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Conditions du financement optimal d’une économie émergente : lecture de l’expérience marocaine Mohamed ABOUCH Professeur a la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales de Rabat-Agdal Mohammed Elhadj EZZAHID Professeur si la Faculté des Sciences Furidiques, Economiques et Sociales de Rabat-Agdal 1. Introduction © Maroc a initié au milicu des années 80 un train de réformes financiéres dans le but de faire passer économie marocaine d'une économie d'endettement, ot le crédit bancaire joue un rdle prépondérant, vers une économie de marchés finan- ciers oli le financement des investissemenis se fait principalement a travers le marché des capitaux (Abouch, 1992). Est-ce qu’il y était contraint ou avait-il les coudées franches, la question reste ouverte ; toujours est-il que le but ultime de ces réformes Gtait de oréer les conditions nécessaires d'un financement optimal de Vinvestissement et done de la croissance. Par financement optimal, on entend un financement basé sinon intégralement du moins essentiellement sur la mobilisation des ressources nationales. II est Vantipode du finan- cement exo-centré qui a caractérisé les années antéricures a la décennic quatre-vingi durant lesquelles I'effort d'investissement dépendait étroitement des ressources exié- Tieures, A cette épogue, l'ofire des capitaux a l’échelle mondiale était supérieure A ta demande car les banques occidentales regorgeaient de liquidités grace notamment au recyclage des pétrodollars. Parce que du c de lemprunteur, le probléme de condi- tionnalité ne se posait pas, et du c6té du préteur le risque-pays n'existait pas, 'aceés des pays du Sud a ces liquid 1985). it facile. Tls y étaient méme encouragés (Lombardi, Cet accés facile aux marchés des capitaux internationaux portait en lui-méme les germes de la crise car il avait dispensé les pouvoirs publics de mener une politique acti- ve d'encouragement de ’épargne et de développenient dw secteur financier. Ele les avait, en fait, induit en erreur en faisant dépendre le développement de leurs économies de la mobilisation de l'épargne extérieure. | ii par entrainer tous les pays qui ont adopté le méme mode de finant se financiére du début Ges années 1980s La crise financiére internationale des années quatre-vingt a révélé les limites et les insuffisances de ce modéle du financement adopté jusgu'alors. Mais en méme temps, elle contribua A la prise de conscience de la nécessité de repenser les conditions et les sources de financement de la croissance économique. D'un financement exo-centr é, i] fallait ipso facto, passer A un financement optimal accordant une place privilégiée aux ressources nationales.. Ce recentrage implique, entre autres, l'adoption d'unc politique active de réforme du systéme financier dans sa globalite. La réussite d’une telle stratégie, connuc sous le label libéralisation financiére, dépend d'un certain nombre de préalables relatifs a l'en- vironnement économique et aux modalités de sa mise en exécution. Dans ce papier nous allons discuter deux points essentiels, Le premier porte sur les mutations subies par le systéme financier marocain ces demnieres années, ceci nous per mettra de mettre en relief le processus des réformes entamées et d’en souligner Ie contenu, Au niveau du deuxiéme point, nous analyserons Jes implications de ces réformes en matiere de mobilisation de I'épargne et de son affectation aux projets d’investissement. Pour ce faite, nous mettrons Vaccent d'abord sur les caractéristiques d'un financement optimal de l'économie, ct la relation qui existe entre le développement financier et le développement économique. Nous présenterons ensuite la configuration du systéme financier désiré, et les facteurs qui empéchent la mise en place d’un systéme de finan- cement interne développé. 2. Conditions nécessaires d’un financement optimal de I’éco- nomie 2.1. Financement de Véconomie: le modéle extraverti des décennies 1960s ¢ 970s Durant les années 1960s ct 1970s, la stratégie de financement que le Maroc avait adop- tée, s'appuyait sur deux éléments essenticls. Diune part. intervention direete de la puissance publique dans orientation et laffectation des ressources disponibles. D'autre part, la place de choix réservée aux emprunts extéricurs dans le financement de 1’éco- nomie surtout & partir de Ja deuxiéme moitié des années 1970. Une simple analyse des différents plans de développe -constater que les ressources financiéres en provenance de l'étranger avaient an fil du