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DOSSIER/ dosya

A propos de Cüneyt Ayral...


Notes de lectures de Salih BOZOK
lllllllll

P
oète, romancier, chronique litté- Paris en deux volumes (Paris Notlarý I - II).
raire et politique, auteur de livres
culinaires et de reportages, jour- Parmi les textes de Paris, figurent notam-
naliste, et tour à tour, éditeur de journaux, ment, à côté de « Paris Notlarý », son auto-
entrepreneur et industriel avant qu’il ne se biographie « Yolculuk » (Voyage) relatant
consacre exclusivement à l’écriture, Cüneyt ses années d’enfance et d’adolescence par-
Ayral est sans nul doute le plus parisien des tagées entre Ankara et Istanbul, sa vie de
écrivains turcs contemporains, avec Nedim famille et ses pérégrinations à travers le
Gürsel dont il partagea l’itinéraire qui les monde en tant qu’homme d’affaires, avec
transporta tous les deux des rives du Bos- une réflexion critique sur la justice, ainsi
phore sur celles de la Seine avec quel- que deux romans, « Müjgân » et « Zaman
ques années d’écart. Avec sa carrière et Bitti » (Le temps s’épuisa) présenté par
sa personnalité multiformes, il se situe aux Bedri Baykam.
antipodes de « l’homme unidimensionnel »
d’Herbert Marcuse qui alimentait les esprits « Müjgân », mon préféré parmi ses
de révolte des années soixante. romans et dont le titre évoque un prénom
féminin turc d’origine persane signifiant «
Grand voyageur et fin gourmet, il sait cils », est l’histoire d’un amour singulier né
allier avec de savantes doses, saveurs et d’une rencontre fortuite sur les rives du Bos-
mets divers, des plus classiques aux plus phore. Le narrateur, homme solitaire rongé
exotiques, à l’image de ses livres. Je peux par la peur de la mort, et industriel de son
en témoigner pour en avoir goûté à multi- état, en bonneterie, -et à ce niveau, toute
ples reprises et avec un immense plaisir, ressemblance avec les personnages réelle-
lors de son étape grenobloise. ment existants ne serait pas entièrement for-
tuite- nous plonge au cœur de cet « univers
Après un séjour de plusieurs années impitoyable » où se côtoient les hommes
à Nice, il rédigea certains de ses livres à et femmes d’affaires nouvelle génération
Paris, ville qui l’inspira profondément dès et new look dans la Turquie émergente
son premier voyage de 1973 où il fit le d’aujourd’hui, et nous balade, à travers la
rêve de vivre un jour dans un immeuble quête de cette « Müjgân » introuvable, aux
de style « haussmannien », vœux exhaussé quatre coins du globe, du Gabon au Mexique
quelques 30 années plus tard dans son en passant par la Toscane. La multiplication
domicile de la Rue Turbigo, n° 48, comme des liens, plus charnels qu’amoureux dans
il explique lui même dans ses « Notes de ces contrées proches ou lointaines avec des

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femmes toutes aussi férues d’amour que
de carrière, s’avère impuissante à assouvir
sa volonté de retrouver la cible de son désir
platonique furtif. Le portrait d’une industrielle
d’Istanbul, vraie prédatrice capable de tout
pour arriver à ses fins, et imbue de sa per-
sonne comme on en rencontre par dizai-
nes dans la grande métropole turque, est
minutieusement tracée sans complaisance
aucune. Le personnage clé du récit, jamais
nommé en la personne du narrateur,
« amoureux de l’amour », et balloté entre
passion, fidélité et volonté de se protéger
de « l’érosion de l’amour », se plie finale-
ment « aux choix de l’être chéri ». Le vrai
amour, dit-il, ne peut être possession, mais
le respect du choix d’autrui. Le récit se ter-
minera sur une fin pathétique.

« Gümüþ Gölge » (Ombre d’argent) est


rédigé dans un style romancé, d’après la
rencontre à Paris, les entretiens et la corres-
pondance de l’auteur-journaliste, avec un
prostitué travesti d’origine turque, qui ne
dit pas « non » à un voyage proposé pour
la capitale française, alors qu’il habite à
Istanbul chez sa tante depuis sa préadoles-
cence, fuyant l’autorité de l’oncle qui l’élève
après l’abandon du foyer conjugal par le
père.... Nous suivons le personnage du récit
dans ses aventures en compagnie d’autre
êtres, tels les Anita, Lola ou Brigitte vivant
tant bien que mal leur étonnant dédouble-
ment d’identité sexuelle dans l’unité d’un
seul corps, dans les clubs échangistes de
Paris, à Myconos, Barcelone, New York ou
ailleurs « hantés par les ombres d’argent ».

« Mimiti&titolayo.sin » est le dernier


roman publié de Cüneyt Ayral et dédié à «
Sir Arthur C. Clarck, en souvenir de beaux
jours passés à Colombo, Sri Lanka ». Il
s’agit du récit d’ un amour interplanétaire
qui transporte le lecteur, d’Istanbul et d’Iz-
mir aux différents lieux de notre petite pla-
nète, avec des réminiscences des années
de Côte d’Azur, avec Nice et Antibes en
exergue.

Cüneyt Ayral qui nous fait vibrer des


notes insolites et pourtant si familières de
l’univers mérite d’être connu du public fran-
cophone. q

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CÜNEYT AYRAL
IN “ ÝSTANBUL ÞARKILARI KÝTABÝ »
EDITONS/BÝN TANE YAYINLARI, 1989

Fransızcası / Traduit par : Beverly BARBEY

1 Arz Kapısı 1 Le portail du palais

Raconte-moi les profondeurs de la solitude,


Yalnızlığın derinliğini,
Le silence de l’amour,
Sevginin sessizliğini,
Eh bien, je ne sais pas !
Ne bileyim işte!
Raconte-moi les choses que j’ignore.
Bilmediklerimi anlat...

2 Galata Kulesi 2 La Tour de Galata

Hep seni düşünüyorum


Je pense toujours à toi
Galata’nın sokağında,
Dans la rue de Galata
Yıkılan cumbalı kırmızı
où la maison rouge à l’oriel
evin orada.
se trouvait – mais n’existe plus.

4 OLUSUM/GENESE
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3 Yerebatan 3 La citerne

Öyle bir şenlik işte İstanbul Istanbul est une telle fête
Seni sevmek gibi bir şenlik Une fête comme l’amour de toi.

4 Galata Köprüsü
4 Le Pont de Galata
Ölüm konuşuluyor
Galata Köprüsü’nde
Üç çocuğa mezar olmuş L’on parle de la mort
Köprüaltı Sur le pont de Galata.
Trois enfants trouvèrent la mort
Sous le pont.
5 Kavuk

5 Le turban
İşte o zaman damitacaklar
Yokoluşun tarihini
Vont-ils alors distiller
Çürümüş bir kesik kulaktan...
L’histoire de la fin de l’existence
A partir d’une sale oreille amputée…

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6 Kız Kulesi 6 La Tour de Léandre

Uçsuzbucaksız denizlesin La mer infinie – et toi


Bu kimsesizliğin ne güzel Comme ta solitude est belle
Ne güzel! Comme elle est belle !

7 Lale
7 La tulipe
Seni
Bitmemiş şiirlere J’essaie de t’insérer
Sığdırmayı deniyorum dans des poèmes
inachevés

8 Ayasofya Müzesi

8 Sainte Sophie
Teodora’nın kapatmasının mezarını mı çiğnedim
ki
Pourquoi les dieux de Byzance me maudissent-
Bizans tanrıları lânetliyor beni? ils ?
Aurais-je piétiné la tombe du concubin de Théo-
dora ?

6 OLUSUM/GENESE
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9 Surlar 9 Les anciennes murailles

Uzayan bir sessizliktir Chaque matin d’Istanbul


İstanbul’un sabahları Est un long silence ininterrompu

10 Sultan Ahmet Camii


10 La Mosquée Bleue /Sultanahmet

Sır saklamaya söz vermişler


Ils ont promis de garder le secret.
“Benden başka bilen var
Il a dit : « Si un autre que moi le sait,
Sır değildir,” demiş.
Ce n’est plus un secret. »

11 St Antuan
11 L’église Saint Antoine
Öpülmek eskisi fotoğraflarına
O İstanbul’u anlatıyorum Pour tes photos, usées par mes baisers,
Pera’nın arka sokaklarını Je décris cette Istanbul – dans les petites rues
de Péra
Yıkılmış, tarihi yazılmış/
yazılmamış Aujourd’hui disparues, et dont l’histoire
a été/ n’a pas été écrit

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12 Dolmabahçe Sarayı

Seni seninle bırakıp 12 Le Palais de Dolmabahçe


Dönüyorum İstanbul’dan
Je reviens d’Istanbul
En te laissant avec toi-même.
13 Mühür

Seni zamana yaymıştım 13 Le sceau


Bir dönüp baktım
Zaman akıp gitmiş J’ai passé du temps sur toi.
En me retournant pour regarder
Le temps s’est envolé.

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Hayatla nasýl dalga geçilir!
Tufan AKSOY

in «Gazeteyenigün», 29.07.2011
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bilmiyor bu sorularýn cevabýný. Çünkü o öyle-


sine farklý birisi ki yaþamý boyunca hayatla
dalga geçmiþ. Batmýþ, çýkmýþ, ama hep
yüzü gülmüþ. Onu somurturken görememiþ-
tir kimse… Ne badireler atlatmýþ, ne mace-
ralar yaþamýþ, yine de yýkýlmamýþ… Cüneyt
Ayral demiþler onun adýna… Bilenler bilir, bilir
ama hep þaþar, þu bizim Cüneyt ne mene bir
adamdýr ki hâlâ yaþama direniyor diye…

Kimseden korkmamýþ, her þeye göðüs


germiþ, ama bir tek ölümden korkmuþ…
Ölümden korktuðu için de þair olmuþ, yazar
olmuþ, kitaplar yazmýþ… Artýk amacýna ulaþmýþ
fizik olarak ölsem de ben kitaplarýmla, þiirleri-
mle yaþayacaðým diyor… Eserleriyle yaþaya-
caðýna inanýyor…

O, nevi þahsýna mahsus biri…

Cüneyt Ayral’ý Ýstanbul’da büyük bir iþa-


Yýllar öncenin Ýstanbul’da kadýn iç giyimi- damý olarak görebilirsiniz… Türkiye’de kadýn
nde popüler bir patron olan Cüneyt Ayral bor- çamaþýrýna “Ýç giyim” tabirini yerleþtiren de
çlar yüzünden Fransa’ya gidince Marsilya’da odur… Dünyaca ünlü, kadýnlarýn gözdesi
pazar tezgâhýnda “Ýkizlere takke” diye baðýra Warner ve Gabriel Venato marka kadýn
baðýra sutyen satmýþ. Hayatla nasýl dalga iç giyiminin Türkiye temsilcisi de odur…
geçileceðini ondan iyi bilen yoktur… Bakýn Ama kendi tabiriyle biz Türkler “ortaklýk
o nevi þahsýna mahsus þair, yazar, gazeteci mefhumu”na alýþýk olmadýðýmýz için tica-
Cüneyt Ayral’ýn becerilerine… rette batan da odur… Ýstanbul’da her yýl
en prestijli mekânlarda iç giyim defileleri
O, nevi þahsýna mahsus biri… düzenleyen ve de yurtdýþýndan getirdiði
mankenlerle sunduðu çamaþýrlarý sosyeteyi
Uzaydan mý gelmiþ, bilinmeyen bir diyarda alt üst eden de odur… Büyük gazetelerin
mý doðmuþ, kriptondan mý gelmiþ… Kimse birinci sayfasýndan onun etkinlikleri yer alýr-

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yazmýþ kurgu bilim türünde. Gezegenlerarasý
aþký anlatýyor, “Düþünsel elementler”le ilgili
sevenleri için keyifli ama ben oldum olasý þu
bilim kurguya ýsýnamadým o baþka…

Cüneyt Ayral’ýn bilim kurguya dalýþý bildiði-


niz gibi deðil. O Sri Lanka’da en baba bilim
kurgu yazarý ile tanýþtýktan sonra baþlamýþ,…
Ýngiliz Þövalyelik Niþaný’na sahip Sir Arthur
Charles Clarke olayýn mantalitesini ona
anlatmýþ… Anlatmýþ… Çünkü Clarke meþhur
yönetmen Stanley Kubrick ile çalýþmýþ ve
yazdýðý “2001: A Space Odyssey” adlý filmi
gerçekleþtirmiþ… Yani Cüneyt Ayral hayatla
dalga geçerken böylesine tesadüflerle
yaþamýþ,…

