Got article a été gerit en 1705 at publig d Howe @t lee sntren
tome ( de I'Eucyelepédie dee Sciences de I'llomme 7 Li Aventure llumaine ~ Lai
tions : Grange-atelidre, Purie; later, Gendve; Sequoia, Bruxelles — 1967.
A Iexeeption do quelques points qui devralent ttre repris on consilé-
ration on raison dea travaux de recherche effectués depuis, cette présentation
globule dos probidmes po:
ct pourra sorvir de base de réflexion A tous ceux qui «!intér;
guietique.
Inetitut d'anglais - Sous «
par 1'étude dn langage eet toujours d'actualité
ent hla Lin-
tion de Linguistique
Paris - Janvier 1969,
ANTOINE CULIOLI
la communication verbale
On ne powvait guére laisser de cdté, dans um tome consacré aux relations interpersonnelles, Dinstrument le plus évident
de ces rapporis; mais nous touchons ici d des problémes que la psychologie proprement dite aborde également sur le terrain
génetique et expérimental et qui trowveront aussi leur place, d ce titre, dans le cinquiéme volume du présent ouvrage. Le
chapitre gui suit est centré, lui sur les problémes dela linguistique, ceux qui abordent la connaissance de Phomme d travers ce
systéme inate
rnnel que forme la langue constituée, lexique de mots sans doute, mais aussi recueil de structures et par la,
sans doute, trésor» de représentations et de pensées c'est d travers une ‘tude dela langue, au besoin formelle et statietique,
que les auteurs des deux parties de ce chapitre invitent d cerner la pertonmalité et les rapports des «parlantss,
Ws baignons dans le langage depuis notre naissance:
clest le langage qui accompagne et fonde notre
activité significative; grice & lui, nous nous
Exprimons et nous communiquons; il est un comportement
complexe, qui s'enchevétre avec nos perceptions et nos
estes, une activité interhumaine, fondée sur un réseau
habitudes psychophysiologiques et de structures in-
conscientes. Le plus souvent, il faut le reconnaitre, nous
ne prenons pas nos distances par rapport au langage:
ll est si profondément enraciné dans notre étre biologique,
ous nous le sommes tellement approprié qu'il semble
Ste devenu un simple instrument docile qui obéit & nos
intentions. D'od une ignorance de ce qu’est le langage,
de sa structure et de son fonctionnement. Interrogez-vous
soudain et vous verrez combien il est malaisé de se hausser
au-dessus de la simple expérience vécue: nous sommes
Persuadés que notre langue (et nous n'appréhendons le
langage qu’a travers les langues) est le modéle de toutes
les langues, nous sommes fascinés par le sens et nous
nTarrivons pas a prendre au sérieux la forme, nout confon-
dons aisément les catégories de la pensée et les categories
de la langue, la réalité extra-linguistique et Voutil linguis-
tique, comme s'il y avait une adéquation universelle et
totale du langage 4 un monde d'objets et de concepts.
Si nous essayons de dépasser ce réalisme naif, ce qui nous
Fevient_ en mémoire, ce sont des lambeaux d'analyse
scolaire: c'était une époque bienheureuse ois le langage
n'était compose que de mots (analyse grammaticale) et de
Propositions (analyse dite logique). Bien dressés, les mots
se rangeaient en parties du discours heritées de la grammaire
1a: Thur de Rabel eepriene par Peter Nrephal MAnen®
stolcienne et la langue éerite (qui se serait soucié d’étudier
Ja langue orale?) était un jardin bien tenu, of rout était
jueté. Pour beaucoup d'entre nous, I'étude du langage
se raméne & cette grammaire de la langue écrite, de meme
que la plupart des gens confondent lectres et sons parce
qu'ils ont répété dans leur jeunesse que les voyelles du
frangais sont a, ¢, i, 0, u, et y.
11 arrive que le langage soit remis en question et qu'il
ne soit plus aussi transparent que nous I'imaginons parfois:
un malentendu peut nous réveler l'ambiguite foncitre des
langues naturelles; les mots, ces médiateurs par excellence,
nous font ressentir leur opacité et nous révélent quill n'y
4 pas une relation immediate et nécessaire entre les termes
ct les choses. Nous avons alors le sentiment que les mots
nous trahissent, s'interposent entre nous et «l'indicible +,
cet +indicible+ que nous n’arrivons pas & exprimer dans
Ja chaine sonore. Que l'on songe de méme 4 la remise en
question que suppose I'apprentissage d'une langue seconde:
habitudes articulatoires et acoustiques nouvelles, nouveaux
‘agencements syntaxiques qui bouleversent les idées resuet
(ainsi, en malgache, ce que l'on appelle traditionnellement
lun complement circonstanciel pourra ére le swet d'une
phrase; dans telle langue amérindienne, le mot qui signifie
‘arbres est un verbe; ete.), découpages de la réalite qui
pparaissent aberrants (les termes de couleurs s'organisent
fen systémes fort différents selon les langues; le russe ne
distingue pas la main du bras et le pied de la jambe; le
hongrois ne distingue pas le bois — matériau — de l'arbre
‘mais en revanche a deux mots pour I'amout)...
65Ce soupcon devant le langage est, depuis quelques
années, devenu plus marque: il se manifeste par un certsin
refus du verbalisme (quand les mots tiennent seulement
par un lien intrinseque, sans relation avec ta réalité extra~
inguistique) aussi bien’ que par la littérature de l'absurde
et du nonsense. On s'était déja auparavant incerroge sur le
langage, soit dans analyse rigoureuse d'une langue (on
pourra mentionner ici Panini pour le sanskrit, ou encore
Sibawayhi et Al Khalil pour I'arabe), soit dans la speculation
philosophique, soit, plus humblement, dans les manipula-
fions Iudigues de la langue (énigmes, anagrammes, calem-
ours, etc.). Mais jamais Yon avait scrute et traque avec
tant de force et de rigueur la pratigue du langage dans les
livers champs oon la renconite. Et il n'est sans doute pas
inutile de rappeler qu'il existe depuis environ un sigcle
une science appelée linguistigue, dont lobjet est le langage
sumain apprenende a travers les langues naturelles.