temps, pris une importance démesurée dans le financement de l'économie. Ainsi a la veille de la crise financiére de 1983, les ressources extérieures intervenaient pour presque 50 % dans le otal des ressources utilisées. Le financement externe était facile, bon marché et abondant ce qui avait conduit les pouvoirs publics 4 faire jouer, & court terme, en leur faveur ce que l'on appelle «l'effet de levier financiens, puisque le coat moyen du capital ne dépassait pas 4.2 %, Cependant sur le long terme, ils avaient pris le risque de faire dépendre le développe- “nent du pays sur des sources extérieures de financement dont l'évolution leur échap- pait totalement, L’autonomie du pays s’aménuise au fil du temps pour déboucher, sous Teffet de massue, sur la défaillance. Le deuxiéme élément caractéristique de cette stratégic résidait dans le dirigisme finan- Gier. II consistait on une réglementation rigoureuse du systéme financier. Les pouvoirs publics cherchaicnt, a travers la réglementation administrative étouffante, 2 contréler la fourniture, le coat et la repartition des ressources financitres entre les secteurs jugés prioritaires. En fuit, il est facile de constater, a travers la lecture de la situation d'alors que linter- ventionnisme financier s'exergait dans plusieurs directions, Ainsi, une action sur les faux d'intérét a permis de les maintenir a des niveaux artificiellement bas. L’autre visa- ge du dirigisme financier est application d'une politique diallocation sectorielle des capitaux soit par des enveloppes du erédit, soit par la bonification des taux d'intérét. Comme conséquence de cette politique, one note la spécialisation & outrance des insti- tutions financiéres: les banques commerciales, d'une part, et les organismes financiers spécialisés, d'autre part. intervention excessive de I'Btat et Je décloisonnement du Paysage financier a eu des conséquences sur le degré de concurrence et sur ’efficaci- | TE faut rappeler qu’a Mpoque, le Maroc appliquait le systéme de la planification indicative qui tragait Jes grandes orientations de la politique économique. Cette démarche fut abandonnée & la suite de la crise de T'endettement extérieur au profit des programmes dajustement structurel. Depuis quelques années, on constate le retour de la planification et a creation dun haut commissariat au plan 4 de toutes ces institutions. Cette situation de répression financiére a eu des résultats négatifs sur le développement financier (spécialisation stérile, cloisonnement des ci ciers, atonie de Ja concurrence...) et par la méme sur le dé Le retournement de la conjoncture internationale 4 la fin de la décennie 1970s et ic début des années 1980s s’est traduit par la raréfuction des moyens de financement et une hausse exorbitante des taux diintérét”. Cette situation a révélé les limites du mode- le de financement suivi jusqu’alors et a pouss€ des pays comme le Maroc 4 adopter des réformes en vue dinstaurer une Economic plus libérale et un secteur financier plus a méme d’assurer un financement adéquat de l'économie. 2.2. La libéralisation financiére eau pars Crest a partir du constat dressé précédemiment que l'on pourra mener une réflexion sur les éléments d'une alternative financiére dans laquelle I'épargne intérieure serait appe- lée a jouer um rdle primordial. 11 s'agira de mettre en place des structures financiéres & méme de mobiliser un flux d'épargne important, régulier et de long terme, lequel flux devra étre productivement utilisé. L'enjeu était de taille car il fallait viser, 4 la fois le desserrement de la contrainte extérieure® et la mise en place des bases d'une eroissan- ce soutenable. Quels sont alors les éléments de base d'un financement capable de répondre a cette double exigence? a. Les constituants d's financement optimal L’laboration d'un modéle alternatif de financement doit découler d'une analysé objec- tive des tares de l'ancien modéle. En effet, l'alternative préconisée émane de analyse des raisons de P’échee du modéle interventionniste. Ce dernier se base sur le postulat que des taux d’intérét bas rendent possible un financement moins cofiteux de Pinves- tissement. Cette idée largement répandue et partiellement vraie a fait oublier que les taux d'intérét bas ne contribuent pas & la formation de I’épargne nécessaire au finan- cement de Tinvestissement ; ce qui ne manque pas de se répercuter sur la eroissanee 2 - Le LIBOR est passé de 7,15 % en 1975 4 14,3 % en 1980 il a 6é doublé en Vespace de Sans. 3 - Lobjectif plus cu moins avoué dela restructuration du systéiie