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INTRODUCTION
A- La notion de blocage
1- Définition subjective
2- Définition objective
B- Les mécanismes quasi-judiciaires de solution
1- L'accord amiable
2- La conciliation ou l'arbitrage
3- Les clauses d'adaptation (clauses de hardship)
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
La dissolution des joint ventures 3
INTRODUCTION
Dans la communauté d’affaire internationale, le terme « Joint Venture » fait partie des
concepts communs et du vocabulaire connu des partenaires étrangers. Mais du point de vue
légal, la notion de Joint Venture n’en demeure pas moins ambiguë. Une Joint Venture peut
être :
♦ un accord purement contractuel entre des personnes physiques ou morales qui ont une
communauté d’intérêt et s’entendent pour coopérer, pour prendre des initiatives
communes;
♦ une entité juridique créée conjointement par deux ou plusieurs partenaires, les entités
utilisés étant principalement la société conjointe ou la filiale commune. 1
Le caractère équivoque du terme Joint Venture et les multiples structures légales qu’il peut
couvrir, obligent à faire des choix pour l’analyse de la dissolution d’une Joint Venture. Dans
cette étude, les questions posées par la terminaison seront envisagées principalement pour
trois cas de figure : (1) les contractants d’une Joint Venture purement contractuelle, formée
par la simple signature d’un accord de base entre les partenaires; (2) les associés d’une société
conjointe; et (3) les actionnaires d’une filiale commune.
Sans être pessimiste, le juriste doit prévoir les risques et leurs incidences sur la Joint
Venture. La fin de la joint venture est évidemment une conséquence extrême qui doit être
réservée à des circonstances précises. Dans les faits, la dissolution des joint ventures est le
plus souvent due à des causes interpersonnelles et, plus rarement, à des problèmes liés à
l’exploitation. Par exemple, il peut surgir un changement drastique dans les relations entre les
partenaires de la joint venture, entraînant des remises en cause unilatérales ou globales de leur
coopération. De même, des divergences d’opinions concernant des éléments fondamentaux de
la coopération ou des conflits touchant la gestion et les décisions politiques du groupement
peuvent justifier la dissolution. Quant aux causes liées à l’exploitation même de la joint
venture, la dissolution peut être le fait de la disparition de marchés, de pertes importantes, de
manque de profits ou encore de changement de stratégie commerciale.
La dissolution des joint ventures 4
La réussite d'une joint venture passe d’abord par l’intérêt commun des partenaires, la
confiance qu’ils se portent, leur volonté et leur capacité d’accomplir ensemble. Mais le succès
exige également un accord de base de joint venture bien rédigé, adapté à la situation propre
des parties et traduisant bien leur volonté. Généralement2, l’accord de base jour un rôle
central : il oriente la signification de l'ensemble contractuel que constitue la joint venture,
aménage les mécanismes visant à préserver la bonne entente ou la coopération entre les
associés et le cas échéant, réglemente la dissolution de la joint venture.
1
Sur la notion de Joint Venture et les différentes formes juridiques qu’elle peut prendre, voir notre étude : « Les
coentreprises internationales : le choix de la forme juridique », (1988) 19 R.G.D. 771-785.
2
Il arrive que l'accord de base ne soit qu'un accord préliminaire, destiné à disparaître quand les textes
d'application entrent en vigueur. L'hypothèse analysée est celle où l’accord survit à l'entrée en vigueur des
accords satellites.
3
Réuni au cours des années 1992 à 1994 à Milan, Londres, Louvain-la-Neuve, Paris, Rotterdam et Bruxelles
pour analyser les clauses de divorce dans les joint ventures et envisager un projet de chronique.
