nuit précédente) a la table du Seigneur: «Dominus vobiscum », nous avons !’habitude de le dire aussi lorsque nous saluons (le peuple) du haut de I’abside »***, L’autel et I’abside sont donc séparés, localement dis- tants. Comme nous savons par ailleurs que le guadratum populi était séparé de 'abside par plusieurs degrés, nous sommes autorisé 4 donner Je sens « du haut de l'abside » a 1a préposition « de abside », Les fouilles ont mis 4 jour diverses dispositions. Au dire de Gsell, l’autel « se dressait tantdt dans I’abside méme (Lambése, Matifou, Sériana, Tigzirt, ete.) tantot entre les deux petits escaliers qui y couduisaient, sur une sorte de socle de plain-pied avec le presbyterium (Bénian, Tigzirt & la premitre époque, Castiglione : mais l’emplacement n'est pas certain), tantét dans Ja nef, a une distance plus ou moins grande de l’abside (Morsott, Kherbet el Ousfane, Sériana, Tébessa, Timgad). C’était cette deriére place qu'il occupait le plus fréquemment ». Il n'y a pas & hésiter sur la disposition. de I’autel dans V’église cathédrale d’Hippone. L’autel se trouvait au pied de Yabside dans la nef conformément au texte du sermon Guelferby- tanus VIL 3, cité ci-dessus. Il était séparé des collatéraux et de la nef centrale par des clétures «cancelli ». Ta place ainsi isolée était réservée A l'évéque et aux ministres qui le servaient pendant l'oblation, mais aussi aux néophytes pendant Foctave qui suivait le baptéme””. L’autel A forme de table (mensa), et probablement en bois™, était placé au milieu™. C'est pourquoi le prédica- teur Je leur montre souvent, placé sous leurs yeux, chargé du pain et du calice eucharistiques™, Pendant la conférence avec le manichéen Félix, qui eut lieu dans la 295. Sermo Guelferbyt. 7,3, MA T, p. 463, ligne 28s. : Quod autem andisti ad mensam aomini, Dominus vobiscum, hoc et quando de abside salutamus dicere solemus. 296. ST. GSELL, Les monuments antiques de VAlgerie, t. U1, p. 146. 397. Sermo Mai 94, 7, MA I, p, 338 de date inconnue ; Cunt autem, quod hodicmo die sol- lemniter geritur, ex istis cancellis, quibus uos a ceteris distinguebat spiritalis infantia, populi pennixti fueritis, bonis inhoerete. Cf. serma Guelferbyt. 17. 2) MA T, p. 500: Miscendi estis hodie numero populoram, La lettre 34, 2, CSEL, XXXIV, 2, 24 parle dircetement de fa basi- lique donatiste, mais usage semble avoir été ytmeral, ef. Rev. bénddiet, X, 1927) De 6. 73, ete, Le jeune homme d'Hippone rebaptisé par les Donatistes ¢ constituitur intra canicellos ‘eminens atque conspicnus #. Si aucun de ces textes ne peut tre affirme avec certitude absolue de Ta cathédrale (le sermo 260 a été pronouct te dimanche de Quasimodo dans ta basilique Kontienne), il en est autrement de ta conférence avee te manichéen Felix, cf. ote 301. 298. Cf, Sr, GSELL, Les monuments antiques de PAlgéric, t. 1, p. 143, note 5, OFEAT, 2,21 ct 6,1, CEL, XXVI, 59 ct 143. Aucusr., C, Crescon., WEE, 43, 47, CSEL, Lil, 4545 epist., 185, 27, CSEL, LVIT, 25. 299. Sermo 132,1, PT, XNXVUL, 735 + Christus quotidie pascit, mensa ipslus est illa in medio constituta, 300. Ibid. De méme sermo 214,1, P.1, XXXVILL, 1065 (premier sermon de s. Aug. a Hippone qquinze jours avant Paques) : Jam ministrantes altari, quo accessurl estis adsistimus, Sermo 272. PE. XXXVI, 1246 8. (le jour de la Peuteedte). Hoc quod videtis in altari, etiam transacta nocte vidistis.... mysterium vestrum in mensa Dominica positum. Denis VZ, MAT, p. 29 5 Hoe quod videtis, carissimi, in mensa Dominl, panis est et vinum. 2... eum iste panis indicet unitatem... ibi vos estis in mensa, et ibi vos estis in calice. Guelferb, 7.35 MAT, p. 463 §. = Quod autem audisti ad mensam Domini... vide quid dicatis ad altare dei ao OQ. PERLER basilique dela Paix, saint Augustin discute avec son adversaire soit dans Yabside, soit plus probablement devant elle, a l'intérieur des cancels. Les fidétes qui suivent le débat se pressent contre ceux-ciMl, 7 On peut admettre, sans risque d’erreur, qu'une basilique de l’impor- tance de l'église principale d'Hippone était divisée en plusieurs nefs conformément a Tarchitecttire de l'Afrique chrétienne3#?, [es mesures apptoximatives données par Mhomélie IV du commentaire sur la pre- mitre Epitre de saint Jean Vexigent d’ailleurs™, Le sermon Mai 126,4 qui est, selon Kunzelmann™, des dernitres années 425-430, sans que nous puis- sions affirmer avec certitude qu'il ait été prononcé 4 Hippone, mentionne les colonnes™*. I'ampleur du récit trahit l'admiration dont le prédica- teur et les auditeurs sont saisis & la vue des dimensions de 1a basilique, du nombre et de la hauteur des colonnes, de I’élévation du toit. Les colonnes sont nommées cing fois en vingt lignes™*, Les colonnes étaient probablement li¢es entre elles par des arcades cintrées en demi-cercle comme c'est le cas pour toutes les églises de I'Afrique latine™?, Malheureu- sement, aucun texte ne nows indique le nombre des rangées de colonnes, cest-A-dire le nombre des nefs. Saint Augustin écrit dans Ja.Cité de Dien que les fidéles assistaient aux offices séparés d'aprés les sexes, On peut imaginer cette séparation de deux maniéres:ou bien les hommes étaient plus prés du chceur, les femmes venant aprés eux, les deux groupes occupant toute la largeur de la basi- lique ; telle est la disposition prescrite par la Didascalie®™ ; ou bien les sor. De actis cum Felice Manicheo, I, 20, CS! XV, 2, 826 + Flige tibi, dit s. Aug. a Fells, allquem de presentibus fratribus, qui ad cancellum stant. Felix dixit : Sed cum illo qual est in medio, joa. Cf, St. Gsmnt, Les monum, ans. de PAlgérie, t. TL, p. 125 s& 304. In epist. Joh. te, TV, 9, ef. chdessus p. 333. JOL AG MATE, p. $07. jos. Sermy Mar 128.4, MA 1, p. 358 8. : Tamquam si quixquam istam fabricam ingressus swoneraret coksminas, metiretur quot culitorum essent, colligeret altitudinem tecti, latitudinem: fucrimenth, vtatusonque parictum, ef remuntiaret tibi de omnibus numerum..., sed wstimaret columns star, ioc tectuin, istas parietes, sua viet natura, mullo auctore extitises aut alical pastl fubricwe tuhes eam tibweret potentiam, ut ab ipsa cetera constructa ense sentiret : et Pe cam disisers, Homa fecit hane fabeicam ; ille diceret, Quis homo? quando homo potuit base fabricain fabricate? Tectumt hoc quod vides altum, ipstim tectum fabricavit ista cmnia SEx Semis hasilia, Non dico devipienss, delirus tibi apparet, Et quid ef prodesaet, quod tibt Jeermnt columnarits totinsyue fabricue mnmeros computaret, et diceret quod tu neseires ? [ite petles preditws scientia, actorew huins fabriae seires : plus est enim nosse quia home eat {isla Pathate facturn west. quia rationall mente constructum est, quia consiiui priceeest ane motets capuant seite quot cubitorann columna sit, vel quot sint columnue, vel quam Intent parimentim aut tectuin sof. Le terms 2 a ontoame. Mais il sen MA IT, p. 305, 307. St. Gabe, Lev monuments antiques de PAladrie, We p. 120. oitere pagitt H. a4, Dounant- Karn, tL p. og! Popiili contluunt ad ecclesias casta celebritate honesta utriusyue semus discretione, fo TE Sr. 48, edit. FUNK, tT, p. x60; lit, Conotnx, chap. x11, p. 119. "2 fait une autre fois appel A la métaphore de a Carthage, selon KUNZtMANN du moins a.c. LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROVALE 337 hommes occupaient la nef de droite, les femmes celle de gauche ; c'est la disposition prévue par le Testamentum D. N. Iesw Christi, On sait que Ja question est débattue jusqu’a nos jours™, Un texte de saint Augustin pourrait contenir un indice en faveur de la deuxiéme solution. Commen- tant pendant la semaine de Paques la premiére Epitre de saint Jean, Tévéque exhorte : « Baptizentur omnes, intrent ecclesias, faciant parietes basilicarum : non discernentur filii Dei a filiis diaboli nisi caritate™*. Les fidéles forment les parois des basiliques s’ils se tiennent du cété des deux murs. Dans ce cas il est plus normel de supposer que la division en deux rangées correspondait a la division des deux sexes, c’est-a-dire, que les hommes occupaient le cété droit, les femmes celui de gauche. Le chceur de plusieurs basiliques africaines se prolonge en effet trés loin dans le vaisseau médian*, Dans d'autres on trouve des traces de bar- rigres entre la nef et les bas-cétés, méme en dehors du choeur®8, I! est vrai qu’ailleurs ['église est coupée par un mur transversal", ce qui laisserait supposer une disposition différente. Mais c’est l'exception. On sait que les fidéles restaient debout. Des bancs ne paraissaient donc pas exister™?, Les églises de I'Algérie ont rarement plus d'une entrée, pratiquée au milieu de la fagade®!*. Les entrées latérales sont rares*!