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ANCA MAGUREANU LA SEMANTIQUE LEXICALE us Cale Maple Rel p tel h CHAPITRE | OBJET ET METHODE DE LA SEMANTIQUE Objet de la sémantique 0. Le sens en question(s) Trait définitoire du monde humain et humanisé, le sens forme l'objet de sciences ou disciplines diverses, et en particulier des sciences dites « humaines » : anthropologie, ethnologie, psychologie, psychanalyse, logique, épistémologie, linguistique, sociologie, philosophic, etc. C'est Ie but et le point de vue de la recherche et, conséquemment, le modéle de description adopté qui vont en faire autant d’objets de connaissance différents. Parmi ces disciplines, la linguistique coccupe une place de choix puisqu’il est indéniable que Je sens apparait premiérement en :apport avec la langue & I'intérieur d'une relation d’échange communicatif. Se proposent de décrire le sens, la sémantique s'est heurtée, dés sa constitution, a la difficulté de définir son objet Mais si la difinition du sens nous échappe, cela n’empche pas que nous ayons Vv «expérience » du sens. L'acte méme de parler et de comprendre suppose que le sens existe. (GENOUVRIER et PEYTARD, 1970, p. 218). Pareillement, faire parler et faire comprendre, en un mot enseigner une langue, c’est expliciter des mécanismes dont la visée ultime est la production du sens. 0.1. Le sens en lingutstique Si Vintérét pour le probleme du sens remonte aux philosophes de TAntiquité, la sémantique recoit un nom grace A M. BREAL qui publie, en 1883, dans I'Annuaire de Vassociation pour Uencouragement des études. grecques en France Ww article « Les lois intellectuelles du langage, fragments d’une sémantique » et en 1897 un « Essai de sémantique». Selon M. BREAL, cette discipline a pour objet « Vétude de la signification et des lois qui président @ la transformation des sens » Pourtant, le sens n’acquiert droit de cité en linguistique qu’avec la constitution d’une conception systémique de Vobjet d’étude: une langue naturelle et un systime d'entités linguistiques (signes) régi par des régles qui indiquent/prescrivent comment on peut ou l'on doit utiliser des entités conformément aux lois du systéme auquel elles appartiennent et dans une situation de communication donnée afin d’obtenir un résultat visé (réaliser la transmission d’un contenu). Cette conception comporte deux aspects * les signes sont ses entités d'un systéme ; ils se définissent donc : © en tant quentités © en tant que paleurs résultant de leur position au sein du systéme ; + les signes, ainsi définis, sont utilisés selon certaines régles afin de éaliser une intention communicative. O.1.1. Le signe chez SAUSSURE. Le premier aspect a été envisagé par le structuralisme de souche saussurienne : le signe est une entité biplane, constituée par la réunion d'une forme ie Vexpression (signifiant) et d'une forme du contenu (signifi). Pour FERDINAND DE SAUSSURE (1916/1968, p. 98): Le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une image ‘acoustique. (nous soulignons) Pour suggérer le lien intime entre les deux faces du signe, SAUSSURE propose le schéma suivant (dans lequel nous remplacons concept par Sé et, respectivement, image acoustique par Sa ): Les deux « faces » du signe sont en dépendance réciproque, tels le recto et le verso d'une feuille de papier (idem, p. 157). Le signe a une valeur au sein du * Les éditeurs notent : « L'image acoustique est par excellence la représentation naturelle du mot en tant que fait de langue virtuel, en dehors de toute rélisation par la parole » (ibid., ‘nous soulignons). 18 systime, grice aux rapports syntagmatiques et paradigmatiques quill contracte avec les autres unités. Aussi la seule description « positive » du signe (ce qu’il est) ne vaut-elle que si on y ajoute une description « négative » (ce que le signe n’est pas)? A Finstar du signe, le systeme linguistique est constitué d’un rapport d'implication réciproque entre un plan de Vexpression et un plan du contenu, Les deux plans du systéme ont une structure isomorphe?. La théorie opére une dissociation nécessaire dans Tindissociable ontologique de I’Expression et du Contenu, assignant la sémantique linguistique comme objet d’étude la forme du contenu d'une languet, Une premitre définition du sens se précise : Le sens ~ SIGNIFIE - est une entité constitutive de I'unité/du systéme linguistique ; il a un caractére systémique et sera susceptible ’une description structurale, analogue & celle des unités du plan de expression. Toute unité linguistique est done douée d’un sens (SIGNIFIE) en vertu des régles (conventions) du systéme auquel elle appartient. Une sémantique reposant sur une telle conception du sens sera prioritairement centrée sur l'étude descriptive du sens lexical (de Iunité linguistique) 0.1.2. Le signe chez PEIRCE, Une seconde direction congoit le signe comme le résultat de Iutilisation par un locuteur d'une unité linguistique douée de sens, afin de référer & quelque chose, & un «objet» (une réalité extra- linguistique ou un autre signe). Selon CHL S. PEIRCE, le signe est * Saussure (idem, p. 166) considérait que « dans la langue il n'y a que des différences sans termes positifs|...] Mais dire que tout est négatif dans la langue, cela n’est vrai que du signifié et du signifiant pris séparément : dés que ’on considére le signe dans sa totalité, con se trouve en présence dune chose positive dans son ordre. » » Lisomorphisme se définit comme « identité formelle de deux ou plusieurs structures relevant de plans ou de niveaux différents reconnaissables du fait de I"homologation possible des réseaux relationnels qui les constituent » (Greimas et Courtés, 1979, s. v. Isomorphisme). Ainsi, a Varticulation du plan de Vexpression en phémes - phonémes, ill correspond dans le plan du contenu articulation en sémes ~ sémemes. L‘isomorphisme du plan de Yexpression et du plan du contenu, a été soutenu par le linguiste danois Hjelmstev (1943). ‘les éléments des deux ordres se combinent ; cette combinaison produit une forme, non une substance. » (idem, p.157) 19 Quelque chose qui tient li 7 ; ui tient liew pour quelqu’un sous quelque rapport ou a quelque lite I stadresse 8 quelqu'un, cest-dive il erée dans Fesprit Ue cette parconne tn signe équivalent ou peatte un sige plus développé. Ce signe quil rte je ‘appelle Vinterprétant du premier signe. Ce signe tient lieu de son objet. (2.228) Une expression (Representamen) mise en rapport dans et par le discours avec un Objet envisagé sous un certain rapport (Fondement/Ground) produit chez Finterlocuteur un effet (Interpretant: une idée (1.339), un signe équivalent (2.228). Le signe est done une virtualité qui est actualisée dans le rapport a un objet cette Setualisation Giant régie par une li, une convention, un habitus, Cest ‘acte méme de i is face méme de cern au consttue la triade sémiotique, faisant que quelque Par sémiosis jfentends [...] une action ou une infl 3 influence qui est ou implique la coopération de trois sujets, tels qu'un signe, son objet et son interprétant. (5.484) __L’acte de sémiose institue un rapport de représentation entre deux Phénomanes: le signe et son objet, mais ce rapport n’acquiert vraiment un sens que grace & linter-médation d'un tiers, qui est la loi, Vhal i ae ene q loi, habitus, la convention _ La conception de PEIRCE n/a pas joué un role immédiat dans la constitution d'une science des signes ; elle a été diffusée, de fagon trés réductive, gree 4 la représentation connue sous le nom de triangle d’OGDEN et CHARDS, selon les premiers auteurs a pose résentati yant proposé cet 6 (OGDEN et RICHARDS, 1923) r a “aten 1. signifié 2 Interpretant 3, référence intension 5. signification 1. signifiant 1 réalité 2. Representamen 2. Objet 3. symbole 3.référent . 4 extension 5. désignation > Nous avons inscrit aux trois angles de la fi nologies proposées aux trois lela figure les diverses terminologies proposé par: 1. Saussure, 2, Peice, 3. Ogden et Richards 4. les logiciens 5. Mom 20 Cette conception est Ia base de Ia constitution de la sémiotique comme science des signes, a savoir la science qui s’occupe des entités caractérisées par la triple relation ¢ Sémantique : relation entre une entité et l'objet auquel elle se substitue # Syntaxique: relation entre entités au sein du systéme auguel elles appartiennent + Pragmatique : relation entre Ventité et celui qui utilise La sémiotique comporte donc trois dimensions : la syntaxe, la sémantique et la pragmatique, qui s‘attacheront & décrire ces trois types de relations. 0.1.3. Syntaxe, sémantique, pragmatique. Ces trois disciplines connaitront une fortune diverse : si la syntaxe a depuis toujours constitué Vobjet d’étude dela grammaire, la sémantique a été plus d’une fois reléguée au second plan, quant celle n’a pas été carrément ignorée. La description traditionnelle d'une langue assignait 4 la sémantique une position marginale par rapport A la centralité de la grammaire, étude des formes, morphologiques ou syntaxiques : le sens était un phénoméne qui échappait la rigueur des régles linguistiques et dont la saisie exigeait le recours au non linguistique informel et en transformation continuelle. Le sens était substance (psychique), seule la forme s‘'accommodant d'une description systémique et exhaustive. Ce qui expiique linterdit dont fut pendant longtemps frappée l'étude du sens : si la nécessité de cette étude n‘a jamais été mise en cause, par contre la possibilité d’en faire une science a été plus d'une fois mise en doute®, La ‘sémantique s’est constituée tard et, face aux autres disciplines linguistiques, elle nn’est pas préte & définitivement abandonner le rdle de parente pauvre auquel de nombreuses difficultés d’ordre théorique et pratique l'ont astreinte. La syntaxe a depuis toujours eu la place de choix: cest l'étude des structures (forme de lexpression) régies par des regles immanentes au systeme. La sémantique linguistique, en tant que description de la forme du contenu du systéme d'une langue naturelle s‘est développée relativement tard, dans les années '60, adoptant le méme modéle que celui utilisé par la syntaxe, & savoir le modéle structural (aussi bien en Europe que dans l'espace américain). Cette sémantique linguistique est, 2 la lumiére des trois approches sémiotiques, une description syntarique du sens. Les deux autres aspects du signe : le rapport @ Vobjet et le rapport A son utilisateur n’étaient nullement considérés. «Bloomfield définissait encore le signe linguistique comme « une forme phonétique qui a un sens», «un sens dont on ne peut rien savoir » (Bloomfield, 1935; apud Greimas, 1966, 7) a | Et pourtant, déja JAKOBSON (1952/1963, p, 42), le méme qui se réjouissait de pouvoir, grace a l'approche structurale, «incorporer les significations Tinguistiques & Ja science du langage » , reconnaissa Je pense que la réalité fondamentale a laquelle le linguiste a affaire, cest interlocution (idem, p. 32, nous soulignons) Or, dans V'interlocution on construit un sens en se référant au monde : les deux autres dimensions sémiotiques n’étaient pas encore abordées. La relation des mots aux choses a constitué la préoccupation majeure pour les logiciens, qui, & la recherche de la valeur de vérité, posaient cette relation comme crittre de validation. Une sémantique logique se développe qui étudie done la représentation de la réalité par les signes linguistiques. Le sens est toutefois produit par les usagers des signes - locuteur et auditeur - qui, d’une part, représentent le monde au moyen des signes et, d’autre Part, le font a l'intention de l'autre, I'interlocuteur censé reconstruire ce sens, Une troisiéme acception du sens se fait jour : le sens visé par le locuteut, celui qu'il veut transmettre a ou produire avec son interlocuteur. La sémantique se voit ainsi écartelée entre d’une part le sens linguistique (exical), sens inscrit dans le code et redevable d’une modélisation structurale et, d’autre, le sens « intenté »du locuteur que seule une approche pragmatique permet de décrire. Remarque. BENVENISTE accorde une signification propre a la sémantique, qu'il oppose au sémiotique Le sémiotique désigne te mode de signifiance qui est propre au SIGNE linguistique et qui le constitue comme unité [...] Avec le sémantique, nous entrons dans le mode spécifique de signifiance qui est engendré par le DISCOURS. [...] ce n’est pas une addition de signes qui produit le sens, c'est au contraire le sens (U'« intenté »), congu globalement, qui se réalise et se divise en «signes» particuliers, qui sont les MOTS. (BENVENISTE, 1974, p. 64) Le niveau sémantique est te niveau de la production du sens dans le discours, par un locuteur s’adressant A un auditeur visant & modifier celui-ci en quelque fagon que ce soit, conformément & une certaine intention. La signification discursive est la signification produite par un locuteur qui s‘approprie la langue conformément & une intention communicative. La notion de (Sens) intenté, qui nous semble peu remarquée et discutée, se rapproche des 22 notions adoptées dans la pragmatique anglo-saxonne de speaker's meaning ou utterer's meaning (GRICE, 1968/1989; DONNELLAN, 1978). Le terme sémantique recouvre done plutét, chez BENVENISTE, le domaine de la pragmatique. Lloriginalité de cette conception se révéle lorsque BENVENISTE prend en considération la saisie dia sens : aux deux modes de signifier correspondent aussi deux modes d’appréhension du sens? : Le sémictique doit ére RECONNU; le sémantique (le discours) doit étre COMPRIS. La différence entre reconnaitre et comprendre renvoie & deux facultés distinctes de Vesprit: celle de percevoir V'identité entre Vantérieur et V'actuel, d'une part, et celle de percevoir la signification d'une énonciation nouvelle, de Yautre. (BENVENISTE, 1974, p. 64-65) Deux acceptions du sens sont, en conclusion, a envisager — le sens lexical (le signifié du signe) se constitue grace aux relations (eyntaxiques) entre les signes et sera étudié dans son autonomie face & toute ingérence du non linguistique ; = une seconde perspective sur le sens en fait un produit de Y'intention du locuteur de référer 4 un objet, et cect a l'intention de l'interlocuteur. 0.2. Sens et signification La seule connaissance des régles syntaxiques et sémantiques d’un systéme linguistique qui associe & une unité linguistique un référent 4 travers le sens (signifié) dont cette unité est conventionnellement douée n’explique pas le contenu qu’un locuteur francais voudra exprimer en utilisant, par exemple, les phrases suivantes : () Deux petites pidces, dont l'une était mangée par le lit et autre par la table et le buffet. (E. Triolet, apud LEXIS, s.v. table). Q) Crest réussi! @) _ Sile contréleur vient, je ne suis pas ta mre! (apud MARTIN, 1976, p. 120) (4) I fait chaud ici. 7 Pour un commentaire plus ample du rapport de Benveniste au discours et & la prgmatique (qu'il appelle « sémantique », dans la mesure ob le discours produit du sens) cf. Magurearu (2006). Lesens des mots composant la phrase (1) ne nous dit rien sur intention qu’a eue le locuteur en prononcant cette phrase: a-til voulu décrire ou évaluer une Situation, ou encore donner un exemple de l'emploi correct du mot « table » ? Pourtant cette information est décisive pour Tinterprétation correcte de la phrase, si interprétation signifie possibilité de réagir de maniére adéquate 4 une information. ____ Pour Vexemple suivant, le PETIT ROBERT, mais non le LEXIS, indique «réussi, ie adj. (...] 3° Fam. (souvent iron.). Remarquable dans son genre» ; «souvent iron. », suggérant la possibilité pour le locuteur d’utiliser cette phrase pour référer 4 une situation évalude négativement; le choix entre le sens «normal » et le sens ironique de expression dépend de la connaissance que les locuteurs ont de la situation, ainsi que d'autres éléments para ou non verbaux de fa communication (mimique, intonation, gestes, etc.) En commentant l'exemple (3), R. Martin dit que cette phrase, dont le sens est la négation de « étre la mire de... », prononcée dans un train par une mére excédée par le comportement de son enfant, en vient a véhiculer le contenu de «me pas prendre ta défense de... Enfin, la seule saisie du sens de la phrase (4) n’explique pas pourquoi les réponses possibles : (8) Voulez-vous que ‘owore ia fenétre ? (6) Oui, en effet, passons au salon, seront ressenties comme « normales », alors que : (2) Oui, en effet, i fait chaud. 8) Mais non, pas du tout. apparaissent comme moins prévisibles, ou du moins empreintes d'une certaine agressivité. Les exemples ci-dessus montrent existence, outre un contenu véhiculé Par les unités linguistiques en vertu des régles (sémantiques) du systéme, d'une composante significative due a l'emploi des ces unités comme signes, dans un discours, avec une intention et 8 l'intention de quelqu’un, dans une situation donnée. La compréhension de cette composante significative, la SIGNIFICATION, met en jeu des régles différentes de celles du systéme, des regles gouvernant le fonctionnement du systéme et dont Yensemble forme la compétence discursive des locuteurs. La signification est due & la propriété qu’ont les unités linguistiques d’étre utilisées par les locuteurs afin de réaliser leurs intentions communicatives et de construire une certaine relation socio-communicative. 24 0.3. Dénotation vs connotation. Cette dichotomie, de source logique, utilisée fréquemment en linguistique, opére une dissociation de niveaux significatifs. Partiellement recouverte par l'une ou autre des oppositions suivantes : sens central vs sens périphérique, sens explicite vs sens implicite, sens objectif vs sens subjectif, sens premier, littéral vs valeurs additionnelles, etc, elle ne s‘identifie & aucune d’entre elles. La connotation a regu, selon le cadre théorique oi le terme a été utilisé, des definitions différentes. En linguistique, la définition la plus précise et opératoire nous semble étre celle proposée par HJELMSLEV (1943/1968, chap. 22), pour lequel 1a connotation est un systéme de signification second, dont le plan de expression est constitué par un premier systme dénotatif; sont dénotatifs Tes systémes « dans lesquels aucun des deux plans n’est a lui seul un langage ». Ona: Dénotation EXPRESSION: _ [ CONTENU: Connotation [ EXPRESSION: ‘CONTENU: A chaque fois qu'un signe, doué d'un sens 1, est utilisé afin de véhiculer tun sens, on dira qu’il a un sens connotatif; ainsi, utiliser le terme « bagnole » est non seulement référer & un objet réel (une voiture) ~ sens dénotatif -, mais aussi « connoter » un jugement de valeur [péjoration] sur Fobjet dénoté etfou un certain type de relation sociale [familiarité} existant entre les interlocuteurs*. Le caractére systémique de la connotation fait pourtant probleme ; voici une énumération des diverses variétés de connotation (d’aprés C. KERBRAT- ORECCHIONI, 1977) : ‘+ vaicurs connotatives issues dune exploitation des jeux phoniques (ex. : «Femme boniche, femme potiche »); sur cette variété de connotation repose la valeur de certains slogans publicitaires, des comptines, etc. * Les valeurs connotatives ont été discutées par les grammairiens ou les rhetoriciens tres tt; ainsi, A. Arnauld et P. Nicole dans La logique ou art de penser (1662/1970, p. 130) affirment qu’ ail arrive souvent qu’un mot, outre Vidée principale que Yon regarde ‘comme la signification propre de ce mol, excite plusieurs autres idées qu'on peut appeler accessoires aux quelles on ne prend pas garde, quoique lesprit en resoive Yimpression [1 Les expressions figurées signifient, outre la chose principale, le mouvement et la passion de celui qui parle et impriment Yune et Yautre idée dans Yesprit, alors que Vexpression simple ne marque que la vérité toute nue». A son tour, Dumarsais (Des Tropes ou des différents sens dans lesquels on peut prendre un miéme mot dans une méme langue, 1730) soutenait que « Le nom propre de Tidée accessoire est souvent plus présent & imagination que le nom de ide principale ». + valeurs connotatives portant sur d’autres aspects de la communication : © informations sur le locuteur, sur la situation ou le type de discours :les mots peuvent étre marqués par des traits signalant Vappartenance du locuteur 4 un groupe défini par des caractéristiques de génération, de race, de sexe, idéologiques, etc. ; © informations sur le type de relation communicative: les mots appartenant aux divers registres de langue sont caractérisés par leur emploi dans une situation de communication « familiéze » , «formelle», etc, définie par un certain type de relation entre locuteurs ; © valeurs reposant sur des associations sémantiques : un mot peut évoquer des significations étrangéres & son sens par — ses emplois antérieurs: le mot veux, de par son association fréquente dans le syntagme veux piewx, connote la « dévotion » ; — la culture du sujet: un Frangais (mais probablement pas un Roumain) peut associer au mot loup le sens connotatif de « injustice » en vertu de données culturellement acquises, dans ce cas la fable bien connue de La Fontaine, Le loup et Vagneat) ; — les qualités prétées aux objets a travers les référents culturellement établis (en principe, tout Frangais associe au mot chien Vidée de « fidélité ») ~ Texpérience plus ou moins particuligre du locuteur (le café au lait peut connoter pour quelqu’un I'idée euphorique de « Venfance »). Le sens connotatif peut donc étre plus ou moins socialisé, plus ou moins systématique ; certaines valeurs connotatives, apparaissant dans toute situation de communication, quels que soient le locuteur et son interlocuteur, s’objectivant par rapport a Vintention de l'utilisateur, ont un caractére systémique : telle est la situation des connotations «ruse» ou «endurance » pour les mots renard et respectivement baruf, inscrites dans le systtme de la langue par le biais des comparaisons figées rusé comme un renard, travailler comme un beeuf, ou encore les valeurs connotatives ayant trait aux données de la situation, en particulier au type de relation sociale existant entre les interlocuteurs et déterminant le choix d'un certain sous-code (registre) de la langue, Ces valeurs connotatives socialisées et conventionnelles (enregistrées par les régles sémantiques et ingcrites dans les dictionnaires) peuvent et doivent faire objet d’étude en sémantique. En revanche, les valeurs connotatives apparaissent dans une situation communicative unique, dont Yexemple de choix est sans doute la connotation poétique, échappent & une étude systématique et se réservent pour une approche stylistique. 26 0.4, La sémantique — étude du sens Le contenu _véhiculé par une unité linguistique (mot, syntagme, phrase) utilisée par un locuteur doit, par conséquent, étre analysé a deux niveaux : « le SENS de l'unité linguistique, régi par les regles (conventions) du systéme, associant & une forme de f’expression une forme du contenu donnée ; le sens est constant et apparait inscrit dans les définitions lexicographiques ; la compréhension de ce niveau du sens dépend de la seule compétence linguistique ; « la SIGNIFICATION due a l'emploi de la méme unité par un Jocuteur avec une certaine intention communicative et 4 l'intention d’un interlocuteur précis, dans une situation de discours spécifique? ; interprétation de ce contenu reléve des mécanismes pragmatiques du discours. On dira qu'une unité linguistique ayant un sens conventionnel est utilisée par un locuteur avec intention de signifier quelque chose 4 son interlocuteur, I n'y a jamais d’identité entre sens et signification. La dissociation de ces deux niveaux de sens est une option a la fois épistémologique et méthodologique. Dans une langue naturelle, la signification dépend non seulement de la elation expression-contenu-référent, mais également de la relation signe référent-locuteur institude au cours du processus discursif. Ceci explique le fait que la signification caractérise non pas, ou rarement, le signe minimal (le mot), mais bien la phrase énoncée. En schématisant, on obtient la représentation suivante LANGUE (systéme) forme de expression uw _ forme du contenu (SENS) SITUATION DISCOURS (processus) SIGNIFICATION + Précisons que emploi des termes sens et signification n’est pas observé par tous les Tinguistes de fagon analogue et que la tendance actuelle est de parler plutdt de la signification linguistique et du sens pragmatique. La convention que nous propasons ict se justifie principalement par la commodité de l'emploi du terme sens des mots, puisque notre objet est réduit ce seul aspect du sens. 27 La plupart des approches du sens peuvent se g Feposent sur l'une ou l'autre de ces défntons, en see “sen aves a) approches conceptualistes, identifiant le sens au concey 7 -pt (SAUSSURE, OGDEN et RICHARDS, partiellement PEIRCE) ; b) approches référentielles (théorie de la dénomination) : le sens est objet méme auquel il renvoie ; ©) approches fonctionnelies : le sens est I'usage : les mots n’ont pas de sens en dehors de usage qu'on en fait (BLOOMFIELD, 1933; WITTGENSTEIN, 1952/1961; AUSTIN (1961); GRICE (1957/ 1971), ete.™), ll est possible d’icentifier dans ces trois attitudes se voulant opposées les trois perspectives : syntaxique, sémantique et pragmatique, selon lesquelles la sémiotique définit et décrit tout phénoméne susceptible de fonctionner comme signe. La démarche sémiotique, acceptant d'une part la complémentarité du sens et de la signification et, d’autre part, le caractére systémique du processus disco et, partant, de la signification, reconnait deux paliers distincts du phénoméne dit «sens» dont la saisie appelle des procé ipti également distinctes. pals des procures de descpdon La sémantique linguistique (de la langue), inscrite dans le i ; nguistique ) premier grou d'approches, est appelée a décrire le sens (signifié) des unités linguistiques. ta compréhension des énoncés par un locuteur exige une étude complémentaire de la signification formant une sémantique discursive (discipline s'inscrivant dans la perspective pragmatique). Cet ouvrage porte principalement sur I'étude du sens lexical. Seules les classes sémantiques & fonction représentative (ce que la sémantique traditionnelle appelle des mots «pleins», opposés aux mots « grammaticaux», ou « morphémes ») seront ici discutées, 1. Sens, référent, objet 1.1, Objet vs référent existe des maniéres différentes de concevoir l'objet du si i a tu signe, préter 3 des confusions. Le signe peut renvoyer biel igne, ce qui peut » La formule souvent citée de Wittgenstein (1952/1961, § 43): « La , § 43): « La signification d'un mot est son usage dans le langage » est sans doute paradigmatique pour cette approche, 28 1. une entité ou une classe dentités concrétes du monde réel : école, chien, froid, écrire renvoient a des «objets » (étres, objets, phénoménes, activités, etc.) dont existence peut étre percue par les sens ; 2. une entité ou une classe d’entités abstraites: qualités, actions, événements, dont l'existence est persue par I'expérience ; ainsi, bonté curiosité, angoisse renvoient & des sentiments, & des propriétés dont nous avons tous Vexpérience ; 3. une entité (concréte ou abstraite) n’existant pas dans le monde « réel », mais & laquelle on peut référer de la méme fagon que dans le cas des objets réels. Selon PEIRCE, peut étre l'objet du signe tout ce qui est présent & Vesprit sans considérer aucunement si cela correspond & quelque chose de réel ox non (1.284) Du point de vue de la compréhension du sens lexical, Videntité ontologique de Vobjet du signe ne fait pas de différence. Ainsi, les phrases : (9) _Lesirine charme les marins par sa voix. (apud REY-DEBOVE, 1976) (10) La cantatrice charme le public par sa voix. seront comprises par le Jocuteur/Vauditeur grace 4 la mise en ceuvre d’un méme mécanisme référentiel" Dvautres estiment que siréne, licarne, etc. ne renvoient pas a un objet réel et wont pas de référent. Pourtant, le discours lttéraire, utilisant des signes qui ne renvoient pas & des existants dans le monde réel, n'est pas pour autant dépourva de sens ou de signification. ‘Une telle conception trahit une identification de la langue & un inventaire d’étiquettes correspondant aux inventaires d’objets ou de phénomenes du monde réel, La langue ne se réduit pourtant pas a cette fonction. Ce qu’on appelle «objet » du signe est un objet construit par Ie locuteur au moyen de la langue; cest Vobjet nommé a la suite d'une opération cognitive {aussi empirique soit-elle)?. De ce point de vue, la distinction objet réel, concret ou abstrait, vs » Pareillement, Karttunen (1969/1976) considére que les phrases Bill has a car et Bill saw @ unicorn se comportent linguistiquement de fagon analogue, le SN indéfini introduisant un nouveau référent discursif qui peut étre, dans les deux cas, repris par a suite par un SN défini. ® La distinction entre objet réel et objet du signe linguistique recoupe la distinction que propose Peirce entre objet dynamique et objet immédiat du signe, seul le dernier entrant dans la relation de sémiose. 29 objet imaginaire n'est plus pertinente: le mécanisme référentiel et le type de rapport sémantique rattachant un signe un objet ainsi construit est dans chaque cas identique. Les signes son «produits sous la pression de Uexpérience du monde » (ECO, 1980, p. 75). Nous proposons d’introduire le terme de référent pour désigner I’ «objet» construit, tout en réservant le terme objet aux phénomenes de la réalité, concréte, abstraite ou fictionnelle. ‘Une comparaison entre les langues révéle que si des usagers utilisant des systdmes linguistiques différents se rapportent 4 un méme objet réel, ils peuvent Ie faire de maniére différente. Ainsi, le locuteur roumain et le locuteur frangais pourront identifier, en utilisant les énoneds (11) 1. Am participat la 0 vindtoare de vulpi. 