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Manifestations dermatologiques

des connectivites, vasculites


et affections systémiques
apparentées
Dermatologie et médecine, vol. 1
Springer
Paris
Berlin
Heidelberg
New York
Hong Kong
Londres
Milan
Tokyo
Didier Bessis

Manifestations dermatologiques
des connectivites, vasculites
et affections systémiques
apparentées
Dermatologie et médecine, vol. 1

avec la collaboration de
Camille Francès, Bernard Guillot et Jean-Jacques Guilhou
Didier Bessis
Dermatologue
Praticien hospitalier
Centre hospitalier et universitaire
Hôpital Saint-Éloi
80, avenue Augustin-Fliche
34295 Montpellier cedex 5

Camille Francès
Professeur de dermatologie-vénérologie
Hôpital Tenon
4, rue de la Chine
75020 Paris

Bernard Guillot
Professeur de dermatologie-vénérologie
Chef du service de dermatologie
Centre hospitalier et universitaire
Hôpital Saint-Éloi
80, avenue Augustin-Fliche
34295 Montpellier cedex 5

Jean-Jacques Guilhou
Professeur de dermatologie-vénérologie
Centre hospitalier et universitaire
Hôpital Saint-Éloi
80, avenue Augustin-Fliche
34295 Montpellier cedex 5

ISBN-10 : 2-287-33885-3 Springer Paris Berlin Heidelberg New York


ISBN-13 : 978-2-287-33885-4 Springer Paris Berlin Heidelberg New York

© Springer-Verlag France, Paris, 2007


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SPIN : 11748496

Couverture : Jean-François Montmarché


Auteurs
Annick Barbaud Olivier Dereure
Professeur des Universités Professeur des Universités
Praticien hospitalier Praticien hospitalier
Service de Dermatologie Service de Dermatologie
Hôpital Fournier Hôpital Saint-Éloi
36 quai de la Bataille 80 avenue Augustin-Fliche
54035 Nancy 34295 Montpellier CEDEX 5

Stéphane Barete Marie-Sylvie Doutre


Praticien hospitalier Professeur des Universités
Service de Dermatologie Praticien hospitalier
Hôpital Tenon Service de Dermatologie
4 rue de la Chine Hôpital du Haut-Lévêque
75020 Paris Avenue de Magellan
33604 Pessac CEDEX
Didier Bessis
Praticien hospitalier Camille Francès
Service de Dermatologie Professeur des Universités
Hôpital Saint-Éloi Praticien hospitalier
80 avenue Augustin-Fliche Service de Dermatologie
34295 Montpellier CEDEX 5 Hôpital Tenon
4 rue de la Chine
Serge Boulinguez 75020 Paris
Praticien hospitalier
Service de Dermatologie Jean-Jacques Guilhou
Hôpital La Grave Professeur des Universités
Place Lange Service de Dermatologie
31059 Toulouse CEDEX 9 Hôpital Saint-Éloi
80 avenue Augustin-Fliche
Christiane Broussolle 34295 Montpellier CEDEX 5
Professeur des Universités
Praticien hospitalier Pascale Huet
Service de Médecine interne Dermatologue
Hôtel-Dieu Ancien chef de clinique des Universités
1 place de l’Hôpital 50 impasse Vignes
69288 Lyon CEDEX 2 34980 Montferrier-sur-Lez

Francis Carsuzaa Philippe Humbert


Professeur des Universités Professeur des Universités
Praticien hospitalier Praticien hospitalier
Service de Dermatologie Service de Dermatologie
Hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne Hôpital Saint-Jacques
Boulevard Sainte-Anne 2 place Saint-Jacques
83800 Toulon Naval 25030 Besançon CEDEX
VI Auteurs

Sophie Le Dû Ève Puzenat


Chef de clinique des Universités Chef de clinique des Universités
Assistant des hôpitaux Assistant des hôpitaux
Service de Dermatologie Service de Dermatologie
Hôpital Trousseau Hôpital Saint-Jacques
Route de Loches 2 place Saint-Jacques
Chambray-lès-Tours 25030 Besançon CEDEX
37044 Tours CEDEX 1
Michel Rybojad
Dan Lipsker Praticien hospitalier
Professeur des Universités Service de Dermatologie
Praticien hospitalier Hôpital Saint-Louis
Service de Dermatologie 1 avenue Claude-Vellefaux
Hôpitaux universitaires de Strasbourg 75475 Paris CEDEX 10
1 place de l’Hôpital
67091 Strasbourg CEDEX Pascal Sève
Praticien hospitalo-universitaire
Fatimata Ly Service de Médecine interne
Dermatologue Hôpital Hôtel-Dieu
Institut d’Hygiène sociale 1 place de l’Hôpital
BP 7045 69288 Lyon CEDEX 2
Dakar-Fann
Sénégal Loïc Vaillant
Professeur des Universités
Antoine Mahé Praticien hospitalier
Praticien hospitalier Service de Dermatologie
Institut d’Hygiène sociale Hôpital Trousseau
BP 7045 Route de Loches
Dakar-Fann Chambray-lès-Tours
Sénégal 37044 Tours CEDEX 1