O, nevi þahsýna mahsus biri…

Yukarýda Sri Lanka diye bir ülke adý


geçti… Evet, Cüneyt taaa oralara, Hindistan’ýn
güneybatýsýndaki bu esrarengiz adaya gidip
orada da giriþimciliðini göstermiþ. Koskoca
bir çamaþýr fabrikasý kurmu,… Türkiye’de
nasýl bir numara olduysa Sri Lanka’da da
bir numara olmuþ. Adamýn içinde var zirve-
lerde dolaþmak… Türkiye’de battýðý günlerde
dý… Zirvedeydi… Hürriyet’in “imparator” genel müdürü Nezih
Demirkent yardým etmiþ, ona bankalardan,
Cüneyt Ayral’ý Marsilya’da veya o civar- gerekli gereksiz ortaklýk nedeniyle attýðý imza-
larda bir kasaba pazarýnda Fransýzca “Ýkizler lardan kurtulmak için Fransa ellerine göçme-
takke” diye Türk usulü baðýra çaðýra sutyen sine yardým etmiþ. Son yýllarda da Denizlili
satarken görenler de þaþýrmamýþtýr. Çünkü o iþadamý Ahmet Gökþin sýkýntýlý günlerden kur-
Cüneyt’tir yapar… Ekmeðini taþtan çýkarýr… tarmýþ Cüneyt’i. Bankalarla anlaþmýþ, imza
Sutyenleri satar, donlarý, jartiyerleri satar ama sorumluluklarýndan kurtarmýþ, böylece Tür-
akþam köþesine çekilip 10 yaþýndan beri yani kiye’ye dönüp hayatla dalga geçmeye devam
47 yýldýr sürekli içtiði sigarasýný yaktý mý iþte o etmiþ.
zamanlar baþlar onun kendi dünyasý…
“Ýç giyim” uzmaný Cüneyt Ayral kadýnlarýn
O, nevi þahsýna mahsus biri… çamaþýrlarýyla uðraþýrken yazarlýktan, çizer-
likten ayrý durur mu hiç… Ayda bir yayýn-
“Kýz rakýsý” dediði bir parmak raký üstüne lanan “Kostantýniyye Haberleri” adýnda bir
doldurduðu (bence pek yavan) bardaðýndan gazete de çýkarýyordu. Bunu bire bir biliyo-
içkisini yavaþ, yavaþ, içip kafasýndan ne kur- rum çünkü yayýn kurulunda bende vardým.
gular yarattýðýný bana son yazdýðý iki kitabýný Bir gece toplanýp Gazeteyi hazýrlardýk sabaha
getirdiðinde gördüm… Bir “Gümüþ Gölge” bir kadar. Cüneyt’te ne arþiv vardý, ne arþiv…
travestinin hayatýný anlatýyordu… Deniz adlý Istanbul’la ilgili belgeler, fotoðraflar, köþe
genci babasý terk etmiþti, dayýsýnýn kýsýtla- yazýlarý yayýnlardýk… Sonradan kim kurcala-
malarýndan kaçan Deniz’in de yolu Paris’e dýysa kurcaladý “Kostantýniyye” ismi sakýncalý
düþmüþtü ve de orada Cüneyt Ayral’a rast- bulundu, mahkeme yasakladý… Neler oluyor
lamýþtý… Onun maceralarý Cüneyt’in kalemin- memlekette dedik þaþtýk kaldýk… Gazetenin
den iþte o bol sigaralý, az rakýlý gecelerde ismini “Bizim Þehir” olarak deðiþtirip yine bil-
kitap olmuþtu… Bir de “Mimiti” diye bir kitap diðimizi okumaya devam ettik… Bilenler bilir

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halbuki Fatih’in çýkardýðý paralarýn üzerinde
“Darb-ý Kostantiniyye” yazar, yani “Ýstanbul’da
basýlmýþtýr”… her þeye raðmen Cüneyt’e biri-
leri çelme takmýþtýr… Ama Cüneyt Ayral yüzün-
den hiç eksik etmediði gülümsemesiyle yine
hayatla dalga geçmiþtir. Keyfi yerindedir…

O, nevi þahsýna mahsus biri…

Kýzý Roxane yani Roksan’la oðlu Sinan


da Fransa’da yaþýyor… 26 yaþýndaki Roxane
küratörlük yapýyor, Türkçesi sergi düzenliyor.
Sergi açacak olan sanatçýlar kendileri bir türlü
göremezler tablolarýnýn, fotoðraflarýnýn nasýl
asýlacaðýný, heykellerinin nasýl yerleþtirileceðini
bilemezler, heyecanlanýrlar, iþte bu iþi küratör-
ler yapýyor artýk dünyada. Ýstanbul’da da bütün
sergiler küratörlerin becerisinden geçiyor…
20 yaþýndaki oðlu Sinan’da babasýnýn modeli,
kafasýna göre takýlýyormuþ, Paris’te bir yandan
doðaçlama müzik yapýyor, bir yandan da
senaryo yazýyormuþ… Babasýnýn Pazar
tezgâhýnda sutyen sattýðý günlerde onun en
büyük yardýmcýsýymýþ.

17 kitap yayýnlamýþ bir zamanlarýn popüler


patronu Cüneyt Ayral. Simdi bir yemek kitabý
üzerinde çalýþýyor… Yemek deneyimini anla-
týyormuþ. Özel olarak müthiþ fotoðraflar çekil-
miþ, 10 ünlü þeften yemek tarifleri alýnmýþ.
Onun keyifli yemek tecrübesini merakla
okuyacaðým günü bekliyorum… Ýzmir’e gel-
diðinde ise bir küçük restorana gitmek istedi.
Beraber Hilton’un yanýndaki sokakta “Acý
Biber” restorana gittik. Zeytinyaðlý dolma
tercih etti. Izmir’e gelince öðle vakti ne yenir,
tabi zeytinyaðlý bir þeyler… Bayýldý o dolmanýn
lezzetine… Belki kitabýnda “Acý Biber”i de
anlatýr, belli olmaz… Cüneyt bu…

O, nevi þahsýna mahsus biri…

Onunla konuþmak, sohbet, dostluk muh-


teþemdir… Bilgi deseniz, kültür deseniz, espri
deseniz onda tonla var… Ýyi ki de yýllar önce
“kardeþ” olmuþuz… q

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Comment se moquer de la vie !
Tufan AKSOY

in «Gazeteyenigün», 29.07.2011

Traduit du turc par/Fransýzcasý: Salih BOZOK

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Cüneyt Ayral, patron populaire d’antan l’a conduit à être poète et écrivain, et à
dans l’industrie de sous-vêtements à Istanbul, publier des livres. Ayant atteint son objectif,
a vendu, paraît-il, des soutiens-gorges à la il dit à présent, qu’il vivra dans ses livres et
criée, sur les marchés de Marseille, en inter- ses poèmes, après sa disparition physique.
pellant les clients aux cris de : « bonnets Il croit survivre dans la postérité avec ses
pour les jumeaux ! », après son départ en œuvres.
France, ne pouvant plus faire face à ses
créanciers. Difficile de trouver un autre être Un être exceptionnel….
au monde, sachant si bien taquiner la vie,
jongler avec. Regardez bien les exploits Vous pouviez faire connaissance de
de cet être exceptionnel, égal à lui-même, Cüneyt Ayral, grand homme d’affaire à
qu’est Cüneyt Ayral, poète, écrivain, journa- Istanbul. Il était à l’origine du terme turc « iç
liste… giyim » (sous-vêtements) désignant la lingerie
féminine en Turquie, de même qu’il représen-
Un être hors du commun, égal à lui- tait dans le pays les marques de sous-vête-
même…. ments tant prisées de femmes, Warner et
Gabriel Venato. Comme il le dit si bien, il
Est-il venu de l’espace, débarquant d’un a fait banqueroute dans le commerce, car
pays inconnu jusqu’à ce jour, ou de la pla- nous les turcs, n’avons pas tellement l’habi-
nète Krypton ? Personne n’est à même de tude du « concept d’association ». Il organi-
trouver une réponse à ces questions, car sait chaque année, des défilés de mode de
il s’agit de quelqu’un de tellement différent sous-vêtements féminins dans les locaux les
des autres, qu’il a raillé la vie durant son plus prestigieux d’Istanbul, et bouleversait la
existence jusqu’à ce jour, malgré ses déboi- haute-société avec la lingerie présentée par
res, ses échecs, ses faillites qui n’ont pas les mannequins qu’il faisait venir de l’étran-
enlevé son sourire aux lèvres. Personne ne ger… Ses activités figuraient à la une des
l’a vu bouder, renfrogné, en dépit d’aventu- journaux à grand tirages… Il était au som-
res malheureuses et de tant de peines endu- met…
rées… Il s’appelle Cüneyt Ayral… et continue
d’étonner ceux qui le connaissent, avec sa Ceux qui ont pu croiser Cüneyt Ayral à
formidable résistance à affronter la vie. Marseille ou sur un marché de province dans
les environs, en train de vendre des soutiens-
Il n’a eu peur de rien ni de personne, à gorge, en criant à la turque, « Bonnets pour
une exception près… Sa peur de la mort les jumeaux » ne pouvaient dont s’étonner. Il

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CÜNEYT AYRAL AVEC TUFAN AKSOY

s’agissait bien de Cüneyt…Il sait gagner son L’autre livre, intitulé « Mimiti » est dans
pain, quoi qu’il arrive, même s’il faut dépla- le genre science-fiction, avec pour thème,
cer des montagnes. Il vend des soutiens, l’amour interplanétaire. Cela peut amuser les
slips, porte-jarretelles, mais une fois rentré lecteurs férus de ces « éléments concep-
au foyer le soir, il allume une cigarette qui tuels », mais je n’ai toujours pas réussi, en ce
ne l’a pas abandonné durant 47 ans, c’est- qui me concerne, à m’habituer à la science-
à-dire depuis l’âge de ses 10 ans. Il est à fiction, dans laquelle Cüneyt Ayral a fait un
présent dans son monde à lui. plongeon rapide après sa rencontre au Sri
Lanka, avec l’un des maîtres du genre, Sir
Un homme à part…. Arthur C. Clarke, titulaire du titre de Cheva-
lier de son état, la Grande Bretagne, et qui
J’ai réalisé, au moment où il m’a offert lui a enseigné les subtilités du genre. Clarke
deux de ses derniers livres, quelles fictions a en effet travaillé avec Stanley Kubrick pour
animaient son esprit créatif, après avoir bu la réalisation de « 2001, l’odyssée de l’es-
doucement de lentes gorgées de son verre pace ». Soulignons ici, que le hasard d’une
rempli d’un doigt de « raki » (dilué et fort rencontre a bien fait les choses, dans la vie
léger à mon goût) qu’il qualifiait lui-même de de Cüneyt qui aime taquiner la vie….
« raki pour fille ».
Oui, il est hors du commun…..
« Gümüs Gölge » (Ombre d’argent) relate
la vie d’un travesti. Le jeune Deniz, aban- Nous avons parlé de Sri Lanka… Cüneyt
donné par son père, avait fui l’autorité de a trimbalé son esprit entrepreneur jusqu’à
son oncle qui apportait des restrictions à sa cette ile pleine de mystères, située au Sud-
vie, en se retrouvant à Paris où il faisait la Ouest de l’Inde, pour y fonder une grande
connaissance de Cüneyt Ayral. Ses aventu- usine de lingerie, et se hisser à la première
res contées au cours de ces nuits passées place en la matière, à l’instar de ses réa-
avec beaucoup de cigarettes, et un petit brin lisations en Turquie. L’aspiration aux som-
de raki, prenaient corps sous forme de livre, mets étant dans son moule et ses gènes.
par un coup de plume de Cüneyt. Au moment de sa faillite en Turquie, le direc-

