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Comment le groupe
s’impose aux enfants
Julie Delalande

L’observation d’une cour d’école montre des élèves qui courent en


tout sens dans un désordre apparent et un brouhaha constant. Mais
un regard plus attentif révèle déjà l’existence de groupes dont les
enfants semblent occupés au même jeu. Qu’est-ce qui les motive à
jouer ensemble, quand cette action commune suppose de s’entendre
sur des règles et des comportements, et oblige à brimer certains
désirs personnels pour parvenir à faire ensemble ?
Dans le cadre d’une recherche anthropologique sur la dimension
sociale et culturelle des groupes de pairs 1, j’ai pu effectuer de
longues observations dans des écoles maternelles et une école
Julie Delalande, anthropologue, élémentaire, ainsi que des entretiens avec les élèves, les enseignants
université Rennes-II, et quelques parents 2. Cette expérience m’amène à réfléchir sur les
Haute Bretagne, enjeux des relations enfantines et l’attrait qu’un groupe exerce sur
6, avenue G.-Berger, CS 24307,
35040 Rennes Cedex.
un enfant. Si le groupe s’impose aux enfants, c’est autant pour ce
qu’il a d’obligatoire que de plaisant. En effet, la cour est un espace
1. Publié sous le titre La cour de
récréation, Contribution à une
où il est difficile de rester isolé sans s’exposer aux attaques des
anthropologie de l’enfance, autres mais aussi sans risquer de s’ennuyer. Le groupe est un moyen
Rennes, Presses universitaires de de se protéger de ces deux dangers.
Rennes, 2001.
2. L’étude a été menée dans L’influence du contexte scolaire
quatre écoles maternelles auprès
des moyennes et grandes L’école permet aux enfants de construire des relations suivies, sur
sections, et une école élémentaire plusieurs années et quotidiennement. Au moment des récréations,
auprès des enfants de CP et CE2.
Le but était de suivre, de la mater- elle met à leur disposition un espace et un temps qu’ils peuvent
nelle au CE2, un même groupe investir sans qu’une activité ne leur soit imposée par les ensei-
d’enfants. Les écoles (trois gnants. Les élèves se saisissent de ce moment, les plus jeunes pour
urbaines, une rurale) ont été
choisies dans des milieux sociaux l’habiter de leurs jeux, les plus grands pour jouer ou simplement
hétérogènes. L’enquête, basée sur profiter d’être ensemble en discutant. Dès la maternelle se créent
une approche qualitative et non des affinités qu’ils ont tout le loisir de développer pendant les
quantitative, ne prétend pas être
représentative des écoles en
récréations. Les plus jeunes se regroupent en bandes dirigées par
générale ni des enfants dans leur des chefs, les enfants de CE2 disent davantage former des équipes au
ensemble ; elle cherche à saisir, à sein desquelles chacun peut décider du jeu, donner son avis.
travers des analyses fines, le
point de vue et le quotidien D’où vient cette faculté enfantine à se regrouper ? Un élément de
d’enfants particuliers. Il reste réponse peut être donné par le contexte scolaire qui, s’il développe
ensuite à étendre l’approche
comparative pour des conclu- l’individualisme dans sa conception d’un apprentissage qui passe
sions plus étendues. par un travail et des performances individuels, propose aussi une

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EMPAN N° 48

certaine conception du groupe à travers un respect de l’autre et


parfois une entraide, qui se matérialise à l’école maternelle par une
organisation des tables par équipes de quatre élèves, supposant une
certaine entente entre eux. Plus généralement, la vie en collectivité,
par les activités et les règles communes qu’elle impose aux enfants,
les habitue à faire ensemble.
Dans la cour, les enseignantes de petite section de maternelle
remarquent bien que si les premiers mois qui suivent la rentrée
scolaire on voit des enfants isolés, ils prennent part ensuite à une
activité commune. Ils commencent par se côtoyer sans organiser de
réel jeu collectif, puis en moyenne section mettent en place des jeux
basés sur la collaboration.
Les activités autour du sable sont révélatrices de cette volonté de
faire ensemble. Alors que le support de jeu n’impose en rien la
mise en commun, chacun pouvant s’occuper à faire son propre
château ou son gâteau, l’observation montre une tendance à se lier
dans une action partagée. Ainsi, celui qui s’impose comme leader,
le chef, s’octroie le meilleur rôle et met les autres à son service,
demandant du sable noir pour faire le chocolat, du blanc pour la
vanille… Par cette distribution des tâches, les joueurs se rendent
ainsi dépendants les uns des autres, fondant leur groupe sur ce lien
nouveau qui les unit. En plus de cette préparation culinaire se met
souvent en place une fiction familiale où la maman prépare à
manger pour ses bébés, les fait manger, les couche car c’est
l’heure de dormir, etc.
On observe ainsi que les jeux de sable qui durent (s’étalant parfois
sur toute une récréation) sont ceux où la mise en commun permet
une émulation ludique qui n’existe pas quand on joue seul. Le
plaisir du jeu apparaît ainsi comme un élément primordial pour
comprendre la formation des groupes dans les cours de récréation.

