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Les Djenodn de la Mauritanie saharienne RITES MAGIQUES ET DJEDOUAL par Pirrnz LAFORGUE Administrateur Adjoint des Colonies Nous sommes heureux de présenter aux lecleurs du Bulletin une nouvelle étude dethnographie saharienne de M. Pierre Laroraur, membre correspondant du « Comité d’ Etudes Historiques et Scientifiques del A. 0. F.» et collaborateur assidu du Bulletin. M. LAFORGUE a apporté déja d’importantes contributions & nos connais- sances sur la préhistoire du Sahara Occidental. Nous pouvons affirmer aujourd'hui que ses travaux sur les coutumes ef croyances de la sociélé Maure ne sont pas moins remarquables. L’élude que nous publions ici et qui fait suite @ deux articles antérieurs est de celles quun saharien averti pouvait seul nous donner. En effet, c'est grace & une connaissance ef une pratique approfondies du pays que Vauteur a pu mener a bien ses longues et patientes recherches. Les sympathies qu’il a su faire nailre parmi les indigénes lui onl permis de recueillir des renseignements précieux sur un sujet particuliére- ment « tabou », puisqu’il touche a la science magique de marabouts. Nous remercions M. Laroreve d’avoir bien voulu réserver au « Bulletin du Comité d’ Etudes » la publication de ses articles el nous espérons que ces contributions per- meltront de mieux pénétrer la psychologie individuelle et sociale des populations mauritaniennes. : A. CHARTON. AVANT-PROPOS Nous avons, dans deux notes publiées récemment (1), donné quelques renseignements recueillis au cours de ces dix derniéres années, sur la croyance aux Dje- notin dans la société maure nigrito-berbéro-arabe. Il ne fut pas toujours aisé d’établir notre documentation. Le sujet est quelque peu « tabou » et la méfiance de I’in- digéne est de suite éveillée dés qu’au cours d’une conver- sation bénigne on aborde avec prudence la question. « Manarf’chi! » « Je ne sais pas! », telle est la réponse faite spontanément. Certains sont moins catégoriques, d'autres veulent bien livrer des secrets que personne nignore. Il a été possible cependant, grace 4 quelques amis indigénes, que l’auteur connait depuis bientdt vingt ans, d’obtenir les renseignements déjA publiés et de poursuivre nos investigations pour aborder la troisiéme et derniére partie de ce travail. Celle-ci, plus que les deux parties précédentes, touche a la science magique des devins et magiciens que l’on désigne vul- gairement sous le vocable de marabouts et que nous appelons « diseurs de choses cachées », pour étre aussi clair que possible ; elle concerne la confection et les buts de l’'amulette dont l’usage est général en Mauritanie. Ainsi done nous avons essayé d’apercevoir ce cété si miystérieux de la vie intérieure du maure dont l'influence est considérable et souvent insoup¢gonnée dans les mani- festations de sa vie religieuse et sociale. Beaucoup de pensées, de gestes, d’actions qui nous demeurent incom- (1) P. Lavoncur, Les Djenoiin de la Mauritanie Saharienne (Bull. Comité d’Etudes Hist. et Se. de l’A. O. F., 1932). Les Djenotin de la Mauritanie Saharienne (Magiciens, croyances et légendes), (Bull. Comité d’Etudes Hist. et Se. de PA, O. F., 1988). LES DJENOON DE LA MAURITANIE SAHARIENNE 3 préhensibles s’éclairent si on les examine sur le plan rée] qui les anime, c’est-d-dire avec esprit et la concep- tion du maure sous empire du cété mystérieux, reli- gieux et magique. Nous ne prétendons pas dans ces notes sommaires, avoir atteint ce but. Nous avons essayé plus simple- ment de résumer une documentation sans prétention qui peut n’étre pas complétement inutile (1). * ee En dehors de quelques conceptions originales dont il faudrait, sans doute, rechercher les sources dans Je vieux fond ethnique des légendes du folklore nigrito-berbére (2), nous retrouvons en Mauritanie, sous une forme adaptée au mécanisme mental des Maures, l’ensemble des con- ceptions maghrébines sur le monde mystérieux des Génies dont l’origine émane du vieux dualisme Iranien, Vesprit et la matiére, l’esprit du bien et l'esprit du mal. Nous avons essayé de signaler que le monde invisible et mystérieux des Djenotin est étroitement associé aux manifestations de la vie sociale et religieuse chez les Maures. La croyance aux Djenotin a naturellement entrainé lexistence d’une science hermétique avec ses rites par- ticuliers et ses adeptes. En pays maure, cette science magique voisine sans inconvénient visible avec l’ortho- (1) Il est évident que nos renseignements sont bien incomplets et nous pouvons textuellement redire en ce qui concerne notre documenta- tion, les paroles du professeur E. (Doutté: « Cela est d’autant plus vraisemblable que nos informations sont toujours trés difficiles & recueil- lir sur ce sujet ; les sorciers professionnels ne se livrent presque jamais ; c'est auprés des fernmes Agées que l'on a le plus de renseignements, mais les recettes qu’elles nous donnent ont été évidemment plus ou moins altérées par la tradition verbale. De plus, il est souvent 4 craindre que, les transmettant & un non-musulman, elles les altérent & dessein, pen- sant ainsi que le rite n’étant pas complet ne puisse servir de rien A cel auquel elles n’en ont dévoilé qu'une » Ed. Dourré, Magie et religion dans V Afrique du Nord (édit. A. Jourdan, Alger, 1908). (2) Voir Sanson (G.). — Notes sur les superstitions populaires dans la région de Tanger (Archives marocaines, n° 11, 1904). Axprews (J.