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, 13
teur « plénipotentiaire » du quotidien Hürriyet, copie conforme de son père, et mène sa vie
Nezih Demirkent, est arrivé à son secours, à sa guise à Paris, en faisant de la musique
en l’aidant à émigrer en France, après avoir impro tout en rédigeant des scénarios. Il était
purgé les dettes contractées à tort et à tra- l’assistant de son père au temps où Cüneyt
vers au titre d’associé. Ces dernières années, vendait des sous-vêtements à la criée, sur
l’homme d’affaire de Denizli, Ahmet Göks,in, les marchés.
a mis fin aux ennuis de Cüneyt, en négo-
ciant avec les banques et lui permettant ainsi Cüneyt Ayral, patron populaire d’autre-
d’abroger les contrats abusifs, et de rentrer fois, et auteur de 17 livres, travaille actuel-
en Turquie, continuer à se moquer de la vie. lement sur un livre de cuisine où il relate
ses expériences en matière culinaire. Des
Cüneyt Ayral, spécialiste en sous-vête- photos fantastiques, et des recettes de 10
ments pour femme, ne pouvait certes pas cordons bleus notoires en feront parie. J’at-
s’éloigner de l’écriture, pour autant qu’il tends impatiemment, le jour où j’aurai accès
œuvrait pour la lingerie de ces dames, et en lecture, à ses expériences culinaires. Lors
publiait aussi un mensuel sous le titre de de son passage à Izmir, il a souhaité déjeu-
« Kostantniyye Haberleri » (Nouvelles de ner dans un petit restaurant. Nous nous
Constantinople). Je le savais bien, étant moi- sommes attablés au restaurant « Aci Biber
même dans le comité de rédaction de la » (Poivron piquant) dans une rue adjacente
publication. Nous nous réunissions la nuit à l’Hôtel Hilton. Il a commandé des poivrons
durant pour éditer le journal au petit matin. farcis à l’huile d’olive. Que peut-on manger à
Cüneyt Ayral disposait d’archives personnel- Izmir, à midi ? Des mets à l’huile d’olive, cela
les fabuleuses, nous servant de base pour va de soi. Il a adoré ces poivrons. On ne
publier des documents, photographies et sait jamais. Il est capable de parler dans son
articles de fond sur Istanbul. Plus tard, sur livre, du « poivron piquant ». C’est Cüneyt,
dénonciation d’on ne sait qui, le titre de « après tout…
Kostant?niyye » (Constantinople) a été trouvé
inconvenant, et interdit par décision de jus- Un être exceptionnel…
tice. Nous étions abasourdis, en nous deman-
dant ce qui arrivait au pays. Nous avons Les discussions, les bavardages avec lui,
poursuivi la tâche en changeant le titre en l’amitié…c’est fabuleux. Un océan de con-
« Notre cité ». La décision du tribunal était naissances, une culture sans faille, et des
d’autant plus surprenante que l’inscription blagues à la pelle. Heureusement, nous
« Darb-? Kostant?niyye » (frappée à Cons- sommes devenus « frères » depuis tant
tantinople) figurait sur les pièces de mon- d’années. q
naie de l’époque de Mehmet le Conquérant.
Quelqu’un a sûrement voulu faire un croc en
jambes à Cüneyt….Mais lui, avec son sou-
rire qui ne disparait jamais de son visage,
continue de se moquer de la vie… Il est en
forme.

Un être égal à lui-même

Sa fille Roxane et son fils Sinan vivent en


France. Roxane, 26 ans, exerce le métier
de curateur. Elle organise des expositions.
Les artistes exposants ne savent pas tou-
jours comment accrocher leurs tableaux et
photos, où placer leurs sculptures. Cela les
angoisse. Cela devient le travail du curateur.
Toutes les expositions, à Istanbul, sont l’œu-
vre des curateurs. Sinan, 20 ans, est la

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Cüneyt Ayral !
Entretien réalisé par Nedim GÜRSEL

in «Hürriyet Gösteri», 07.05.2011

Traduit du turc par/Fransýzcasý: Salih BOZOK

lllllllll

Je connais Cüneyt Ayral depuis presque 40 ans. Je peux dire que j’ai pu être proche témoin de
ses activités multiples et complémentaires dans leur diversité, dans des domaines variés tels que
photographie, poésie, édition-publication, journalisme, récits de voyages et romans.
Son côté écrivain qui se situe au premier plan ces dernières années ainsi que l’apparition de nouvelles
éditions de ses livres sur les rayons suscitent particulièrement mon intérêt. Ces ouvrages ne sont pas
uniquement des projections de son évolution mais constituent autant de bornes kilométriques d’une
personnalité « hors du commun ». Je m’étais déjà exprimé sur certains de ces écrits, et j’estime à
présent qu’il est temps d’en faire un bilan.

Je t’avais connu quand tu étais jeune poésie. Il me l’avait lu un matin d’Ankara, en


photographe. Dans les années 1970 à regardant par la fenêtre. Quant à mon pas-
Ankara, lors d’un dîner chez Madame Hay- sage à la prose, cela est en rapport avec
rünnisa Kadýbeþegil, l’éditrice du maga- une demande faite par les Editions Elma
zine Oluþum « Genèse ». Enis Batur et à Ankara qui m’ont proposé de rédiger une
Figen étaient aussi présents. Ensuite nos autobiographie, suite à un reportage de
chemins se sont croisés à Ýstanbul, à Þermin Terzi me concernant, dans le quoti-
Nice mais plutôt à Paris. Tu as pris de dien Hürriyet, en 2001. Je ne mentirai donc
belles photos, tu as écris des poèmes. pas, en affirmant que mon évolution vers la
Après ton autobiographie, tes récits ont prose est due à « une commande ».
été publiés les uns après les autres. Etre
productif dans différents domaines ne Je me suis beaucoup amusé en écrivant
provoque-t-il pas en toi une certaine dis- mon livre YOLCULUK « Le voyage » mais
persion ? cela m’a beaucoup ennuyé aussi. Les cri-
En fait, je me suis toujours défini « poète ». tiques positives des lecteurs m’ont encou-
Mes poèmes sont bons ou pas, c’est autre ragé et m’ont poussé à essayer la prose.
chose et c’est au lecteur d’en décider. Par Cependant, la question principale était tou-
contre, c’est surtout la définition donnée jours « par où commencer et par quoi ».
par mon maître Ýlhan Berk qui a joué un Mon amitié, ma camaraderie avec toi ainsi
rôle déterminant dans ma vie. Il m’avait que nos longues conversations sur la lit-
désigné comme : « l’ouvrier souterrain de térature m’ont beaucoup appris. Je peux
la poésie ». Un vers de Vüs’at O. Bener, « donc dire que tu as été en quelque sorte
les enfants dans leurs uniformes noirs de « le vecteur » de mon orientation vers le
mort » a également beaucoup influencé ma roman et les récits.

N° 133-134 OLUSUM/GENESE
, 15
Dans la prose, je suis souvent critiqué en Il y a deux ans, J’ai effectué des trajets sur le
raison de mon habitude à « exprimer beau- Bosphore au moyen de navettes maritimes
coup de choses avec peu de mots », que et pris des photos de la Gare de Haydar-
j’ai hérité de Vüs’at O. Bener. Il est presque paþa et de la Tour de Léandre. Nous pou-
impossible de trouver de longues descrip- vons comprendre la nécessité pour une ville,
tions ou des phrases sophistiquées dans de mettre fin à l’activité d’une gare histori-
mes livres. Si je compare mon écriture dans que. Il y a un exemple à Paris, il s’agit du
différents genres de la prose, j’écris plus Musée d’Orsay. Mais, franchement, je n’ai
ou moins de la même manière dans tous plus la force de combattre une méthode de
ces genres, et je ne rencontre pas tellement pensée qui tente de transformer un monu-
de difficulté, qu’il s’agisse d’un article de ment historique en hôtel, centre commercial
presse analysant le quotidien, d’une autobio- ou centre d’affaires. Le pouvoir en place est
graphie parlant du passé ou de la fiction hostile à l’art et aux artistes. Il est liberticide.
d’un roman.
Aujourd’hui, toutes les marques du monde
Dans « Les Chansons d’Istanbul », tu globalisé ont pris place à Istanbul, le bonbon
avais conté tes observations sur la ville. traditionnel Akide, le lokoum de Hacý Bekir
Ensuite, tu as publié le journal « Kos- ont perdu leur saveur d’origine, Sultan Ahmet
tantýniyye ». Maintenant que tu vis à et ses boulettes de viande sont assimilées
l’étranger, comment vois-tu aujourd’hui à la culture fast-food, les grands centres
Istanbul, de l’intérieur et de l’extérieur ? commerciaux éloignent les citoyens du Bos-
A vrai dire, j’ai regardé une seule fois Istanbul phore ou de Sarayburnu, et les côtes de
de loin. Cela a été après quatre ans d’exil Marmara, de Sirkeci à Bakýrköy, sont deve-
volontaire. C’est là que j’ai remarqué pour la nues des espaces de barbecue… Pourquoi
première fois, le grand changement intervenu vais-je regarder cette Istanbul ?
et la dynamique nouvelle de la ville. J’en
étais franchement stupéfait. Depuis, je con- Ce qui fait d’une ville « une ville » c’est avant
tinue de résider à l’étranger. Il m’est arrivé tout ses habitants. Où sont-ils ?
toutes sortes de choses à Istanbul, pratique-
ment tout ce qui peut arriver dans la vie Tu peux raconter l’aventure du Kostan-
à quelqu’un. J’ai même été kidnappé, poi- týniyye et tous ses périples ?
gnardé et frôlé la mort dans cette ville. Je Je pense que le journal Kostantýniyye Haber-
préfère depuis ne pas regarder Istanbul de leri Gazetesi, figure parmi les meilleurs
l’extérieur et vivre pleinement le lieu où je me exemples du journalisme local en Turquie.
trouve. Mais quand j’y vais (comme tu avais Aujourd’hui, il sert de matériel d’enseigne-
dit toi-même une fois, Istanbul ce n’est plus ment dans des universités étrangères, et ses
la ville où je retourne, c’est une ville où je collections y sont archivées.
vais), et à ces moments là, nous nous regar-
dons et j’écoute Istanbul. J’ai publié ce journal pendant 5 ans et j’ai
dépensé 768 000 dollars américains au total.
Voyez ce qu’a affirmé le Premier Ministre, à Si j’avais gardé cet argent pour moi au lieu
la tête de ce pays depuis 10 ans à propos de le dépenser pour le journal, j’aurais pu
du projet MarmaraRay qui, à mon avis, est avoir actuellement une vie sans aucun souci
très important pour Istanbul. Il a dit en subs- financier, mais il s’agissait d’un choix et j’ai
tance : « le projet prend du retard car ils arrê- toujours assumé ma décision. Le journal a
tent les travaux à cause des poteries et vais- été interdit par « notre Etat » sous prétexte de
selles ». Une mentalité qui traite les œuvres « rappeler Byzance, ancien nom d’Istanbul
archéologiques de « poterie » est en train en grec, et heurter de ce fait la morale éta-
de gouverner la Turquie. Que pouvons-nous blie ». Les bureaux de la rédaction ont été
espérer de bon pour cette ville qui est l’une perquisitionnés par des policiers portant des
des plus importantes au monde du point de armes automatiques. Cela nous a amené à
vue historique, dans un pays dirigé par ce changer le titre du journal et à continuer
genre d’homme ? sous le nom de « Nouvelles de Notre Ville »,

16 OLUSUM/GENESE
, N° 133-134
et nous avons déposé un recours à la Cour
de Cassation. Nous avons eu gain de cause.
La préfecture d’Istanbul, demanderesse dans
l’affaire, n’a pas fait recours. Aujourd’hui per-
sonne n’a honte de prononcer les mots de
« Konstantiniyye », de « Constantinople »
ni de « Byzance ». Les citoyens ont récem-
ment choisi la couleur pourpre de Byzance
pour les bus de la ville. Je me demande
parfois si cette ville n’est pas en quelque
sorte, une espèce de force majeure abstraite
imprégnant les êtres au plus profond d’eux-
mêmes.

Il n’en reste pas moins que Kostantýniyye


Haberleri Gazetesi constitue un document
important grâce à ses écrivains qu’on pour-
rait qualifier du “haut du rang” qui ont réflé-
chi et écrit pour Istanbul. Je continue d’être
fier de l’avoir publié. Le reste n’a aucune
importance.

Je te pose la question en tant que roman-


cier qui n’a jamais écrit de poème mais
qui a beaucoup écrit sur la poésie. Com-
ment s’est fait ton passage de la poésie
à la prose ? Etait-ce un passage doulou-
reux ?
Je ne peux parler d’un passage, donc il n’y a
pas eu de douleur. La poésie, au-delà d’une
forme d’écriture, est pour moi un « mode de
Photo : Ahmet Sel

vie », une manière de sentir, de voir ce que


tu regardes et de l’interpréter. Je pense qu’il
est possible de voir cette poésie dans mes
romans. Je ne fais pas d’effort pour inclure la
poésie dans le roman, mais comme il s’agit
d’un mode de vie, cette sensation apparaît CÜNEYT AYRAL SUR LES QUAIS DE PARIS

systématiquement dans tout ce que j’écris.


