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Eléments de langage
de Jean-Louis BORLOO
Ministre d’État,
Ministre de l’Écologie, de l’Energie, du Développement durable
et de l’Aménagement du territoire
Monsieur le président,
Monsieur le président de la Commission des Affaires économiques,
Jean-Paul EMORINE,
Monsieur le rapporteur Bruno SIDO,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Permettez-moi tout d’abord de vous dire tout le plaisir que nous avons avec
Chantal JOUANNO, Dominique BUSSEREAU, Hubert FALCO et Christian BLANC à vous
retrouver pour le deuxième acte parlementaire du Grenelle Environnement après
l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale de ce projet de loi de programme.
Un temps parlementaire qui, comme l’expérience récente l’a montrée, est un temps
nécessaire, incontournable, d’interrogations, de précisions, de clarification, de confirmation
et de validation démocratique de la feuille de route de la Nation. Comme j’avais déjà eu
l’occasion de le dire devant les députés, le Parlement n’est pas un collège de plus du
Grenelle Environnement, même s’il a été associé tout au long du processus dans les
groupes de travail, dans les comités opérationnels, dans les groupes de suivi
parlementaires, mais bel et bien le dépositaire ultime des conclusions, celui qui fixe de
façon définitive et irrémédiable, le cap et la stratégie de la Nation, à un moment clef de
l’histoire de notre pays, de l’Europe et du monde.
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Seul le prononcé fait foi
Hôtel de Roquelaure – 246, boulevard Saint-Germain – 75007 PARIS
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Un temps du Parlement, qui cette année sera particulièrement riche puisque, après avoir
examiné ce projet de loi de programme, après avoir débattu du PLF pour 2009 qui
constitue en quelque sorte la deuxième brique du Grenelle Environnement, nous nous
retrouverons ensuite pour discuter du projet de loi d’engagement national pour
l’environnement, la «brique territoriale» du Grenelle, dont le but est essentiellement de
lever les obstacles juridiques et techniques, de clarifier les compétences et de simplifier
considérablement l’ensemble des branches de notre droit, afin de donner aux collectivités
locales les outils nécessaires à l’accomplissement de cette mutation. Permettez-moi tout
d’abord et avant de commencer, de remercier les membres de la Commission des Affaires
économiques du Sénat et son président, Jean-Paul EMORINE qui s’est impliqué de façon
déterminante et continue tout au long du processus et qui a siégé personnellement au
Grenelle Environnement. Jean-Paul EMORINE à qui l’on doit la création du «Comité de
suivi parlementaire du Grenelle Environnement» réunissant des sénateurs de tous les
bancs ayant participé directement aux travaux préparatoires, initiative capitale reprise
ensuite par le président Patrick OLLIER à l’Assemblée nationale. Et puis, permettez-moi
également de saluer et de remercier très sincèrement son rapporteur, Bruno SIDO, pour
l’intensité de son travail, la qualité de ses auditions, et la profondeur de son rapport sur
des sujets d’une très grande technicité.
Un débat parlementaire qui coïncide avec un grand moment de rupture où l’on sent bien
que, des Etats-Unis au Japon, du Brésil à la Chine en passant par l’Europe, tout est en
train de basculer ; où l’on voit des pays ou des secteurs industriels entiers s’engager, à
des rythmes différents, en fonction de leurs spécificités ou de leurs contraintes, dans la
mutation écologique et économique.
C’est d’abord la France qui, à l’issue de l’élection présidentielle de juin 2007 et sous
l’impulsion du Président de la République, a choisi de procéder à ce vaste exercice de
radiographie ou d’introspection qu’est le Grenelle Environnement, afin de construire étape
par étape, secteur par secteur, une nouvelle feuille de route pour les dix ou quinze années
à venir. C’est ce «Grenelle déjà en actes» ou ce «Grenelle déjà concret et opérationnel»
dans un certain nombre de secteurs – la grande distribution, l’industrie aéronautique, la
publicité, les transports, - la plupart du temps sur une base volontaire ou dans le cadre de
conventions d’engagements qui démontre que le marché a déjà pris plusieurs longueurs
d’avance…Ce sont 62 millions de consommateurs formés et informés, qui aujourd’hui,
veulent plus de qualité, plus de sécurité sanitaire, plus de traçabilité, plus de transparence
et plus d’efficacité, tout en améliorant leur pouvoir d’achat et en réduisant leurs factures
énergétiques.