Liexpression langage humain n'est pas redondante
mais comporte une précision nécessaire si l'on veut éviter
s malentendus. On parle en effet souvent du langage
animal, du langage des astres, du langage de la_peinture
fou des emotions, ou encore du langage scienufique, du
langage-machine et du langage documentaire. Le langage
des animaux, qui a été bien etudié ces derniéres années,
se distingue radicalement du langage humain par certains
traits essentiels qui apparaitront dans la suite de l'exposé,
et lon aura intérét a parler plutét de communication
animale. Le langage des astres n’est ainsi nommeé que par
tun abus metaphorique: il s'agit en fait d'un jeu fruste de
correspondances symboliques données par la tradition. Dans
Te langage de la peinture ou des emotions, le mot langage
nest employe que par analogie, de fagon vague et dan-
gereuse, pour marquer le pouvoir d’expression immanent
faux émotions ou 4 la peinture. Parler du langage scientifique,
c'est simplement restreindre V'acception du mot, qui en
vient 4 signifier «langue spéciale+; quant au ‘langage-
machine (de méme que le langage documentaire), il est un
langage artificiel, purement écrit, qui utilise un symbolisme
és voisin de celui des mathématiques.
Certes, il sera du plus haut intérét de comparer le
langage humain 4 d'autres slangagese (codes, systemes de
signes, signaux et symboles) soit pour des raisons pratique
soit dans une reflexion théorique. En ce sens, le langage
humain appartient a la classe des systémes de communica-
tion, et Von appelle séniologie ou sémiotique la discipline
gui se propose d'etudier les signes au plan le plus général
Cependant, le signe linguistique a une spécificitéiréductibl
et objet de la linguistique, c'est-i-dire le langage humain,
n'est pas un systeme de signes parmi d'autres
Langage et communication
Si Von veut a la fois dégager et comprendre les carac-
‘éristiques du langage humain, on devra partir de la fonction
centrale du langage, qui est de fonder et d'assurer la
communication. Pour gull y a communication, fu
Su moins deux interlocuteura, dont Tan, que nous 3
ferons le lcuteur, est emetreur, et V'autrey Vaucitear et
reeepreur. Il ext bien emtendu que, au cours d'une conver
sation, le locuteur devient audieur et Pauteur locutcur
Bien plus, au moment ou il parle, le locuteur est son propre,
puciteur et Tauditeut est un locuteur varuel gui a pst
Encore exténiorise sa réponse. On pourra cepresenter lt
situation par un schema (igure 1), et afin de bien maruet
le caraciere complene de fa relation enue interlocuteu,
on pourra completer par un autre diagramme (gut 2),
Fig, 1 et 2 — Situations réciproques du locuseur et de Cauditu.
Ce second schéma permet de dégager certains fats
importants, quelque peu hétérogénes, il est vrai, mais dont
ilest utile de faire l'inventaire: il y a toujours interference
partielle entre émission et réception dans Vacte de com-
munication; il existe en particulier une rétroaction de
Maudition sur la phonation, et un effet des habitudes
articulatoires sur le repérage acoustique des sons émis par
la personne en face; dans un autre ordre d'idées les figures 1
et 2 montrent que le monologue est toyjours, en fin de
compte, un dialogue; on voit également que le dialogue
risque de vier au monologue, bref, qu'il y a toujours circulae
rité partielle, clest-i-dire des pertes dans la communication.
Cette communication n'a lieu que s'il y a intention de
signification, et cette volonté d'utiliser le langage en tant
qu'instrument de relation avec autrui est essenticlle a la
pratique normale d’une langue. Mais on peut préciser que
Tout echange vocal suppose une viste des interlocuteurs,
le désir de s'exprimer, d’exposer, de jouer, de commander,
agit, avoir un effet sur les autres (0 sur soi-méme enant qu'autre). Ajoutons enfin que toute communication
“insére dans une sisuation, au cour de laquelle se trouvent
es sujets parlants. Cette situation, que [on ne saurait
cerner dans sa complexité infinie, comporte ecpendant des
‘ariables, ou trans situationnels, qui sont de deux ordres:
ertains ‘sont des traits du moment, particuliers a telle
reeasion. Bien quiextra-linguistiques, ce sont eux qui
Jonnent une partic de sa signification au message: quand
e dis tu, cela veut dire «la personne que j'ai en face de
noi quand je_parle+; hier signifie «le jour qui précéde
Iwiourd’huis; Jean se réfere a telle personne bicn connue;
i quelqu’un vient de sortir et si je dis: + Il a lair ennuyés,
I renvoie 4 cette personne. Si vous voulez vous promenet
xc qu'il pleuve, en regardant Je ciel, peut-dtre direz-vous
Zute et votre interlocuteur aura repéré le trait situationnel
qui est ici pertinent. D'autres traits sont, d'un point de vue
enéral, des invariance qui caractérisent les sujets parlants
m situation, mais, étant donné la diversité des langues,
on peut considérer que ces invariants sont réalisés dans
chaque langue naturelle de fagon variable: ainsi Ton est
‘Gr qu'il existera un systéme des personnes dans toutes
ies langues; qui plus est, ces systémes pourront tous étre
amends a une structure fondamentale. De méme, il existe
ane différence foncitre entre ce qui est en situation (ow
‘ioment oft nous parions) et ce qui est hors situation ou que
on pose comme tel: ainsi le style indirect, la modalité
éventuelle, Vireéel, linterdiction, pour ne prendre que ces
exemples, s'opposent 4 ce qui se déroule en ce moment,
gue l'on décrit, que l'on constate. Cela ne signifie pas qu'il
existe un stock universel de concepts, issus d'expériences
communes a tous les humains, et que ces concepts seraient
enfouis dans toutes les langues du monde of il suffirait
de les déterrer! Le probléme est, nous le verrons, autrement
plus complexe, pour la raison’ essentielle que ie langage
n'est pas un décalque de la réalité. Mais il ne saurait exister
tune théorie du langage qui nicrait l'ancrage des langues
naturelles dans des situations. Patler, c'est utiliser une
technique specifique qui permet de sadapter & des situations
toujours nouvelles, c'est appliquer un systéme de signes
généraux 4 des ‘problémes individuels et particuliers.