La dissolution des joint ventures 5
L’idée de prévoir dans le contrat de base des mécanismes ou des clauses pour parer
aux situations de blocage pouvant surgir dans l’exploitation des joint ventures suscite de vives
controverses. D’aucuns estiment cette initiative chimérique dans la mesure où, à leur sens, il
est difficile, voire impossible d’élaborer un accord suffisamment précis pour compter avec les
événements incertains de façon à les anticiper. D’autres croient au contraire que la chose la
plus importante est de résilier une joint venture de façon amortie et non pas brutalement.4
A- La notion de blocage
Deux définitions de la notion de blocage ont résulté des travaux du Groupe de Travail
Contrats Internationaux. L’une est subjective et l’autre, objective.
1- Définition subjective
Si vous avez intentionnellement inexécuté ou intentionnellement omis d’observer les dispositions des
accords conclus entre nous au regard de notre participation dans X6…
4
KARALIS, J., International Joint Ventures, West, St. Paul, 1992, p.145.
5
DE LY, F. «Les clauses de divorce dans les contrats de groupement d’entreprises internationaux», (1995)3
Revue de droit des affaires internationales, p. 287.
6
Ibid., p. 289.
La dissolution des joint ventures 6
Le blocage est réputé exister dès lors que les circonstances décrites dans cette clause
surviennent et selon les cas, ce blocage pourra provoquer le retrait de l’associé qui s’en sera
rendu coupable. On comprend dès lors pourquoi l’on parle dans de tels cas de «sortie
sanction»7.
2- Définition objective
Au cas où un désaccord majeur survenu entre les parties au sujet de la gestion d'une entreprise
commune ne serait pas résolu par le Conseil d'Administration de X9…
Dans le cas où un différend s'élèverait entre C et A sur des questions devant être résolues par une
décision unanime de C et de A en vertu de l'article 10, différend qui ne pourrait être résolu rapidement
au niveau du Conseil d'Administration de la nouvelle société, et serait tel que, de l'avis soit de C soit de
A, cela affecterait les stratégies fondamentales professionnelles de la nouvelle société, le différend non
résolu sera10…
Ici encore, le blocage existe dès que les événements décrits se réalisent. Toutefois, la
pratique élabore des critères de détermination des blocages. Ces critères sont contenus dans
des clauses qui elles-mêmes sont insérées dans le contrat de base. Par exemple, les parties
peuvent stipuler la clause ci-dessous :
En cas de conflit ou désaccord entre X et Y relative à toute question que chacune d’entre elles (en sa
propre conscience) aura précisé par un avis écrit («un avis de conflit») et qui est détermiaent pour
l’avenir de la Société, le développement ou les activités, les actionnaires pourront11…
7
DUBISSON, M., Les accords de coopération dans le commerce international, Paris, Lamy, 1989, p.95.
8
De LY, F., op. cit. note 5, p. 287.
9
Idem,
10
Idem.
11
Ibid., p. 292
La dissolution des joint ventures 7
Telle que stipulée, cette clause pose le problème des déclarations unilatérales de
blocage. Autrement dit, la déclaration de blocage faite par une partie peut-elle être contestée
par l’autre partie et au besoin faire l’objet d’une révision judiciaire ? La réponse à cette
question est liée au droit applicable12. Dans certaines juridictions, un redressement fondé sur
les notions d’équité ou de bonne foi peut être envisageable. Mais tout dépend de la clause et
de l’interprétation qu’on en donne. Par exemple, la clause qui suit ouvrira plus à
l’interprétation des faits que la précédente :
La déclaration de blocage par l’une des parties ne déterminera pas, en elle même, si un problème de
blocage existe réellement en pratique13.
La procédure de résiliation et de transfert prévue dans la sous clause b) de cette clause sera applicable
si le désaccord entre les actionnaires entraîne un blocage dans les activités et la gestion de la société.
Si les actionnaires ne se mette pas d’accord sur l’existence de la situation de blocage, le blocage sera
néanmoins réputé avoir existé si le Conseil d’Administration a été dans l’impossibilité de résoudre les
questions inhérentes à sa position pendant une durée de trois (3) mois. En cas de blocage, tout
actionnaire pourra notifier à tout autre actionnaire l’avis auquel la sous clause b) sus-mentionnée
renvoie14.
12
Idem.
13
Idem.