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C’est encore hier la signature à Bonn, par 75 pays du monde, du traité fondateur de
l’IRENA, qui est la première agence internationale exclusivement dédiée à la diffusion et à
la coopération en matière d’énergies renouvelables.
Ce moment charnière de notre histoire, c’est également le président Barack OBAMA qui,
dans son discours d’investiture censé fixer le cap de la Nation américaine pour les quatre
années à venir, affirme devant des centaines de millions de téléspectateurs, que «Les
Etats-Unis ne peuvent plus consommer les ressources planétaires sans se soucier des
conséquences» et que «le monde a changé».
C’est enfin la Chine qui se fixe comme objectif d’atteindre 1/3 de véhicules faiblement
émetteurs à un horizon de dix ou quinze ans.
Mais comment ne pas voir que ce moment charnière que nous vivons actuellement, est
également marqué par un monde en plein désarroi ou en plein doute ; un monde
d’incertitudes et d’inquiétudes face à l’effondrement des deux plus grands dogmes qui ont
structuré la pensée du siècle dernier, à savoir le communisme et le capitalisme financier,
l’effondrement de ces deux murs que sont le mur de Berlin et WALL STREET ; un monde
qui prend conscience, progressivement, et dans la douleur de la crise économique, que le
21ème siècle ne sera pas une simple répétition du siècle précédent à quelques ajustements
près, mais un siècle radicalement nouveau. Un monde à la recherche d’une nouvelle
espérance et d’une nouvelle stabilité autour d’un capitalisme assaini et re-légitimé. Au
fond, la crise à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés, n’est pas qu’une crise
économique, écologique et financière : elle est le prolongement, la face visible ou
émergée, d’une crise beaucoup plus profonde, du sens et des consciences. L’homme du
21ème siècle est orphelin de ses dogmes et de ses illusions, orphelin de ses certitudes.
Soit, nous décidions d’imposer une mutation d’en haut, de façon totalement verticale et
non concertée, dans la précipitation, les convulsions et les crispations, au risque de
bloquer toute la société et de dresser les différents membres du corps social les uns
contre les autres. Soit, nous choisissions, comme l’a souhaité le Président de la
République, de poser le débat autrement, en sortant des affrontements réducteurs et
faciles, en refusant les anathèmes et le mépris de l’autre, pour élaborer, avec tous les
acteurs de la société, un diagnostic à la fois réel, sincère, et sans concession, afin de
trouver les moyens acceptables par tous d’assumer cette transition.
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Car au fond, le plus grand défi qui était devant nous, était celui de savoir comment une
société démocratique comme la nôtre, aux intérêts forcément concurrents et
contradictoires, parviendrait à effectuer, de façon collective et loyale, une vaste remise en
cause conceptuelle de ses modes de production et de consommation, de son organisation
territoriale et de ses modes de gouvernance.
Alors, oui, le Grenelle Environnement est le fruit ou le résultat d’une triple conviction.
Une conviction sur une méthode, selon laquelle la mutation est tellement vaste et touche
tellement de sujets de la société en même temps, qu’elle ne peut se faire que par la mise
en mouvement de tous les acteurs. Aucun corps social, aussi puissant soit-il, n’a à lui tout
seul, la capacité d’imposer aux autres ses solutions.
La conviction unanime, maintes fois confirmée et validée par les faits, que derrière cela, se
dessinait progressivement, un nouveau modèle de croissance économique, ou un
nouveau chemin de compétitivité fondé sur la sobriété en carbone et en énergie avec au
fond, cette idée assez simple, qu’une société qui consomme globalement moins de
ressources fossiles, moins de matières premières, moins d’emballage, est une société qui
dépense moins d’argent et qui est donc plus compétitive.
Fondé sur les nouvelles technologies de l’environnement, sur les moteurs hybrides, sur la
capture et le stockage de carbone, sur les nouveaux matériaux de construction, sur les
réseaux électriques intelligents, qui sont en train d’arriver à maturité et qui pour certaines
d’entre elles, sont déjà en phase d’industrialisation.