Philippe Modiano Janine Wechsler


Professeur des Universités Maître de conférences des Universités
Praticien hospitalier Praticien hospitalier
Service de Dermatologie Laboratoire d’Anatomie et Cytologie pathologiques
Hôpital Saint-Philibert Hôpital Henri-Mondor
115 rue du Grand-But 51 avenue Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny
59462 Lomme CEDEX 94010 Créteil CEDEX

Jean-Jacques Morand
Professeur des Universités
Praticien hospitalier
Hôpital d’instruction des armées Laveran
30 boulevard de Laveran
BP 50
13998 Marseille Armées
Préface
e suis très heureux de préfacer cette série de 5 volumes intitulée Dermatologie
J et Médecine. Le titre m’a d’abord un peu surpris. En effet, un lecteur profane
ou superficiel pourrait à première vue croire que la « Dermatologie » n’est pas de la
« Médecine » et que, dans cette série publiée aux éditions Springer sous la direction
du docteur Bessis, les auteurs vont néanmoins s’évertuer à démontrer le contraire.
Que c’est comme si l’on voulait démontrer que l’astrologie est vraiment une science
en intitulant un ouvrage ou une série de publications « Astrologie et Sciences » !
Fort heureusement, il n’en est rien. La « Dermatologie » est une science médi-
cale, celle de la pathologie du plus vaste et du plus lourd des organes humains,
enveloppant le corps charnel, englobant les zones cutanéo-muqueuses transition-
nelles oculaires, bucco-labiales et ano-génitales. Elle fut certes autrefois, et elle
l’est encore des fois de nos jours, considérée par des confrères d’autres disciplines
comme une spécialité médicale à part, pas vraiment indispensable, pas vraiment
sérieuse, où il n’y a pas d’urgence, où les soins locaux salissants inspiraient une
certaine répugnance, où la bénignité relative des affections traitées n’engageait
pas la santé publique, malgré l’appropriation par les dermatologues des maladies
dites vénériennes, où les pratiques médicales faisaient volontiers traiter les der-
matologues de tanneurs ou de mégissiers.
On a même failli craindre que la dermatologie ne soit entièrement « soluble »
dans les autres disciplines médicales, surtout après la création, notamment en
France, de spécialités interdisciplinaires basées non sur la pathologie d’organe,
mais sur le substrat étiologique ou pathogénique présumé des affections censées
être prises en charge par ces nouveaux spécialistes « transversaux », les infectio-
logues, les immuno-allergologues, les généticiens, les cancérologues... Des pro-
phètes inquiets voyaient déjà les eczémas et le psoriasis en immunologie clinique,
les pyodermites et les mycoses en infectiologie, les acnés et les alopécies en endo-
crinologie, les nævus et les carcinomes cutanés dans les centres anticancéreux... Il
y eut de toute évidence quelques redistributions de rôles, notamment en matière
de MST, devenues des IST, davantage d’actes opératoires pris en charge par des
chirurgiens plasticiens non dermatologues, mais aussi des réorientations internes
dans notre spécialité même, avec davantage de dermatologues se tournant vers
la médecine esthétique et se familiarisant plus avec les lasers, les fillings et les
minigrafts qu’avec les médicaments immunomodulateurs et les biothérapies. Avec
cet argument imparable pour justifier cette orientation : « Il faut bien vivre de son
métier ! » L’augmentation des servitudes administratives et déontologiques est
souvent invoquée comme une des causes déterminantes de ce choix.
VIII Préface