La dissolution des joint ventures 8
et l'adaptation du contrat de joint venture peuvent s'avérer sinon des mécanismes efficaces de
solution, à tout le moins des mécanismes provisoires. Généralement, les parties insèrent dans
leur contrat des clauses prévoyant ces mécanismes, notamment pour éviter que l'une d'elles
n’ait recours aux procédures judiciaires, même si ces dernières constituent potentiellement des
mécanismes de solution. En faisant appel au système judiciaire, une partie risquerait de
compromettre non seulement les négociations15, mais surtout la «vie commune» des
partenaires.
1- L'accord amiable
16
L'Organisation des Nations Unies pour le Développement industriel entrevoit
l'accord amiable comme la meilleure des solutions offertes aux partenaires pour le règlement
de leurs différends. Cette méthode fait fi de tout formalisme et, dans la pratique, les parties
peuvent convenir d'une clause s'y référant :
Les parties au présent accord reconnaissent qu'il est de leur intérêt et de l'intérêt de la société de régler
rapidement et équitablement les différends susceptibles de se produire dans le cadre du présent accord.
À cette fin, elles conviennent de faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour résoudre toute divergence
d'opinion et régler tout différend éventuel par la voie de la consultation et de la coopération17.
2- La conciliation ou l'arbitrage
♦ Si l'une des parties au présent accord estime qu'une partie manque à l'une quelconque des
obligations contractées, et si les parties en cause ne peuvent se mettre d'accord sur une solution
14
Idem.
15
Ibid., p. 295
16
Organisation des Nations Unies pour le Développement industriel, Élaboration d'accords pour la création
d'entreprises communes dans les pays en voie de développement, Nations Unies, New York, 1972, p. 68.
17
Idem.
La dissolution des joint ventures 9
satisfaisante, la première partie précise à l'autre, par lettre, en quoi elle estime qu'il y a
manquement aux engagements et lui demande de réparer ses torts. Si un accord n'est pas intervenu
dans les 30 jours suivant réception de cette lettre, ou dans un délai plus long, fixé d'un commun
accord, la plainte est transmise à une Commission de conciliation en vertu de la clause ci-après.
♦ Les parties en cause peuvent convenir de soumettre la plainte mentionnée ci-dessus à une
Commission mixte de conciliation, composée de quatre membres, chaque partie en désignant deux,
laquelle a pour mission de rechercher une solution amiable. La Commission de conciliation, après
avoir entendu les représentants des parties, fait connaître sa décision dans les trois mois suivant la
date à laquelle la plainte a été soumise. Cette décision n'est obligatoire que si elle est adoptée à
l'unanimité19.
L'arbitrage offre pour sa part une décision finale et sans appel. Il peut être ad hoc ou
institutionnel. Dans le premier cas, se sont des particuliers qui sont les arbitres et dans le
second, il est fait sous le couvert d'une institution ou d'un centre d'arbitrage. En plus d'être
rapide, la procédure d'arbitrage expose les parties à des frais plus ou moins élevés selon
qu'elle est ad hoc ou institutionnelle. Les clauses d'arbitrage introduites dans le contrat de joint
venture sont très variées et restent soumises à la volonté des parties :
Tout différend ou désaccord entre l'associé étranger et l'associé local au sujet de l'application,
l'interprétation ou les conséquences de tout ou partie du présent accord, est soumis à un arbitre unique
si l'associé étranger et l'associé local se mettent d'accord sur le choix d'un tel arbitre, ou, à défaut, à un
groupe de trois arbitres, dont l'un est désigné par l'associé étranger, le deuxième par l'associé local, et
le troisième par les deux arbitres désignés par l'associé local et l'associé étranger.
Si l'une des parties prévient par écrit l'autre partie de la désignation d'un arbitre et lui demande, soit de
donner son accord sur cette désignation, soit de proposer un deuxième arbitre, et si l'autre partie refuse
ou néglige de répondre par écrit à la première partie dans les 10 jours suivant réception du premier
avis, soit en donnant son accord, soit en proposant un deuxième arbitre, la première partie peut
demander au juge de la Cour suprême (du pays hôte) de désigner un second arbitre. L'arbitre ainsi
désigné est considéré comme étant l'arbitre désigné par l'autre partie.