financier et des autres seteurs de Tee. rnomie, dans le cadre du PAS était de metire le pays en mesttre de pouvoir honorer ses échéances et done de rembourser sa dette extéricure. Bike approche, qui met en exergiie le caraciere repressif Ge VileWVetition de "Etat, a ‘eonduit 4 la proposition dune nouvelle politique di tion financiére (McKinnon, 1973). ‘Les éléments constitutifs de cette nouvelle dynamique financiére marquent le retour en force dos mécanismes du marché et constituent de ce fait une rupture avec Vordre anté- rieur. Les principaux objectifs de cetie politique sont: Ola libéralisation des taux d'intérét 2 la fois débiteurs et créditeurs. Les taux débi- teurs ne doivent pas se situer 4 un niveau pénalisant pour l'investissement. Les taux exéditeurs devront étre, quant 4 cux, suffisamment attrayants pour l'epargne (Ligeti, 1989) : la mise en place des structures financiéres concurrentielles pour mettre fin au cloisonnement des circuits financiers et faire jouer aux mécanismes du marché le role qui leur revient en matiere de determination du taux d'intérét dléquilibre Gla recherche des moyens adéquats d'intégration de l'épargne informelle aux cir- cuits de financement formel dans le but de réduire le dualisme financier et parvenir terme a oréer un espace économique et financier plus homogéne. Une telle inté- gration est une condition nécessaire méme si elle n'est pas suffisante pour une erois- sance plus réguliére et plus harmonieuse ; (Le développement du marché des capitaux dans le but de développer l'épargne & long terme et de créer les conditions d'un financement non monétaire et stable de Tinvestissement; OV La libéralisation, sur le plan exteme, du régime de change et l'adoption d'une politique active du taux de change dans le but de faire cesser le marché paralléle de devises et endiguer la fuite des capitan et partant favoriser la mobilisation des res- sources en devises Ces mutations finaneiéres ont pour but de remédier aux lacunes des anciens modéles financiers débouchant sur des rigidités au niveau des prix et des quantités des fonds prétables disponibles. Toutefois, l’examen des différentes expériences de libéralisatior financiére a montré que la réussite de cette politique nest pas acquise (Dornbush anc Reynoso, 1989). Plusieurs éléments et conditions devront étre réunis pour que cetic politique atteiene ses obicctifS en terme d’amélioration de l'investissement ct de sti b. Les préalables. La prise en considération dun certain nombre de em aceroit les chances de reussite du processus de libéralisation financiére (EZZAHID, 2003). Nous en discute- rons des plus incontoumnables La mobilisation de l'épargne nationale et son affectation au profit des secteurs produc- tiffs nécessitent la poursuite de politique macro-économique capables de réduire les déséquilibres tant interes qu'externes : le double déficit absorbe une part non négli- geable de l'épargne domestique au détriment de l'investissement productif’. De méme une forte inflation nfineite pas les épargnants et fausse les plans des agents écono- miques, Dans ce sens, Pexpérience de libéralisation financiére des pays latino-amé cain n'a pas débouché sur des résultats probants 4 cause de I'inflation et de Pinstabili- 46 du cadre macro-économique en général (Villanueva and Mirakhour, 1990). Fgalement, pour maintenir un flux d'épargne nationale aussi important que possible, la connaissance des comportements et des réflexes d'épargne de la population s'avére aussi incontounable, car contrairement aux idées regues, des gisements d'epargne importants existent dans les pays on développement. Pour preuve, on peut ci le sue- cs des opérations de privatisation au Maroc depuis 1996 dans la mesure oit la deman- de de titre dépasse toujours largement toutes les prévisions méme les plus optimistes. Lagencement chronologique est un éément tout aussi important et ne doit pas etre sous-estimé. De ect agencement dépend I'efficacité des réformes financiéres engages. En effet, il est risqué de libéraliser le controle des changes sans avoir libéralise les taux dintérét domestiques. De méme, libéraliser les structures financiéres intermes sans Une libéralisation externe, clest amputer 4 l'avance T'impact de la libéralisation financiére (Sébastien, 1987) Pour réussi la libéralisation financiére, une approche graduelle vavére done nécesst> to. Une raforme conduite a la hate ne peut qu’aggraver V’incertitade et Vinstabiite 3 environnement économique. L'expérience a montré, en outre, que la Hibéralisanl® Toil Bi