Cette évolution n’a en fin de compte pas eu d’effets pervers sur le contenu et


sur la pratique de la spécialité. Elle a en revanche nettement fait apparaître que
l’abondance des lésions et des syndromes cutanés élémentaires et des entités
qu’elles expriment, leur reconnaissance facile par les spécialistes formés à cette
discipline, et leur accès direct à l’inspection et au prélèvement rendaient l’avis des
dermatologues indispensable dans les disciplines transversales dans lesquelles
on craignait de voir fondre la nôtre. Les dermatologues ont acquis avec cette
évolution, en quelques décennies, un état d’esprit de plus en plus « interniste »
et ont pu se convaincre et convaincre autrui que la grande majorité des maladies
cutanées, hormis quelques dermatoses exogènes ou mécanogènes, s’inscrivent
dans le contexte d’affections systémiques. Ils sont souvent aux avant-postes dans
la suspicion puis la reconnaissance diagnostique de ces affections, par la démarche
séméiologique et nosologique propre à la spécialité, qui n’a pas vieilli, mais s’est
au contraire enrichie par les contacts multidisciplinaires. N’était-il d’ailleurs pas
logique de prévoir que la pathologie de l’enveloppe du corps entier ne pouvait que
renforcer le concept et le besoin d’une pratique médicale dite de l’« homme global »,
qui reviennent sans cesse dans les propos de l’éthique médicale et dans les objectifs
d’enseignement et de formation professionnelle ?
L’ouvrage collectif coordonné par Didier Bessis avec la collaboration de Bernard
Guillot et de Jean-Jacques Guilhou, tous les trois de Montpellier, et de Camille
Francès de Paris, avec de très nombreux auteurs, une centaine au total, presque
tous français, est exemplaire de cette évolution de notre spécialité. Les nombreux
chapitres, plus de 120 répartis en 5 volumes, montrent qu’elle interfère sans arrêt
avec les autres spécialités pour l’identification et la prise en charge d’innombrables
maladies générales, depuis le lupus érythémateux jusqu’aux états psychotiques. La
« Dermatologie », c’est vraiment de la « Médecine » de l’homme global. La lecture
et la consultation fréquente de cette série d’ouvrages sauront vous en convaincre.

Professeur Édouard Grosshans


Strasbourg, France
Avant-propos
’ouvrage Dermatologie et Médecine a été conçu pour le clinicien. À l’opposé d’un
L traité de dermatologie dédié à la formation du dermatologue débutant ou
aguerri, cet ouvrage souhaite être accessible autant au spécialiste de la peau et des
muqueuses qu’au praticien exerçant la médecine générale et la médecine interne.

Ce premier volume, consacré aux manifestations dermatologiques des connecti-


vites, vasculites et affections systémiques apparentées, se veut résolument original
et actualisé. Original par l’abord de sujets souvent méconnus de la dermatologie
et de la médecine interne : syndromes sclérodermiformes et états pseudoscléro-
dermiques, expression cutanée des maladies systémiques chez le sujet à peau dite
noire, maladie de Kawasaki adulte... Actualisé car il traite de façon exhaustive des
récentes avancées dermatologiques cliniques, physiopathologiques et thérapeu-
tiques dans des domaines aussi variés que les fièvres périodiques, les dermatoses
neutrophiliques et éosinophiliques, les paraprotéinémies et les mastocytoses.
Outre le détail de la sémiologie clinique cutanée, muqueuse et phanérienne,
indispensable à l’appréhension de ces affections, le lecteur trouvera une synthèse
de leurs mécanismes physiopathologiques et de leurs thérapeutiques spécifiques.
L’iconographie couleur est récente et représentative des dermatoses telles que ren-
contrées en pratique quotidienne. Des photographies de dermatoses rares, mais
typiques, ont également été insérées : un coup d’œil appuyé sur une illustration
contribue souvent plus à sa mémorisation que la lecture détaillée de sa sémiolo-
gie. Les notions utiles d’anatomopathologie cutanée, parfois rebutantes pour un
non-initié, sont synthétisées dans un chapitre spécifique ; les différentes figures
histologiques ont été enrichies d’indications et de schémas explicatifs pour une
consultation plus aisée.

Cet ouvrage est conçu pour une lecture agréable : mise en pages attractive com-
plétée d’un glossaire simplifié, qualité des illustrations et des figures, index détaillé.
Ce résultat a été rendu possible grâce aux idées et au travail minutieux de Gilles,
typographe. Les figures originales sont le résultat de talentueux coups de crayon
et clics de souris de Mapie, graphiste.

Mes vifs remerciements vont à mes collaborateurs, Camille Francès, Bernard


Guillot et Jean-Jacques Guilhou, pour leur adhésion totale et immédiate à ce projet,
ainsi qu’à Dan Lipsker pour ses encouragements.
X Avant-propos

Tout ce travail n’aurait bien sûr pas été possible sans la confiance et l’engagement
de tous les auteurs sollicités ainsi que de Nathalie Huilleret des éditions Springer
auxquels j’adresse également mes sincères remerciements.

Je souhaite vivement que la lecture de l’ouvrage vous transmette ma passion de


la dermatologie.