*, Saint Augus- tin ne mentionne pas explicitement l’entrée principale. Mais plusieurs textes cités ci-dessus** supposent que l’évéque entrait par elle et qu'il en sortait, Il avait chaque fois 4 traverser les foules réunies dans les nefs. Une seule fois il parle d’une petite entrée (posiera) probablement latérale. Car a partir d’elle s’étendait une place, que le diacre Eraclius avait achetée pour y construire une maison*, Exaclius avait pensé y héberger sa mére. aro. I, 19, édit, RAMMANT, p. 25. 311. CE 82, Gsatt, Les monum. ant. de l'Algerie, t. 11, p. 148 : Rien n'indique que leshommes se soient temus dans le bas-cbté droit et les femmes dans Ie bas-cdté gauche, FR. W. DRICHMANN, art, Basilika dans Reallexikon j. Antike 1, Christentum, t. I, 1950, ¢. 1256 pense autrement : de méme A, Rreot, H.-G, Evers, les deux cités par DercamaNw. Tx, Krauser et R, EoGer sont davis que Jes bas-c6tés n°étaient que des corridors. 3ia, In epist, Job, tr. V, 7, Pl. XXXV, 2016. 313. Si Tassistance était nombreuse ce passage a di étre étroit. Cf. sermo Mar 126,x, MA I, P. 356 : eri multitudo constipata etiam angustiis aliquanto inquietior voci nostree non dabat facilitate. 314. Fr. W. Dercnwanny, a.c, col. 1256. 315. St. Gsett, Les monum. ant. de VAlgérie, t. 1, p. 147. Cet auteur cite dans la note 7 Sériana, ‘Tébessa, Tipasa, Zana, Cf, aussi A. BERTHIER, Les vestiges du christianisme antique dans la Numidie centrale, p. 175. 316, St. GSELL, op. cit., p. 147 8 A Kherbet-Guidra et a Kherbet-Fraim, 317. De calechiz, rudibus 13, 18, PI, XL, 325 ; Sermo 355, 2, €d, LAsDor, p. 124, ligne 18 = ‘Ut ergo non vos din teneam, presertim quia ego sedens Ioquor, vos stando laboratis. BIS, Sx, GSELL, Les monum. antiques de PAlgérie, t. Ul, p. 135. 319, Ibid., p. x35; A. Bentimer, Festiges du christ. ant. dans la Numidic, p. x73. 520, Ci-dessus, p, 324 ct 334. 321, Sermo 356,7, édit, Lantnoz, p. 137, ligne 6 ; Emit etiam spatium ab ista postera ceclesixe notum vobis et sua pecunia edificavit domum. 338 O. PERLER Comme elle n’était pas venue, le diacre avait donné la maison 4 I'Eglise avant qu’elle ne fit achevée, c’est--dire vers Ia fin de l'année 425 ou pet aprés. Le terme « postera » est rare. Cassien l'emploie une fois dans le sens d'une petite et étroite sortie d'une ville™. Dom Lambot I’a retenu, avec les manuscrits, dans son édition contre les Bénédictins du xvu® siécle qui Vavaient remplacé par le mot « postea » (ab ista postea ecclesia). L'expres- sion « emit ab ista postera ecclesiae » suppose évidemment un geste par lequel le prédicateur a désigné la porte. Encore une fois, nous ne savons pas exactement dans quelle basilique cela se passa; mais vu la solennité de l'acte il semble que ce fut dans I’église principale. Les chrétiens de ce temps, contrairement aux Manichéens, se tour- naient vers le levant pendant la priére™. Or, saint Augustin termine souvent ses sermons par la prigre « Conversi ad dominum, ete ». Elle est donnée entigrement 4 la fin du sermon 34*, Cela suppose, conclut M. F. J. Délger™5, que V’évéque, se trouvant dans l'abside en face du peuple, regardait vers I'est, qu'il était donc obligé d'ordonner a ses auditeurs de « se tourner vers Dieu » pour la prigre. La fagade et non l’abside était donc orientée vers lest, contrairement a I'usage généralement observé dans les églises de I'Algérie. L'argument, si précieux qu’il soit, est délicat. Texpression « conversi » pourrait s’entendre de la conversion mentale, teligieuse. De plus, les notaires et les copistes n’ont pas toujours mentionné ou transctit la formule. Nous la trouvons dans un nombre de sermons telativement restreint, prononeés en bonne partie en dehors d’Hippone, surtout a Carthage. A Carthage, explication de M. Délger est de fait confirmée par les fouilles. « Seule la basilique byzantine de Dermech se conforme A lorientation habituelle est-ouest, fagade au couchant, abside au levant. Les basiliques de Saint-Cyprien et de Sainte-Perpétue ont Vabside & l'ouest et la fagade a l’est. La basilique de Damous-el- Karita asa principale abside au sud-ouest, sa facade au nord-ouest »*6, Pour Hippone nous pouvons citer quelques exemples non moins signi- ficatifs. I,es sermons 320 et probablement 323 et 324 prononcés dans l’église prineipate le jour de Paques, le mardi et le mercredi suivant (miracles de 322. Inslited. V, 11,2, CSEL, XVIT, 9 : Quantalibet urbs sublimitate mururum et clausaram portarum finuitate muniatur, posters unius quamuls paruissinae proditione uastabitur. Quid enim differt utrum per excels mcenia etampla portarum spatia, an per angusti cuniculi latibula pemiclosus hostis peuetralibus ciuitatis inrepat. 323. De sermone Domini in monte 11, 5, 18, B.I,. XXXIV, 1277 3 CSE, XXV, 540, 444 (la pratique contraice des Manichéens). Cf. tinus ScBritten als titursie-geschichtl. Quelle. 1930, p. 80, 244. J Writers, t. V, p. 108. XVM, 214 is, 2° edit. 1925, p. 330-333. Cet auteur le conelut surtout de Ja fin du ser J. NXNVIIL, 1268 : conetur wousquisque quantum potuerit, corpus convertere jum tamen in eorpus on convertat Deum) et des paralléies trouvées dans les liturgies orientales 326. G. LAPEYRE, dans ti IV" Congress di Aveheologia Crist. 2940, p. 72. Faustum, XX, 55 34, 12 Rarer, Des hi. Augus- . JEPSON dans Ancient Christ. LES SANCTUAIRES, D'HIPPONE-LA-ROYALE 39 saint Etienne)*’ se terminent par la prigre « Conversé 2. Celle-ci fait défant dans le sermon 318 prononcé le jour de la dédicace dans ou auprés de la memoria de saint Etienne™. La formule est indiquée a la fin des sermons suivants qui ont été certainement ou probablement prononcés dans la cathédrale ; Denis 2% (Vigile de la féte de Paques), sermon 272 (jour de la Pentecdte), sermons 234, 235, 254%! (in diebus Paschalibus), sermon 273° qui mentionne la memoria de saint Théogéne mais n’y a sirement pas été prononeé. La formule manque par contre dans les sermons 257°, 148%, 325%, prononcés tous dans la memoria des Vingt Martyrs. Toute indication manque malheureusement dans les sermons 258 et 260 qui sont du méme jour que les sermons 257 et 148 et qui ont été prononeés le premier dans I’église Majeure, le second dans la basilique Kontienne™* Il faut attendre Tédition critique des sermons de saint Augustin pour pouvoir consolider l'argument. Mais le fait meéritait d’étre signale. TL pourrait s'expliquer par ‘orientation différente des sanctua sires. Les annexes. Selon la lettre 40,3? un ensemble de propriétés (praedia) s‘était formé autour de l’ancienne et de la nouvelle église. Supposant maintenant Videntité de I’église principale avec I'église neuve, Majeure, de la Paix, nous pouvons énumérer parmi ses annexes les suivants Le baptistére. Il ne manquait jamais dans les églises épiscopales. Celui d’Hippone est cité dans le De cura pro mortuis®§, Curma, un habi- tant du « municipium Tulliense » proche d'Hippone, raconte & saint Augustin une vision par laquelle il a été amené au baptéme. II vit son baptéme, lui-méme et I’évéque qui le baptisa, la ville d’Hippone, 1a basi- Yique et son baptistére : « Vidit baptismum suum et meipsum et Hipponem et basilicam et baplisterium ». La description des Hiewx correspond, a n'en pas douter, & la réalité, bien qu'il s'agisse d'une vision. L'ordre est inten- tionnel, centré autour du sujet qui raconte la vision. Curma se vit d’ahord lui-méme ou son baptéme, ensuite I'évéque ; d’abord Hippone, ensuite Ja basilique, finalement distinct d'elle le baptistére. La cité, du moins son 327. Cf, cbdessus, p. 322, PL, XEXVEL, 142-47 XXXVITL, 1446. 248. TEty, £120, 1786. CE cialessus, p. 3th 337. Cf ch-dessus, p. 319- 338. De cura pro morluis, XII, 18, CSEL, XE, 45-6 Mo 0. PERLER centre, semble étre plus proche du municipium Tulliense que Ja basilique et son baptistére. Le secretarium réunit les évéques du concile plénier de I’Afrique en 393, L'évéque pourrait y avoir entendu et jugé les causes des fidéles™, C'est peut-ctre dans le secretarium que se trouvait la bibliothéque qui contenait au moins les livres liturgique: La maison de l'évéque. Elle est ainsi désignée dans le sermon 355,2 selon les meilleurs manuscrits : domus episcopi »®", Le terme se lit déja dans les Acta purvationis Felicis du début du ive siécle™?, Elle était devenue le monastére des cleres aprés 396%. Possidius par contre emploie Yancienne expression « damus ecclesiae 4, Elle s’entend peut-Gtre dans un sens plus large de toute la maison épiscopale, y compris ses dépendances et ses propridtés, dont l’administration a été confiée atx clercs. La mai- son de l'évéque est séparée de la cathédrale. En se rendant de sa rési- dence 4 Ia basilique 1'évéque parcourait une rue. Les pauvres I’y atten- daient et le priaient de les reeommander A la charité de ses auditeurs*, I semble que saint Augustin y recoit habituellement les fidéles avant Voffice, comme ill’a fait le jour de Paques 426, selon la Cité de Dieu XXII#8 et le dimanche de Quasimodo selon le De divinatione daemonum*?. Possi- dius relate que le prétre Augustin (4 plus forte raison l’évéque) enseignait et préchait en privé et en public, dans sa maison et dans église™®, La table du triclinium, raconte ce méme biographe, portait une inscription défendant les calomnies™®, La salle A manger était assez grande, puisque Je clergé y prenait les repas en commun avec les hétes™°, Possidius men- tionne enfin fa cellule du saint qui était peut-étre A un étage supérieur®!, 339. Ch chalessus, p. 307. 