-B.). — Les fontaines des génies (Seba Aioun), Croyances soudanaises & Alger (Alger, 1903). 4 P, LAFORGUE doxie et les « diseurs de choses cachées » sont fréquem- ment de fins observateurs de la psychologie humaine. L’Islam cependant est hostile aux rites magiques (1), mais a-t-on jamais refusé le conseil d'un pieux et savant marabout plongé dans la contemplation extatique, lorsque son intervention peut paraitre efficace ? Et puis, pour le simple fellah ou se trouve la limite entre la reli- gion et la magie ? Si curieux que cela puisse, au premier abord paraitre, le Maure est un réaliste; i] a sous une forme qui n’est pas nécessairement la nétre, une con- ception trés nette de ses intéréts et il n’éprouve aucune difficulté 4 associer des idées, des actions et des gestes normalement incompatibles s’il croit devoir en tirer avantage. Il n’est pas, en cela, si différent des groupes ethniques considérés comme trés civilisés. * ae Aux temps quaternaires, a Vorigine de l’humanité, Vhomme s'est trouvé devant les forces de la nature qui se manifestaient puissamment devant lui. Désarmé, il ne pouvait lutter contre eau, le feu, les épidémies, la mort, ces formes redoutables et mystérieuses pour lui (2). Son cerveau est intervenu pour essayer de comprendre, pour se substituer aux forces physiques impuissantes, pour chercher des moyens de préservation puis de do- mination. L’homme du paléolithique, qui était un chasseur dont la vie dépendait de la faune qui vivait autour de lui, a représenté dans ses grottes et ses abris sous roches, les animaux qu'il pourchassait. Dans son esprit, il y avait une relation entre l’animal convoité et sa repré- (1) « L'lslam orthodoxe, au contraire, a repoussé autant qu'il a pu et les rituels compliqués et les syst#mes de croyances qui s’y rattachent, Cest-A-dire les mythes: Ia mythologie musulmane est excessivement pauvre. Et comme conséquence il n’y a dans I'Islim ni épopée religieuse, ni thédtre. Mais si le mahométisme a éliminé la plupart des grandes cérémonies rituelles, il s'est cependant incorporé beaucoup de rites magi- ques. Seulement, en général, il a tendu & éliminer le rite manuel et le Tite figuré, pour développer le rite oral. » (Ed. Dourré, ouvrage cité.) (2) Voir: Lévy-Brume. — Le surnaturel et la nature dans la mentalité primitive. Edit. Alean, 1981. LES DJENOUN DE LA MAURITANIE SAHARIENNE 5 sentation sur la paroi de la roche. On a certaines rai- sons de supposer que les pratiques magiques d’envod- tement et de capture a l'exemple de ce qui est pratiqué actuellement par les populations les plus primitives, ne lui étaient pas inconnues. we Au cours des temps, par l’acquisition extrémement lente et laborieuse de faits simples, d’observations répétées et soigneusement conservées, de réflexions, d’associations de causes a effets, ’homme a cru pou- voir dégager un certain nombre de gestes associés & des idées précises pour annihiler, capter ou asservir les forces mystérieuses qui l’entouraient ; c’est sans doute Vorigine de la magie qui apparait ainsi comme I'une des plus anciennes sciences de homme (1). Tous les peuples ont puisé dans ce fond commun de magie primitive pour s’élever progressivement vers les conceptions propres 4 chaque groupement ethnique, suivant le processus normal de l’évolution intellectuelle liée elle-méme aux aptitudes philosophiques de la race, 4 la complexion de son mécanisme mental, a l’influence du milieu physique dans lequel elle s’est élaborée. Magie et ‘conception religieuse sont inséparables a Yorigine ou plus exactement ne sont pas dégagées l'une de l'autre ; elles émanent de la méme source. Ce n’est qu’au cours des temps que la divergence se révéle et que Vobservation ‘les verra bifurquer puis progresser en se perfectionnant. « Ily a de grandes différences entre la Religion et la « Magie. Alors que la Religion s’adresse 4 des forces su- « périeures, dont elle reconnait la toute-puissance et « s’incline & 'avance devant ses volontés la seconde a la « prétention de les contraindre par des pratiques di- « verses qui constituent le fond de la Magie. (1) L. Carrran, La préhistoire (La Magié quaternaire), Payot, Paris, 1981. — Voir: G. Luauer, L'art ef ta religion des hommes fossiles, Paris, 1926; S. Remvacu, Cultes, mythes et religions, Paris; M. Facurr, Le totémisme quaternaire (Conf. éeol. Anth.), Paris, 1980-81; J.-J.-M. DE Gnoor, Religions in China, New-York, 1912. 