Didier Bessis
Sommaire
1 Lupus érythémateux 11 Fièvres périodiques
Camille Francès Olivier Dereure
2 Affections rhumatismales 12 Paraprotéinémies
inflammatoires Dan Lipsker
Didier Bessis, Jean-Jacques Guilhou 13 Amyloses cutanées
3 Sclérodermie systémique et Philippe Modiano
sclérodermies cutanées
14 Dermatoses neutrophiliques
Philippe Humbert, Ève Puzenat
Didier Bessis
4 Syndromes sclérodermiformes et
15 Dermatoses éosinophiliques
états pseudosclérodermiques
Olivier Dereure
Didier Bessis
16 Mastocytoses
5 Dermatomyosite
Stéphane Barete
Camille Francès
17 Sarcoïdose
6 Vasculites cutanées
et cutanéo-systémiques Didier Bessis, Pascale Huet
Marie-Sylvie Doutre, Camille 18 Toxidermies avec manifestations
Francès systémiques
7 Maladie de Behçet Annick Barbaud
Serge Boulinguez 19 Maladies systémiques à expression
cutanée chez les sujets ayant la
8 Syndrome de Gougerot-Sjögren
peau dite noire
Loïc Vaillant, Sophie Le Dû
Antoine Mahé, Fatimata Ly
9 Maladie de Kawasaki
20 Capillaroscopie péri-unguéale
Pascal Sève, Christiane Broussolle
Jean-Jacques Morand
10 Polychondrite chronique
21 Dermatopathologie et maladies
atrophiante
systémiques
Michel Rybojad
Janine Wechsler
1
Lupus érythémateux
Camille Francès

Lésions lupiques 1-1 Urticaire et œdème de Quincke 1-14


Nosologie, épidémiologie et facteurs de risque 1-1 Hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales 1-14
Physiopathologie 1-4 Nécroses cutanées extensives 1-14
Aspects cliniques 1-5 Autres lésions vasculaires 1-14
Aspects histologiques 1-9 Manifestations non lupiques et non vasculaires 1-14
Lupus cutanés et lupus érythémateux disséminé 1-10 Lucite idiopathique 1-14
Autres associations 1-11 Alopécie 1-15
Lupus néonatal 1-11 Lupus bulleux 1-15
Traitement des lupus cutanés 1-11 Mucinose papuleuse 1-15
Lésions vasculaires 1-13 Anétodermie 1-16
Acrosyndromes 1-13 Calcifications 1-16
Livédo 1-13 Pustulose amicrobienne des plis 1-16
Ulcères de jambes 1-14 Références 1-16

e terme de lupus a été initialement utilisé à la fin du une histologie compatible, les résultats de l’immunofluo-
L Moyen Âge pour décrire des lésions cutanées muti-
lantes du visage de causes variées. Actuellement, le terme
rescence cutanée directe, le contexte clinique et immuno-
logique. Lors d’un examen initial, le type des lésions cuta-
de lupus érythémateux désigne un ensemble d’affections nées lupiques est parfois difficile à préciser en l’absence de
formant un spectre continu allant d’une lésion cutanée iso- données évolutives ; ces lésions peuvent alors être classées
lée à une maladie multiviscérale grave dans le cadre d’un dans le cadre flou de lésions lupiques de type indéterminé
lupus érythémateux aigu disséminé (LEAD) aussi appelé en attendant d’avoir un diagnostic plus précis.
lupus systémique. Les nombreuses manifestations cutanéo-
muqueuses observées dans ces affections ont une grande Nosologie, épidémiologie et facteurs de risque
valeur diagnostique et parfois pronostique. Aussi est-il fon- Le lupus érythémateux aigu (LEA) est observé essentielle-
damental d’en faire un diagnostic précis. Schématiquement, ment chez la femme avec un sex-ratio F/H de 9/1. Il serait
ces manifestations peuvent être classées en trois groupes : plus souvent observé en cas de début précoce du lupus ¹.
les lésions lupiques, théoriquement caractérisées par une Mieux visible sur des malades à carnation claire, il est pro-
atteinte de l’interface dermo-épidermique (en fait incons- bablement sous-évalué chez les malades à carnation très
tante), les lésions vasculaires, les manifestations non lu- foncée, mais il peut aussi être moins fréquent en raison de
piques et non vasculaires (tableau 1.1). la protection naturelle de leur peau aux ultraviolets ².
Autrefois dénommé sous des appellations diverses, le lupus
Lésions lupiques érythémateux subaigu (LESA) a été individualisé en 1977
par Gilliam ³. Il atteint préférentiellement les femmes
Il n’existe pas de définition précise des lésions lupiques. (70 %) d’origine caucasienne (85 %), surtout à partir de
Théoriquement, les lésions lupiques sont caractérisées par 50 ans ⁴.
une atteinte de l’interface de la jonction dermo-épider- Le lupus érythémateux chronique (LEC) regroupe le lupus
mique, en fait atteinte non spécifique car observée dans discoïde, le lupus tumidus, le lupus à type d’engelures et la
d’autres maladies telles que la dermatomyosite et atteinte panniculite ou lupus profond.
inconstante car absente dans les lupus tumidus ou profond. Le terme de LEC est souvent confondu avec celui de lupus
Le diagnostic de lésion lupique repose en réalité sur un fais- discoïde, le lupus tumidus et le lupus à type d’engelures
ceau d’arguments prenant en compte l’aspect clinique des étant alors considérés comme des formes cliniques de lu-
lésions dermatologiques, leur topographie, leur évolution, pus discoïde. La panniculite est à part. Il n’existe aucune