2. J'ai participé & une chasse au renard. (12) 1. Fitatent, eo oulpe sireati ! 2. Fais gaffe, c'est un fin renard ! la méme classe d’animaux auxquels ils assignent les mémes propriétés : animal + mammifére carnivore + oreilles droites + museau pointu + ...+ (auquel on attribue la propriété d’étre) rusé, reflétées par le sens du mot ; mais une expérience sociale et culturelle différente explique la création en francais d’emplois ot le mot acquiert des sens absents en roumain : renard [...} 4. Vx. Ouvrier non affilié & un syndicat, qui refuse de faire la gréve (syn. JAUNE)[...] 6. Pop. et vx. piquer un renard, vomir.// Pop. Tirer au renard, refuser d’avancer ; chercher & s'esquiver. (apud LEXIS, s.v. renard). Un méme objet réel se trouve a la base de référents distincts, traduisant des mentalités, opinions, points de vue, expériences divers. Le référent du signe est donc une construction culturelie, un ensemble de propriétés que les locuteurs attribuent aux objets. L'ensemble des référents forme Vunivers sémantique (la substance du contenu) d'une langue; construire la sémantique d’une langue naturelle touche de prés & la reconstruction de I'univers culturel de la communauté linguistique respective et qui comporte des savoirs, des croyances, des savoir-faire, des valeurs, etc. Le linguiste allemand Ch. TRIER, précurseur du structuralisme sémantique, écrivait : ‘Chaque langue est un systéme qui opére une sélection au travers et au dépens de la réalité objective. En fait, chaque langue crée une image de la réalité, complete, qui se suffit 4 elle-méme. Chaque langue structure la réalité & sa propre fagon et, par la méme, établit les éléments de la réalité qui sont particuliers a cette langue donnée. (apud MOUNIN, 1963, p. 44). Cette these explique également la formule de R. JAKOBSON (1963, p. 84) : Les langues différent essentiellement par ce qu’elles doivent exprimer, et non par ce quilles peuvent exprimer. En effet, cest univers culturel, comme ensemble de référents, que les locuteurs représentent au moyen des signes et cet univers culturel r’est jamais identique d’une communauté socio-culturelle 4 Yautre. 1.2, Signifié, référent, concept Pour les linguistes qui confondent signifié (sens) et concept, la distinction referent vs objet (denotatum) correspond a la distinction logique intension vs cxtension les logiciens définissent le concept soit par son extension, en énumérant les objets qui appartiennent & une classe d‘objets auxquels s‘applique le concept, soit par son intension, ou ensemble de propriétés essentielles, nécessaires ot suffisantes pour reconnattre 'appartenance d'un objet & la classe respective. . Le logicien se propose de répondre a la question siI'énoncé (13) Lobjet X est un A est vrai ou faux, ou encore d’expliquer pourquoi I'énoncé (14) Ast aretfou ae etfou as. (ol A est nom de Yobjet et ay, a, te. indiquent des propriétés de Vobjet) est toujours (analytiquement) vrai. Le linguiste dott expliquer ce qu’un locuteur dit en énongant : (15) It voyage toujours en voiture. (16) Haacheté une bagnole. (17) H ressemble @ son pére. (18) Mon papa m’e fait cadeau d'un train électrique. et, a cette fin, ajouter aux définitions conceptuelles « objet appartenant & une sous-classe de la classe des véhicules caractérisée par...» ou «personne appartenant & une sous-dasse de la classe des humains + mile + adulte, caractérisée par... » des propriétés telles que « objet de luxe vs objet utilitaire » cu, respectivement, « dans le langage des enfants vs dans Je langage standard » 31 ou encore « exprimant un rapport affectif du locuteur a Yobjet désigné »- Ces Propriétés, qui ne caractérisent plus ‘objet, mais le rapport du locuteur a Vobjet ou & son interlocuteur; appartiennent au réfrent du signe et non au concept et encore moins a l'objet. LQ. Signifié et réferent. Le signifié et le référent doivent étre retenus comme des entités constitutives du signe linguistique, le concept et l'objet comme des entités dont le rapport forme l'objet d’étude en logique®. On peut proposer le schéma suivant : SIGNIFIANT concert. *~ [opjerreet |— reetrenr sIGNERE Logique Linguistique (sémiotique) Le référent est un ensemble non structuré de propriétés référentielles que les locuteurs assignent aux objets ~ réels (conerets ou abstraits) ou imaginaires — sur la base d’habitudes ou d‘expériences socio-culturelles partagées ou 4 I'issue d’expériences individuelies non socialisées. Le référent est donc une représentation, une « image » de l'objet qui peut étre plus ou moins différente d'un locuteur & l'autre, Une base commune doit toutefois fonder la possibilité et la condition de succes de l'intercompréhension. Cette base commune, ou une partie de cet ensemble, une fois mise en forme linguistique, exprimée par un signe appartenant au code linguistique, constitue le signifié (sens lexical), ‘On peut se demander si voiture et bagnole, ou encore pére et papa, renvoient respectivement des référents distincts. La réponse négative nous semble simposer. La synonymie releve du systme linguistique qui introduit, & Vintérieur de ensemble non organisé de propriétés référentielles (‘univers » Au sujet de V'idéographie (langue artificielle) de Frege, F. Jacques (1985, p. 259) remarquait : « Comme toutes les langues formulaires, elle est avant tout un langage non ‘marqué par rapport aux contraintes de T'interlocution. Elle est telle que « le signe renvoie directement & la chose » . En quoi le régime de la référence y change du tout au tout par rapport a la langue naturelle, 32 sémantique), une organisation qui Iui est propre; ainsi dans les exemples ci- dessus un méme référent est en rapport avec des signifiés distincts ; dans une autre langue, les distinctions peuvent ne pas étre pertinentes, cest-a-dire ne pas se trouver A [a base d’une opposition lexicale : si les Francais savent que la neige peut étre molle ou durcie, ou encore poudreuse, qu'elle tombe au sol, Jeur experience sociale n’a pas imposé la lexicalisation de ces propriétés par des mots différents, comme cest le cas dans la langue des Eskimos. Le signe est done dépositaire d'un sens ~ signifi, résultat d'une structuration linguistique de Yunivers sémantique des référents. Un autre phénoméne témoigne de la méme distinction signifé vs referent il est possible qu'un référent « pensable» (que l'on peut construire) ne soit pas actualisé dans un systéme linguistique ; ce phénoméne est connu sous le nom de lacunes lexicales (trous lexicaux, lexical gaps) ; si le frangais dispose du mot sitge pour référer & tout objet (meuble) servant & stasseoir, tel n’est pas le cas en roumain ; en revanche, les deux langues ne disposent pas, ni l'une ni autre, d'un terme référant dla classe des objets « pour écrire », etc. La distinction signifié vs référent reflete donc la distinction forme du content ‘vs substance du contenu". Et méme si Yon s‘en tient a la seule étude du systéme Iinguistique, sans se préoccuper du fonctionnement discursif de ce systtme, il est impossible & notre avis de décrire le systéme de signifiés (objet de la sémantique du sens) en dehors de toute considération sur la substance du contenu (ensemble des référents). HJELMSLEV remarquait déja que: La description de la substance du contenu doit (...] consister avant tout en un rapprochement de la langue aux autres institutions sociales, et constituer le point de contact entre la linguistique et les autres branches de l'anthropologie sociale ». (HJELMSLEV, 1957/1971, p. 118) De 1a les nombreuses difficultés auxquelles se sont heurtés les chercheurs, les échecs quiils ont essuyés et qui ont motivé le refus que beaucoup de linguistes ont opposé a toute tentative de décrire (systématiquement) le sens. 1.2.2. Le référent: ECO, DUCROT, POTTIER. La conception du référent du signe Jinguistique comme «image » sociale ou individuelle de Yobjet se retrouve chez plusieurs auteurs, non sans de notables différences dues principalement au cadre théorique dans lequel s‘inscrit leur réflexion. + Greimas (1966) parlait de niveau sémantique et de niveau sémiologique. ECO rediscute, dans la perspective d'une sémiotique générale, les Principes d’une analyse structurale du sens lexical (le modéle proposé par KATZ. et POSTAL (1964) dans analyse du lexéme bachelor). Pour le sémioticien italien, le référent est un « état du monde » (ECO, 1976/1982, p. 141) auquel renvoie le Jexéme. Le sens du mot inclut les présuppositions sémantiques (qui peuvent étre assimilées aux traits sémantiques) et correspond & une unité culturelle (idem, p. 150sq) ; ECO soutient que : lest nécessaire que les circonstances objectives externes soient, en fait, soumises 4 un traitement et & une convention sémiotique. On peut considérer que les irconstances externes font partic, & titre d'entités codifiées, duu spectre componentiel du séméme (le sens lexical, n.n & condition que les objets et les images ou Jes expériences soient placés dans le champ d’une théorie sémiotique. (ECO, opcit, p. 153 ; nous traduisons) ECO en vient ainsi a considérer que : Pour un contemporain, « baleine » est probablement un séméme assez peu organisé, it les propriétés d’étre poisson et d'étre mammifére coexistent, et le spectre ‘sémantique apparait comme un réseau ot des sens contradictoires ou au moins incompatibles se superposent (idem, p. 155 ; nous soulignons) et, sur cette base, @ proposer «une représentation sémantique sous forme d’encyclopédie », susceptible de rendre compte de enchevétrement de toutes les significations que les traditions biblique-médiévale, scientifique ou populaire ont pu déposer dans le séméme baleine. Par ce concept de « séméme comme encyclopédie », ECO annule toute différence entre signifié et référent et rend impossible, & notre avis, une démarche descriptive systématique du sens lexical. On peut évoquer, & ce sujet, 'évolution de la théorie de l'argumentativité dans Je langage mise au point par DUCROT et ANSCOMBRE vers une minimisation de la fonction informative (et représentative) de la langue au profit de sa fonction argumentative. Dans le plan du sens lexical, les auteurs introduisent le concept de topos, sorte d'idée socialement acceptée par la communauté des locuteurs liée @ une expérience commune, et qui est associé a, sinon inclus dans le sens lexical. Ainsi, DUCROT (1990, p.4) considére que : Le mot loin, [...] représente la distance comme justifiant, & travers un certain topos, lié directement ou indirectement & la signification linguistique de oe mot, tune conclusion donnée. [...] cette argumentativité [..] constitue pour moi le sens ‘méme dui mot oin |...) (nous soulignons) 34 De méme, ANSCOMBRE (1989) soutient que : Comprendre un mot de la langue, ce n’est pas savoir qu'il renvoie généralement & un objet [...] ou & une propriété dont seraient ou non dotés certains objets, mais tre capable de lui associer un fsceau de top et sa mise en ceuvre. Nous considérons que le ou les topoi associés au sens lexical appartiennent en fait au référent, puisque dans les exemples (19) Loin des yeu, loin du coeur. (20). Hest loin d’avoir compris ce qu'on tui reprocke. {et les exemples pourraient étre multipliés), il faudrait dans chaque cas proposer des topoi divers pour insérer I'énoneé dans un enchainement argumentatif®. Dans une perspective plus proche d'un cognitivisme avant Ia lettre, POTTIER’ place l’analyse du sens lexical dans le contexte communicatif qui met en rapport Je locuteur, le monde et la langue : il jette ainsi les bases d’une version «faible» du structuralisme. Les deux rapports référentiels dont parlera GREIMAS, au monde et au sujet, proposent, avec des fortunes différentes, des questionnements nouveaux, auxquels la linguistique sera appelée a fournir des solutions. La sémantique référentielle s'est polarisée entre identification du sens aux propriétés référentielles (empirisme logique : MILNER”, 1982, KATZ, 1972) et la dénégation du rapport référentiel comme « illusoire » chez GREIMAS*, Refusant ces deux attitudes polarisées, POTTIER inscrit le rapport référentiel dans le schéma commuinicatif* Commentant l'exemple qu'il propose, Ducrot (1990 et 1993) introduit le topos « Plus un lieu est éloigné, plus ilest pénible de s'y rendre & pied » (Ducrot, 1003, p. 246). 4 Nous avons développé une reconsidération de la modernité des théses avancées par Pottier dans Magureanu (2005). " A titre d’exemple, rappelons que le sens lexical est, pour JCI. Milner (1982) «ensemble de conditions que doit satisfaire un segment de réalité pour pouvoir étre la référence d'une séquence oi interviendrait crucialement I'unité lexicale en cause ». ™ Greimas et Courtés, 1979, p. 335. © Pottier (1974, p. 63): « Toute signification est relative A des ensembles d’expérience selon les circonstances de la communication. »; le schéma que nous proposons est une mise en forme unique des deux schémas par lesquels Pottier représente les parcours respectfs de I'émetteur et du récepteut (1974, p. 22). Notons que cette représentation du processus de production/compréhension du sens connaitra une version affinge dans la ‘Sémantique générale de 1992 (chapitre I). i i | énonciation WAR — conceptualisation + code (LN) — message Col Cot mise en signe (lexémes) ‘+ compréhension — (ol % désigne le monde de référence, Co la conceptualisation, les indices marquent la non-coincidence parfaite des processus de production et de compréhension du sens) le schéma indique un rapport médiat des signes & la réalité (relation de déromination) & la suite d'une opération de conceptualisation™ : le locuteur procéde a une «saisie mentale » de la réalité, ou « réduction sélective de la référence s (POTTIER, 1974, p.27): . signe Le signe dénomme un référent (réel ou imaginaire), et il a une signification Gan ee, de Propriétés relatives 4 ensemble de signes dont il fait partie (idem, p.28). {Le concept Gtant un agglomérat sémique dintention (1974, p. 44) i apparait comme Je médiateur entre Vobjet-référent et Je signe qui le dénomme. Le concept est informe (let, il est done autonome par rapport 4 la langue: «Selon les langues il va étre informé » différemment, c’est-i-dire il prendra une forme contextuellement bien formée. Ainsi, le concept EAU QUI TOMBE DU CIEL sera lexicalisé en frangais comme pluie ou pleuowir selon la fonction (base ou prédicat dans 'énoncé. ee ® Pour plus de détails : sous le nom de conceptualisation, B. Pottier (1974, p. 21) décrit le Processus de la constitution du concept: « Le stimulus est le monde de référence (réel ou imaginaire). I est non fini et non discret. L’émetteur doit en faire une saisie mentale ‘pour sélectionner un certain nombre d’éléments de la perception : tout ce qui est imaging ou Percu n’est pas dit. C'est le phénoméne fondamental de la conceptualisation ou réduction selective de la référence ® ; Ry > conceptulisation TI nait ainsi une structure d’entendement, trs lie nature déliee des langues naturelles ». ™ Profende Hew dete connatance Pas 36 (ii) Le signe est, dans ce cadre, doublement déterminé : par la relation de dénomination et par son appartenance 4 un ensemble lexical dont il « tire sa signification » (1974, p. 28). (iii) La lexe et le référentiel semblent redoubler, chez POTTIER, les paliers du parcours monde - signes: la premiére est définie dans son autonomie cognitive, le second dans son rapport au signe. (iv) L’analyse du sens lexical suppose donc chez POTTIER une prise en considération constante du « réiérentiel », sorte de signe-en-puissance, de point d’ancrage du linguistique sur lextra-linguistique. Le locuteur applique une sorte de « filtre prégnant » au monde, réel ou imaginaire, pour en construire un référentiel, terrain d’entente ou, au conti :, de mésentente communicative : Dans ce cadre s‘expliquent les mauvaises interprétations de discours lorsque le récépteur a adopté, consciemment ou non, un file sélectif (pouvant conduire & la paranoia) (POTTIER, 1992, p. 62) Le référentie! de B. POTTIER est proche de notre conception du référent ; de plus, POTTIER suggére I'inexistence de toute solution de continuité entre analyse (structurale) du sens et le cadre communicatif qui assure aux mots leur force signifiante. Lidentité strictement linguistique du sme évite d'assimiler sémes et ropriétés réferentielles : en effet , dans ce que G.KLEIBER appelle le modéle des conditions nécessaires et suffisantes - proprités intensionnelles qui définissent en extension les catégories de référents et ou objets, modéle identifiable dans Vanalyse componentielle (KATZ, FODOR, POSTAL) ou sémique (POTTIER, GREIMAS), apparait un court-circuitage du linguistique au profit du référent, un référent qui appartient & des catégories aux frontiéres nettes et aux membres a statut homogéne. D’autre part, ce type d’identification du sens lexical au référent (concept) au travers duquel il référe & un objet du monde annule l'arbitraire du signe et en fait un analogon « cratylique » de lidée de Yobjet, qui, lui, s‘efface définitivement, Ainsi, le réflexion de POTTIER nous invite a considérer que seuls les semes distinctifs sont en nombre fini et structurés par le systéme linguistique, alors que les propriétés conceptuelles-référentielles semblent, du moins dans certains cas, former une collection d’unités en nombre non fini. Remarque. dans certains cas, POTTIER Tui-méme risque de basculer d’un plan a Vautre, comme le montre le commentaire suivant 37 Personne ne pourra dire ce qui fait passer d'une brochure & un livre (ce n’est pas tel nombre de pages), ou courir & galoper (ce n‘est pas telle vitesse). De méme quelle altitude est nécessaire pour pouvoir employer le terme montagne (1974, p.72) Or, dans le cas de ces exemples, il nous semble intuitivement plus adéquat de considérer que cest I'application référentielle qui fait probléme, et ion le sens des mots, De méme, Yexemple Les CRS épousent parfois les automobilistes qu‘ils dépannent sur Ia route constitue un échantillon d'interprétation Pragmatique du sens implicite: « CRS impliquant ‘méle’ dans la situation francaise actuelle, cela implique que automobiliste, qui est indifférent au sexe, ‘éalise ici le seme‘ femelle’ » (idem, p. 74) 1.2.3. KLEIBER: le prototype. Si les unités lexicales ont pour fonction premiere de désigner, représenter, la question qui se pose en premier lieu est de savoir, soutient KLEIBER, « quels sont les criteres qui permettent d’utiliser, par exemple, 1a dénomination chien pour un chien »(1990, p. 17). La réponse implique Topération mentale de catégorisation, et la question devient alors de savoir quels sont les critéres qui réunissent un certain nombre d’entités dans un méme catégorie : Le mot [...] désigne ainsi une catégorie (ou un concept) et stinterroger sur les membres pour lesquels il peut étre employé revient a sinterroger sur les ‘membres qui font partie de la catégorie qu’il représonte, {(KLEIBER, 1990, p. 17) approche de type structural (syntaxique) construit les catégories de dénominations (lexémes) comme un ensemble de propriétés nécessaires et suffisantes (modéle des CNS, pour KLEIBER). Un tel modéle, qui suppose existence de catégories & limites clairement établies, 'appartenance (ou non) de toute entité une certaine catégorie et I'identité de position de tous les membres d'une méme catégorie, se place tout naturellement dans la lignée de la théorie saussurienne de la langue comme systime de signes définis différentiellement, Considérant, 4 la suite de psychologues, d’anthropotogues ou de Philosophes du langage, que ces catégories n’ont pas de réalité cognitive, KLEIBER propose une sémantique du prototype comme « alternative aux théories Classiques du sens» (op.cit., p.18). Cette direction s‘inscrit, comme version cognitiviste, dans l'approche référentielle de la sémantique. Pour les tenants de la sémantique du prototype, les catégories n’ont pas des limites nettes et les entités apparticnnent a la classe grace A une «ressemblance de famille» (notion witlgensteinienne), les membres d'une famille étant reliés transitivement, sans qu’ils partagent tous une méme 38 propriété. Ils occupent donc des places centrales, comme exemplaire «prototypique », ou, au contraire, périphériques. De méme une hiérarchie s’établit entre catégories : niveau de base, superordonné et niveau subordonné. Ainsi par exemple (op. cit,, p. 83) SUPERORDONNE animal fruit meuble NIVEAU DE BASE chien —pomme chaise NIVEAU SUBORDONNE boxer golden chaise pliante Pour KLEIBER, la sémantique du prototype (dont il présente une version standard amendée ensuite par une version étendue) a plusieurs avantages par rapport a la sémantique d’inspiration structurale (op. cit., p. 18) oo (i) elle réintégre dans le sens du mot les traits sémantiques encyclopédiques (non différentielles) ; . (ii) elle permet de décrire organisation interne d'une catég _ (ii) elle établit une hiérarchie de niveaux categories pouvant étre utilisée ns la description de la hiérarchie lexicale. la piace nest oe ici d'évaluer les avantages et les difficultés de ta sémantique du prototype" : disons toutefois que, 4 notre avis, la sémantique du prototype n’est pas une théorie sémantique du sens lexical, mais une théorie a référent, des référents, comme le suggérent les nombreuses incursions dans la psychologie et les mécanismes cognitifs. Pour ceux — dont nous sommes ~ qui n‘acceptent pas d'identifier sens et référent et qui maintiennent la nécessité d’ ne codification linguistique comme condition nécessaire, bien que non suffisante, de compréhension, la sémantique du prototype est une approche complémentaire et non une alternative de la sémantique lexicale. Méthodes en sémantique 0, La démarche traditionnelle Pendant longtemps étude du sens accepté comme un phénoméne empirique, dont seule la modification est analysable, a autorsé une méthodotogie visant & déctire les changements subis en diachronie par le sens d’un mot considéré hors du (micro)systéme auquel il appartient. On étudiait les > Analysant les avantages de la sémantique cognitive, Récanati (1999) souligne aussi que le point faible de cette sémantique est sa théorie des classes sémantiques et que le concept de ctégorie et mal defini estime quel taxied Potties (1974 ou encore ke domaine de Coseriu sont des concepts mieux définis dans le contexte de la sémantique structural 39 causes et les types de changements ; le sens demeurait une entité inanalysable et ‘a possibilité d'une étude systématique de univers sémantique était exclue®, 1, Les approches structurales La conception de la langue comme systéme, le double postulat du caractére structural de ‘objet étudié et de Visomorphisme des plans de la langue @ abouti 4 la constitution d'une sémantique structurale. Les représentants de cette direction s‘€vertuent & décrire principalement le sens lexical, utilisant les procédures mises 4 I'épreuve en phonologie et en morpho-syntaxe. La sémantique structurale européenne, constituée dans les années ‘60, principalement en France, développe un modele descriptif du lexique basé sur les notions saussuriennes de valeur et de différence. Dans le cadre de la grammaire générative, a partir du principe de la description d’un nombre virtuellement infini d’unités au moyen d’un ensemble fini de traits, il s'est constitué d’abord une sémantique interprétative s‘attachant A décrire Ie mécanistme qui associe aux formes engendrées par la syntaxe une interprétation sémantique. La grammaire comporte un dictionnaire assignant & chaque élément lexical une ou plusieurs interprétations. Des régles d’insertion lexicale prévoient Ja substitution des entrées Iexicales aux symboles des indicateurs syntagmatiques engendrés par la syntaxe. C’est la sémantique componentielie construite par KATZ, FODOR et POSTAL: elle est une variante de approche structurale avec laquelle elle partage les principes et les outils méthodologiques. 1.1. Le renouveau en sémantique, aprés le tournant structuraliste, a été apporté par la sémantique générative™, dont les tenants nient la centralité de la syntaxe, comme d’ailleurs la distinction syntaxe vs sémantique ; les mécanismes génératifs engendrent des formes (structures sous-jacentes) contenant toutes les instructions pour l'interprétation sémantique (des représentations sémantiques). Le sens lexical est structuré de maniére analogue au sens phrastique et les mémes contraintes générales président aux régles gouvemant la combinaison des éléments du sens lexical et les régles syntaxiques™ » A consulter & ce sujet Guiraud (1969) et Ullmann (1965). ® Sur la sémantique génézative, on peut consulter Galmiche (1975), + Pour une excellente présentation analytique et critique de la sémantique dans le cadre de la grammaire générative transformationnelle, v. Tujescu (1982). 40 1.2, Ala suite de H. PARRET (1976), nous présentons quelques aspects qui rapprochent ou qui opposent les directions principales de la sémantique contemporaine : Approches structurales __Approche générative «Sémantique structurale Sémantique générative (analyse sémique, analyse componentielle + Sémantique interprétative sens, congu comme ensemble structuré d’unités minimales descriptive explicative niveau d’analyse : fe lexéme la phrase - procédure de découverte: inductive civ = role de la sémantique terprétatif générati 5 d’approche ne s’excluent pas mutuellement, ils sont copisnenties par ie cho dy niveau de description de objet, Sinserivant dans une méme conception « structurale» du sens; ils fournissent chacun des procédures de découverte dont on doit tenir compte si l'on veut dépasser le niveau lexical pour arriver & la compréhension des phrases ou des textes. 1,3, Léétude de la signification a suscité des difficultés considérées pendant longtemps comme insurmontables ; envisagée comme un fait * Parole non systématique et aesiente ila fala que soit dabord reconnue Vexistence dune compétence et, par conséquent, des regies discursives pour que les inguis se hasardent & avancer sur ce terrain de sables mouvants. L’étude du discours, constitué d’actes de langage, dont la performance obéit aux régles an syste dynamique prescivant Yemploi adéquat d'une unité linguistique dans ‘une situation donnée et afin de réaliser une certaine intention communicative, a me évidence des mécanismes dont la description exige le recours a des modéles et des méthodes empruntées & des disciplines telle que la logique de Faction, les logiques modales (épistémique, érothétique, déontique, etc.), la sociologie. 2. Langue-objet vs métalangage en sémantique [A la suite de HJELMSLEV (1943/1968) on appelie un systéme second de signification dont le plan du contenu est constitu par un autre langage métalangage. Tel est le cas du métalangage scientifique permettant de décrire tun objet lui-méme constitué en langage. 4 Langue-objet_ [EXPRESSION, | CONTENU, Métalangage [ EXPRESSION, CONTENU, La question du rapport objet décrit vs discours descriptif polarise les démarches sémantiques autour de deux attitudes qui semblent irréconciliables : (i) Ia plupart des sémanticiens acceptent la nécessité d’un métalangage descriptif et beaucoup tentent de forger une expression propre afin d’éviter les confusions et imprécisions dues 4 "homonymie ; lexéme du_métalangage - lextme de la langue naturelle (objet de la description); (ii) certains sémanticiens proposent, dans la tradition du modéle définitionnel aristotélicien dont la civilisation européenne semble profondément empreinte et dans le sillage de l'idée peircéenne de la sémiose infinie (le sens d'un signe est un autre signe), une sémantique « synonymique », fondée sur lidentité référentielle et rendant inutile tout métalangage (REY-DEBOVE, 1976). ‘Tout en cherchant a éviter les barbarismes auxquels peut aboutir la tentative de créer un métalangage, cest la premiére position qui a été adoptée dans la rédaction de cet ouvrage. Conclusions + Vobjet d’étude de la sémantique est le contenu (sens) véhiculé par les unités linguistiques utilisées par les locuteurs dans une situation de communication. + Une sémantique restreinte ~ la sémantique du systéme (du sens) ~ se Propose de décrire le sens des unités linguistiques au sein du systéme auquel elles appartiennent. + Le sens ~ signifié ~ des unités linguistiques en est un élément constitutif ; il a un caractére systématique et relationnel. + Le sens permet a un locuteur d'utiliser lunité linguistique afin de référer & une entité extra-linguistique : unité linguistique devient ainsi signe d’autre chose. ® Outre le métalangage construit par les diverses variantes de la sémantique structurale, citons Wierzbicka (1991) qui s'attache a construire un métalangage constitué de primitife sémantiques qui permettent une description interculturelle des phénoménes langagiers studiés, 2 Le référent du signe est une construction culturelle, résultat d’une cexpérience sociale. ; ‘+ L’emploi des unités linguistiques comme signes dans un discours ‘engendre la signification, plus ou moins conventionnelle, constante ou accidentelle. om & ‘© Une unité linguistique, douée d’un sens par les conventions du systéme, est utilisée par le locuteur afin de signifier & son interlocuteur quelque chose (avec une certaine signification) et de réaliser ainsi une intention communicative donnée. . * Léétude du sens implique par conséquent l'étude des conventions (regles) qui associent A foute forme de expression une forme du contenu. + Le caractére ouvert du lexique dune langue naturelle exclut la prétention d'exhaustivité et astreint le sémanticien a l'étude des mécanismes généraux qui engendrent le sens et/ou la signification, ainsi qu’a une étude toujours partielle des microsystémes sémantiques d’une langue donnée. Cet ouvrage présente les résultats obtenus dans I’étude du sens lexical et adopte, dans le cadre général d’une approche sémiotique, la mthodloge adéquate & l'objet ainsi restrictivement délimité, notamment les procédures de Stein il nous a semblé intéressant, et méme nécessaire, d’offrir au lecteur une perspective élargie, en ptoposant des incursions dans Je contexte interlocutif, la oit les mots-occurrences ont et font un sens. 43 en CHAPITRE II LA STRUCTURE DU SENS LEXICAL L’analyse sémique 0. L'hypothése structurale T’étude du sens repose sur un ensemble d’axiomes régissant la description linguistique a tous ses niveaux : (1) le caractére systémique des langues naturelles Q) Janature biplane de 'unité linguistique (3). Fisomorphisme structurel des deux plans (expression et contenu). Accepter ces axiomes, c'est accepter : a) la possibilité de viser 4 une description du plan du contenu b) Ia possibilité d’utiliser & cette fin les mémes moyens utilisés dans la description du plan de l'expression (phonologie, morpho-syntaxe) et de jeter ainsi les bases d’une sémantique structurale. 