6 P. LAFORGUE, « D’un c6té nous voyons V’individu soumis 4 ses dieux «dans humble attitude de la priére, acceptant méme « avec résignation de grands maux envoyés, pense-t-il, « pour en éviter de plus grands, etdel’autre nous voyons « le sorcier qui, par ses mimiques, ses danses, ses incan- « tations prétend dominer la volonté du ciel dont il dé « pend. «Le primitif de la préhistoire, comme le sauvage « actuel, ne faisait pas toutes ces distinctions ct il est « probable qu’a ces époques reculées, la Magie et la Re- « ligion furent constamment mélées (1). » Nous voyons trés nettement dans les sociétés primi- tives africaines par exemple, cette unité magique. * ae De la conception des forces naturelles visibles ou mys- térieuses soupconnées A leur anthropomorphisation il y avait une tendance absolument naturelle 4 l’homme. Il était dans l’ordre normal et instinctif d’attribuer une unité distincte 4 chacune d’elles, au moins aux plus importantes, aux principales, pour les matérialiser, expliquer leur existence, leur action et essayer de les comprendre: c’est Vorigine des génics, des esprits et des dieux multiples. Par suite, il devenait utile, méme nécessaire d’apaiser, de se concilier, de dominer ces génies, ces esprits et ces dieux, par des priéres, des incantations, des sacrifices, des formules simples puis compliquées, puis hermétiques; c’est origine des rites élémentaires de la Magie. * ate L'Islam, la plus récente des grandes religions dites révélées, a largement emprunté aux vieux mythes orientaux, & la bible Hébraique et la tradition Juive @une part, puis au Christianisme d’autre part, la (1) L. Cartran, — La Préhistoire (La magie quaternaire), Payot, Paris, 1981. LES DJENOON DE LA MAURITANIE SAHARIENNE - croyance aux anges et aux démons (1), mais lorigine de la croyance aux génies (2) émane sans doute d'un fond anté-islamique auquel se rattachent les antiques usages religieux arabes que le Prophete a maintenu. En Arabie, avant I'Islam, le « fétichisme primitif s’était conservédans le culte des arbres et des pierres » (3) ; nous retrouvons ici le fond commun & toute "humanité, Pani- misme qui se trouve 4 la base des relations de l'homme avec les forces naturelles et les forces invisibles. * ee Parmi les tribus sahariennes et sahéliennes, diseurs de choses cachées, devins, magiciens et mystiques jouissent d’une grande influence en raison des craintes et des espoirs que leur science mystérieuse suscite (4). Pour les Maures cette science est héréditaire mais elle peut également étre acquise par l'étude. Cette science magique consiste, disent-ils, dans le pouvoir que détiennent certains individus hommes ou femmes, de se mettre en relation avec les génies et de les faire intervenir dans les intéréts humains. Ils intervien- nent pour faire le bien ou faire le mal, les uns sont secourables et musulmans, les autres sont infidéles et ne participent qu’aux actions nuisibles. C’est au moyen d’invocation, de priéres secrétes, de (1) Le Coran : Sourate 35 (Sourate de 1a eréation), Sourate des anges. (2) Le Coran: (Sourate 72), Sourate des génies. (8) E. Monrer, Le Coran (Payot, Paris, 1929). — Voir: Zweme (S.). The influence of animism on Islam. (4) « Le marabout opére toujours au nom d’Allah ; son « tagarrouf » (pouvoir d’agir sur les forces de 1a nature) est bien analogue au pouvoir agicien mais il est une bénédiction de Dieu «Baraka.» et les prodiges qu'il opére au lieu d’étre du « Sih’r » (sorcellerie) sont des grAces de Dieu, Karama. De plus, ses prodiges ont un caractére moral, c'est-A- quills sont adaptés & certaines fins sociales et non simplement indivi- duelles, enfin ce sont des grices qu'il sollicite de Dieu et elles ne sont pas obtenues mécaniquement et nécessairement par Ia seule force du rite comme cela est caractéristique pour la magie. Mais rien de tout cela west absolu et Ia séparation est mal faites entre le marabout et le sor- cier car la sorcellerie éeartée de Ia religion tend 4 s'y intégrer de nou- veau. » (In E. Dourré, Magie et religion de P Afrique du Nord (Islamisa- tion de la magie), A. Jourdan, édit., Alger, 1908). i eee P, LAFORGUE, formules hermétiques, que le diseur de choses cachées entre en contact avec Ie « djin » ou la «djenya » dont il sollicite I'intervention. C'est sur les indications de ce génie qu’il dévoilera les choses cachées, qu'il connaitra la formule magique qui protégera ou qui devra nuire. U est l'intermédiaire volontaire ou parfois involontaire entre les Djenodn et les hommes. En somme, nous nous retrouvons ici devant léter- nelle formule des deux principes du bien et du mal con- gue sur le plan de la psychologie berbéro-arabe appli- quée au monde invisible et mystérieux des esprits A qui sont attribués les instincts bons et mauvais qui coexis- tent dans le groupement humain. ane Il ne faudrait peut-¢tre pas se hater de porter des conclusions bien arrétées sur cette science magique des Maures qui échappe actuellement & nos moyens d’ana- lyse et de logique. Nous en connaissons fort mal les éléments pour pouvoir les étudier et les critiquer d’une facon rationnelle. Nous nous trouvons devant un ensem- ble de croyances, de légendes et de faits que la mentalité maure admet comme une expression de vérité et que hous ne voyons pas sous le méme angle intellectuel et moral. Nous ne sommes pas sur le méme plan psycho- logique (1). (1), «Dans les sociétés primitives ott ’existence du magicien est néces- saire & la tribu, non seulement il se dupe lui-méme, mais encore il est poussé par opinion publique & croire & Pefficacité des rites ; les eérémo- hiaux sont du reste si,compligués, que Vinsucces est toujours attribus & une faute rituelle et dés lors if renforce Ia croyance au lieu de Pébranler. Si meme le magicien ne croit pas & sa magie, il Ia croit possible : sans doute une part de simulation se méle souvent & la sincérité, comme cela est courant dans les phénoménes hypnotiques, mais généraiement il n'y pas mensonge ; la croyance de tous s’impose. nécessairement & lui. De méme dans les sociétés oi il est isolé, méprisé, cet isolement méme ou on le tient est 1a preuve que l'on craint ses maléfices et qu’on y croit; ailleurs on vient le solliciter et il y a toujours chez lui au moins une demi sincérité, » (In E. Dourré, Magic et religion, ouvrage cité.) LES DJENOUN DE LA MAURITANIE SAHARIENNE, 9 ORIGINE LEGENDAIRE DES RELATIONS ENTRE LES HOMMES ET LES DJENOUN D’APRES LA TRADITION MAURE (1) Avant la création d’Adam, la terre était habitée par le peuple immense des Djenotin, qui formait une tribu unique, portant le nom de « Loubb ». Lorsque le premier homme fut chassé du Paradis terrestre, il se trouva en présence des Djenotin (2). Adam demanda alors 4 Dieu de séparer ses descendants du peuple des génies. Le Créateur lui donna satisfaction en rendant les génies invisibles mais ils continuérent a habiter la terre, le feu, ’air et l'eau. Certains génies possédent le don de se montrer aux hommes sous leur véritable forme qui est effrayante: ils n’ont regu que quatre doigts A chaque main of il manque le pouce ; leurs bras sont trés robustes et leurs jambes trés faibles, minces et fines, leurs yeux sont fendus verticalement de haut en bas. Ils n’ont qu’une oreille, qu’une narine et la moitié gauche de leur abdo- men ne regoit jamais d’aliment. Leur colonne verté- brale est constituée par une seule vertébre. Ils ont l’odo- rat et louie extrémement développés. Ils échappent en grande partie aux lois de la pesanteur et se déplacent avec la rapidité du vent. Les Djenodin possédent une science trés étendue et ils connaissent l'avenir. La vie moyenne de chacun d’eux est de plus de mille ans. as L’homme qui désire entrer en relation avec les Djenoin doit apprendre la science magique auprés d’un diseur de choses cachées. Les études magiques comporte un premier cycle de (1) D'aprés nos informateurs maures. (2) AVexemple de certains auteurs de l'Afrique du Nord (voir: Précis de sociologie Nord- Africaine, pages 98 & 104, de Vofficier interpréte prin- cipal A. G. P, Martin, édit. Leroux, Paris, 1920), l’auteur 9 adopté la @énomination de djin ou djim au singulier et de djenodn au pluriel. 10 P. LAFORGUE huit années sur les lois, les coutumes et les mceurs des génies et des hommes; la maniére d’écrire sans encre, les moyens de deviner et de découvrir les choses cachées enfin l'étude de la magie et de ses pra- tiques. Le second cycle plus bref est consacré & l'étude de la démonologie et se termine par un examen devant les Djenoan du pays. Pendant ces études le novice, étudiant magicien, doit réciter tous les vendredis avant de s’endormir, les ver- sets du Coran ayant trait aux génies en concentrant toute sa pensée sur son désir d’établir des liens d’amitié qui le lieront aux Djenoan. Dans son premier sommeil et au début de ces pratiques, I’étudiant est soumis & des réves terrifiants et a des visions épouvantables, mais s’il a le courage de persister dans ses intentions, il cesse progressivement de subir ces terreurs, de se réveiller avec angoisse la gorge crispée ; son sommeil se régularise en méme temps que ses études magiques pro- gressent. Au cours de la premiére année les Djenotn, ne se véleront au novice que durant son sommeil mais par la suite, aprés quelques années d’études, les génies lui apparaitront fréquemment soit pendant la nuit, soit au cours de la journée. Enfin lorsqu’il aura terminé son cycle d'études magiques, le diseur de choses cachées sera en pleine communion avec les Djenon et complé- tement a leur merci. Ils se rendront de mutuels services jusqu’au jour inevitable owt le magicien sera la victime des génies (1). LES RITES MAGIQUES Prédir l'avenir, guérir les malades (2), retrouver les objets volés, provoquer l'amour, retenir l'infidéle, pro- (1) Nous exprimons ici nos remerciements & M. Horma Ould Babana, du Trarza qui nous a aidé, ces denidres années, & compléter notre docu: ‘mentation, (2), Pour Jes maures comme ‘pour les berhero-arabes du Maghreb 1a maladie n’est pas due & une cause naturelle, elle est oeuvre des djenotin mauvais. I] est done nécessaire pour obtenir la guérison, de faire inter- venir l’action des rites magiques, c'est ce qui explique que Ia médecine est, & leurs yeux, une fille de la magie. LES DJENOON DE LA MAURITANIE SAHARIENNE abe voquer l’enfantement, rendre les hommes et les femmes stériles, préserver des ennemis, rendre invulnérable a la guerré, acquérir la richesse, les honneurs, mettre & Yabri des tentatives des Djenotn tels sont les princi- paux buts auxquels tendent les rites magiques en pays maure. Les troupeaux eux-mémes, les récoltes, les eaux, puits, mares, guelta, aioun, ne sont pas en dehors de Vaction néfaste des génies et la science du magicien s'exerce également dans ce domaine. Les rites magiques interviennent alors pour obtenir le résultat recherché. Parfois une formule simple ou hermétique, incomprehensible aux non-initiés suffit mais l’usage et l’emploi d’amulettes est souvent