340. Cf. ci dessus, ibid. 34x. Edit, Lasmor, p. 12g, ligne 20. 342. CSEL, XXVI, 199, Hanes 13, 1 3H3. Cf. ciedessus, p. 338, 34s. Vila s. August, c. 24: Domus Eccleste curam... clericis delegebat ; ¢. 31 : presbyteri, qui sub codem domus Feclesie curant gerchat. 345. Sermo 61, 12, 13, Puy XXXVI, 4t4 : Date ergo pauperibus : rogo, moneo, precipio, jubeo, Quiquid vultis date pauperis, Non enint occultabo Caritati Vestre, quare hune sere monem necesee habui vobis promere. Ex quo hic sumus euntes ad ecelesiam, et redeuntes, Pauperes interpellant nos, et dicunt ut dicamus vobis, ut aliquid accipiant a vobis, Nou: sommes vers 412/16, ¢f, KUNAEEMANN a.c. MA IT, p. 465, On peut se demander si expression «ex qua hic sumus + stentend déja dut temps de la prétrise, Dans le eas affirmatif Vindication topographique vaudrait écakement pout ke monastére Jes ics, CE. epist. 29, 11, CSEL,., XXXIV, 1. 121 : ad horamt qua cum episcopo extedrremur.... cum epixenpa recedentibus, Cette fois il se rend avec Valere a V'éqlise leontieune. 348. Downart-Katn, t. 11, p. 80, ligne 1 347. De div. deem. Ty 1, CSEL. XLL, $99 mane apud me fuiseent multi fratres lait est sermo de religione christiana, etc. 348, Tita s, August, ©. vit 349, [bid., c xxn. 350. Tid, et sermi 35,2, Qlit. Lasmor, p. 126, ligne 1 ss. 35t, Jond. ; se de media refectime ad suum cubjculam surrecturum (2). ‘Quodam die in diebus sanctis octauarum eum hristiani et in loca solito consedissemus, ortus LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE ue Le monastare des moines laiques, situé «intra ecclesiam », dans un jardin, doit étre cherché dans le méme quartier™. Lhospice (xenodochium), constrnit vers 425, pourrait avoir été assez proche de la memoria de saint Ftienne*#, Ta maison de Julianus est mitoyenne de 1a basilique. Elle a été affectée presque sirement 4 des usages ecclésiastiques entre 409 (ep. 90) et le x8 décembre 425 (s. 355.5)". Ta place qui s’étend devant la petite porte probablement latérale a été achetée vers 425 par Eraclius, pour y construire la maison cédée a P'Bglise™, Les thermes de Sossius étaient le lieu de la conférence avec le mani- chéen Fortunatus, le 28 aoiit 3925, Bien que cet établissement ne forme pas une annexe de la basilique principale, il faut le chercher dans le voisinage du quartier chrétien. La position. La position de Véglise principale par rapport a I’église donatiste ne peut étre établie par la lettre 29. Nous en avons exposé les raisons ci- dessus**", Une proximité telle qu’on ait pu entendre les cris des Donatistes dans église catholique est possible ; elle ne semble cependant pas pro- bable. Les désordres graves qui en auraient résulté, anraient été conti- muels vi surtout les méthodes des Circonceltions. Tl nous parait par contre trés probable, pour ne pas dire certain, que ia basilique de saint Léonce était proche de l'église cathédrale tout en étant distincte d’elle. Nous en résumons et complétons les indices : « antiqua altera ecclesia » de la lettre 99,3 suppose une « nova altera ecclesia », la « basilica maior » (s. 258 et 323,2), une «basilica minor » & laquelle celle- laasuccédé, le nombre des fideles s’étant accru. Les deux églises étaient situes au milieu de « praedia » distinets. I/office principal avait liew certains jours de fétes, comme le dimanche de Quasimodo, tantot dans Ia basilique de saint Léonce (s. 260), tantt dans la basilique Majeure (s. 298), le jour de Ascension aussi dans celle de saint Léonce (s. 262; ep. 29). Tous ces faits s'expliquent le mieux si les deux églises se sont succédées dans leur réle d’église épiscopale, principale, et si elles sont proches I'une de f'autre au point que l'expression « ecclesia maior » du sermon 325,2 peut A la rigueur désigner (en raison de ce voisinage et de ce role commun) soit la basilique de Ia Paix soit I'église de saint Iéonce. 353. Cf. ci dessus, p. 329. 354. Cf, cl-dessus, p. 318-321. 355. CE ci-dessus, p. 33: 356. C. Forlunatum, CS 357. Cf. cldessus, p. 305. 342 0. PERLER Car on ne déplace pas sans nécessité le. centre du culte, 4 plus forte raison si celui-ci comprend un ensemble de propriétés. Les exemples analogues, que nous avons trouvés A Milan, & Constantinople, 4 Alexandrie, a Antioche, 4 Ephése, A Djemila, illustrent aussi le cas d’Hippone. Enfin, selon la lettre 29,10, la maison de l’évéque, qui est certainement proche de l’église cathédrale, n’est pas loin de l’église de saint Iéonce, de sorte que celle-ci peut étre facilement surveillée par l’évéque™®, Comme il est difficile d’apporter des arguments péremptoires, nous avons stivi un moment avec Dom G. Morin Vhypothase de l'identité matérielle de la basilique léontienne avec la basilique. Majeure, insinuée par la comparaison des sermons 237/258 et 148 /260™, et par le rdle que a basilique de saint Léonce jouait dans la vie liturgique d’Hippone®™. Mais nous avons finalement abandonné cette solution comme étant peu probable. La lettre 99,3 parle trop clairement de deux églises et de deux agglomérations distinctes, comme M. Marec me l’a justement objecté. Ce sera't aussi trop risqué d’entendre par « ancienne église » entourée de « praedia » un sanctuaire antérieur 4 la fondation de Saint-Léonce. Pouvons-nous situer les deux églises dans le plan de la cité d’Hippone ? Encore cette fois saint Augustin est’ d’une discrétion qui fait honneur a son mépris du monde visible, mais qui décoit les chercheurs curieux. Quelques sobres textes semblent cependant trahir son secret, Parlant un jour de Noél, ’évéque exhorte ses auditeurs 4 ne pas s’adonner aux jouissances paiennes le jour des calendes du mois de janvier®t comme certains l'avaient fait six mois auparavant a la féte de saint Jean-Baptiste: « Sortant d’une féte superstitieuse paienne, des chrétiens vinrent ala mer et y prirent un bain »8, La cité, c’est-A-dire son centre, avec le forum et ses anciens temples, a di se trouver dans la direction opposée A la mer, mais en tout cas, l’église de saint Augustin a proximité de celle-ci pour que le prédicateur ait pu dire « ad mare veniebant »*°?, Cette proximité parait @tre une des raisons des nombreuses et pittoresques comparaisons que saint Augustin emprunte a la mer, a la tempéte, au métier des pécheurs, 4 la navigation®, méme au trafic et au commerce. Car il est probable 358. Cf. ci-dessus, p. 304. 359. CE. ci-dessus, p. 315. 360. On pourrait en effet imaginer un agrandissement de la basilique fondée pat saint Téonce «qui, pour cette raison, aurait été désignée par un nouveau nomi « basilica maior , «ecclesia Pacis » tout en gardant Pancienne appellation populaire « basilique Kontienne », Nous avons déja cité p. 325 s, les cas analogues de Véglise du Saint-Sauveur de Milan, appelée pius.tard église de Sainte-Thécle et de Sainte-Trane A Constantinople, 36r. Cf. sermo 298, 1-3, PI, XXXVIIL, 1024 85. 362. Sermo 196,4, P.l.., XXXVILI, rot : Natali Johannis, ia est ante sex menses... de sollemnitate superstitiosa pagana, Christiani ad mare veniebant et ibi se baptizabant, 363, Cf. sermo 46,32, P.L,, XXXVI, 288 : Quidam fratres nostri hestemo die ierunt ad basiticam eorum, c'est-a-dire A la basilique donatiste, 364. Cf. H. Ronper, Le synbolisine ile la mer ches saint Augustin, dans Augustinus Magis- ter, II, p. 691~7or. Les exemples pourraient étre multipliés, LES SANCTUAIRES D'HIPPONE-LA-ROYALE 343 que nous sommes prés du port. L/offre faite & I'évéque et refusée par lui de I'héritage de Varmateur (navicularius) Boniface, devient ainsi plus com- préhensible*, L/église cathédrale se trouve pourtant A V'intérieur de la ville ou plu- tOt A sa lisiére. Cela résulte de plusieurs textes ainsi que de I'usage des communautés chrétiennes d'Afrique que les fouilles ont suffisamment lustre”, Reste & confronter les résultats, fournis par cette longue analyse des textes, atx vestiges matériels des sanctuaires d’Hippone que les fouilles ont mis a jour. Si les textes guident I’archéologue dans lidentification parfois difficile des monuments, ceux-ci, 4 leur tour, ne manqueront certes pas de faciliter Vinterprétation des témoignages littéraires qui les concernent. OTHMAR PERLER Fribourg (Suisse) 365. Sermo 355,5, dit, Lamnoz, p. 128 6. 