Si les deux arbitres sont incapables de se mettre d'accord sur la personne du tiers arbitre, l'un ou l'autre
d'entre eux peut demander à un juge de la Cour suprême (du pays hôte) de désigner le troisième arbitre.
18
Ibid., p. 69
19
Idem.
La dissolution des joint ventures 10
Toute décision prise à la majorité des trois arbitres ainsi désignés est définitive et s'impose aux parties
au présent accord.
Les dispositions de la Loi sur l'arbitrage (du pays hôte) s'appliquent à tout arbitrage dans le cadre du
présent accord20.
Au Québec, pour être valable, la clause d'arbitrage doit être écrite. De même, elle doit
attribuer aux arbitres une juridiction exclusive. Au demeurant, la clause pourra porter sur les
litiges actuels ou futurs en plus de mentionner la loi applicable à l'arbitrage21. Ces exigences
ne sont pas propres aux clauses d'arbitrage insérées dans les contrats de joint venture.
Les clauses d’adaptation des accords de joint venture sont de plus en plus préférées
aux divers mécanismes de règlement des conflits, notamment ceux analysés précédemment.
La critique essentielle à leur endroit est avant tout qu’ils ne répondent pas au besoin
d’adaptation contractuelle pour assurer la survie du contrat de coopération malgré l’évolution
des circonstances. Le plus souvent, ces mécanismes interviennent quand les intérêts des
22
parties sont devenus franchement opposés. De façon réaliste, il ne reste alors qu’à fixer
l’indemnisation ou le cas échéant, les modalités de la résolution du contrat de joint venture.
Pour tenter d’éviter cette fin de leur partenariat, les parties peuvent stipuler les
hypothèses dans lesquelles l’adaptation de leur contrat sera nécessaire. Les auteurs énoncent
quatre situations où il pourrait être utile de prévoir l’adaptation:23.
20
Ibid., p.72
21
Articles 2638 et suiv. Code Civil du Québec.
22
BAPTISTA, Luiz et DURAND-BARTHEZ Pascal, Les associations d’entreprises dans le commerce
international, 2ème édition, Paris, L.G.D.J., 1991, p. 92.
La dissolution des joint ventures 11
Une fois en marche, les clauses d’adaptation font référence à deux instruments : la
renégociation ou l’intervention d’un tiers. Les clauses prévoyant la renégociation sont en
général rédigées de façon plus ou moins contraignantes. Par exemple, elles peuvent prévoir
que les parties devront soit «se concerter», soit «se mettre d’accord»24. La clause ainsi décrite
génère plusieurs questions, entre autres celle de la sanction. De l’autre côté, c’est-à-dire par
rapport à l’intervention du tiers, on retrouve la notion d’amiable compositeur. Au fond, ce
dernier instrument renvoie au mécanisme de conciliation analysé plus haut. Seulement ici, le
problème de la valeur juridique de la décision du tiers se pose : soit il s’agit d’une
recommandation, soit il s’agit d’une véritable décision. 25 Dans le dernier cas, la décision du
tiers est assimilée à une disposition contractuelle et non à une décision arbitrale. En
conséquence, la sanction en cas d’inexécution est la faute contractuelle et non l’exécution
forcée de la décision.
23
Ibid., p. 93.
24
Ibid., p. 94
25
Ibid., p. 95
La dissolution des joint ventures 12
Chaque actionnaire peut exercer son droit de premier refus pour un certain nombre d’actions déjà en
sa possession. Si un ou plusieurs actionnaires ne choisissent pas de souscrire les actions qui leur sont
attribuées, les actionnaires qui ont choisi de souscrire les actions pourront souscrire les actions
résiduelles (les «Unsold Shares»). Le nombre d’actions résiduelles sera immédiatement communiqué
par l’offrant aux actionnaires qui ont décidé de souscrire les actions (les «Purchasing Shareholders»).