0.1. Objections Les objections & cette hypothése n’ont pas manqué : elles viennent de la part des linguistes qui estiment que le sens etou {a signification relevent de la parole (situation d’ usage), phénoméne individuel, irrépétable, non systémique et, par conséquent, inanalysable (attitude adoptée par le distributionnalisme américain); d’autre part, de nombreux linguistes qui acceptent le caractére aystémique de la langue, refusent cet attribut au lexique, en invoquant son caractere ouvert. A ceci on peut répliquer que : «Ie sens en langue n’est ni identique ni réductible a la signification en usage; 45 + Ja signification elle-méme est en grande partie régie par des mécanismes réguliers, sans quoi le fait de parler et de se comprendre serait inexplicable ; + Vinterdépendance d'un signifiant et d’un signifié & intérieur d'une unité linguistique autorise a considérer le plan des signifiés susceptible dune analyse systématique au méme degré que le plan des signifiants ; * le lexique s‘organise en micro-systémes sur la base (i) d'une structuration ontologique ou logique de objet (v. par exemple les ensembles lexématiques désignant les relations de parenté, les grades militaires, les couleurs, etc, ensembles connus généralement sous le fom de «terminologies »), soit (ii) de rapports exclusivement sémantiques (relations d’identité, inclusion, d'intersection, de disjonction) ou encore, souvent, (iii) de la complémentarité du critére référentiel et du critére sémantique ; + la saisie synchronique caractérisant toute approche structurale limite le nombre des unités a décrire 4 un ensemble sinon fini, du moins déterminé, et exclut les changements diachroniques, 0.1.1. Toutefois la définition du référent comme construction culturelle et de Y'univers sémantique comme ensemble des référents virtuellement nommables dans une langue naturelle donnée, suggére les limites que la sémantique structurale se doit d’assumer, sous peine de vouer a échee une promesse dexhaustivité impossible a tenit, La co-extensivité de Yunivers sémantique d’une langue a la culture qu’elle permet de véhiculer condamne le sémanticien & accepter de limiter le principe structural d'une description de objet au moyen d'un ensemble fini de traits distinctifs aux seules analyses des micro-systemes lexicaux. Ainsi la grande illusion des années 1960 - qui croyait possible de doter la linguistique des moyens nécessaires pour I'analyse exhaustive du Plan du contenu des langues naturelles - a-telle dé étre abandonnée, car la linguistique s'était ainsi ‘engagée, sans toujours sen rendre bien compte, dans le projet extraordinaire dune description compléte de ensemble des cultures, aux dimensions mémes de Thumanité » (GREIMAS et COURTES, 1979, s.v. Sémantique, 32.7). 0.2. Buts et étapes d'une analyse structurale La définition structurale du sens se fait jour & la croisée d’une définition substantielle Je signe est la réunion d’une image acoustique et d'un concept 46 (SAUSSURE, 1916/1960, p. 98) et d’une saisie relationnelle ; le signe est valeur au sein d’un systéme (SAUSSURE, idem, p.159 et passim). La sémantique structurale svattachera & décrire le contenu dans ses rapports avec le pian de 'expression (description « positive » ou qualificative du sens) ainsi qu’a surprendre les relations de chaque unité avec les autres unités du systéme sémantique (description « négative » ou fonctionnelle du sens). Toute analyse structurale, postulant la nature systémique de l'objet, se donne pour but de décrire, au moyen d'un ensemble fini de traits, organisation systématique d’un nombre virtuellement infini d’unités. Pour ce faire, une analyse structurale se propose : (1) d’identifier les unités minimales ; Q) de découvrir ies principes d’un classement (paradigmatique) de ces unités ; (B) de décrire Jes relations (syntagmatiques) que ces unités peuvent contracter entre elles pour s'intégrer & des unités de rang supérieur, 1. Procédure de description Elaborée & partir du modéle phonologique, l’analyse structurale du sens (analyse sémique, de souche européenne, ou analyse componentielle proposée d’abord dans le champ de I’anthropologie américaine et développée par les générativistes) utilise une procédure fondée sur les opérations de segmentation et de commutation déja mises 4 I’épreuve dans le plan de Expression. La commutation consiste 8 opérer une modification dans I'unité analysée pour étudier si cette modification en entraine une autre, équivalente dans ie plan opposé. Ainsi, tout comme b et p sont des unités du plan de Yexpression, car la substitution au trait [sonorité} du trait [surdité] entraine la modification dans le plan du contenu de l'unité BAS en I'unité PAS, BAS s‘oppose & HAUT sur la base des traits communs [spatialité], [dimensionalité], Iverticalité], par la substitution du trait [supérativité] @ [non supérativité), ce qui se refléte dans le plan de lexpression par le différence entre les unités bas et haut. N.B. La notation suivante sera adopiée : ~ lexémes (unités du plan de l'expression) : table, chaise, etc. = sémémes (unités du plan du contenu) : TABLE, CHAISE, etc. ~ sémes (unités minimales du contenu) : [objet), [pour sasseoir], etc. a7 ee Comme dans le cas de analyse pratiquée dans le plan de I'Expression, Vépreuve de la commutation implique le recours au plan opposé de la langue : L’analyse des deux plans doit done étre menée, bien que par les mémes méthodes, séparément (,..). La jonction du signifié et du signifiant, une fois réalisée dans la communication, est done destinge a étre discutée das V'instant ois Tron veut faite progresser tant soit peu lanalyse de l'un ou de Vautre plan du langage. Ce qu'il faut en retenir est la possibilité et Ia nécessité de se servir du signifié pour Vétude du signifiant et du signifiant pour celle du signifé (GREIMAS, 1966, p. 30-31). A chaque unité de expression, lexéme!, il correspond dans le plan du contenu au moins une unité, appelée sémame. Le séméme est constitué d’un ensemble organisé de traits distinctifs de contenu, nommés sémes (traits sémiques). L‘identification des unités distinctives dans le plan du contenu se fait au moyen de Ja procédure segmentation-commutation. [I y aura unité minimale distinctive (séme) si la commutation de ce trait par un autre produit une modification dans le plan opposé de l'expression. 1.1. Le modle POTTIER Les premiéres analyses de POTTIER (1964, 1974) portent sur un ensemble de lextmes « présentant un maximum daffinités », délimités par un « champ d expérience », et formant ce qu'on appelle un champ sémantique, ou encore champ conceptuel ou notionnel, A la’ suite de application des opérations de segmentation et de commutation, il résulte un tableau ordonnant les traits distinctifs de sens sur 'horizontale et la série lexématique sur la verticale, 1 Greimas (1966) attribue au lexéme un sens différent, en en faisant une unité du plan du contenu : pour notre part, nous préférons nous en tenir & 'acception devenue classique en linguistique, celle d'une classe d'unités minimales autonomes & double face (signe minimal) qu'il est courant d'opposer au morphéme & caactere grammatical. Le lexéme est défini par sa fonction représentative et référentielle, alors que les morphémes dits «grammaticaux » ont pour fonction de constituer des unités de rang supérieur et/ou dlarticuler les énoncés en discours. > La notion de champ sémantique et les notions apparentées de champ assaciatf (Bally), champ notionnel (Matoré), champ morpho-sémantique (Guiraud), champ lexical (Coseriu), ete, se recouvrent partiellement, tout en défendant leur spécificité due aux cadres théoriques dissemblables. 48 so = = 3% a a [pour Jur | fpourune | (avec | [avec |{fen matiére Lectmed\ | sasseoir| | pieds]_| personne] | dossier] | _bras]_|__rigide) chaise + + + + = | fauteuil + + + + : : tabouret + + + = ‘ canapé + + ~ oi . Peet : POTTIER, 1964 = ‘Semes ao 8 = ey = {manifestation | {parie | (parle | [parla | [avec | (parun Lexbmes sonore buccale] | chat] | chien) | poule] | décibels) | humain} | aboyer + ~ + = = = Crier + = - = ¢ glousser + = 2 = = miauler + a (oi ~ marque la non pertinence du s&me respectif pour la description ds sens du lexéme) POTTIER utilise le terme séméme pour désigner un ensemble de semes décomposables en un sous-ensemble de sémes spécifiques (sémanléme), un sous- ensemble de stmes génériques (classime) et sous-ensemble de sémes connotatifs (virtutmo), marque, 2 imal de sens, alors qu'il Romarque. our POTTIER le seme est un trait minimal 7 appara évident que la plupart des sémes dégagés pat ses analyses sont & leur tour décomposables. Il semble préférable de parler de traits distinctfs, sans avancer la prétention d’aboutir aux traits minimaux de sens. ‘ comparative du sens des lexémes appartenant A un micro- opine, ote an ou lusicurs traits distinctifs communs (exemple : [objet pour s'asseoir], {manifestation sonore buccale}) que l'on appellera archiséméme. Un archisémeme peut @tre manifesté, mais ne Test pas toujours, par un archilexéme: tel est le cas de [objet pour s‘asseoir], réalisé en francais par le ene os est plutét rare : a archiséméme [manifestation sonore buccale], ou encore objet pour écrire] de la série crayon, porte-mine, porte-plume, stylo & bille, bic? il ne correspond en frangais aucun lexéme. 2 Faik, 1977, p. 16. 49 jo 1.2, Le modele GREIMAS Se proposant de mener plus loin l'étude du sens lexical, de préciser le statut des traits de sens, d’en étudier l’organisation au sein du séméme, A. J. GREIMAS (1966) approfondit le sens du lexéme {éte. Pour ce faire, il propose une procédure complémentaire a celle de POTTIER, il étudie notamment ensemble de contextes (propositions, syntagmes discursifs ou figés) comportant le mot téte recensés par le LITTRE. 1.2.1, Analyse due mot « téte ». A partir de la définition « réaliste » du mot: « partie (du corps) unie au corps par le cou», Greimas procéde 4 une étude détaillée des variations significatives de ce mot dans diverses sous-classes contextuelles ; il obtient ainsi a) partie du corps... = recouverte par les cheveux : la téte nue, laver la téte, téte de fou ne blanchit pas ~ non recouverte par les cheveux (visage) : faire une téte de circonstance, tu en fais une téte b) partie osseuse : fendre la téte de quelqu’un, se casser Ia téte, téte de mort ) organisme — en tant qu’unité discréte : ce troupeau est composé de cent tétes, ‘vous aurez @ payer tant par téte — @tre vivant ou vie : mettre la téte de quelqu’un a prix, it paya de sa téte — personne humaine : une téte couronnée, se payer la téte de quelqu'un GREIMAS remarque que dans tous ces contextes, le mot se caractérise par un contenu invariant, « partie du corps ». Une nouvelle série de contextes révéle un autre sens du mot caractérisé par les traits [extrémité] + [supérativité] : ~ [extrémité] + [supérativité] + [verticalite]: la téte d’um arbre, étre& la téte des affaires, avoir des dettes par-dessus latte = [extrémité] + [antériorité] + [horizontalité] + (discontinuite] : fourgon de téte,téte de cortige, prendre la téte ~ [extrémité] + [antériorité] + (horizontalité] + [continuits] : téte de nef, {8te d'un canal, tte de ligne Une troisiéme série de contextes fournissent le trait de sens [sphéroidité] la téte d'une cométe, tte d'une épingle, de clou, ete., se casser Ia tte, avoir la téte dure, se melire dans Ia téte, se creuser la téte. Remarquant Vapparition dans ces contextes du 50 GREIMAS affirme que ce sens repose également sur les a emit) © si un ensemble de traits traits: [extrémité] + (supérativité], qui forment ain: sémiques commun a toutes les occurrences du mot téte. 4.2.2. Le séméme. Cette analyse permet de distinguer a V'intérieur du sens des lexémes un ensemble de traits sémiques ou sémes commun 3 une ou a plusieurs classes contextuelles, désigné par GREIMAS noyau sémique (ou figure nucléaire) (Ns); chaque classe contextuelle se caractérise par des stmes spécfiques, dus au contexte, appelés classémes (ou sémes contextuels) (Cs); ides sdmes comme [solidité] dans se casser la tee, ou encore [contenant] dans se mettre dans la tte, une téte bien remplie viennent s‘ajouter & {sphéroidité] suite & Yemploi du terme dans des contextes différents. Ainsi, le séméme (sens, signifié d'un lexéme) peut se représenter comme Sm=Ns+Cs Le séméme n’est donc pas uste unité autonome : il se constitue dans le contexte linguistique. C'est l'une des idées fortes de la théorie de GREIMAS. Le lexéme féte recouvre deux noyaux sémiques principaux : (Noi = [extrémité] + [supérativité] + [sphéroidite] Nee= [extrémite] + [supérativité] + (point] qui, se combinant avec les divers simes contextuels, engendrent un certain, nombre de sémémes : [extrémité] + [supérativité] + {continuité] Ns cs Ia téte d’une comite, Ia téte d’épingle {extrémité] + {supérativité] + [point] + [continuité} Ns Cs téte de ligne ——— é a méme objet de référence, 4 Précisons que les termes sens lexical, signifé, séméme, ayant un mér : tahissent le point de vue de la recherche : au sens, donnée primitive dans la conception hditionnelle, vient d’opposer le signifié, élément constitutif du signe; lanalogie fonmelle phonéme, morphome, lexéme, sénéme met en évidence le caractére décomposable de ces unités en traits distinetifs. 51 po [extrémité] + (supérativité] + [continuité] + {solidité] Ns Cs se casser la téte Enfin, on a remarqué qu'un méme séméme, disons: [extrémité] + (supérativité] + (sphéroidité] (« partie du corps ») peut désigner soit la partie du comps recouverte par les cheveu, soit celle recouverte par a peau, soit encore le crane. A I'encontre de GREIMAS — qui utilise le terme comme synonyme de séméme — nous désignerons ces variations contextuelles non distinctives (dans tous ces exemples nous avons affaire 8 un méme sémeme) par effets de sens', résultat de la réalisation dans le discours d'un trait latent non distinctif (opposition [recouverte par les cheveux vs non recouverte par les cheveux] n'est pas distinctive puisqu’elle ne permet pas de distinguer deux sémémes ou deux noyaux sémiques) (v.infra, chap. IV, 3). 1.2.3. GREIMAS eifou POTTIER. Les deux types de procédures décrites ci- dessus sont complémentaires. POTTIER part d’un contenu constant («champ d’expérience ») censé tre structuré par les signifiés des divers termes qui Vexpriment, et commute un trait de sens par un autre pour observer s'il y a, ow non, modification dans le plan de l'expression. GREIMAS se propose d’identifier les divers contenus véhiculés par une unité de expression et modifie a cet effet le contexte - ce qui se raméne toujours ‘a une opération de commutation dans le plan du contenu. L’analyse de GREIMAS a 'avantage d’éviter le risque qui consiste& gliserimpercepsiblement de Tanase d’un champ sémantique & celle d'un champ dexpérience (psychologique) pour aboutir finalement & Ja description d'un champ de la réalité (physique) » (GREIMAS et COURTES, 1979, sv. Sémique (analyse -), p. 347). Les résultats sont également complémentaires : POTTIER arrive a préciser les traits distinctifs au sein d’une série «(para)synonymique », GREIMAS distingue les divers sens dont une seule expression se fait porteuse. 5 Greimas utilise ce terme comme synonyme de séméme, alors que nous en proposor autre définition. ee ne es en repo ae 4.24. Le some. Les deux analyses présentées définissent le contenu du sens lexical (sémime) comme un ensemble de traits linguistiquement distinetifs. Le métalangage utilisé par les deux sémanticiens - chez POTTIER : (pour s‘asseoir), [avec dossier), etc, chez GREIMAS -{extrémité], [continuité], etc. - semble refléter des positions théoriques divergentes: la description du stme choisie par POTTIER suggere que le stme représente une propriété de Yobjet (ou du référent): une chaise désigne «un x qui est pour s‘asseoir», «un x qui a un dossier »*; les nominalisations proposées par GREIMAS sont en apparence le résultat d'une élaboration plus poussée d’un métalangage dont le vocabulaire serait constitué de l'ensemble des traits de sens linguistiquement envisageables’ Nous croyons toutefois que cette formulation nominale des sémes est susceptible de masquer la nature prédicative du sme: [extrémité] peut étre reformulé comme {(un x) qui occupe une position extréme], [continuité] comme [(un x) qui est continu], ete. FREGE soulignait la nature prédicative du concept (qui peut étre ici assimilé au séme) et il distinguait entre la «propriété »de Yobjet et la «note » d'un concept: Si Fobjet Fa les propriétés ©, X et ¥, je peux les rassembler en une seule, Q, de sorte que dire que T a la propriété Q ou que I les propriétés © X et W, cest dire la méme chose. (FREGE, 1892/1977, p. 300-301 ; nous traduisons) (On croit découvrir dans ce texte d'une part la nature prédicative des traits de sens (propriétés) et la parenté concept (sens) - objet (xéférent). La prédicativité du concept frégéen rest rien d’autre qu'un attribut du concept d’@tre Ia signification dune expression (linguistique) prédicative. En effet, le séme a une nature prédicative : il représente des propriétés de objet et, de ce point de vue, il est 1’équivalent d'une propriété référentielle (constitutive du référent). Les sémes sont, dans notre conception, des propriétés 16férentielles sélectées par le processus de sémiotisation de I'objet au mayen e sa désignation par un lextme du code linguistique. La parenté ontologique sens ~ ferent ot leur commune différence avec Vebjet désigneé est ainsi soulignée et elle «Pour Pottier, le sbme « doit se dire avec autant de mots de la langue naturelle qu'il faut pour bien mettre en relief le trait distinctfrelalif & Yensemble considéré », mais toutefois ‘ia dénomination du séme est un discours paraphrastique @ vocation métalinguistique » (TAL, 1985, p. 73 ;nous soulignons) 7 En effet, Kleiber (1990, p. 41) remarque que « le courant structuraliste européen avait précisément pour ambition de libérer les stmes de tout lien avec le référent pour ne retenir que leur c6té opératoire, fonctionnel, cest-i-dire pleinement linguistique ». 53 expuque bon nombre de phénoménes interprét iterprétatifs, te figural par le recours au référent. Pesatls ls a consoucion du sens 1.3. Conclusions . Tow comme le plan de Yexpression, le plan du contenu d'un systéme \suistique est susceptible d’une description structurale, + Aue unité de expression — lexéme ~ il s'associe conventionnellement une ou Pluses unités du contenu, sémémes. . segmentation et I; i i i las md reniaton et 's commutation permettent d’identifier le trait + Le sime est I été réforentieli Le sine et Yespreson d ‘une propriété réfirentielie sélectée par le * Le séméme est constitué d’un ensemble de s¢mes, * L’ensemble de stmes commun @ plusieurs sémémes, associé & un ou Plusieurs lexémes, forme un archiséméme, qui peut étre dans certains cas manifesté dans le plan de expression par un archilexdme. La structure du contenu 0. La structure élémentaire du contenu L’étude du systéme phonol i _ Létud logique fait ressortir la nature relationnelle d traits distinctifs: seule Vexistence du trait {surdité] permet identifier un tit [sonorité] ; ce qui distingue b et p cest existence d'un trait commun, a savoir la Propriété conventionnellement désignée par [sonorité] et qui se manifeste dans ‘aque phonéme par sa présence ou, respectivement, par son absence, ou ena rtilement, dans le plan du contenu, deux unité, soit BLANC et NOIR ge cre GRAND et PETIT, acquiérent leur identité en vertu d’une relation se apres sur l'idée commune de [absence de couleur] et respectivement Cest le phénoméne qui a fait dire a SAUSSURI . énom E (1916/1968, p. 166) dans la langue il n'y a que des différences », ou des oppositions! ? & ee * Rappelons qu’en linguist é ‘ ique le terme opposition sett & désigner une relat entre deux entités caractérisées par au moins un aspect commun, mien onan 54 opposition, en tant que relation entre deux termes est constitutive d'une structure élémentaire. Le terme opposition peut masquer la double nature ~ conjonctive et disjonctive ~ de cette relation ; par exemple, ‘opposition [sonore] vs (sourd] est conventionnellement subsumée a la [sonorité}, tout comme [grandj vs (petit] 8 (grandeur). «Ce qui est important ~ affirmait GREIMAS (1966, p. 21) = cest Fexistence d’un point de vue unique, d’une dimension & V'intésieur de laquelle se manifeste l'opposition.»*®, 0.1. La catégorie sémique Les relations d’opposition introduisent au sein de I'univers sémantique d'une langue donnée une structuration, dont le niveau inférieur sera la catégorie sémique. Structure élémentaire du contenu, la catégorie sémique se définit comme Ja relation unissant deux traits de sens (semes). Ii s'agit de fait d’un contenu actualisable en deux termes, dont l'un apparait comme la négation, Topposé ou encore I'inverse de l'autre. Voici, par exemple, les verbes parler et aboyer: ils possédent en commun les traits (activité), d’{émission] de {sons}, [au moyen de}, {appareil phonatoire] et se distinguent par la modalité de manifestation de la catégorie classématique de I'[animé] articulée en [humain] vs [animal]. De méme, patler «oppose & crier (dans le sens de « Parler fort, élever la voix au cours d'une conversation, d'une discussion », apud Le PETIT ROBERT) par la manifestation oppasée de la catégorie nucléaire de I'fintensité] : (Q) Mparlait d’une voix douce et monotone. (2) _ Il fut obligé de crier pour couworir le brouhaha. Les contenus de parler vs s¢ taite sont comparables au niveau de l'ensemble de traits : [activité], d’[émission} de [paroles], et se distinguent par une catégorie modale: modalité ontologique [virtuel] vs [actuel], dans la mesure ot ge taire i une des acceptions du mot grandeur renvoie & V'idée d’étendue en hauteur ou en largeur ou en longueus, 1a plupart des emplois privilégient le péle « positif» (étendue maximale) : la grandeur d'un appartement, d'un conquérant, d‘bme, d'une Epapée, d'un sacrifice, etc. (apud le LEXIS). + [ est intéressant que dautres auteurs ont proposé d’utiliser dans la description du sens lexical des « points de vue » (Granger, apud Germain, 1981, chap. V, 2) ou des dimensions (Cogeriu, 1975). 35 Peut étre compris comme « ne pas actualiser la possi des paroles » (cf, « s‘abstenir de parler » int LEXIS) : @) UM parlait toute ta journée. (4) Hse taisait toute la journée La structure élémentaire peut étre représentée sous l'une des formes: a R 2, ou R (@b), ott a et b désignent les termes et R la relation ; on peut également la représenter comme : R R oN a 6 a é ott la relation apparait comme le neud d’embranchement de deux termes. Au sein de la catégorie sémique chacun des termes constitutifs implique la relation constituante de niveau supérieur, une relation d‘epposition (contradiction, contrariété) s’établissant au méme niveau : R a b opposition 0.2. Catégories simples vs catégories complexes Dans les deux plans de la langue, la structure élémentaire est binaire", Pourtant Ja relation d'opposition peut se manifester soit comme une contradiction : {ou a ou b), ou bien (ow @ ou non a), soit comme une contrariété : (ou 4 ou b ou [nia ni 5), ou bien (ou @ ou b ou [et a et bj) ; la contrariété est donc caractérisée par la présence d'un terme intermédiaire : (ni a ni 8] ou fet a et b] Ainsi, par exemple, les termes : MARIE vs CELIBATAIRE sont opposés en vertu du trait [ayant contracté une relation dalliance maritale], présent dans MARIE et absent dans CELIBATAIRE. Dans le contenu des deux lexémes, par ailleurs XY Le inarisme semble caractériser le fonctionnement de lesprit humain, une longue tradition logique et philosophique procédant de ce postulat épistémologique 56 i dans le cas des blables, apparait une opposition du type (@ ou non a); ceaemes GARCON vs FILLE, il existe une différence du type (ou @ ou b) : (sexe in vs féminin), qui les distingue. men Mais 3 cbt des termes ‘grand et petit, il existe le terme moyen ‘dont le signifié contient le trait [ni a ni b] (trait newtre) ; le signifié du terme gazeux se définit au moyen du trait complexe (et a et b], présent dans fluide, qui organise la érie gazeux, solide, liquide. 7 . (On dira qu’il y a dans ce cas une structure complexe, 'un des pdles de la relation étant & son tour une relation (de rang inférieur). Ainsi : [étendue] > [grand] {non grand] MF petit] {non petit] (= [moyen]) ol le terme intermédiaire [non petit] (= moyen), par rapport auquel s‘organise opposition grand vs petit, se décrit comme {ni grand ni petit]. Dans (état] -o—_ [solidité] [fluidité] [liquidite] ([gazéité] Les oppositions [solide vs [liquide et/ou solide] vs [gazeux] sont rapportées & un terme intermédiaire [fluide] [et liquide et gazeux]. La description correcte des oppositions fondées sur le rapport logique de contrariété conduit vers une structure hiérarchique organisant une relation entre deux catégories binaires, dont I'une est enchassée dans Vautre : Re o_o —— ~ bo(R) a b 0.3, Le systzme sémique ____ Une telle structure complexe taxinomique, plagant plusieurs catégories sémiques sous la dominance d’une méme catégorie de rang supérieur forme un systéme sémique. Il s‘agit done de organisation d’une zone conceptuelle homogéne, telle par exemple « la spatialité » décrite par GREIMAS (1966, P33): [spatialité) [dimensionalité] [non-dimensionalité) horizontalit verticalit superficie volume perspectivit lateralité long/court Jargelétroit Pastel x Epais/mir Le systéme sémique, tout comme le séme, la catégorie sémique ou le seme, eprésente une construction abstrite, modéle de Vorganisation du plan tu contenu d'une langue ; il esta supposer qu’une telle organisation relive d’une sorte de « logique linguistique immanente » (ibidem, p, 32), & caractere universel, pouvant servir de base & une analyse contrastive des systémes linguistiques. Memaraee Il zessort clairement de la description du systtme sé qu'il ne constitue pas une alternative aux concepts de cham i champ notionnel, etc. clamp senantn 0.4, Le sémeme Cette définition du stme comme unité constitutive d'une catégorie sémique (un trait minimal distinctif) impose une modification corrélative de la définition du séméme : cest un ensemble organisé de catégories sémiques, chaque catégorie pouvant se manifester soit au niveau de la relation, soit a niveau des termes, par l’un ou par I’autre des deux termes. N.B. Dans un souci d’économie, on parlera indifféremment de catégories sémiques ou de sémes, la oit la distinction ne sera pas importante. En disant qu’un séméme contient te! ou tel séme, on comprendra que dans la composition du séméme figure la catégorie sémique dont ce séme est une spécification possible. Prenons exemple des lextmes mourit et périt, contenant chacun les catégories [événementialité], (objet animé), [objet vivant), [eausalité]; dans la langue courante, les deux verbes se différencient au niveau de la catégorie {causalité), présente dans mourie au niveau de la relation: (5) Mourir de sa belle mort. (6) Mourir dans un accident. et dans périr au moyen du terme [causalité accidentelle}: () _ Périr dans un accident. (8) Périrde sa belle mort. Ceci explique la possibilité de substituer, dans tous les contextes, au verbe périr le verbe moutis, alors que ‘inverse r’est pas possible. Une seconde opposition se manifeste dans les contextes oit les deux verbes sont synonymes, pétir apparaissant comme synonyme littéraire de mouris. (9) Lasécheresse a fait mourir toutes les plantes. litt. périr L’exemple du verbe mourir conduit vers la constatation suivante : & Vintérieur du séméme viennent s‘articuler des catégories appartenant & des systemes sémiques différents : Ja catégorie tres générale et non définissable [continu] vs [discontinul (régissant, par exemple, opposition EVENEMENT vs ETAT), le systéme de la [causalité], celui de la [temporalité} (qui permet, au moyen de son articulation en (duratif vs non duratif] d’opposer EVENEMENT a PROCES, ainsi que ACTION & ACTIVITE), la [transitivité) relevant du syst#me de V’[agentivité}, dont l'une des articulations oppose {sujet] & (objet), etc. A I'encontre du systéme sémique, qui est une structure complexe homogene, Ie séméme apparait comme un ensemble hétérogéne de categories sémiques". 