Fiche n°253 - Novembre 2006

Diversité alimentaire et vulnérabilité

nutritionnelle des femmes
au Burkina Faso

© IRD/Mathilde Savy
C omment identifier les
populations les plus vul-
nérables en matière de sécu-
rité alimentaire et nutritionnel-
le, dans les zones rurales du
Sahel ? Au Burkina Faso, l’un
des pays plus pauvres d’Afri-
que, les disponibilités ali-
mentaires varient suivant les
saisons. Chaque année, les
populations doivent faire face
à une période de soudure (de
mai à septembre), quand les
stocks de céréales s’épuisent
et qu’il faut attendre la récolte
suivante. Dans ce contexte,
des nutritionnistes de l’IRD Le plat de "to" est le plat national du Burkina Faso. C'est une pâte de céréale accompagnée en général d'une
montrent que l’analyse de la sauce de légumes feuilles. Village Boungou Natimsa, province de la Gnagna, Burkina Faso.
diversité alimentaire, réalisée
avant la période de soudure,
constitue un outil efficace Dans la plupart des pays du Sud et en bre). Elle est d’autant plus difficile à vivre
pour déterminer, au sein de particulier dans les régions du Sahel, qu’elle coïncide avec un travail agricole
populations rurales agrico- le régime alimentaire varie suivant les intense et une plus grande fréquence de
les, les groupes de femmes saisons. Au Burkina Faso, l’un des pays maladies (le paludisme, notamment).
présentant les plus grands les plus pauvres d’Afrique, les popula- Afin d’envisager des programmes
risques de carences alimen- tions rurales qui vivent essentiellement garantissant la sécurité alimentaire
de l’agriculture disposent de terres peu
taires et de malnutrition (1). dans ces régions, l’identification des
arables et sont exposées à des pré- populations les plus vulnérables du point
cipitations insuffisantes et inégalement de vue alimentaire et nutritionnel s’avère
réparties dans le temps et dans l’espace. nécessaire. Des nutritionnistes de l’IRD ont
Le cycle des saisons se découpe en trois étudié la diversité alimentaire des femmes
périodes distinctes : la saison des récol- d’une province rurale du Burkina Faso, à
tes, d’octobre à décembre, suivie d’une deux périodes distinctes de l’année : en
période de relative abondance de janvier avril pendant la saison sèche et en sep-
à avril, puis d’une période de soudure (1)
tembre pendant la saison humide . La
de mai à septembre. Celle-ci s’étend du diversité alimentaire représente le nom-
moment où les stocks de céréales s’épui- bre de groupes alimentaires différents
sent à la récolte suivante, après la saison consommés par chaque individu sur une
des pluies (qui survient de juin à septem-
>>