Les actionnaires souscripteurs disposeront de 15 jours pour indiquer le nombre d’actions résiduelles
qu’ils souhaitent souscrire. Dans le cas où le montant d’actions indiqué dépasse le montant d’actions
non souscrites, de telles actions seront allouées proportionnellement aux actions déjà détenues par les
actionnaires souscripteurs. Si à l’expiration du terme sus-mentionné, ces actions demeurent non
souscrites, l’offrant ne pourra procéder à la vente de ces actions qu’à l’acquéreur mentionné dans
l’avis de vente conformément aux clauses et conditions auxquelles il en fait référence dans cet avis de
vente26.
26
De LY, F., op.cit. note 5, p. 297.
La dissolution des joint ventures 13
Les actionnaires sont d’accord pour que, dans une période de cinq ans à partir de la présente date,
aucun d’entre eux ne vendra, aliénera, conférera, assignera, mettra en gage ou grèvera de toute autre
façon leur titre ou intérêt respectif dans les actions qu’ils détiennent27.
Lorsque l’interdiction est relative, elle offre le transfert des participations uniquement
aux parties identifiées ou identifiables au contrat. L’avantage est de tenir la joint venture à
l’abri des tiers, particulièrement des concurrents. Sauf qu’en cas de blocage, il faudra exclure
des mesures de solution l’acquisition par un tiers non identifié ou non identifiable dans le
contrat de base, ce qui restreint les chances de solution.
Le transfert des participations peut, par ailleurs, être soumis à des clauses de premier
refus ou clauses de préemption28. Ces clauses oblige à ne pas aliéner avant d'avoir offert
aux partenaires la possibilité d’acheter notre participation dans la joint venture. En fait, elles
confèrent une option à l'actionnaire non vendeur d'acquérir les actions des autres parties à un
prix ou conformément à un mécanisme de détermination prévu au contrat. Si l'option est
exercée, le blocage est résolu. Par contre, il perdurera si elle n'est pas exercée, notamment par
l'actionnaire résiduel. De même, si un tiers a déjà proposé l'achat à un prix déterminé et que le
droit de préemption n'est pas exercé, les actions pourront être transférées à des tiers sous
réserve que la clause d'agrément analysée plus haut ne soit pas utilisée pour bloquer le
transfert29.
Les parties peuvent également recourir aux options dites de «put and call» (options de
demandes et d'appel). Elles permettent à un actionnaire d'acquérir les actions de l'autre
actionnaire ou vendre ses propres actions. Il en existe deux types : les «put options» et les
«call options». Dans le premier cas, l'un des associés a le droit de vendre ses actions alors que
l'autre a l'obligation d'acquérir les actions à un prix ou conformément au mécanisme prévu. Le
deuxième cas implique l'exercice par
27
Idem.
28
FONTAINE M., «Les clauses de l'offre concurrente, du client le plus favorisé et la clause du premier refus»,
Droit des contrats internationaux, Paris, FEC, 1989, p. 302-312.
29
De LY, F., op.cit. note 5, p. 297.
La dissolution des joint ventures 14
l'un des associés du droit d'achat des actions de l'autre associé qui est dans l'obligation de
vendre. Sur la question de savoir qui devrait bénéficier de ces droits d'option, De Ly relève
deux approches30. Suivant la première approche, la partie responsable du blocage ou du
différend est considérée comme étant celle devant se retirer du groupement d'entreprises. Elle
est de ce fait même le concédant d'une «call option» et ne pourra exercer cette option que
dans la mesure où l’autre refuse de l'exercer. Dans tous les cas et par rapport à la deuxième
approche, les parties peuvent déterminer d'avance celle qui en aura l'initiative. Elles peuvent à
cette occasion stipuler la clause ci-après :
Si, après quatre vingt dix jours (90) jours, le blocage perdure, B pourra bénéficier de l'option d'achat
des actions de X, pendant soixante (60) jours, à une valeur correspondant au montant des participations
de capital de A…31
Les parties peuvent compléter une telle clause par l'option d'appel :
Si B n'exerce pas son option, A aura l'option d'acquérir la participation de B dans «la société» pendant
soixante jours aux mêmes conditions32.
