COUR CONSTITUTIONNELLE REPUBLIQUE TOGOLAISE
DU TOGO Travail Liberté Patrie
AFFAIRE : Saisine des députés de Alliance Nationale pour le Changement
(ANC)
DECISION N°C-001/17 du 22 mars 2017
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
LA COUR CONSTITUTIONNELLE,
Saisie par requéte en date du 28 février 2017, enregistrée le 1° mars
2017, sous le numéro 001-G, par laquelle des députés du groupe parlementaire
Alliance Nationale pour le Changement (ANC) intentent un recours contre le
«blocage de fait par M. le Président de la Commission des Lois
constitutionnelles, de la Législation et de |’Administration générale des travaux
en commission relatifs 4 l’examen de la proposition de Loi de modification
constitutionnelle affectée le 22 juillet 2016 4 la Commission des Lois pour
examen au fond » ;
‘Vu la Constitution du 14 octobre 1992 ;
Vu la requéte des députés de I’Alliance Nationale pour le Changement
(ANC) ;
‘Vu la lettre 020/2017/CCP du 07 mars 2017 du Président de la Cour
constitutionnelle, adressée au Président de I’ Assemblée nationale ;
AeVu la lettre n° 126/2017/ANC/CAB/PA du 08 mars 2017 du Président de
l’Assemblée nationale, enregistrée au greffe de la Cour le 09 mars 2017 sous le
n° 102;
‘Vu la « note » du Président de la Commission des Lois ;
Vu le projet de «rapport de I’étude au fond de la proposition de Loi de
modification portant modification des dispositions des articles 38, 52, 59, 60, 62,
100, 101, 144 et 145 »;
Vu Vordonnance N°001/ 2017/CCP du Président de la Cour portant
désignation de rapporteur ;
Considérant que les requérants déclarent avoir déposé sur le bureau de
VAssemblée nationale le 29 juin 2016 une proposition de loi modificative de
certains articles de la Constitution du 14 octobre 1992 ;
Que cette proposition de loi a été réguligrement affectée a la Commission
des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale ;
Que, ladite Commission a commencé |’examen de la proposition de loi le
05 aoat 2016 ;
Que le Président de la Commission a ensuite suspendu les travaux pour
consulter les seuls membres de la Commission ;
Qu’a la reprise des travaux, il informa les membres présents de l’abandon
des travaux par la Commission ;
Que, depuis cette date, le Président de la Commission donne |’impression
d’avoir classé le dossier de la proposition de loi constitutionnelle ;
Considérant que dans sa «note» au Président de |’Assemblée nationale, le
Président de la Commission des Lois constitutionnelles reconnait que la loi
portant modification de certains articles de la Constitution a été affectée 4 sa
commission le 22 juillet 2016 ;
Que, pour faire diligence, il a méme convoqué la Commission pendant
Vintersession pour I’étude de cette proposition ;
RhQue, la Commission s’est réunie a cet effet le 05 aoiit 2016, en présence
d’autres députés non membres de la Commission ;
Que, lors du débat, deux tendances se sont dégagées ;
Que, d’une part, aprés avoir relevé que la proposition de loi avait un
contenu identique a celui de la proposition de loi rejetée par I’Assemblée
nationale en juin 2014 et en janvier 2015, faute de consensus, les députés de la
majorité parlementaire ont jugé la nouvelle proposition inopportune, dans la
mesure oU les conclusions de la Commission Vérité Justice et Réconciliation
(CVJR) et de l’atelier du Haut Commissariat 4 la Reconciliation et au
Renforcement de |’Unité Nationale (HCRRUN), ont abouti a la nécessité de
faire des réformes institutionnelles et constitutionnelles par consensus ;
Que, d’autre part, les auteurs de l’initiative ont estimé que les conditions
de recevabilité de la proposition étant remplies, la procédure devait suivre son
cours; Que initiative de la proposition de loi n’était qu’un rappel au
gouvernement des engagements qu’il a pris a travers I’ Accord Politique Global
(APG) ; que le Haut Commissariat 4 la Réconciliation et au Renforcement de
l'Unité Nationale (HCRRUN) n’a pas les prérogatives de I’Assemblée
nationale pour voter les lois et que la recherche du consensus « ne saurait étre un
préalable a l’examen de la proposition par I’ Assemblée nationale » ;
Considérant que le Président de la Commission des Lois affirme que, face
cette profonde divergence, il a di, conformément aux dispositions de l'article
42 du réglement intérieur, demandé uniquement aux membres de la Commission
des Lois de se concerter et de délibérer le cas échéant ;
Qu’a issue de la concertation et de la délibération, six (6) membres se
sont prononcés pour l’arrét de I’étude de la proposition de loi, contre 3 qui
étaient favorables a la poursuite de |’ étude ;
Que c’est done la Commission, et non son président, qui a décidé, a la