366. Sermo x96,4, P.l,, XXXVILI, ro2r, nous sommes pris de la mer ; De cura pro mortués x2, 15, CSEL, XII, 646 8. Le centre de In cité semble étre entre le municipium Tulliense et a ‘basilique. 367. St, Gantt, Les monum. ant, de PAlgérie, t, TL, p, 117, note x : ¢ On constate souvent en Altique, commie en Italie et en Gaule, que ces églises se trouvent, non au centre, mais & Ja lisidre des villes romaines, Notre catalogue donne beaucoup d'exemples de ce fait». Cependant A Rome les plus anciens ¢ tituli » se trouvent répartis d’s avant Pére de la paix dans toutes les régions de la ville. Pour emplacement de Véglise d’Hippone on peut peut étre alléguer un texte du sermon 355,2 édit. Taanmor, p. 124 8. I Saint y raconte son arrivée & Hippom Jago... iuuenis ueni ad istam ciuitatem... Veni ad istam ciuitatem propter uidendum amicum, non ueni ad hanc ecclesiam, nisi cum his indumentis quibus illo tempore uesticbar. La diffé- rence des pronoms démonstratifs istam-hanc semble indiquer une différence de licu, la eité, du moins son centre que le prédicatenr a pu désigner d'un geste, ce trouve plus éloigné que Péplise et son quartier, Cf. epist. 213,1 CSEL, LVL, 373, ligne 18 s, : adistam ciuitatem adueni, Je sais bien que le pronom «iste » doit étre rendu, selon usage classique, par: « Je suis venu dans cette cité qui est la votre ». Mais A époque de saint Augustin le sens du terme est en évolution, L’évéque désigne dans le méme sermion.sa maison : uolui habere in ista domo epis- copi monasterium clericorum, p. 126, ligne 4 s. Cette maison est distincte de léglise et elle est dite celle de Pévéque. 8, Augustin s'exprime autrement dans les actes de 1a conférence avec Emeritus A Césarée, CSHL, LIM, 18x : Quando uenit ad hanc ciuitatem die audiuster- ana frater noster Hmeritus. L/évéque arien Maximinus étant venu a Hippone dit : Ego non ‘ob istam causam in hance civitatem adveni. Coll, c. Maximino 1, 8, P,, XIU, 709. Ce n'est Gone pas sans raison que nous devinons une indication topographique dans les expressions asta-liaeo du sermon 35542. Aspects du déterminisme et de la liberté dans la doctrine de saint Augustin Pour apprécier dans toute leur étendue les tendances maitresses de la philosophie d’Augustin, il n’est pas sans intérét d’en entreprendre l'étude & partir d’un seul probléme, sous I’éclairage d’un seul et méme principe, dont Ia constance ou les variations d’intensité nous feront mieux saisir la logique, les difficultés internes ou les concordances et, en tout cas, les ressources et la fécondité de sa pensée. On pourrait prendre ainsi pour these et pour thame T’appel du bonheur, le probléme du mal, le principe de Villumination, lidée du temps, la notion de charité, etc., et autour de ces grandes questions s’agrégeraient des pans immenses de métaphysique et de théologie qui dévoileraient sous un jour plus éclatant les principes majeurs de la pensée augustinienne. C’est dans cet esprit que nous tente- rons comme une synthése-éclair de la psychologie, de Ja morale et de la théodicée d’Augustin, en prenant pour fil directeur, la notion cruciale de Liberté. Nous voudrions examiner comment, au cours de I’élaboration de sa doctrine, l’idée de liberté s'est frayée un chemin A travers les obstacles que pouvaient accumuler devant elle des présomptions de tout ordre, puis dans quelle mesure elle a pu, dans les dernitres années, surmonter le handicap redoutable du dogme de 1a prédestination'. On essayera de conduire cette étude en suivant autant que possible, époque par époque, les progrés et les enrichissements, voire les repentirs ou les arréts de sa pensée. Aussi bien, comme le P. Rondet le remarquait encore récemment, V’étude du probléme dans son conditionnement historique et psycholo- gique n’a-t-elle pas encore été menée avec toute la précision souhaitable* 4. Sur les fondements de 1a doctrine augustinienne de la liberté, cf. : Pontazti, Dict, de Théol. cath., I, 2375-2392 ; GAUDEL, ibid, KIL, 378-382 ; J. SAIT-Manctmy, wid, XII, 2836 2896; H. Grrson, Introd. a étude de saint Augustin, ch. wt, ¢ la liberté chrétienne », p. 281 210; CH, BOYER, Essai sur [a docirine de saint Augustin, 1932, p. 206-272 ; H. Ronpen, Saint ‘Augustin parmd nous, 1955, p. 201-222 ; Augusiinus Magister, t. III, Lesourtiee, p. 287-300 et C. DR Baum, 517-337 | Gs De PLmNvar, Pour connatre la pensde de saint Augustin, 2955, p. 182-213. Ch M, Jacqui, Re, hist, evel, 1904, t. Vs P. 725-754. 2. H. RONDET, op. cil., p.-213 1 ¢ Cet immence dossier a été encore selativement pew étudié ; if faudrait sulvre le cheminement de ce théme a travers Vceuvre d’Augustin +. uh G. DE PLINVAL I, — Solutions paiennes ou manichéennes. Dés les premiéres démarches de sa pensée philosophique, Augustin s'est trouvé en présence de théories ou de préjugés qui, pour la plupart. contestaient Vexistence et la possiblité réelle de la liberté. Doctrine stoicienne concluant au déterminisme intégral des lois de la nature et de l'ordre du monde, et ne laissant pour ainsi dire A la liberté que la conscience du sage et celle de Jupiter : et encore Jupiter est-il libre ? Doctrine du faim qui, indépendamment de toute appartenance A une école philosophique spéciale, a pesé sur les écrivains du paganisme (Polybe, Pline l'Ancien, Tacite) comme explication derniére des événements de Vhistoire, avec tout ce que cela implique ou dissimule de démission ration- nelle ; théories astrologiques et superstitieuses, combinant en de laborienx calculs les exigences de I’hérédité et I'ascendant des heures, des saisons et des astres ; foi aveugle dans les invocations, les envotitements, les sacrifices magiques, concus pour paralyser sous d’occultes contraintes la résistance des consciences individuelles, C’est tout cela, A des niveaux sociaux et culturels trés divers, qu'Augustin rencontre, plus ou moins explicitement formulé, dans l’atmosphére intellectuelle et morale de son temps ; doctrines d’oppression, couramment admises par des savants, des mathématiciens, des médecins, des mages... Il y a des exceptions, mais elles sont rares*, Quant 4 lui, dans la certitude présomptueuse de ses vingt ans, il espére trouver dans la secte savante des Manichéens, 1a solu- tion de ses difficultés religieuses ; y découvrira-t-il de surcrott les chemins de la liberté ? Disons d’abord que ce n'est pas la liberté qui fait Vobjet de sa recherche et qu’au fond, cela Ini est égal. Mais il se trouve engagé dans une situation assez contradictoire; car le manich¢isme dans sa tendance profonde est une doctrine d’ascension et de Libération (la libé- ration des éléments lumineux de l’Ame), mais cette libération s'acquiert en raison de forces matérielles qui sont nécessaires et nécessitantes. Elle sera l'effet d'une rupture d’équilibre, d’une disproportion de masses. Pratiquement, la théorie manichéenne place le sujet dans une situation de neutralité et d'irresponsabilité relative ; il est l’enjeu et le champ clos d'une lutte dont les alternatives Ini échappent : tour A tour, la matiare on esprit, le vice ou la vertu s'emparent des forces de son @tre, le tyran- nisent ou Je sanctifient’. Il n’y peut rien, il n’y est pour rien... Cela apaise singulidrement les débats de conscience. 3. Ch Conf, LV, 4; VIE, 8-10 astrologie), 4. Conf. TIL, ro et 18; V, 18 ¢adnuc enim mihi videbatur non esse nos qui peccamus, sed nescio quam aliam in nobis peccare naturam et delectabat superbiam ieam extra culpam a DETERMINISME ET LIBERTE CHEZ SAINT AUGUSTIN 347 I. — Solution platonicienne. En Vorientant vers une conception plus pure et plus profonde de la liberté, les livres de Plotin et de Porphyre, sur ce point comme sur tant d’autres, devaient produire dans le monde de pensée d’Augustin une révo- lution. D'abord ils lui apportaient cette notion que, la plus noble forme dactivité étant d’ordre spirituel, notre liberté, si liberté il y a, ne dépend pas d’une relation de masses ni de forces, mais d’un effort contemplatif et purificateur. Notre ame, d'un mouvement libre et naturel, répond a!'appel de ses origines, 4 l’aspiration profonde de son étre tendu vers Dieu, A une prédisposition secréte qui est sans doute une faveur divine’, Ainsi, grace aux platoniciens, la notion théorique de liberté se trouve désencombrée des résidus mateérialistes et des forces aveugles oit la main- tenait la gnose opaque des manichéens ; mais peut-étre Augustin s’en forme-t-il une image idéale, plus esthétique que positive, plus enthousiaste que réelle, Car Ja liberté n’est pas seulement du domaine de la contempla- tion et dela pensée pure ;elle estimpliquée dans toutes les actions de notre vie pratique, engagéedans le monde. De ce contact avec l'expérience, oft les Platoniciens n’auraient volontiers vu qu'une disgrace