1 Reppeions, a ce sujet, que Greimas (1966, p. 37) remarquait dans I'analyse de Pottier «la convergence de deux systémes sémiques hétérognes : un systéme ‘spatio-visuel et un champ de signification non déterminé, qui serait celui de la ‘fonctionnalté’». 59 1. La structure du séméme 11. Crité:res de structuration A intérieur du sémeme il existe une Organisation qui repose sur deux types de critéres: (@ un critére fonctionnel (extrinséque), relatif au fonctionnement du sémeéme dans les diverses classes de contextes oit il peut figurer ; (il) un critére structure! {intrinséque): les relations logiques existant entre les catégories sémiques constitutives. 1.1.1, Structuration fonctionnelle du séméme. L’analyse greimassienne a mis en lumiére existence d’une premiére organisation du séméme en : noyau sémique (Sémes nucléaires) et base classématique (semes contextuels ou classémes), notée : Sm=N,+C, due au fonctionnement du séméme dans les diverses classes de contextes. Lrensemble des catégories sémiques (ou de sémes) commun & plusieurs classes. de contextes constitue le noyau sémique, alors que la possibilité qua h-1u1).. de figurer dans ces différentes classes contextuelles est assurée par I'existence de certaines catégories (de stmes) ayant la propriété d’appartenir 3 au moins encore une autre unité du contexte : ce sont les catégories classématiques, ou les classémes, ‘ou encore sémes contextuels. Ce qui est commun aux emplois du verbe mourir dans les deux classes contextes caractérisés respectivement par (animé] et [inanimé] c'est la catégorie [événementialite] : (10) Le malade peut mourir d’un jour a autre. (11) Les civilisations pecvent mouri. (apud LEXIS) Les emplois du verbe mourir exemplifiés ci-dessus seposent sur le noyau sémique commun: [événementialité], [état]: une (événementialité] du type «a=snona » (qu’ion peut lexicaliser par cesser_de), I[état] du type «existence » qui, combiné avec la catégorie [animé] dans mouriry, se lexicalise par vie et avec [non animél, par existence : mourns = cesser de vivre moutir: = cesser d’exister. {non animé] est encore présente dans le contexte La catégorie sémique fanimé] v: ans le contest ‘au moins dans le nominal sujet (malade, civilisation), d’ot 'appel contextuels. On obtient donc: MOURIR: = [événementialité] + [état] + .. + [animé] Ny Cs MOURIRo= [événementialité] + [état] +... + inom animé] Ns s 1.1.2. Siructuration logique du sémeme. Divers types de sans lgiques nisent le séméme indépendamment de ses emplois contextuels: ee ‘ venoment se définissant comme un « changement d'état oui par ‘a objet oe r é i it6] et [temporal ‘i » égories de [objet], {causalit e seolianont el fevérementia, tout comme celle d’{état] impliquera celle impliqueront™ celle a [objet] : [événementialité] * a {causalité] [temporalité] ‘ [état] Texiste une organisation logique des catégories sémiques cefltant une logique factuelle (référentielle) et/ou cognitive qui fait que te stmbme nest sl somme des catégories composantes (comme le suggérait la formule: Acst vrai, B 1 Ventité B (A -» B) si toutes les fois que ; lemnent ja présence ne toujours Kest égal Wet si Ast faux Best également fala pe cede cnt ne toujours présence de B, alors que l'inverse n‘est pas , nis Is vent Geile phrase il a plu implique la vérité de la phrase Le rote ats ent coe relation d'implication enire phrases refit directement la cation dimpicaton facie enire le phénoméne de Ia pluie ete fait que es tottoirs sont mouilés, Dante Par Je m'assieds sur une chaise implique (que Yon puisse a avec la mame valeur de én) rasseds sur un stg, la telation inverse w tant pas vraic. uous phrases refléte la relation d'implication lexicale : chaise — sidge. © On dira qu'une entité A impliqu 61 pour s‘asseoir + avec dossiey + sans bras + sur pi i r+ avec + + sur pieds + pour une personne), mais un ensemble hiérarchisé de carégories : des catégories de rang inférieur impliquent les catégories de rang supérieur (et de niveau plus élevé de généralité). Chaise recouvre le séméme : [objet] I [fabriqué] a — ~materiau) {strpctuze] {ciel [+ sur pieds} , fea dossier] [pours‘asseoir] [+ sans bras] (On remarquera que: ~ certaines catégories en impliquent d'autres: [fabriqué] vs [non fabriqué] implique 1a catégorie de I'fobjectualité], la [structure] ainsi que ia [destination] impliquent [fabriqué] ; ~ la présence de la catégorie ffabriqué] entraine une structuration spécifique des sens prédicatifs (sens des unités verbales, adjectivales etc), Vidée de « fabrication » imposant une configuration de type [agent], [matériau] et [structure] de objet, [instrument], [destination], etc. ; ~ par contre, la catégorie de la [structure] entraine une configuration spécifique des unités nominales, un ensemble cumulatif, non taxinomique, de catégories ([sur pieds], [avec dossier], etc.). Notons que le critére fonctionnel organise les catégories sémiques en catégories nucléaires et catégories classématiques, alors que le critdre structurel, logico-sémantique conceme le noyau sémique. 2. Les matrices sémémiques A la lumiére de I’hypothése de la structure interne du séméme, on peut avancer une seconde hypothése: la configuration sémémique refldte/dépend de Videntité ontologique du référent. La configuration sémémique peut étre décrite 62 ‘comme un schéma structurel, que nous allons appeler matrice sémémique, et qui ‘se définit en fonction de plusieurs eritéres. Dans le plan sémantico-éférentiel, un premier critére est Videntité ontologique du référent: une entité (objet, individu), repérée spatialement, se istingue d’une propriété, d'un événement, d'une action, ete. repérés dans univers tempore!” ‘Un second critére, lié au premier est le statut autonome ou non autonome de ces référents: si une entité peut @tre congue dans son autonomie, une propriété ou une action exigent ia présence d’ arguments support role incombant aux référents nominaux. Dans le plan pragmatique de l'emploi des lextmes, les critéres référentiels se retrouvent dans le fonctionnement référentiel ou prédicatif de ces expressions Tinguistiques:: les unités nominales permettent de construire la référence en saturant les places argumentales dune unité verbale. La prédication intégre la référence a la représentation par un énoneé d'un état du monde ou d'un cours d’événements. Précisons quiil existe un décalage entre les classes sémantiques ainsi détinies, Jos catégories morpho-syntaxiques de substantif, adjectif, verbe, et, et les catégories syntaxiques de sujet et de prédicat. Ainsi, le sens adjectival (néférant 3 tune propriété) de blanc se retrouvera dans le sens du substanti blancheut, tout ‘comme Ie sens verbal de sorfir se retrouvera dans le sens du nom sortie Dans ce qui suit, nous allons réduire Ia complexité de ces critéres au seul! crittre sémantico-référentiel pour dissocier entre les matrices nominales et respectivement es matrices prédicatives, auxquelles correspondent les classes sémantiques nominale et respectivement verbale. 2.1. La matrice prédicative Le caractére non autonome des unités appartenant & la classe morpho- sémantique des verbes explique I'organisation syntaxique du sens de ces lextmes sur le modéle syntaxique de la phrase. En effet, le verbe, qu'il agisse d'une prédication d'état ou de procés, exige la présence d’arguments nominaux. ‘Comme le remarque WILLEMS (2007, p. 200), une typologie des procés verbaux peut se faire A partir des propriétés syntaxiques (contextuelles) des Iextmes verbaux, des caractéristiques sémantico-aspectuelles de ces lextmes reflétant les divers types de procés, ou encore des propristés lexicales qui \ Cette caractérisation éclairante est proposée par Léard et Pierrard, 2003. Permettent de distinguer des ensembles lexicaux de verbes (verbes, psychologiques, de mouvement, de jugement, etc.) Deux positions complémentaires sont ainsi mises en place : considérer la syntaxe comme déterminant le sens lexical ou, au contraire, attribuer au sens lexical le réle de sélecteur du comportement syntaxique des verbes. C’est cette deuxitme position qui est ici défendue. Pour Vauteur cité, quatre sont les traits sémantiques permettant de caractériser (et de classifier) le sémeme verbal : {aspect dynamique] (qui oppose Vétat a Vévénement), \'fagentivité] (opposant, dans la classe des événements, les actions aux processus), [aspect télique] (qui distingue dans la classe des actions les activités et les achévements), la [causativité] qui ajoute au procés la dimension lagentivité]"*. L’atticle cité soutient de fagon convaincante le rapport syntaxe — sémantique, proposant de discemer entre trois catégories d’événements sur la base du type de complémentation exigé par le verbe en question. Si le cadre restreint de cet ouvrage ne permet pas de s‘attarder sur une typologie des matrices prédicatives, et sur les divers sous-types, on se contentera d'énoncer des principes généraux de description du sens verbal sur la base de Vanalyse d'un exemple de séméme verbal. Le modéle utilisé suit les suggestions de la sémantique générative qui a, pour nous, Yavantage de représenter les traits syntaxiques dans la définition méme des arguments nominaux supports. Le verbe remercier est défini par les dictionnaires comme : temercier v.tr.1. Dire merci, témoigner quelque reconnaissance a quelqu’un. (Le PETIT ROBERT) remercier v.tr. 1. Remercier quelqu'un de quelque chose, lui exprimer de la Gratitude pour une chose qui nous a été utile ou agréable. (LEXIS) ! ce verbe apparaitra dans les contextes : (a) remercier (quelqu’'un) —verbalement * Pour la complexité de la problématique des types de procés, on peut consulter Fuchs (6d), 1991 ¥ Notons que dans la philosophie et Ia logique de action I'[agentivits} oppose Iaction et activité aux événements et processus, alors que la catégorie aspectuelle de la {durativité] oppose, & chaque niveau, V'action & Yactivité et, espectivement, 'événement au processus 64 par lettre par un cudeau d'un copieux pourboire (b) remercier (quelqu’un) de son hospitalité aétre venw de ses bienfaits des services (rendus) ()remercier (quelqu'un) pour un cadeau pour un envoi pour son hospitalité pour son travail Le sens du verbe contient les catégories sémiques : [action] (« échange ») OO Ingentivie {causalité [instrumentalité] lagent) feo-ogent) [eausé) feausant] [moyen] _ [instrument] (destinateur) _ (destinataire) [humain} —[humain] [intentionnalite] (On notera que ces catégories se retrouvent ailleurs dans le contexte : V[agentivité] dans le nominal sujet et respectivement le complément d’objet direct lexicalisant le destinataire ; 1a [causalité] dans le sens de la préposition defpour, introduisant les contextes (b) et (c) et dans le flexif [perfectif] ; V[instrumentalité} dans la préposition paride, présente dans les contextes (2), ainsi que dans le flexif adverbial -ment; il s‘agit done dans tous ces cas de an sas duvete remercier est spécifié par les traits nucléaires tels que: [échange}, particuliérement le type d'action ; [expérimentateur], spécifiant agent, ressenteur d'un sentiment de « gratitude » ou de « reconnaissance », 8 la suite d’une evaluation favorable («utile », «agréable») ; le co-agent est également particularisé comme l'agent d'une action qui forme V'objet de cette évaluation, action pouvant étre lexicalisée comme acte, qui, une fois évalué, devient « service » ou comme don («cadeau », «envoi», ete.). Apparait ainsi évidente Ia nature réciproque de la relation prédicative exprimée par 65 ce sematcer” La personne qui joue le réle de destinateur (agent locuteur dans le cas d'un « remerciement» verbal, ou agent dans le cas d'un remerciement par autre moyen : leurs, cadeau, pourboire'?) a été successivement : = Teepérimentteur(onéhicisie) un acted co-agent ~ Yexpérimentateur (bénéfactif) d’un jugement éval expedient ge luatif porté sur un Vexpérimentateur (ressenteur) d’u i in sentiment envers le co-agent, cours d'un segment actionnel (narratif): sen 1. B fait pA intention de A 2. A juge p utile, agréable 3. A ressent un sentiment favorable 8 ’égard de B 4. Adit a B qu'il ressent ce sentiment, AL. Explicite et/ou implicite? Cette c ite ? analyse nous a conduit d’une définition apparemment simple vers un récit complexe, Peut-on dire que tout ce contenu appartient - et si oui, au méme titre ~ au séméme recouvert lexéme remercier? res parte On découvre au niveau du sens lexic _ On dé ical la présence d’un phénoméne eeu jusqu’a présent surtout au niveau phrastique, & savoir Vexistence d’un om inp rattaché par une relation quelconque au contenu explicite. rout comme au niveau phrastique, il a été Yon. (et on croit done vrai) que : meee semana que i on asserts (12). p: Pierre conduit ses enfants a Vole, on est tenu d’accepter également la vérité (et done l'assertabilité) de (13): Pierre a des enfants. ‘On dit que p présuppose q. ¥ Létymologie du verbe appui i puie ce sens, remercier provenant de I’. fr. érivé merci, du lat. : sala ix gallosomat favours mene du lat meseedem (accusai de merce: slate — prix -> gallo-omain: faveur > " analyse a délibérément ignoré Jes distinctions entre les diverses acceptions du verbe, ref en particulier Jo diversité des moyens uilisés pour rélser Téchange remerciet din comme « dze mer» est selon Benveniste (1969) un verbe docu (iv d'une ection et désotant tun acte de discours); dans ce cas, agent se décrit comme «locuteur » et le moyen utilisé « ” le moyen est une « locution » dont la valeur équivaut & celle de 66 Le verbe remercier exprime (pose, asserte) le niveau 4 du parcours narratif décrit ci-dessus; il « implique »” les contenus 3, 2 et 1. Ceci peut expliquer les antes existant entre des unités comme remercier, rendre service relations é sadeau (offrir un)”. Remarque. La lexicalisation de cette structure sémémique dans les divers systémes linguistiques peut témoigner d'une attitude différente des locuteurs qui transparait au travers de la structure syntaxique de surface caractérisant l'emploi du verbe ; ainsi, au frangais (remercier quelqu'un) et anglais (to thank somebody), oit le co-agent est lexicalisé comme un complément d'objet direct, s‘opposent les systémes roumain (a multumi cuiva) et espagnol (dar Jas gracias a uno) ; on peut supposer, & titre d'hypothése, que la relation actancielle agent vs co- agent est atténuée par la relation syntaxique superficielle sujet vs complément (objet est en général le non agent, le subissant) au profit d'une insistance sur le « service», accentuant la nature d’échange de Yacte de remercier ; le roumain et I'espagnol paraissent mettre en dvidence la relation inter-actancielle (agent vs co-agent), effacant le procés cauisant ;ceci pourrait expliquer l'emploi en espagnol de gracias dans l'expression de gracias (= gratuitement). 2.1.2. Syntaxe sémémique et syntaxe phrastique, Le sens des unités lexicaies verbales qui peuvent fonetionner en position de prédicat se caractérise donc par tune structuration sémique particuliére, qui respecte la configuration logique des participants au procés, & action, a ’événement ou a Vactivité. ‘Ces constatations rapprochent Ja description structurale (dans le sens restreint d’analyse sémique proposée dans les cadres de la linguistique structurale) - qui découvrait sans y insister Fexistence d'une syntaxe sémique - ‘du modale proposé par la sémantique générative. GREIMAS (1966, p. 38) suggérait qu'll faut —_— © Nous utilisons ici le verbe « impliquer » dans le sens courant du terme, et non dans son acception logique. ® Le lien unissant ces contenus apparait dans une description casuelle dans Ia position dlexpérimentatcur que Vagent de Wacte de remercier occupe & tous les niveaux, bien que remplissant des res diférents (bénéficiaire, bendfacit,ressenteur) (v. 8 ce sujet Cristea, 1976, Cunits, 1979). a7 frvisager ls relations entre les sémes a ntreur dun lexéme comme dant de méme nature que les relations entre les semes situés & l'intérieur d'unités de communication plus larges, et affirmera plus tard qu'un séméme, tel que celui du mot colére équivaut & un « micro-récit qui condense le schéma narratif » (GREN A » IMs é| WEINREICH (1966) soutenait que me ASIPSS) Ate mime peau, toute relation qui peut exister entr t entre les composants d'une phi ‘it Agalement entre les composants du sens 'uneunitéexicale. P. POSTAL (1971) décrit le sens du verbe rappeler (remind) comme : oo wil a oo Tt oa oy GN APPARATTR x (moi) SEMBLABL, ! ! sone Une autee direction de la sémantique générative propose de décrre le prédicatif par une certaine structure casuelle, chaque argument du verbe occupant un cas et/ou un réle casuel donné. Ainsi, pour verbe blimer se décrit pata structure cauelle BELMORE G27, e BLAMER a ft cas ~— But Objet ! ole | wm, Accusateur —Défendant ose i 2.2. La matrice nominale pen os a classe des unités nominales, on remazquera une méme ‘ ce rattachant le sens d’une unité donnée au sens d'autres unités a lesquelles elle peut virtuellement se combiner. Liexemple du lexome chaise 68 aémontre la dépendance du sens nominal de lidée verbale de [fabrication]. De méme, on ne saurait décrire une unité de la classe des instruments en dehors des rapports logiques existant entre le sens de ces unités et 'idée daction exécutée & Vaide de cet instrument COUTEAU = instrument (= objet fabriqué servant 8 exécuter une certaine opération) qui sert a couper des objets physiques ayant une certaine forme De méme, le sens d’une unité désignant un agent (noms de métiers, par exemple) se définit en rapport avec Vactivité dont il est l'instigateur, POTTIER (1976) démontre que la structure sémémique nominale comporte ~ tout comme celle verbale — les valences actancielles des noms respectifs ; ainsi, le sens de pont contient les traits [accusatif] (objet dune activité productrice) et [locatif] (lieu de passage). Une telle description tend & effacer la distinction que nous avons proposée entre matrice nominale et matrice verbale suite @ une commune dépendance réciproque, ce que la description méme du séméme comme ineluant ‘des sémes contextuels le laissait prévoir. A titre d’exemple, on peut citer la description du sens du mot colére par GREIMAS (1983)". ‘On ne peut donc parler d’autonomie du séméme, chaque séméme étant rattaché par un ensemble de rapports & des unités Iimpliquant ou qu’il implique, la substance sémantique s’organisant ainsi en micro-systémes d’étendue plus ou moins importante”. Il existe un rapport étroit et relativement peu étudié entre la logique factuelle, Ja structure sémantique et la structure syntactico-sémantique des unités lexématiques et phrastiques, reposant sur la dépendance langue ~ pensée - monde. 2 Dans le registre poétique, on peut citer également la narrativisation du monde des objets dans Le parti pris des choses de Francis Ponge. 2 Comme dans le cas des unités verbales, il existe une « syntaxe inteme » des sémémes nominaux: en commentant la définition du lexéme blaiceau, Martin (1983, p. 67) intuition de la possibilité de décrire la relation métonymique par le recours & un « cas profond », et dans la seconde édition de rouvrage (1992, p. 79) iLxemarque « Vexistence Tune structure syntaxique interne & la définition », qui nest pas suffisamment prise er considération. o 3. Le noyau sémique 3.1, S8mes distinctifs vs s2mes non distinctifs Liinterférence entre la structuration Vinter proprement linguistique du syst&me sémantique d’une langue donnée et l'organisation de ‘univers référentiel de la communauté humaine parlant cette langue se traduit par Vexistence dans le sens lexical de certains traits de sens dont la fonction n’est plus distinctive (cest-d-dire qui ne servent plus & opposer deux unités au sein du systéme Ainsi, dans le sens de gril-de-beeuf : aos texico-Smantique), fenétre petite lucarne pratiquée dans un mur un comble ronde ou ovale (d’aprés Le PETIT ROBERT) la catégorie [forme : rond vs non rond] ne perm listingu ité lucarng (qui peut étre ronde ou ‘ae ni nutes utes va gwen frangai “7 a pas de lexéme manifestant le sens de: [fenétre], [petite], (prati se dan un mur, wu comelel {non ronde (carrée)]. " " “en micro-systéme des lexémes: bais, bow-window, fenétre, lucarne, lunette, ceil-de-boeuf, oculus, désignant une [ouverture] [pratiquée dans un mur, tune paroi, etc}, (pour laisser pénétrer V'air et fa umiére] (noyau sémique ‘commun actualisable par larchilextme baie) ‘organise en vertu des o sitions articulées par les catégories [dimension], [forme], [position} : posers BAIE FENETRE, Igrande dimension] {petite dimension} BAIE: LUCARNE aS [forme arrondie] [forme non arrondie] GIL-DE-BEEUF OCULUS x LUNETTE (BAIE: note le sens de «ouverture pratiquée A «ouv dans [... fendire =; DATEs note sense «grande fete»), {et pou fe ne pone une FENETRE: 70 Les distinctions organisant le micro-systeme ceil-de-boeuf, gculus, lunette relevent éventuellement de la [position : dans un mur vs dans un toit, au sommet d’une coupole, etc.]. Ainsi le trait [forme] n’a pas de valeur distinctive, mais il est ensable a Vemploi «normal» (adéquat du point de vue de la relation signe référent) du terme. I refléte une propriété du denofatum (objet), enregistrée par le référent, et se rattache & Yunivers référentiel. Certains linguistes (ECO, $080; FILLMORE, 1971 ; LAKOFE, 1971) ont parlé de traits encyclopédiques (pour les distinguer des traits servant & opposer les unités linguistiques au sein du systéme), aférents (RASTIER)® ou tout simplement connotatifs%, et ont souligné Jeur importance dans la bonne formation (sémantique) des phrases dans une langue naturelle, dans Ja compréhension des mots en usage, et par conséquent dans la pédagogie du sens. Contrairement aux catégories sémiques distinctives, le nombre de ces traits de sens n’est pas limité, sinon par les nécessités du « mode d'emploi » des termes ; d’autre part, ils forment un ‘ensemble non hiérarchisé de traits de Sens. Ainsi, [forme], [position], etc. sont des catégories situées au méme «niveau », et on peut y ajouter par exemple [style architectural]. FRADIN et MARANDIN (1979) montrent que dans la définition du mot corbeau s’accumulent des traits descriptifs comme « grand oiseau au plumage notr, au bec fort et Iégérement recourbé, réputé charognard », dont la plupart n’ont pas de fonction distinctive, mais qui constituent un crittre dans le jugement ee normalité sémantique et, surtout, une aide dans l’identification de objet Génoté. On peut sfattendre A ce que les traits de sens encyclopédiques caractérisent surtout le sens des unités substantives ; ils se retrouvent en particulier dans les ensembles lexématiques connus sous le nom de terminologies, désignant un ensemble référentiel organisé (noms de meubles, de diverses classes d’animaux, d'outils, etc.)®. La structuration linguistique intervient dans ce cas au niveau des archilexémes. Voici, par exemple, une comparaison entre divers systémes linguistiques: poisson ~ esp. pez vs —_—_ 2 Pour Rastier (1987, p. 44 59) les « stmes inhérents relovent du systéme fonctionnel de la langue, et les sémes allérents, d'autres types de codification : normes eocialisées, voire idioectales » x Nous avons évité le terme de stmes connotatif, puisque, comme nous Favons vu (¥. supra, Objel_de la sémantique, § 03), 1a connotation peut consister en trate conventionnalisés qui, du point de vue linguistique, peuvent avoir une fonction distinctive. 3 Invoquons & ce sujet une remarque de Saussure sur Vexistence de « noms commmurs » {qui correspondent a des « objets définis» tels arbre, pierre, vache.« oi il y a un troisitme Rament, incontestable, dans l'association psychologique du séme [a bre signifé), la conscience qui s” applique & un étre extérieur assez defini en tul.méme pour échapper & la foi générale du signe » (iefarbitraire] (Saussure, édition critique par Englet, apud Bouquet, 1992, p. 86). 7m pescado ; raisin ~ angl. grape vs raisin ; arbre ~ roum. arbore vs copac vs pom, alors que l'ensemble des lexemes désignant des poisons, des fruits, des arbres, etc., ne présentent pas une une structuration lexicale™, La conception de POTTIER de ce type de traits sémantiques non distinctifs nous semble éclairante, POTTIER définit le virtuéme comme : ensemble de sémes non distinctifs, liés a la connaissance particuligre d'un individu, d’un groupe, d'une série d’expériences [qui] apparait de temps & autre ‘dans les définitions. (1964, p. 125) ou encore comme: tout élément qui est latent de la mémoire associative du sujet parlant, et dont actualisation est lige aux facteurs variables des circonstances de communication, {[-] tr8s dépendant des acquis socio-culturels des interlocuteurs. (1974, p. 74) Une question qui se pose au sujet du virtueme est la suivante: fait-il partie du concept-référent, la lexe, selon POTTIER, & titre de propriété réferentille, ou bien s'agit-il d'un séme (trait linguistique) ? Le texte de POTTIER n’indique pas une réponse claire, car Yauteur introduit dans cette classe des faits assez hétéroclites : expression d’une attitude évaluative du locuteur & légard de objet, lactivation dans le contexte précis d'une propriété socio-culturelle ; ainsi, dans I'exemple : Les CRS épousent parfois les automobilistes qu ‘ils dépannent sur la route (POTTIER, 1974, p. 74) le wait [male] impliqué par les CRS dépend « de la situation francaise actuelle » et fait que dans le sens de automobiliste la catégorie [sexe] soit spécifide par [femelle] ; certains semes virtuels sont idiosynerasiques, d’autres appartiennent au savoir partagé par la communauté socio-linguistique . En tout cas, leur emplacement dans la mémoire associative des sujets parlants semble confirmer et soutenir "hypothése de la nature ontologiquement commune des sémes et des propriétés référentielles. Cette nature commune permet d’expliquer Vinterprétation du sens figural par le recours aux traits référentiels qui se substituent aux sémes pour construire le sens tropique. % Ces ensembles non organisés linguistiquement sont en large partie responsables du refus que certains ont opposé & I'idée dune approche systémique du sens. Pour nous, ils ‘constituent un argument a contvario en faveur de ia structuration linguistique du champ lexico-sémantique. 72 j ! i { Notons également que le caractére linguistiquement distinctif des simes par comparaison au traits référentiels se retrouve dans la distinction séméme vs prototype. 3.2, Semes centraux vs szmes périphériques Les rapports implicatifs taxinomiques) structurant le noyau sémique ont pu faire parler, au: moyen d'une métaphore spatiale, de catégories sémiques centrales vs périphériques, selon la position qu’occupe une catégorie dans la taxinomie sémémique. On pourra dire que la distinction synonymique vibration vs trépidation apparait au niveau dun trait sémique « périphérique » articulant la catégorie [grande vitesse] en [trés grande vitesse)”. MOUVEMENT ms itude oscillation _[oscillatoire] [vitesse] Gimp 7 {petite vs grande] {faible vs grande a ion trépi En revanche, vibration (ou irépidation) se distingue du terme plus général oscillation par une série de catégories « centrales », telles [vitesse], [amplitude], qui ne sont pas spécifiées dans le sens de ce dernier terme. que. it vi les categories sémiques Remarque. Hl apparait évident que categories sé «encyclopédiques » occupent généralement une position périphérique. 3.3. Sens abstrait vs sens concret™ Selon KLEIBER : Test plus facile d’utiliser la notion de nom abstrait / nom concret que de la définir. (KLEIBER, 1997, p. 48) » Comme dans beaucoup d’autres cas, la langue naturelle est déficitaire quant aux lités de fonctionner comme métalangage. ; ; F pour des raisons qu! tiennent prindpalement dela volonté de préserver une certaine simplicité de la présentation, seule la classe sémantique du nom est ici envisagée. 