You are on page 1of 5

Discours des soins - soin du discours: Une réflexion méta-éthique.

Ulrich Kobbé

L'infini
Que je gravisse le muraille
Haut du droit ou d'illusion courbe
Et, me cernant même,
Dépasse ainsi ma vie,
A ce sujet ai-je
Un esprit ambigu
Pour en dire juste.
(Hölderlin 1805)1

Tout traitement et toute thérapeutique sont en même temps effet et élément du social. Un so-
cial qui - du premier coup d'oeil - semble être constitué par des structures discursives codées
par le symbolique. Comme nous savons, ce symbolique renvoie à l'imaginaire et nous donne
lieu à thématiser le rôle des représentations sociales. Car il existe, en effet, un jeu de
connexion et d'échange entre les fantasmes, les préjugés, les stéréotypes et les représenta-
tions sociales. La combinaison de ces éléments psychiques comporte et crée une part de la
vérité de l'individu, correspond même avec un certain part de la réalité sociale, mais n'est ja-
mais le tout de ce celui-ci. Un autre aspect de notre réalité sociale et clinique est la politique.
Une politique qui n'a rien à voir avec la désignation d'un ensemble d'institutions sociales,
scientifiques etc. et de leur fonctionnement, mais qui - selon une remarque de Lyotard - ne se-
rait qu'un terrain de jeu, déterminé par des intensités libidinales, des émotions et des pas-
sions. Projeté sur le plan du sujet, c'est lui qui existe la structure et nullement le contraire.
De cette manière, les représentations sociales, qui ne sont que des représentations de l'au-
tre, concernent l'autre qui consomme des substances psychotropes. C'est pourquoi il nous
semble indiqué de radicaliser la question du discours publique concernant cet autre toxico, qui
se trouve réduit à cet attribut comme seul trait caractéristique de sa personnalité et qui de-
vient le toxicomane anonyme. Mais ceci ne se relève que comme action-réaction selon les
stéréotypes figés du toxicomane modèle de la science et de la politique, c'est-à-dire comme
réponse sans avoir voulu entendre la véritable demande du sujet. Ces représentations socia-
les de toxicomanie et cette offre offensive de traitement se trouvent dominées par un verdict
d'esclavage du sujet aboutissant soit à une obligation de soins soit à un soin de substitution. Il
est à supposer que le sujet toxicomane fait peur, parce que ce qui le singularise de l'homme
du commun ne fait l'objet d'aucun tableau clinique exhaustif, et on pourrait croire que ce ma-
noeuvre médical tend à comprendre le sujet toxico comme malade net. C'est-à-dire, dès qu'on
est «toxico», les spécialistes oublient qu'on peut en même temps être psychopathe, grippé ou
cocu - ou tout à la fois. Ainsi, la solution «substitution» sert à ignorer sa demande irritante, à
le faire taire, à l'effacer à tel point que son désir original n'est plus reconnaissable et qu'il ne le
connaîtrait plus lui-même. Autrement dit, si c'était la toxicomanie respectivement le plus-de-
jouir supposé du sujet qui constitue le toxico totalisé dans les discours publiques (cf. Kobbé
1997), l'effacement de ce seul trait caractéristique mène au «fading» de tout sujet concret.
Cette réponse sociale au désir du sujet dévoile, à quel point sa demande vise à un lieu «vide»
barré et caché par la loi, dont le «non» du père n'est pourtant quelque fois plus bien recon-
naissable derrière une offre de soins essayant de réduire ou éviter la marginalisation et la
criminalisation du sujet. A cet effet, Foucault (1984, 299-300) nous rappelle qu'il y a une rela-
tion évidente entre la rationalité politique et les excès du pouvoir politique. Il conseille d'analy-
ser ce type de rationalités spécifiques propre à notre temps moderne, qui trouve son pivot
dans la philosophie des lumières, en allemand: de l'"Aufklärung". Si les discours du social
changent alors sous l'influence du progrès scientifique et de ses effets politiques, si la norme
remplace la Loi, si le possible est mise à la place du vrai et si des stratégies d'intervention
2

