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2 N° 15 - avril 2009
En revanche, la notion de « victime » est (notamment affaire Soering c/ Royaume Ce problème d’incompatibilité ratione
appréciée de façon assez large. Uni, du 7 juillet 1989). temporis donne lieu à une Jurisprudence
importante et pose des difficultés parfois
La Cour reconnait à la fois les victimes En cas de décès de la victime, la Cour, qui extrêmement délicates d’application dans
directes (il ne lui est cependant pas possi- théoriquement applique la règle selon la- le temps.
ble de statuer sur un cas qui n’est pas un quelle le procès peut être poursuivi par les
cas individuel par une actio popularis ) héritiers, en fait parfois une appréciation D’une façon générale, il est apparu, lors
mais aussi les victimes indirectes. pour le moins large puisque, dans une Ju- de ce séminaire où intervenaient 3 des
risprudence où elle estimait que des règles 47 hauts Magistrats de la Cour et 2 des
Il faut juste prouver qu’il existe un lien à portée générale étaient en cause, elle a 200 Juristes qui instruisent les dossiers,
particulier et personnel entre la vic- statué alors qu’en cours de procédure, le une volonté évidente de cette Juridiction
time directe et la personne qui exerce le requérant était décédé et qu’aucun héritier d’offrir aux justiciables la possibilité qu’il
recours, et que la violation du droit lui a n’avait repris la procédure. soit statué sur les violations des Etats, en
causé un préjudice ou qu’elle avait un in- essayant de leur expliquer le « parcours
térêt personnel justifié à ce qu’il soit mis Il faut, bien entendu, que le requérant du combattant » que constitue la mise en
fin à cette violation (notamment affaire soit une victime d’une violation de la œuvre d’une requête.1
McCann et autres c/ Royaume Uni, du 27 Convention ou d’un Protocole commise
septembre 1995). par un Etat contractant et qu’elle lui soit Les textes quant à la procédure sont très
imputable d’une façon ou d’une autre contraignants.
La Cour européenne des droits de l’hom- (peu importe les organes dont émanent
me reconnait aussi la notion de victimes les actes reprochés : Gouvernement, Lé- Il s’agit là d’une évidente volonté politi-
dites potentielles. gislateur, Autorités juridictionnelles ou que des Etats co-contractants qui, depuis
administratives). Peu importe également l’origine, souhaitent au maximum préser-
Il faut que des indices raisonnables et le lieu où ces actes déploient leurs effets ver leur souveraineté.
convaincants de la probabilité de réalisa- (c’est-à-dire même hors du territoire de
tion d’une violation touche le requérant l’Etat co-contractant). La Cour européenne des droits de l’hom-
qui est cette victime potentielle. me, consciente des enjeux de la protec-
Enfin, il convient que cette violation soit tion de ces droits, souhaite elle en faire
Il a, par exemple, été jugé dans plusieurs intervenue après l’entrée en vigueur de la une application la plus souple possible et
décisions que des mesures d’éloignement Convention à l’égard de l’Etat concerné. statuer ainsi à travers des cas particuliers
forcé d’étrangers (extradition, expulsion), Il est, pour cela, fondamental de savoir sur des violations qui ont une portée sou-
déjà décidées mais non encore exécutées, à quelle époque chaque Etat co-contrac- vent générale.
exposeraient les intéressés à subir, dans tant a ratifié la Convention mais aussi
le pays de destination, des traitements les différents Protocoles qui ont modifié
contraires à l’article 3 de la Convention celle-ci.
Emmanuel VOISIN-MONCHO
Avocat au Barreau de Grasse
Agnès PROTON
Avocat au Barreau de Grasse
Secrétaire Générale de l’AIJA
1 Un exemplaire complet de la
documentation fournie et explicite
remise par les Hauts Magistrats de
la CEDH lors de cette formation est
disponible pour consultation par tous
les confrères à la Bibliothèque de
l’Ordre.
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