Le voyageur était incrédule

seul dans un grand bus Volvo

gouvernemental jusqu’à
Dharamsala, puis seul
foreigner parmi tant d’indiens
jusqu’à Chandigarh. Les
chauffeurs de bus sont des as
tellement les conditions de

CHANDIGARH
circulation sont imprévisibles.
Quand ce n’est pas un bus
local qui fait sa mauvaise tête,
c’est une vache qui stationne
à la sortie du virage. Quand
ce n’est pas une moto avec
3 passagers qui lambine,
c’est une grosse berline qui
double inopinément dans
un autre virage. Quand ce
n’est pas un troupeau de
chêvres qui déboule, c’est
un embouteillage à cause
#india2018mcmarco

d’un type garé au milieu

de la chaussée. Quand ce
n’est pas un chantier au sol
vicieux, c’est une succession
de virages qui en font vomir
plus d’un. Etc, etc. Reste des
impressions...
reste des impressions...
reste des impressions...
Chandigarh. Maison de « peones, construites autour de
1960. Ça risque d’être difficile de partager par photos mon
enthousiasme pour la ville de Chandigarh, sa conception
et la façon dont les gens la vivent. Avant de venir ici,
j’avais lu dans la montagne de McLeod Ganj (à la faveur
des orages qui bloquaient toute sortie) la thèse (400 pages
quand même) en Géographie-Urbanisme de Daniel Capron :
« L’appropriation citadine d’une ville nouvelle par une société nouvelle, l’exemple
de Chandigarh en Inde du Nord. » Trop fort. Je me suis coulé dans ses pas pour
observer l’urbanisme et l’architecture de cette ville fantasmée et réalisée par
ses concepteurs. Et je suis revenu sur bien des apriori que j’avais puisés dans
des lectures antérieures sans doute trop rapides ou pas assez critiques. Ainsi, le
dessinateur s’est fait enquêteur et s’est souvent fait invité par des habitants très
content de montrer leur chez soi et le plaisir qu’ils avaient à y vivre.
Les maisons d’origine, des années 1950 aux années 1980, sont
construites en briques, au début par les gens mêmes qui allaient
y habiter, très simplement mais sur des « types » bien codés, avec
circulation d’air, pare-soleil, sans aller plus haut que R+1, une cour
extérieure, un toit terrasse, etc., Et avec une hiérarchie des surfaces
qui épousait les hiérarchies sociales. Désormais les locataires ou
propriétaires se sont accaparés le tout, colorent, agrémentent le
devant et trouvent de la place pour garer l’automobile. Si c’est aménagement. Il y a aussi les américains Maxell Fry et Jane Drew
bien Le Corbusier qui a insufflé l’esprit de l’urbanisme sur une et les indiens P.N. Thapar et P.L. Varma. C’est bon de les citer parce
commande de Nehru, c’est bien son neveu Jeanneret qui reste sur que ce sont eux qui usinent dur.
place et se charge de programmer l’ensemble des constructions
(tout est intégralement à penser tout de même) et de concevoir
tous les détails, les différents types de maisons à partir des mêmes
données, les bâtiments administratifs et de services, plus leur
Typologie. Il faudrait faire
la chronique des Arbres de
Chandigarh. Dès l’origine l’idée
a été de planter des milliers
d’arbres et cela s’est fait dès
les premiers travaux en 1953.
Aussi, 65 ans après, il y a de
magnifiques spécimens qui
jouxtent les maisons, qui
jouent avec les façades, qui
bordent des kilomètres de
voies urbaines, qui encadrent
et protègent du bruits les
différents secteurs. La ville, au
premier abord apparaît verte
et puis lorsqu’on la sillonne,
ça se confirme partout, dans
la plus petite échelle des
blocks de petites maisons
jusqu’aux propriétés cossues
des blocks du nord ouest.
L’exception, c’est le quartier
gouvernemental du Capitole,
désert et non entretenu.
La toute petite fille perdue dans le Rock Garden de Neck Chand.
Chand a fait un sacré pied de nez au projet urbanistique rectiligne de
Le Corbusier. C’est clairement le Facteur Cheval du coin. Pendant des
années il a récupéré et travaillé toutes sortes de matériaux sur un no
man’s land et c’est devenu si incontournable et si gigantesque que
c’est devenu protégé par le Gouvernement et visité par des centaines
de milliers de personnes par an. La création spontanée versus le plan
directeur.
Gigantisme du Rock Garden de Neck Chand au coucher de soleil.
Le Corbusier center. L’exposition de photos et d’objets sur l’histoire
de la réalisation de Chandigarh est sérieusement surranée, c’est tout
défraîchi et c’est hagiographique. Mais quelle émotion de se trouver
(seul pendant une heure) dans l’ancien atelier-studio de l’équipe qui
conçoit et met en œuvre la construction des bâtiments et de la ville.
C’est pratiquement le premier bâtiment construit avec une économie
de moyens étonnante. Mais il faut dire aussi que c’est surtout Pierre
Jeanneret qui travail ici et gère l’ensemble.
La maison de Pierre Jeanneret. Un monument d’application
des principes de simplicité d’utilisation des matériaux, des
jeux de surfaces par la fonction, du rapprochement — infra
mince — entre formes et fonctions, avec une hauteur sous
plafond du double de ce que proposait Le Corbusier. Une des
plus formidable maison du courant moderne qu’il m’est été
donné de voir dans son intégrité d’origine.