D’oi le langage tire-t-il cette souplesse et cette puissance?
Comment peut-il étre stracturé sans étre rigide, stable sans
Gre labile? Une partie de la réponse découlera d'une
analyse des invariants que, par-dela les variations, l'on
retrouve dans toutes les situations. Ces invariants, qui sont
constitués par les relations des sujets entre eux et avec le
milieu, doivent étre en nombre élevé mais fini, et se com-
binent vraisemblablement selon des régles que nous com-
‘mengons 4 peine a entrevoir. L’autre partie de la réponse
‘nous sera fournie par l'étude de la structure et du fonction
nement des langues naturelles.
Codage et décodage
Poursuivant notre analyse du langage en situation,
essayons maintenant de décrire ce qui se passe lorsque deux
ee a sd eee
sae eee Cet Peo ane
ee See cee eae
ia seer eae ate car oe
ea ae
par un schéma (figure 3).
yesene
422. Expression (locuteur),;
Fig.) — Pour poser du locate & Pandit lemesogee code dod
La figure 3 marque bien que les opérations d'encodage
et de décodage sont dissymetriques et non symétriques
comme on imagine trop souvent. Cette dissymetrie ert
évidente si l'on considére les canaux utilises: Te locuteur
articule, lsuditeur écoute. Mais on peut aller plus loin
encore: en effet, le locuteur, qui parle pour étre compris,
utilise la. redondance inhérente au langage. Nous parions
ici de redondance au sens strict du terme: toutes les langues
naturelles, qui sont le produit d'une évolution millenaize,
sont bities pour assurer la communication dans des condi
tions diffciies. Que l'on pense en effet aux obstacles:
bruits, interruptions, ruptures de construction, chute
attention, distance, capacité restreinte de la mémoire
immédiate, Emotion, sans comprer la nécessité de présenter
en succession, done dans le temps et de facon linéaire,
tun énoneé qui forme un tout et que I'on ne peut trop
ramasser, car, a étre trop économique, on devient obscur.
Or, admirable, c'est que l'homme s'est forgé avec le langage
tun outil de communication tout a la fois maniable et sOr;
toutes les langues, en effet, présentent un équilibre entre,
d'un cété une économie dans lagencement qui faclite
Vapprentissage ainsi que le maniement du langage, et,
de lautre, une cedondance qui assure Ia sécurité et est un
véritable systeme précorrecteur d'erreurs. Il existe ainsi,depuis la plus petite unité jusgu's la plus grande (du
phonéme a T'énoncé) un jeu complexe de contraintes,
Se relais, de combinaisons en chaine, de signes de demarca-
tion, qui facilite le decodage. Ajoutons que, quand nous
parlons, nous employons aussi la redondance au sens
banal du terme, afin de nous faire mieux comprendre,
par la simple reprise et la repetition,
dans état actuel des recherches.
Le code est ce qui, malgré des pertes inévitables,
assure le passage de |, 414, ce qui est commun au locuteur
e¢ a Pauditeur. 11 peut etre décrit comme un ensemble fini
d'unités et de regles de combinaison qui permet de trans-
former puis de véhicwler de l'information. Mais l'on
Slapergoit aisément que le recours au concept de code ne
permet pas de résoudre tous les problémes: si L, est le
message (ou, en d'autres termes, la sequence sonore qu'un
sujet émet et que l'autre regoit), lencodage (1, — L,) et le
décodage (L, —1,) sont, eux, propres 4 chacun des intérlocu-
reurs. En bref, nous possédons tous notre code & nous, qui ne
correspond que partiellement a celui des autres. Doi des mal-
entendus, un sentiment parfois douloureux d'incompréhen-
sion, le mur que dressent certaines maladies mentales; mais
aussi la possibilité de eréer dans et par le langage, qui, de
simple instrument, devient alors materiau poetique. Comme
on fe voit, le terme de code devrait étre employé avec une
ceruine prudence, puisque nous ne savons rien sur les
points 1, et ly entre lesquels se situe Lay et que le langage
Comporie, oltre. une structure codique commune, une
marge d'approximation, un +jeus, que l'on ne saurait, par
simple commodité, mettre entre parenthéses! Ajoutons que
cee structure codique est elle-méme une structure com-
plexe, c'est-i-dire un ensemble de systemes de relations
(par exemple, relation extrinseque des unités d'une langue
avec la réalité extra-linguistique; relations intrinséques
entre unites a 'intérieur d'une langue, cette classe de rela-
tions se subdivisant elle-méme en un nombre élevé de
sous-systémes). Pour cette raison, nous dirons, en employant
Je pluriel, que le langage comporte des structures codigues.