Le choix de la partie qui aura l'initiative de ces options reste suspendu à son pouvoir de
négociation. Au demeurant, lorsque les clauses de transfert sont prévues, elles comptent non
seulement avec des méthodes de détermination du prix des actions, mais aussi avec des
méthodes d'évaluation du prix des transferts d'actions.
30
Idem.
31
Idem.
32
Idem.
33
Ibid., p. 301
La dissolution des joint ventures 15
du prix indéterminé qui prévoit des clauses comme la clause roulette russe («buy or sell
agreements», «shotgun-clauses», «texas-gun clauses» ou «Savoy-clauses») et la procédure de
vente aux enchères.
Par exemple, en vertu des rachats roulette russe, l'un des associés peut évaluer le
groupement d'entreprises. L'autre partie a l'option soit de vendre ses actions ou sa
participation dans le groupement d'entreprises au prix d'évaluation fixé par l'autre associé, soit
d'acheter les actions ou participation de l'autre partie au prix fixé par l'autre associé34.
Récemment, on a créé des clauses roulette russe en vertu desquelles la valeur des actions est
déterminée par un tiers et non plus par l'offrant.
La procédure d'enchères quant à elle donne la possibilité à l'une des parties d'offrir
d'acheter ou de vendre à un certain prix. Le destinataire à alors l'option d'accepter l'offre à un
tel prix ou de faire une contre-offre d'achat ou de vente. Poussé à l'extrême, ce procédé pourra
entraîner la dissolution du groupement ou la vente de celui-ci à un tiers35.
De manière générale, les clauses de retrait sont combinées soit avec une clause de
durée déterminée (le retrait étant alors l’exception au déroulement normal de l’accord) soit
avec une clause de durée indéterminée. On distingue les clauses de retrait classiques, c’est-à-
dire celles qui sont mises en œuvre à l’occasion de la faute contractuelle, des autres clauses
beaucoup plus rattachées à la survenance d’un événement donné. D’autres clauses encore
peuvent être liées à l’intuitus personae. C’est le cas par exemple des clauses de «changement
de contrôle» qui trouvent à s’appliquer notamment lorsque la composition du capital d’un
partenaire est modifiée de façon significative. Cette dernière clause protège le groupement des
tiers ou particulièrement des concurrents. Par exemple, en stipulant les clauses qui suivent, le
partenaire «inchangé» pourra se retirer lui même :
• In the event that A1 ceases at any time to be the benefical owner of shares in A2 carrying the right
to cast more than alf the votes at any General Meeting of A2, then B shall be entitled to give notice
34
Idem.
35
Idem..
La dissolution des joint ventures 16
to A2 at any time thereafter requiring A2 to purshase all the B shares in the capital of the JVC held
by B and shall thereupon become bound to A2 purchase the same.
• The price to be paid by A2 for B shares to be transferred in pursuance of this Clause shall be the
price specified in Clause…thereof.
• The price due by A2 to B in respect of the B shares to be transferred in pursuance of this Clause
shall be paid not later than 60 days after the sirvice of notice referred to herein36.
Somme toute, lorsqu’elles sont mises en œuvre, les clauses de retrait peuvent
provoquer aussi la dissolution de la joint venture comme les clauses de dissolution à
proprement parler.
En principe, le contrat d'association peut prendre fin comme la plupart des contrats,
notamment à l'occasion de la disparition de son objet, de rupture ou d'accord mutuel entre les
parties. Ainsi, les clauses de dépossession ou de dissolution des joint ventures peuvent-elles
être les mécanismes ultimes de solution des différends ou des blocages qui peuvent surgir
36
BAPTISTA, Luiz et DURAND-BARTHEZ Pascal, op.cit. note 22, p. 250.