passagére, la liberté contractera peut-étre plus d'une souillure ; mais elle y prendra une conscience plus exacte de ses limites, de ses moyens, de ses ressources. Car il ya, d’une part, les doctrines de l’école et d’autre part, l’épreuve de Yexistence, avec les lecons ou les déceptions qu'elle apporte. Au cours de son expérience manichéenne, Augustin avait reconnu le caractére illusoire d’une théorie qui en précipitant toute la nocivité du mal dans la masse physique d’une substance mauvaise prétendait dégager la responsa- bilité du sujet ; mais si tenté qu’il fit maintenant de se rallier 4 l'opti- misme platonicien, il ne pouvait (par opposition a la thése manichéenne) refuser toute réalité intrinséque au mal. Sans doute les Platoniciens se gardaient de nier totalement le mal : la matiére, le temps, tout ce qui constitue a des niveaux divers dégradation de lunité divine, étaient pour eux des aspects, des expressions du mal. Mais c'est précisément ce A quoi Augustin ne pouvait consentir ; car, 4 parler raisonnablement, ni l'imper- fection des étres, nile monde des corps, ni le temps qui s’écoule ne sont en soi et de par soi « du mal »®, Le mal, c'est autre chose ; le mal c'est 5. Ch CH, Bower : Christianisme et néo-platonisme dans la formatim de saint Auguste, 1920, 2° éd. Rome 1954; P. HENRY, Plotin ef POccident, Louvain 1930; JeM. Tt Blow, Les conversions de saint Augustin, 1950, ps 116-136. 6, Tne faudrait pas prendre au tragique la formule : « in tempora dissilui », Conf. XT, 39. Ul n'est pas stir que pour Augustin « cette temporatite soit lige au péché » (contra, H. RONDE. ap. cit, p. 300, n, 31) et je ne crois pas que ce soit la vraie pensee de J. Gurrron, Le temps et Pdernitd ches Plotin et saint Augustin (p. 343)- En fait, le temps sert de cadre a la réat 4 348 G. DE PLINVAL Je péché, et c’est par le biais de la notion religicuse de péché, mais débarras- sée des adhérences sordides du manichéisme, qu’il va falloir reprendre Ja question. C'est désormais du point de vue des valeurs chrétiennes, 4 la lumigre de la foi révélée, qu’Augustin, en proie lui-méme & de graves conflits de coeur et de conscience, va repenser tout le probléme de la liberté7, Ill. — L’expérience vécue de ia liberté. Nous ne pouvons entrer dans le détail des facteurs moraux, turbulents et contradictoires, qui ont agité la conscience d’Augustin pendant la crise que nous décrivent les Conjessions*. Relevons seulement les traits essen- tiels qu'il a retenus de cette lutte : 1°) Augustin se sent intimement res- ponsable des décisions qu'il doit prendre ; si des considérations sentimen- tales ou charnelles lui suggérent des délais, des accommodements, ilsent trés bien, au plus clair de sa conscience morale, que ce sont des excuses, des prétextes, de mauvaises raisons®. 2°) Augustin désire sincérement Je bien que la raison et la religion Ini font entrevoir ; mais cette intention n'est pas secondée par une volonté suffisamment ferme!, 3°) Progressivement cependant, sous l’influence de la priére et de la grace, il sent cette volonté s'affermir et enfin triompher"!, Dans un livre récent, on a appelé Augustin « le vaineu de la Grace », mais la formule est plus brillante que vraie ; car la crise de Milan ne s'est pas terminée sur une défaite, Dieu a permis et facilité la victoire d’Augustin et dans cette Iutte Ja grace a été sa grande alliée, jamais son adversaire!®, Déterminons maintenant les conséquences d’ordre philosophique qui tessortent de cette grande expérience vécue : I’étre humain raisonnable posséde la notion claire et suffisante de son bonheur ou de son devoir ; sa Jisation graduelle de nos vertus et i la dispensation successive des griices divines ; il est ngces- saire aut déroulement de ce carmen universitatis que constitue Pensemble des choses créées ow & créer; inversement, enfer n’est rien autre que le mal et le péché fixts dans leur forme étemnelle. 7. Conf. VIL, 12 : ¢ totum tarien ibat in auc Ibid, VIET, 16 ¢ € et cognovi quoniam pro animam meam ». 8. Conf. 1. VIET. 9. Conj., VILE, 11 : ¢ sic inteltigebam me ipso esperimento... quomodo caro concupisceret adversus spiritum.,. ego quidem in utroque, sed magis ego in eo quod in me adprobabam quam in ¢o quod in me improbabam.,. ex magna parte id paticbar invitus (magis) quam Jaciebam volens +, 30, Conf. VII, 20 : enitil erat aliud quam velle ite, sed velle fortiter et integre non semi- sauclam hac atque hac versare et jactare voluntatem, parte adsurgente cum alia parte cadente Iuctantem », Conf, VII, ax ; «Nou ex toto vult (animus) ; non ergo ex toto imperat +. a1, Conf., VIL, 26-27. 12, Conf., VILL, ra : ¢ surge qui dormis et exsurge... et iniuminabit te Christus » IX, x: « tu autem bonus et misericors,.. de quo imo altoque secreto evocatum est in momento liberani arbitrium meum, quo subderent cervicem levi jugo tuo... Christe Jesu, adiutor meus et redemptor meus » itum tuum, quod rugiebam a gemitu cordis mei. iquitate crudisti hominem et tabescere fecisti DETERMINISME ET LIBERTE CHEZ SAINT AUGUSTIN 49 responsabilité personnelle est compléte ; pratiquement, sa force d'exé- cution est trés inférieure 4 son désir de bien faire, mais elle peut étre suppléée par I'appoint d’un secours divin, qui lui-méme est souvent la récompense et le fruit de prigres obscures. Ainsi le drame de notre liberté s’encadre dans un ensemble psycholo- gique et mystique trés complexe ; notre liberté, pour authentique qu’elle Soit, est loin d’étre totale ; elle est presque toujours neutralisée par nos instincts, nos tendances physiques, nos faiblesses ; elle est, surtout dans ses réalisations bonnes, influencée par les intentions mystérieuses de Dieu, Ce sont 14 des « acquisitions » qui resteront gravées 4 jamais dans la pensée d’Augustin. IV. — Augustin théoricien du libre arbitre. Dans ses traités philosophiques, Augustin ne pouvait manquer de revenir sur ces questions de liberté, de devoir moral, de responsabilité, A vrai dire, que ce soit dans les analyses du de Libero arbitrio (388) ou dans les digressions du de Vera Religione (390), Augustin se borne pré- senter une théorie générale de ce qu’a été chez et A partir d'Adam la réaction de désobéissance de Vhomme devant la loi de Dieu. Liberté entigre et responsabilité réelle chez le premier pécheur ; pour ses descen- dants et ses imitateurs, liberté restreinte, et cela en vertu d'une pénali- sation issue de la nature méme de Ia fautel, Mais, quoi qu’il en soit des modalités, le péché est et demeure, non pas une faute matérielle, mais un fait de volonté, un refust#b!s, I. synthése de l'auteur ne manque ni de grandeur ni de logique, mais l'on pourrait trouver que, dans cette aisance avec laquelle il développe et justifie Ia situation actuelle de l'homme, Angustin attéiue inconsciemment le caractére angoissant et odiewx du péché, qui pourtant reste dans son essence une aversio, une ingratitude, un blasphéme. Saint Augustin, dans l’euphorie de sa condition nouvelle de baptisé, n'a peut-atre pas ressenti d’une facon aussi aigué qu’a d'autres époques Pemprise malfaisante et ’horreur du péché, Il s'efforce surtout d’en délimiter 1a nature et la véritable portée. Le péché est un fait qui reléve de V'ordre moral : « Si ce manque qu’on nomme le péché envahissait le pécheur malgré lui comme tne fiavre, on aurait le droit de trouver injuste 13. Conf., VIII, 10: ecui rei ego suspirabam ligatus non ferro alieno, sed mea ferrea voluntate ¥. 14. De ib, arbitrio (388), édit. TuoNNaRD, B. A., VI: Veir I.. 11, surtout ¢, 28-29, 37-42 50-52, 71-76. 14 bis, De Hib, arbitr., UIT, 50, B.A. VI, p. 419. Cl. de vera Religione, B.A. VIIT, XXt, p- 53? « defectu voluntario ». 