substituent le standard professionnel, il nous semble être indiqué de faire une digression his-
torique remettant en mémoire les emblèmes de la raison (Starobinski) et les bases concrètes
des lois qui structurent notre social moderne.
Il est question du «Traité des délits et des peines» par Cesare Beccaria (1764), un oeuvre qui
a d'ailleurs initié la thématique du grand roman «Crime et châtiment» de Dostoevskij (1866).
En 1764, seize ans après «De l'esprit des lois» de Montesquieu (1748) et deux ans après
l'«Émile ou de l'éducation» de Rousseau (1762), paraît cet oeuvre qui va fonder la civilisation
du droit moderne. Ce n'est pas comme esquisse d'un nouveau paradigme judiciaire que cette
esquisse nous intéresse ici, mais comme une éthique du droit, voire comme une éthique du
discours social: Ce projet au seuil du siècle des lumières se réfère à un contrat social. Il impli-
que une éthique du désir comme sensibilité du sujet pour ses propres jouissances et angois-
ses ainsi que pour celles d'autrui. Faisant fonction constitutionnel pour les lois du moderne, ce
projet vise la civilisation de l'homme en comprenant le progrès moral comme humanisation de
tout sujet. D'après ce projet, plus personne ne pourra se placer dehors les lois, parce que ce
despotisme serait incompatible avec l'humanité déployée. Bien sur que les «fous» et les délin-
quants ne représentent que des cas limites: L'égalité du droit doit être applicable à toute per-
sonne et respecter son caractère humain.
Le problème actuel se révèle comme étant une conséquence négative d'un progrès dans ces
discours sociaux: Conceptualiser tout sujet comme sujet de ses actes, nécessitait de prendre
en considération que tout sujet concret peut faillir ce qui a un effet double: D'abord nous ren-
controns une médicalisation dont le diagnostique implique aussi une stigmatisation et dont le
soin de l'autre se convertit en cas de doute dans une obligation de soins. D'autre part, cette
discrimination du «toxico» mène à un endommagement du sujet comme étant non seulement
malade mais aussi irresponsable et même non-coupable. Cependant, la capacité de culpabili-
té fait fonction d'une catégorie ontologique de l'homme, et voulant la nier entraîne une déhu-
manisation de l'homme comme effet dialectique négative du progrès de la civilisation. C'est-à-
dire, tout au contraire de ces idéaux rationalistes, les pratiques arbitraires du savoir et du
pouvoir au sujet toxicomane reflètent une idéologie socio-technologique et utilitariste, qui le
déhumanisent et le dégradent au statut d'un objet.
Condition fondamentale est l'ensemble d'un état moderne et des sciences normatives, qui
n'est nullement à considérer comme une entité ou suprastructure, développée au mépris des
individus, tout en ignorant qui ils sont et jusqu'à leur existence (Foucault 1984, 305). Tout au
contraire, nous rencontrons une structure et une dynamique très élaborées, dans lesquelles
les individus peuvent être intégrés à la seule condition qu'on déforme cette individualité à une
forme nouvelle, soumise à un ensemble de mécanismes spécifiques des sciences et de la po-
litique, ici à des mesures de santé publique ainsi que de sécurité publique. Si la norme sup-
plante la Loi, si le vraisemblable et le possible sont mis à la place du vrai et si des stratégies
d'intervention substituent le standard professionnel, le discours toxicomaniaque dit la vérité
d'un ordre arbitraire auquel on tente de l'assujettir. Si le choix du toxico peut être considéré
comme demande symptomatique pour un malaise dans la civilisation, celui-ci se trouve juste-
ment réctualisé par ces traitements à tout fin utile. C'est par là que nous rencontrons un cer-
tain pont entre la toxicomanie et la politique, qui ne sera que le négatif d'un discours social
ambivalent: La toxicomanie dit ce qui ne peut pas être dit dans les discours communs.
Foucault (1972, 524) nous fait savoir que ce n'était pas comme savant que l'homo médicus
prenait l'autorité dans l'asile, mais comme sage, comme garantie juridique et morale. Cepen-
dant, dans le cas de l'injonction de traitements, le droit et la médecine ne fonctionnent plus
comme un référent protégeant le sujet déviant, mais se le mettent à leur disponibilité: C'est
alors - pour paraphraser Montesquieu (1748) - le sort de ceux qui abusent que l'on abuse
contre eux-mêmes. Et ceci ressemble fort au Marquis de Sade (1795) qui revendique le droit
de propriété sur la jouissance et de soumission de l'autre à cette jouissance, tel que l'autre
aurait le droit de le soumettre à l'assouvissement de ses désirs. L'identité structurale de ces
constatations dévoile précisément le caractère pervers de cette politique et de ce discours
social. La père-version de cette transgression montre bien que les pratiques de traitement
3