La dissolution des joint ventures 17
dans l’aventure commune des parties. Par ces clauses, elles peuvent vendre la société à un
associé ou a un tiers par le biais d'options dites d'achat/vente (buy-sell arrangements) ou tout
simplement la liquider. Dubisson37 considère ces clauses comme des remèdes subsidiaires qui
sont mises en œuvre à la seule et unique condition que les transferts d’actions entre les
associés du groupement d’entreprises ou à des tiers ne puissent être effectués.
Dans ces clauses, les parties peuvent prévoir la procédure à suivre dans le processus de
décision relatif à la dissolution. Elles sont automatiquement mises en œuvre et la dissolution
ne peut être évitée, sauf stipulation contraire des parties :
Chaque partie peut convoquer une réunion d’associés pour dissoudre la société et les parties se mettent
d’accord pour qu’à ladite réunion, tous les votes soient réputés en faveur de ladite dissolution.
Si aucun transfert d’actions n’a été convenu dans les (2) deux mois de la réunion mentionnée à l’article
23.1 ci-dessus, alors X devra être dissous. Les deux parties confirment expressément ne pas contester
une telle dissolution, et qu’une telle dissolution doit être organisée dans les plus brefs délais; à
condition, néanmoins qu’elle ne soit pas déraisonnablement néfaste pour chacune des parties38.
Nous verrons successivement les effets de la mise en œuvre des clauses de transfert
d'actions, des clauses de retrait et des clauses de dépossession ou de dissolution.
Lorsque le transfert d'actions est réalisé en faveur d'un tiers acquéreur, la question
essentielle qui se pose est certainement de savoir si ce cessionnaire est soumis aux
dispositions du contrat de groupement d'entreprises. La plupart des clauses prévoit la
soumission du cessionnaire comme l'exemple qui suit :
Tout transfert de tout intérêt dans toute action ou tout droit sur les actions de la Société ne sera effectué
à moins que l'intéressé n'ait conclu un «acte d'adhésion» en respectant les formalités prévues à l'annexe
37
DUBISSON, M., op.cit. note 7.
38
DeLY, F., op.cit. note 5, p. 311.
La dissolution des joint ventures 18
X (conformément auquel le cessionnaire accepte d'être soumis à toutes les clauses de ce contrat comme
si ledit cessionnaire avait été une partie audit contrat)
Ce sera une condition préalable au transfert de toute action (à tous sauf à X) que le cédant devra
obtenir du cessionnaire un engagement irrévocable aux dispositions dudit contrat39.
Par rapport au cédant, deux tendances ont été relevées.40 Suivant la première, le
transfert d'actions réalise une libération du cédant de ses obligations issues du contrat
d'association, notamment des dettes liées au contrat d'association ou encore des contrats
satellites. La seconde tendance adopte une solution contraire. Aussi, pour renforcer les
restrictions relatives au transfert d'actions et leur effet obligatoire à l'égard des tiers, les parties
peuvent-elles prévoir le mécanisme qui ci-après :
Les commentaires suivants seront immédiatement placés sur chaque certificat d'actions, ou si ceci n'est
pas conforme aux exigences du droit applicable, lesdits commentaires figureront sur un document
annexe et partie intégrante dudit certificat :
Un contrat relatif au vote des membres daté du X, a été conclu entre la Société et ses membres et a été
adressé au directeur pour qu'il soit classé au siège social de ladite société. Ledit contrat et les statuts de
ladite Société imposent de nombreuses restrictions sur le transfert des actions faisant l'objet de ce
certificat et engendre de nombreuses options, droits et intérêt relatifs à ces actions. Aucun transfert
d'actions faisant l'objet de ce certificat ne sera valable à moins qu'un tel transfert ne soit strictement
accompli conformément au contrat prévoyant le vote des membres41.
39
Ibid., p. 309
40
Groupe Contrats internationaux, op.cit. note 3.