La seule chose qu’il faut souligner c’est que a peint des tableaux pour chacun de ces
le roman est peut-être plus attractif. poèmes. Il y a eu une exposition. Faute de
moyens financiers, le spectacle ne pourra
La poésie est l’art traditionnel de nous expri- pas venir en tournée à Istanbul. La poésie
mer, mais on trouve de moins en moins de souffre de ce genre de problèmes.
lecteur. Les éditeurs, de plus en plus indus-
trialisés, n’aiment pas tellement publier des Si l’on considère l’écriture comme une aven-
« livres de poésie » car ça ne se vend pas. ture, les douleurs d’accouchement pour les
Ce n’est pas pareil pour un roman. Ses lec- deux genres, poésie et prose, sont presque
teurs sont beaucoup plus nombreux et il identiques. Quant à moi, j’ai deux positions
est plus facile de les atteindre, communi- différentes concernant roman et poésie. Dans
quer avec eux. Prenons l’exemple de mes un roman, je peux changer ce que j’ai rédigé,
poèmes écrits sous le titre de 7 Tangos qui mais le poème restera tel quel, comme je
ont été mis en scène en Argentine par Mario l’ai écrit la première fois. Il m’est impossible
Morales. Une peintre turque, Melek Atakan, de le retoucher ou le changer. J’ai une rela-

N° 133-134 OLUSUM/GENESE
, 17
coup appris de “la vie au foyer” en rendant
visite chez eux, à mes amis. J’ai effectué de
longs séjours dans cette ville, aussi bien à
l’époque de l’hégémonie anglaise, qu’après
la rétrocession à la Chine. J’ai observé leur
intégration à cette transformation, cette dif-
férenciation, tout en conservant leur identité
et leurs caractéristiques hongkongaises. Ça
m’a toujours impressionné. J’ai pris beau-
coup de notes sur cette ville dans mes
journaux intimes et je sais que ces souve-
nirs apparaîtront un jour dans mes écrits.
Tu sais que mes archives font à peu près
quatre mètre cubes et demi!

Venons-en à ma relation avec Paris et Nice


que tu as dissimulée entre les lignes de ta
question brève.

J’ai habité Nice pendant 8 ans, mais si tu


CÜNEYT AYRAL AVEC NEDIM GÜRSEL
me demandes le nom d’une rue par exem-
ple, il est tout à fait possible que je ne
tion tendue avec la poésie, alors que mes puisse y répondre. Cette ville ne m’a pas tel-
relations avec la prose sont beaucoup plus lement marqué, alors que ma relation avec
amicales et souples. Paris, remonte à 35 ans environ. Quiconque
aura habité sans interruption la Rue de Tur-
Tu as vécu longtemps à Paris, ainsi qu’à bigo pendant 4 ans, en sortira forcément
Nice. Tu as publié des récits de voyages. impressionné.
Ces villes t’ont marqué.
La ville qui m’a impressionné le plus a été Mon roman Zaman Bitti (« Le temps est fini
Hong Kong. Je n’ai pas beaucoup écrit sur ») commence par un regard de la fenêtre
cette ville pour le moment mais je pense que de mon appartement de la Rue de Turbigo
cela viendra prochainement, sous la forme et se termine au même endroit. Dans mon
d’un roman peut-être. livre Les notes de Paris, j’ai beaucoup écrit
sur cette ville et continue d’écrire. Les notes
Une autre ville a été Mexico D.F, où j’ai de Paris 2 viennent de sortir en librairie.
séjourné une dizaine de jours. J’aimerais Ce livre contient surtout des essais que j’ai
beaucoup y retourner, je rêve d’habiter un rédigés à Paris et à Nice.
moment au Mexique.
Paris c’est ma liberté! Je me sens « chez
Bologne, en Italie, a aussi une place pri- moi » dans cette ville. La quasi totalité de
vilégiée dans mes souvenirs. J’en parle de mes amis y sont. Paris, c’est la ville où l’on
temps en temps dans mes romans. Dans peut vivre loin de tout préjugé, tel que «
mon livre de cuisine qui sortira prochaine- chacun voudrait se décrire soi-même »,
ment, il y aura quelques indices concernant où personne ne jette un regard critique sur
cette ville. l’autre (ou, tout au moins, je ne perçois pas
ce regard) et aussi Paris est-elle la ville où
La ville de Hong Kong m’a subjugué par j’ai réussi à élever mes enfants, et ce n’est
l’odeur de cuisine qui l’imprègne, l’ambi- pas la moindre des choses. Si j’ai plus de
tion, la vélocité de ses habitants ainsi que souvenirs à Paris qu’à Istanbul c’est une
leur façon de voir la vie. Je n’ai jamais eu autre histoire. J’ai plein de souvenirs d’Is-
de foyer à moi dans cette ville, ayant tou- tanbul qui me chagrinent et me fatiguent
jours vécu dans des hôtels, mais j’ai beau- alors que Paris, c’est juste le contraire.

18 OLUSUM/GENESE
, N° 133-134
Si on retourne à tes « Notes de Paris », du vécu. Nous sommes en train de parler
nous pouvons dire que cette ville a une d’un livre où j’ai eu le courage de raconter
place à part pour toi. Pourquoi ? l‘histoire d’un échec. J’ai donné un certain
Je constate que tu ne te contentes pas de nombre d’indices sans aller plus loin. Je n’ai
ma réponse précédente, puisque tu reviens pas parlé du tout de certains détails de mon
en force avec une nouvelle question sur le vécu et je sais que je n’en parlerai jamais.
même thème… Ce n’est pas un refus de confession, je
pense au contraire, qu’il n’y a aucun sens
J’ai fréquenté le Café de Flore à Paris pen- à parler du succès, et qu’il n’est pas utile
dant 31 ans. Maintenant je ne peux plus, de capitaliser en matière à orgueil certaines
car c’est devenu trop cher! J’ai vécu dans la choses vécues.
Rue Saint Sulpice, la Rue des Saints Pères,
la Rue de Turbigo, la Rue de la Convention. Il y aura une suite. J’ai un projet de livre
J’ai connu ici tous les plaisirs et voluptés autobiographique relatant les Maisons et
que la vie nous offre. J’ai appris ici ce qu’est Hôtels dans lesquels j’ai vécu. Dans le pre-
une prostituée, un homosexuel, un sadique, mier ouvrage autobiographique, il s’agissait
un masochiste, une lesbienne… C’est ici que d’un regard critique sur la justice. Ici, je
j’ai appris la joie de « manifester » librement vais tenter de parler de l’Histoire contempo-
dans les rues et d’en récolter les résultats raine et de la sociologie de ces 60 dernières
positifs. J’ai vu ici, par ma propre expérience, années, à travers certaines séquences de
que l’Etat existe pour le peuple, et que cela ma vie, dans ce contexte. Mes lecteurs pour-
n’est pas un mot vide de sens comme en ront ainsi se confronter aux changements
Turquie. En tant qu’artiste, j’ai eu la considé- qui ont eu lieu à Istanbul, Hong Kong, Paris,
ration et le respect que je n’ai pu avoir dans Nice, Sri Lanka. Je travaille là-dessus et j’es-
mon pays natal... Que dire de plus ? père que ce sera une œuvre d’une certaine
consistance. Je tâche de faire en sorte que
Je vais te raconter une anecdote. Dans cela soit un document témoignant de la tran-
mon autobiographie, Yolculuk, j’ai relaté des sition au 21ème siècle.
moments vécus de ma vie, et je me suis
permis de citer des personnes sans cacher Dans « Gümüþ Gölge » (« L’ombre d’ar-
leurs noms. Une de ces personnes ayant gent »), tu écris sur un travesti. Quel
porté plainte j’ai été convoqué au cabinet était ton but ? Créer un caractère margi-
du procureur de la République à Paris pour nal, ou briser les tabous, combattre les
une déposition. Il était étonné quand il a valeurs traditionnelles ?
compris que j’avais relaté la vérité avec des La manière dont le « travesti » est perçu
preuves à l’appui et citant des témoins… en Turquie et dans d’autres pays est dif-
Il a ajouté sa propre appréciation et ren- férente. Nous apercevons en Turquie, des
voyé cette déposition en Turquie. A la fin j’ai travestis qui se prostituent majoritairement
écopé d’une peine, mais ils n’ont pas réussi dans les rues à Antalya, Adana, Bodrum,
à saisir mon livre. Je pense que cela pourra Ýzmir, Ankara, Eskiþehir ou Bursa. Il y’en a
être une réponse suffisante à ta question aussi comme Huysuz Virjin (Virgine la revê-
« pourquoi ? ». che) comédienne de son état, Bülent Ersoy
et feu Zeki Müren, figures emblématiques de
Dans ton autobiographie, tu parles de la chanson. Ils ont leurs différences, bien sûr.
ton enfance, de ta famille et de tes pro- Zeki Müren était un « crossdresser » tandis
ches. Ce livre reflète-t-il tout ton vécu ou que Bülent Ersoy est un transsexuel. Virgine
y aura-t-il une suite ? est un « crossdresser » sur scène, et j’ignore
Tu me connais bien, il n’est pas difficile de tout de sa vie quotidienne. Ces trois exem-
deviner la réponse que tu veux avoir. Non, ples cités sont très appréciés en Turquie,
je n’ai pas tout écrit tout dans ce livre. Yol- ils enthousiasment le public et battent des
culuk est plutôt un questionnement axé sur records d’audience. L’idéologie officielle peut
la justice. J’ai essayé de faire ressortir l’in- toutefois les condamner à exil, comme dans
justice en Turquie à travers un récit amusant le cas de Bülent Ersoy, et changer le nom de

N° 133-134 OLUSUM/GENESE
, 19
la rue « Sormagil » à Istanbul, où se concen- La Turquie est devenue un pays de plus
trent un grand nombre de travestis, en rue « en plus conservateur. Qu’en penses-tu ?
Baþkurt ». Pouvons-nous dire que ta position est
atypique ?
D’autre part, les travestis travaillant dans la Toute ma vie, j’ai préféré être « moi-même
rue risquent d’être victimes de sévices de la », et cette position a été qualifiée « hors
part des forces de sécurité à l’image de ce normes » tant dans la famille que dans la
policier surnommé « Süleyman le tuyau » société. Je ne sais pourquoi d’ailleurs. Peut-
à cause de son habitude à cogner avec un être le désir de « vivre l’avenir » en mon for
tuyau en caoutchouc. Ils sont traqués par intérieur m’a-t-il poussé à ce genre de com-
des agents de sécurité ou condamnés à portement. Je n’en sais rien, je n’y ai même
payer des amendes. Parfois, ils sont victimes pas réfléchi. Chaque fois que je me regar-
d’assassinats dont les auteurs ne sont pas dais dans la glace, je n’ai jamais réussi à me
condamnés comme il se doit. Le plus affli- voir autrement, alors que mon entourage me
geant dans tout ceci, c’est qu’une vedette captait toujours différemment. De ce fait, je
transsexuelle comme Bülent Ersoy, appré- n’ai jamais pu vivre pleinement mes amours,
ciée et acceptée de la société, ne descend ni accomplir pleinement ce que j’ai entrepris.
pas dans la rue pour soutenir ces gens et A ce propos, les personnes avec lesquelles
faire l’avocat de leurs souffrances. Il y a de je m’entends à merveille sont sans aucun
quoi se poser des questions concernant la doute, ma fille Roxane et mon fils Sinan.
Turquie. Tous les deux ont réussi à m’accepter et
aimer « tel que je suis ». Pour répondre à ta
Cependant, je connais un médecin trans- question, oui, « ma position est atypique, je
sexuel qui exerce dans un hôpital public suis atypique ! ».
avec son identité de femme, et qui combat
pour les droits de ses semblables dans le Je n’ai jamais nié mon « anarchisme » sur
cadre de certaines associations. le plan idéologique. Si j’écoute souvent la
chanson écrite pour l’anarchiste italien Pinelli
Après ces remarques, venons-en au roman afin d’apaiser mon âme, il doit y avoir un
« Gümüþ Gölge ». Le lecteur y trouvera les lien, de même qu’en ce qui concerne mon
histoires d’amour d’un travesti turc devenu « admiration pour Tchaïkovski.
prostitué de luxe » à l’étranger, et des infor-
mations “hors du commun” sur les différents Quant à la Turquie, il s’agit d’une société com-
modes de vie sexuels en Turquie. Ceux qui posée de gens très différents. La population
auront lu ce livre regarderont d’un autre œil a un passé nomade, et le pays connaît des
les gens qu’ils rencontreront dans la rue, et migrations forcées du fait des villages dévas-
s’interrogeront probablement sur leur propre tés au cours des dernières années. Ýstanbul
vie, leurs fantasmes refoulés et leurs aspi- constitue une métropole, point d’aboutisse-
rations, et se rendront compte qu’il n’y a ment de ces migrations internes. En consé-
pas de place à « l’impossible » dans la vie quence, toutes les caractéristiques du noma-
humaine. Cette « pression sociale du quar- disme sont inhérentes aux êtres humains
tier » que nous vivons à l’heure actuelle dans issus de cette société, et notre « conserva-
l’ensemble de la Turquie est devenue tel- tisme » doit être considéré d’un point de vue
lement oppressante que je ne peux imagi- particulier.
ner un écrivain en Turquie penser créer une
typologie aussi marginale. Cela équivaudra Le problème de « voile » existait-il 20 ans
en soi à la mise en cause des valeurs tra- auparavant ? Bien sûr que non ! D’où il sort
ditionnelles. L’homme du 21ème siècle ne ce problème à l’heure actuelle ? De la dimen-
peut plus vivre sous cette oppression. Tous sion du pain...
ceux qui vivent en société doivent se rendre
compte de la différence des uns et des Dans une société où la distribution des reve-
autres, assimiler ces différences et appren- nus n’est pas équitable, et qui a pour « carac-
dre à vivre avec. téristique principale » le nomadisme, les gens