démonut quan Gaoune dice budgStire oblige les atocts pubiqusa &datouner des fons ‘au détviment de l'investissement privé, voir: (Boussetta, 1993) financiére n’est pas un ensemble de mesures & mettre en place en méme temps et d°u seul coup (Abouch, 1999). Elle doit étre mise en place graduellement car chaque vagu de réformes prépare les conditions de réussite de la sui mkcel, 1994) Amsi, avant de libéraliser les taux d”intérét, il importe Tes institution financiéres et en assainir la situation financiére afin de les préparer 4 affronter |; concurrence (Villanueva and Mirakhour, 1990). Aprés ceite étape, il importe d’intro duire des dispositions s"inspirant du marché en ce qui conceme la conduite de la poli tique monétaire. Ainsi, abolition des plafonds des taux d’intérét et celle de Pencadre ment du crédit ne devront étre introduites qu’aprés la mise en place des condition: préalables afin d’éviter les effets pervers de ces mesures (Alawode and Ikhide, 1997 p. 267). La séquencialisaton répond donc a Pobjectif de la pradence ct du raffermisse ment des différents segments du secteur financier. Dans ce cadre, il est largemen Teconnu que la création et ’approfondissement d’un marché des instruments de dette ¢ Court terme constitue une condition nécessaire au lancement d'un marché financic} Pour I’échange des instruments couvrant des échéances plus longues. Aprds ces Ale. ments théoriques, il importe maintenant de discuter l’expérience marocaine. 3. Evaluation de l'expérience marocaine: Vimpact du proces- Sus de libéralisation financiére La référence a 'expérience du Maroc va nous permettre a la fois d'llustrer la problé- muatique développée précédemment et de porter un premier regard sur les facteurs qui font que le processus de libéralisation financiére n’a pas débouché, en torme de mobi- lisation de I’épargne, de financement de T’investissement et de stimulation de la crois- sance économique sur les résultats espérés. Sans prétendre a Vexhaustivité nous allons Fappeler tout dabord les différentes réformes financiéres qui ont vu le jour, aprés quoi, hous reviendrons sur leur portée. 3.1. Renouveau du systéme financier. Jusqu'au début des années 1990s, le cadre réglementaire qui régissait le sysiéme finan- ier marocain datait des années 19605. Les mutations qui ont touché les différents sys- témes financiers au monde ainsi que |’évolution de I’ économie marocaine I'ont rendu caduc. Sa rénovation s*avérait une nécessité imperieuse. C'est alors que le Maroc a été amené a s'engager dans cette nouvelle orientation. Par la loi bancaire de 1993 qui venait de remplacer celle de 1967, on visait a instaurer un climat de concurrence dans le secteur bancaire travers la diversification des cir cuiis de financement, 1a despécialisation ef 1a Siippression’ G&S privileges fiscanx et autres (World Bank, 2000) Les marchés des eapitaux n'ont pas été ieee libéral et ont subi des mutations profondes: le marché monétaire a &1€ él ‘création du comparti- ‘ment des titres de créances négociables. Quant au marché financier, surtout le marché secondaire, il a été rénové de fond en comble par les réformes introduites en 1993 et complétées par celles de 1997. En outre, la gestion de la bourse de Casablanca s'est amplement modemisée. La cotation est passée du fixing au en continu, Des sociétés de bourse ont été agrées pour en assurer animation. On compte aujourd'hui 13 sociétés chargées d'encadrer les opérations boursiéres. Bref la bourse des valeurs de Casablanca présente, tout au moins sur le plan de Ja réglementation et des infrastructures tech- niques, les caractéristiques d'un marché trés moderne, Par ailleurs, pour éviter les délits dinitiés, protéger 'épargnant et parer aux dérapages 4 conséquences ficheuses, le Conseil Déontologique des Valeurs Mobiliéres (CDVM) a été orée en 1994 dans le but Passurer ta transparence et la véracité des informations communiquées par ceux qui font appel public a l’épargne. Aprés dix ans du début de l’implémentation de la premiére génération des réformes du secteur financier, le besoin s¢ manifeste pour une seconde génération de réformes visant 4 consolider et 4 approfondir les acquis (bili, 1998). Cependant se pose la ques- tion de savoir si oui ou non les réformes de premiére génération ont permis dlatteindre les objectifs escomptés ? an d’une ¢} ience: des résultats mi Lévaluation de Pimpact des la premigre génération des réformes du secteur financier marocain n’esi pas aisée. Tl est trés difficile isoler la contribution des facteurs finan- ciers 8 la mobilisation