41
DeLY, F., op.cit. note 5, p. 310
La dissolution des joint ventures 19
propriété industrielle dont elle a besoin pour poursuivre ses activités. On lui impose même
parfois une contribution au financement sous forme de prêts qui viennent se substituer
partiellement ou totalement à son ancienne participation au capital. Enfin, on peut suspendre
le retrait d'une partie à la conclusion de l'accord d'actionnaires avec le nouveau venu.
Nous l'avons dit précédemment, les clauses de dépossession ou de dissolution des joint
ventures peuvent permettre de vendre la société à un associé ou a un tiers ou tout simplement
de liquider le groupement. Certaines clauses contiennent des dispositions très détaillées
relatives aux effets de la résiliation du contrat d'association sur les parties :
La résiliation de ce contrat pour tout motif ne libérera pas les parties de toute dette, obligation ou
accord qui, conformément aux dispositions de ce contrat, doit perdurer ou être exécuté après ladite
résiliation et ne libérera pas toute partie de son obligation de payer les sommes d'argent exigibles,
échues et payables à l'autres ou de s'acquitter de ses obligations inexécutées. La résiliation de ce
contrat pour tout motif ne sera pas réputée être une renonciation ou une décharge de, ou autrement
porter préjudice ou affecter, tous droits, remèdes ou créances, que ce soit de dommage intérêt ou tout
autre réparation, que toute partie pourrait posséder en vertu de ce contrat ou qui résulte de ladite
résiliation, tous lesdits droits, remèdes et créances ne seraient pas modifiés par ladite résiliation42.
42
Ibid., p. 312
La dissolution des joint ventures 20
intérêt à être seule exploitant de tels brevets. Ainsi, lorsqu'il existait des concessions à titre
gratuit ou préférentiel aux sociétés appartenant aux groupes de la société cédante (société dont
le retrait engendre la continuation de la joint venture avec l'associé restant ou avec un tiers ou
sa dissolution), seule cette dernière pourra bénéficier d'une concession à titre préférentiel
pendant un certain délai, les autres société de ce groupe n'obtenant que des concessions de
licences intervenant moyennant des rémunérations normales43.
On relève également qu'on devrait prévoir une indemnisation spéciale, notamment
lorsqu'il n'existe pas de concessions ou que le cédant ne souhaite pas en obtenir. De même, le
cédant pourra obtenir une concession à titre gratuit lorsque le dépôt du brevet est postérieur à
son départ mais utilise des recherches analysées pendant son appartenance au groupement
d'entreprises.44
Pour les marques, dessins et modèles déposés au nom du groupement, ils restent
normalement la propriété de celui-ci sans indemnisation.
Le sort des locaux industriels ou commerciaux créés par la joint venture doit
également être réglé. Dans l'hypothèse où la joint venture est reprise par un partenaire ou par
un tiers, on évite de céder une partie d'un local unitaire, dans la mesure où les divers locaux
forment un ensemble homogène. Par exemple en cas de cession d'une usine, l'usine est
généralement vidée de tous matériels de production et les frais de transport de ce matériel vers
un autre lieu restent à la charge du partenaire qui se retire45.
CONCLUSION
43
LAMETHE, Didier, « La procédure de séparation des partenaires d'une filiale commune», Gaz.Pal., 7
novembre 1978, p. 552.
44
Idem.
45
Idem.
La dissolution des joint ventures 21
Comme le faisait remarquer Lamethe : «après les épousailles conclues au moyen d'un
contrat de mariage, et la vie commune, arrive parfois l'instance de divorce avec au cœur du
débat, le sort des enfants communs nés de l'union…»46. Nous l'avons montré plus haut, le
divorce n'est généralement déclenché que dans la mesure où aucune autre alternative ne
s'avère efficace eu égard aux différends qui surgissent entre les partenaires. Aussi, pour éviter
cette fin peu souhaitable, les associés peuvent-ils prévoir dans l'accord de base qui les lie, des
mécanismes de solution des blocages aussi diversifiés que ceux que nous avons abordé dans la
présente étude.
46
Ibid., p. 549