2B En effet, plusieurs t plusieurs types de critéres ont été proposés, comme l’accessibilité ou anon acest aux sens, matériel vs immatériel, l’autonomie du référent, ique (noms vs ivés f é moron s noms dérivés de verbes ou d’adjectifs), degré de KLEIBER attire Yattention sur la i ! confusion entre d’une sémantique caractére abstrait vs concret du sens - signifié intenson du ener ~ du nom (ex. 14) et, d'autre part le pl: : " éric i cianiam 8) al Part le plan discursif : emploi générique vs emploi (14.1) Le chiem est le meilleur ami de homme. (14.2) La linguistique est une science humaine. (15.1) Le chien est le meilleur ami de Vhoneme. (15.2) Ce chien est mon meilleur anti. : forme (isis un nom conere selon a premitre dimension, en emploi générique forme ns tage nominal abstrait, en rapport avec la dimension catégorielle re au syntagme nominal, de méme qu'un nom abstrai 4 ea * fonctionner en emploi spécifique et apparaitre plus, cone metre (16.1) Lahaine est une passion dévorante, (16.2) La haine qui le dévorait reste pour moi incompréhensible. seats mse Perspective de la sémantique lexical, la discussion se limite & la aul imension, qui est étroitement lige au statut ontologi référents” auxquels l’entité linguistique est susceptible de renvoyer. steeiane des Selon KLEIBER, la distinction concret vs abstrait refléte la distinction ” «référent percu comme étant matériel été . ent : » vs «référent congu comme étant imate ros soulignons) la propristé de matéralité se définissant per a tologique matiére ~ forme - temps » (op.cit ite dépendan we mati .cit, p. 59), En étroite ona tunsecond tre accessibilit aux Sens vs inaccssbilité aux —_ fin, d'un point de vue strictement structural et en qui id . a perspective rach substan pevent te cracls een place 3 Nos sulvon il discussion propose sur ce aut par KLBIBER, 1997, 1s datnction que nous avons defendue objet vs fren are ic ‘encore nécessis ‘omme le remarque Kleiber (op. cit, p. 62), la déj ence | Comme . p. 62), la dépendance rest pas & puis out ret mate! et ase am en a eepoque est pas wi sis den noms si come rn cron consid conme accesible ah en un réfren ; soot ap accessible (a rondeur d'un bras) ou non accessible (larondeur 74 quills occupent dans les hiérarchies lexicales du type hyper! hyponomique » (op. cits, p. 55 q)- ‘A ce point de vue, il est facile de mettre en correspondance le degré dlabstraction d'un terme (en fait du «concept » désigné par ce terme) avec le critéte quantitatif du nombre de sémes constituifs du séméme en question. Comparons par exemple chaise et sidge. On constate que le séméme du terme désignant la classe des objets ayant une certaine propriété commune (en Yespéce une fonctionnalité commune) contient moins de semes (et sera par conséquent jnclus dans) que le séméme du terme chaise, renvoyant 8 un objet de cette classe, objet coneret,existant dans le monde matériel. Le degré abstraction apparait en igénéral en proportion inverse du nombre de séanes entrant dans la composition dun séméme, phénoméne désigné par densité sémique (GREIMAS et COURTES, 1979, s.v. densité sémique, p. 89}: concrets dans un dictionnaire idéal nécessiterait La définition parfaite des mots p, 1970, p. 101). Yinventaire de nos connaissances sur le référent » (GROUPE Les archisémémes désignant des entités abstraites (4énomination d’objets type diune classe, résultat d'une opération logique de classification) sont tous caractérisés par un degré d’abstraction plus élevé que les sémémes dont ils représentent le noyau commun. Un bon exemple est le texte suivant off R Queneau obtient un effet parodique en substituant aux termes concrets exigés par Yunivers référentiel formant le théme du discours, les termes abstraits corrélatifs : (17) «1 reprit son chemin et, songeusemsent quant 2 la tél, d’ur pas net quant ‘aux pieds, il termine sans beoures son itinéraire. Des radis Vattendaient, et le chat qui miaula espérant des sardines, et Amélia qui craignait une combustion trop accentuée dy fricot. Le maitre de maison grignote les cégétaux, caresse Vanimal et répond a Vétre humain qui lui demande comment sont les nouvelles aujourd'hui: ~ Pas fameuses.» (QUENEAU, apud GROUPE 4, 1970, p. 103). La densité sémique est & mettre en rapport avec T'extension des termes : plus le sens d'un terme est rche de sémes, plus le nombre des entités auxquelies i renvoie est limité; un séméme pauvre en semes correspond 8 un concept Plus général et renvoie donc & un nombze plus élevé d’unités, La densité sémique Bétermine done le niveau de généralité (extension plus ou moins large) et & ce point de vue on opposera les termes généraux aux termes spécfques, distinction 75 Senn SSNS (On retrouve dans les nominaux seau et potle, occupant la place du locatif ablatif le trait {contenant}, de méme que charbon (Vobjel) est caractérisé par [objet], Jinanimé], {concret], [contenu]. 4.2. Fonctions des classmes Ces exemples démontrent une premiere fonction des stmes contextuels : Ja fonction syntagmatique ou discursive. Les classémes construisent le texte, assurant la compatibilité sémantique entre les unités co-présentes dans la chaine syntagmatique'; deux ou plusieurs noyaux sémiques peuvent se combiner s‘iis contiennent au moins un séme contextuel commun (s'il existe une base classématique commune), __ Les stines contextuels se chargent d’autre part d'une seconde fonction, & savoir la classification paradigmatique des unités lexico-sémantiques. Ils constmuisent ainsi «le cadre paradigmatique général de la classification de Punivers signifiaat » (GREIMAS, 1966, p. 85) : plusieurs unités lexico-sémantiques forment un paradigme s‘is possédent en commun au moins un classéme. 4.3. Classification des s2mes contextuels Une description approximative du domaine sémantique recouvert par les classémes expliquera pourquoi et comment ce t : type de stmes peuvent assumer cette double fonction : syntagmatique et paradigmatique. 43.1. Les dassémes grammaticaux. Une premiére sous-classe de sémes contextuels est formée par les stmes dits « grammaticaux », formant le sens des categories « morphologiques » et «syntaxiques »; il s'agit de ce que ia Brammaire structurale appelle « les traits inhérents et contextuels » présents dans kes diverses catégories (nominale, verbale, etc). La nature sémantique de ces traits a été soutenue par divers linguistes qui signalent des phénoménes tels que : - be Gistretion en categories nominale, verbale et verbo-nominale ne ‘Pas & une analyse plus poussée; par exemple, la catégorie nominale du « cas» se retrouve dans la description du sens verbal le sens de tont verbe se définissant par une structure casuelle spécifique ; de méme, MOUNIN (apud GERMAIN, 1981, p. 55-56) avance lidée que des catégories estimées purement verbales se manifestent dans le Sens nominal ; ainsi, des unités telles que semence, blé mir, veau de 78 lait nouveau-né fiancé, nouvelle mariée, etc. contiendraient des traits sémiques aspectuels, tout comme les unités futur gendre, gendre, future maman, maman porteraient des marques temporelles ; les dérivés & partir d'une méme hase contiennent un noyau sémique commun et se distinguent en premier liew par des semes contextuels assurant leur fonctionnement « grammatical » ; POTTIER (1976) donne Vexemple des unités jeune, jeunesse, raiemnir se partageant le noyau [humain], [age faible] (conventionnellement noté JEUN-) ; — le caractére purement grammatical (morphologique ou syntaxique) de ces stmes contextuels ne saurait expliquer des modifications qu'une incompatibilité - de quelle nature, sinon sémantique ~ entre certains traits produit dans le sens lexical: Mincompatibilité entre la [durativité}, exprimée par la désinence de Vimparfait, et I'finchoativité] manifestée dans le sens lexical d'tn verbe comme s'envoler entraine la modification de la « valeur » aspectuelle de Vimparfait, qui arrive cexprimer I'[itérativité], comme dans : (21) Il s‘envolait (souvent, chaque semaine) pour Paris 4.3.2. Les classimes génériques. Une seconde sous-classe de smes contextuels est constituée de sémes de trés haut niveru de généralité, corrélatifs & des concepts primitifs, tels que [relation vs terme], [action vs état], [spatial vs temporel], etc, ainsi que des simes génériques organisant, dans chaque culture, les classes de référents [animé vs inanimé], [animal vs végetal], [male vs femelle]. Selon F. RASTIER (1987, p. 49 sq) il existe trois types de stmes génériques qui déterminent appartenance du séméme A un certain niveau de structuration de univers sémantique: le taxéme (le niveau de base), o¥ les sémemes (taxes, selon le terme proposé par POTTIER) sont définis principalement par leur semes nnucléaires et par un séme générique de faible généralité ; le domaine, qui regroupe des taxémes en fonction d'un séme générique de généralité moyenne, et la dimension, o& Yon retrouve des traits de généralité supérieure, tels [animé], {humain], [animal], etc. Cette conception développe & notre avis le concept de systime sémique, utilisant donc les propriétés classématiques des sémémes. 4.3.3. Les classimes connotatifs. Une autre catégorie classématique a trait au jugement que le locuteur peut formuler ~ par le biais da systtme linguistique — sur le référent ou sur la situation de communication ; il s‘agit de classémes connotatifs, marquant dans le sens lexical : . (a) un jugement sur le référent, exprimé par les catégories sémiques {valuation : mélioration vs péjoration] ou [atectivite. positive ve negative) les unités roux, carotte, queue de vache référent 4 une méme couleur des cheveux, mais carotte et surtout queue de vache expriment en méme temps une évaluation Péjorative absente dans roux. Pareillement, on désignera une personne attachée & tone autre personne ou aux idées de celle-ci tant6t par partisan, tantét par suppét. Le contexte ou la situation de discours peuvent souvent polariser le sens es unités lexicales ayant trait & l'idéologie : ainsi les prolos, les bourgeois, le patron, camarade (ainsi que d’autres appellatifs) peuvent avoir un sens mélioratif Ou paoratif selon celui qui les utilise. Le terme bureaucrate (= employé d bureau), dépourvu de toute connotation dans onpone oe (2) «Plus d’un poéte fut un excellent bureaucrate » (VALERY, recoit tne connotation péjorative dans : mtx) (23) « Is menaient existence monotone et morne des bureaucrates » (MAUPASSANT) (®) un jugement sur la situation discursive i (sur le statut locuteurs) organisé par les oppositions : ‘ * mae Gee familiarité vs distance intimité vs premiére rencontre ation informelle vs situation formelle. catégories organisent les sous-codes (regi (un systéme Ss gistres) d’un 5 linguistique, le choix d’un registre ou d’un autre (populaire, femilier, «standard », soutenu, etc.) témoignant de la perception qu’a le locuteur de sa position au sein de la situation de discours, L’énoneé (28) « Quand cest pas Vheure, c'est pas 'heure | La baraka, quoi !» (DANINOS, Le Pyjama) ne peut s‘adresser qu’a des intimes, il est caractérisé és , par la présence de lextmes tels que baraka (synonyme familier de chance), par des traits morphologiques ———___ » Les conditions de cette synonymie sont explicité ~xplicitées dans la phrase: « I 1 baraka, disent de ui ses amis, toujours effars de voir le ‘i P poisson mordre dbs qu'il lance sa ligne. » (L' 1° 1637, 26 nov. 1982 ; nous soulignons) meinen ane = CEPRESS, (absence d’un formant de la négation) et une syntaxe peu soignée caractérisant le langage familier. Remarque. Un rapport s‘établit souvent entre les deux catégories de classtmes connotatifs: un méme formant peut manifester tantét une valeur évaluative, tantét un jugement sur la situation discursive ; les diminutifs connotant souvent l'affectivité se rencontrent le plus souvent dans le registre familier ; d’autre part, dans un méme énoneé peuvent apparaitre des traits relevant des deux aspects ; il existe un systéme de compatibilités préférentielies, telles que : [péjoration} vs fmélioration] et [familiarite], comme le montre le trait [affectivité] qui pourrait subsumer aussi bien un jugement sur le référent qu’un jugement sur Ja situation, traduisant I’attitude du Jocuteur emvers le monde et envers son interlocuteur. Dans: (25) «Crest fou ce que ga turlupine les gens, l'argent. » (DANINOS, op. cit.) le trait [familiarité], décelable au niveau lexical, morphologique et syntaxique, fait ressortir le trait [pgjoration], latent dans le sens collectif du lexéme gens. Les sémes connotatifs constituent des catégories classématiques, vu que l'apparition d’un tel trait & un point de la chaine syntagmatique entraine sa réitération, au niveau lexical ou grammatical ou encore prosodique. Ainsi, le verbe souhaiter (verbe affectif désidératif) dont le sens est « désirer, powr soi ou pour autrui, a possession, la présence de, la réalisation d'un événement » (Le PETIT ROBERT) contient Je trait connotatif feuphorique]*; ce trait doit se manifester également dans le nominal complément ; le verbe se construit en général avec : 28 Dans un contexte tel que : Je souhaite qu'il omnaisse lui aussi le malheur, Vincompatibiité entre le trait (dysphorique] contenu par le sens du lexéme malheur et le sens de souhaiter est résolue par la suspension du trait [dysphorique] sous la dominance du stme contraire présent dans V'unité verbale (le malheur de I'autre devient source de sentiment euphorique) ; ce type de modifications que peut subir le séméme sous l'influence du. contexte sera étudié au chap. IV, §3). 81 souhaiter (a quelqu’un) | la santé toutes sortes de prospérités une vieiliesse heureuse la réussite / qu'il réussisse, etc, Cestadire des nominaux évalués comme « source d'un sentiment euphorique ». De méme, dans exemple : (26) «Marre d’étre commandés, marre dé e ballottés, marre d’étre pris pour des poires ~ nous étions tous les trois montés. » (DANINOS, Le Pyjama) {e trait [familiarité] se retrouve au niveau lexical (avoir marze, (étre) ballotté Poire, étre monte) ainsi qu’au niveau morphol ue (ellipse du verbe copulatif dans avoir marre) et syntaxique (ordre syntaxique). Conclusions Le plan du contenu dune langue naturelle est structuré de maniére analogue (isomorphe) au plan de Fexpression. Vapplication de la description structurale au plan du contenu (analyse sémique) permet d’identifier les unités minimales de sens, les sémes. Les sémes sont des entités relationnelles dont existence n’est assurée 4qu‘au sein de la structure minimale de sens, la catégorie sémigue. La catégorie sémique peut étre simple (relation entre deux sémes) ou complexe (Van au moins des termes de la catégorie est & son tour une catégorie de rang inférieur). Chaque terme de la catégorie implique la relation constitutive et s‘oppose au second terme. Le sens d'une unité de expression, le séméme, est constitué d’un ensemble organisé de catégories sémiques. Une catégorie sémique peut figurer dans un sémeme soit par la relation soit par un de ses termes. Le fonctionnement du séméme dans le discours isole une classe de sémes (catégories sémiques) contextuels ou classémes, commune a plusieurs unités du contexte, et des sémes nucléaires, spécifiques de Tunité respective. Le séméme s‘organise ainsi en noyau sémique ou base classématique. grammaticaux génériques jugement sur Une relation d'implication logique introduit au sein du séméme une structure taxinomique, mettant de Yordre dans T'ensemble de catégories sémiques constituantes. Cette structuration sémémique est le reflet d’une logique du monde naturel; il en résulte une structure-type (matrice) des unités « substantives » et des unités « adjectives (ou prédicatives) ». Le noyau sémique peut comporter, outre des catégories sémiques (semes) distinctives, redevables de organisation du systéme Tinguistique, des catégories sémiques non distinctives (encyclopédiques) ressortissant & la connaissance de l'univers référentiel et dont Ja spécification est indispensable pour un emploi correct des unités linguistiques. _ Le vocabulaire d'une langue peut étre classifié, selon le critére sémantique de la densité sémique (nombre de catégories sémiques constitutive du séméme)} en vocabulaire abstrait et vocabulaire concret (lexémes de sens général vs lexems de sens spécifique). Les classémes sont des sémes : © d'un haut degré d’abstraction et de généralité © ayant de ce fait un caractére récurrent ; © assurant d’une part la compatibilité sémémique et la cohérence syntagmatique et, d’autre part, la classification paradigmatique des unités lexicales, Selon leur contenu on peut les classifier en : classémes dinctat’Stnot fs a—™ a jugement sur le référent lasituation discursive CHAPITRE Ill LES RELATIONS SEMANTIQUES Introduction La description substantive du sens, visant a saisir Je sens lexical dans son identité, doit étre complétée par une description relationnelle qui précise les rapporis de I'unité ainsi identifide avec les autres unités du systéme. La saisie «positive » (substantive) dépend en fait d'une saisie « négative » (relationnelle). ‘Une unité est quelque chose que les autres unités ne sont pas, elle a « sa valeur par som opposition avec tous les autres termes » (SAUSSURE, 1916/1968, p. 126). Cest ensemble de ces rapports qui organise le plan du contenu d'une langue donnée et, conséquemment, son lexique, manifestant ainsi une structuration que les locuteurs de cette langue introduisent dans fa réalité environnante. Las deux axes constitutifs de tout syste, syntagmatique et paradigmatique, sous-tendent un réseau complexe de rapports, 'unité lexicale - & la fois point d’arrivée et point de départ —n’étant qu'un nocud d’embranchement. [Le présent chapitre, consacré & la description de ces rapports dans le plan sémantique, envisage d’abord les divers types de relations paradigmatiques pour sattarder dans la suite sur les rapports syntagmatiques, pour en préciser la nature, le mécanisme et les résultats. Une relation apparait comme le résultat d'une opération cognitive Gtablissant «de maniére concomitante et Videntité et Valtérité de deux ou plusieurs _grandeurs » (GREIMAS et COURTES, 1979, s.v. Relation). Elle est constitutive de la structure minimale (de sens) ainsi que de la structure du systeme dans son ensemble, A Yaxe des combinaisons syntagmatiques (relation de type et... ef...) ‘oppose I'axe des oppositions paradigmatiques (relations de type ou... ou...). Dans le plan du contenu les rapports paradigmatiques organisent le contenu en zones cognitives, fournissont le matériau aux combinaisons syntagmatiques, responsables de Ja cohérence et de Ja « normalité » du discours. a, Repérable dans la Constitution de tout systéme, les rapports Syntagmatiques et peradigmatiques ont une méme nature abstraite. T ‘uit qu’il ne faut pas confondre les relations syntagmatiques abstraites, ~ atemporelies et aspatiales - avec les relations de contiguité (linéarité) organisant ’étendue — spatiale ou temporelle ~ de la manifestation discursive. On a coutume d’assimiler 4 opposition paradigmatique vs syntagmatique Yopposition virluel vs actuel et d’en déduire que les rapports syntagmatiques, actuels, relevent de la parole ; cette opposition dot aire rservée au systeme et on lui ajoutera le niveau du réalisé, de la ones cn coneréte de ces rapports dans la chaine écrite ou parlée (v. . a ‘étude des relations sémantiques ne saurait se faire sans le recours au apport existant entre les deux plans de lexpression et du contenu; on istinguera dans te plan du content i ‘ 1a ent i i tiers ire le niveau sémique et le niveau Plan] Contenu | Niveatt “Pression. sémique | semes Texémes, sémémique | sémemes Iexies Les relations Pparadigmatiques O. Définition name Une propre commune: ta possi de substitution mutuelle dans le ee co tutive de classes (paradigmes) d’unités spécificité est assurée par les relations d'opposition’ distinctive de type o ee qu’elles contractent au sein de ces paradigmes, Pete Oe Les relations paradigmatiqu 6 it . tes, fondées sur Vinvariance de I: classématique concernent en i i cl elles easurent classématig Premier lieu ie noyau sémique, auquel elles assurent ie ime grron an is utilisé dans une acception large, celle de relation i we en général, et dans un sens restreis iésigner i é penis on ata restreint pour désigner la relation appelée 86 0.1. Lieu dela relation sémantique La catégorie sémique, structure minimale de sens, comportant et organisant a la fois le réseau de relations, paradigmatiques comme d’ailleurs syntagmatiques, est Ie lieu out ces relations peuvent étre identifiges. Rappelons que la catégorie sémique représente une structure oi des termes situés dans le méme plan contractent une quelconque relation d’opposition, alors qu’entre le terme et la relation Varticulant il s’établit une relation taxinomique d'implication : base commune R ‘opposition ZO. différentielle a Cest cotte propriété commune ¢'impliquer un méme terme (relation) de rang supérieur qui fonde la base sur laquelle s'établissent les différences. ‘La méme configuration organise les rapporis séniémiques : en tant quunités différenticlles, les sémes régissent toute relation sémémique, en assurant la base ‘commune et la distinction constitutive de la relation. Le rapport décrit dans le plan et au niveau sémémique se refléte dans le plan lexical par une organisation analogue, mais non identique. Il est parfaitement possible de construire, sur la base des rapports logiques d’identité ou d’opposition sémique, des sémémes (unités abstraites), similaires ou opposés ; en revanche, il n’est pas toujours possible de les actualiser en discours par un lexéme. Ainsi, eu égard a: (1) CLAQUER _[fermer une porte] [avec un bruit sec} ‘on peut construire un séméme : @ x [fermer une porte] [sans bruit] auquel pourtant il ne correspond en francais aucun lexéme? 2 Cest le phénoméne des lacunes lexicales, mentionné & plusieurs reprises dans cet ouvrage, résultat d’une part d'une loi générale de la constitution des systimes linguistiques, le principe d’économie et, d‘autre part, des besoins langagiers caractérisant la communauté linguistique respective ; v. également infra, méme chapitre, § 23. 87 0.2. Classification des relations paradigmatic ast le Tapports conaitutfs de la catégorie sémique président & le Clasifcation des relations sémantiques paradigmatiques. Ains, ajoutant au crite exerne du rapport enee Ie plan de expression et celui du comer le ° n lu type de relation logique, on obtient la suivante classification les relations sémantiques paradigmatiques : (@) les relations contractées par les sémé: tea cations con P smes recouverts par un seul et * lapolysémie (2) les relations contractées par les les elatons cont par les sém&mes recouverts par des + l'kyponymie, qui repose sur la relation logique d’impli ie, que d'implication ; + lasynonymie, relation de double implication, vee + lantonymie, relation d’ opposition. 1, La polysémie 1.1. D&fnition __Traditionnellement, la polysémie se décrit comme une relati Signin et signifiés, notamment comme l'état d’un signifiant (« mot texte) auquel il correspond plusieurs signifiés. Sont dites monosémiques (plus exactement mono-sémémiques") les unités lexématiques recouvrant un eu séméme; il s‘agit de lexémes appartenant aux vocabulaires spécialisés, tels : (Chimie) alun, (Techn.) électrophone, (Méd.) spasmophilie, etc a La plupart des unités lexématiques son ’ i elles peuvent manifester des sémees plas ou minivan 8) alvéole: 1, cellule d’une abeille 2 (Anat) cavité des os maxillaires dans |: enchassée une dent ale et 3. (Géomorphol,) petite dépression trouvée dans une roche (apud LEXIS) A tine 8 niveau sémémique, la polysémie se traduit par une relation rsection entre les ensembles sémiques manifestés par un lexéme; cette 2V. Greimas et Courtés, 1979, s.v. Polysémémie, p. 284. 88 intersection représente un noyat sémtique commun, sur lequel repose intuition du sujet parlant quant & la parenté de sens qui rattache ces diverses acceptions d’un mot, Dans (1) les sémémes cortélatifs & alvéole sont composés des catégories sémiques 51 [espace contenant] 52 (dans un corps solide] 5s [susceptible de recevoir un contenu] s« {naturel vs fabriqué] ss [objet contenu...} Le noyau sémique Ns (s1 + s+ s) forme la base de 'opposition se situant au niveau de la spécification des autres catégories sémiques. Si, par contr, il nest pas possible de déceler un noyau sémique commun, on estime qu’il agit de deux sémémes accidentellement recouverts par un méme formantet on parle d’homonymie. 1.2, Mécanisme(s) de la polysémie En diachronie, un méme type de mécanisme explique : (1) Fenrichissement du sens des lextmes (polysémisation) (2) Féclatement d'une unité polysémique en plusieurs unités homonymes. ‘Le mécanisme est enclenché par l'emploi individuel d'un lextme dans un nouveau type de contexte, ce qui entraine des modifications sémémiques*; s'il y ‘socialisation (acceptation par la communauté linguistique) de cet emploi, le nouveau séméme, ainsi produit, forme objet d'une conventionnalisation, étant fixé par une régle sémantique du code : Phénoméne individuel — socialisation — Phénoméne social usage norme performance compétence + Rappelons que le séméme étantconstitué d'un noyau sémique et d'une base classématique, tout changement dans le base classématique entraine une modification du sémeme. 89 Ainsi, sur le modéle de assainir_le climat politique, déja conventionnalisé, un journaliste a pu dire? aseptiger Ie climat politique. Le noyau sémique [faire que disparaisse tout genre infectieux], fonctionnant dans le contexte [concret], devient - dans le contexte [abstrait]: FAIRE QUE DISPARAISSE TOUT PHENOMENE SUSCEPTIBLE DE CORROMPRE. Cette création, tout récemment conventionnalisée et enregistrée par les dictionnaires, a toutes les chances de se généraliser et méme de faire aujourd'hui concurrence au plus ancien assainit*. Si la liaison avec Je séméme initial n’est plus ressentie par les sujets parlants, la rupture ainsi produite est a origine de Vapparition d’unités homonymes, Tel fut le cas des exemples souvent cités des lexémes grave, balle, voler, etc. L’évolution divergente des sens aboutit ici 4 un ensemble ‘intersection vide. On peut représenter cette évolution de la monosémie (idéale) vers homonymie, & travers la polysémie, par ia figure suivante : Cy — Os ~ ey, la ey, Monosémie —_Polysémie Homonymie En synchronie, Ia relation de polysémie peut se décrire comme un enrichissement ou un appauvrissement du séméme au moyen d’addition ou defacement d’un ou de plusieurs sémes; dans d’autres cas il se passe une modification du séméme a Ja suite d’une translation métaphorique ou métonymique’. Le type de changement modifiant le séméme constitue un critére de classification des relations de polysémie. 5 Exemple emprunté & J. Bastuj, 1974 « A propos de la télévision francaise, une ex-speakerine affirmait: « Elle est tellement aseptisée qu'elle va perdre le contact avec le public » (Le Figaro Magazine, 27 nov., 1982) ; tun débat électoral est qualifié de « équilibré, sérieux, laborieux (...] Au point de paraitre aseptisé. » (Le Monde, jeudi 4 mai 1991). Ce n’est que dans l'édition de 1993 du Petit Robert qu’on voit apparaitre ce sens, attesté depuis 1967, alors que le Petit Larousse ne Tenregistre pas encore dans son édition de 2004. 7 Wilson (2006) considére, non sans fondement, que ces phénoménes (élacgissement, spécification et extension métaphorique ) sont de nature pragmatique et produisent une modification au niveau du contenu de l'énoncé, des hypothéses ot des implications 90 1.3. Classification des relations de polysémie existence d'une zone étendue occupée par Le schéma précédent suggere tendueocupte Pat la polysémisation et laisse prévoir [a difficulté établir des Pe ea utes proposer, ala suite de R. MARTIN la distinction entre = une polysémie étroite — une polysémie lache, it deux extrémités de cette zone. . ; siuees Sila relation de polysémie se définit comme une relation aan sémésmique, une intersection (noyau sémique commun) constituge d'un Jevé de catagories détemine une polysémie drat; un nombre rédult de categories ‘émiques (@ la rigueut, une seule) communes reléchera le rapport qui aura toutes les ‘chances de disparattre, laissant la place a des lextmes homonymes. 1.3.1. La polysémie droite, Considérons les exemples suivants (4) femme — FEMME: st toni] ‘2 [humain] ete] wininy FEMME: ss Oy le, relation FEMME, (VFEMME> =(S). 83183144), 08 [note Vintersection (S)convoi_ CONVOh sot 5 (fabrigué] CONVO ‘5; (structure) s4 (destination) ss [objet contenu} 1 [contenant] s; [mobilité} VEHICULE ‘5 [autonomic] »[pluralité] ‘contextuelles, Nous considérons qu’en fait l'interpzétation détermine les modifications ques survenant au niveau sémantique . ee yamgape de Feit R_ MARTIN (1968), en particulier dans son chapitre « Relations logiques entre “La polysémie » (p. 63-82) auquel nous empruntons également les exemp! o1 (6) minute — MINUTE: 4, [temporalité] aN 2 [darée) ss [oréve >. i MINUTE: se (6gal a 1/60 hew MINUTE, MINUTE, = (51,5345) a (7) calfater CALFATER: 5; [fermer une ouverture} rt salvoyen] stb] CALFATER: 4 [xétou js carraren, catraren, honey el on Dans le cas de ces exemples, la base classématique est préservée, il existe tn noyaus sémique & densité sémique élevée, le distinctions se situant au niveat dune catégoni ruclsire (périphérique). On peut parler (si Yon envisage une rdre reflétant une modification diachroni i 1 do ique) ou, au contraire, de généaisation du sens, Le métalangage lexicographique a adopté les formules Par restriction» et respectivement «par extension » qui concement les modifications corrélatives subies par la classe référentielle. 1.3.2. La polysémie lache. Au pole opposé, considérons les exemples: (8) plateau PLATEAU: 1 fobjet) t 2 [fabriqué} 8 or a so (oat [eforme plates] [transport] PLATEAU: sifobjet} t ‘2 [naturel (géogr.)) ss|caractéristiques) sé [spatialité] t Iverticalité] t [supérativite] [assez planes] [«dominant les environs»] ‘oli seul un séme périphérique est commun (« forme plate », « assez plane »); les deux sémémes se distinguent également quant a la base classématique : Csi (objet fabriqué], Cee [objet naturel} le lien sémantique est ténu et Von peut se demander sil persiste encore dans la conscience des locuteurs ou si les deux sémémes sont considérés comme deux unités homonymes. 