 LEA lupus érythémateux aigu · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu
1-2 Lupus érythémateux

Tableau 1.1 Principales manifestations dermatologiques observées au cours des lupus


Lupus cutanés Lésions vasculaires Manifestations non lupiques et non vasculaires
Lupus érythémateux aigu Syndrome de Raynaud Photosensibilité
Érythème en vespertilio Érythermalgie Alopécie
Éruption plus diffuse morbilliforme, papuleuse ou bulleuse Livédo Lupus bulleux
− prédominante dans les zones photo-exposées Ulcères de jambes Mucinose papuleuse
− atteinte des zones interarticulaires sur le dos des Urticaire et œdème de Quincke Anétodermie
mains Hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales Calcifications
Lésions érosives buccales Nécroses cutanées extensives Pustulose amicrobienne des plis
Lupus érythémateux subaigu Érythème palmaire, télangiectasies péri-unguéales
Forme annulaire Purpura
Forme psoriasiforme Atrophie blanche ou pseudo-maladie de Degos
Forme à type d’érythème polymorphe (syndrome de
Rowell)
Lupus néonatal
Lupus érythémateux chronique
Lupus discoïde
− localisé (céphalique)
− disséminé
− buccal lichénoïde
Lupus tumidus
Lupus à type d’engelures
Panniculite lupique

étude épidémiologique concernant la prévalence du LEC. Il La multitude des études génétiques chez les malades avec
débute souvent entre 20 et 40 ans, mais peut également un LEAD contraste avec la relative rareté de celles concer-
atteindre les âges extrêmes de la vie. La prédominance fé- nant les lupus cutanés.
minine est moins nette que dans les autres formes, le sex- En effet, il n’y a aucune étude dans la littérature recher-
ratio F/H variant de 3/2 à 3/1. Toutes les ethnies sont chant une relation entre certains haplotypes HLA et le LEA.
touchées. Certains auteurs le considèrent comme deux à Le LESA était antérieurement considéré comme préféren-
trois fois plus fréquent que le LEAD ⁵ alors que d’autres tiellement associé aux haplotypes HLA-A1, B8, DR3. Plus ré-
le considèrent sept fois moins fréquent. La prévalence du cemment a été décrit l’association LESA et polymorphisme
LEAD en Europe varie de 25 à 39 cas pour 100 000 sujets nucléotidique du gène promoteur (-308A) du tumor necrosis
selon les études et les régions ⁶, ce qui permet d’évaluer factor alpha (TNF-α) ⁷. Les kératinocytes, provenant de su-
la prévalence de LEC entre 4 et 117 cas pour 100 000 su- jets présentant cette anomalie génétique, auraient une pro-
jets, l’ampleur de cet intervalle témoignant de l’absence de duction anormalement élevée de TNF induite par les ultra-
données épidémiologiques fiables. violets (UV) de type B (UV-B). Aujourd’hui, ces haplotypes
sont regroupés sous le terme d’haplotype ancestral 8.1 :
HLA-A1, Cw7, B8, TNFAB* a2b3, TNFN*S, C2*C, Bf*s, C4*A
Q0, C4B*1, DRB1*0301, DQA1*0501, DQB1*0201. Les su-
jets porteurs de cet haplotype ancestral ont une susceptibi-
lité de développer de nombreuses maladies auto-immunes
dont le diabète, la dermatite herpétiforme ou la myasthé-
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 1.1 Lupus érythémateux aigu : érythème et œdème du front et des


joues respectant les sillons naso-géniens Fig. 1.2 Lupus érythémateux aigu du décolleté