proviennent d'une signification transitive du terme, qui veut dire traiter, mal-traiter quelqu'un, le
traiter comme objet ou comme assujetti dans une relation maître-esclave. Par contre et pour
revenir à la sensibilité pour la souffrance de l'autre, nous pensons avec Henri Ey (1972, 280-
281) que «toute subversion, tout malheur, tout drame ou tout conflit n'est pas maladie contrai-
rement à l'opinion systématiquement prêtée à tous les psychiatres et adoptées par trop d'en-
tre eux». Donc, la solution «substitution» est résultat d'une alliance du pouvoir politique et du
savoir médical pour ne pas avoir à se poser la question des limites et des transgressions: En
médicalisant la toxicomanie, la société se débarrasse de la question de ses propres fonde-
ments consommatoires. Et: En intégrant le sujet toxicomane dans son discours social, elle
l'élimine en le consommant (cf. Glucksmann 1975).
Sous ce point de vue, l'homme semble toujours courir le danger de transgresser ses limites.
Nous voyons que la question du droit en philosophie dépasse le simple cadre des lois: Poser
la question du droit est - comme déjà montré à l'exemple du traité de Beccaria - non pas un
acte juridique mais métaphysique, constituant à questionner la légitimité des choses sous un
point de vue éthique. Le droit, et en profondeur la politique, n'ont pas un autre sens que de
remplacer le gouvernement des choses par le gouvernement des hommes, comme l'a expri-
mé Karl Marx. Par conséquent, on ne s'étonnera pas que la question soit inséparable de celle
du sujet qui est littéralement assujetti à la Loi, mais qui est - en tant que sujet de la pensée -
également capable de se désassujettir.
Le droit représente alors une forme symbolique qui, comme toute forme symbolique, épouse
une dialectique: Connecté avec l'imaginaire sous forme d'un mythe, le propre du droit serait
avec Cassirer (cf. Vergely 1998) de dépasser cet aspect mythique pour constituer un champ
de réflexion autonome capable de s'affranchir de la pression des conditions extérieures. Mais
soyons sceptique en ce qui concerne cette autonomie et ces garanties du droit: Dreyfus et
Rabinow (1984) démontrent même, que cette autonomie du discours se trouve être une illu-
sion. En se référant à Kant, Foucault (1984, 299ff) nous apprend que le rôle de la philosophie
est d'empêcher la raison d'excéder les limites de ce qui est donné dans l'expérience et de
surveiller également les pouvoirs excessifs de la rationalité politique dans l'État moderne,
dans la gestion politique de la société. Si l'objectif de ces normes est d'intégrer chaque aspect
de nos pratiques dans un tout cohérent, ce type de normativité tend vers une totalisation et
une individualisation toujours plus grande.
Par ceci, nous nous voyons confronté par un social institué et instituant, qui doit être sondé
sur ses conditions fondamentales pour un discours éthique. Car, le fondement de nos normes
dans le droit et dans les sciences, ce qui nous a amené à une répression des pulsions en ver-
tu du principe de notre civilisation ainsi qu'au déchiffrement de la vérité de nos désirs, ce fon-
dement nous a emprisonné dans notre rapport à nous-mêmes et assujetti au mécanismes
normalisatrices de la loi et des sciences, notamment de la médecine.
Par conséquent, la qualité de l'action communicative n'est plus du tout réfléchie et authentique,
mais exclusivement stratégique dans le sens d'une stratégie sans stratège. C'est-à-dire que
l'institution thérapeutique et le psychothérapeute ne se voudront plus un lieu de parole interpel-
lable par le sujet si ils ne réussissent pas à réaliser un discours éthique, un discours qui re-
connaît le manque-à-être des sujets dans leur relation fantasmatique, c'est-à-dire de garder
un discours, qui essaie d'empêcher la fixation du désir et l'arrêt de la jouissance figée dans
des sujets aliénés (cf. Kobbé 1998a). Car le discours médical, qui d'abord semble être encore
motivé par un intérêt thérapeutique, se révèle trop souvent comme un discours du maître qui
rend impossible de faire un troisième terme, de se définir comme un certain référent dans une
institution thérapeutique. C'est pourquoi l'asocial du social doit être dénoncé en esquissant à
nouveau la base légale du moderne et son impact pour les politiques du social.
Par son emploi du verbe dans un sens transitif, Sartre nous explique que c'est le sujet qui
existe la structure et pas l'inverse. Vu ce fait, il nous est imposé une obligation non des soins
mais d'une éthique des soins, une attitude qui pourrait structurer et garantir que le sujet ne de-
vienne pas obligé de désirer la loi, mais pourra organiser son désir et sa jouissance selon la
4