indis- pensable. « Voici un exemple d’invocation simple pratiquée dans l’Adrar mauritanien, elle précéde la consultation réelle et est récitée par le devin devant le consultant. » We So Leth epee by Wh Gypd bh OWL f J) set hy by boat hy Gy pad ah sa8 ube ce we ENE wadlly ee Bybe, of dbeé pimfe rer bey pate JyuZ a? bs a0] y Lely Adz gle abe DI "b> 79 Si hae 7 i Od, fee ol pheclly any $ Mok abe al! en ae : fed rp « PMG IL Uy es A la fin de invocation le diseur de choses cachées récite la sourate du « Trembiement de la terre » (99°) et prédit ensuite les événements futurs en employant généralement le systéme des traits mystérieux tracés devant lui sur le sable. Voici la traduction de Vinvocation : (2) (1) Nous exprimons ici nos vifs remerciements A M. Wane Abd’Oul Aziz de la descendance des Almamy du Fouta sénégalais, qui a bien voulu se charger de reproduire & Venere de Chine les originaux des djedoual maures signalés. Ce sont ces reproductions qui figurent dans Ia présente note. (2) Nous adressons ici nos remerciements & M. Vinterpréte principal Mabmadou Ahmadou Ba qui a bien voulu nous communiquer cette invocation en usage dans l’Adrar. 12 P. LAFORGUE « O Guezana, 6 gueizouna (c’est-A-dire oracle), 6 la formule bénie, 6 félicité, 6 réves et avis bénis, je vous porte en moi et je vous consulte sur «tel ou tel événe- ment », « Je voudrais savoir s’il se produira A bref délai ou a une échéance éloignée. « Dites la vérité sur cet événement et évitez le men- songe. « Proclamez la vérité comme te Prophéte expliquait les réves et comme sa fille Fatimetou prédisait ce que les femmes portaient dans leurs flanes. Réjouissez-vous, Dieu vous réjouisse ! « Si lévénement attendu est au ciel, faites le descen- dre sur terre ; s'il est sur terre, rendez-le apparent ; s'il est loin, rapprochez-le et s'il est proche, faites-le parai- tre. » GUERISON MAGIQUE D'UN MALADE Les Maures estiment que la maladie n’a pas une cause naturelle; qu’elle est donnée aux hommes par les mauvais génies. I] est done nécessaire d’avoir recours a eux pour guérir et c’est le but de certains rites magi- ques qui sont pratiqués surtout par des femmes agées : Guezana ou Gzana (devineresse) (1). Voici un exemple de cette pratique : Le malade est alité depuis quelques jours. Les parents du malade convoquentladiseuse de choses cachées et con- viennent avec elle du « melh-leid », c’est-A-dire du salaire en numéraire ou en nature qui lui sera remis aprés la guérison. « On remarquera que cet accord préliminaire est absolument indispensable pour la bonne marche des choses. » La devineresse retourne alors chez elle pour se préparer A V'intervention; deux jours suffisant habi- tuellement. Elle prend un fil de laine blanche de trois coudées, soit 1 m. 50 de longueur et récite ses incantations, Elle mesure son fil sur son avant-bras droit et le roule en boule; elle prend celle-ci dans la (1) In Kuaupoun (Berbéres 11.148) signale que les femmes berbéres chez les Ghomara cultivaient In magie depuis H'amim. LES DJENOUN DE LA MAURITANIE SAHARIENNE 13, main droite et crache dessus un peu de salive. Ensuite elle déroule le fil et le mesure A nouveau pour constater si celui-ci a toujours la méme longueur. Cette derniére opération a une grosse importance car si le fil reste de la méme longueur le malade est inguérissable, dans le cas contraire on peut opérer. En supposant que loracle du fil soit favorable, la discuse de choses cachées se rend dans la tente du malade en tenant son fil 4 la main. Elle s’assied 4 son chevet et Vappelle trois fois par son nom puis elle lui dit: « Tu n’es pas trés malade, je veux te guérir, s'il plait & Dieu. » En présence des gens qui entourent le malade, elle mesure son fil avec l’avant-bras droit en disant : « Voyez- vous le fil ? Quelle longueur a-t-il ? » « Trois coudées », répondent les personnes présentes. La diseuse de choses cachées récitent alors les phrases suivantes : « C’est Dieu qui nous met au monde. Il fixe la durée de la vie pour chacun, l'homme 4 sa naissance est faible mais qui le protege des dangers ? c’est Allah. » Elle répéte trois fois : « Allah! Allah! Allah! » « C’est ta puissance qui nous a mis au monde, qui nous a fait venir de l’inconnu au connu. » Tout en disant ces phrases la guérisseuse plie son fil, le serre, le déplie, en frappe légérement le malade et lui passe sur tout le corps. Le fil est mesuré une seconde fois et il se trouve qu’il n’a plus, & ce moment, que deux coudées et une demi-coudée, soit 1 m. 25. Elle reprend ses incantations et demande a la société de la laisser quelques instants seule avec le malade et on s'‘empresse de lui obéir. Elle convoque alors les Djenotn. Dés que ceux-ci sont arrivés elle les salue et s’adresse 4 eux dans ces termes : «Cet homme est malade, vous lui avez donné Ja maladie dont il est atteint. » Les Djenodn restent silencieux. Une vieille djenya s‘avance et lui dit cour- roucée : «— C’est moi qui ’ai frappé. » « — Pour quelle raison ? » demande alors la diseuse de choses cachées. « — C'est parce qu'il est venu « uriner » sur la cendre ot j’habite », répond la djenya, «et un de mes enfants en fut aveuglé. Vous savez cependant que de tout temps i] a été entendu avec vos