Authentique bouche d’égout dessinée par Jeanneret dans le

quartier (atypique) de Burail.
Bureau gouvernemental (Punjab civil secretariat & Haryana civil
secretariat). Je vois désormais tout au travers des arbres.
Sketch LIVE. Ce n’est pas tout les jours que le dessinateur est dans
cette belle conjonction. Devant un objet de l’histoire graphique,
architectural et symbolique. Seul, pendant 2 heures dans ce no man’s
land qu’est devenu cette zone hyper militarisée (c’est la première fois
que je donne mon passeport pour pouvoir dessiner), le chant d’un
mezzuin au loin, un soleil lumineux et l’Open Hand qui tourne sur
elle-même en fonction de la brise.
Salut à toi ! Open Hand (Le Corbusier). Avril 2018

Main de Le Corbusier. Photographie Le Corbusier Center.

Open Hand #openhand Sketch de 10 minutes sur format A2, qui a donné lieu à une préparation mentale
et physique de grande intensité. Le dessinateur brave les interdits en s’installant dans la fosse (imaginée
par Le Corbusier comme une agora), même le garde qui m’observait aux jumelles n’a rien vu. Quand
on est face à un objet si chargé symboliquement, on oscille entre naïveté béate et répulsion critique,
ce qui est très fatiguant. Mais Le Corbusier l’emporte car ce monstre de bronze pivote sur son axe en
fonction du sens du vent, avec une infinie légèreté. Et si la mégalomanie de l’architecte qui voulait faire
le bonheur des gens malgré eux est allée jusqu’à « faire cadeau » aux indiens et au monde d’une œuvre
plastique toute personnelle, lorsqu’on la voit tourner pour soi seul, on se surprend à recevoir 5/5 le
message du donner et du recevoir.

Grande main et petite voiture.

L’entrée des très nombreux
parcs est souvent invisible
dans le paysage.

Un petit côté Liu Bolin...

La liste des observations et

des typologies s’allonge. Sous
des dehors orthonormés,
pleins de dérèglements sans
parler des dérèglementations
en cours. Il faudrait recenser
les brèches faites dans les
différents murs et différentes
barrières. Un nouveau plan
de circulation émergerait. Les
différents secteurs d’origine
de Chandigargh ont été
conçus sur eux mêmes, comme
des villages autonomes qui
bénéficieraient des produits
et services à portée de pas.
Au fur et à mesure du temps,
des murs se sont érigés qui
sont, forcément ébréchés par
le besoin d’aller au plus court,
car sinon, ce sont de longues
marches pour aller d’un
secteur à un autre. Ce repérage
pourrait être effectué sous
openstreetmap et là, ça aurait
de la gueule.
Tentative de typologie. Secteur
9, 10 et 11. La hiérarchie des
surfaces habitables et des
positionnements de parcelles
est redoutable. Les familles
aisées + et ++ possèdent de
larges parcelles sur lesquelles
sont souvent construites des
maisons gigantesques. Les
architectes contemporains s’en
sont donnés à cœur joie mais
parfois subsiste une « villa »
plus ancienne, celles que
j’adore, dans le style moderne
1930-1950. Pour le gigantisme
des baraques il faut dire aussi
que la famille « bourgeoise »,
qu’elle soit historique ou
d’affaire, héberge aussi les
domestiques et leur famille,
souvent au rez-de-chaussée,
moins souvent dans une
maison attenante. Mais la
plupart des architectures
sont ostentatoires. Les cadres
politiques, eux, ont carrément
des guérites avec militaires
et gardiens 24/24 sur leurs
terrains.
Tentative de typologie. Secteur 9, 10 et 11.