1.3.3, La polysémie moyenne. Dans la zone intermédiaire de rappor’s polysémiques, on a pu distinguer traditionneliement la relation métonymique de ta relation « métaphorique » (dans les dictionnaires: méton., p. anal. fi): (9) blaireau BLAIREAU: = (anise «1 |mammifere] 1° ss [camivore] s[propriétés ss [mode de vie] morphologiques] 1 s [couvert de poils) BLAIREAU2 ss (objet) t si[fabriqué] ——_ ss[structure] s+[matériau) s+ {destination} {« poils de blaireau »] On interpréte généralement le rapport entre les deux sémemes comme un rapport d'inclusion: Ie Sm jouerait dans son ensemble la fonction de trait sémique dans Sma. A notre avis, cette description n’est pas exacte, puisque {blaireaul ( séme) ne coincide pas avec le séméme BLATREAT, mais se réduit & [animal + couvert de poils] - seuls traits sémiques pertinents dans BLAIREAU: La relation sémémique est done toujours d'intersection, un nombre assez réduit de games tant communs ; A remarquer également la distinetion classématique : [animé] vs {inanimé} 93 (10) cuiragse CUIRASSE; 1 [objet] s i 8: [fabriqué) t [structure] [destination] s[abje é [objet prote, eet protégé] s«Dyphysique] x se produise] : [«protéger] [partie du corps} {«blessuren} 5 (comportement) {attitude morale CUIRASSE: t Ss[modalite] se [bud] 55 (objet proté i ‘ erque foblet protégé] ss Expsychique] se rods} Ipoyhiqu] [clessure morale »] . ger dab ine analogie de type « tout comme » entre les deux référents (la CUIRASSE: sert sert a se protéger des blessures morales, to ieee des bless meas, ot ‘comme la CUIRASSE: sert a se protéger Pour nous, ces distinction | métonymiqt ns : i concement le mécanisme qui a fa pa figurativisation, v. chap. IV, § 3) nier la justesse, nous les considéro ici adoptée, jue, métaphorique produ la polysémisation (dans ce cae, la et non le rapport sémémique ; aussi, sans en idérons comme non pertinentes pour la Perspective 134. be ‘mmigue. Ue sémemes 4 tn eae nan olysémique, L’étude des rapports existant entre les thei a ae aa tn 8 cen lans un espace continu, en fonction du nombre et de la nature — nucléaire ou classématique — n Iéaire é ; ° des sémes constituant ar généralisation) ; ~ 4 Topposé, la polysémie liche : sémes nucléaires différents, a I _ base classématique et la plupart des ‘exception dune catégorie sémique, on général périphérique ; il s‘agit d’unités que beaucoup considerent comme homonymes ; = une zone intermédiaire, de la polysémie « moyenne » : rapports établis sur la base d'un ensemble plus ou moins large de stmes ~ nucléaires et/ou classématiques — communs; en font partie la polysémie métonymique et métaphorique. Etudiant la polysémie dans la classe verbale, WILLEMS (2003) propose le concept de chaine polysémique pout désigner les modifications successives que peut subir le sens d’un lexéme. Ainsi, le verbe glisser (dans ses emplois en régime tri-argumental) parcourt Ia chaine [transfert] (glisser un objet dans un coin), [donation] (glisser un billet & son voisin), [dire] (glisser un mot & son voisin), [demande] (glisser & som voisin qu'il parte), od 'on remarque la présence de sens conventionnalisés et de sens strictement contextuels (le demier exemple). Ceci peut suggérer V'existence d’un continuum de sens découpé (ou non) par le systéme de la langue. 1.4, Polysémie vs homonymie La frontiére lexéme polysémique / lexémes homonymes n’est pas facile & tracer & Vintérieur d’un méme état de langue. Le critére sémantique : l'existence d’un noyau sémique commun apparait par trop dépendant de analyse et, surtout, de la perception commune hésitante ; le locuteur moyen pergoit-il encore Je rapport existant entre les divers sémémes recouverts par alvéole ? Un second critere, morpho-syntaxique, a été proposé pour pallier le subjectivisme du critére sémantique, & savoir l'ensemble ~ identique ou divergent — de rapports lexicaux et sémantiques qui caractérisent un lexéme/séméme : la série dérivationnelle et les rapports sémantiques d’hyponymie, de synonymie et/ou d’antonymie). Le lexéme poli est la source de deux séries dérivationnelles divergentes : (11) palin: Cs finanimé] — polir, dépolir, polissage HYP. Sm-= [causation], [sensation tactile] SYN. lisse, brillant ANT. mat, rugueux polis: Cs [humain] —+ impoli,politesse HYP, Sm = [comportement social, [ritualisé] SYN. civil, courtois ANT. grossier, impoli 95 (12) ombrage:: Cs [végétal] ~»+ ombre, ombrager, omabreux YP. (2) Sm = {collectifl, [causation], [sensation tactile et vis SYN. feuillage svete ANT. ombrager: (Cs [animé]) -+ ombrageux HYP. Sm = [sentiment], [causé] SYN. méfiance, soupcon ANT. confiance aman. a pratique lexicographique témoigne de cette difficulté, Fn :, dans le choix des solutions, de la mé: on, sinon partis davbitate, Aine & compart le PETIT ROBERT ete LUXS on constate: ; PetitRobert Lexis poli 2unités 2unités ombrage Lunité unités 1.5, Polysémie et discours La polysémie, ainsi que les autres relati iques paradigm: jons sémantiques paradi spin sn ese qn gu vuitton pe ‘économie qui régit la constitution des langues naturelles. coment + plysémie est levée par 'actualisation du séméme en discours, le texte sélectionnant parmi les virtualités sémantiques du lexeme le sémén compatible avec les autres sémémes actualisés dans Vénoncé. Dans (13) Cette crofte est excellente. mesial (evaluation Positive] caractérisant le séméme EXCELLENT exclut ion de crofte « is i everett fit comme «mauvais tableau» et conduit vers le sens Dans: (14) 1. Passe-mot vite I Lien ‘appareil, le panorama est superbe, je voudrais Vavoir 2. Passe-moi l'appareil, je veux lui parler ! a chaque occurrence du Jexéme appareil il correspond un sémbme unique, identifié par le contexte ou la situation’. Tlexiste des cas oii I’'ambiguité persiste, soit parce que le contexte n’arrive pas 4 désambiguiser, comme dans : (15) Je me suis payé le luxe d’une cuisiniere, je mange miewx maintenant. soit parce quelle est due & Vintention du locuteur de produire plusieurs interprétations (lectures, isotopies) : dans ce cas, la polysémie fonde une stratégie discursive que les locuteurs mettent en ceuvre & des fins diverses et dans des genres de discours tels que le discourslttéraire, publicitaire ou dans les blagues. La multiplicité des sens d'un lextme fonde la figure connue sous le nom de syllepse. Fontanier, qui consacre un chapitre de son ouvrage Les figures du discours (1821/1977 ) & cette figure, la définit comme un trope mixte « par Jequel ‘un méme mot est compris & la fois dans deux sens différents : le sens primitif, ou considéré comme tel, mais toujours [...] propre et l'autre figuré » ; Fontanier, et ceci confirme la description de la polysémie que nous venons de présenter, ajoute quill existe des syllepses: ~ par métonymie : Rome enfin se découvre & ses regards cruels, Rome, jadis son temple et Y’effroi des mortels, Rome, dont le destin, dans la paix, dans la guerre, Est d’étre en tous les temps maitresse de la guerre: (VOLTAIRE, La Henriade) — par synecdoque : Un pére en punissant, madame, est toujours pére. (RACINE, Phédre) ~ par métaphore : ° Dans son exposé fait au Colloque International Représentations du sens linguistique (Bucarest, 2001), Kieiber discute le sens du lexéme couteau et considére qu'un énoncé tel Ty a wn couteau sur la table est susceptible d'une lecture spécifique (hyponymique): le couteau comme COUVERT, pour quelqu'un qui est en train de mettre le couvert, ou d'une lecture générale (hyperonymique) : OBJET COUPANT, pour une mére qui veille & protéger son enfant, Cette variation interprétative est présentée comme une variété de polysémie. Nous croyons que dans un tel cas, la variation interprétative est d’ordre purement pragmatique et ne produit pas une modification sémémique, mais des effets de sens, Dans ce méme sens, Bianchi (2001) distingue entre la polysémie conventionnalisée, qui reléve du plan sémantique, du sens occasionnel produit dans chaque circonstance particuliére de discours. 7 Je souffre tous les maux que j'ai faits devant Troie [...] Brlé de plus de feux que je n’en allumai, (RACINE, Andromague)® Mais, exploitation stratégique de la polysémie n’est pas réservée au seul discours postique. Elle apparait également comme stratégie diégétique dans le genre romanesque: Gide en fait un usage intéressant lorsqu'il construit un moment crucial de la diégése dans L'Ecole des femmes comme une méprise fondée sur la polysémie des mots. Ainsi, dans t'échange beau-pére ~ gendre (Robert), Propos d'un systéme de classement des fiches que le jeune homme utilisait: a) (16) « Alors c'est vous qui avez trowvé cela ?[. — Oui... en cherchant, jai trou. Robert utilise la polysémie des verbes chercher (s'efforcer de découvrir 1, par un effort physique ; 2. par un effort de Vesprit) et trouver (1. rencontrer alow gare cherche ; 2. découvrir par un effort de Vesprit) afin de dissimuler le « vrai rene de son énoncé («en cherchant les envelopes que j‘avais commandées, j'ai rencontré ce systime de classement»), que sa jeune épouse avait interonété comme « en faisant des efforts de V'esprit, ai découvert. » et dont le sene eorect ne se révélera qu’aprés vingt ans de mésentente conjugale" ese, ce pe 2 ote discus ‘se rencontre souvent dans le discours de press, En vo mple, extrait d’un article consaeré & un artiste méconnu, (17) «Les gravures ne supportent pas d'étre leissées en permanence a la lumibre. Ces fragiles beautés sont condaranées @ Uobscurité absolue des cartons des cabinets d’estampes [...] Autant dire a Vobscurité tout court», (LIEXPRESS, n° 1654, 25 mars 1983) Le slogan publicitaire fait souvent usa l blict ige de cet effet qui permet d’enrichi signification d’un énoncé caractérisé par sa concision ; Tetlogen met Genser (18) L'Air du Temps se porte comme un espoir (publ \e marque (publicité pour une mari " Fontanier distingue également la lysémie ° 5 syllepse, fondée sur ta impli Vantanaclese, « tépétition du méme mot pris dans un sens titer, on ce tours pie distinction ql ae pas pent vin ie et "A. Gide, L’Ecole des femmes, in Romans. Récite et sotes, CEvores lyri « Bibliothéquie de la Pléiade », 1966, p. 1282. “ acres lrg, Galina 98 L accompagnant la photo d'une jeune femme qui tient déticatement au creux de ses ‘mains jointes un flacon de parfum, joue (entre autres) sur la polysémie du verbe se porter (I. tre, devoir étre porté, soutenu j 2. étre & la mode) 1.6. Conclusions La polysémie est un phénoméne qui caractérise la structure de tout systéme linguistique, relevant du principe d’économie. * Etudiée au niveau sémémique, la polysémie apparait comme un rapport dintersection entre les ensembles de smes. ‘© Envisagée dans la perspective du rapport Expression - Contenu, la polysémie se décrit comme la manifestation de plusieurs sémémes par un méme formant. ‘© La polysémie n’empitte pas, en général, sur la communication ; le contexte se charge, par sa fonction identificatrice, de lever l'ambiguité issue d’un rapport polysémique. « La polysémie peut étre utilisée intentionnellement dans le discours, étant le lien d’articulation de plusieurs lectures (isotopies). 2. L’hyponymie La relation sémantique d’hyponymie / hyperonymie, bien que référant & des rapports lexico-sémantiques souvent discutés (ainsi le rapport existant entre chaise et sidge, entre chat et animal) a regu son nom, par analogie la «synonymie » eta’ « antonymie » & une date relativement plus récente. Il s’agit toutefois d'une relation @ vocation structurante, dont importance explique attention dont elle a fait Yobjet depuis son identification. En effet, elle permet de «saisir la dimension hiérarchique propre & Vorganisation du lexique des langues » (KLEIBER et TAMBA, 1990, p. 7) et se retrouve dans la description des autres deux relations mentionnées. 2.1. Définition ‘Une premitre difficulté que pose la définition de ce type de relation sémantique est la confusion des plans lexical, sémantique et référentiel | atta Envisagée au niveau des lextmes, I'hyponymie est une relation dimplication™ entre le lexéme hyponyme et son hyperonyme. En vertu de cette relation, la vérité de la proposition : (19) Ceci est une chaise. implique la vérité de ta proposition (20) Ceci est un siege. La relation dimplication étant transitive mais non symétrique, on obtient : (21.1) Ceci est une chaise -+ Ceci est un sidge — Ceci est un meuble, et @1.2) Ceci est une chaise —+ Ceci est un meuble. (21.3) * Ceci est un meuble + Ceci est une chaise. Dans le plan sémantique, I'hyponymie se définit comme un rapport d'inclusion entre deux sémémes (en tant qu’ensembles de sémes) dont l'un, Vhyponyme, inclut le sémeme hyperonyme. A la relation hyponymique entre sémémes, il correspond, dans le plan référentiel, une relation d’inclusion inverse d’une classe d’entités — référent(s) du terme hyponyme & une autre classe a laquelle référe le terme hyperonyme. Ainsi, dans la série chaise, fautewil, canapé etc. : shaise — sige (plan lexical) CHAISE ~ si[objet] + so{pour s‘asseoir] + ssfavec dossier] > SIEGE = 5: + se (plan sénhymantique) « chaises » < «sidges » (plan référentiel) {oa > marque inclusion sémémique ou référentielle, + implication Jexématique et les mots entre guillemets notent les classes référentielles) 2.2, Lieu de la relation hyponymique ‘L’hyponymie sémémique repose sur la relation dimplication constitutive de !a catégorie sémique (hyponymie sémique) ; au sein d'une catégorie sémique’>: 4 jBm logique, & Ia relation d'inclusion entre ensembles it correspond la relation implication entre unités. * Greimas, 1966, p. 29 : « Nous dirons qu’a cété de la relation ant te (disjonction et conjonction) entre les sémes d'une méme catégorie la structure éémentaire de la signification se définit, en plus, par la relation Ayponymique entre chacun des sémes pris individuellement et la catégorie sémique entiére » 100 1 ZN, s1> Ret sr R, quel que soit le type de rapport entre si et sz Ainsi, dans: [spatialité] ———_ [dimensionalité] __ [non dimensionalité] [dimensionalité] est un stme hyponyme de la catégorie [spatialité], comme lest également [non dimensionalité]. On dira que les s8mes qui s’articulent dans une catégorie sémique sont co-hyponymes. ; Idéalement, hyponymie sémique organise Ja substance sémantique en une structure taxinomique de type arborescent : Lo™N, oN ™., ols chaque entité de rang inférieur implique une unité de rang immédiatement supérieur ; la relation d'implication étant transitive, on a: Sur sear et su s21,etc. La relation c'implication hyponymique permet & Greimas (v. supra) de décrire le champ de la [spatialité] sous cette forme arborescente oi: [perspectivité] -> {horizontalité] [horizontalité] + [dimensionalité] [perspectivité] + [dimensionalité] 101 Remarque. Plusieurs sémanticiens'* ont souligné 1a difficulté 4 définir la relation d’hypo / hyperonymie comme une relation d’inclusion ou implication. Une premiére précision est le domaine d'action de cette relation qui, par sa vocation taxinomique est liée aux opérations cognitives de dénomination et de catégorisation. Elle conceme Principalement Ja classe morpho-sémantique des noms dont la categorisation est exprimée au moyen du type de phrase Hiérarchie-étre (KLEIBER et TAMBA, 1990) : Le / les / un NJ est un / des N2. Les auteurs ‘mentionnés, se situant dans la perspective cognitiviste de la sémantique du prototype, argumentent contre la description de I’hypo / hyperonymie comme relation entre sémémes, et transférent cette relation dans le plan des classes référentielles. L’hypo / hyperonymie reléve d'une double rocédure hiérarchisante: la généralisation ascendante et la spécifcation descendante, qui serait mieux adaptée a définir cette relation que la simple implication. Afin de faire accepter leur thése dans le traitement une relation sémantique, les auteurs plaident pour la nature sémantique de la relation d‘inclusion référenticlle. Ceci nous semble correct, vu que, comme nous l'avons soutenu, les traits référentiels et les sémes sont ontologiquement équivatents; la difficulté n’est pas pour autant résolue, car, & notre avis, il faudrait proposer un modiele susceptible de décrive de facon homogine Fensemble de la classe des relations sémantiques paradigmatiques. Diautre part, les auteurs cités refusent de situer "hypo / hyperonymie au niveau sémémique, comme inclusion entre ensembles de stmes vu que, d'une part le séméme OISEAU tvest pas inclas dans sa totalité dans le séméme AUTRUCHE (qui ne comporte pas le trait {qui Peut voler] et d’autre part, les définitions lexicographiques, proposent, Par exemple, pour godasse Vexplication chaussure, ce qui correspond, un point de vue référentiel, a une équivalence synonymique, Une premiere objection & la position extensionnelle proposée par KLEIBER et TAMBA est ia description non homogine des noms (qui se conforment & une taxinomie référentielle) et des verbes ou adjectifs, décrits plut6t dans le plan lexical. Mais Vobjection principale — lige d’ailleurs a la premiére ~ est fondée Sur Ta nature des unités décrites priortairement, et ceci par la plupart des auteurs s‘étant occupé de ce domaine: il s‘agit de séries de termes qui ee Nous renvoyons, en particulier, & Cruse (1986) et aux articles publiés dans la revue Langages, n° 98, 1990, numéro consacré a cette problématique 102 constituent des terminologies ou (des) vocebulaires!, qui recouvrent, & net avis, une zone marginale du lexique d'une langue naturelle, et dont structuration refléte une taxinomie préalablement établie sur la base de critéres propres d un champ d’expérience scientifique ou technique. Ce type de démarche dénie au langage sa fonction orgarstrice a champ notionnel lui réservant Ja simple fonction de représenter un champ “oe ain notre option, déterminée principalement par la volonté a ‘un traitement homogéne des phénoménes qui nous semblent tenir du camp linguistique, seza de continues a décrire rhypo / hyperonymie au niveau une relation entre sémémes, sans nier pour autant Vintérét d'un tement référentiel (utile par ailleurs également dans la discussion des anes rel nn sémantiques), mais que nous avons évité par souci de préserver l’homog du modéle choisi. 2.3. Hyponymie sémémique ‘Au niveau sémémique, Vhyponymie apparait comme le rapport hiérarchique entre deux sémémes contenant les mémes catégories sériques, mais différant par le degré de spécification d'une catégorie sémique: le s nie hyponyme est équivalent & Yunité hyperonyme & laquelle on ajou spécification d’un terme de la catégorie sémique de rang inférieur: hyponyme = hyperonyme + séme spécificateur de catégorie Exemples : (22.1) ECARLATE = [ROUGE] + [éclatant]* % Une terminologie «est un ensemble structuré de notions scientifiques ou tec ques (Lerat 1990, p. 79); les ‘ocabulsites cont «des reper res de mots {..] crdonnés selon un sstéme notonne extaslangeger» (Colin, 1950, p67) tie qe % Kleiber et Tamba critiquent l'inclusion ROUGE © ECARLATE puisque a me rouge dit contenit un tat général qui indique la possibile de plsie ues de rouge Ce tate peut évidemment se erouver dans le ers eva, pul ft plus que dune ruance vive deci couleur» Or derive, comme nous le propesons, a "elation hypo /hyperonymie comme une spcifcation ou une gédralisation grace 3 1s manifestation d'une catfgorisémique — présente gare deux srtes en cussion = catégorie ou au niveau des sémes 7 Gel atime ince ROUGE, Cont la ctogone {naances] (ur mous see pat 103 ieee ecemmansmemmmetinenn (22.2) ENDOSSER = [METTRE UN HABIT] + (sur son dos] 3. SOULEVER = [LEVER] + [objet lourd] Cette équivalence explique pourquoi le lextme hyponyme peut, dans certains contextes peu marqués, étre remplacé par son hyperonyme (suite a une neutralisation sémique) : (23.1) Mavanga une chaise et elle put s‘asseoir, (23.2) Havanca un siége et elle put s‘asseoir. La substitution devient anomale si la cohérence contextuelle (les rapports sémiques syntagmatiques) exige l'explicitation du seme différenciateur : 4.1) Elle s‘appuya contre le dossier de la chaise. ? Elle s‘appuya contre le dossier du sidge (24.2) U souleva a grand-peine le fauteuil et le déplage. ? Il souleva @ grand-peine le sidge et le déplaca. L’hypo / hyperonymie est la manifestation du « principe d'emboitement que l'on retrouve énoncé dans toutes les descriptions relatives au phénoméne de Vhyponymie » (GALMICHE, 1990, p. 38). 2.4, Hyponymie lexicale L'hyponymie apparait également comme un principe organisateur du lexique. Si état actuel des études en sémantique permet de présumer qu'il serait possible de décrire la substance sémantique au moyen de ce rapport, au niveau lexématique la structure est, de loin, moins rigoureuse : — le signe linguistique est une entité conventionnellement arbitraire, il existe pas de correspondance biunivoque entre Ie plan du contenu et le plan de expression ; ~ par conséquent, Visomorphisme des plans doit étre envisagé comme une analogie formelle ; ~ le principe d’économie gouvernant Ja construction lexicale (dont Vaboutissement est Ja polysémie) accentue Ia disparité entre Vorganisation sémantique et organisation lexicale. Le lexique d’une langue contient de nombreuses lacuries lexicales (« lexical gaps», LYONS, 1977), noeuds de la structure sémantique sans correspondance dans |e plan lexical. Ajoutons aux exemples dé cités (v. supra, § 0.2), d’autres exemples : 104 v4) existe un lexéme manifestant le séméme ROUGE, hyperonyme de la série ‘ ni ion, écarlate, pourpre ete, il r‘existe pas de lexéme manifestant 'ayperonyme de rouse, ‘vu que Yadjectifcoloné ne peut occuper cette place: les co-hyponymes de rouge sont vert, noir, lang etc. et coloré n’est pas hyperonyme de blanc. le rapport ius le degré de généralité de la catégorie sémique visée par le rappo hyponymique s/accroit et crrcaation des hyperonymes (v. également supra, Chap. TL Prenons Vexemple suivant : il existe de ressources lexématiques pour la ‘moins il exist vote soni 81). ” VOIE DE COMMUNICATION terrestre] {non terrestre] la’marche {pour les tp eds| véhicules} t : {dimension} t [latéralité) chemin | sentier | auoroute mas chemin de fer On constate que la lexicalisation (par des lexémes spécifiques) apparait dans les zones périphériques du tableau. 2.5, Hyponymie et discours i jfestant la relation d’inclusion La formule Une chaise est un sidge , manil 1 sémémique n’appartient pas au discours courant ; 4 notre avis, Cest une formule du métalangage descriptif. Une tlle formule peut toutefols apparattre, coma les formules tautologiques, avec des effets interlocutifs variables, comme dans = 105 (26). Une chaise est wn side, ce n'est pas fait pour monter dessus ! 1 La relation hyponymique peut servir dans diverses structures discursives, telles que: (i) la structure définitionnelle : A est une sorte de B” 27) 1. Cloche = (sorte d’hinstrument creux, évasé, en métal sonore dont on tire des vibrations |.--|(gpud le PETIT ROBERT) 2. Epigramme = (sorte de) petit poéme satirique (ibid.) (ii) ja structure énumérative : A ou/et (d'autres B (28) Hy avait sur som établi des raboteuses, des scies, des fraises et autres outils de menuisier Gi) la structure d’exemplification : ~B, par exemple/notamment At, Ar... (29) existe em Italie des volcans en activité; exemple : le Vésuve (apud le PETIT ROBER’ ~BiAL A: ” (30) Les cultures alimentaires : coton, tabac, café... ~ As, un des B (31) Lelait en poudre, une des meilleures protéines... Ces Inécaismes sémantiques, a 'ceuvre dans la pratique discursive scientifique Hidactique, peuvent agir dans un discours di i i gow aiecaue le type différent, en en facilitant 2) «Quand [...] Prométhée ext bien éprowoé que les chaines, tenons, camisoles, parapets et autres scrupules [...] Vankylosaient...» . (GIDE, Le Prométinée mal enchainé) Dans un tel exemple, s'il est évident que sémantiquement il ne s‘agit Pes d'une série hyponymique, la structure discursive propre a la manifestation de cette relation oblige le lecteur a interpréter chaines, tenons, etc, comme des hyponymes de scrupules et leur assigner en conséquence un vA Propos des formules genre, sorte, type, Lyons (1977, p. 292; nous traduisons) soutient ques Bog ‘général lorsqu'il existe une relation d’hyponymie entre les noms, [en frangais i cst possible dels inser dare des expressions syntaxques appropri, ala place de xety formule suivante “x est un genre de y’, oitx est un hyponyme de y|...] dans des conditions moins restrictive, sorte et type peuvent se substtuer a genre dans le francais courant », Une analyse plus poussée de la relation sorte-de, dans Levrat et Sabah (1990). 106 ies modifications sémiques qui s‘imposent). Le méme sens figural (issu di x fe du titre de roman Eloge du mariage, de engagement et procédé est & la bas autres folies, publié en 2000 par C. Singer. Remarque. L’hyponymie ne doit pas étre confondue avec Ia relation drimplication synecdochique (partie - tout) entre deux lextmes: la propriété de transitivité de implication hyponymique est source ’énoneés aberrants si elle est appliquée a un couple synecdochique : (33). le bouton de la porte la porte de ta maison * Te bouton de la maison = pareillement, Vintroduction de ces lexémes dans une structure discursive typique de Vhyponymie produit des énonoés anomaux: (G4) *laroue est une sorte de bicyclette * rowe, guidon et autres bicycleties fa bicyclette, notamment la roue, le guidon 2.6. Conclusions + La relation hyponymique repose sur une relation d’implication sémique. ° Cest une sémantique. © L’hyponymie intéresse en égale mesure Ja pratique iexicographique et la pratique didactique, en particulier par ses conséquences sur la structuration lexicale. relation taxinomique organisatrice de la substance 3. La synonymie 3.1. Définition Connue généralement comme identité de sens entre lexemes différents, fa synonymie assure la possibilité de substituer & une unité du contexte dautres ‘unités similaires!. On a également toujours souligné qu’en fait il ne peut y avoir —_— WA titre d’exemple, citons la définition proposée par Duchdéek (1979) « Nous ap] ités lexicales de sens identique ou presque identique ou du moins aussi les sont interchangeables dans certains contextes » ypelons synonymes les unit proches de sens qu’el 107 identité, que la synonymie n’est jamais totale, et que par conséquent il existe des degrés de synonymie. Cette correction trahit une confusion de plans d’analyse, & savoir entre le plan sémantique et le plan de Yexpression. Il n’existe pas d’identité en langue: méme dans le cas des lexémes monosémiques des vocabulaires spécialisés, il rexiste que rarement identité de sens : ainsi, dans les exemples souvent cités : (85) (Ling.) ¢ caduc, e muet, e instable (Techn,) électrophone, tourne-disque, pick-up (Méd,) stimutateur cardiaque, pacemaker Videntité extensionnelle (dénotative) ne masque pas les _différences intensionnelles (propriétés assignées aux objets), ou encore la différence connotative de registre, porteuse d’une signification relative au statut socioprofessionnel du locuteur, L’existence de la synonymie en langue naturelle trahit la subjectivité du locuteur manifestée dans et par le langage. Dans le plan sémémique, la synonymie apparait comme un rapport identité, résultat d'une neutralisation” dans le conterte des stmes differenciateurs, contextuellement non pertinents. La neutralisation repose sur un rapport d’identité extensionnelle percue au niveau des objets dénotés, mais elle West possible que dans des contextes appropriés. Au niveau des lexémes, la synonymie est une équivalence fonctionnelle assurée par I'identification sémémique. La substitution entre lexémes synonymes est possible & condition que soit préservée la valeur de vérité de la proposition. 3.2. Lieu de la relation synonymique Pour rendre compte de ce phénomene, il est nécessaire d’étudier : (1) Ielieu de la synonymie ) les conditions dans lesquelles 1a substitution contextuelle peut avoir lieu. % La neutralisation est, en sémantique, la suppression des sémes différenciateurs, nucléaires ou contextuels connotatifs, Y'invariance de la base classématique dénotative étant exigée, 108 3.2.1. Synonymie et hyponymie. Selon Lyons (1977, p. 292) la synonymie est ‘une hyponymie bilatérale ou symétrique : si x est un hyponyme de y et y est un hyponyme de x, alors x et y sont synonymes. Dans le méme sens, nous définissons les synonymes comme des uns sémémiques co-hyponymes, caractérisées par une position équivalente au sein de ce rapport hyperonyme — hyponyme A hyponyme B ensemble de variables imilari ible de variables similarité ensemble tyeonyertquee hyponymiques —_—_———> opposition itue la base de la similarité ibilité d'inclure un méme hyperonyme constitue Ia si ovary, les différences se situant dans le degré de spécification des catégories sémiques : a favorable] + CRAINDRE = si [état] + s[affectif] + [source défav ; “6 + sa[non désidératif] + ss[non intentionnel] + se[intensité non marquée] REDOUTER = st + se+ 53+ 54+ 55+ 5s intensif” ie sémique [intensité] n’est pas spécifiée, Alors que dans CRAINDRE la catégorie sémique [intensit : aie test par son terme positif dans REDOUTER. La synonymie contextuelle repose sur la neutralisation de cette différence. 3.2.2. Exemples : (87) avoir peur, craindre, redouter, appréhender dont la structuration sémémique peut étre décrite comme : 2 La description sémique suit Costceanu, 1981, 109 [état psychique] i laffectif] [non désidératif] événement avoir peur =x [source : action de } 1 inluence de Ba [défavorable} voir peur ee [modatité : probable ~ possible] craindre | ~appréhender an redouter fintensité] avoir peur | ~ redouter craindre maa uindre : tect our feces avoir peur = frac appréhender Dans cet exemple, les distinctions de it ke contenu se situent dans la zone des Pour une étude approfondie de ces moyens, nous renvoyons & Youvrage de Cunits, 1980. 113 b. un jugement porté sur le signifiant (appartenance du lexéme & un registre quelconque de la langue), reflet d’un jugement porté sur la relation — sociale, affective ou autre - existant entre les participants 4 la communication, _ Ala base de ces oppositions se trouve la catégorie abstraite de [symétrie], caractérisant ce type de relations discursives, Traditionnellement, on distingue entre: langue courante, langue familiére, langue populaire, langue soutenu langue officielle (formelle), langue postique. " : Exemples (49) (cour.) chaussures ~ (fam.) godasses (cour.