majorité de ses membres, d’arréter I’étude de la proposition de loi portant
modification des dispositions de certains articles de la Constitution ;
AQu’a la suite de cette séance, un rapport a été établi et soumis aux
membres de la Commission pour observations, mais que les signataires de la
proposition de loi n’ont pas fait parvenir leurs observations ou remarques ;
Qu’en conséquence, ce rapport n’a pu étre adopté en commission pour
étre ensuite déposé sur le bureau de |’Assemblée nationale car, aux termes de
Varticle 44, point 4, du Réglement intérieur de I’Assemblée nationale, « les
rapports et avis des commissions doivent étre approuvés en commission avant
leur dépét sur le bureau de I’ Assemblée nationale » ;
Considérant que la requéte des députés de I’Alliance Nationale pour le
Changement (ANC) vise a faire remédier & une situation qui «empéche le
fonctionnement régulier de I’ Assemblée nationale » ;
Considérant que l'article 99 in fine de la Constitution dispose que la
Cour « est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité
des pouvoirs publics»; qu’il s’agit donc d’une question portant sur le
fonctionnement d’une institution de I’Etat ;
Considérant, sur la recevabilité, qu’il est de jurisprudence constante de
la Cour, que les personnes habilitées a la saisir conformément a l’article 104 de
la Constitution le sont également pour toute autre question constitutionnelle;
Considérant, d’une part, que le fonctionnement des organes de
V’Assemblée nationale est une question constitutionnelle prévue par la
Constitution et le Réglement intérieur de I’ Assemblée nationale ;
Considérant, d’autre part, que les requérants forment un cinquiéme des
députés a I’Assemblée nationale et donc habilités a saisir la Cour conformément
Al’article 104, alinéa 4 de la Constitution ;
Qu’en conséquence, la requéte des députés de I’ Alliance Nationale pour
le Changement (ANC) est recevable ;
Considérant que les députés de la majorité parlementaire ont voté pour
Parrét de l'étude de la proposition de loi au motif que, l’Accord Politique
Global, Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) et le HautCommissariat 4 la Réconciliation et au Renforcement de !’Unité Nationale
(HCRRUN) recommandent que les réformes institutionnelles et
constitutionnelles aient lieu « dans le cadre d’un large consensus » ;
Considérant que si cette position est conforme 4 la Charte africaine de la
démocratie, des élections et de la gouvernance, notamment en son article 10,
alinga 2, qui dispose que «les Etats doivent s’assurer que le processus
d’amendement ou de révision de leur Constitution repose sur un consensus
national comportant, le cas échéant, le recours au référendum », cette exigence
du consensus ne porte pas sur la procédure d’examen de la proposition ou projet
de loi mais sur les modalités de son adoption ;
Considérant qu’aux termes de l'article 39.1 du Réglement intérieur de
l’Assemblée nationale, « les commissions sont saisies 4 la diligence du président
de I’Assembl&e nationale de tous les projets ou propositions de lois entrant dans
leur compétence ainsi que des piéces et documents s’y rapportant. » ;
Considérant qu’aux termes de l'article 44.4 du Réglement intérieur de
V’Assemblée nationale, «les rapports et avis des commissions doivent étre
approuvés en commission avant leur dépét sur le bureau de I’Assemblée
nationale » ;
Qu’en conséquence la Commission des lois doit adopter son rapport et le
déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale pour étre soumis a I’ Assemblée
pléniére ;
Qu’a défaut, le Président de l’Assemblée nationale, es qualité, a
L obligation de veiller au bon fonctionnement de la commission;
Décide :
Article 1‘: La Commission des lois constitutionnelles, de la Législation et de
V’Administration générale doit adopter son rapport et le déposer sur le bureau
de l’Assemblée nationale.
xArticle 2: Le Président de I’Assemblée nationale doit veiller A ce que la
Commission des lois adopte son rapport et le dépose sur le bureau de
l’Assemblée nationale.
Article
La présente décision sera notifiée au Président de |’Assemblée
nationale et aux députés du groupe parlementaire Alliance Nationale pour le
Changement (ANC) ét publige au Journal officiel de la République togolaise,
Délibérée par la Cour en sa séance du 22 mars 2017 au cours de laquelle ont
siégé : Mme et MM. Aboudou ASSOUMA, Président, Mama-Sani ABOUDOU-
SALAMI, Kouami AMADOS-DJOKO, Ablanvi Méwa HOHOUETO, Mipamb
NAHM-TCHOUGLI, Arégba POLO, Koffi TAGBE et Koffi AHADZI-
NONOU.
Suivent les signatures
POUR EXPEDITION CERTIFIER CONFORME,
Lom, le 22 mars 2017