ancétres que les cendres, les vieux vestiges, les os, les détritus nous sont abandon- 14 P, LAFORGUE nés. Cependant, si le malade avait récité la formule Bismi Allah’i er Rahman er Rah’im nous lui aurions cédé la place. » «C’est vrai, mais ayez pitié de lui », répond la devi- neresse qui essaie d’attendrir la djenya sur le sort du malade par des promesses ct de bonnes paroles. Enfin, la djenya se laisse convainere et pose sa main sur la poi- trine du malade en disant: « Sois guéri. » Celui-ci n’en- tend pas mais il se sent mieux. Les génies disparaissent alors et la diseuse de choses cachées appelle les parents et les amis du malade. « Il est en bonne voie de guérison », dit-elle, « et il ne manque plus que le paiement du melh- leid pour que la guérison soit complete. » La devineresse mesure une derniére fois le fil de laine, qui n’a plus que deux coudées et qu’elle enroule sur Yindex et le médius; elle l’enléve ensuite et le suspend au cou du malade. Celui-ci doit le porter pendant qua- rante jours et ne jamais sortir seul de sa tente. Pendant cette quarantaine, la djenya peut se pré- senter au malade durant son sommeil, il doit se réveiller et se mettre debout. A la fin des quarante jours le malade est revenu a la santé si le « melh-leid » a été acquitté. PROCEDE DEVINATOIRE DES TRAITS Ce procédé courant de le devination chez les Maures consiste pour le deyin étant assis le consultant face lui, 4 aplanir avec la main droite une petite surface de sable trés propre. Il trace ensuite un certain nombre de traits horizontaux ou verticaux avec l’index de la main droite et qui paraissent fantaisistes aux non initiés. Ces traits, d’aprés nos informateurs, représentent les lettres magiques permettant de correspondre avec les Djenoan et que le diseur de choses cachées a apprises au cours de ses études magiques. Ce sont des questions posées au génie invoqué et voici un exemple de ce pro- cédé : LES DJENOON DE LA MAURITANIE SAHARIENNE 15 | iy (oe y i I \ i \! I ' 2 3 4 5 6 7 8 9 Le n° f indique au djin invoqué qu’il s‘agit d’un vol. Le n° 2 demande au djin si le voleur est un homme ou une femme? Le n° 3 si le voleur est un homme de race noire ou de race blanche ? Le n° 4 si le voleur est de grande taille ou petite taille ? Le n® 5 la chose, l'objet et l’importance du vol ? Le n° 6 ce que le voleur a fait de son larcin ? Le n° 7: Est-ce un voleur de profession ? Le n° 8 : Peut-il rembourser le prix de la chose volée ? Le n° 9 le nom du voleur ? Ce rite s’effectue en méme temps que invocation au djin ou aux Djenoan, dont l’officiant réclame l’inter- vention. Sur l’influence des Djenotin qu’il est seul a ressentir, l’officiant modifie son tracé en posant toutes les questions utiles 4 sa devination. A un certain moment. le devin déclare interpréter les réponses et les ordres des Djenotn invoqués qu'il communique au consultant ou a lassemblee. Telle serait l’'interprétation 4 donner 4 cette méthode devinatoire (1). . ate Pour pratiquer la méthode devinatoire des traits, le diseur de choses cachées invoque le djin « Khoufara ». Chaque invocation est suivie d’un silence de trois minutes. Le djin « Khoufara » est terrible et effrayant. Tlest trés agé et cruel, avec un caractére extrémement difficile. 11 se lie difficilement avec les hommes et pour obtenir son amitié, ceux qui ont commerce avec lui, (1) Renseignement communiqué par un de nos informateurs résidant A }djil (Fort-Gouraud). 16 P. LAFORGUE sont obligés de renoncer & certaines pratiques ortho- doxes de I’'Islam, de lui donner un enfant & paralyser ou a rendre dément. ‘Au cours des invocations le vieillard djin apparait couvert de sable et habillé de haillons. On ne lapercoit pas mais Je devin constate son arrivée par une faible obscurité projetée sur les traits qu’il trace sur le sable. Le djin alors en supprime certains et en ajoute d’autres, enun mot transforme la formule qui devient compréhen- sible au diseur de choses cachées grace a sa science magique (1) et le voleur est ainsi découvert (2). En pays maure, le diseur de choses cachées prépare Iui-méme l’encre qui sert A rédiger les djedoual (3). La poudre de charbon de bois et la gomme arabique (aca- cia vérek) serveut A cette préparation. La formule est écrite au moyen d’un brin de paille verte que le magicien taille A la main et sans employer de métal. La confection du djedouel est secréte et le devin procéde seul a cette opération. La confection des amulettes (gris-gris) constitue la branche la plus importante que pratiquent les « mara- bouts », diseurs de choses cachées et le rapport le plus certain de leur industrie. L’efficacité de l’amulette dépend, disent nos informateurs, de la valeur, de la science personnelle du devin et de la facon dont ses prescriptions ont été observées. * ae Voici un exemple de « djedouel » (amulette) pour guérir les maux de téte: le magicien inscrit sur un papier blanc la formule qui lui est dictée par le djin invoqué; cette formule est généralement la suivante (traduite du dialecte maure) : « Ange puissant, c’est & toi que Dieu a donné le pou- (1) Edmond Doutté refusait & la Magie du Maghreb le nom de Science et au sens trés précis qu'il attribuait & la Science qu'il semble avoir