Unités distinctives et unités significatives
Avant d'aller plus loin, il nous faut considérer quelques
autres propriétés spécifiques du langage humain. En
premier lieu, le langage comporte une double articulation:
toute langue se compose d'un inventuire fini unter
phonigucs, en clies-mémes depourvucs de sens, mais gut
Setvent 4 former dos unites de rang supérieur’ qui, elles,
Sont significatives. Aimsi, le mot pas, phonetiquement pa |
est composé dep) et de 3:3 rameau ramoi se décompose
en in vay 'm) sor. Comme, en outre, ces unites (ou
phonemes) permettent de différencier des mots qui sont par
ailleurs homophones, on les appelle des unites distinctive:
(ainsi, c'est Ia distinction ix/-.g/~i$i qui permet de différen-
Gier les mots rdieau, géteau, chdteau; respectivement, en
graphie phonétique / ato), ‘gato), /Satol),
Une deuxiéme caractéristique des unités phoniques est
qu'elles ont une réalité articulatoire et acoustique: ce sont
des unités discrétes, c'estni-dire discontinues, transmises pat
ua continuum sonore. Un troisiéme point est fondamental:
si les phonémes peuvent fonctionner comme unités dis
tinctives, c'est parce qu’ilss'opporent les uns aux autres dans
‘un systeme de relations. Un phonéme ne vaut pas comme
‘unité isolée possédant une substance phonique, mais comme
diement d'un ensemble structuré of chaque terme se
distingue des autres par la présence ou absence d'un trait
(ainsi, du point de vue articulatoire, /p/ et /b/ sont des
cclusives labiales non nasales, 4 la difference de /f] et /v/
Qui sont des fricatives labiales non nasales, ou de /t) et /d!
Qui sont des occlusives apicales non nasales, etc.; quant
4 Ip! il oppose a /b/ comme une consonne sans vibrations
glottales par rapport a une consonne & vibrations glottales).
Il importe de bien comprendre que seule existence d'une
opposition fonde lexistence d'un phonéme: rien, en francais,
ne permet de distinguer deux mots selon la prononciation
du r (grasseyé ou roulé, pour employer des termes courants);
fon n'a done affaire qu’a un seul phonéme, En arabe, 2u
contraire, la distinction est pertinente, c'est-idire quelle
permet de différencier deux mots: on posera donc deux
Phonémes.
Le caracttre économique du langage apparait ici
rnettement: parmi les innombrables sons que les organes
phonateurs permectent d’émecire et de repérer, parmi les
mnilliess de combinaisons postibles, chaque langue exploite
lun systéme phonologique qui comporte, en gros, une qua-
rantaine d'unités distinctives. Ces unités sont, en régle
générale, aussi distantes que possible les unes des autres,
Ge qui assure une plus grande sécurité dans la transmission,
Grice a ce systime phonologique et @ des régles de
composition qui changent de langue 4 langue, il est possible
de fubriquer par combinaison de phénoménes un nombre
illimité dunités significatives. Crest parce qu'il comporte
ces deux niveaux — unites distinctives ec significatives —
‘que lon parle de la double articulation du langage.
On appelle signe toute unité significative, et Yoo
prendra garde de ne pas confondre les signes et les mots.
‘Quand on décompose une séquence qui forme un rout,
‘on part d'un énoncé que l'on analyse en unites de rang
inférieur, jusqu’d ce qu'on aboutisse & une unité insécable,
(On aura ainsi la phrase, le groupe (par exemple: le livre qui
cst sur la table); Ia proposition, le syatagme (par exemple:
le chapeau de Pierre); le mot (souvent bien difficile & définir);jn le mondme, qui est la plus petite des unités signifi-
Wes (ainsi la forme verbale chantions comporte trois
vnemes, la racine chant-, le signe temporel -Ir et la
‘inenee personnelle -ons). Chacune des unités énumérées
at ie appelée un signe.
Signifiant et signifié
Le signe linguistique comporte un sienifant (ou suite
segments sonores) st un ngmife (ou valeur semantique),
La relation entre le signifiant et le signifé est arbitraire,
ne contingente; cest 1d que le signe linguistique se dis
gue nettement’ du symbole, o@ i existe une relation
Gessaire entre forme et contenu (que l'on pense par
emple au Z qui indique un tournant dans le code de Ia
tte), Est-ce a dire que les langues n’utlisent jamais de
focédés symboliques? Certes non, car nous connaissons
lis certaines imitations sonores, des formes expressives,
‘nous percevons vaguement que les sons recélent parfois
se puissance eymbolique (0 évoque la rondeur, i la
fitesse, etc). ID reste que Ja part du symbolique dans le
gage humain est infime. Le signe se distingue en outre
signal, car ce dernier est global et marque une relation
jentée (on a d'un cété le signal déclencheur et de l'autre
ffet; en ce sens, le signal est toujours signal de quelque
of et sabolit dans le résultat produit). Aw contraire,
Signe linguistique est un substicut auronome de la réalité
tralinguistique.
que le signe linguistique est autonome revient &
jrement une correspondance
‘bjets+ du_-monde extra-linguistique, et ceci pour des
isons muleiples: d'abord parce que chaque communauté
vprehende la réalité de manitre différente selon ses
soins, ses techniques, sa culture, ce qui incerdit de poser
1 gigantesque invencaire universel 'objets, dont chaque
gue serait simplement la nomenclature; ensuite parce
ae le langage a été construit & partir d'activités humaines
Jon une combinatoire qui admet des solutions multiples
es solutions se rencontrent dans es diverses langues
iturclles); enfin, si Ton posait que le langage refiete,
>int par point, univers, cela signiferait que le langage ne
rit plus 4 V'abri des fluctuations. Que l'on s'imagine ce
2i se passerait si I'on eréait des signes pour chaque situation
ouvelle! L'autonomie du langage fonde sa. cohérence;
1s autonomie, les langues seraient le jouet de histoire
sa forme la plus contingente, le rcflet immédiat de
Iriations imprévisibles qui détruiraient la compréhension,
1 alors, il faudrait que le langoge se fige dans la rigidité
uun systéme de communication rudimentaire. En résumé,
est de son autonomie que le signe tire sa puissance de
ineralité, son caractére adaptable, son aptitude 4 se
ombiner, @ étre hérité ct transmis, sans étre cependant
amuable, Mais, objectera-t-on, n’existe-t-il pas un paral
lisme socio-linguistique, une langue ne refiéte-teelle pas
Le terme de langage applique 4 toutes sorter de réalits gd prévn
erbale le point corm de sere tr
Imatire im mestage. Pour prendre dx examples riparts par s0 deen,
Tes idéogrommer der Exyptions clr rigneux du code de a route ont
lu contenu semantiqu, cares, mais Wobeiiem pos ous loi dv dicour,
dans son lexique et jusque dans sa grammaire une culture
spécifique? Certes, chaque communauté se forge des
termes qui récapitulent une expérience parsiculiere: par
‘exemple, le home des Britanniques, le gemilich et le ruchrig
des Allemands, l'adjectif engagé ow le concept d'avantegarde
fen francais, ou encore, en bulu, langue bantou du Cameroun,
Te verbe si important -sée qui signifie «acquérir richesse ou
influence ou pouvoir grice a la puissance d'un vis (are
surnaturel qui hante un individu et peut devenir dangereux
Si ce dernier Iui est ou lui devient inférieur en énergie
Vitale), Mais l'on aurait tort de surestimer importance de
tels faits, qui ne concernent ni la masse du lexique, ni la
phonologic, ni la grammaire. On peut ne pas avoir de
distinetion de genres dans sa langue et savoir pourtant
due les sexes existent!