20 OLUSUM/GENESE
, N° 133-134
votent selon la dimension du pain, la part les plus mal famés de Paris, réussi à cou-
qu’ils ont du gâteau. Ils se comportent selon cher sur papier quelques lignes d’écriture
le bon vouloir de ceux qui « redimensionnent sur chaque lieu découvert ? N’avons-nous
les parts », et sans se poser trop de question. pas épilogué ensemble, dans nos moments
Tout le monde s’en moque éperdument, et de colère et de dépit, sur ceux qui nous
quand les portes sont closes, les « ombres ont couvert d’insultes, pour les pardonner
d’argent » commencent à se refléter sur les ensemble, aussitôt retrouvés les moments
murs à défaut de déambuler dans les rues.... d’apaisement ? Tu te souviens sûrement de
tes lamentations en trouvant chez moi un
Je laisse cette dernière question à ton interlocuteur en tes jours de détresse, et de
initiative. Si tu souhaites que je te pose mes jours d’euphorie quand je suis venu te
une autre question, je te laisse le soin chercher en te disant : « allez, on y va ! ».
d’y répondre également. J’avais placé un Nous existons tant que nous pouvons encore
vers de Baudelaire en épigraphe de mon partager avec les lecteurs les échos que
récit « Öðleden Sonra Aþk » (L’amour nous avons laissés dans les assommoirs d’Is-
dans l’après-midi) : « je suis la plaie et tanbul, les bas fonds de Paris, les cafés du
le couteau ». Qu’en dis-tu ? Poses toi bord de mer à Nice et sur les murs épais du
une telle question qui interroge Cüneyt château de La Napoule.
Ayral de A à Z, sans faux-semblant, sans
mettre le ballon en touche. Je ne mettrai pas le ballon en touche.
Si cela m’était venu à l’esprit plus tôt, j’aurais
mis ce vers de Baudelaire en épigraphe de J’ai toujours aimé épater les autres. Je n’ai
mon roman « Gümüþ Gölge » ! jamais été triste pour avoir perdu ma for-
tune, ma richesse matérielle à la taille d’un
La seule question que je pourrais me poser empire. Quand je me suis rendu compte
pourrait être celle-là : « n’es-tu pas enfin fati- d’avoir hypothéqué l’avenir de mes enfants,
gué d’être toi-même ? ». La réponse aurait j’ai souffert en mon for intérieur. Ils ont eu
été : « Je suis très fatigué ! ». Cependant, beaucoup de compréhension à mon égard,
je ne me suis jamais passé de moi-même, et ils ne m’ont jamais jugé (du moins, jus-
et certains l’ont qualifié d’« égoïsme », et qu’à présent)...
d’autres ont fait avec, en se rendant à l’évi-
dence. Il y en a eu qui ont tenté de parta- On a dit que j’étais amoureux de l’amour.
ger un semblant de vie commune. Je les ai Pas du tout ! J’ai toujours été amoureux de
accueillis tous avec beaucoup d’affection. quelqu’un, sans vraiment réussir à en parler
et à vivre cet amour. La responsabilité en
Je me suis beaucoup fâché avec certains, incombe simplement au fait que « j’ai tou-
j’ai eu de la rancune, mais j’ai tout exprimé jours été moi-même ».
par la parole sans rien intérioriser. J’ai pré-
féré oublier certaines séquences de ma vie Comme je l’ai déjà dit, j’ai considéré la
qui ne m’ont pas rendu heureux, qui m’ont poésie comme un mode de vie, dans tous
fait souffrir physiquement, et j’ai opté pour ces détails. Ecrire pour moi, est une « néces-
le silence. J’ai réussi à le faire jusqu’à ces sité » au même titre que manger et boire de
dernières années. Avec l’âge, mes ressenti- l’eau. Quand je n’y arrive pas, je considère
ments avec le passé ont resurgi et j’ai com- ces moments comme « inexistants ».
mencé à régler mes comptes avec une partie
de ceux qui m’ont pris pour un imbécile. J’ai pensé qu’il était plus important d’aimer
que de faire l’amour....
Tu me connais depuis près de quarante ans.
Tu te rappelles ces temps où j’envoyais mon J’ai connu beaucoup de monde, mais j’ai
chauffeur te chercher chez toi, de même que eu peu d’amis, et cela m’a toujours rendu
ces longs périples à pies où nous cherchions triste....
ensemble un restaurant chinois. N’avons-
nous pas découvert ensemble les endroits Est-ce suffisant ? q

N° 133-134 OLUSUM/GENESE
, 21
“ Proklus’tan bugüne köprünün altýndan
ç o k s u l a r a k m ýþ . . ”

Nedim GÜRSEL ile söyleþi

in «Cumhuriyet Kitap», 14.03.2013

lllllllll

Cüneyt Ayral’ýn Kostantýniyye Notlarý, en donanýmlýÝstanbullulardan birinin gözünden bu kentte sürüp


giden hayatýn bir seyir defteri niteliðinde. Kitaptakiler gündelik, siyasal ve toplumsal olaylarýn özgün bir
bakýþla deðerlendiriliþi ayný zamanda. Ayral’la Kostantýniyye Notlarý’ný konuþtuk.
Nedim Gürsel

Cumhuriyet Kitap - Sonkitabýn “Kos- mel götürmüþtü. Derya, Paris’in çevresin-


tantýniyye Notlarý”nda çeþitli yazýlarýný deki, hatta daha da geniþ bir alandaki þato-
toplamýþsýn. Bu yazýlar arasýnda larý ezbere bilen birisidir. O gün beni oraya
Ýstanbul’dan söz edenler olduðu gibi götürmesinin nedeni de þatonun, cumhur-
Paris’ten söz edenler de var. Bunlardan baþkanlarýnýn yazlýk evi olmasýndandý. Þimdi
birindeki gözlemin dikkatimi çekti. þöyle düþün! Türkiyelisin, nedenli uzun yýllar-
Rambouillet Þatosu’nun parkýnda, ki bu dýr buralarda yaþýyorsam da, yine de Tür-
þato cumhurbaþkanýnýn yaz rezidansýdýr, kiyelilik var… Bizim cumhurbaþkanlarýný, baþ-
seviþen iki heykel gördüðünü söylüyor- bakanlarýmýzý düþün, böyle bir bahçede
sun. Ýlkinde bir kadýnla bir erkek, ikin- Suudi Arabistan kralýný ya da ne bileyim
cisindeyse iki erkeðin seviþtiði bu hey- Malezya baþbakanýný aðýrladýklarýný inan ki
kellerin hikâyesini ve kimin tarafýndan düþünemiyorum… Oysa bu þatoda ve bahçe-
yapýldýklarýný merak ettim doðrusu. sinde, çok yakýn tarihte, pek çok uluslara-
Çok uzun yýllardýr seyahat ediyorum, rasý toplantý yapýlmýþ olduðu gibi pek çok
dünyanýn dört bir köþesine gittim ve beni yabancý devlet adamý da konuk edilmiþtir.
müzelerden çok gittiðim yerlerin gündelik Bahçedeki seviþen kadýn ve erkek ile iki
yaþantýsý ilgilendirdi hep bu yerlerde, her erkek heykellerini, istersen söyle deðerlendi-
zaman dostlar edinip onlarýn ev yaþantýsýný relim: “Bahçede seviþen insanlarýn heykelleri
görmek istedim. Yani bir resmin, bir heyke- vardý” diyelim. Ben onlarý gördüðümde, 29
lin kim tarafýndan yapýlmýþ olduðu nedense Aralýk 1999’daki afette pek çok aðacýný yitir-
beni hiç ilgilendirmedi ama o resmin, o hey- miþ olan dev Rambouillet ormanýna insan-
kelin yaþantýnýn bir parçasý olarak varlýðý larýn bakarken nasýl bir haz duyduklarýnýn
ile hep ilgilendim. Rambouillet Þatosu’na anlatýldýðýný düþünmüþtüm ve tabii Fransýz-
beni, o yýllara Paris basýn ataþeliðini yap- larýn insanlara olan saygýlarýný ve özgürlükle-
makta olan, gençlik arkadaþým Derya Tutu- rine olan düþkünlüklerini.

22 OLUSUM/GENESE
, N° 133-134
“PARÝS ÝÇÝN ‘HÜSNA’ DER, ‘DÝÞÝ’ diþi” olarak gördüðünü gizlemiyorsun.
DEMEZDÝM” Ya “hünsa” kentler?
Eðer bugün o yazýyý yazýyor olsaydým, Paris
Uzun yýllar Kostantýniyye gazetesini için “hüsna” der, diþi demezdim. Zaman Bitti
çýkardýn, bu nedenle, tutucu kesimin romanýmda ve daha sonra Gümüþ Gölge
tepkilerine hedef oldun. Oysa Fatih de romanýmda, þehirlerin bu hallerine çokça
Ýstanbul’u bu adýyla biliyor ve seviyordu. deðiniyorum. Paris’in gizli gece yaþamý,
Tepkiler ve gazetenin adý nedeniyle Ýstanbul’un bilinmeyen köþeleri, Milano’nun
yasaklanmasý konusunda bugün neler sevdalý halleri, Roma’nýn fahiþeleri, New
söylemek istersin? York’un o çok ilginç “hüsna” yaný, Hong
Kostantýniyye Haberleri gazetesini beþ yýl Kong’un tutucu görünümü ve utangaçlýðýnýn
yayýmlamýþ olmak benim onurumdur. Nere- yaný sýra göstermediði paylaþýmlarý… Yeni
deyse 60 yaþýmdayým ve bugüne kadar çok yazmakta olduðum “Son Darbe” romanýmda
þey yaptým ancak yapmýþ olduðum iþler okur, þehirlerin gizli kalmýþ yanlarýný okuyabi-
arasýnda en deðer verdiðim bu gazetedir. lecek. Paris Notlarý I kitabýmda da anlattýðým
Gazete, birlikte çalýþtýðýmýz pek çok dostu- birkaç “hüsna” yer vardýr. Zaman içinde,
mun çok deðerli katkýlarý ile Ýstanbul’a ve bunca gezip gördüðüm yerde, “erkek” bir
zaman zaman da Türkiye’ye ayna tutmuþ- þehre pek rasladýðýmý söyleyemem, bundan
tur. O dönemde gazetenin adý “eski Bizansý memnun olduðumu söyleyebilirim, dünya
anýmsatýyor” gerekçesi ile yasaklanmýþtý. hiç olmazsa þehirler baðlamýnda erkeklerin
Bizi o zamanlar kýrmýzý baþlýkla yayýmlanan egemenliðinden kurtulmuþ!
Zaman gazetesinde çok ünlü bir þair dostum
gammazlamýþtý. Danýþtayda açtýðým davayý Kitabýnda siyasi konulara da deðiniyor-
kazanmýþtým ve ilginçtir devlete karþý açtýðým sun. Bugün Türkiye’nin içinde bulunduðu
davayý devlet temyiz etmemiþti yani hatasýný ortamý, bir yazar ve gazeteci olarak,
kabul etmiþti, bu da bence önemliydi. Bütün nasýl deðerlendiriyorsun?
mahkemelere avukatýmla birlikte gittim, gaze- Türkiye kendisi ile yüzleþmeye çalýþýyor
teden hiç kimse yanýmda olmadý, yalnýzca ancak göçebe gelenekleri çok yerleþik
karar günü, Yeni Moda Eczahanesi’nin olduðundan bunu beceremiyor, inanýlmaz
sahibi, okurumuz ve dostum Melih Ziya Sezer bir korkaklýk içinde. Çaðý algýlamakta güçlük
yanýmdaydý. Bugün dünyanýn çeþitli üniver- çekiyorlar. Ülkeyi yönetenlerin “kaliteleri”
site kütüphanelerinde olan gazeteyi bir gün devlet adamý olmaktan çok uzak ancak
digital ortama taþýmayý çok isterim. Gaze- bu sýkýntý tüm dünyada yaþanýyor yani kali-
tenin yazarlarýndan Hilmi Yavuz, merhum teli, bilgili gerçek devlet adamý azlýðý, hatta
Orhan Duru buradaki yazýlarýný kitaplaþtýrdý, yokluðu dünyanýn bu döneminin sýkýntýsý
Hulki Aktunç’un ömrü yetmedi, öldü gitti. olarak göze çarpýyor, Türkiye’de bundan
Seninle de o gazetede yapmýþ olduðumuz bir nasibini almýþ durumda. Türkiye’yi yöneten-
söyleþide önemli bir ifþaatýn vardýr, “Ýstanbul lerin “diktatör” olmak gibi hevesleri var,
artýk döndüðün deðil gittiðim bir þehirdir” dünyayý geziyorlar ama kavrayabilecek bilgi
cümlesini ilk kez orada söylemiþtin, bence donanýmlarý yok. Ben zeki insan ile akýllý
bu senin “dünya vatandaþlýðýna” attýðýn insaný birbirinden ayýrýrým. Türkiye’de zeki
adýmdýr. Bundan yanýlmýyorsam bir yýl kadar – cin gibi yöneticiler var ama hiçbirisinin
önce bir Türkiye gazetesinde “Ýstanbul’un akýllý olduðu söylenemez. Örneðin, Rusya’nýn
Adlarý” diye bir yazý çýkmýþtý, o yazýyý kesip devlet baþkaný ile arkadaþ oluyor, sonra
yanýtlamak istemiþtim, sonra savsakladým. onun gibi olmak istiyor ama Rusya’yý, tarihini,
Hâlâ gazeteden söz edenler Konstantiyye insanlarýnýn davranýþlarýný bilmiyor, görüyor
diyorlar, bu yanlýþ çünkü Cüneyt Ölçer’in ama kavrayamýyor çünkü bu çok geniþ bir
paralar kitabýndaki parada Kostantýniyye edebiyat, müzik ve plastik sanat bilgisini de
diye yazýyor. Bu Sultan II. Mehmet’in fetihten gerektiriyor. Sosyoloji ve antropoloji bilmeyi
sonra bastýrdýðý paradýr. gerektiriyor… Türkiye’de sürekli olarak elma
ile armudu birbiri ile karýþtýrýyor insanlar.
Paris’in de, Ýstanbul gibi “diþi” bir kent Ýlkeli, aklý baþýnda, ne yaptýðýný bilen, vizyonu
olduðunu yazmýþsýn. Kentleri “eril” ve “ olan bir devlet olmaktan çok uzaklaþtýk. Bir