} avoir peur = (fam.) avoir Ia trouille (cour) trace ~ (soutenu) vestige (cour.) cambriolage ~ (pop.) fric-frac Remarque. Les rapports existant entre les divers types de classémes expliquent les affinités rattachant les deux types de synonymie classématique ayant en commun Vexpression d’une évaluation: la Péjoration apparait plus fréquemment dans une situation discursive peu formelle ; ainsi, la plupart des lexémes marqués [péjoratif] sont é marqués [familier]. sen Genera 3.4. Synonymie et discours La synonymie semble étre moins productive en di i a 0 iscours, puisque la Projection sur 'axe syntagmatique de deux ou plusi rejection sur iq Plusieurs synonymes conduit vers Le réle du contexte dans la réduction de la synonymi ligné ie est soull Gadamer (1972/1998, p. 118 ; nous traduisons) : yon sonore Par En demier recours, ia valeur de Vanalyse structurale sémantique est fondée sur la dissolution de Vapparence (de Yunivocité des signes], apparence que crée le symbole isolé et ceci se produit de plusieurs facons, soit dans la forme grice & ® Une précision est ici nécessaire : notre opti i précis option pour les limites du sens lexical élimine de ‘rite discussion des fits que d'autres sémanticiens integrent au champ de la synonymie: il existe ainsi une synonymie syntaxique, au niveau de la phrase, une synonymie au niveau des syntagmes (les expression périphrasti a iscout 1 iques) et, dans le mé <éfinitionnel est en fait un cas de synonymie. me sens Glee m4 tune prise de conscience de la synonymie, soit dans image beaucoup plus chargée de significations, ce qui conduit & idée que chaque expression verbale cst intraduisible et non substituable. Je souligne ce trait comme étant Je plus important, puisqu'il repose sur le fondement méme de la synonymie {...] moins tun symbole est isolé et plus la signification de Vexpression s‘individualise. La notion de synonymie se dissout progressivement. Et on finit par obtenir un idéal sémantique qui, dans un contexte donné, reconnait comme adéquate tne seule expression. Toutefois, la syronymie est & la base de plusieurs phénoménes discursifs : = elle est susceptible d’assurer la cohésion textuelle (HALLIDAY et HASAN, 1976) : en effet, la reprise anaphorique par synonyme(s) est un procédé cohésif = elle assure la précision et la justesse de l'emploi dénominatif Yoption synonymique permet au locuteur, dans les conditions de Vinvariance du denotatum, de construire le référent discursif (REY-DEBOVE, 1976) ; = elle assure une fonction « stylistique», permettant au locuteur d éviter la répétition génante d'un terme. En fait, exploitation discursive de la synonymie repose paradoxalement non sur Iidentification contextuelle des sens concernés, mais au contraire sur eur différenciation. L’existence méme des synonymes traduit un besoin du locuteur d’exprimer son attitude relativement @ la réalité représentée par ses mots, de trouver les mots « justes » pour exprimer sa position et il n’est pas rare que, & la recherche du mot juste, Ie locuteur utilise plusieurs mots, quitte & risquer de paraitre redondant ou méme prolixe. En termes gricéens, le locuteur sacrifie la maxime de la maniére au profit des maximes de qualité ou de pertinence. I nest pas rare qu'une volonté d’insistance ou I'expression d'une émotion soit & lorigine de l'utilisation des synonymes. Ainsi, pour clamer son innocence, quelqu’un dira : (60) Jfassure, fattest, je certifie je jure que le fait est faux (apud FONTANTER) Mais le terrain privilégié de manifestation discursive de la synonymie reste le discours littéraire. La synonymie se trouve & la base de tropes comme la métabole (ou tout simplement la synonymie) ou la gradation. Selon FONTANIER, la métabole consiste dans «I'accumulation de plusieurs expressions synonymes dans le but de décrire avec plus de force la méme idée, ou une méme chose». Ainsi: (81) Muse, préte ad ma bouche une voix plus sauvage Pour chanter le dépit, la colére, la rage. (BOILEAU, Le Lutrin) (52) O rage, a désespoir ! (CORNEILLE, Le Cid) Les synonymes intensifs se trouvent a la base de la gradation qui consiste & Présenter une suite d’idées ou de sentiments par ordre croissant ou décroissant importance, d'intensité, etc. FONTANIER fournit plusieurs exemples extraits de textes de BOILEAU: (53) Marchez, courez, volez oi 'honneur vous appelle. (54) Je ne vois rien en vous qu’un lache, un imposteut, Un traitre, un scélérat, un perfide, un menteur [...] GARDES-TAMINE (2005) se demande si la syrionymie est impliquée dans a métaphorisation, puisque ce trope - qu'il s agisse de métaphores in praesentia ou de métaphores in absentia - semble proposer une substitution qui orée une équivalence sémantique et conclut sur une possible description de la métaphore ‘comme une synonymie non codifiée, subjective, constraite par le discours. 3.5. Conclusions * La synonymie est un rapport d'identité sémémique, résultat de la neutralisation contextuelle des diftérences sémiques. + la condition de identification sémémique est existence d'un noyau sémique commun, la différence étant placée au niveau de Varticulation d'une catégorie sémique périphérique . * la synonymie représente un principe constitutif du fonctionnement sémiotique : le sens d’un signe peut toujours étre explicité par un autre signe de sens équivalent, de méme niveau (lexéme-lexéme) ou de niveaux différents (lexéme-lexie, lexeme-énoncé définitionnel). 4, Lantonymie 4.1. Définttion Envisagée au niveau lexématique, l'antonymie est connue comme le ‘rapport établi entre les mots qui « par leur sens, s‘opposent directement & un autre » (Le PETIT ROBERT); la question est de comprendre en quoi consiste cette « opposition directe », quel est le lieu de sa manifestation. 16 4.2, Liew de la relation antonymique Comme dans Je cas des autres relations sémantiques, Tanvonymie se décrit au niveau de la catégorie sémique. C’est la manifestation, ge des lexémes différents, des termes polaires d'une catégorie sémique, fans te conditions de Yexistence d’un noyau sémique commun aux sémémes LN, opposition antonymique recouverts par ces lexémes : Les sémémes antonymes occupent une position symétriqquement inverse dans une structure hyponymique. Soit les exemples : (55) 1. feamest célibataire / Jean est marié 2. Jean sort en ce moment / Jean reste pour le moment 3. Crest une condition acceptable | inacceptable 4. Jean est le mari d’Anne | Anne est la ferme de Jean 5, Jeans sort de ta chambre | Jean entre dans Ia chambre 6 Jean entre Jean marche Jean sort Dans (55) 1, eélibataire sf oppose & marié parla négation d'un terme de la catégorie sémique {rapport de parenté par alliance, premier degré] CELIBATAIRE = s1 [humain] + s2 [adulte] + ss [sexué] + ~ s« [rapport de parenté...] MARIE = si + s2 +53 + 54 Les deux sémémes ont pour hyperonyme commun Smesitsts, ‘i ‘ati ‘que en fra i, par ailleurs, ne connait pas de réalisation lexématique en frangais. se Paes lexdmes mar et femme recouvrent des sémémesdiftérenciés par: MARI = si + 82+ ss [masc] + 5+ + $s [direction du rapport x, y] FEMME = si + 52 + 53 [fem] +s« + 6s [direction du rapport y, x] u7 Lhyperonyme commun est réalisé en frangais, dans certains contextes, par Varchilexeme époux (Ex. : L’époux infidéte est puni par la loi). Les lexémes sortir et rester sont opposés par la négation de la catégorie [mouvement], alors que sortir spécifie la catégorie (directionalité] par le terme polaire inverse celui actualisé dans entrer : entrer et sortir s‘opposent a marcher par la négation de la catégorie [directionalité} 4.3, Classification des rapports d’antonymie Rappelons qu'il existe des catégories sémiques simples : R R ZN (ZN, acceptable inacceptable mari ferme et des catégories complexes, oi1 I'un au moins des termes est A son tour une catégorie ; ceci explique le fait que l opposition binaire s‘articule en rapport avec un troisiéme terme, intermédiaire : Exemple : (56) x —™ [mouvement] [non mouvement] sortir ~ rester aN [direction] [non direction] sortir ~ marcher —™ iablatif] —fallatis] sortir ~ entrer us Dans ce cadre, la nature du rapport articulant 1a. catégorie sémique détermine une classification des rapports antonymiques. Les sémes d'une catégorie peuvent étre opposés par tne relation de contradiction [ou @ ou b} — une relation d'incompatibilité [ou a ou b ou (ni @ ni b}) — une relation de contrariété [ou a ou b ou (eta et b)] 4.3.1, La catégorie produit, par la négation d’un de ses termes, des ‘oppositions que la langue lexicalise : a) comme absence de la propriété dénotée par la catégorie concernée : dans (48) 3. la catégorie [possibilité d’étre accepté] (ou [acceptabilité]), manifestée par son terme négatif, est percue comme absence de cette propriété, Les oppositions de ce type sont dites privatives : elles sont lexicalisées le plus souvent au moyen de la dérivation préfixale® ; b} comme présence de la propriété contradictoire (opposition équipollente). Soit comme exemples : (67) singulier | pluriel statique / dynamique Ces oppositions trouvent leur lexicalisation par des moyens lexématiques. Remarque. Un méme lexéme peut figurer dans les deux variantes de structures lexématiques : (58) modération / immodération ‘modération / abus, excés 4.3.2. L’incompatibilité sémique donne naissance a des antonymes converses: les lexémes recouvrent des sémbmes contenant chacun un séme distinct de la catégorie, mais il existe la possibilité (théorique) d’avoir un séméme contenant le terme neutre (ni ani b). Exemples (69) mari 1 ferume (opposés & célibataire) sortir /entrer __(opposés a rester) acheter / vendre —_(opposés & posséder) % Nous renvoyons ici encore & Cunifs, 1980. 19 Les couples antonymiques de ce type ont en commun Ia propriété de contenir une catégorie désignant une relation d’ordre. Exemple (60) MARI= si fhumain] FEMME= si 2 [adulte] 8 5s [sexué] s s« [rapport dalliance...) 5 ss (directionalité] 3 xy yox Il est possible d’appliquer & ce type d’antonymes lopération d’inversion ; R. MARTIN (1976) indique une série de lextmes antonymiques appartenant a la catégorie qu’il appelie « antonymie lexicale d’inversion » : ~ inversion de position (spatiale, temporelle ou logique) : en haut /.en bas, hors de / dans, proche de / Join de, avant / aprés, début / fin, cause / conséquence, ete. ; — inversion de direction de mouvement (concret ou abstrait) : monter / descendre, s'approcher / s‘éloigner, sympathie / aversion, pour / contre. 4.3.3. Lorsque plusieurs couples antonymiques s‘articulent sur une méme catégorie supra-ordonnée, ‘on obtient une échelle intensive, dont les termes désignent une propriété gradable. La catégorie sémique est organisée dans ce cas par un rapport de contrariété, admettant la présence du terme intermédiaire complexe (et a et b). Exemple: a solide (fluide liquide gareux Les exemples ott le terme intermédiaire soit également actualisable sont rares. Ainsi, la plupart des adjectifs désignant une propriété graduée s‘articulent binairement sur une échelle intensive autour d'un point de repére conventionnetlement établi et non lexicalisé : 120 title <—> fedis chaud <———___—» froid brilant. <—___———_+ glacial Certains auteurs (LYONS, 1977) réservent Je terme d’antonymie cette seule classe de rapports dopposition. 4.4, Antonymie et contexte Comme pour les autres relations sémantiques, les lextmes antonymes = sont ramenés a une catégorie sémique = dans les conditions d'une base classématique constante. ‘Ainsi, en commutant un seul trait sémique, I'échelle de la température svarticule en plusieurs couples antonymiques : 2) [température] {intensité maximale] } chaud ~ froid (directionalité] {température} fintensité moyenne] tide ~ frais [directionalité] Par conséquent, les termes chaud et fraig ne constituent pas une opposition antonymique. De méme, la condition de I'invariance classématique ~ dénotative et connotative ~ doit étre satisfaite. En changeant le contexte, de nouveaux couples antonymiques peuvent naitre: la propriété gradable évaluée sur Yéchelle de grandeur prend des valeurs différentes selon le nom qualifié : 11 (63) (vent, air) Héde ~ frais frisquet (café tide ~ chaud refroidi ~ brilant tibde (eau du bain) | Odi | bon bain » (On dira done: (64) 1. Le café est trop chaud pour qu‘on puisse le boire. 2. Liair est frais pour cette époque de Vannée. 1 faut également veiller & ce que les changements de registre linguistique soient bien marqués, car: 4 un discours critique s‘oppose un discours élogieux, et non (litt) thuriféraire ; une personne est bien ou mal élevée, mais 4 un chic type s‘oppose un ploue. 4.5, Antonymie et discours Les rapports logiques qui sous-tendent I’antonymie lexicale sont également la base de certains mécanismes discursifs producteurs de signification : a) un premier effet discursif de lopposition sémique est la polarisation positive ; la neutralisation d'une opposition sémique se fait, le plus souvent, en faveur du terme positif(ANSCOMBRE et DUCROT, 1981); Yactualisation en discours de la valeur positive sélectionne par conséquent le lexéme positif du couple antonymique : (65) 1. Hest grand, ton appartement ? 2. lest bon, ce professeur ? Ces questions sont «normales» et «neutres» par rapport aux intentions (argumentatives) du locuteur. Les questions : (66) 1. lest petit, ton appartement ? 2. Mest méchans, ce professeur ? laissent entendre que le locuteur passéde des éléments (croyance, évidence) pour attendre une certaine réponse. Les questions (65) admettent les réponses oui ou 12 non, alors que la demande d'information devient demande de confirmation dans (66) ; ony répondra par: (67) 1. Oui, en effet / Non, pourquoi ? (= pourquoi le penses-tu 2) 2. I n'est pas du tout petit 3. 1 west pas méchant due tout 4. Absolument pas, etc. ) l'interprétation en langue naturelle de la relation logique de contrarigté comme relation de contradiction explique implication conversationnelle de : (68) Le thé n'est pas mauuais —» Le thé est bon alors que logiquement pas mauvais n'implique pas bon. Si le locuteur veut expliciter la relation de contrariété, il est tenu a utiliser des moyens supplémentaires : (69) Le thé n‘est pas mauvais, mais il n'est pas bon non plus. Ce méme effet discursif produit une variante de litote : (70) Il nest pas sot (= ilest plus intelligent que je ne le croyais, il est (méme) intelligent) ©) la langue naturelle admet, dans son fonctionnement expressif, la gradation de deux termes en relation de contradiction : (71) Hest plus mort que vif. d) Ia relation d'antonymie est & Ja base de la construction syntagmatique nommée dans la théorie des tropes oxymoron, et définie comme la combinaison sur l'axe syntagmatique de deux lexémes en rapport de contradiction. L’exemple prototypique est ie comélien : (72) Cette obscure clarté qui tombe des étoiles. ‘On peut rencontrer de tels syntagmes dans le discours quotidien, ott le trope est quasi-lexicalisé : (73) _ un silence éloquent (apud LEXIS, s.v. Eloquent) 123 4.6, Conclusions ‘+ Antonymie et synonymie apparaissent au niveau sémique comme des relations complémentaires : elles se partagent le champ d’une catégorie sémique ~ et par conséquent une zone notionnelle en tant que rapports établis entre les termes de la catégorie. * Elles se définissent hiérarchiquement par le rapport hyponymique terme-catéporie. + L’antonymie recouvre plusieurs classes d’oppositions qui connaissent une distribution préférentielle en rapport avec les especes de mot (la contradiction apparait de préférence dans lespéce nominale, la contrariété dans I'espéce adjectivale et adverbiale), 5. Structure paradigmatique du lexique (les « champs sémantiques ») 5.1. Les champs lexico-sémantiques Les relations paradigmatiques forment des réseaux de relations rassemblant un certain nombre d’unités lexicales; puisque les relations sémantiques, en général, trouvent leur source au niveau de la catégorie sémique, le choix d'une catégorie ou d’une autre aboutit & organisation du lexique en micro-systémes lexicaux se partageant une méme zone de signification ou champ dexpérience ; ils seront ici nommés champs lexico-sémantiques. 5.1.1. L'existence d'une organisation lexicale a éé remarquée depuis VAntiquité” ; elle a hanté la pensée philosophique de Leibniz, Husserl, Cassirer, Humbold, qui fondent en large mesure leurs considérations philosophiques sur le rapport entre le langage et la pensée ; en linguistique cst a J. TRIER que on doit une premiére tentative d’approche structurale du phénoméne des champs lexicaux saisis en diachronie, Pour TRIER le lexique d'une langue se présente ‘comme un ensemble hiérarchisé de groupements de mots recouvrant chacun un domaine notionnel délimité. Analysant le vocabulaire allemand de la «connaissance » aux XIU et XIV« siécles*, TRIER fournit une preuve en faveur » Dionysos de Thrace invoquait les relations entre nuit et jour, entre mort et vie, entre pore et fils. % J. Trier, Der deutsche Wortschatz. im Sinnbezirk des Verstandes, Heidelberg, 1931. 124 de la thése structuraliste du sens lexical congu comme valeur ; une unité lexicale Ya de sens que par opposition aux autres unités d’une méme zone. 5.2. Difficultés de lentreprise Tenter de décrire les champs lexico-sémantiques est une entreprise hardie, comportant des risques dont il faut étre conscient et qu'il faut assumer délibérément, L’éeueil majeur est de se voir glisser de étude de Yorganisation lexicale (ou lexico-sémantique) vers I’étude de lorganisation (extra-linguistique) de 'expérience référentielle, de la langue vers la pensée Ainsi, il nest pas aisé de prouver que le champ lexical du mot sige étudié par POTTIER est une étude des sens lexicaux ou d’un ensemble référentiel empiriquement délimité®. Théoriquement on vise & décrire non pas Yorganisation de la substance du contenu (J'univers référentiel), mais celle du plan de la forme du contenu, et ceci dans ses rapports avec une organisation (forme) du plan de I'Expression ; non pas organisation conceptuelle, ni méme tout simplement celle sémémique, mais la structuration des sémémes en tant que parties constitutives du signe (dans leur rapport avec un signifiant)*. Ceci explique les difficultés de l'entreprise. 5.2.1. Une premiére difficulté surgit dés que l'on se propose de définir les unités lexicales, compte tenu de l'existence, & cdté des « mots simples », de « mots composés », syntagmes plus ou moins automatisés (v. infra Chap. Ill, Relations syntagmatiques, § 5.1). Ainsi, comment traiter des unités appartenant formellement & une méme classe : chaise de bureau, fauteuil de bureau, chaise de jardin, chaise de bébé, sidge de bébé, chaise électrique, siege éjectable, ete.” ? 5.2.2. La difficulté majeure est créée par la nature méme du signe, A savoir par l'atbitraire de la relation signe-référent®, engendrant le phénoméne de la polysémie et, partiellement, de 'homonymie, ® Voir & ce sujet la critique que Greimas adresse & l'étude de Potties, citée ci-dessus au Chap. I, L’analyse sémique, § 1.2. » Ceci explique notre choix terminologique de champ lexico-sémantique. 3 Nous avons emprunté les exemples 3 Cl. Germain, 1981, 77. % Dans la discussion autour de la question de 'arbitraire du signe, nous faisons notre la solution de Benveniste (1966). 125 Ainsi, chaque sens (séméme) recouvert par un lexéme polysémique peut donner naissance a une série d’oppositions constituant un microsysteme lexico- sémantique distinct. Cl. GERMAIN (1981, 79) donne I'exemple du mot canapé et construit le schéma que nous reproduisons en simplifiant : tréne 4 fauteuil TITRES PLATS MEUBLES «hors d’oeuvre ¢—canapé —» chaise | aN établi ass ‘OUTHS GEOLOGIE Un méme lexéme peut migrer d'un champ a l'autre, ce qui, pour beaucoup représente un argument contze la description taxinomique du lexique. 5.2.3, Le phénoméne des Iacunes lexicales fait que, si dans le plan sémémique organisation peut étre rigoureuse, dans le plan lexical le systéme est de loin moins complet. 5.24, Une autre difficulté se rattache a la délimitation méme du champ, se faisant le plus souvent & partir d’un critére arbitraire, empirique ou emprunté Aune autre discipline. La plupart des études dans ce domaine portent sur un concept, exprimé linguistiquement par un ensemble synonymique: les termes désignant Ychabitation », la « beauté », les « animaux domestiques », etc. L’organisation rigoureuse de ces ensembles est rendue d’autant plus difficile que les traits sémiques qui les opposent sont souvent « encyclopédiques » (v. supra, Chap.II, § 2.0): a l'intérieur du champ décrit par POTTIER, chaque trait sémique erée des oppositions qui lui sont spécifiques, mais dont ensemble ne conduit pas vers tune organisation réelle. Par exemple : 126 + [dossier} 7 T chaise, canapé, fauteuil vs tabouret, pout + [bras] —_| fauteuil, canapé vs chaise, tabouret “E[pour une personne] | > | chaise fauteuil tabouret, pouf vs canapé + [sur pied(s)] —> | chaise vs tabouret, pouf (le trait ne nous semble pas pertinent pour canapé ou fauteuil) 4 [en matiere rigide]_|—> | tabouret vs pouf (méme remarque) U apparait ainsi que ce champ présente une structuration bien moins rigoureuse que le tableau établi par Pottier ne fe laissait supposer. L'explication se trouve dans le fait que nous avons affaire, dans de tels cas, a des terminologies ot, comme nous avons dit, fonctionnent des traits sémiques encyclopédiques (référentiels), la structuration linguistique s‘imposant au niveau des archilexémes. 5.3. Hypothése de travail Sans prétendre offrir une solution définitive, encore moins la meilleure solution, nous discuterons Ja solution qui semble cadrer le mieux avec les principes qui sous-tendent la présentation d’ensemble du sens lexical dans cet ouvrage. Dans cette perspective, une structuration paradigmatique du lexique prend sa source au niveau profond de la catégorie sémique, 1a oit sétablissent les rapports d’ opposition paradigmatiques entre sémémes. L/opposition binaire constitutive de la catégorie sémique, simple ou complexe, permettra d’organiser de manitre hiérarchique des micro-systémes sémémiques de complexité toujours accrue, selon que Yon fait jouer un nombre accra de catégories sémiques. En admettant V'idée que le séméme est un ‘ensemble de catégories sémiques relevant de champs d'expérience divers (et partant de systémes sémiques différents), on devra assumer qu’un méme lextme puisse et doive figurer dans divers micro-systémes, selon que Yune ou l'autre des catégories composantes est prise en considération. 5.3.1. On partira ainsi des systémes sémiques (relevant du seul plan du contenu), organisés par des rapports d’ opposition et d’implication, pour étudier — par un recours constant au plan des formants - la structuration lexico- ‘sémantique des nicro-systémes sémémiques de plus en plus complexes. A examiner Ie systeme sémique de la « spatialité » décrit par GREIMAS (1966, p. 33) comme: 127 oe {spatialité] NN [dimen Ao [non dimensionalité] aN oN [horiz6ntalité] [verticalité] [superficie] [volume] oN {perspectivité] _[latéralité] long /court large /étroit haut/bas vaste /x Spais /mince on remarquera que le recours & la lexicalisation oblige & prendre en considération d’autres catégories sémiques, ce qui fait jouer de nouveaux rapports, synonymiques et/ou antonymiques, et neutralise d'autres oppositions. GREIMAS (1966, p. 35) remarque que I'introduction de la catégorie [quantité] - appartenant par ailleurs 3 un autre systéme sémique que celui de la spatialité - «permet la suspension de ‘opposition sémique verticalité vs horizontalité », et donne l'exemple : (74) court sur pattes ~ haut de taille. L’accroissement du degré de complexité d'un champ lexico-sémantique suite & Yintroduction de nouvelles catégories peut étre illustré par quelques exemples : Sm = {non dimensionalité] < [position] : 7) 4 [concret] _plafond haut ~ bas une céte basse ~ abruy Jes hautes | branches ~ les branches basses. dlevées. Je bas bout de la table ~ le haut bout de la table Ia place d'honneur + [intensité] voix basse ~ & haute voix parler bas ~ parler fort note haute ~ | basse aigué grave 128 courants @ haute ~ | basse fréquence forte | faible température basse ~ élevée haut rendement ~ faible [quantité] haut prix ~ bas slevé modéré, modique [abstrait] unedme | haute —~ une ame | basse noble élevée ignoble, vile un haut fonctionnaire ~ un petit fonctionnaire de la basse littérature ~ de la bonne littérature D’autre part, si Fon s‘en tient au seul systéme sémique de la spatialité, Yajout de lexemes appartenant & d’autres espéces de mots que l'adjectif ou Vadverbe aurait également pour effet une complexification du systéme lexico- sémantique. 5.3.2. Une étude plus poussée en la matiére appartient & COSERIU (1975) qui se propose dl'établir une typologie des champs lexico-sémantiques, sur la base d'un certain nombre de critéres, dont nous citons ceux qui peuvent nous intéresser : = les types d'oppositions constitutives de la catégorie sémique (privatives, équipollentes, graduelles, antonymiques®) ~ le nombre des catégories sémiques considérées. COSERIU parle de champs unidimensionnels, fondés sur une seule catégorie sémique, et donne I'exemple de : — champs antonymiques : bas / haut, court / long, etc. ; ~ champs graduels : les adjectifs désignant la température. A notre avis, seuls les systemes sémiques peuvent étre unidimensionnels, alors qu'un champ lexical, méme & un faible niveau de complexité, implique des catégories hétérogénes, Dans le champ des adjectifs désignant la température il existe déja trois catégories : ~ lacatégorie de la {température} — Ja catégorie de 'fintensité], appartenant au systeme de la [quantité] 3 Nous mentionnons que l'acception ici donnée & ces termes ne concorde pas tout & fait avec celle de Coseriu ; le type d’approche est pourtant le méme (soulignons par exemple Yanalogie « catégorie sémique » ~ « dimension ») 129 = la catégorie de la [disectionalité], que 'on peut envisager comme appartenant au systéme de la [spatialité abstraite]. Ces trois catégories permettant d’ organiser les oppositions binaires sur une échelle graduée : <—o—0—0-——0——0—> frais <——> tiede froid. <—_______——» chaud Pour étre utile, Ia description doit pourtant prendre en considération des catégories classématiques, telles que (abstrait], etc. glacial roid (v. également supra, § 4.3). (76) accueil ~ chaleurewx Si Yon renonce done a l'idée des champs unidimensionnels, on pourra accepter le critere des types d’ opposition, combiné avec la corrélation qui s’établit entre ces dimensions (catégories sémiques). Il existe ainsi, selon auteur cité, des, jimensionnels aN corrélatifs non correlatifs facile / difficl couleur / — noncouleur leger /lourd demander / rouge vert bleu _ blanc /non blans répondre etc. gris (noir pluri-dimensionnels te sélectifs corrélatif porter = J mner_ “3B” apporter/emporter _ amener / emmener rapporter /xemporter ramener / remmener 130 Comme on le voit, la classification - et d’ailleurs ensemble de la discussion menée par COSERIU - s‘en tient 4 des micro-structures lexico- sémantiques de portée réduite, dont l'analyse ne semble pas exiger de moyens autres que ceux qui ont été utilisés dans la description des relations sémantiques paradigmatiques. Tl reste de toutes ces tentatives la démarche onomasiologique implicitement utilisée par POTTIER et, & sa suite, par de nombreux chercheurs, et dont le principal acquis est la description minutieuse de diverses séries synonymiques. On est encore loin d'une visée de plus haute portée, qui mette en jeu le réseau complexe de relations susceptibles d/aboutir @ une description rigoureuse de zones plus amples du vocabulaire d’une langue naturelle 5.4, Conclusions + Les champs lexico-sémantiques sont des micro-systémes lexicaux recouvrant une zone commune d’expérience . + Leur description met 2 Yeuvre le réseau des rapports paradigmatiques . + Dans le plan sémantique, on peut déceler des systémes sémiques homogenes, organisés et organisables comme des structures hyponymiques arborescentes . La polysémie lexématique d'une part, la non homogénéité sémémique ©". se part, engendrent un degré de complexité qui fait reculer le succes de cette tentative. Les relations syntagmatiques 0. Définition. Décrites comme des relations de combinaison entre sémémes co-présents dans une méme (partie de) phrase, les relations syntagmatiques, du type et... et..., reposent ~ comme toute relation ~ sur existence d'un élément commun, assurant la possibilité de combinaison d’unités distinctes. Dans lexemple : (7) «Lesalon d’Angéle était déja plein de monde ». (GIDE, Paludes) 131 a combinaison des lexémes est assurée par la présence dans le sens des divers lexémes de certains sémes communs (classémes) : salon: pice partie d’un appartement [...] d'une certaine superficie...) destinée a recevoir les visiteurs (apud LEXIS) est caractérisé par les catégories sémiques : [spatialité] + [fonctionnalité} [contenant] [contenu] (humain) [inanimé| [asage domestique] Dans plein («se dit d’une chose qui contient tout ce qu’elle peut contenir ») on retrouve les traits: [spatialité], [contenant], ainsi que le trait [quantitatif]; monde, lextme qui occupe la place de «objet contenu», est également caractérisé par les traits (humain], (quantitatif]. Ainsi & partir de salon plein de... on peut s‘attendre & salon plein de: | monde personnes visiteurs hommes, femmes, etc. ou encore: salon plein de: | objets (meubles) liores tableaux instruments de musique, etc. ‘Sila combinaison : 2 salon plein de chiens, de chats semble bizarre, mais possible, vu le trait (domesticité] contenu par les sémémes respectifs, les syntagmes : 132 27 salon plein de vaches, de moutons apparaissent carrément bizarres (sans qu'ils soient totalement impossibles), alors que les groupements : salon plein de: | ides, esprit, silence, a premiére vue impossibles, exigent un mécanisme de déchiffrement différent (v. infra, Chap. 1V, §4) enfin, les groupements : * salon plein de: | éléphants trains apparaissent comme impossibles {anomaus). 