loi. Des soins qui ne sont pas à réduire sur le traitement de sujet toxicomanes, mais à consi-
dérer comme souci de soi, souci d'autrui et souci de la vérité (cf. Kobbé 1998a; b). Dans ce
sens d'une tâche philosophique et universelle, il paraît indiqué de revenir à la question de Kant
dans son essai "Was ist Aufklärung?", qu'est-ce qu'est l'"Aufklärung"? de 1784. Avec cette
thématique il nous pose la question: Qui sommes-nous, à ce moment précis de l'histoire?, une
question tout à fait actuelle dans notre situation présente. Foucault nous répond, face à notre
démajorisation dont nous portons la faute, l'objectif principal ne serait pas de découvrir, mais
de refuser ce que nous sommes. Et il poursuit: «Il nous faut imaginer et construire ce que
nous pourrions être pour nous débarrasser de cette sorte de «double contrainte» politique
que sont l'individualisation et la totalisation simultanées des structures du pouvoir moderne.
On pourrait dire, pour conclure, que le problème à la fois politique, éthique, social et philoso-
phique qui se pose à nous aujourd'hui n'est pas d'essayer de libérer l'individu de l'État et de
ses institutions, mais de nous libérer nous de l'État et du type d'individualisation qui s'y ratta-
che» (Foucault 1984). C'est-à-dire, en refusant le type d'individualité qui nous est imposé,
Foucault cherche à historiciser la notion de la loi pour promouvoir de nouvelles formes de
subjectivité afin que puisse émerger un nouveau sujet éthique.
Mais avec une sincérité troublante, Foucault nous délaisse avec le bilan que son analyse n'of-
fre ni alternative ni solution convaincante: Il ne reste que le projet d'un Soi qui choisirait dans
le contexte du système d'un souci de soi-même, d'un souci d'autrui et de la vérité de se com-
prendre et de se constituer comme un sujet éthique. Cette culture du Soi ouvrirait, comme il
nous semble, la possibilité de nouvelles relations de réciprocité (cf. Kobbé 1998b). Elle serait
à comprendre comme un retour au principe d'une éthique du désir comme elle était projetée -
et ici nous revenons sur Beccaria - comme sensibilité du sujet pour soi-même comme pour
l'autrui. Sans doute, cette détermination du Soi constituait un sujet et un social moins corrom-
pu par les techniques disciplinantes, mais il le rendrait par contre beaucoup plus vulnérable
pour les mécanismes d'un pouvoir normalisateur du droit et de la science.
Projeté sur le niveau de la société, le projet de la moderne, qui visait l'humanisation de tout su-
jet par un progrès moral, nous a déjà montré le problème de sa dialectique négative inhérente:
Kant nous avait proposé de combler l'espace vide, inévitablement ouverte par la raison criti-
que, par l'idéal régulateur d'une raison instrumentale. Notre situation actuelle nous confronte
avec les résultats désastreux de cette solution qui n'a que trop réussi et reste quand même
fiction (cf. Bergfleth 1984). Il se pourrait que la solution proposée par l'"Aufklärung" serait en-
tre-temps pour une bonne part le problème qu'elle cherche à résoudre, surtout quand elle
s'avère comme un simulacre sous forme d'une "Aufklärung" banalisée et palabrante. C'est-à-
dire que la raison comme raison instrumentalisée et cynique (cf. Bergfleth 1984) fait fonction
non seulement comme fétiche mais encore comme putain du soi-disant progrès dans des
sciences sociales et normalisatrices, qui se réduisent en sciences sans conscience ainsi
qu'en sciences-fictions.
C'est de cette malaise dans la civilisation que nous parle la demande symptomatique du sujet
toxicomane. Et c'est pourquoi il nous semble d'autant plus que jamais indiqué de proposer un
paradoxe, voire d'utiliser à plus forte raison la raison critique comme le moteur d'un change-
ment - on n'oserait pas dire d'un progrès - vers un social humanisé, tout en attendant de se
fournir par ceci la base d'un type de résistance non réactive pour un système éthique plus sa-
tisfaisant. C'est dans ce sens que les aspects irrationnels de l'affectivité, de l'imaginaire, de
l'inconscient pourraient recevoir la chance de ne plus être exclu par une raison technique.
Mais mettons nous en garde que n'importe quel système éthique, constitué comme paradigme
alternatif, ne ferait qu'induire ses propres dangers nouveaux et imprévisibles. C'est pourquoi il
nous faut entrer dans une réflexion engagée sur les limites du normal et du pathologique. Voilà
pourquoi Zagury (1998, 104) nous avertit que la médecine et la psychologie risquent fort
d'être «le jouet de tous les détournements, dans une société affolée ... et tentée pas les ré-
flexes obscurantistes», si ces sciences scotomisent leur image «en miroir, en une sorte d'hal-
lucination négative» de leur propre reflet.
5