La recherche du plaisir ludique


Le jeu collectif n’est pas sans embûches. Il suppose que chacun se
trouve une place dans le groupe ou accepte le rôle que le chef lui
donne. Chaque récréation est l’occasion d’asseoir sa position face
aux autres et de créer des relations amicales ou hostiles. Beaucoup
de scènes témoignent de la difficulté à trouver du plaisir dans le
partage d’un jeu, car ce plaisir suppose qu’on réussisse à se
compléter et non plus à se gêner. L’instauration de relations
3. Tel que l’avait déjà nommé le folklo- agréables passe par la mise en place d’un rapport de pouvoir qui
riste Arnold Van Gennep en 1943 doit porter le jeu sans être trop oppressant.
(p. 167) dans : « Introduction générale.
Du berceau à la tombe. Naissance, Trois fillettes en grande section de maternelle (cinq, six ans) jouent
baptême, enfance, adolescence, souvent ensemble, bien que leurs relations ne soient pas encore bien
fiançailles », Manuel de folklore
français contemporain, t.1, Première établies. Elles jouent ici au sable. L’une d’elles : « Sabrina, je joue
Partie, Paris, Picard. plus avec vous parce que j’ai pas mangé le gâteau. »

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Comment le groupe s’impose aux enfants

Les groupes qui fonctionnent et se retrouvent Entre la cour d’école de maternelle et celle de
d’une récréation à l’autre, voire d’une année sur l’école élémentaire, la situation évolue. Dans la
l’autre, sont ceux où l’échange humain trouve première, les enfants sont moins nombreux et
son équilibre et permet le plaisir du jeu. Chez restent souvent confrontés à une classe d’âge
les enfants de l’école maternelle, l’entente entre restreinte. Tout au plus, les trois sections se
les joueurs semble beaucoup dépendre des retrouvent pour la récréation, des enfants entre
savoir-faire d’un leader qui est à l’initiative de trois et six ans. À l’école élémentaire où je me
la mise en place d’une structure de groupe. Il suis rendue, plus de deux cents élèves entre six
s’impose aux autres parce qu’il réussit à mettre et onze ans partagent un même espace. La cour
en route un jeu et à accorder les participants sur est donc objectivement beaucoup plus dange-
les règles. Il se fait remarquer pour son imagi- reuse pour ceux qui la fréquentent, en particu-
nation et ses facilités à enrichir le jeu. Mais il lier du fait des différences d’âge, car les enfants
est apprécié aussi pour la richesse des relations prennent surtout plaisir à embêter leurs cadets.
humaines qu’il propose et permet grâce à son Mais les plus jeunes le savent et s’appliquent à
attention à l’autre et à sa conscience du groupe. éviter les dangers et à se tenir sur des territoires
Il peut ainsi chercher à contenter un pair qui se non convoités par leurs aînés. Pourtant, même si
plaint de son rôle dans le jeu tout en préservant les tensions sont fréquentes, les conflits ne sont
l’élan ludique. pas proportionnels au nombre d’enfants parce
que les élèves s’en protègent par leurs compor-
Les enseignants repèrent facilement ces enfants
tements individuels et par leur formation en
qui sont remarquables aussi bien dans la cour
bandes qui dissuadent les attaquants. Bien sûr,
qu’en classe :
cette formation apporte aussi la force qui
Un maître de CE2 parle de deux élèves : « Elles permet d’attaquer.
sont une autorité par leur assurance, leur aisance
Un autre facteur engendre la transformation des
à l’intérieur de la classe, et ce sont des
conflits entre les deux cours. C’est celui de
références pour les autres, au niveau scolaire et
l’âge, qui commande une certaine relation à
au niveau des valeurs. Elles ont une aisance
l’autre. Chez les plus jeunes, qui découvrent les
dans le langage que les autres n’ont pas forcé-
relations de pouvoir, les affrontements opposent
ment (…). Priscilla a de l’autorité, un charisme,
souvent les leaders de deux bandes. Ils sont une
un pouvoir de séduction sur les autres (…). »
prise de conscience du collectif, un apprentis-
Le vrai leader, tel que l’appelait une institutrice, sage des rapports de force entre groupes qui
se distingue ainsi du faux leader qui voudrait s’attaquent et où le leader met en jeu son
tyranniser sa bande sans apporter de réconfort à pouvoir sous le regard de ses pairs. Chez les
ses membres, sans permettre le plaisir du jeu. plus grands (les CE2 rencontrés à l’école
L’influence du premier dépasse aussi son activité élémentaire), les bandes perdent de l’impor-
au sein du groupe car il sait souvent se lier avec tance et les frictions se déclarent davantage
des enfants d’autres classes et défendre sa bande, entre deux enfants suite à des insultes verbales
si nécessaire, d’assauts extérieurs. où les enfants se traitent mutuellement.
L’affrontement vient donc réparer un honneur
Se protéger des autres blessé.
Le regroupement des enfants en bandes trouve Ainsi, au cours de leur scolarité, les enfants
son utilité en ce qu’il permet de mieux se découvrent que la violence n’est pas
protéger des autres. Isolé, on est une cible facile anarchique, elle est habitée d’une morale, et le
pour ceux qui voudraient s’amuser à attaquer. À conflit éclate souvent pour rétablir la loi des
plusieurs, on peut répondre aux tentatives pairs, répondre à un « code d’honneur 3 »
d’approche indésirables et protéger son jeu des construit autour de valeurs que les enfants
assaillants. reprennent des adultes pour les appliquer à leurs