350 G. DE PLINVAL la punition »; mais ce n'est nuflement fe cas; le péché reste, dans sa nature profonde, volontarium malum’, Ainsi Augustin, en étudiant la nature du péché, le probléme de son apparition dans le monde, la portée de ses conséquences, m'éprouve aucune impression de mystére ; tout cela ramené sous Ja dépendance de la volonté, lui semble parfaitement clair", Il ne ressent A son aspect ni émotion ni trouble, et dans fa candeur sereine de son intellectualisme il ne semble méme pas marquer un besoin particuliérement pressant de Ia grace”. Telle quelle, cette théorie volontariste du péché répond assez bien aux grandes lignes du dogme chrétien; elle permet d’engager avec les Platoniciens un dialogue profitable ; elle assure d’une fagon décisive la réfutation des erreurs manichéennes et, dans sa longue controverse contre ses anciens compagnons Augustin maintiendra opiniatrément son postulat qui fait du péché un acte de volonté"*. Mais on pourrait trouver, etal'épreuve, on se rendra bien compte que cette doctrine est trop philo- sophique, trop abstraite, et pas assez proche des réalités complexes et des véritables problémes de 1a conscience. Vv. — La phénoménologie de l’acte libre. Lianalyse de I'acte volontaire, considéré non pas dans ses conditions lointaines et théoriques, mais dans la réalité de son contexte psycholo- gique, quand il se définit et s’affirme & travers les incidences, les contin gences morales, affectives et physiques de toute sorte, c’est dans les Confessions qu’Augustin nous en donnera maintenant, dans le style qui lui est propre, la formule la plus précise et 1a plus suggestive : « Tes corps, dit-il, tendent par leur poids vers Je lieu qui leur est propre; mais un poids ne tend pas foreément em bas, il tend vers son lieu propre. Le feu monte, la pierre tombe en bas, C'est leur polds qui les meut; ils gagnent le lien qui lear convient. L’huile répandue dans eau monte au-dessus de l'eau; eau répandue sur Vhnile descend au-dessous de I'huile, Elles sont entrainées par leur polds et cherchent chacune leur lieu. Les choses qui ne sont pas a leur place s'agitent ; mais quand elles ont trouvé leur place, elles restent 15. De vera Religione, 27, B. A. VIL, p. 59. 16, De Ordine, 11, 12, 6d, Jolivet, B. A. IV, de lib, arbitr. IIL, r4-¥: B. A. VI, p. 3$5. CE. Solil, 1, 24, B. A. Vy Be 75. x7. De lib, arb, TIT, 16. x8, Cf, de actis cum Felice (398), 11, 4 (P-L. XLII, $38) ¢ Habet wnusquisque in voluntate aut cligere que bona sunt et esse arbor bona, ant eligere que mala sunt et esse arbor mala ». ‘Aine énonoée, 1a formule présente une ¢ saveur pélagicnne + que saint Augustin écarte en inant que in gues wav pas fait objet du débat en question : Retract., II, 8, B.A. XU, P. 466. A. VI, p. 35-356 5 DETERMINISME ET LIBERTE CHEZ SAINT AUGUSTIN 35 en repos, Mon poids, c'est mon amour; en quelque lien que je sois emporté, c’est 1a que je me porte. » (Confessions, XI1I, 10.) Ly a 1a une comparaison empruntée a la physique des corps et que l’on aurait grand tort de prendre au sens littéral : « Quoi de plus semblable ct de plus différent ? Quid similius et quid dissimilius > » (XIII, 8). Mais cette image en son genre nous donne une idée de la physique de l'ame : Vame suit le mouvement naturel de sa propre poussée, et cette pou: c’est son amour. Déterminisme? Mécanisme ? En aucune maniére, puisqu'ici le facteur décisif, loin d’étre une force brute ou une donnée quantitative, est une cause consciente, une force qui s'assigne A soi-méme son lieu... Dans cette recherche d'équilibre et cette compensation de forces qui tend la stabilisation dans le calme et la paix, I’ame n'est pas une composante passive; elle est Ala fois sujet et objet; elle est auteur de son mouvement : Pondus meum, amor meus ; co feror quocumgue jeror 3. De Ia signification que Yon donne a ce texte dépend T'interprétation générale que on doit se faire de la psychologie et de la doctrine générale d’Augustin : ou bien, on n'y verra qu'un rapport de forces, un probléme « @attraction» ou de «gravitation », localisé dans le champ de 1a psycholo- gie et de la morale, et ce sera dans sa désespérante nécessité, la dialectique janséniste des deux délectations, des deux amours contraires et dans ce cas, est-ce bien la peine d’avoir rejeté le manichéisme ? Ou bien il faudra maintenir, jusque sous Ja lettre des comparaisons les plus réalistes, ce quid proprium de liberté et @amour qui est et doit rester !'ame de V'au- gustinisme, et sans lequel & nos yeux T'augustinisme ne vaudrait pas un brin de paille®. Le texte du livre XIII des Confessions (complété par I'Ep. 55, 18) nous apporte I'expression la plus remarquable de la pensée de saint Augustin en ce qui concerne la psychologie de I'action libre, action qui se réalise spontanément sous le signe de amour. Mais nos choix ne sont pas seule- ment des décisions de I'ame; ce sont, vues objectivement, des cenvres qui 19, Ce serait un contre sens grave de traduire : ¢ oft que je sois porté, crest lui (pondus) qqul memporte » (Iabriolle, p. 373). Te second feror est pris au sens moyen, et non passif. 20, Dans la Lettre & Januarius, Kp. 5§, 18, ectite & pew prés a la méme date que les dex niers livres des Confessions, cest-i-dire vers goo (Cf. Gornacter, CSEL, LVI, p. 19) ‘Augustin reprend la méme image, mais avec des verbes de sens actif ; adpetunt nitty, nitunter : Nee aliquid adpetunt etiam corpora ponderibus suis, nisi quod animae amoribus suis, Nam sicut corpus tamdiu nititur pondere... donee ad locum quo nititur veniens comyulescat ; ita animae od ea qi amant, propterea nituntut, ut perveniendo requiescant ». Augustin revient a feror, dans Ep. 157, 9 (& Hilarius) :c animus quippe, velut pondere, amore fertur, quocemeue fertur » ct dans Cit, Dei, XI, 28 (CSEL, XL, $55): _Nam velul atmores corporum momenta sunt ponderum... ita enim corpus pondere, sicut animus amore fertur, fertur quecumque fertur «. T/impression d'inertie que pourrait sugeérer ce passage est heureusement corrigée, en ce qui concerne tes Ames par fa uotion consciente et active d'amor. D’ailleurs, il fait toujours en revenir a la distinction cssentielle formule dans de lid. arhity, UT, 2. By de Vy 1p. 326: « in potestate non habet lapis cotibere motum quo fertur inferius ; animus vero, dur vault, non ita movetur, ut... inferiora deligat ; et ideo lapidi naturalis est ille motus, aint vero iste voluntarins ». 352 G. DE PLINVAL sont douées d’une valeur; ce sont des actions bonnes ou des péchés". Dés lors se profile et s'accroit importance, pour ne pas dire la prépondé- rance, du point de vue moral et religieux dans la conception que nous devons nous faire de nos actions libres. VI. — Le correctif des textes pauliniens Cette considération, élargissant la portée de I’acte moral, sera d’autant plus forte que nous savons que depuis 391 Je jeune philosophe de Milan et de Thagaste est entré dans les cadres du sacerdoce. Prétre, puis bien- tot évéque, il lui incombe de juger les actions humaines en tant qu’homme d’Bglise et au nom de l'Eglise, et en ce qui le conceme Iui-méme, o’est dans les confessions de son grand précurseur, son auteur préféré, saint Paul, qu'il puisera les éléments les plus solidement éprouvés de sa connais- sance de l'homme. Les ép‘tres de saint Paul (surtout J’"Ep'tre aux Romains), incessamment reprises et méditées vont, dés 393, modifier et restreindre notablement en lui Voptimisme généreux du philosophe chrétien et, par suite, limiter ou rabattre sa confiance dans la portée effective de‘notre liberté et dans la valeur de nos mérites®®, En présence des affirmations solennelles de l'Ap3tre, Augustin se voit obligé d'introduire dans sa théodicée comme daus sa morale, des vérités rigoureuses, des certitudes dogmatiques ou expérimentales qui contre- disent partiellement les aspirations de sa raison. I! croyait a 1a liberté, et l'Apétre disait en gémissant : « Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas » (vir, 19). Il croyait A la suprématie de Vesprit sur le corps et l’Apétre dénon-ait la « loi de péché » qui est dans nos membres. Il croyait peut-étre & la valeur de nos initiatives, au mérite de la loi et des ceuvres, et Paul saccageait toutes ces illusions : « Il ne dépend pas ni de vouloir ni de courir, mais de Dieu qui fait miséricorde...» (rx, 16). Apris de tels oracles, Augustin ne pourra plus garder la belle image qu’il s’était forgée des possibilités et des destinges de la na ure humaine. It est obligé d’admettre qu’en fait nous sommes en esclavage ; que notre force n’est que faiblesse. Des éléments redoutables orpriment en tout sens notre vie personnelle ; 1a concupiscence, le péché, I'hérédité, Mihi adiacet malum (vit, 21). Dans. ce naufrage des valeurs humaines, seules émergent, intactes et souveraines, des données théologiques : 1a prédestination, le bon plaisir de Dieu, la priorité de ses dons : Quid habes quod non accepisti ? » (I Cor, x, 7) Tout ce qu'il y a d’humain en nous ne se trouve-t-il pas anéanti sous la puissance divine ? 2t, Conj., XU, 8: + Affectus sunt, amores sunt, immunditia spiritus nostri dedluens inferius..., et sanctitas tul adtollens nos superiuts... ut sursum cor habeauius ad te ». 