de I’épargne, 4 l’amélioration de la productivité de Pinvestisse= ment et partant & I'accroissement du rythme de croissance économique. Pour ecité rai- son, les travaux empiriques fournissent des indications divergentes. Pour le cas maro- cain, méme si les facteurs financiers affectent la croissance, I’effet reste faible et sur tout non robuste (Ezzahid, 2003 ; Achy, 2003 ; Baliamoune-Lutz, 2003) Dans un autre registre, un classement de vingt pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord selon le niveau de leur dévelonnement financier en 2000-2001 montte que le Maroc a une performance similaire celle de pays comme le Djibouti, la Mauritanie ct I’Algérie (Creane et al., 2003)°. Cette situation est paradoxale parce quelle montze que méme si le Maroc a entamé les ref financier {fs tot cela ne lui a pas permis d’avoir un secteur fin ‘comparati- vyemient aux pays voisins. ‘Au niveau du secteur bancaire marocain, il est facile d’observer qu’il fonctionne tou- {jours en tant que branche oligopolistique. Ainsi, 4 banques parmi les 19 en activités a fin 2003 détiennent plus de 69.2% des dépdts, dont trois en détiennent a elles seules 54,6%, ce qui dénote un fort degré de concentration®. En ce qui concerne la structure ‘des concours bancaires, qui sont toujours Ia source dominante du financement de Péco- anomie, ils sont dominés par les préts 4 court terme qui ont atteint 4 fin 2002 43% de ensemble des erédits. En ce qui conceme la solidité du systéme bancaire, les banques -publiques constituent le maillon faible de la chaine car elles ont du mal assainir leurs situations financiéres’ ‘Du point de yue diffusion des instruments et des services financiers, le Maroc resie parmi les pays les moins bancarisés. A fin 2003, il y a un guichet bancaire pour 17 000 habitants contre un rapport en France de 1 pour 2500 habitants. Seul un quart de la Population totale est touché par la bancarisation. Pire encore le réseau bancaire est essenticllement concentré dans la région Casa-Kénitra. Quant 4 la finance du marché, elle a du mal a émerger. La bourse des valeurs de Casablanca, quoigu'elle ait conmu des transformations techniques et technologiques profondes, son apport au financement de l'économie reste trés limité. Deux indications suifisent pour s‘cn convaincre. Premigrement le nombre de sociétés cotées en bourse est irés réduit $5 4 fin décembre 2001, 55 a fin décembre 2002, 52 a fin décembre 2003, 53.4 fin décembre 2004 ct 55 A fin novembre 2005, Deuxiémement, ces sociétés sont toutes des grandes entreprises. Les PME qui représentent la majorité des unités de pro- 5 - Pour effectuer ce classement les auteurs ont collecté des données sur six éléments captant chacun tin aspect du développement financier. Les six éléments sont : « 1. Développement du secteur et de la poli- tique monétaice, 2. Taille, structure et efficience du secteur bancaire(y compris role de l"Etat), 3. Qualité de la réglementation et du controle bancaire, 4. Développement du secteur financier non bancaire, 5. Ouvecture du secteur financier, et 6, Cadre institutionnel » (Creane, Goyal, Mobarek et Sab, 2003, p. 26) 6 ~ En 2004, Ia Banque commerciale du Maroc a racheté Wafabank. L’entité créée, Attijariwafabank, devient la premiere banque privée marocaine 7 ~ Actuellement seul le CTH reste dans une situation problématique ear la BNDE a été absorbée par la CDG et le Crédit Agricole, Ce demicr a été assaini par le traitement du surendettement des agriculteurs pris en charge par I'Etat et sa transformation en société anonyme. duction, constituant la plate-forme de base du systéme productif, sont quasiment absentes. Par ailleurs la capitalisation boursiére cappoteaeeneee de 2% au début de la décennie quatre-vingts, et ne dépasse pas 7 % en 1992 pour alteindre 23,6 % en 1996, 33.20% en 2000 et ce grace aux sociétés privatisées dont la capitalisation relative atteint 40%. En outre, « la contribution de la place de Casablanca dans Je financement de l'investissement ct de la croissance économique reste modeste. Les émissions contre espéces des sociétés cotées se sont situées en 2004 a 0.72% de la formation brute de capital fixe et a 0.18% du PIB contre 1.4% et0.3% respectivement entre1997 et 2000» (MPF, 2005, 47). Comparativement aux autres places financiéres, ces ratios sont en deca des normes d'un marché émergent, malgré l'ampleur des réformes financiéres entreprises. Sur le plan des mentalités, on peut constater que entrepreneur marocain a une attitu- de patrimoniale'plutot qu’une attitude capitaliste, c'est ce qui explique sa résistance a Youverture du capital de son entreprise et 4 son financement par le marché. Le erédit bancaire reste toujours la source de financement la plus convoitée dans la mesure of 95% des concours & l’économie et 69% des créances sur |e trésor public sont financés par les banques (Maarouf, 2001). 