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Konjoo et demande la
révocation des permis EIA octroyée à Growfish et à Ferme Marine de Mahébourg
Une PNQ a été posée par Hon. Duval, Leader de l’Opposition, au Ministre de la Pêche, Hon.
Koonjoo le vendredi 29 juin au Parlement. Aux questions ciblées de Hon. Duval sur l’impact
des fermes sur les requins et l’écosystème, Hon. Koonjoo a passé plus de temps à plaisanter
et tenter d’esquiver les questions, qu’à y répondre. Lorsqu’il a finalement daigné répondre,
ses réponses étaient souvent évasives, incorrectes ou contradictoires. Nous en retenons un
manque de maîtrise du sujet, de transparence et une volonté d’ignorer ce qui est aujourd’hui
évident : l’élevage de poissons en mer attire beaucoup de requins, et ce, parmi les espèces les
plus dangereuses et de grosse taille et cause un dommage irréversible sur notre écosystème
marin. C’est de la sécurité des usagers de la mer et de la préservation de notre environnement
marin qu’il s’agit, et l’heure n’est guère à la rigolade Monsieur le Ministre de la Pêche.
Ses collègues ont également eu besoin de lui souffler le nom de « Growfish », sa mémoire lui
faisant défaut. Le Ministère de la Pêche est pourtant supposé être partie prenante de ce projet
avec l’Albion Fisheries Research Centre. Hon. Koonjoo ne connaissait pas non plus le nom
des 2 sites (Morne 1 et Morne 2) que Growfish a abandonné suite aux consultations que son
propre Ministère a eu avec Growfish au milieu de l’année dernière. Selon un article publié
par L’Express le 24 juillet 2017, l’explication donnée par Growfish pour ce changement
d’avis sur les sites du Morne était que le Morne se trouve être parmi les 10 meilleures
destinations de Kitesurf au monde et qu’ils ne voulaient pas créer un impact massif sur les
gens. Pour finir, le Ministre de la Pêche a aussi admis ne pas avoir lu deux rapports préparés
par le Gouvernement dont il fait partie, qui traitent en partie de l’aquaculture à Maurice. Il n’a
pas nié que certaines mesures préconisées par ces rapports dans le cadre de l’aquaculture
n’ont jusqu’à l’heure pas été mis en place par le Gouvernement. Cette PNQ démontre bien la
légèreté avec laquelle le Ministère de la Pêche traite de ce dossier qui est pourtant
d’importance nationale...
A titre d’exemple, 40 bateaux européens sont à pêcher 4,000 tonnes de thon par an à la senne
dans nos eaux territoriales, à un prix dérisoire de +/- Rs.5.5 le kilo. Alors même qu’il justifie
l’élevage de poissons en mer (au détriment de notre environnement marin et de notre
sécurité) par la nécessité de satisfaire la demande locale et mondiale de poissons, Hon.
Koonjoo ne voit cependant aucun problème à ce que sa politique de pêche contribue à la
disparition progressive du stock de poissons sauvages dans nos eaux territoriales, en les
bradant à des bateaux étrangers à un prix dérisoire. La politique de son Ministère n’est ni
cohérente ni convaincante. De plus, Hon. Koonjoo justifie l’élevage de poissons en mer par le
fait que Maurice importe une grande partie de son poisson et que nous devrions devenir
autosuffisants. Cependant, les poissons de la Ferme Marine de Mahébourg sont destinés à
l’export et non au marché local et ce sera d’ailleurs également le cas du projet de Growfish
durant ses premières années d’exploitation. Les projets actuels ne vont donc guère résoudre
la nécessité d’exporter une grande partie du poisson consommé à Maurice.
Nous ne nions aucunement le problème de la surpêche dans le monde et nous pensons, bien
sûr, que des solutions doivent être trouvées. Cependant, on ne vient pas résoudre un problème
mondial en implémentant aveuglément, et sans études approfondies, des projets de taille
industrielle autour d’une petite île qui n’a que 330 kms de côte. Ces projets vont causer plus
de problèmes à Maurice qu’ils ne vont en résoudre. La diminution du stock de poissons dans
la mer de par le monde doit être résolue au niveau mondial avec des politiques communes de
réglementation et de contrôle de la pêche légale et illégale, entres autres. L’élevage de
poissons lui, doit se faire sur la terre, en circuit fermé et contrôlé. S’il doit se pratiquer dans la
mer, il doit se faire à de très grandes distances des côtes, mais surtout dans des pays et des
endroits ou l’impact environnemental est négligeable. Cela ne peut se faire que s’il est
pratiqué de façon raisonnable et raisonné, et non de façon industrielle comme c’est le cas
avec les projets proposés. Ce qui est sûr, c’est qu’il est difficile de trouver pire endroit pour
développer l’élevage de poissons en mer, à échelle industrielle, que sur une petite île comme
Maurice dont l’économie et les loisirs sont en grande partie liés à la mer.