N° 133-134 OLUSUM/GENESE
, 23
Saray muhallebicisinin sahibidir, bu iþi bile
iyi yapamýyor. Beyoðlu’ndaki Saray Muhal-
lebicisi’nin yerinin deðiþmesine ve olduðu
yere bir alýþveriþ merkezi yapýlmasýna eyval-
lah diyebilmiþ birisidir o. En yenilerde Ýnci
pastanesi’nin yerinden alýnmýþ olmasý da
bir örnek. Ünlü Markiz pastanesinin bugün
geldiði hali görmek bile istemeyebilirsin.
Bir þehir nelerle ünlenir? Varlýðýný nasýl sür-
dürür? Paris’te biz seninle artýk Café de
Flore’a gitmiyoruz, neden? Çünkü orada
kahve çok pahalý ve çok turist geliyor ama
her gelen turist cafénin mönüsünü eline
aldýðýnda, oradan kimlerin gelip geçmiþ
olduðunu okuyor, anlýyor ve þehir hakkýnda
biraz daha bilgileniyor. Yani bir pastahane,
café deyip geçmemek gerekiyor. Þehrin bur-
juva yaþantýsýndan, gençliðinde hiç nasip
almamýþ, yalnýzca çamurlu sahalarda top
koþturmuþ insanlarýn Ýstanbul gibi bir devi
anlamalarýný beklemiyorum. Onlar için ancak
NEDIM GÜRSEL ÝLE CÜNEYT AYRAL
siyasi bazý imler önemli olabiliyor. Yani
hesaplaþmanýn içindeyiz ama ne ile ve hangi ille Taksim Meydaný bozulacak, ille koca-
nedenle hesaplaþtýðýmýzýn bilincinde deði- man cami yaptýrýlacak vs. gibi. Bu bizim için-
liz. Yani böyle giderse eðer Türkiye’ye çok den gelmediðimiz, ama bugün Türkiye’de
yazýk olacak… Toparlanmasý için yeniden egemen olan kültür. Zaten ne demiþlerdi,
çok uzun yýllar gerekecek. Artýk her þeyin “beðenmiyorsan bas git” dememiþler miydi?
artan milli gelir olmadýðýný öðrenmek zorun- Biz de bastýk gittik iþte. Ben kendi adýma
dayýz. Tabii bir de günümüzde sömürgeci- Ýstanbul için yapacaklarýmýn hepsini yap-
liðin nasýl egemen olduðunu anlayalým ki, týðýmý kabul ediyorum. Ýstanbul Þarkýlarý
daha çok sömürgeleþmeyelim. Bir atasözü Kitabý ve ardýndan 40 ýncý sanat yýlý sergim
var biliyorsun, iðneyi kendine çuvaldýzý baþ- (Fotograf sanatçýsý Gültekin Çizgen ile), Kos-
kasýna batýr diye. Bizimkiler iðneyi görme- tantýniyye Haberleri gazetesi ve “Ýstanbul Bir
miþler bile ama ellerinde çuvaldýz saða sola Maceradýr” sergisi. Bunlarýn hepsi tarihe not
saldýrýp duruyorlar, oluru yok anlayacaðýn. düþülmüþtür yani Ýstanbul bana artýk kýza-
Bu tür ile savaþmak da zordur, hani akýllý mayacak.
düþman derler ya…
“Ýstanbul Bir Maceradýr” sergisinin küra-
“ÝSTANBUL’A HERHANGÝ BÝR BAÐLI- törlüðünü yaptýn. Nasýl algýlandý bu
LIÐIM KALMADI” sergi? Kimler gezdi ve ne denildi?
Ýstanbul’a baðlýlýðýn, biraz da uzun süre-
Ýstanbul’un ilk belediye baþkanýnýn dir Fransa’da yaþamandan kaynaklan-
Proklus olduðunu öðrenmiþsin Orhan mýyor mu?
Duru’dan. Son belediye baþkanýnýn uygu- Öncelikle þunu açýkça söylemeliyim, benim
lamalarýna ne diyorsun? Baþbakanýn artýk Ýstanbul’a herhangi bir baðlýlýðým kal-
hayalindeki cami projesi baþta olmak madý. Eðer bir gün Türkiye’ye dönüp orada
üzere Ýstanbul, kentleþme açýsýndan, yaþamayý seçersem, o zaman Ýzmir’e yer-
nerede bugün? leþirim. Hiç olmazsa azýnlýklarý yýllardýr barýn-
Proklus’tan bugüne köprünün altýndan çok dýrmýþ bir þehirdir ve böyle bir kültürü vardýr.
sular akmýþ anlaþýlan. Bir önceki sorunu Benim Fransa ile olan ilgim ve iliþkim 35 yýla
yanýtlarken Türkiye’deki devlet adamlarýnýn yaklaþýyor, 16 yýldýr da burada yaþýyorum.
kifayetsizliðini söylemiþtim. Ýstanbul belediye Yani Ýstanbul’da yaþamýþ olduðumdan daha
baþkaný, þehrin en ünlü muhallebicisi olan uzun süre, Ankara’da yaþamýþ olduðumla

24 OLUSUM/GENESE
, N° 133-134
ayný süredir Fransa’dayým. Burada olmak- madýk. Ýkramlarýmýz daha çok ilgi çekti! Ayýp
tan da ayrýca çok memnunum. Türkiye ile oldu yani…
olan ilgim ve iliþkim, Türkçe yazan bir
yazar olmaktan ve Türkiye’de bir gazete Yani “Ýstanbul Bir Maceradýr” sergisi tam bir
için çalýþýyor olmaktan kaynaklanýyor, 40 yýlý macera oldu. Asýlý kaldýðý sürece pek çok
aþkýn süredir gazetecilik yapan birisi olunca, turist tarafýndan gezildi ama bir tek sanat
ister istemez uzmanlaþýyorsun… eleþtirmeni zahmet edip ne eleþtirdi ne de
övdü… Daha anlatmamý ister misin? Mace-
Türkiye’de son yýllarda olup bitenlere raydý iþte… q
baktýðýmýz zaman, artýk iyice azýnlýkta olduðu-
muzu görüyoruz. Ben kendimi öyle “aydýn”
falan diye tanýmlamýyorum, kendi halinde bir
þair-yazar olarak görüyorum. Dikkat eder-
sen yazdýðým romanlarda da, daha çok,
karakterlerimi dünyada dolaþtýrýyorum. Þimdi
“Son Darbe” romanýmda biraz daha çok
Türkiyeli azýnlýklardan yani benim gibi azýn-
lýða düþmüþ olanlardan söz edeceðim ve
onlarý anlatmayý deneyeceðim. Sergiyi kim
gezdi, kim anladý? Kimse gezmedi ve kimse
de anlamadý!.. Serginin söylemeye çalýþtýðý
pek çok mesajý vardý. Topkapý Sarayý’nýn
iç avlusunda revaklarda açýlmýþtý. Dünyada
ilk serginin, yanýlmýyorsam Ýskenderiye’de,
revaklarda açýldýðý söylenir. Bronza dökül-
müþ olan Ýstanbul’lar, sarayýn duruþuna göre
belli bir çizgide asýlmýþlardý, bir söylemi
vardý. On üç yazarýmýzýn, on üçer satýrdan
oluþan Ýstanbul’larý da bronza dökülerek
tarihe armaðan edildi. Bu metinleri Kostan-
týniyye Notlarý kitabýma aldým, ayrýca Ýngili-
zce ve Fransýzca çevirileri ile serginin kitap-
çýðýnda da var. Her bronz figürün üzerinde
benim Ýstanbul Þarkýlarý kitabýmdan alýnma
diziler de vardý. Sergi kitapçýðýnda bu dize-
ler de Ýngilizce ve Fransýzcaya çevrildi. Tarýk
Günersel ve Beverly Barbey’in bu konudaki
çabalarýný anýmsatmak isterim. Sergilenen
eserleri Semra ve Birol Ecer hazýrlamýþtý.
Ciddi bir çaba ve emek söz konusuydu.
Ancak iþin zanaat kýsmýndaki Birol Ecer
huysuz bir adam çýktý. Açýkçasý düþleyeme-
diði bir iþ gerçekleþince, birden bire “ne
oldum yahu” deyiverdi, o yüzden serginin
devamýndan elimi eteðimi çektim, yoksa bu
sergi ile Ýstanbul, Moskova’ya, Paris’e, Mila-
no’ya gidecekti hemen hemen her þeyini
hazýrlamýþtým. Nitekim bu þehirlere daha
sonra baþka sergiler götürdüm, baþka sana-
tçýlarý taþýdým. Sergi için elektronik müziðin
harika çocuðu, Erdem Helvacýoðlu 13 daki-
kalýk bir Ýstanbul müziði hazýrlamýþtý, açýlýþta
konuklarýn 13 dakikasýný sessiz olarak ala-

N° 133-134 OLUSUM/GENESE
, 25
“ Beaucoup d’eau coula
sous les ponts depuis Proclus... ”

Entretien réalisé par Nedim GÜRSEL

in «Cumhuriyet Kitap», 14.03.2013

Traduit du turc par/Fransýzcasý: Salih BOZOK

lllllllll

Les « Notes de Constantinople » (titre original : Kostantiniyye Notlarý) de Cüneyt Ayral est en quelque
sorte le cahier de bord de la vie qui s’écoule dans cette ville, vue par un des stambouliotes les plus
aguerris. Le livre constitue en outre une analyse singulière des évènements d’actualité, des faits sociaux
et économiques. Nous bavardons avec lui sur ses « Notes de Constantinople » 1
Nedim Gürsel