4, Conclusion. La réalisation d'une croissance forte et réguliére nécessite au préalable la néforme du secteur financier. Celui-ci doit se baser en priorité sur les ressources nationales qui doi~ yent jouer un réle déterminant cn la matiére. Ce type de financement exige cependant que Soit réuni un certain nombre de conditions parmi les plus indispensables figure la mise en place d'un systéme financier plus dynamique et plus diversifié @ méme dae compagner effort du développement du pays. Llexpérience marocaine de réforme du secteur financier a permis de constater que mak ‘gré le fait que la réforme du systéme financier ait été engagée depuis plus d'une décen- nie, économie marocaine n'a pas encore pu réussir son passage a l'économie de mat- chés financiers, Elle présente toujours les caractéristiques d'une économie d'endeite- ‘ment dans la mesure oi le crédit hancaire demeure la source principale de financement. ‘Abstraction faite @autres critéres et en ne tenant compte que de ce eelui-ci, le rythine des réformes toure, semble-t-il, au ralenti. A quoi est dii cet enliscment ? La réponse a cette interrogation appelle une approche beaucoup phis globale qui tien- ‘ne compte aussi bien des facteurs économiques qu'extra-économiques. Si aujourd'hui le Maroc dispose d'une réglementation 1oins évoluge qui fait du systéme financier, un systéme des plus modemes, il nen reste pas moins sur Je plan pratique la réalité est tout autre. Le systéine bancaire qui est censé étre concurrentiel fonctionne toujours selon les lois dun marché oligopolistique. II y a entente sur les conditions affichées et les parts de ‘marché. Il présente en fait les caractéristiques d'un oligopole coordonné avec collusion Les taux d'intérét débiteurs sont trés élevés. Le niveau qu'ils atteignent ne refléte pas Jes conditions qui prévalent sur le marché du crédit. L'offre étant supérieure a la demande, a cause de la surliquidité des banques, logiquement les taux dintérét devraient ipso facto, se situer au niveau d'équilibre, lequel niveau serait inféricur aux taux en vigueur. Ainsi, méme « si le taux moyen pondéré sur le marché monétaire a baissé d’ environ 80 points de base pour s*établir 4 2.40% en 2004. ...ce mouvement ne s'est généralement pas répercuté sur les taux d’intérét débiteurs appliqués par les banques aux entreprises notamment aux PME/PMI » (Jouabri, 2005, p. 2). Les banques, a travers leur syndicat, imposent aux entreprises des conditions débitrices exorbitantes qui contribuent a l'augmentation de Icur produit net bancaire. Les financements désintermédiés qui relevent de la finance directe sont encore trés rudimentaires. Le compartiment des titres de créances négociables n'est pas suffisam- ment développé. L'expérience échouée des billets de trésorerie donne 4 réfléchir sur T'élargissement du marché monétaire, La bourse des valeurs de Casablanca que d'au- cuns osent qualifier de marché émergent n'en est pas un, malgré sa modemisation. Si certains indicateurs ont permis de la classer ainsi c'était a cause des privatisations (Abouch, 2000). Lactivité du marché reste insuffisante malgré le redressement de la situation constatée depuis année demniére. Les indicateurs de la place de Casablanca sont loin de répoadre aux normes requises d’un marché émergent. Le marché de changes, institué en 1996, est encore A ses débuts et le processus de libéralisation des changes n’est pas suffisamment développé pour attirer les capitaux étrangers. ‘Au moment oii il est Jargement admis que le développement économique et le déve- loppement financier sont intimement liés, l'économie marocaine a besoin d'étre dotée d'un systéme financier développé et diversifié en tenant compte a la fois des exigences nationales et des contraintes régionales et internationales imposées par le phénoméne de la globalisation financiére. Bibliographie - Abouch, ML, (1992), Libéralisation financiére et développement économique au Maroc, These pour le doctorat d'Etat, Université de Poitiers, France. - Abouch, M. , (1999), Systeme financier et developpement: les conditions dun finan- cement auto-centré au Maroe, in D. Khrouz édi. Fondation Al Saoud, Casablanca - Abouch, M. 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