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Fiche n°253 - Novembre 2006
Pour en savoir plus
CONTACTS :
MATHILDE SAVY
London School of Hygiene
and Tropical Medicine.
Mathilde.Savy@lshtm.ac.uk
YVES MARTIN-PREVEL IRD
UR106 « NALIS » (Nutrition,
alimentation, socié-
tés), IRD Burkina Faso
(Ouagadougou).
Tél : (226) 50 30 67 37
Yves.Martin-Prevel@ird.bf
FRANCIS DELPEUCH
IRD UR 106 « NALIS »
Montpellier.
Tél. : 33 (0)4 67 41 61 66
delpeuch@mpl.ird.fr
RELATIONS AVEC LES MÉDIAS :
+33 (0)1 48 03 75 19 ;
presse.ird@paris.ird.fr
INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD
+33 (0)1 48 03 78 99 ;
indigo@paris.ird.fr
www.ird.fr/indigo
IRD AUDIOVISUEL
+33 (0)1 48 02 56 24 ;
audiovisuel@paris.ird.fr
www.audiovisuel.ird.fr/
RÉFÉRENCES :
MATHILDE SAVY, YVES MARTIN-
PRÉVEL, PIERRE TRAISSAC,
SABRINA EYMARD-DUVERNAY
AND FRANCIS DELPEUCH -
Dietary Diversity Scores and
Nutritional Status of Women
Change during the Seasonal
Food Shortage in Rural
Burkina Faso, The Journal
of Nutrition, 2006, 136, p.
2625-2632.
POUR EN SAVOIR PLUS
SAVY M, MARTIN-PRÉVEL
Y, SAWADOGO P, KAMELI
Y, DELPEUCH F. - Use of
variety/diversity scores for
diet quality measurement:
relation with nutritional sta-
tus of women in a rural area
in Burkina Faso. European
Journal of Clinical Nutrition
2005, 59(5):703-16.
SAVY M, MARTIN-PRÉVEL Y,
TRAISSAC P, DELPEUCH F.
- Measuring dietary diver-
sity in rural Burkina Faso:
Comparison of a 1-day and
a 3-day dietary recall. Public
Health Nutrition, 2006 (sous
presse).
MOTS-CLEFS :
DIVERSITÉ ALIMENTAIRE ;
MALNUTRITION ; SÉCURITÉ
ALIMENTAIRE ; MILIEU RURAL
BURKINA FASO.
(2)
période donnée (ici 24 heures) . Elle
constitue un bon indice de la qualité du
régime alimentaire, notamment lorsqu’il
s’avère difficile d’établir précisément la
taille des rations. En effet, un régime peu
diversifié, en limitant l’apport de micronu-
triments (vitamines et minéraux, tels que
fer, iode, calcium, zinc, sélénium, etc.)
peut entraîner des carences, voire un
état de malnutrition à plus ou moins long
terme.
Les enquêtes, menées auprès des 550
femmes incluses dans l’étude, mon-
trent que la diversité alimentaire change
entre avril et septembre, soit entre le
début et la fin de la période de soudure.
Contrairement à ce que l’on pouvait pen-
ser, le régime des femmes se révèle
globalement plus diversifié à la fin de
cette période de soudure, pourtant mar-
quée par la rareté ou le prix élevé des
céréales habituellement consommées et
des conditions de vie plus difficiles. Cette
augmentation inattendue de la diversité
alimentaire s’explique par un changement
d’alimentation saisonnier : avec l’arrivée
des pluies dès le mois de juin, les fem-
mes disposent en septembre, gratuite-
ment (cueillette ou ramassage) ou à fai-
ble prix, d’autres végétaux à consommer
(maïs, arachides, légumes, haricots…),
mais aussi de lait, en particulier pour
celles qui possèdent un troupeau, et de
poisson frais.
Ainsi, le nombre de femmes considé-
rées comme très à risque en raison d’un
;
Marie Guillaume-Signoret, coordinatrice
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - fichesactu@paris.ird.fr
régime peu diversifié (avec un indice de
diversité égal à deux groupes alimen-
taires consommés en 24 heures) est plus
important en avril (31, 6 %, soit un tiers
des femmes, contre 8,1% en septembre).
Par ailleurs, la perte de poids de 1,9 kg
en moyenne, mesurée en septembre à
l’issue de la période de soudure, affecte
l’ensemble des femmes sans différences
significatives entre les catégories socio-
économiques.
Dans le contexte rural du Sahel, c’est
donc en avril, avant la soudure, que peut
être évalué au mieux et de façon plus
efficace le nombre de femmes vulnéra-
bles en termes de carences alimentaires
et de malnutrition. Ceci permet notam-
ment d’envisager une meilleure définition
des périodes d’intervention des différents
acteurs (ONG, pouvoirs publics, etc.),
dans le cadre des programmes de sécu-
rité alimentaire.
(1) Ce travail est le fruit de la thèse de Mathilde
Savy, réalisée dans le cadre de l’UR 106 de l’IRD
et soutenue avec succès le 6 octobre 2006 :
« Indices de diversité alimentaire: mesure et
utilisation chez des femmes en âge de procréer
au Burkina Faso ».
(2) Dans cette étude, 9 groupes ont été considé-
rés : 1- céréales, racines et tubercules, 2- légumi-
neuses, 3- fruits et légumes riches en vitamine A
(mangue, légumes-feuilles…), 4- autres légumes
(gombo, tomates, oignons…), 5- autres fruits,
6- viandes, volailles et poissons, 7- œufs, 8- lait et
produits laitiers, 9- graisses et huiles.
Rédaction IRD : Marie Guillaume-Signoret
Questionnaire adressé à
une femme par notre enque-
teur (enquête nutritionnelle).
Province de la Gnagna,
Burkina Faso.
© IRD/ Yves Martin-Prevel