Correspondance entre le langage et le réel
Cependant, il serait aussi faux denier que le langage
ccomporte des traces partiellement réflexes de son utilisation
‘quotidienne dant des siuations concrétes. Si les langues
raient totalement autonomes, si elles étaient des consiruce
tions arbitraires, elles ne pourraient pas s‘appliquer 4 laLiarbre géndalogique des langues humsines reste une hypotheve conceaée.
réalité. II faut bien qu'il y ait une correspondance complexe
entre ie langage et le +non-langages, pour que le premier
porte et morde sur Je second. Nous retrouvons dans toutes
les langues ces imbrications entre: 1) des structures formelles
qui fonctionnent de fagon autonome; 2) des systémes de
relations et de regroupements qui appartiennent aux
logiques naturelles; et 3) des découpages notionnels qui
proviennent tout droit’ de la réalité extra-linguistique.
Ainsi, en frangais, certaines régles d’accord appartiennent
au premier domaine, purement formel (par exemple:
Je dis qu'il fait beau |’ je disais qu'il faisait beau). Mais le
méme verbe + faisaite peut ére employé pour designer le
non-actuel (s'il faisait beau en ce moment - mais hélas!
il ne fait pas beau ~ je serais heureux; et de méme: Fil
Jaisait beau demain, je serais heureux) et cette utilisation du
Temps passé, c'est-i-dire non: présent, pour se référer au
Ronvactuel, fait partie des groupements de la seconde
‘catégorie (est-il besoin d’ajouter qu'un tel emploi du passé
fest attesté dans de trés nombreuses langues?). Enfin, dans
la phrase: hier il faisait beau, V'imparfait renvoie cette fois &
la sphére du passé et a donc un contenu notionnel qui
représente la réalité extra-linguistique. La différence entre
les points 2 et 3 apparait clairement si l'on considére
Ménoncé suivant: Demain il faisair beau, énoncé complet,
bien forme du point de vue grammatical, mais insemss
1 Suabe de le fare prccedse deny particule hypothetae
Qui nous situe dana. le nonactueh pour qué. Venoket
dlevienne’ sensé Gi demain il fasait Beau. mals aloes
2D ese mal forme dans la mesure ou il ew incomplee De
mime, le genre eat un procedeclassifeatare Gul pest
ire selon ngs pe ou moins forme aee er
Fauteil jouter que cette urwture complexe maf frreneat
scolaire, par Temploi une tcrmipolopc.inadegeste oe
Ineertaine qui ose entre la forme, Ta fonction et le sens?
On entrevoit maintenant la complexité des relations
qui existent entre le linguistique et l'extra-linguisuque et
Ton comprend le danger qu'il y a a dire que les langues
refletent la réalité, puisque le concept de teflet est associé &
Vidée d'une image symetrique et ponctuelle! Si "on veut
Poursuivre la métaphore optique, mieux vaut poser que le
Tangage est refringent, qu'il relracte la realite (Vangie de
réfringence pouvant varier selon les classes et les catégories).
On se gardera cependant de conclure que toute langue nous
enferme dans une vision unique du monde et entraine avec
tlle une philosophie. La philosophie peut prendre sa source
dans une réflexion sur les structures et les catégories de
felle langue, mais toute les expericnces mentrent que notre
langue maternelle ne nous conditionne pas aussi fortement
qu'on a bien voulu le dire,
Une autre propriété du langage est de permettre les
riations fines qui naissent du désir des locuteurs de
S'adapter & autrui @ la situation, et de modeler leur message
selon leurs intentions, Tour cela fait partie incégrante de la
pratique du langage et nous avons toujours & notre dispos
tion un jew de formes, de méme qu'un certain jeu dans la
munipulatioa de ces formes: actif ow passif, intonation aux
‘courbes variables, mise en relief de tel élément de l'énonce,
choix de tel terme, glissements méraphoriques, ambiguités
volontaires, toute cette modulation ne serait pas possible si
Jes langues naturelles n’avaient certains caractéres qui leur
appartiennent en propre. Ainsi, routes les langues sont
ambigués; on peut, selon l'occasion, étre rigoureux et aussi
univoque qu’Euclide écrivant sa Géométrie, ou aussi habile
et équivoque qu'un sophiste. Que l'on pense 4 l'ambiguité,
par exemple, d'une phrase comme: Je lui fais écrire une
Jetire (sje lui demande d’écrire une lettre» ou. +je demande
qu'on lui éerive une lettre»); que l'on songe aux calembours
et autres jeux de langue...