Les faits sont les suivants : En 2011 certains pêcheurs avaient coupé les filets de la Ferme
Marine de Mahébourg et ils ont été poursuivis devant les tribunaux pour cela. Nous
comprenons que ces poursuites ont, au final, étés abandonnées. Mais dans tous les cas, cet
incident-là date de 7 ans. La question posée par Hon. Duval concernait un tout autre incident :
une récente échappée d’ombrines. Cet incident récent n’a donc rien à voir avec l’action légale
en cours contre certains. De plus, cette échappée de poissons n’a pas eu lieu fin mai mais au
beau milieu du mois d’avril et des centaines de personnes en sont témoins.
Même si des filets avaient vraiment été coupés le 25 mai, cela n’explique pas les tonnes
d’ombrines que les pêcheurs professionnels et amateurs ont pêché à Grand Sable et Petit
Sable dans le sud est depuis avril. L’explication de la Ferme Marine de Mahébourg ne tient
pas la route. D’ailleurs, toutes nos sources nient que cette échappée récente est le résultat
d’actes de vandalisme. Elles s’accordent toutes à dire qu’elle a été causée par une ou
plusieurs attaques de requins sans précédent sur cette ferme. Nos sources indiquent que ces
attaques de requins sur les filets sont récurrentes, même s’ils n’avaient jamais été témoins,
jusque là, d’une échappée de cette ampleur. Il est aussi important de mentionner dans ce
contexte que des échappées de milliers ou des dizaines de milliers de poissons dans la mer
près de nos côtes auront indéniablement attiré de nombreux requins, et continueront de le
faire dans des endroits où ils n’étaient auparavant pas présents ou, où leur présence ne se
faisait que rare. Le risque de sédentarisation, reproduction, et donc prolifération près dans les
régions où ces fermes sont implantées est donc bien réel. Nous vous invitons à visionner ici
une vidéo qui montre une ferme d’élevage de poissons à Port Stephens en Australie dont les
filets se sont déchirés suite à des fortes houles. Nous pouvons imaginer l’effet attractif
potentiel d’une telle échappée sur les requins.
A savoir que la Ferme Marine de Mahébourg est aujourd’hui très bien gardée avec drone,
caméras infrarouges, et des gardes. Il est donc impossible que qui que ce soit ait pu couper les
filets, pendant la journée, sans que Ferme Marine de Mahébourg ne soit en mesure
d’identifier, au moins, leur bateau. La ferme est également surveillée la nuit, il aurait donc
fallu, au mieux, que certains s’aventurent en pleine nuit en plongée sous-marine – à l’heure
même où les requins chassent, pour nager des centaines de mètres, incognito, pour couper les
filets. Ce scénario est invraisemblable. Les pêcheurs et plongeurs sont les premiers à vous
dire que les alentours de la ferme grouillent de requins tigres, bouledogues et marteaux et
qu’ils n’y mettraient pas le nez, même la journée.
Nous sommes également restés bouche bée à entendre de Hon. Koonjoo que la Ferme Marine
de Mahébourg a affirmé qu’il n’y a pas eu d’attaques de requins sur leur ferme jusqu’à
l’heure. Monsieur le Ministre de la Pêche a-t-il pris le temps de lire le rapport EIA de 2014
de Ferme Marine de Mahébourg demandant un permis EIA pour pouvoir agrandir leur ferme
? Le rapport énonce que sur les 10 dernières années il y a eu « 60 attaques de prédateurs sur
les filets dont la moitié causée par les requins ». Le rapport rajoute que si des mesures ne sont
pas mis en place pour adresser ce problème, en résulterait “un impact négatif sur
l’écosystème et la sécurité des usagers de la mer” (voir photo). Le rapport souligne que cet
impact “disparaîtrait aussitôt que les activités cesseront”. Et que propose la Ferme Marine
de Mahébourg pour y remédier ? De sélectionner de (nouveaux) sites où les prédateurs
seraient peu nombreux, de mettre des filets anti-requins et des gardes et de se débarrasser
rapidement des poissons morts qui attirent vraisemblablement les requins. Il est important de
noter que la ferme comprenait 20 cages à la date de ce rapport, alors qu’on y trouve
aujourd’hui 88 cages !
Dans tous les cas, peu importe la cause des échappées, cet incident démontre que la Ferme
Marine de Mahébourg n’est pas en mesure d’assurer la sécurité de sa ferme. La cause des
échappées de poissons ne peut en aucun cas exonérer le promoteur de l’obligation que lui
impose son permis EIA : d’empêcher que les échappées de poissons aient des conséquences
irréversibles sur la biodiversité marine. Ferme Marine de Mahébourg est en violation
flagrante de son permis EIA. Son permis EIA doit être révoqué.
Malgré l’abondance de témoignages sur le fait que les cages aquacoles de Grand Gaube et
Ferme Marine de Mahébourg ont attiré beaucoup de requins et des plus dangereux, Hon.
Koonjoo affirme qu’il n’est pas démontré que les fermes aquacoles augmentent le risque
d’attaques de requins, ni que les fermes aquacoles causent la prolifération de requins. Il se
repose pour cela sur les « études » d’un expert américain de l’Université de Miami.