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EMPAN N° 48

relations. La tricherie et le mensonge font partie des attitudes répri-


mées, de même que pousser un plus petit que soit. Le leader a une
place centrale dans la mise en place de ce code de savoir-vivre et
dans son respect au sein du groupe. Lui-même possède les qualités
qu’il exige de ses acolytes.
Extrait de dialogue entre enfants à l’école maternelle : « Dis pardon
parce que t’as lancé du sable, sinon t’es plus notre copine. »
Et en entretien : « C’est Suzanne la chef parce que tout le monde l’a
choisie pour qu’elle soit la chef. Parce qu’elle est gentille et aussi
polie. »
Les valeurs enfantines génèrent les règles d’exclusion et d’accepta-
tion d’un enfant dans le groupe.
Si les enseignants sont responsables de leurs élèves et se doivent de
canaliser leur violence, les enfants ne sont pas passifs face au
comportement déprécié de leurs pairs et s’infligent entre eux une
discipline, par l’intermédiaire du groupe et de son leader. En tant
que premières victimes des agressions dans la cour, ils cherchent à
s’en débrouiller soit en les évitant, soit en y répondant par la
bagarre. C’est à cette seconde attitude que les enseignants doivent
remédier, en apprenant aux élèves la résolution des conflits par la
parole.

La bande, l’équipe, ou le développement d’une identité commune


Lors de mes observations, il est apparu que les enfants de l’école
maternelle construisaient leur bande autour du leader, sur une struc-
ture hiérarchique forte, alors que les enfants de huit ou neuf ans
délaissaient ce type d’autorité pour lui préférer l’équipe et sa
gestion collective des responsabilités. Dans les deux cas, ce rappro-
chement, motivé en partie par le désir de jouer ensemble, fait naître
une identité collective qui grandit par des pratiques et des valeurs
partagées. Chacun acquiert son statut par son appartenance au
groupe et, à la maternelle, par son lien avec le leader :
En entretien : « Moi, j’suis dans la bande de François » (Jean-
Louis). – « Moi, dans la bande d’Hortense et de Clément »
(Mathilde).
L’idée de groupe n’est donc pas celle du chercheur. Elle apparaît
dans le vocabulaire enfantin sous la forme de bande et d’équipe,
montrant que des enfants s’identifient comme groupe, et se
développent dans leur quotidien par des manifestations de solida-
rité. Le jeu commun, par l’organisation qu’il suppose et la distribu-
tion des rôles, crée un lien de solidarité entre enfants. Il participe
4. Voir J. Delalande, « La cour d’école, aussi à la construction d’une identité commune parce que chaque
lieu de transmission entre pairs », jeu suppose une certaine relation entre ses membres et avec ceux de
Informations sociales, n° 93, « Éduca-
tions : souci partagé, pratiques disper- l’extérieur, un rapport à la règle, à l’improvisation, à l’espace… En
sées », p. 22-29, juin 2001. bref, il permet la construction d’un univers et de ses contours.

