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Vladimir Poutine et l’enfer syrien

Editorial. La décision de la Russie de ne pas


opposer de veto à la résolution du conseil de
sécurité de l’ONU exigeant un cessez-le-feu
« sans délai » marque une certaine inflexion de
Moscou sur le dossier syrien.
Le Monde
LE MONDE |
26.02.2018 à 11h49 • Mis à jour le 26.02.2018 à 14h41

Editorial du « Monde »

Que peut l’ONU contre « l’enfer sur terre » ? L’expression est de son
secrétaire général, Antonio Guterres ; elle désigne la situation des
300 000 à 400 000 civils piégés sous les bombes dans les immeubles en
ruine de la Ghouta orientale, aux abords de Damas. Première zone à se
rebeller contre la dictature de Bachar Al-Assad en 2011, la Ghouta orientale
est aujourd’hui l’une des rares poches de résistance que le régime syrien,
appuyé par la Russie et l’Iran, n’ait pas encore vaincues. Cible d’attaques
chimiques en 2013, pilonnée sans relâche, elle connaît aujourd’hui, avec le
Yémen, la pire situation humanitaire de la planète. Des enfants y meurent
tous les jours, les hôpitaux y sont systématiquement bombardés. En droit
international, cela s’appelle des crimes de guerre.

Lire aussi : En Syrie, un cessez-le-feu sans illusions

Alors, que peut l’ONU ? Produire une résolution du Conseil de sécurité,


pour commencer. La résolution 2401, adoptée samedi 24 février à l’issue
de pénibles tractations qui ont permis d’éviter un douzième veto russe
depuis le début de la guerre, exige une cessation des hostilités « sans
délai » sur l’ensemble du territoire syrien, pendant un mois, pour
permettre aux organisations humanitaires de venir en aide à la population.
Le texte est évidemment piégé par les limites qui ont permis à ses
négociateurs d’obtenir l’unanimité au Conseil de sécurité : des exceptions
au cessez-le-feu sont prévues pour les combats contre l’organisation Etat
islamique (EI), Al-Qaida et le Front Al-Nosra. A la demande de Moscou,
elles intègrent aussi « d’autres individus, groupes, entités, associés avec
Al-Qaida et l’EI, ainsi que d’autres groupes terroristes désignés par le
Conseil de sécurité ».

Ces exceptions ont immédiatement été mises en avant par Moscou, ainsi
que par Ankara, dont les troupes sont engagées dans la région d’Afrin,
dans le nord de la Syrie. Lundi 26 février au matin, aucune trêve n’était
observée ; selon notre correspondant à Beyrouth, cependant, les
bombardements aériens sur la Ghouta orientale avaient baissé d’intensité
et fait place à des affrontements au sol.

Trump aux abonnés absents

La balle est maintenant dans le camp du président Vladimir Poutine. La


décision de la Russie de ne plus opposer son veto pourrait indiquer une
volonté de Moscou de participer à la recherche d’une solution concertée à
ce conflit vieux de sept ans, qui a fait des centaines de milliers de morts et
provoqué le déplacement de la moitié de la population syrienne. Moscou,
après avoir changé le cours de la guerre en Syrie en y intervenant
militairement en 2015, peine à trouver la porte de sortie. La Russie a sauvé
Assad au moment où son régime s’effondrait, elle l’a protégé contre les
accusations sur l’usage d’armes chimiques, elle a encore limité les dégâts
lorsque, tout récemment, la tension est montée entre l’Iran et Israël en
Syrie.

En s’y impliquant aussi profondément, le président Poutine a fait de la


Syrie « sa » guerre. Dans ce conflit devenu le théâtre des rivalités des
grandes puissances et des puissances régionales, le chef du Kremlin ne
peut guère compter sur les Etats-Unis pour l’aider à négocier une solution :
le président Donald Trump est aux abonnés absents. C’est dans ce contexte
que la France et l’Allemagne tentent à présent de peser auprès de la Russie,
et que le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, se rend à
Moscou mardi. Bonne chance, monsieur le Ministre.

Lire aussi : Syrie : Poutine, Macron et Merkel ont prôné la


« poursuite des efforts communs » pour la mise en place de la
trêve

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