 LEA lupus érythémateux aigu · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu · TNF tumor necrosis factor · UV ultraviolets
Lésions lupiques 1-3

Tableau 1.2 Gènes en dehors du complexe majeur d’histocompatibilité Médicaments inducteurs de LESA (d’après 4)
potentiellement impliqués à l’origine d’une susceptibilité aux lupus cutanés Diurétiques Hypolipémiants
ou à la production d’anticorps anti-Ro/SS-A ¹¹ Thiazides Pravastatine
Spironolactone Simvastatine
Gènes Site Associations Inhibiteurs calciques Antimycosiques
Gènes des cytokines Diltiazem Griséofulvine
Nifédipine Terbinafine
Interleukine-1 (IL-1A, B, RA) 2q13 Allèle d’IL-1 RA, lupus discoïde et Nitrendipine Antihistaminiques
photosensitivité Vérapamil Cinnarazine/triéthylpérazine
Interleukine-10 1q31 Liaison 1q31 et LEAD, Inhibiteurs de l’enzyme Antiépileptiques
polymorphisme nucléotide (3) et de conversion de l’angiotensine Phénytoïne
ac anti-Ro Captopril Antimalariques
Molécules d’adhésion Cilazalapril Hydroxychloroquine
Antiacides Sulfamides
ICAM 1 19p13.2-13.3 Expression augmentée de l’ICAM 1
Ranitidine Glyburide
par les kératinocytes dans les LEC
Omeprazole Chimiothérapie
Sélectine-E 1q23-25 Expression augmentée de Anti-inflammatoires non stéroïdiens Docetaxel (taxotère)
l’expression de sélectine Naproxène Autres
endothéliale en peau lupique Piroxicam Interféron α
Récepteur 2 du Fc gamma 1q23 LEAD, défaut de cytotoxicité ac Bêta-bloquants Procainamide
(FCGR2A) dépendante Oxprénolol D-Pénicillamine
Récepteur des cellules T TCR Cβ1, 7q35 Polymorphisme de restriction et et Acébutolol Étanercept/infliximab
C β2 ac anti-Ro Tiotropium en inhalation
Insecticides
Enzymes antioxydants
1.A
Glutathion S transférase GSTM1 1p13 GSTM1 nul et ac anti-Ro
Gènes de l’apoptose et de la prise de conscience individuelle très variable des
Fas (TNFRSF6) 10q24.1 Polymorphisme d’un nucléotide et différentes expositions solaires possibles. Les résultats des
photosensibilité
tests de provocation varient en fonction des techniques
utilisées et de la population étudiée en raison de facteurs
nie. Les malades ayant également une symptomatologie de génétiques ¹². Grossièrement, le déclenchement des lésions
syndrome de Gougerot-Sjögren auraient plus souvent cet cutanées par l’exposition solaire est noté chez 25-30 % des
haplotype qui favorise une forte production d’anticorps malades ayant un LEA, 65-80 % des malades ayant un LESA
anti-Ro/SS-A ³. Ainsi les malades avec LEC et anticorps et 30-40 % des malades avec un LEC ; les rayonnements
anti-Ro/SS-A partageraient également cet haplotype avec nocifs étant surtout les UV-B et, à un moindre degré, les
une association moins fréquente de DRB*04. UV-A ¹². Sa corrélation avec la présence sérique d’anticorps
Les déficits génétiques en fractions du complément, ainsi anti-Ro/SS-A n’a pas été mise en évidence dans toutes les
que le déficit congénital en inhibiteur de la C1 estérase, ont études ¹³,¹⁴. La radiothérapie par rayons X peut être égale-
été surtout rapportés en association avec des LESA et des ment un facteur déclenchant de lésions de lupus cutané no-
LEA mais aussi avec des LEC. Dans une étude de 32 ma- tamment de LESA ¹⁵. Un phénomène de Koebner explique
lades avec LESA ou LEC, un déficit génétique partiel en C2 certaines localisations des lésions de LEC sur des zones
et/ou C4 a été mis en évidence dans 75 % des cas ⁸ sans va- traumatisées ou sur des cicatrices préexistantes. L’intoxica-
riation significative suivant les types de lupus. L’explication tion tabagique a été initialement incriminée comme facteur
physiopathologique pour ce type d’association est encore de risque de résistance à l’hydroxychloroquine des lésions
incertaine : défaut de clairance des complexes immuns et cutanées lupiques ; en fait, elle semblerait égalemet prédis-
des cellules apoptotiques, notamment des kératinocytes poser au LEAD, à ses manifestations cutanées ¹⁶ et surtout
en apoptose induits par les UV, ou simple localisation gé- au LEC (risque relatif : 14,4 ; intervalle de confiance : 6,2-
nétique proche du gène responsable. 33,8), particulièrement chez l’homme ⁸,¹⁷.
Les malades atteints de granulomatose septique ou leurs S’il n’est pas habituel de rechercher une cause médicamen-
mères peuvent avoir des lésions proches de celles du lupus teuse dans les LEA et les LEC, il n’en est pas de même au
discoïde. L’immunofluorescence directe y est cependant gé- cours des LESA ⁴. En effet, un certain nombre de médica-
néralement négative ⁹. Il s’y associe fréquemment une sto- ments ont été associés à la survenue ou à l’aggravation de
matite érosive. L’association avec un LEAD est possible ¹⁰. lésions de LESA (encadré 1.A). Le problème des contraceptifs
Les autres associations génétiques en dehors du com- œstroprogestatifs est différent. Ils ne sont pas réellement
plexe majeur d’histocompatibilité sont reportées sur le inducteurs, mais peuvent déclencher des poussées systé-
tableau 1.2 ¹¹. miques de lupus. Leur responsabilité dans l’aggravation de
La fréquence du déclenchement par l’exposition solaire des LESA et LEC n’a pas été clairement établie. Il paraît cepen-
lésions lupiques est très difficile à évaluer. En effet, les don- dant logique de les éviter en cas de lupus cutanés résistants
nées de l’interrogatoire des malades ne sont pas toujours à l’hydroxychloroquine et/ou accompagnés d’anomalies im-
fiables du fait notamment du caractère retardé de l’appari- munologiques sériques. Quant au traitement substitutif
tion des lésions lupiques par rapport à l’exposition solaire de la ménopause, aucune donnée actuelle ne permet de le