1. La relation de compatibilité Ii doit donc exister entre les sémémes recouverts par des lextmes combinés & V'intérieur des syntagmes une compatibilité assurée par la présence de s8mes communs, constituant la base classématique du syntagme ou de la phrase respective. 1.1. Remarques préliminaires a) La combinaison sémantique est orientée par le sens grammatical (le sens de la structure syntaxique) + = lesens des classes syntaxiques (nom, verbe, adjectif, ete.) — Je sens des rapports syntaxiques (sujet de, verbe de, instrument de, etc); ainsi, dans Je syntagme salon plein de monde, de marque la relation [contenant vs contenu] introduisant le « contenu » et le syntagme plein de monde, occupant la place de déterminant, indique une propriété du nominal sujet. La dépendance du sens syntagmatique du sens grammatical fait que la combinaison des sens lexicaux suit un parcours hiérarchiquement organisé pat la structure syntaxique de la phrase. Ceci explique, par ailleurs, le fait que le sens, ainsi combiné, ne représente pas la simple addition des ensembles sémémiques ; deux syntagmes constitués Ges mémes éléments ont un sens différent si leur structure syntaxique est différente. Dans : 133, (78) 1. Une femme professeur entre dans la salle, 2. Un professeur femme entre dans la salle. ‘out les deux lexémes femme et professeur changent de position syntaxique (Gément référentiel, élément qualifiant), on constate des modifications dans le sens lexématique : professeur et respectivement femme en position d’élément qualificatif voient leur sens limité a un trait sémique qui décrit une propriété [profession], {sexe}). Les deux phrases, bien que pouvant référer 4 une méme réalité, sont énoncées avec des intentions communicatives différentes, b) Il peut y avoir compatibitité entre deux unités entre lesquelles il existe une relation : 9 (® de simple conjonction (79) «La nuit était calme et chaude. » (MAURIAC, Le Neeud de vipéres) (il) d'implication (si p alors 9) (80) « Ne pouoant dormir, je me suis rhabillé, » (MAURIAG, op. cit.) (iii) de double implication (si p alors q, sig alors p) (81) « Ces grandes jambes de Robert, ce buste court comme est le mien, cette téte dans tes épaules je les exdere, » (MAURIAG, op. cit.) Ces trois types de relations peuvent se retrouver, comme nous I’avons constaté, au sein du séméme oit certaines catégories sémiques en impliquaient lune autre qui & son tour pouvait les impliquer, alors que d’autres catégories se combinaient conjointement avec d’autres. Elles régissent également Ia combinaison des sémémes a l'intérieur des syntagmes de rang supérieur. 1.2, Description La relation de compatibilité logique dépend des rapports factuels dont la compatibilité linguistique (sémantique) n’est qu’un reflet. On définit la compatibilité (linguistique) comme la possibilité qu’ont deux unités de contracter une % Hijemstev (1943/1968) nommait ces rapports combinaison, sélection et respectivement solidarité 134 relation, d'étre présentes ensemble dans une unité higrarchiquement supérieure ou en position de contiguité sur Uaxe syntagmatique. Sur le plan sémantique, il y a compatibilité & condition que les deux sémémes en rapport de coprésence ne contiennent pas chacun un terme opposé d'une méme catégorie sémique. Ainsi, la combinaison des éléments linguistiques dépend de leur possibilité de se ‘combiner avec certains éléments seulement, a Vexclusion d’autres combinaisons jugées incompatibles. 1.2.1, Il apporait évident que le jugement de compatibilité, de bonne formation ou de «normalité » sémantique repose en tout premier lieu sur le savoir que les locuteurs possédent du monde réel et/ou de I'univers culturel dans lequel ils vivent. Ainsi, la phrase (82) Lalicorne écrit. est inacceptable, vu que le référent ‘licorne’ est caractérisé par le trait [animal], alors que ‘écrire‘ contient le trait [humain]. 1.2.2. Pourtant, la langue n’étant pas une liste d’étiquettes inventoriant le monde réel, mais un ensemble de signes dont le propre est d’étre arbitraires par rapport a leurs référents, au systéme de compatibilités sémantiques — déterminées par des rapports référentiels ~ il se superpose un systéme de compatibilités Jexématiques, purement linguistiques, relatives aux possibilités combinatoires dont chaque lexéme est doté en vertu des régles du systéme. Ainsi, si Yon dit en francais: (83) faire, accomplir une bonne action on dira : (64) commetire une mauonise action (méfuit, crime, erreur) Le recours 4 la comparaison des systémes linguistiques fait davantage ressortir le r6le des compatibilités lexématiques dans la construction de la syntagmatique discursive ; on dit en francais et respectivement en anglais aller cheval et aller & bicyclette, to ride a horse, to ride a bicycle, pout ce qui en roumain recoit une lexicalisation différente: a ciléri, a merge pe biciclett; la factit exprimée en frangais par deux structures en dépendance contextuelle : faire que quelqu’un soit heureux et rendre heurewx (quelqu'un), s‘exprime en roumain par un méme moyen : a face pe cineva si fie fericit ; a face pe cineva fericit. 135 ee —_ 2. Classification des relations syntagmatiques On peut distinguer parmi les relations syntagmatiques, selon leur niveau d’incidence, entre les relations : — intra-syntagmatiques, qui rattachent deux ou plusieurs unités a Vintérieur d'une unité de rang supérieur correspondant aux syntagimes constituants de phrases ; ~ inter-syntogmatiques, combinant des syntagmes de ce niveau pour former des phrases ou des unités supérieures 8 la phrase. Notre attention porte en priorité sur les relations intra-syntagmatiques qui concernent de maniére plus directe le niveau lexical. 3. Liamalgame sémique 3.1, Lieu de Ja relation syntagmatique Il ressort de la définition proposée ci-dessus que la compatibilité sémantique, quelle qu’en soit Vorigine (référentielle ou lexématique), plonge ses racines jusqu'au niveau le plus profond de Ia structuration sémémique, la catégorie sémique. Ainsi, dans Yexemple cité : (85) La licorne écrit. le sujet et le prédicat contiennent chacun le terme oppos¢ de la catégorie Animé —_—— Humain Animal (86) Le salon était plein d‘idées, est la catégorie [abstrait] vs [concret] qui est mise en cause, vu que salon exige un adnominal (concret]. 3.2. Mécanisme de lamalgame Comme nous Yavons déji vu, la combinaison des sémémes, ou Yamaigame sémique, nest pas - sauf de rares cas ~ la simple addition des deux 136 ensembles sémiques ; il s‘agit d’un processus modifiant la structure interne de chaque séméme constitutif. afin de produire le sens global du syntagme ainsi construit. 3.2.1, Ce mécanisme comporte deux étapes : (1) L’établissement de la base classématique unique, par ~ Ie maintien du classéme commun aux unités en cause : (87) Jean est un vrai médecin. (humain] —_fhumain] ~ la suppression des classémes incompatibles, comme dans : (88) Jean est un vrai cheval, [humain] {animal oit Vincompatibilité est résolue en faveur du centre syntagmnatique (le nom sujet) et conformément a une vision anthropomorphisante de l'univers propre a notre civilisation. Parfois, le rétablissement de la compatibilité sémantique exige que les classdmes des unités en combinaison soient supprimés et remplacés par une base classématique différente : (69) « Dans ce climat inquiet, la panique pouoait éclater & tout instant. » (LEXIS, sv. climat) les deux sémémes CLIMAT et INQUIET perdent leurs classémes respectifs de [météorologique] et [humain] pour se combiner sur la base classématique commune [abstrait]. (2) L’expansion nueléaire, par une fusion des noyaux sémiques, avec ~ ou, rarement, sans ~ modification, sous I'influence des processus déja survenus dans la base classématique. ‘Ainsi, Ye séméme CHEVAL dans (88) se modifie complétement, pour ne gerder que le sme nucléaire (connotatif) {endurance}, De méme dans : (90) La lumiére donne dans la vue. a réduction de lincompatibilité classématique en faveur de Ifinanimé] entraine la modification nucléaire DONNER: = [animé] + [transfert], [non réciprocité), [transitivité] DONNER: = [inanimé] + [déplacement], fintransitivite}, {intensif]. 137 a ar 3.2.2. Ce mécanisme permet au locuteur de créer de nouvelles combinaisons, d’innover, en juxtaposant des unités, quitte a enfreindre les lois sémantiques du systéme: le décodage est rendu possible par la connaissance qu’ont les Jocuteurs et Jes interlocuteurs de ce mécanisme. Recensant des innovations lexicales dans la presse francaise, BASTUJI (1974) donne les exemples suivants : (91) «A quoi servent les centres commerciaux ? Leur mise en orbite ne se fait pes du jour au lendemain. » ou mettre en orbite, caractérisé par un classéme {dynamique} apparait incompatible avec centre commercial ; l'adoption du classéme [statique] améne un appauvrissement du noyau sémique devenu : « faice fonctionner 2 partir d’un centre de lancement et de contréle (92) « Mettre en auvre des réformes qu'exigeait un hexagone fatigué et lucide » ‘of Vincompatibilité classématique [animé] vs [inanimé] fait interpréter hexagone_ sous la pression du classtme [spatialité] comme « étendue ayant la forme d’un hexagone », ensuite comme « étendue habitée par des humains », ensuite enfin, sous la pression de la base classématique {humain] présente dans EXIGER, FATIGUE, LUCIDE, comme « humains habitant cette étendue » (les Francais). 3.2.3. Le mécanisme de l'amalgame sémique peut étre représenté de maniére simplifige par: (Ws, +Cs,) v(0e, +€5,)— (Ns) +654’) cs, oi: Cs, peut étre Cs, ou Cs, ; Ns‘ note la modification du noyau sémique. 4. Possibilités combinatoires des lexémes Les unités lexicales se répartissent, selon leur capacité de se combiner avec un ensemble plus ou moins large d’autres unités, en trois classes : (1) Les unités qui peuvent se combiner avec un trés grand nombre dV’autres unités ; font partie de cette classe des unités dont le sens est peu spécifié @ faible densité sémique), dont extension est par conséquent trés large ; dans la classe verbale : étre, avoir, faire, arriver, mettre, avancer, pouvoir, devoir, etc. ; 138, dans la classe nominale: chose, étre, homme, plante, couleur, ete.; parmi les adjectifs : grand, petit, bon, mauvais, etc. ‘On remarquera qu'il s‘agit en général d’archilexémes, qu’il est toujours possible de remplacer par des unités de sens plus spécifique, adéquates au contexte : (93) unt homme vance lentement > marche. une voiture roule sun bateau navigue un serpent rampe (94) mettre deVeau dans un verre + —_verser... un objet sur un autre > poser un objet @ sa place ranger un tapis sur le parquet > étendre (2) A Vopposé se situent les lexémes dont les possibilités combinatoires sont limitées & un seul contexte; ainsi, la liste bien connue des adjectifs : alezar: (cheval), aguilin (nez), crasse (ignorance), circonflexe (accent), grégeois (feu), saur (hareng), salant (marais), philosophale (pierre), pote (main), trémiére (rose), cockére (porte), etc. ; de méme les verbes hocher (la téte), cligner (les/des yeux, de loeil), etc. Une relation d'implication rattache ces unités & I'unité sans laquelle elles ne peuvent figurer dans le discours. @) Une classe trés large d’unités prend place entre ces deux extrém Coté dunités a possibilités combinatoires réduites ~ grige (soie, couleur), canine (dent, race), follet (feu, esprit), pantois (laisser, rester) ~ il existe toute la gamme des lextmes aux possibilités combinatoires plus ou moins larges. C'est le cas des archilexémes dominant des séries limitées d’u eu (ou tout autre adjectif de couleur) - combinable avec les nominaux renvoyant a des objets pouvant étre bleus, du ciel & la peur, par exemple -, rond, etc. ; pareillement, beaucoup d’objets, et méme un humain, peuvent étre rompus, ou se rompre. Souvent, un noyau sémique s‘associe 4 des formants divers en fonction du contexte (ou, plus exactement, de la base classématique qui caractérise le contexte). Ces Jextmes ont donc un usage limité & certains types de contextes : (95) ALTERATION | + Cso {denrée périssable] > altéré (un plat, un médicament, un matériau) + Csr [corps gras] > ance (huile, beurre) + Cs [liquide} > tourné (vin, lait) + Cos [fruit, legume] > gate passé +Cs« [patisserie] > sassis (pain, brioche) 139 Les possibilités combinatoires* des unités lexicales dépendent done : (de la base classématique des sémémes (seules deux unités ayant ia méme base classématique peuvent se combiner), reflet des rapports référentiels ; (ii) de la densité sémique du noyau ; (iii) des conventions linguistiques, qui associent @ un contenu divers formants selon la base classématique. Remarque. Les possibilités combinatoires limitées de certains lexemes se trouvent a la base d’un procédé d’enrichissement du sens lexical (création de nouveaux sémémes), connu sous le nom de « dérivation impropre » ou de « conversion ». Dans les syntagmes de structure Déterminé’Déterminant, 1a ot le Déterminant accompagne toujours ou le plus scuvent un méme Déterminé, le lextme Déterminant finit par recouvrir un nouveau sémeme constitué syntagmatiquement par Iamalgame des deux sémemes, Tel a été le cas pour : un alezan (+ un cheval alezan), du vélin (papier), un follet, le métro. Le procédé continue étre productif: un ‘marginal (homme, cest-i-dire personne qui vit en marge de Ia société et en rejette les normes), les (élections) présidentielies, législatives, la (police) judiciaire*, une (voiture) commerciale, une (voiture) Renault, etc. Le procédé agit parfois au sein d’un syntagme de type Verbe”Complément conduire (une voiture), il boit beaucoup (de alcool). Deux conditions doivent étre satisfaites pour que la conversion puisse se produire : = une condition sémantique : la faible densité sémique du séméme déterminé ; - une condition pragmatique : I'usage fréquent du syntagme, suite & des circonstances socio-historiques ou politiques particuliéres. 5. La combinatoire syntagmatique 5.1. Introduction Les possibilités combinatoires des lextmes assurent leur capacité de figurer dans un nombre plus ou moins élevé d’unités syntagmatiques. Décrire le sens d’un lextme c'est aussi décrire l'ensemble syntagmatique dans lequel il peut % Dans le cadre de la sémantique générative interprétative, on parle des restrictions de sélection, ou de restrictions sélectives. » Exemples empruntés & Cunit, 1980, p. 217. 140 figurer. Le sens de 'adjectf blond comporte par exemple Vidée qu'il s'agit d'une couleur spécifique des cheveux dune personne” de méme que alezan renvoie & tune certaine couleur du poil des chevaux. ‘Au point de vue sémantique les unités syntagmatiques peuvent étre classifiées en fonction de la cokésion sémigue existant entre les sémémes constitutifs, La cohésion, degré d'amalgame des unités sémantiques, peut tre plus ou moins élevée, & partir d'une valeur minimale, dans le cas des syntagmes oit les unités constitutives préservent leur autonomie jusqu’a sa valeur maximale, dans Te cas des syntagmes ois les éléments constitutifs ont fusionné pour produire une unité sémantique unique. Entre ces valeurs, on retrouve des syntagmes plus ou moins soudés. ; Léétude des types de syntagmes se place a la croisée de la sémantique et de la lexicologie ; seule nous intéressera ici la cohésion sémantique de ces unités, sans insister sur l'origine de ces unités, sur leur structure syntaxique sous-jacente, sur leurs caractéristiques lexicologiques™. 5.2. Types de syntagmes 5.21. Les syntagmes A faible cohésion sémantique, syntagmes de discours, sont constitués par une combinaison de lexémes aussi libre que le permet la logique factuelle. Prenons Yexemple : (96) « Dans tes intervaltes de silence, j‘entendais la respiration un peu courte a'Fsa, un craquement dallumette, Pas un souffe n'émorconit les ormeaux noirs. » (MAURIAC, Le Ned de vipéres) dans lequel la combinaison des éléments lexicaux dépend, dans les limites de la normalité référentielle, du libre choix du locuteur ; ainsi, les syntagmes : la respiration d(e) Isa Ia respiration d'Isa™ un pen courte enitendre™ ta respiration un peu courte d'isa un craquement” d(e) “allumette émouvoir” les ormeaux, etc. 2 Un emploi tel que « Des beignets de fleurs trempés dans le mie blond » (Appollinaire, apud LEXIS) apparait comme un trope. 5% Pour la présentation de cette question, v. Cunita, 1980. 141 sont librement construits par le locuteur, compte tenut des restrictions : respiration x [animé] entendze ” y [manifestation sonore] craquement “ z [solidité] émouvoir (= mouvoit) © w [mobilité] Les créations métaphoriques : infervalles de silence et ormeaux noirs, tout en prouvant une liberté que le locuteur assume jusqu’a passer outre les restrictions sélectives, sont toutefois faciles a interpréter par le récepteur qui en rétablit ta normalité au moyen du savoir qu'il posséde sur les possibilités combinatoires des lexémes respects et sur le mécanisme général de l’amalgame sémique : INTERVALLE : [temporalité}, [contenant] “ x {temporalité] DE:: [relation] ” x [espéce] : intervalle de 2 heures ou [contenu] : intervalle (de 2 heures) de silence ORMEAU - [végétal], {couleur} ° x {vert] ou y [absence de couleur} Lrincompatibilité entre élément sémique conforme A la représentation culturelle que nous avons de objet est facile a résoudre par un enchainement logique : noir — absence de couleur due & l'obscurité de la nuit. Le sens de ces syntagmes est obtenu par un amalgame qui n'empiéte pas sur Yautonomie de chaque séméme constituant ; de méme, l'extension de ces syntagmes est constituée par V'intersection des extensions de chaque unité constitutive. Exemple : pour la respiration d'tsa : classe des référents « respiration » 1 classe (a terme unique) des référents « Isa » 5.2.2, A l'opposé se trouvent les syntagmes automatisés (figés), unités codées, présentant un haut degré de cohésion di la fusion sémémique réduisant le sens syntagmatique & un séméme complexe unique, & extension également unique, et oi les unités constitutives ne sont plus reconnaissables. Plu: irs sous-classes sont a identifier, en fonction de leur provenance, de leur structure syntaxique sous-jacente, de leurs caractéristiques formantielles. Ainsi, ony retrouvera : — les structures phrastigues, appelées par Benveniste conglomérés, résultant d’une agglutination des constituants figés dans une forme invariable par un usage répété et socialisé: un m’as-lu-vu, un va-nu-pieds, 142 le qu’en-dita-t-on, le quant-d-soi, un jusqu’au-boutiste, un je-m'en-fickiste, un je-ne-sais-quoij = les syntagmes lexicaux composés® («mots composés », « lexies », «paralexémes »): portefeuille, portemanteau, porte-parole, porte-queue, porte-objet, bien-portant, dla quewe leu leu, en porte d faux . Ces deux sous-ensembles syntagmatiques présentent, en dépit des differences génératives et structurelles, des traits sémantiques communs — Ianon autonomie des sémémes constitutifs (fusion sémémique) = Yunicité référentielle. Ainsi, un m‘as-tu-vu se décrit comme : Sm= Cs +. [Evaluation : euphorique vs disphorique] (humain] (« vaniteuse qui a bonne opinion ») (« personne ») [réflexivité vs transitivité] (« d’elle ») [manifestation vs immanence}'® {sans motifs valables] _(d’aprés LEXIS) et renvoie aux entités d’une classe homogene de référents. Ni l'intension, ni extension des formes pronominales je tu ou du verbe voir ne sont plus reconnaissables dans cette nouvelle structure sémantique. En dépit de ces traits sémantiques et syntaxiques communs, les syntagmes de ce type sont pourtant loin de présenter une homogénéité totale ; ainsi, le sens de jusqu’au-boutiste ou de je-m‘en-fichiste est encore facile & déduire & partir des unités agglutinées, peu de locuteurs pourraient déduire le sens de en porte 4 faux par le méme mécanisme. 5.2.3. Une classe bien moins nettement délimitée est formée par les syntagmes demi-automatisés: ce sont des unités lexico-sémantiques complexes, dont les locutions verbales, par exemple : donner lieu &, donner sa parole, ne_pas donner un sou de, donner de Ja téte dans, etc, ainsi que des syntagmes nominaux : film d’animation, machine a écrire, grande école, etc, des locutions adjectivales (mi figue, mi raisin) ou adverbiales (du jour au lendemain). Une relation d’implication unit les éléments constitutifs du syntagme de ce type (ANIMATION — FILM, A ECRIRE -- MACHINE, LIEU -» DONNER, ete), ce qui se traduit par le fait que seuls certains constituants sont bloqués, alors que d’autres sont encore libres’. » On peut consulter sur ce sujet Pottier, 1974, - # Le premier terme de la catégorie est celui qui figure dans le séméme analysé. 4 V, Cristea, 1974/1979, p. 263.9. 143 Pouttant La distinction syntagmes automatisés vs syntagmes demi-automatisés rest pas aisée. Il est facile de différencier entre : (97) Des ronds de cuir étaient posés sur les chaises. (98) Des ronds-de-cuir étaient assis sur les chaises. vu que dans (97) le syntagme rond de cuir, caractérisé par le classéme [non animé], présent également dans l’unité verbale poser, a pour sens le résultat de Yamalgame sémique, orienté par le sens grammatical de I'élément de (relation objet-matériau) : rond: ROND [objetf, [forme ronde], [fonctionnalité : «se pose sur les chaises en matériau dur »] cuir: CUIR [matériaul, forigine animale], [fonctionnalité: «sert a confectionner divers objets d’usage domestique »] alors que dans (98) le classéme [humain}, présent dans le verbe s’asseoir, entraine une modification totale de Vensemble sémique et produit ainsi un séméme complétement nouveau : Sm= manifesté également par employé(de bureau), dont rond-de-cuir est le synonyme péjoratif. Ul est également possible de séparer dans rond_de cuir les unités constitutives par l'insertion d'autres éléments : des ronds énormes de cuir, de trés aids ronds de cuir, de cuir usé(s) ; c'est une opération impossible dans le second cas. La distinction se fait bien moins aisément dans le cas des syntagmes automatisés et demi-automatisés ; prenons l'exemple des unités rond de main, rond de jambe, rond de bras : tre humain], [utilisant], [objet « rond de cuir >] (99). saluer avec un rond de bras (100) « Dans te métier d’avocat, il faut savoir faire des ronds de bras. » (PARIS MATCH) dans (99) rond de bras désigne un « mouvement circulaire fait avec le bras » (le classtme [mobilité] caractérisant les composants rond et bras) ; a ce sens, il se superpose ou se substitue dans (100) la signification «avoir une attitude ‘obséquieuse, afficher une politesse exagérée»; si dans (99) Jes sémémes constitutifs conservent encore une certaine autonomie (ils sont encore 144 reconnaissables), quel est le statut des mémes sémémes dans (100)? Deux solutions se présentent : () considérer dans les deux exemples cond de bras comme une unité demi-automatisée et accepter conséquemment qu’aut sens de (99) il se stiperpose dans (100) une signification contextuelle ; (i) considérer qu'il s‘agit dans (99) d'un syntagme demi-automatisé (et existence du syntagme rond de jambe en serait une preuve) qui se bloque en un syntagme automatisé dans (100). Deux types de crittres semblent offrir une base, quoique non définitive, de classification (un critére sémantico-référentiel: — la fusion sémémique (non autonomie des sémémes constituants) ; = Yunité référentielle. (i) un crittre morpho-syntaxique : la capacité du syntagme & admettre Vinsertion d’autres éléments ou la substitution d’un élément constitutif par une autre unité. Prenons un second exemple : (101) (A) panier d’osier ; (B) panier & bouteilles; (C) panier @ salade (2) panier @ ouvrage panier percé panier @ provisions panier de crabes panier & salade (1) — le noyau sémique commun aux exemples (A) et (B): [objet fabriqué en matiére rigide, d'une certaine forme, destiné & contenit des objets] garde son autonomie, tout en spécifiant contextuellement selon la combinaison avec les sémémes des unités déterminantes, caractérisées par le trait [matiére rigide] ou [contenu] ; dans les exemples (C) ce noyau se modifie profondément, se réduisant A [objet fabriqué contenant] dans panier & salade(2), et devient complttement différent dans les deux autres exemples sous la pression d’une nouvelle base classématique {+animé] ; = seules les unités (B) et (C) renvoient & des classes référentielles homogenes : « un panier & bouteilles » fait partie de la classe des objets destinés & transporter des bouteilles, un « panier & salade » (2) est une « voiture cellulaire » ; par contre, panier d’osier renvoie a ‘intersection de deux classes référentielles, notamment celle des « paniers » et celle des « objets en osier » ; side nouvelles unités peuvent étre librement insérées = 145 MINE) © 4" paniter tres jolt d‘oster 2. un panier en osier tresse, ou substituées 4 un élément du syntagme : (103) 1. panier de treillis métallique 2. panier de matiore plastique, il rest plus possible d. ‘ a Ma Pp lans le cas des syntagmes (B) qu’ajouter une détermination (104) 1. un solide panier @ bouteiltes 2. un gros panier a provisions ; dans les syntag je i ‘ impossible. 'gmes de type (C) tout jeu de substitution ou d’insertion devient La comparaison des trois classes d’ _La comparai ‘exemples permet de dédui caractéristiques distinctives suivantes, présentées dans tes tableau iedessous s Critére | Logique | Référentiel | Sémantique |Morpho-syntaxe] Degré de (Relation (homogénéite (autonomie |(séparabilité des| cohésion logique entre |référentielle)| sémémique) | constituants) constituants) ‘combinaison | — + = implication + 2 i eae automatisés | double + _ implication forte On y remarquera la position hésitante occupée par les syntagmes demi: - eutomatisés, formant une classe assez peu homogine, ordonnée sur une échelle Pe gene, 5.2.4. D'une importance toute particuliére pour 1' i ' langue étangére apparat re une sous close de contrite syne ses se trouvant 4 la frontiére des syntagmes de discours et des syntay mee dem automatisés ; il s'agit des associations syntactico-sémantiques creées pat un usage préférentiel et réitéré de certains groupements, que Yon pourrait appeer des associations préférentielles. Ainsi, un tefus est le plus souvent 146 catégorique, et on oppose un refus (catégorique), quelque chose gveille ou suscite des souvenirs inoubliables ou ineffacables, on attache une importance (toute) particuliére & un événement, on apporte, on fournit ou on invoque des arguments _sotides, irréfutables ou encore inattaquables; une douleur, un souvenir ou un regret peuvent étre lancinants, mais Je remords cuisant ; on dégage des conclusions ou les grand: ‘ samme, etc. Ce sont des construction de cohésion moyenne, a 'intérieur desquelles les lextmes/sémémes constitutifs gardent leur autonomie, et qui se trouvent & la base dassociations mémorielles dont l'ensemble se constitue en un répertoire appartenant a la compétence idéologique et/ou discursive des locuteurs®. Certains types de discours privilégient tout spécialement ce genre d'associations, tels le discours publicitaire ou le discours de presse. Ainsi, dans le slogan publicitaire pour le parfum L’Air du Temps de Nina Ricci : (105) L'Air du Temps se porte comme un espoir ssociation se_porter comme un espoir - se porter comme un charme peut entichir le halo sémantique dgja mis en place par les signes iconiques de la page publicitaire grace a la polysémie duu mot charme. Dans le texte suivant, dont le but est de présenter l'activité du Centre de Linguistique Appliquée de Besangon (CLAB), les associations préférentielles smettent en place, autour de certains lexémes, une espace sémantique au contour flou, faisant surgir en surimpression un niveau significatif implicite venant doubler le sens explicite : (106) « L’équipe des professeurs s'est aussi lancée dans la bataille. D.L, responsable de la section de francais [...] s‘est fait représentant de ‘commerce pour exporter la langue et la culture francaise. Il rapporte d'une mission au Nigéria un contrat de formation, en décroche un autre avec le Vietnam [...] Des « missionnaires » bardés de diplémes {qui pergoivent un salaire de 6.000 & 7.000 Frs et assument a tour de role des fonctions de gestion. » (LExpress, n° 1654, 25 mars 1983) travail d’ |équipe décrocher [un prix esprit d’ june récompense faire (avec qqn.) bardé de diplémes, de décorations [SOLIDARITE] (MERITE] © V. Cristea, 1982 147 tla la ila assumer | une fonction des responsabilités {RESPONSABILITE] Le texte se voit ainsi sous-tendu par un sous-texte qui vient renforcer le jugement de valeur que I'auteur s‘efforce d'induire dans lesprit du lecteur et, sans doute, séussit-il mieux 4 l'obtenir que s'il avait exprimé un tel jugement de valeur. 6. Lisotopie Bien que dépassant les limites volontairement assumées par cet ouvrage, il a été question — plus ou moins explicitement ~ A plusieurs reprises d’un phénoméne sémantique de la plus haute importance, a savoir 'isotopie®. Décrite 3 lorigine par GREIMAS (1966) comme résultat de la propriété définitoire des classémes, notamment leur caractire itératif le long de la chaine syntagmatique, Yisotopie s’est révélée étre constitutive de la cohérence textuelle. On désignera par isotopie litérativité, le long de la chaine syntagmatique (du discours) d'un ensemble de traits de sens, nucléaires etfou classématiques, assurant l'homogénéite discursive et la possibilité de Y'interprétation du sens. On pourra donc parler, sur Ia base de la méme classification des sémes dgja utilisée pour la synonymie, de : dénotative nuciéaire

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