Avec ceci, notre essai tente à prendre sa responsabilité pour l'autrui et - d'une certaine façon
- d'intégrer une axe d'éthique des actes, du désir, de la jouissance comme aspect peut-être
encore marginal dans la topologie des rapports entre vérité, pouvoir et pratique institutionnelle.
Cet essai reste pour sûr une réflexion fragmentée, réalisée et seulement réalisable dans un
cours philosophique sceptique et d'une certaine façon désespérée. Mais il connaît, en s'assu-
jettirant aux jugements cyniques des autres, le désir éthique comme «visée», qui - comme ré-
sistance toujours exclusivement réactive - ne connaît pourtant, avec les paroles de Kafka
(1918, aph. 26), «pas un seul chemin». A cela, l'écrivain expose que «le chemin véridique
mène sur une corde» qui se trouve tendue «à peine au-dessus du sol» (Kafka 1918, aph. 1).
Le vouloir parcourir, signifie un acte de balance comme cours auto-interrogatif sur un chemin
qui semble plutôt être destiné «à faire trébucher que d'être parcouru», car toute position éthi-
que porte des dangers et nous avertit - comme nous spécifie de nouveau Kafka (1918, aph.
26) - que «ce que nous appelons chemin, est hésitation».
Annotations
1 La version allemande de ce fragment de Pindar se trouve être composée dans le style très particulier de Höl-
derlin avec, en outre, sa poésie condensée et sa ponctuation réduite. C'est pourquoi notre version française ne
pouvait pas passer comme une traduction littérale ou une transcription textuelle, mais qu'il fallait oser une trans-
position littéraire, un transfert d'une langue dans l'autre, tout en essayant de respecter - quasiment en dépit de
cette thésis - la diction spécifique de l'auteur (cf. Derrida 1987). En ce qui concerne le problème évoqué, Höl-
derlin nous fait savoir que cet esprit ambigu résulte d'une oscillation ("Schwanken") et d'un différend ("Streiten")
entre le droit et la raison. Il poursuit que leur rapport est à attribuer à un troisième référend, ce qui constitue leur
connexion infinie et infiniment précise ("unendlich [genau]")et ce qui permet de résoudre leur réciprocité dans
une relation incessante ("in durchgängiger Beziehung").