con- sidérée comme une manifestation exacte et progressive de 1a connais- sance humaine, il avait certainement raison. (2) Renseignement d'origine Trarza. (3) Vulgo: gris-gris. LES DJENOUN DE LA MAURITANIE SAHARIENNE 17 voir de rendre malade et de guérir, je te supplie par la puissance de Dieu, ton créateur et le mien, en vertu de cette amulette, de faire disparaitre définitivement le mal] de téte dont cet homme souffre. » « Le eréateur du monde nous a créés avant Adam, le pére des hommes, I] nous a donné la science de connaitre la cause des maladies des humains et le pouvoir de les guérir. » « J’accepte de guérir cet homme, que sa téte soit guérie. » Le djin répéte trois fois cette formule. Au cours de cette conversation, le devin a préparé le djedouel sur un papier blanc qu’il précipite dans un récipient 4 demi plein d’eau. Il secoue le récipient et en retire le djedouel qui apparait couvert d’écriture magi- que. Lorsque le papier est sec le devin le plie en forme de triangle et le coud dans un morceau de toile blanche qu'il suspend ensuite a un cordonnet de poil de chameau ou de cuir. Le djedouel est remis au malade qui doit le porter autour de la téte. Il paie alors au diseur de choses ca- chées le « melhleid », c’est-a-dire le salaire convenu pour son intervention. Pendant les sept premiers jours qui suivent, le malade doit conserver l’amulette autour de la téte. Chaque fois qwiil souffre de son mal il doit-répéter le nom de quatre principaux rois parmi les Djenoain, noms qui lui ont été confiés par le devin. En méme temps, il doit presser son « gris-gris » sur la tempe droite et la douleur disparait. Aprés quarante jours, si le malade est complétement guéri, il fait enfermer son amulette dans une enveloppe de métal et il la porte suspendue autour du cou. Si ces prescriptions ne sont pas suivies, l’amulette est sans effet. 18 P, LAFORGUE Dsepovat (aMULETTES) (1) Les djedoual (amulettes) sont bien connus sous la dénomination de gris-gris. Ils sont innombrables et nous n’avons pas la prétention, impossible d’ailleurs, de les signaler tous car il en existe pour toutes les actions et tous les désirs. Nous essayons de signaler les principaux en usage chez les Maures. Ce sont des petits sachets de cuir ou de métal portés au front, a la ceinture, au cou, aux bras, aux chevilles, aux genoux. Ils sont exposes, dissimulés sous les vétements ou portés surla peau 4 mémele corps. Ils sont suspendus par des liens de cuir ou des chainet- tes de métal, souvent en argent et méme en aluminium. depuis la crise ! L’amulette est constituée par un fragment de papier entiégrement blanc, sur lequel la formule magique est écrite en langue vulgaire ou hermétique (alphabet magi- que) ou bien encore en chiffres magiques. Cet écrit est ensuite cousu dans un sachet de cuir et souvent ce sachet est lui-méme enfermé dans un étui de métal de forme rectangulaire, cylindrique ou triangulaire. Une autre pratique du djedouel consiste a écrire la formule magique sur un papier ou sur une planchette, & laver et dissoudre cette formule dans l'eau pure ou additionnée de miel et a faire boire le breuvage au con- sultant ou a la personne en cause, parfois contre son gré et par surprise. Voici un exemple de djedouel de cet ordre : Gs )0) ) €)5)5 3 3 AUD Ila pour but de maintenir la femme dans ses devoirs de fidélité ou dans un amour exclusif. Naturellement ir: BEN Cnoain (A.), Notes sur les amulettes chez les indigenes algériens, 1905. — Brrwanp (A.), Les amulettes (Algériennes), 1899 (CR. A. S.). — Desparmer (J.), Ethnographie traditionnelle de a Met- tidja (B. Soc. Géo., Alger, 1927). LES DJENOUN DE LA MAURITANIE SAHARIENNE 19 Vintéressé donne secrétement cette excellente boisson a sa compagne. Cette pratique de boire Ja préparation magique est trés répandue (1), c’est évidemment la plus simple et tout le monde sait qu’une chose cachée est bien supérieure 4 une chose apparente (2). Les chiffres magiques constituent également un pro- cédé en usage pour invoquer Passistance des Djenotn, mais i] n’est a la portée que de quelques devins renom- més trés versés dans les procédés supérieurs de la magie ; en voici un exemple : Le rite est celui de « Al Ajima », mais le nom des Djenotn invoqués est transcrit en chiffres magiques qui représentent la valeur numérique des noms des génies, ainsi: Chemhoureche (nom d’un notable djin) est représenté par le chiffre 2.251, car les lettres de son nom ont la valeur suivante: Che = 1.000; m = 40; h =5;0u =6;re = 200; che = 1.000; soit au total: 2.251. A chaque fois que le chiffre 2.251 est prononcé, Je in est invoqué deux mille deux cent cinquante et une fois, ce qui n'est pas inférieur comme rendement aux roues a priéres de certaines lamaseries tibétaines. Les djedoual peuvent étre trés simples A exemple de ceux que nous reproduisons ci-aprés : PIJIELPSIAN I Ly Bl dootts Celui-ci est destiné & faire dormir une personne qui est rebelle au sommeil. I est porté suspendu au cou. * ane (1) On retrouve 1a méme pratique au Thibet: © On écrit avec de Venere de Chine Vineantation sur une plaquette de noyer, on vernit la plaquette avec une solution de myrobolans et de safran dans de l'eau sainte et vingt-neuf jours durant on fait quotidiennement réfiéchir I’ins- cription sur un miroir de cuivre poli; pendant ta réflection on lave avec du « chang » Ia surface du miroir et & expiration du temps prescrit, on boit en neuf gorgées, une tasse de liqueur. Ce sortilége protege des dé- mons. » (In David Macnonatp, Meeurs et coutumes des Thibetains, tra- duction, édit. Payot, Paris, 1930). (2) Proverbe maure. 