Bruno DAYEZ
Avocat uu Burreau de Bruxelles
Bruxelles, le 27 aottt 2018
Maclame, Mademoiselle, Monsieur,
Apits indie 1éflesivn, je prends initiative de vous éerire en tant que vous aver été victime des
agissements, entre autres, de M. Dutroux que jassiste actuellement.
Ma démarche se veut avant tout profondément respectueuse de toutes les personnes. Elle
siinscrit délibérément dans une optique de réparation, quelque détisoire puisse paraitre ce
substantif. Il ne s‘agit done nullement de polémiquer, ni de raviver les plaies, mais d'essayer de
contribuer, fiit-ce dans tne tres modeste proportion, a les cicatriser.
Sachez tout d'abord que le contenu de cette Icttre est, de mon point de vue, confidentiel. Ein tant
que son destinataire, il yous appartient seul de cécider si vous souhaitez la rendre publique. Je
regrette & cet égard que le projet de ce courrier ait é16 ébruité avant méme qu'il vous parvienne
avec pour conséquence, semble-t-il, d'avoir été interprété par la majorité du public comme une
forme de provocation de ma part, ce gui va exactement & Fencontre de mes intentions.
Je tiens done, afin d'éviter tout quiproquo, & vous rendre compte des raisons qui me conduisent
A vous écrire au nom et pour compte de M. Dutroux. Cette démarche siinscrit a mes yeux dans
un cadre Iégal, mais également dans un autre cadre beaucoup plus large, que je qualifierais
simplement d’humain.
Diun point de vue strictement Iégal, trois des cing conditions auxquelles est subordonnée toute
décicinn de likération anticipée concernent directement les vietimes : le risque que le condamné
Jes importune, les efforts qutil a consentis pour les indemniser et, plus largement, Vattitude du
condanmné a leur égard. De ce seul point de vue, il me parait done totalement légitime et méme
souiaitable, du point de vue de toutes les parties, que je vous rende compte briévement de la
situation et de l'état d'esprit de M, Dutroux a ce triple égard et je my attacherai dans le corps de
cette lettre.
D'un point de vue plus général, il m'a paru opportun (peut-re & tort ; je n'en suis pas juge) de
faire un pas en votre direction,
‘Vingt-deux ans se sont écoulés depuis 'arrestation de M. Dutroux et cependant, jusqu'a ce jour,
en raison des caractéristiques de notre systtme de justice, chacun a dd rester emmuré dans sa
douleur et son silence, toute forme de commurication queleonque semblant inconcevable. Je
n'imagine évidemment pas que. lan fraternise : je ne snis ni naff, ni provocant.
Rue Eugene Smits 28-30 Téléphone : 02/242.69.32
1030 Bruxelles mail: bruno.dayez@dayez.bePar contre, l'amorce d'un dialogue, sous quelque forme que ce soit, ne me parait ni exclue, ni
nocive. Je pars du point de vue (tout subjectif & vous de me détromper le cas échéant) que
demeurer éternellement dans une position de mutisme total n'est pas forcément profitable a
quiconque, alors que vous seriez entidrement légitimé & exiger des comptes de M. Dutroux, &
lui intimer de répondre aux questions qui seraient selon vous demeurées en suspens, ou
simplement & Ini exprimer les sentiments qu'il vous inspire. Non seulement I'intéressé devrait-
il les entendre, ce qui participe au sens de la peine quill subit, mais cela pourrait peut-étre
apporter quelque soulagement a votre propre douleur.
Ma démarche siinserit done dans un objectif qui me seinble depuis toujours extrémement
louable : celui de ce qu'il est convenu d'appeler "justice réparatrice", Car si la justice pénale
belge assume tant bien que mal deux des trois fonctions pour lesquelles elle est officiellement
instituée (A savoir punir et mettre hors d'état de nuire), force est de constater quelle faillit
gravement a sa troisiéme mission, qui est de "réparer". Je doute fort (sans prétendre pouvoir me
mettre & votre place, j’en suis bien conscient) que la condamnation implacable de M. Dutroux
non plus que votre "indemnisation" éventuelle par la Commission d'Aide aux Victimes puissent
vous tenir lieu de "réparation”, Aussi n’est-il pas absurde de supposer que vous seriez en
demande d’autre chose". Dans ce cas, il y a pevt-étre des initiatives utiles, voire nécessaires, &
entreprendre, et c'est le motif essentiel de cette lettre.