Bibliographie
Beccaria, C. 1764 (trad. par A. Morellet, An V [1797]): Traité des délits et des peines, Imprimerie du Journal
d'Économie publique, de Morale et de Politique.
Bergfleth, G. 1984: Zur Kritik der palavernden Aufklärung, Matthes & Seitz, München
Derrida, J. 1987: Mémoires. Pour Paul de Man, Galiliée, Paris
Dreyfus, H. & Rabinow, P. 1984: Michel Foucault. Un parcours philosophique, Gallimard, Paris
Ey, H. 1972 in L'Évolution psychiatrique, pp. 280 et suivantes [cité par Zagury, D. (1998) op. cit., p. 45].
Foucault, M. 1972: Histoire de la folie à l'Age classique, Gallimard, Paris
Foucault, M. 1984: Pourquoi étudier le pouvoir: La question du sujet, in: Dreyfus, H. & Rabinow, P. (1984) op.
cit., pp. 297-308
Glucksmann, A. 1975: La cuisinière et le mangeur d'hommes, Seuil, Paris
Hölderlin, F. 1805: Das Unendliche [Pindar-Kommentar VII], in: Hölderlin, F. (Éd. D.E. Sattler) 1988: Sämtliche
Werke. Kritische Textausgabe. Tome 15: Pindar, Luchterhand, Darmstadt, pp. 294-295
Kafka, F. 1918: Betrachtungen über Sünde, Leid, Hoffnung und den wahren Weg, in: Brod, M. (Éd.) 1996: Franz
Kafka. Gesammelte Werke: Hochzeitsvorbereitungen auf dem Lande und andere Prosa aus dem Nachlass,
Suhrkamp, Frankfurt a.M., pp. 30-40
Kant, I. 1784: Beantwortung der Frage. Was ist Aufklärung?, in: Kant, I. (Éd. J. Zehbe) 1994: Was ist Aufklä-
rung?: Aufsätze zur Geschichte und Philosophie, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, pp. 55-61
Kobbé, U. 1997: Le toxicomane n'existe pas ou Fractales psychologiques dans la structure du préjugé, in: Insti-
tut de Recherches Spécialisées (Éd.): Comment soigner des toxicomanes?, L'Harmattan, Paris, pp. 27-38
Kobbé, U. 1998a: Zwischen Kant und de Sade: Die Ethik des Begehrens als politische Haltung, in: Ebrecht, A. &
Wöll, A. (Éd.): Psychoanalyse, Politik und Moral, Diskord, Tübingen, pp. 223-237
Kobbé, U. 1998b: Seel-Sorge oder Die Praktiken des Selbst. Eine ethische Foucaultiade, in: Psychologie &
Gesellschaftskritik, vol. 22, nº 4, pp. 7-28
Montesquieu, Ch. de 1969 (1748): L'esprit des lois. Tome I et II, Gallimard, Paris
Sade, D.A.F. de 1995 (1795): Français, encore un effort ..., Mille et une nuits, Paris
Vergely, B. 1998: Cassirer. La politique du juste, Michalon, Paris
Zagury, D. 1998: Modèles de normalité et psychopathologie, L'Harmattan, Paris

Adresse de l'auteur
Dr. Ulrich Kobbé
iwifo-Institut Lippstadt, BP 30 01 25, D-59556 Lippstadt
ulrich.kobbe@iwifo-institut.de
ulrich@kobbe.de

You might also like