Tu rassembles dans ton dernier ouvrage, bouillet. Il connaissait par cœur les châteaux
« Notes de Constantinople », une diver- aux alentours de Paris, et aussi ceux qui sont
sité d’écrits, relatant aussi bien Istanbul situés dans un périmètre plus large. Il m’y
que Paris. Un article parmi d’autres était conduit pour la simple raison que ce
attira particulièrement mon attention, château était à l’époque la résidence d’été
celui où tu décris deux statues dans le des présidents de la République Française.
parc du Château de Rambouillet, villé- Penses-y ! Je suis originaire de Turquie. Je
giature d’été des présidents français, vis ici pour telle ou telle raison depuis des
représentant l’une, un homme et une années, mais le fait de venir de Turquie est
femme et l’autre deux hommes qui s’en- ancré en moi… Penses-tu un moment à nos
trelacent. Je suis curieux de connaître présidents et premiers ministres accueillant
l’histoire de ces deux statues, et leurs dans ce genre de parc le roi d’Arabie Saou-
artistes.2 dite ou, que sais-je, le roi de Malaisie ? Je ne
Je voyage depuis des années, j’ai parcouru puis l’imaginer. Or, ce château et son parc
les quatre coins du globe, et la vie quoti- ont accueilli peu de temps auparavant des
dienne des gens dans ces lieux m’a inté- rencontres internationales ainsi qu’un cer-
ressé plus que les musées. J’ai voulu me tain nombre d’hommes d’Etats étrangers. Si
faire des amis et connaître leur vie au foyer. tu permets, disons tout simplement de ces
Pour répondre à ta question, peu m’importe deux statues qu’il y avait dans le parc « des
qui a peint un tableau ou qui a sculpté statues d’hommes et de femmes qui s’en-
une statue. Je me suis intéressé à l’exis- trelaçaient ». A les regarder, j’avais pensé
tence de cette œuvre d’art en tant que partie au plaisir que les gens pouvaient ressentir
intégrante de la vie. Mon ami de jeunesse en contemplant l’immense forêt de Ram-
Derya Tutumel, alors attaché de presse à bouillet qui a tant souffert des calamités du
Paris, m’avait fait visiter le Château de Ram- 29 décembre 19993, ainsi qu’au respect des

26 OLUSUM/GENESE
, N° 133-134
français pour l’Homme et leur attachement « citoyenneté du monde ». Sauf erreur de
aux libertés. ma part, il y a eu un article un an aupara-
vant dans un quotidien publié en Turquie
JE N’AURAIS PAS QUALIFIE PARIS DE sur les « noms d’Istanbul ». J’avais découpé
« VILLE-FEMME » MAIS DE «VILLE-HER- ce texte avec l’intention d’y répondre, mais
MAPHRODITE». j’ai omis de le faire par négligence. Beau-
coup disent « Konstantiyye » en parlant de
Tu as publié durant de longues années, mon journal, alors qu’il s’agit de « Kostan-
le journal « Nouvelles de Constantino- tiniyye », comme précisé dans le livre de
ple » (titre original : Kostantýniyye Haber- Cüneyt Ölçer sur les monnaies anciennes.
leri), et tu as été de ce fait, la cible Une pièce frappée sous le Sultan Mehmet II
des milieux conservateurs. Or, Mehmet après la Conquête mentionne bien ce nom.
le Conquérant connaissait et aimait
Istanbul sous ce nom. Que voudrais-tu Tu as écris de Paris et d’Istanbul, qu’il
nous dire aujourd’hui des ces réactions s’agit de « villes-femelles ». Tu ne caches
et de l’interdiction du journal ? pas ta vision de villes « masculines » ou
C’est un honneur pour moi d’avoir publié ce féminines ». Et les villes « hermaphrodi-
journal pendant cinq ans. J’ai presque 60 tes » ?
ans et j’ai fait beaucoup de choses dans Si j’avais écrit aujourd’hui cet article, j’aurais
ma vie, mais cette publication est, parmi qualifié Paris d’hermaphrodite. Dans mon
mes activités diverses, celle qui a le plus de roman « Zaman Bitti » (La fin du temps),
valeur pour moi. « Les nouvelles de Cons- et plus tard, dans « Gümüþ Gölgeler »
tantinople », avec la riche contribution de (Ombres d’argent), j’évoque souvent ces
mes amis, a été le miroir d’Istanbul, et par- caractéristiques des villes. La vie nocturne
fois de la Turquie entière. Ils ont interdit à secrète de Paris, la face inconnue d’Is-
l’époque, le titre du journal, sous prétexte tanbul, les aspects amoureux de Milan, les
qu’il évoquait l’ancienne Byzance. J’ai été prostituées de Rome, le côté « hermaphro-
dénoncé par un ami poète de renom, qui dite » très remarquable de New York, ainsi
écrivait dans le quotidien « Zaman » édité que ce que révèle Hong Kong derrière son
avec un titre rouge. J’ai eu gain de cause apparence conservatrice et sa pudeur, en
au Conseil d’Etat, dans l’affaire m’opposant font partie. Dans mon dernier roman en
à l’Etat, et c’est à noter que l’Etat ne s’est cours d’écriture, « Son darbe » (Dernier
pas pourvu en Cassation, acceptant ainsi coup) le lecteur prendra connaissance des
son erreur. Cela avait son importance. Je lieux insolites des villes. Je relate dans mon
me suis présenté à toutes les audiences livre « Notes de Paris » quelques lieux « her-
en compagnie de mon avocat. Aucune per- maphrodites ». Et enfin, je ne peux dire que
sonne du journal ne m’a accompagné, à l’ex- j’ai rencontré parmi celles que j’ai connues,
ception de mon ami Melih Ziya Sezer, proprié- de ville « mâle », et je n’en suis pas mécon-
taire de la pharmacie « Yeni Moda », lecteur tent. Le monde est affranchi, du moins en
de notre publication, qui était à mes côtés le ce qui concerne les villes, de la dominance
jour de la décision. Je voudrais porter un jour masculine.
dans l’univers numérique ce journal déjà pré-
sent dans les bibliothèques universitaires de Dans ton livre, tu abordes aussi la poli-
plusieurs pays du monde. Hilmi Yavuz, ainsi tique. Que dis-tu, en tant que journaliste
que feu Orhan Duru, parmi les collaborateurs et écrivain, de la situation actuelle de la
de la publication, ont fait des livres de leurs Turquie ?
écrits. Hulki Aktunç n’a pas eu cette occa- La Turquie essaye de se confronter à soi-
sion, il est décédé avant. Dans un entretien même, mais elle y arrive mal du fait de
que nous avons réalisé ensemble dans les la prédominance des traditions nomades.
colonnes de ce journal, tu as fait une révé- Elle a incroyablement peur. Les gens ont
lation importante en affirmant : « Istanbul du mal à comprendre leur siècle. Ceux qui
n’est plus la ville où je retourne, mais la ville dirigent le pays sont loin d’avoir les « qua-
où je vais ». C’était ton premier pas vers la lités » requises pour des hommes d’Etat,

N° 133-134 OLUSUM/GENESE
, 27
Il est temps d’apprendre que tout n’est pas
réduit à l’augmentation d’un revenu natio-
nal. Il faudra aussi comprendre la nouvelle
face du colonialisme de nos jours afin d’évi-
ter de se coloniser davantage. Tu connais
le proverbe turc : « Enfonces l’aiguille dans
ta propre chair avant de piquer autrui avec
un couteau ». Les nôtres n’ont pas connu
d’aiguille, mais ils attaquent à gauche et
à droite, avec un couteau à la main. C’est
sans issue. Il est difficile de combattre ce
genre d’homme. On dit bien qu’il faut un
adversaire intelligent…

JE N’AI PLUS D’ATTACHE AVEC


ISTANBUL

Tu as appris par Orhan Duru le nom du


premier maire connu d’Istanbul. Il s’agit
de Proclus. Que diras-tu des pratiques
du maire sortant ? Qu’en est-il de l’ur-
STATUE DE RAMBOUILLET banisation de la ville, et en premier lieu,
du projet de grande mosquée chère au
mais c’est le cas dans le monde entier, et premier ministre ?
la pénurie, voire l’absence de vrais hommes On voit que beaucoup d’eau ont coulé sous
d’Etat cultivés et de qualité est un problème le pont depuis Proclus. En répondant à ta
du monde d’aujourd’hui. La Turquie ne fait question précédente, j’ai évoqué l’incompé-
pas exception. Les dirigeants de Turquie tence des hommes d’Etat en Turquie. Le
aspirent à la « dictature ». Ils parcourent le maire actuel d’Istanbul est le propriétaire de
monde entier, mais ils sont dépourvus de la pâtisserie la plus connue de la ville, la «
connaissances leur permettant de le com- Pâtisserie Saray », et il n’est même pas à
prendre. Je fais pour ma part, la distinction même d’exercer correctement ce métier. Il a
entre l’homme futé et l’intelligent. La Turquie accepté que la pâtisserie change de place,
fourmille de dirigeants futés, mais on ne avec un centre commercial érigé à sa place.
pourrait les qualifier d’intelligents. Par exem- Je cite aussi l’exemple de la fameuse pâtis-
ple, d’aucuns deviennent camarades avec serie « Inci » contrainte à fermer ses portes.
le chef d’Etat russe, veulent être comme lui, Tu ne voudrais même pas savoir ce qu’il
mais ils ignorent la Russie, son Histoire, le advient de nos jours de la pâtisserie « Mar-
mode de comportement des russes. Ils les quise » si réputée d’antan. Que fait la noto-
voient mais ne comprennent pas, car cela riété d’une ville ? Qu’est-ce qui nourrit son
exige en fait une large connaissance en litté- existence ? Nous ne fréquentons plus, avec
rature, musique, et arts plastiques. Des con- toi, le « Café de la Flore » à Paris, car le café
naissances en sociologie et en anthropolo- est très cher, mais il continue d’attirer beau-
gie. Les gens confondent constamment les coup de touristes, et dès qu’ils prennent le
poires et les pommes en Turquie. Nous nous menus en main, ils y voient le nom des célé-
sommes éloignés progressivement d’un Etat brités qui sont passées par là, l’assimilent,
de principes, ayant la tête sur les épaules, et cela s’ajoute à leurs connaissances sur
sachant ce qu’il fait, avec une vision pré- la ville. Il ne faut pas sous-estimer un café
cise. Nous sommes dans des règlements de ni une pâtisserie. Je n’attends pas des gens
compte, mais sans savoir avec qui et pour- qui ont couru derrière un ballon sur des
quoi. Si cela continue ainsi, ce sera dom- terrains boueux de leur jeunesse, de ceux
mage pour la Turquie. Il faudra très long- qui n’ont pas goûté à la vie bourgeoise
temps pour remettre les pendules à l’heure. de la ville, qu’ils comprennent un colosse

28 OLUSUM/GENESE
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comme Istanbul. Pour ceux là, seuls quel- tente de relater un tant soi peu les minorités
ques images politiques ont leur importance, de Turquie et ceux, comme moi, relégués
telles que la restructuration de la place en situation minoritaire.
Taksim ou la construction d’une mosquée
gigantesque. Il s’agit de la culture dont nous Qui a visité et compris le sens de l’exposi-
ne sommes pas issus, et qui est actuelle- tion ? Personne, à vrai dire… L’exposition,
ment dominante en Turquie. Qu’est-ce qu’ils qui avait lieu sous les portiques, dans la
ont dit d’ailleurs : « Si tu n’aimes pas, tu quit- cour intérieure du Palais de Topkapi, était
tes ! ». Et voilà, nous avons quitté. En ce qui porteuse d’un certain nombre de messages.
me concerne, je reconnais avoir fait tout ce Sauf erreur de ma part, la première exposition
que je pouvais pour Istanbul. Je cite le livre connue dans l’Histoire, celle d’Alexandrie,
sur les « Chansons d’Istanbul », mon expo- était également placée sous des portiques.
sition de « 40 années d’art » avec l’artiste Des représentations d’Istanbul en bronze,
photographe Çizgen, le journal « Nouvelles étaient alignées dans un ordre déterminé. Cela
de Constantinople » et enfin, l’exposition avait une signification. Les écrits d’Istanbul de
« Istanbul est une aventure ». Tout cela est nos treize écrivains, composés de treize lignes
ancré dans l’Histoire et Istanbul ne peut plus d’écritures sur bronze ont été offerts à l’His-
se fâcher avec moi. toire. J’ai retransmis ces textes dans mes «
Notes de Constantinople », et leurs traduc-
Tu as été commissaire de l’exposition tions en anglais et en français figurent dans
« Istanbul est une aventure ». Quelle le livret de l’exposition. Chaque figure en NOTES DE SALIH BOZOK