 IL interleukine · LEA lupus érythémateux aigu · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu · UV ultraviolets
1-4 Lupus érythémateux

Coll. D. Bessis
Fig. 1.3 Lupus érythémateux aigu du dos des mains : atteinte papuleuse

Coll. D. Bessis
et érythémateuse en regard des zones articulaires et interarticulaires

contre-indiquer dans les lupus uniquement cutanés.


Enfin dans quelques observations, un LESA d’apparition Fig. 1.5 Lupus érythémateux aigu muqueux buccal : érosion de la face
tardive après 50 ans peut accompagner un cancer de locali- interne de la joue
sation variée cancer du poumon, cancer du sein, adénocar-
cinome utérin, cancer gastrique, mélanome malin, maladie réponse immunitaire est essentiellement localisée au ni-
de Hodgkin, carcinome hépatique ¹⁸, etc. Il n’y a pas de veau de l’interface dermo-épidermique, ce qui suggère l’exis-
particularité clinique ou immunologique à ces formes asso- tence de cibles antigéniques situées à la surface des kérati-
ciées à un cancer. Leur rareté ne justifie pas la recherche nocytes de la couche basale de l’épiderme.
systématique d’une néoplasie devant une LESA du sujet Les facteurs d’environnement qui déclenchent une pous-
âgé. sée cutanée de la maladie sont pour la plupart inconnus,
à l’exception des UV-B et, à un moindre degré, des UV-A.
Physiopathologie Ces radiations déclenchent une cascade d’événements en-
La physiopathologie des lupus cutanés reste un puzzle dont tretenant l’inflammation dont il est très difficile de préciser
il manque encore de nombreuses pièces ¹⁹-²⁰. Les lupus cu- la chronologie. Les kératinocytes entrent en apoptose par
tanés résultent vraisemblablement, comme le lupus éry- l’intermédiaire de médiateurs apoptotiques (Fas, TNF-α,
thémateux systémique, d’interactions entre des gènes de monoxyde d’azote...) ; ils expriment à leur surface des vési-
susceptibilité et des facteurs d’environnement, ayant pour cules contenant des auto-antigènes intracellulaires jusqu’à
conséquence une réponse immune anormale comportant présent masqués au système immunitaire. La mauvaise éli-
une hyperréactivité lymphocytaire T et B qui n’est pas répri- mination de ces autoantigènes (diminution du C1q, du C2,
mée par les circuits habituels d’immunorégulation. Cette C3, C4) favoriserait leur présentation aux lymphocytes T
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 1.4 Lupus érythémateux aigu muqueux buccal : érosion du palais Fig. 1.6 Lupus érythémateux aigu labial