22. Expositio quarumdam propositionum, Epist. ad Romanos ;\ Expositio inchoata, Epist, ad Romanos (PI, XXXV, 2063-2106) ; de diversis Quastionibus, LXXXUI (q. 68) ; ad Sine dlicianum, Y.. 1 (PI, XIy tor-r48). Cf. Redract., I, 23 et II, 1. DETERMINISME ET LIBERTE CHEZ SAINT AUGUSTIN 353 VII. — La liberté sous empire de la grace. Tl est incontestable qu’Augustin a été terriblement ébranlé par cette dialectique de saint Paul ; elle aurait pu le jeter dans la solution quasi désespérée d’un fatalisme théologique. Comment a-t-il résisté a la fascina- tion ? C’est que, sans que I’on puisse dire & que! moment exact il e pris conscience, il a effectué un transfert, une substitution de valeurs : il a incorporé a 1a théologie les notions de philosophie pure, et cela a entra’né, pour le développement de sa doctrine, des conséquences considérables. Ne pouvant plus sauvegarder le libre arbitre en tant que propriété purement morale de !’homme, — ce libre arbitre, meurtri par le péché originel, secoué par toutes les formes de la concupiscence —il en a fait unc force actualisée par la grice divine. La liberté cesse d’étre en quelque sorte un privilége jurid que pour s’élever, comme Ia foi et la charité, a Ia dignité d’une vertu théologale*. Ul est difficile de fixer exactement le moment out cette conception s'est présentée a l'esprit d’Augustin ; dés ’époque des Confessions sans doute mais il en a saisi l’idée et accepté tous les corollaires dés les années 411- 4x2 et les a développés avec insistance au cours des années suivantes (412-418), pendant la période qui correspond au déroulement de Ia crise pélagienne. Par réaction contre la morale autonome de Pélage qui, tout en gardant la dénomination chrétienne, ne se référe en fait qu’a des principes ration- nels, Augustin se porte décidément du cété qui admet la dose Ia plus complete d’intervention divine, d’assistance et de grace. Le probléme de la liberté se présente pour lui dans une perspective beaucoup plus métaphysique et mystique qu’auparavant. Il ne s’agit pas d’un choix quelconque et parfaitement indépendant entre l'objet A et lobjet B; entre le comportement x et le comportement y. Cela c'est le conditionnement de l’activité humaine dans le train ordinaire des choses ; c’est le libre arbitre de Pélage, le libre arbitre des philosophes. Mais si l’on admet que tous nos actes ont, dans leur cause profonde, des racines obscures comme dans leurs effets les plus lointains une portée sans limite ; que par la valeur qu’ils sont appelés 4 prendre dans I’écono- mie universelle et le dessein de Dieu, ils doivent revétir en bien ou en mal une signification d’une singuliére gravité, il devient évident que, dans ce déploiement formidable des causes eschatologiques, notre personnalité ne joue plus qu’un réle « négligeable » en comparaison des forces supé- tieures avec lesquelles notre volonté compose. De 1A des formules qui 23. Cf. GILSON, Inivod., p. 200-203. L‘assimilation sera d'autant plus naturelle que tes dons, essentiels procurés par la grice sont Ia fol (voulotr-croire) et la charité (vouloir-aimer, dilectio)- 354 G. DE PLINVAL traduisent la passivité et l'incapacité de l'homme sous la poussée sotve- raine de l’Esprit : « C’est par I’Esprit-Saint et non par les forces de leur propre volonté que sont gonvernés et poussés ceux qui sont les enfants de Dieu, » Hocenim Spiritu (spiritus Dei), non viribus propriae voluntatis reguniur et aguntur qui filii sunt Dei. (De gestis Pelagi, 6.) « En chacun de nos actes nous sommes gouvernés par Dieu quand nous accomplissons le bien : per singulos actus a Deo regimur, quando recte agimus, (Ibid., 31, ad fin®,) Or, ne craint pas d’ajouter Augustin, on concoit difficilement une action réelle de la part de celui qui subit une poussée étrangére (c. §) : qui autem agitur, agere in se aliquid vix intelligitur. La « théologalisation » du libre arbitre a-t-elle done eu. pour effet, sinon d’anéantir l’activité de l'homme, du moins de la réduire, en comparaison et sous le survoltage de!’action divine, 4 des proportions infiniment faibles ? De cette conception résultent en tout cas deux conséquences dont la philosophie chrétienne avant saint Augustin n’avait pas encore perott le caractére et qui devaient produire une sorte de révolution dans l’interpré- tation théologique de l’activité humaine : a) Abandonné a ses seuls moyens, le libre arbitre humain depuis la chute n'est p'us capable d’agir que pour le mal®5, b) ‘Tout le bien que l'homme reste susceptible d’accomplir, il nel’accom- plit que par un effet de la grace’. VIII. — La part propre de "homme. Des assertions aussi absolues devraient 4 premiére vue entrainer des conséquences ruineuses, Si l'homme est constitué dans une situation telle que le péché devient le fruit naturel et nécessaire de son activité, of est sa responsabilité ? Si le bien qui s’accomplit par lui est en réalité accom- pli par Dieu seul, of se trouve son mérite ? Augustin, désormais conquis par la mystique de la grace, et press¢ pat le besoin de proclamer sa foi et sa reconnaissance, n’a pas reculé devant desaffirmations qui plus d’une fois ont paru excessives. Ses formules parado- xales ne pouvaient manquer de choquer ceux qui (méme sans appartenir au parti de Pélage) croyaient devoir reconna‘tre une certaine initiative, 24. Ici Paccent porte nettement sur la ¢ passivité », Cf, G, De Broorre, daus Augustinus Magister, t. TIL, p. 335. 25, De peceator. remiss. (CSEL, 1X): TL, 26-27 : ¢ non suse facultatis » ; TZ, 33:8 praecedit, ergo in voluntate hominis adpetitus quidam propriae potestatis, ut flat inobaediens ». 26. De gestis Pelag. (CSEL, XLII), 5 : ¢ nec aliud in nobis libera voluntas melius agere potest quam ut illi se agendam commendet ». DETERMINISME ET LIBERTE CHEZ SAINT AUGUSTIN 355 un certain champ et un certain mérite aux actions personnelles de !’homme. Eni apparence done, lorsqu’il met en présence ces deux forces infiniment inégales que sont l’action toute puissante de Dieu et 1’action limitée et relative de l'homme, Augustin parle comme si la seconde était inexis- tante. Il ne connait, il ne veut exalter que l’action de Dieu?’. Mais en fait, lorsqu’on analyse attentivement sa pensée, on constate, en dépit des formules décisives et totalitaires qui se pressent sous sa plume, qu’Augus- tin n’a jamais pu se résoudre a détruire absolument le guid proprium qui maintient une présence et, ajouterons nous, une efficac'té de I’homme, méme dans ces actions bonnes, ot la participation de la créature chétive semble & premiére vue submergée dans la profondeur et la pleine puis- sance de l’énergie divine®®. Car il est bien entendu et l’on peut reprendre a ce sujet une formule desaint Paul — que nile vouloir nile faire » (Phil. 1, 13) ne dépendent de nous; que le don de Ja foi, dans son commencement comme sans sa plénitude vient de Dieu, ainsi que la charité, le vouloir- croire, le vouloir-aimer et la persévérance dans le bien® ; mais en tous ces sentiments salutaires et ces ceuvres de bien auxquelles Dieu accorde Je sceau de sa grace, il n’en reste pas moins que notre moi y entre A un titre quelconque, si faible, si indirect que ce soit®, Notre activité est toute soumise a la puissance de Dieu, mais cette dépendance n’implique pas inertie. Laide de Dieu suppose au contraire Ja collaboration irremplacable de l'homme : . « Dien est celui qui nous aide... Or, on ne peut aider que celui qui, de son propre mouvement, aussi fait un effort ; car, lorsque Dieu opére en nous notre salut, ce n'est pas comme cela pourrait se faire sur des pierres brites ou en des étresen qui il n’aurait pas constitué d’abord Ja raison et la volonté: Adjuior enim Deus noster dicitur nec adjuvari potest, nisi qui aliquid etiam sponte conatur, quia non sicut in lapidibus insensatis aut sicut, in quorum natura rationem voluntatemque non condidit, salutem nosiram Deus operatur in nobis, » (De peccator, remis- sione, II, 6.) 27. De spiritu ef Litt, (CSI, YX), écrit en 412 : ¢, § : » Nos autem dicimus bumanam volun- tatem sic divinitus adiuvari ad faciendam justitiam, ut, praeter quod creatus est homo cum libero arbitrio... accipiat Spiritum sanctum quo fiat in animo cius delectatio ditectiogue summi illins atque incomnrutabitis boni quod Deus est. » 28. De perfect. justitiae h, (CSEL, XIAN, écrit en 4x5, c. 40: «Non quia hoe sine voluntate nosira agitur, sed quia voluntas non implet quod agit, aisi divinitus adiuvetur +, 29. La foi est un don de Dieu : de gest. Pelag., 34 : + an ipsam nobis nos dedimus et ipsi nos fideles facimaus ? # ; In charité aussi : de gratia Chr. et pece. orég., T, 7, a0 f, «ardorem ditectionis 5 , de spirit et litt., 57-60 ; Ia chasteté, Conf. X, 40: « Nemo potest esse coutinens, nisi Deus det... Da quod jubes et iube quod vis *. Saint Augustin reproduit ict ta doctrine de If @ALrique, Ci, Tyconius, Liber Regularusn, reg, ITT (Fedit, Burkitt, Tests and studies, TUL, 1, . 19): ¢ Nihil enim habemmus quod non accepimus... Onute opus nostrum fides est, qua quanta fuerit, tantum Deus operatur nobiscum, In hoc gloriatur Salomon scisse se non ex homine, sed Dei Gono esse continentiam... » 30. De spiritt et litt., 60 : « cousentite autem voeationi Del vel ab eo dissentire, propriae voluntatis est ». Ci. L8ON-Donorm, Grice et Liberté chez saint Augustin, dans Reck, de sciences relig., 1046, p. 129-263. 