impression cette exposition a t-elle lais- bronze était bordée des vers extraits de mon 1. Après la chute de Byzance,
sée ? Qui l’a visitée ? Qu’a-t-on dit ? Ton livre « Chansons d’Istanbul ». Ces vers ont le nom de Constantinopolis
attachement à Istanbul ne puise t-il pas également été traduits pour le livret de l’expo- (Constantinople, en français)
sa source un tant soit peu dans le fait sition. Dans ce domaine, nous devons beau- qui désigne la Ville de
que tu résides en France depuis long- coup à Tarik Günersel et Beverly Barbey. Les Constantine, devint Kostan-
temps ? œuvres exposées étaient rassemblées par tiniyye dans l’époque otto-
De prime abord, je dois dire ceci en toute Semra et Birol Ecer, et il s’agissait là d’un tra- mane. Le nom actuel,
franchise. Je n’ai plus d’attachement à vail sérieux, de longue haleine. Hélas, Birol Istanbul, ne sera officialisé
Istanbul. Si j’opte un jour pour poursuivre Ecer qui assumait la partie technique du tra- que quelques années après
mon existence en Turquie, je choisirais Izmir. vail, s’est avéré être un homme très grin- la proclamation de la Répu-
C’est une ville qui a hébergé longtemps les cheux. Pour parler franchement, les tâches blique, en 1923.
minorités, et qui est pourvue d’une telle cul- entreprises dépassaient le cadre de son ima- 2. La statue représentant
ture. Mon intérêt pour la France et mes liens gination, et une fois cela fait, il s’est laissé deux hommes, « Charité fra-
avec ce pays remontent à près de 35 ans. « griser par le succès », et je me suis retiré ternelle » fut sculptée en
J’habite ici depuis 16 ans, c’est-à-dire plus ipso facto. Or, j’avais tout préparé afin d’ex- 1865 par Julien Edouard
longtemps que j’ai vécu à Istanbul, et autant poser Istanbul à Moscou, à Paris et à Milan. Conny. La deuxième, « Mort
qu’à Ankara. De plus je suis très heureux En effet, j’ai exposé plus tard d’autres artistes de Procris », œuvre de Jean
de me trouver ici. Mon intérêt pour la Tur- dans ces villes. Erdem Helvacýoðlu, enfant Escoula en 1898, représente
quie, mes liens, puisent leurs sources dans prodige de la musique électronique, avait Procris dans les bras de son
le fait que j’écris en turc et je travaille pour composé un morceau de 13 minutes sur le mari Céphale.
un journal en Turquie. Quand on est journa- thème d’Istanbul. A l’inauguration de l’expo, 3. Suite aux inondations et
liste pendant plus de 40 ans, on est forcé- il ne nous a pas été possible de disposer coulées de boues, la forêt de
ment spécialisé. en silence des 13 minutes de nos invités, ce Rambouillet subit des dégâts
En observant ce qui se passe en Turquie qui a été offert ayant suscité plus d’intérêt. importants le 29 décembre
ces dernières années, il semble évident que C’était dommage. 1999.
nous sommes de plus en plus minoritaires. En somme, l’exposition « Istanbul est une
Je ne me définis pas du tout comme « un aventure », était une véritable aventure. Elle Kostantýniyye Notlarý/ Cüneyt
intellectuel » mais poète et écrivain en toute a été visitée par un grand nombre de tou- Ayral/ Bence Kitap/ 246 s.
simplicité. Tu dois remarquer que dans mes ristes, mais pas un seul critique d’art n’a (Notes de Constantinople/
romans, je ballade mes personnages à tra- daigné la critiquer ni en faire l’éloge. Que Cüneyt Ayral/Editions Bence
vers le monde. Dans mon dernier roman puis-je dire de plus ? C’était une simple Kitap/ 246 pages/ Ankara
« Son Darbe » (Dernier coup) en chantier, je aventure. q -2012)

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, 29
Zaman bitti....
Le temps s’épuisa...
Bedri BAYKAM

Traduit du turc par/Fransýzcasý: Salih BOZOK

lllllllll

B D
ir metro çýkýþýnda merdivenleri es dizaines de milliers de gens,
hýzla tüketip Paris sokaklarýnýn jeunes, vieux, portant lunettes,
kalabalýðýna karýþan ya da parapluies, minijupes, costumes,
Taksim’de cirit atan genç, yaþlý, gözlüklü, montent rapidement les marches pour se
þemsiyeli, mini etekli, takým elbiseli on mêler à la foule parisienne à la sortie du
binlerce insan… Uzaktan bize “banal” ve métro, ou déambulent à la place de Taksim d’
kimliksiz görünen bu gri kalabalýklarýn Istanbul......Parmi ces foules atones qui nous
arasýndan X, Y, Z, ya da Rita, Sophie, paraissent si “banales” et dénuées d’identi-
Laura, sokaklarda veya kitap sayfalarýnda tés, X,Y,Z ou Rita, Sophie et Laura arpentent
dolanýyorlar… les rues ou les pages des livres......

Cüneyt Ayral, “ Zaman Bitti” adlý kitabýnda, Cüneyt Ayral nous porte dans son roman
iþte bizi bu insanlarýn iç dünyalarýnda, intitulé « Le temps s’épuisa », au monde inté-
geçmiþlerine ve yaþam tutkularýna, rieur, au passé et à la passion de vivre de
korkularýna taþýyor. Türk yazýn dünyasýnýn bu ces gens-là, ainsi qu’à la peur qu’ils ressen-
“yarý gizli” deðeri, yine kendine has doðrudan tent. Cet écrivain valeureux et quasi « under-
üslubuyla, otobiyografik göndermeleri ve ground » de la littérature turque signe ainsi,
hesaplaþmalarý da eksik olmayan bir yapýta avec un style qui lui est propre, une œuvre
imza atmýþ. Dýþarýdan, “normal” görünen her ne manquant pas de références autobiogra-
canlýnýn, sonuçta aþklarýný, cinsel kimliðini, phiques ni de règlements de comptes inhé-
umutlarýný bir parçalanmýþlýk içerisinde rents au récit. Il nous jette à la figure le
yaþayan, kendi içinde kanamaya devam fait que chaque être d’apparence « nor-
eden, iniþli çýkýþlý yaþam grafikleri olan birer male » n’est rien d’autre qu’un individu en
etlikanlý birey olduðu gerçeðini yüzümüze chair et en os, vivant en état de déchirure
vuruyor… Hem de tabii kendi “normal” ses amours, son identité sexuelle et ses
görüntümüzün ne olabileceðini bize bilinçaltý espoirs, tout en saignant en son for inté-
sorgulatmayý baþararak! rieur avec des flux et des reflux. Il y arrive
de main de maitre en nous amenant à nous
Cinsellik ve özel yaþam kesiþmeleri, interroger dans notre subconscient sur ce
günlük bir üslupla irdelenen bu dünyanýn ana qu’il adviendrait de notre propre apparence
ham maddesi. Üç cinsel kimliðe ruhunda, « normale ».
bedeninde ve yaþamýnda yer açan, bunlarýn
her birini de eþit derecede samimiyetle La sexualité et le croisement des existen-
hisseden ve hayatýna sokan, gezegenin ces individuelles constituent dans le récit, les

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geçici, kafasý karýþýk misafirlerinin öyküsüne olan veya yeniden inþa edilen onca umudun
davet ediyor sizi bu kitap. Ömür üstünden arenasýna hoþ geldiniz. q
yaþanan onca kýsa ve uzun iliþkinin, yok

matières premières de cet univers décrit dans identités sexuelles, tout en les assumant à
le langage courant. Ce livre nous plonge égale distance avec sincérité. Vous êtes les
dans l’intimité de quelques invités éphémè- bienvenus à l’arène de tant de relations cour-
res de la planète, qui intègrent dans leur tes ou durables, et des espoirs perdus ou
corps, leur esprit et leur existence, et dans retrouvés. q
leur indéniable confusion mentale, leurs trois

BIOGRAPHIE DE CÜNEYT AYRAL

Né le 13 février 1954 à Istanbul (Turquie) Cüneyt


Ayral fit ses études secondaires au Lycée d’Atatürk à
Ankara et ses études supérieures à l’Université d’An-
kara dans le département des sciences politiques
(1979).
Dès son jeune âge il a collaboré, notamment comme
chroniqueur aux quotidiens tels que Barýþ, Demokrat
Izmir, etc. A partir de 1973, il travailla comme pro-
ducteur à T.R.T (Radio et Télévision Nationale Turque
), puis lors d’un séjour de deux ans en Grande – Bre-
tagne il prépara à B.B.C. (British Broadcasting Coo-
peration) des émissions de radio en langue turque.
Il fonda en 1977 AFSAD (Association des Photo-
graphes Amateurs d’Ankara). Par ailleurs, il publia
durant cinq ans le journal “Kostantýniyye Haberleri”
qui fut interdit par les autorités mais cela ne l’em-
pêcha pas pour autant de continuer à lutter pour
la liberté d’expression en publiant le même journal
sous un autre nom “Bizim Þehir Haberleri”.
Ses poèmes et articles ont été publiés dès 1970 dans des revues littéraires en Turquie
où il est connu comme grand-reporter pour avoir voyagé dans cinq continents. Cüneyt
Ayral vit aujourd’hui à Paris et à Istanbul où il se consacre à l’écriture tout en continuant
son activité de journaliste.

EXPOSITIONS INDIVIDUELLES

Leurs Visages (Exposition de photographies), Ankara 15 janvier 1979


Leurs Visages II (Exposition de photographies), Le musée de la citadelle de Bodrum,
12-30 juillet 1979

EXPOSITIONS ORGANISEES EN TANT QUE COMMISSAIRE

Brahaus, Collection de Samuele Mazza, Galerie Baraz, Istanbul février 1994


Mondes Cachés (Exposition de peinture John Kacere), Galerie Baraz, Istanbul février
1995

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LIVRES PUBLIÉS

- “Baþkaldýrma” (La Révolte), Poèmes, 1974 (Avec les photos de Hakký Göçeoðlu) Edi-
tions de Türk Tarih Kurumu, Ankara
- “Þiir Mezarlýklarý” (Cimetière de poésies), Poèmes, 1987, Editions Bin Tane Yayýnlarý,
Istanbul
- “Ýstanbul Þarkýlarý Kitabý” (Le livre des Chansons d’Istanbul), Poèmes, 1989, Editions
Bin Tane Yayýnlarý, Istanbul
- “Birinci Nar Senfonisi”, “Opus Yedi“ (Première Symphonie de la Grenade “Opus Sept”)
Texte poétique composé par F. Oburoðlu, 1990, Editions Bin Tane Yayýnlarý, Istanbul.
Deuxième édition en cassette, 1991, Raks Musique, Istanbul.
Première présentation le 27 décembre 1991 à Istanbul.
- “Lodos-Leandros-Lakhesis”, Poèmes, 1992, Editions Bin Tane Yayýnlarý, Istanbul
- “The Sütyen”, Essai sur le soutien-gorge, 1992, Editions Bin Tane Yayýnlarý, Istanbul
- “Yolculuk” (Le Voyage) Auto-biographie, 2004, Editions Elma, Ankara
- “Paris Notlarý” (Notes de Paris), Essais, 2005, Editions Büke, Istanbul
- “Geçmiþ Anýlarý, Öyküleri ile Sütyen” (Passé, souvenirs et nouvelles du soutien-gorge),
Essais et histoires, 2006, Editions Büke, Istanbul
- “Müjgan”, Roman, 2006, Editions Ideas, Istanbul; 2ème édition, 2011, Edition Bence
Kitap, Ankara
- “Zaman Bitti” (Et le temps s’épuisa), Roman, 2007, Editions Mevsimsiz, Ankara; 2 ème
édition, 2011, Edition Bence Kitap, Ankara
- “Girsek mi Girmesek mi” (Qu’on entre ou non à l’Union Européenne ?), Articles et
reportages sur UE, 2007, Editions Mevsimsiz, Ankara
- “Mürekkep, kâat ve sen” (Encre, papier et toi), Poèmes, 2008, Editions Siyah Beyaz,
Istanbul
- “Gümüþ Gölge” (Ombre en argent), Roman, 2011, Editions Bence Kitap, Ankara
- “Mimiti Titolayo Sin”, Roman, 2011, Editions Bence Kitap, Ankara
- Paris Notlarý II, Güncel anlatýlar, Notes de Paris 2, récits contemporains (1996-2004),
2012, Editions Bence Kitap, Ankara
- Kostantýniyye Notlarý, Notes de Constantinopolis

LES CHRONIQUES ET LES EMISSIONS DE RADIO-TV

- Virgül, Journal Barýþ & Dünya Web


- Ankara’dan Merhaba, Journal Demokrat Ýzmir
- Bakýþ, Journal Yeni Ulus
- Nice’den, Journal Dünya
- Tadýmlýk, Magazine Car & Men
- Sýladan Selam, Emission de radio TRT
- Anayurttan Ýstekleriniz, Emission de radio TRT
- Doktorunuz Diyor ki, Emission de radio TRT
- Çok Sesli Türk Müziði, Emission de radio TRT
- Türk Kadýný, Emission de radio TRT
- Ýçimizdekiler, Emission de tv sur la chaine Interstar
- Alýr Götürür Ýstanbul, Emission de tv sur la chaine TRT
- Ajda Pekkan Sizlerle, Ajda Pekkan ve Moda, Emission de tv sur la chaine Kanal 6
- Ýstanbul’dan Fragmanlar, Radio Contact Istanbul
- Bizim Mutfak, Emission de tv sur la chaine Kanal Biz
- Sanat ve Biz, Emission de tv sur la chaine Kanal Biz
- Sanathaber.net chroniques
- Ekonomigundemi.com chroniques

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