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B- Méthode : puisqu’il faut choisir, comparaison des effets à court comme à long
terme de chacune des deux voies possibles
1) la voie de la jouissance et de l’intensité
2) la voie de la modération
2/ Faut-il vraiment lutter contre nos désirs ou « jouir de tout notre être » ?
L’intensité des désirs comme jouissance de soi.
Comparaison des thèses du texte avec le texte suivant, tiré du livre II de l’Emile
« En quoi donc consiste la sagesse humaine ou la route du vrai bonheur ? Ce n’est pas précisément à
diminuer nos désirs ; car s’ils étaient au-dessous de notre puissance, une partie de nos facultés resterait oisive, et
nous ne jouirions pas de tout notre être. Ce n’est pas non plus à étendre nos facultés, car si nos désirs
s’étendaient à la fois en plus grand rapport, nous n’en deviendrions que plus misérables : mais c’est à diminuer
l’excès des désirs sur les facultés, et à mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté. C’est alors seulement
que toutes les forces étant en action l’âme cependant restera paisible, et que l’homme se trouvera bien ordonné.
C’est ainsi que la nature qui fait tout pour le mieux l’a d’abord institué. Elle ne lui donne
immédiatement que les désirs nécessaires à sa conservation, et les facultés suffisantes pour les satisfaire. Elle a
mis toutes les autres comme en réserve au fond de son âme pour s’y développer au besoin. Ce n’est que dans cet
état primitif que l’équilibre du pouvoir et du désir se rencontre et que l’homme n’est pas malheureux. Sitôt que
ses facultés virtuelles se mettent en action l’imagination, la plus active de toutes, s’éveille et les devance. C’est
l’imagination qui étend pour nous la mesure des possibles soit en bien soit en mal, et qui par conséquent excite et
nourrit les désirs par l’espoir de les satisfaire. Mais l’objet qui paraissait d’abord sous la main fuit plus vite qu’on
ne peut le poursuivre; quand on croit l’atteindre il se transforme et se montre au loin devant nous. Ne voyant plus
le pays déjà parcouru nous le comptons pour rien; celui qui reste à parcourir s’agrandit, s’étend sans cesse ainsi
l’on s’épuise sans arriver au terme et plus nous gagnons sur la jouissance, plus le bonheur s’éloigne de nous.
Au contraire, plus l’homme est resté près de sa condition naturelle, plus la différence de ses facultés à
ses désirs est petite, et moins par conséquent il est éloigné d’être heureux. Il n’est jamais moins misérable que
quand il parait dépourvu de tout: car la misère ne consiste pas dans la privation des choses, mais dans le besoin
qui s’en fait sentir ».
Annexe :
A - "Je conçois deux manières d’arriver à la félicité. L’une en satisfaisant ses passions et
l’autre en les modérant : par la première on jouit, par la seconde on ne désire point, et
l’on serait heureux par toutes deux s’il ne manquait à l’une cette durée et à l’autre cette
vivacité qui constituent le vrai bonheur.
B- Les routes pour arriver à ces deux états sont entièrement opposées, il faut donc opter,
et le choix est aisé si l’on compare les effets de l’un et de l’autre.
1)
a) On ne saurait nier qu’un homme qui savoure à longs traits le plaisir et la
volupté ne soit actuellement plus heureux et ne jouisse mieux des charmes de la vie que
celui qui ne désire ni ne possède point.
b) Deux choses me semblent pourtant rendre l’état du dernier préférable.
- En premier lieu : plus l’action du plaisir est vive, et moins elle a de durée ; c’est un fait
incontesté. On perd donc sur le temps ce qu’on gagne sur le sentiment ; jusqu’ici tout
serait compensé.
- Mais voici en quoi la chose n’est pas égale : c’est que le goût ardent des plaisirs agit
d’une telle manière sur l’imagination qu’elle reste émue, même après l’effet du
sentiment, et prolonge ainsi le désir plus loin que la possibilité de le satisfaire.
D’où je conclus que la jouissance immodérée du plaisir est pour l’avenir un principe
d’inquiétude.
2) Au contraire : les peines d’un homme qui, sans avoir joui, n’a que quelques désirs à
combattre, diminuent à mesure qu’il gagne du temps, et la longue tranquillité de l’âme
lui donne plus de force pour la conserver toujours. Son bonheur augmente à mesure que
celui de l’autre diminue."