Pour en revenir au cadre Kégal, je vous confirme pour autant que nécessaire que M. Dutrowx
m’a assuré qu’il ne cherehera plus jamais 4 vous contacter d'initiative, mais quiil est prét A vous.
réponde si yous vouliez l'interpeller,
Quant & votre indemnisation, je suis obligé cladmettre quil ne posséde strictement rien et qui
est totalement et définitivement incapable de satisfaire a cette exigence.
Enfin, quant a son attitude au sujet des faits du chef desquels il a été condamng, je crois qu'il
nlest un secret pour personne qu'il en admet beaucoup parmi les plus graves et en conteste
d'autres. S'il y a sans doute une chose sur laquelle tout le monde s’accorde, c’est que le proces
Arion n'a pas livré, loin de la, la réponse a toutes les questions. Pour ma part, je n'ai aucun
accés privilégié & "la" vérité ten suis forcement réduit & entendre ce qui m'est dit. Je constate
simplement que M. Dutroux a, comme la plupart des condamnés, "sa" vérité qui ne coincide
jamais entierement avec la vérité judiciaite. Toujours est-il que, blen que M. Dutroux conteste
avoir commis certains des faits dont il a été déclaré coupable, sa responsabilité personnelle
demeure accablante, puisque, sans son concours, quel qu'en suit Ie degre, i Julic, ni Melissa,
ni An, ni Eefje n‘auraient finalement trouvé la mort dans des circonstances atroces, et Sabine
comme Laetitia n'auraient pas subi leur calvaire, A son crédit, je porte uniquement le fait que
M. Dutroux a déja subi, en tout état de cause, une trés large fraction de sa peine dans des
conditions d'isolement strict.
Voici résumé, en quelques paragraphes, l'état de mes réflexions. Je voudrais en tous cas ne vous
avoir blessé ni indisposé d'aucune fagon. Lune des caractéristiques d'un acte criminel, c'est que
victimes et coupable ont, par Ia force des choses et bien malgré eux, "partie lige", car un crime
est inéversible, Leur vie entigre en a vu son cours brutalement modifié, II m'a done semblé qu'il
y avait peut-étre quelque chose d entreprendre, Que M. Dutroux puisse exprimer ses regrets en
Vous avouant directement ses torts propres est, 4 mon sens, benéfique a tous.
‘Rue Eugene Smits 28-30 ‘Téléphone : 02/242.69.32
1030 Bruxelles mail: bruno.dayez@dayez.beBien sfx, libre & chacun de vous de réagir a cette lettre comme il lui conviendta, Mais il ne
devrait subsister, je lespére, aprés lecture aucune forme de malentendu sur le sens de ma
demarene.
A ce sujet, un demier mot : en tant que conseil de M. Dutroux, jai da forcément adopter
certaines prises de position dont la médiatisation a pu vous faite soutfrr et laisser croire que je
’étais pas sensible aux tourments que vous endurez, Je tiens & démentir cette impression et &
‘Yous exprimer ma sincére compassion. La défense d’un criminel a ses propres impératifs ; elle
n’empéche nullement d?étre attentif a la doulcu: des victimes,
En tout état de cause, je vous remercie de latten
vous réitére I'expression de mon profond respect.
jon que vous aurez réservée a la présente et
Veuillez agréer, Madame, Mademoiselle, Monsieur, expression de mes sentiments distingués,
Bruno DAYEZ,
Rue Eugene Smits 28-30 Téléphone : 02/242.69.32
1030 Bruxelles mail: bruno.dayez@dayez.be