356 G, DE PLINVAL Toutes les vertus qui sont.en nous des complaisances de Dieu et dont Tensemble constitue notre mérite et notre sainteté représentent assuré- ment des dons gratuits ; mais ces dons ne sont pas pour cela des vertus étrangéres & notre étre et en quelque sorte des vertus amovibles ; elles sont devenues nétres et inscrustées, consubstantialisées en nous. Qu’il s'agisse de la chasteté, de la patience, aussi bien que de la « perfection » ou de la charité, tout cela est munus divinum*. Mais tout cela, A un autre point de vue, devient partie effective de notre caractére, de notre tempé- rament. Le pain quotidien dans la substance de notre corps, la vertu et Ja grace dans la substance de notre personnalité spirituelle deviennent choses nétres, non par imputation et par image, mais par intégration réelle : (Sermo 333, 1, Pl, XXXVIIL, 1464): Nosirum est quod a nobis habetur, nostrum est quod nobis datur. Quomodo enim aliquid donas, nisi ut eius fiat, cui donas ? Ainsi done, dans une proportion comparativement infime, mais posi- tive, il y a aliquid nostri dans les mérites dont Dieu nous revét, comme il ya quelque chose nostrae voluniatis dans toute action que nous accomplis- sons sous l’influence divine : CE. : Quis nos castificat nisi Deus ? Sed Deus te nolentem non castificat, Ergo quod adiungis volontatem tuam Deo, castificas te ipsum. Cast. ficas te, non de te, sed de illo qui venit ut inhabitel in te. Tamen quia agis ibi aliquid voluntate, ideo et tibi tributum est, (in Epist, Johan, ad Parih, IV, 7 (PL. XXXV, 2009.) Cette action propre et anthentique n’est cependant qu’un ricochet ou un résultat second de la grace divine. I ne serait pas exact au sens paulinien et augustinien de dire que nous faisons ou que nous vowlons ; mais c'est Dieu qui fait en sorte que nous agissons et que nous voulons®. Notre action n’intervient qu’en seconde analyse ; mais sous le contréle auquel lle demeure soumise, elle garde réellement son authenticité et son irréductible valeur. « L’homme veut, mais non sans que Dieu Ini inspire I'ardeur de son amour; l'homme agit, mais non sans que Diew agisse avec lui; sans l'aide de Dieu, qu’en est-il de l'homme? « Quia sic vult homo, ut tamen Deus volontati eius ardorem dilectionis inspiret, et sic operatur homo, ut tamen Deus cooperetur, sine cuius adjutorio quid est homo? (De Gratia Ch. et pece. orig. 1,7). 31. De spiritu of litt, 2; « cogitare debes, quamvis ad hominem id agere pertineat, hoc quoque munus ese divinum atque ideo non dubitare opus esse divinum +. 32 Contra II Epist. Pelag., 11, 8 : «Multa Deus facit in homine bona, quae non facit homo ; nulla vero facit homo que Deus non facit ut faciat homo ». I.es formules tendant & ramener Yhomme att réle de simple ¢ agent » de Dieu se inultiplieront dans le de gratia et lib. arbitrio ct de correptione : ¢ ut per eos agat quod per eos agere ipse voluerit ». (de gr. et Hib. arb., 42) Cf. G, pe Broorze, dans Augustinus Magister, IIT, p. 332, 2. 1. DETERMINISME ET LIBERTE CHEZ SAINT AUGUSTIN 337 IX. — Défaillances de Ia liberté. Ce point étant éclairci, revenons aux conditions générales de l'activite humaine, telles que nous les avons énoncées plus haut. C'est une des affirmations les plus désolantes d’Augustin que I’homme réduit 4 ses seules forces «n'a de soi que le mensonge et le péché ; s'il y a en lui quelque goutte de vérité et de justice, elle provient de la source 4 laquelle nous devons aspirer dans ce désert du monde »... Nemo habei de suo, nisi mendacium et peccatum. Si quid autem homo habet veritatis atque justitiae ab illo fonte est quem debemus sitire in hac eremo... (Tract. in Johan., V, 1) (BL, XXXV, 1414). Tl n’en faut pas conclure que le mal, ce mal inhérent la faiblesse humaine, prédomine de plein droit. Si émouvantes que soient les phrases que nou: venons de citer et qui parsément de leurs constatations affli- geantes les paraphrases exégétiques de l’évéque d’Hippone afin de nous rappeler ce qu’a été pour nous l'immense désastre du péché originel, saint Augustin n’en demeure pas moins & la fois le héraut de la grace et le protagoniste de la vraie liberté. Non pas d'une liberté laique et posi- tive qui ne saurait guére présenter d'intérét, mais de cette liberté surna- turelle qui supposele libre épanouissement de nos aspirations les meilleures. C’est en cela que consiste, non pas un quelconque liberum arbitrium, mais la vraie et parfaite libertas, celle qui franchit et surpasse toutes les entraves accumulées par la faiblesse, ignorance et le péché®, la liberté des enfants de Dieu et des anges, « qui est d’autant plus libre qu'elle est plus saine » et qu’elle s’épanouit davantage dans le champ de Ia grice : « Tanto erit liberior quanto sanior, tanto autem sanior quanto divinae misericordiae gratiae subiectior (Ep. 157.8). Cette libertas, dont nous avons dit qu’elle s‘élave A la dignité d'une vertu théologale, se nourrit et se développe au sein de tous les dons de Dieu, de Ja foi et surtout de la charité, Seuls ceux qui ne comprennent pas Ja fetveur de la mystique augustinienne ont pu en méconna tre la signi- fication en la confondant avec un régime arbitraire d’actions déterminantes comme s il s'agissait de forces, de contraintes, alors qu'il n'est question que de grace, d'attirance et de délectation®, alors que tout s'y accomplit sous le signe de l'amour et en tenant compte toujours du coefficient de 433. De peccat. remissione, IL, 30 (CSEL,, LX, rot) : ¢ Non solum voluntatis arbitrium, quod hue atque illuc tberum flectitur... sed etiam voluntatem bonam quae iam in eis bonis est, quorum esse usus tion potest malu: ‘34. Tract. Joh, SXV1, 4 (Bin XXXV, 1098) : « Porro si poctwe dicere Hfeuit + Trabit sua quemque voiupts, — non necessitas, sed voluptas, non obligatio sed delectatio: quanto fortius nos dicere debemus trai hominem ad Christum qui delectatur veritate, delectatur '» Cf, Ia paraphrase de Prosper d’Aquitaine, C. Collator., c 7 (P-luy Ly 238). 358 G. DE PLINVAL Yadhésion personnelle : Noli te cogitare invilum trahi : trahitur animus et amore (Tract. 26, 4). Ne substituons pas au jeu merveilleux et délicat de la grace augustinien- ne, respectueuse et génératrice de l’essor volontaire, le mécanisme d'une physique nécessitante. Sous des aspects plus attrayants qu’on ne la pré- sente d’ordinaire, la doctrine augustinienne de la liberté, telle que l’auteur T'a exprimée 4 l'époque de la maturité de son génie dans ses écrits théolo- giques et moraux, entre 412 et 418, nous apparait autrement plastique que ne I'ont cru Luther et Jansénius, Bien qu’assombrie par la notion du péché originel, cette vision ne laisse pas d’étre attachante, grandiose et remplie d’espérance. — La liberté sous I’atteinte du péché originel. Ne nous dissimulons pas cependant que cette conception, nourrie de la séve la plus forte de la pensée paulinienne, va se trouver & nouveau rétrécie et détériorée sous empire de considérations diverses. D’abord par suite d'une notion a la fois confuse et trop pessimiste du péché ori- ginel, congu dans sa réalisation physiologique par la génération humaine ; puis sous l'influence d’une interprétation, a certains égards classique, a d'autres, plus discutable, de la loi de prédestination. Crest dans les deux livres de Nuptiis et Concupiscentia (419-420), dédiés au comte Valerius, puis dans l'interminable réfutation des traités de Julien que saint Augustin a approfondi ex professo Y’étude du péché ori- ginel dans les conditions de sa transmission®®. Vieille question, abordée déja dans le De libero arbitrio, reprise naguére sous forme plus concréte dans des lettres trés documentées adressées & saint Jéréme et Optat de Miléve. Le péché originel n’est pas, en effet, un événement d'ordre moral ; il a ses contingences et ses répercussions physiques, et — quoi qu’il en soit de l’origine de l’éme, création directe ou médiate de Dieu — il se transmet, depuis Adam jusqu’a nous, per seriem generationis®, Or, peut-on admettre que ce coefficient de volonté propre qui est indispensable a la constitution juridique du péché se trouve présent lors de la conception de l'enfant ? Question obscure a laquelle Augustin ne peut apporter de solution claire”, Disons que les complications pseudo-scientifiques ou physiologiques auxquelles il s'est laissé entrainer par la polémique de Julien d’Eclane n’ont pas résolu le probléme et qu’elles risqueraient plutét de compromettre dans une 3s. De mupeiis ef concupiscentia, CSEL, NLU (208-309) ; P.L., XLIV (413-474). Contra Talianum, c. vez contra Lulian, Opus imper}. (PI, XL). 36. De lib, arbiter, If, 53-55 (B. Ay VI, . 166 (A Jerome, en 415) ; Ep. 202 (a Optat a7. De peceat. rewissione, U, 44; THT, 17-18, Cf. Retract., I, 15, 2 (B.A, XT, p. 363-365). 3)

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