Cependant Hon. Duval a attiré l’attention de Hon. Koonjoo sur le fait que cet expert n’aurait
passé que 2 jours à Maurice. Il a été apparemment clarifié depuis que cet expert aurait passé
une semaine à Maurice. Même si cela s’avérait vrai (ce que nous n’avons pas pu vérifier),
comment cet expert peut-il prétendre savoir si les fermes existantes à Maurice attirent les
requins ? Il faudrait des mois d’études pour commencer à connaître et comprendre la
présence et le comportement des requins à Maurice et encore plus de temps pour pouvoir
juger de toute évolution y relative.
En effet, nul ne peut affirmer avec certitude que les fermes d’élevage de poissons dans la mer
n’attirent pas les requins ou ne contribuent pas à leur concentration et prolifération dans nos
eaux, sans avoir effectué une étude scientifique de leur présence et comportement dans les
régions où les nouveaux sites sont proposés, mais surtout avant que ces sites soient implantés.
Cette étude (baseline study) que les experts appellent communément étude du « Point Zéro »,
aurait alors permis, une fois les fermes implantées, de mesurer l’impact réel des fermes sur
notre écosystème, y compris sur la présence et le comportement des requins, puisqu’il serait
alors possible de comparer les données obtenues avant et après l’implantation des fermes.
Cette étude scientifique marine du Point Zéro n’a pas été effectuée de la région sud-est avant
l’implantation de la Ferme Marine de Mahébourg et toute tentative d’étude comparative s’y
trouve aujourd’hui donc déjà faussée.
Malgré l’importance évidente de ne pas répéter la même erreur avec les nouveaux projets, ni
le Gouvernement, ni les promoteurs n’ont pour le moment l’obligation légale ou même
l’intention d’entreprendre des études du Point Zéro des régions dans lesquelles se trouvent les
sites réservés pour l’aquaculture mais encore non-développés. Les raisons de cette approche
négligente et dangereuse nous paraissent évidentes : elle reflète la tentative du Gouvernement
d’empêcher l’utilisation de preuves scientifiques indiscutables, démontrant l’impact sur les
requins, les poissons, la biodiversité et notre écosystème en général.
Malgré le déni de Hon. Koonjoo quant au risque requin, Hon. Koonjoo nous a surpris
lorsqu’il a déclaré qu’il avait appris que certains pratiquaient, notamment à Grand Gaube, le
“shark baiting” et qu’il fallait arrêter cette pratique. Nous comprenons donc de cette
déclaration, que le shark baiting pratiqué par quelques personnes de temps en temps attire les
requins, mais par contre, qu’une ferme aquacole de 88 à 200 cages, contenant des millions de
poissons qui grouillent et émettent des vibrations dans des cages de 8 à 20 mètres, et
desquelles s’écoulent des quantités importantes de restes de nourriture donnée aux poissons,
n’auraient aucun effet sur les requins. Nous restons incrédules devant cette analyse
incohérente de Hon. Koonjoo, qui démontre clairement sa volonté de défendre les intérêts des
promoteurs et de son Ministère – littéralement – à tout prix.
Conflit d’intérêt
Nous signalons au passage que le Ministère de la Pêche fait partie du Comité EIA du
Ministère de l’Environnement, qui a pour responsabilité de traiter les demandes de permis
EIA que ce Comité EIA est chargé de faire des recommandations au Ministère de
l’Environnement, qui décide ensuite d’octroyer ou non les permis EIA. La Sea Users
Association conteste d’ailleurs le permis EIA octroyé à Growfish sur cette base (entre autres)
car l’organe qui traite de la demande de permis EIA et fait des recommandations sur le
dossier compte un membre qui a un conflit d’intérêt sérieux - ce que Hon. Koonjoo nous a
d’ailleurs brillamment démontré dans son discours vendredi.
Nouveaux projets: Hon. Konjoo nous a également appris qu’un 3e promoteur a eu
l’autorisation de développer une ferme de poissons dans la mer à Bois des Amourettes,
Abagold (Mauritius) Ltd. Les directeurs de cette société sont Bhatoo Hifzur Rahman, Olivier
Daguin (un français, ancien employé de Ferme Marine de Mahébourg) et Christoffel Hendrik
Van Dyk (de l’Afrique du Sud). L’actionnaire de cette société est Abagold Ltd. Nous pensons
que cet actionnaire unique serait une société sud-africaine. Nous comprenons, par la
déclaration de Hon. Konjoo, qu’une lettre d’intention aurait été émise en faveur de ce projet
car il n’apparaît pas sur la liste des demandes EIA soumises au Ministère de l’Environnement
mentionnées sur le site internet du Ministère. Ceci confirme que malgré les informations qui
surgissent sur les problèmes liés à l’élevage de poissons en mer à Maurice, le Gouvernement
n’a pas encore l’intention de faire marche arrière. Vu l’intérêt des sud-africains pour
l’élevage de poissons en mer à Maurice, nous pouvons légitimement nous poser la question
de savoir pourquoi ils n’entreprennent pas ces projets gigantesques sur les côtes
sud-africaines plutôt, d’autant plus que l’Afrique du Sud possède 2,500 kms de côtes, soit
près de 7 fois plus que Maurice.