De méme, le langage permet des étagements compliqués,
puisqu’on peut toujours I'utiliser pour parler sur le langage,
Tapporter les paroles d’autrui grice au style direct, indirect
ou indirect libre, reprendre un mot mal compris, retrans-
mettre un message... C'est la un trait qu'on ne trouve
jamais dans la communication animale.
Une autre caractérstique du langage humain est d'éte
génératif: avec un systeme d'unités distinctives en nombre
Timité et un nombre également limite de régles de com-
position, on peut »génerers un nombre illimité d'unités de
ang croissant (mots, phrates, ee). Toutes les langues ontde méme, la propriété d'etre réeursives; co terme signifie
quel’on peut insérer une suite, en théorie, indefinie, d'unites
cn certains points de la chaine, Ainsi, a céte de: le garzon
ue dans le jardin, je peus avoir: le garcon [de Thomme gud
sbite la. maison gui se trouve prés du [ae (...)} joue dans le
Jardin; ou encore: je vais chez moi pour chercher de Pargent
(pour acheser um journal pour connaitre les nouvelles pour les
annoncer (..|. Enfin, seuls les humains peuvent joindre
eux unites, improprement appelées en francais suet et
verbe, afin de former un message complet, seuls ils peuvent
oncer un terme dont Wexistence est alors impliquée par
|a situation (ainsi, dans de nombreuses langues, om pourra
te simplement neige pour il y a de la neige, 4 la difference
de lanimal qui devrait, Iui, apporter Mobjet concerné afin
en indiquer existence),
Le réle institutionnel du langage
Instrument de communication, le langage est social par
definition. TI n’existe pas de société humaine sans langage
evil n'y a pas de langage la of il n'est pas possible de com=
muniquer (chez les sourds-muets, I surdite entraine la
mutite). Bien plus, le langage joue dans la vie sociale un
réle médiateur: 1) Tl assure la cohésion du groupe (dont il
véhicule la culture et qu'il distingue des groupes allophones);
que l'on songe, 4 ce propos, 4 l'importance des questions
linguistiques dans la vie des nations! De fagon inverse,
on sait que Ia cohésion de la communauté se refléte dans la
langue: dés que le groupe se distend, ou plus simplement,
chaque fois que Ia communauté est diversifige (selon les
classes sociales, les activités techniques, T'origine géo~
graphique), a langue se fragmente et devient plus hetcrogene,
2) Le langage 2 une fonction institutiennelle (communion,
{ebou, magie, etc.) grice a la puissance attribuee a la parole
ct a des codes stéréorypes de conduite rituelle qui allient
le verbe et le geste. 3) Le langage permet Mintegration,
ou du moins insertion, du sujet dans le groupe, socialise +
etre humain, et, par son caractére transinaividuel, régularise
nos conduites et notre adaptation a aurrui,
Tout cela permet de définir le langage comme une
instintion: comme toute institution, il est préetabli et
ransmissible, il est une donnée que le nouveauené trouve
devant lui et’ qu'on lui légue. Une langue est un véritable
objet, un produit au sens fort du terme, qui accumule
et _généralise l'expérience socio-historique d'un groupe
dhhumains. Comme toute institution, le langage suppose
lun comportement individuel 4 l'intérieur d'un cadre, une
attitude de rejet_ou d'appartenance, une pratique par
laquelle le sujet parlant s'approprie l'objet institutionnel,
en Vadaptant a ses besoins, Par la, le langage, comme les
auttes institutions, n'est jamais fixé, mais il évolue, 1
n'existe pas de langue qui ne change pas, une langue figée est
tune langue mort.
Marquer le caractére institutionnel du langage, c'est
aussi faire ressortir que la pratique d'une langue implique
4 defini, car Pusage n'est jamais Romogene: nous changeone
én effet tous de repstre ou de niveau de style, scion Is
situation ou selon notte interlocuteur. Fautil alors secret
aue la norme sera fondée sur Tusage moyen, cesteidire
Tar Je conn de ts majorite? Comment eeabineson
cette somme de comportements linguistiques? Pat des
dénombrements? Ou demanderacr-on 4 un’ groupe de
veiller a la pureeé de ta langue, de la proteger conve les
Eears et let emprants? Av vrai dite, note langage. eat
Gui puissent se permettre der deviations, neers: furl
Aiouter que, méme dans ce cas, la sorieté opie ent Ta
sanction (incomprehension, moquetie, punition) et fapices
Sation lorsque Técare ext plaiant ou. produit un’ et
esthetique). Entre ees deus Bornes, ise trouve une sone
on aeeepte un. enone, meme’ s'il" ne correspond ‘pes
tout a fait Ala penate coutumicre ou A ls grammatre atin
En fait la orme implique tne marge de teletance, comment
pourratsl en tre” autrement, puisque les Tanpuee. cont
ij en conten ue ie, Sscn eles conaion
changent, que les “géndrations.transforment le lane
legue, et que parler, c'est justement pouvelr fabsiquar cee
La description d’une langue
Pour décrire une langue, le linguiste commence, dans
Ja plupart des cas, par établir ce qu'on nomme un corpus,
et qu'on definira comme un ensemble de textes (oraux ot
crits) aussi homogene que possible. Il est vrai que homo-
ggenéité est malaisée 4 définir et 4 atteindre, mais on doit
eviter de mélanger les Epoques, les régions et les registress
bref, on posera le concept d'une langue moyenne.