20 P, LAFORGUE Les deux formules suivantes sont portées par les fem- mes qui désirent se marier. Chacun de ces djedoual doit-étre confectionné un vendredi et dans certaines conditions. Premiére formule : CEST S TAT Ulaaalites x tH ron dann Seconde formule: 4H AH pgs He Le djedouel suivant : ~He ~H+ >= est destiné & provoquer l'amour d'une femme en faveur de celui qui utilise cette formule. Elle doit étre confec- tionnée un dimanche. Ce gris-gris doit mentionner le nom de la femme désirée et étre ensuite enterré au voisinage de sa tente. Dyepovet (1) POUR RETROUVER UN OBJET VOLE On convient avec le diseur de choses cachées, du « melhleid », c’est-A-dire du salaire fixé pour son inter- vention. Cette premiére disposition est rigoureusement indispensable au succés. L’accord réalisé sur ce point, le devin commence son opération. II procéde ainsi: i tient dans la main gauche un papier blanc de petite dimension et dans la main droite un récipient 4 moitié plein d’eau. Le consultant et les gens qui assistent 4 la scéne sont assis & terre, autour de Tofficiant. Celui-ci (1) Pour préciser, le les lettres, traits ou cl jedouel c'est exactement le tableau qui contient res magiques. LES DJENOUN DE LA MAURITANIE SAHARIENNE 24 récite quelques versets du Qoran et murmure des phra- ses inintelligibles. Il s’adresse ensuite aux personnes présentes et leur dit: « Attention, écartez-vous! le « djin Deibarh » et sa femme la « djenya Houeilima » approchent! Silence! Nous allons connaftre le voleur ; vous verrez, dans un instant, son nom lisiblement écrit sur ce papier blanc. » Ce disant, il montre a I'assistance le papier vierge d’écriture. Un moment de silence succéde & ce début oratoire. Le devin plonge alors son papier dans le récipient puis il prend celui-ci et le secoue vigoureusement. II le repose ensuite sur le sol. Il explique alors que V’eau est tres chaude par l’influence de la méchanceté des deux Dje- notin convoqués. Cing minutes s’écoulent dans le silence général. On écoute, on attend anxieux du résultat. Dou- cement le devin plonge la main dans l'eau qui semble bouillir et il en retire son papier couvert d’écriture fort lisible. Le document révéle alors le nom du voleur, le date du vol, l’endroit ot est caché Je larcin, etc. On comprend facilement les suites d'une semblable révélation pour le coupable ou celui qui est désigné comme tel. DJEDOUEL DES CONFINS DE L’ADRAR Les trois djedoual dont nous donnons la reproduc- tion ci-dessous auraient été utilisés par les Kounta Ahel choummad de la descendance d’Abd Allahi Ould E) Megbamber des Kounta de Ouadane (Adrar), pour chas- ser d’Idjil une tribu de Djenodn non musulmans qui occupait la Koedia et la sebkha. I] était extrémement génant pour l’exploitation des salines d’avoir des voi- sins aussi mystérieux que capricieux. L’amuletie n° 1, destinée & se protéger contre les maléfices des Djenodn, aurait été enterrée sur l'un des cétés de la sebkha; les n°s 2 et 3 sont enfouis dans la Koedia elle-méme (gara al kheil) et avaient pour but de chasser ces génies (1). (1) Ii faut crore que ces amulettes ont été efficaces car Vexploita- tion des salines est aujourd'hui assez avantageuse pour les Kounta et leurs mandataires les Aghzazirs de I’Adrar. = P, LAFORGUE aoe Clee pS AU nh ea qe [lo oa pow Le day poe Ca pt oats Fig. n° 2 L ~ | 7 wv r x rR{t “— Ps p>| Ps ce] pa ee | ee Yoel py [>| Sp] =| | pa] me a] 2 ies] od ps] Pol poets cetyl y PM mpl de ol) hoy oof] a> >2i] ost afl Eel ep] a LES DJENOUN DE LA MAURITANIE SAHARIENNE = 23 Le djedouel représenté ci-dessous est employé dans l’Adrar pour expulser les Djenotin (1). fa be phe WV! Gis | Bay [ade wv ary ay] pez) ooh Per) pur Pom ey) bey frtply Bi bprees they pen? | poe) sh pabtartal Sy [e teal pity i a 1 Ghd] ey Kable | 9 dsnscr| Shey] 2b oPresury, Wott oad | pay] JSk be] pylon pM [Sr WY kskaays he y [oehple, Ul |yfse50 | Shey | Bb Jt fend Bay ber posts| peat oh, lesan] pyu | ine! Lye [ish Yi |e eV) | dey feeder] our fduites| 2 bey PII beef Qos pd Ooi 5 may)! Ash | yy — / E> Selly oe Ippo tLe | Cobeatly | ey tra be play ys [eds] Lebrs |p pula [rei gays pee] mut] SSh eienesy 5% | O5h2| Spel tar | ashes | by eee] uy jo pease | Pyily ARs be oda] poate | emyay | ek Cl Elpelt | 1B WN) Kye By | bey orth < da] jake} pb raf ees di terniit| als | py | DsEpoOvEL MUET L’amulette représentée ici est portée par un grand nombre de femmes maures. Elle a pour but de favoriser les projets de mariage, de procurer la richesse et d’obte- nir la protection des Djenotn contre ses ennemis. (1) Ces quatre djedoual ont été recueillis dans ’Adrar par M. l’inter- prete principal Malamine Tendia qui a bien voulu nous es communi- quer. jous lui en exprimons nos remerciements. P, LAFORGUE, ee ea om | Brta]ee | voloe GH

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