Fondé sur un saut qualitatif majeur : qualité de l’air, qualité de l’eau, qualité des paysages,
qualité de l’alimentation, qualité des infrastructures, qualité des constructions…
Fondé sur le retour de la puissance publique dans l’économie, avec d’un côté, un Etat
stratège qui ordonne ou organise les infrastructures nécessaires, et de l’autre côté, un
pouvoir parlementaire qui fixe le cap de la Nation pour les dix années à venir.
Un nouveau modèle de croissance fondé sur le retour du long terme dans les stratégies
d’investissement industriel ; un modèle permettant de desserrer l’étau du court terme qui
pèse sur le comportement des acteurs économiques.
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Je sais que certains observateurs persistent à dire que cela coûte trop cher et que nous
n’avons pas les moyens. Mais, permettez-moi, Mesdames et Messieurs les sénateurs, de
formuler ici, trois séries de remarques.
D’abord, l’essentiel du processus est fondé sur des économies : des économies d’énergie,
des économies d’intrants, des économies de matières premières et au fond, il s’agit
essentiellement de réorienter nos investissements en substituant des investissements
vertueux à des investissements non vertueux.
Enfin, la LFI pour 2009 et la LFR pour 2008 engagent un verdissement massif de notre
fiscalité, avec près de 45 mesures fiscales directement liées au chantiers du
Grenelle Environnement : logement neuf, bâtiment ancien, énergie, biodiversité,
automobile, transport de marchandises… Conformément au souhait du président de la
République, nous nous inscrivons dans une logique d’incitation et non de rendement, avec
une fiscalité à la fois massivement verdie et totalement indolore pour le pouvoir d’achat et
les finances publiques : ainsi, les 2,7 milliards de prélèvements supplémentaires sont
intégralement compensés par des allègements supplémentaires de l’autre côté. Et puis,
comme vous l’aurez constaté au cours des débats, il s’agit d’une révolution fiscale
progressive qui prévoit un certain nombre de paliers, de seuils et d’échéances afin que les
différents secteurs professionnels aient le temps de s’adapter dans de bonnes conditions.
Alors, comme lors du débat devant l’Assemblée nationale l’année dernière, je crois qu’on
ne peut pas déconnecter ce qu’il se passe chez nous de ce qu’il se passera dans
quelques mois à Copenhague, en décembre 2009, comme on ne peut pas déconnecter
les enjeux locaux, de proximité, des préoccupations planétaires.
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Au fond, en ce début d’année, nous avons au moins une certitude, celle que 2009 sera,
quoiqu’il advienne, une année clef dans l’histoire du monde, l’année du rendez-vous de
Copenhague, rendez-vous de la dernière chance et rendez-vous de l’humanité avec elle-
même. Je suis convaincu, comme beaucoup d’ailleurs, qu’un échec à Copenhague
pourrait marquer l’avènement d’une ère des griefs intercontinentaux, d’une certaine forme
de diplomatie de l’agressivité et de la rancœur, où chaque Etat rejetterait sur l’autre, la
responsabilité de l’urgence et de l’échec. Alors, vous l’aurez compris, je crois qu’il est
fondamental, si nous voulons que notre Nation reste fidèle à sa vocation humaniste et
universaliste, que nous ayons une France apaisée, dans une Europe apaisée ; une France
engagée dans une Europe déjà engagée de façon irrémédiable et définitive. Car au fond,
avec ce débat apaisé et serein, avec ce vote quasi unanime des députés sur un texte
d’une incroyable difficulté, avec cet accord historique obtenu sur le paquet Energie-Climat
entre 27 Etats aux spécificités économiques, industrielles et géographiques différentes, et
d’une certaine façon avec l’élection d’un OBAMA à la présidence des Etats-Unis, on
comprend en ce début d’année 2009, que le changement climatique, l’épuisement des
nappes phréatiques, l’Erika, la pollution de nos rivières, ne constituent pas des horizons
indépassables. A nous donc, de faire collectivement de ce siècle, le siècle de l’espérance,
le siècle de la sobriété, de l’humanité, loin des égoïsmes et des arrogances, un siècle de
l’humilité libre et consciente.
C’est à ce rendez-vous que les parties prenantes du Grenelle Environnement vous invitent
aujourd’hui et auquel il vous revient d’inviter une République rassemblée.
Je vous remercie.
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