Cet grice det deus
2 pu, seul de tout
rmiguer set pons
dss vibrant au fond de a gorge que homme
‘animans, edifier le rystome gut tnd permet de come
{fitece les plus absirites fel. Dr Vallancien)On distingue souvent, inand de Saussure,
la diachromie et la synchroniz, L'etude diachronique s'occupe
de l'évolution d'une langue; quant 4 la synchronie, elle
peut éire assimilée a une coupe horizontale. Décrire une
langue d'un point de vue synchronique, c'est en étudier [a
structure 4 un moment dong, avec routes les innovations
en train de poindre, les systémes en train de se defaire,
Jes solutions de rechange qui s'amorcent: il faudra décrire
Je rendement de telle opposition (par exemple 'opposition
pi-ibi, qui fait partie d'une corrélation de sonorite, a plus
importance en frangais que Vopposition é/-/a/ qu'on
trouve entre brin et brun). A Vinterieur de ia synchronie,
‘on pourra distinguer pour tel réseau de formes (pronoms
personnels ou systéme verbal par exemple) un tar dans
lequel on fera abstraction des petits écarts pour étudier un,
systéme ven équilibres.
Les problémes que pose analyse des langues se
situent a des niveaux différents. Il peut s'agir, dans le cas
d'une langue rotalement inconnue, d'un veritable travail de
décryptage, fondé sur des procédures rigoureuses de
description. Nous n'entrerons pas dans le detail des pro-
Dblémes méthodologiques et techniques: marquons simple
ment que le descripteur commence d'ordinaire 4 tous les
niveaux a la fois (premiére et deuxiéme articulation,
grammaire et lexique), mais il s'efforce de degager le plus
vite possible les unités dont Vinventaire est limite (pho-
némes, pronoms personnels, formes verbales, etc.) ainsi
que les schemas de combinaison. Ce qui est essentiel,
Crest que le linguiste épure sa recherche de tous les pré-
Supposés psychologiques et linguistiques qui risqueraient
de fausser les résultats. Les seuls instruments dont il
dispose sont (en commencant par les plus discutables) une
‘ule affinée, son flair, le sentiment des sujets autochtones
Quill interroge, mais surtout s2 connaissance théorique des
roblemes linguistiques et des procédures codifiges de
Sécouverte, La seule référence au sens sera soigncusement
réglée par un double critere: d'un cote, y ail presence
fou absence d'un sens? (Question qui se scindera elle-méme
en deux parties: a) 'énoneé est-il bien forme ou non du
point de vue syntaxique? b) a-til un sens ou non? La
reponse a la premiere question ne pourra étre fondée que
SUr un consensus et comportera une marge de tolerance
plus ou moins grande; quant 4 la réponse a la seconde
Question, elle suppose une problematique plus complexe,
que nous ne pouvons aborder ici). Le second eritére employe
par le linguiste se résume en une question: quand on fait
varier une unité dans un énoncé, ou quand on compare deux
unités (phonémes, mots, phrases, etc.) identiques @ une
variable prés, entraine-t-on une modification du message?
En bref, a-t-on identité ou différence de sens?
Le linguiste se contraint a pareille rigueur non point
par purisme ou pour se donner des apparences d’exacutude
Scientifique, mais parce qu'il sait combien la structure des
langues peut varier d'une maniére inconcevable pour le
profane, combien il est facile de projeter sur une autre
Tangue des catégories qui appartiennent en propre a la
langue maternelle du descripteur, ou encore des catégories
de pensée que Ton croit universelles. Nous avons pour
ccertaines langues des descriptions qui different partiellement
selon que le descripteur est un missionnaire protestant
(anglo-Saxon) ou catholique (de langue romane), Et maintcs
fis, un ignorant a accuse de confusionnisme mental des
indigenes qui avaient le malheur de ne pas posséder dans
leur langue les catégories du descripteur européen!
Liimportance de ces descriptions est immense, tant
sur le plan pratique que sur le plan théorique. C'est grice
a ces donnees, elaborces en fats scientques, que la lin-
guistique pourra dépasser le stade de la simple collection
Gevenir une science au sens fort du terme, En particulier,
iWimporte de fonder une linguistique predictive qui, grice
4 des regles de déduction, pourra, par-dela la diversite
foisonnante des langues, “dépager les invariants ct let
combinaisons probables. Le probleme n'est pas ici dabou-
tir & une grammaire générale gui serait fondée sur T'ilu-
sion d'un paralléisme logico-grammatical dans les diverses
langues, mais de rechercher s'il existe une combinatoire
syataxique et une combinatoire sémantique grice auxquelles
on pourrait faire des generalisations. Car enfin, le problime
auquel doit faire face le linguiste est le suivant: d'un e816,
chaque langue est structuree de fagon spécifiques de autre,
le simple fai que nous puissions apprendre d'autres iangucs,
gue la comparaison est possible, que on peut utiliser une
Iingue pour parler d'une autre langue — tout cela moatre
que les langues sont analogiques les unes par rapport aux
atutres. D'oi la nécessité de régles de transfert (passage d'une
langue 4 Mautre) et de comparaison, en vue d'établir une
typologie linguistique. Pour ce faire, on a besoin d'une
Tangue d'analyse — ou metalongue — aussi rigoureuse que
possible, voire formalisée, afin d'eviter les contaminations
e_sens (que Ton pense, par excmple, @ la redoutable
ambiguite d'un terme grammatical comme le mot francais
pritent, qui pour beaucoup de gens signifie uniquement
tle temps du moment présent » alors que le prétent, temps
grammatical, peut fonctionner au passé, aV'actuel, a Paver
ou 4 l'intemporel: Hier, je me promenais quand je rencontre
tum frér, il me dit; En ce moment, eras; Demis Je pars
Ging heures. Le soleil se love’ Psst.) Ul faut done
uuliser une terminologie qui soit fondee suc des systemes
de relations, en se rappelant que le singulier n'est pas nécese
Sairement Funigue ct le pluril le multiple, que’ de ute
fagon le singulier n'existe et ne vaut que par rapport au
plusiel et que, pour prendre un autre exemple, une langue
ui n'aurait qu'un seul genre a'en comporterai aucun.