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Comment le groupe s’impose aux enfants

Celui-ci se met en place et s’entretient au fil des cette approche pédagogique. L’une des écoles
jours, et finit par constituer une culture de pairs maternelles de mon échantillon ne laissait pas
commune à l’ensemble des membres du groupe. autant d’autonomie aux élèves, les reprenant
En effet, chaque groupe se consacre souvent à pour un comportement déplacé, et les enfants
un jeu pendant une période donnée ; et même n’avaient donc pas à gérer leurs histoires les
s’il a quelques jeux favoris, ceux-ci restent plus délicates, manquant une occasion de se
souvent habités d’un même état d’esprit. limiter par eux-mêmes. On le voit aujourd’hui
dans les médias, la cour devient l’objet d’une
On peut donc parler d’une identité sociale et attention particulière quand elle est regardée
culturelle qui repose aussi sur une différence comme le théâtre de violences et d’incivilités.
appuyée avec ceux qui ne sont pas admis dans On n’en perçoit alors que les dimensions dange-
le groupe. C’est ainsi que l’on peut comprendre
reuses et négatives et l’on aimerait les contrôler,
l’intérêt des enfants de l’école maternelle pour
sans même connaître la fonction enfantine de ce
une activité qui marque la frontière entre ceux
lieu et sans comprendre qu’il est un espace de
de la bande et les autres. Elle consiste à courir
socialisation qui, parce qu’il s’inscrit dans
après un enfant extérieur au groupe en criant :
« À l’attaque ! », davantage pour l’intimider que l’enceinte scolaire, se construit sous l’influence
pour le frapper. Cette occupation, vécue comme de ce modèle. Insérée entre deux temps de
une violence par celui qui la subit, montre classe, la récréation amène les enfants à
comment on l’exclut pour mieux s’unir. reprendre certaines règles et valeurs véhiculées
par les enseignants, à respecter en partie le
Présenter les éléments qui dirigent la construc- règlement de l’établissement, et à construire
tion des groupes supposerait que l’on explique leur univers dans ce contexte structurant 4. Plus
les phénomènes de rapprochement par sexe, par qu’un autre espace, il les conduit à accepter les
affinités à l’intérieur d’un choix limité (celui règles sociales en se les appropriant par leurs
des élèves d’une classe), et autour des leaders
jeux, dans un désir de s’intégrer au groupe de
dont il faut se faire accepter. On se contentera
pairs. Il leur permet d’être acteurs de leur socia-
ici de les signaler.
lisation au sens fort, c’est-à-dire de mesurer les
enjeux du respect ou de l’infraction des règles
La cour d’école, espace éducatif négligé ?
collectives et de se contraindre entre eux à la loi
Étant donné l’importance de la cour de récréa- des pairs, chacun acceptant (ou non) la pression
tion dans le quotidien des élèves et pour leur du groupe parce qu’elle amène une compensa-
socialisation, on pourrait s’attendre à ce qu’elle tion immédiate : le plaisir ludique.
soit l’objet d’attention lors de la formation des
enseignants et pendant leur exercice. Il semble Cette réflexion veut donc participer à ce que
qu’il n’en est rien. Si la récréation paraît oubliée l’on considère l’école non comme un simple
pendant la formation, elle est ensuite un lieu d’instruction, mais comme lieu de vie et de
moment de surveillance et de repos des ensei- socialisation proprement enfantine. Par ce
gnants. Leur non-investissement dans ce temps partagé et une confrontation au groupe,
moment tient aussi à l’idée que les enfants ont les enfants ne sont pas que des élèves : ils
besoin de développer leur autonomie pendant ce développent une culture ludique et ils
temps de jeu, et mon travail ne peut que soutenir « s’approprient la société ».

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