Nous avons mis I'accent, ci-dessus, sur des langues
ites exotiques, c'est-i-dire des langues qui apparaissent
insolites 4 I'Européen moyen, mais il faut souligner avec
vigueur que des langues telles que le francais, anglais,
le’ russe, allemand, sont, tout compte fait, aussi mal
connues que les langues lointaines. Parce que ce sont des
langues de grande diffusion, depuis longtemps fixées dans
lune forme écrite, nous les croyons décrites: leur importance
culturelle, en particulier dans le domaine littéraire, une
tradition de l'analyse grammaticale, Vabsence méme de
distance a leur égard ont conduit les linguistes, les ensei-
Bnants ou les médecins (pour ne prendre que ces trois
Broupes) d de singuliéres illusions!Les modéles d’analyse linguistique
Les modeies qu'emploie le linguiste dans son analyse
sont de trois ordres. Le premier comporte deux axes ortho
iponaux, avec un axe premier horizontal (ave synlagmatigne)
ui est axe de combinaison des unités. On comprendra aisé~
rent que chaque unité pourra étre définie par lordre qu'elle
Sccupe dans T'énonce ct par sa distribution (c'est-8-dire la
propriéte de pouvoir ou de ne pas pouvoir se combiner avec
felles autres unités), L'agencement des unités dans les sequen
tes est regi par un jeu de dépendances et de contraintes
fregles d'accnrd par exemple) ainsi que par des régles de
coniraste (par exemple syllabe accentuée-syllabe inaccen-
fc). L’axe vertical (axe paradigmatique) est au contraire
Vraxe des substitutions; en effet, cn un, point donné de la
chaine, on peut, par substitution, commuter une unité
avec d'autres (figure q/. Cos unités sont mutuellement
exclusives, puisqu'il faut choisir Pune d’entre elles, et elles
forment une classe d'équivalence dont les léments ont
‘une proprieté commune (syntagmatique, semantique, etc.)
Chaque clement se distingue des autres par un trait (trait
de determination, trait de personne, ctc.). Ces classes
peuvent comporter un nombre illimité d'éléments (par
smple chat, chien, ete.) et l'on parle de classe ouverte;
ou au contraire un nombre fini d’eléments (mon, tom, son)
et on parle alors de classe fermée. Chaque élément a une
valeur par rapport aux autres, et l'on appelle systéme un
réseau de valeurs, I] nlexiste pas de difference essenticlie
fentee grammaire et lexique, mais on peut, pour simplifier,
poser que les unités grammaticales s’organisent en systémes
clos, tandis que les unités lexicales appartiennent 4 des
inventaires illimites et forment done des systemes ouverts.
ia a8 pleure [9 | mange
He a ja mange |
men tare mange b
= enfant BET,
ete. ae
T
Fig. 4 — Modéle d'analyse ner axes ‘ymtegmatigue et paradigmatique,
Le second modéle peut étre comparé 4 un emboitement
4 plusieurs niveaux d'unités de plus en plus petites; cet
agencement de régles forme un ordre partiel que l'on peut
représenter au moyen d'un arbre (gure 5). Comme on le
voit, une phrase est, en francais, constiruée par la jonction
d'un groupe nominal et d'un groupe verbal. On appelle
tchéma la feprésentation formelle de toute unité a un niveau
donné; ainsi, la phrase a pour schéma: phrase = groupe
nominal + groupe verbal. Quand on fait entrer une unité
de rang inférieur dans une unité de rang infétieur, on définit
ainsi la fonction de la premiére unite.
Nivea Phrase
‘Niveau 2: Groupe
(réduit ici a'un syntagme)
Niveau 3: Syntagme
Niveau 4: M
Le frére de Jean mange la pean4: Montene
soups
Fi. § — Modele danolyselngrstigue suru arbre plusieurs nicecus
Le troisitme modéle, ou modéle transformationnel, est
fondé sur le fait bien connu que l'on peut, en partant d'un
Enoneé tel que Jean mange la soupe passer au négatif Jean
ne mange pas [a soupe), & Vinterrogatit (Jean mangestal fa
Joupe2), 4 Vinterrogatif négatif, au passif affirmatif, au
passif négatif, ete, On partira donc de schémas primaires
(par exemple lénoncé minimal du francais sous sa forme
asscritive, active, au présent) et Ton dérivera des rrani-
formées pat V'application de régles de transformation. On.
ercoit l'économie réalisée, puisqu'au lieu d'un nombre
Hlevé d'énoncés, on n'a désormais affaire qu’a un nombre
fini de schemas primaires et de régles de transformation.
Mais comment décide-ton qu'un schéma est primaire?
Grice a des critéres objectifs, mais assez complexes, qui
se fondent sur Je concept de margue: dans un systéme &
deux termes, il existe une relation dissymétrique de marque
entre les termes si l'un dTentre eux (terme non marqué) et
employe soit comme élément eneutres, soit comme le
pendant du second terme. Ce dernier comporte une infor-
mation supplementaire par rapport au eneutres. En bref,
le terme non marqué inclut le terme marque. Ainsi homme
(terme non marqué) signife: 1) ére humain (mile ow
femelle); 2) fre humain de sexe masculin; tandis que
femme (terme marqué) signifie seulement étre humain de
‘sexe féminin, Le concept de marque est fondamental et la
présentation trés schématique qu’on a da en donner ici ne
Goit pas en cacher la puissance. Disons simplement que le
présent est, en francais par exemple, non marqué par rapport
au passé, indicat’ par rapport au subjoncuif, I'affirmatif
par rapport 4 Pinterrogatif et au négatif, etc.” Une trans-
formation est done une opération qui, dans de trés nombreux
cas, consiste & introduire une marque.
Ces trois modéles, de complexité et de puissance
croissantes, permettent explorer et d'expliquer tous les
fits de syntaxe et la production de séquences sonores.
1 resterait enguite & érudier les problémes de significa
tion, dans une seince,sémantique qui nen ext qua ss
debuts, mais qui doit étre au cteur de la linguistique comme
la signification est au cur du langage. ‘A.C.