 LESA lupus érythémateux subaigu · TNF tumor necrosis factor · UV ultraviolets


Lésions lupiques 1-5

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 1.7 Lupus érythémateux subaigu : macules érythémateuses et Fig. 1.8 Gros plan sur des macules annulaires de lupus érythémateux
annulaires du thorax et du cou en regard des zones photo-exposées subaigu

autoréactifs et la rupture de la tolérance sur un terrain


génétique prédisposé.
Les UV-B et les UV-A augmentent les taux d’interleukine
(IL)-10 et d’IL-12. L’IL-10 induit la tolérance en favorisant
la réponse Th2 alors que l’IL-12 semble promouvoir la ré-
ponse Th1. De plus, les UV induisent la libération d’IL-1-α
et de TNF-α qui augmentent l’expression des molécules
d’adhésion sur les kératinocytes et les cellules endothéliales,
favorisant le recrutement de cellules inflammatoires. Ainsi
ont été mis en évidence une augmentation d’expression des
molécules d’adhésion comme l’ICAM-1 à la surface des kéra-
tinocytes, de la sélectine E et le VCAM-1 à la surface des cel-

Coll. D. Bessis
lules endothéliales, ainsi qu’une expression anormale des
molécules d’histocompatibilité de classe II (HLA-DR) pour
la peau atteinte de malades présentant un LEC ou un LESA.
Les cellules dendritiques plasmacytoïdes, capables de pro- Fig. 1.9 Lupus érythémateux subaigu bulleux à type de
duire de grande quantité d’interféron, sont en nombre im- pseudo-érythème polymorphe
portant à la jonction dermo-épidermique, autour des vais-
seaux et des follicules pileux sur la peau ayant une atteinte rentiellement sur les gencives, le palais (fig. 1.4), les joues
lupique. En revanche, les cellules de Langerhans et les cel- (fig. 1.5) ou les lèvres (fig. 1.6), tantôt bien supportées, tantôt
lules dendritiques inflammatoires épidermiques sont dimi- très douloureuses, gênant l’alimentation. L’atteinte géni-
nuées dans l’épiderme lupique. tale est beaucoup plus rare, généralement associée à une
atteinte buccale. Toutes ces lésions régressent rapidement
Aspects cliniques
Lupus érythémateux aigu (LEA) Il est caractérisé cli-
niquement par son aspect érythémateux, plus ou moins
œdémateux ou squameux, voire papuleux. Dans la forme lo-
calisée, il est situé principalement sur les joues et le nez, en
vespertilio ou en loup, respectant relativement les sillons
naso-géniens, s’étendant souvent sur le front, les orbites,
le cou dans la zone du décolleté (fig. 1.1). L’œdème, parfois
important, peut gêner l’ouverture des yeux.
Dans la forme diffuse, il prédomine généralement sur
les zones photo-exposées, réalisant une éruption morbilli-
forme, papuleuse (fig. 1.2), eczématiforme ou bulleuse. Sur
le dos des mains, les lésions lupiques atteignent surtout les
Coll. D. Bessis

zones interarticulaires (fig. 1.3) qui, à l’inverse, sont respec-


tées dans la dermatomyosite. Dans les formes bulleuses du
lupus suraigu existent de vastes décollements, survenant Fig. 1.10 Lupus érythémateux subaigu : macules et papules
toujours en zones érythémateuses lupiques. érythémateuses et squameuses psoriasiformes de la partie supérieure
Les lésions buccales de LEA sont érosives, localisées préfé- du dos

 IL interleukine · LEA lupus érythémateux aigu · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu · TNF tumor necrosis factor · UV ultraviolets
1-6 Lupus érythémateux

avec un centre hypopigmenté grisâtre parfois couvert de


télangiectasies (fig. 1.8). Rarement, elles peuvent prendre
un aspect d’érythème polymorphe (syndrome de Rowell)
(fig. 1.9). Dans la forme psoriasiforme, les lésions sont papu-
losquameuses, psoriasiformes ou pityriasiformes (fig. 1.10),
pouvant confluer pour réaliser une forme profuse, voire
une érythrodermie exfoliative. Les deux formes peuvent
être associées chez un même malade. Quelle que soit la
forme, l’atteinte est superficielle sans kératose folliculaire
visible ni squame adhérente. Les lésions ont une topogra-
phie évocatrice du fait d’une distribution prédominante sur
les zones photo-exposées avec une atteinte grossièrement
symétrique du visage, du cou, du décolleté, des épaules, de
la face d’extension des bras, du dos des mains. L’extension
sur le tronc est possible avec respect fréquent la face in-
terne des membres supérieurs, des aisselles et des flancs.
L’atteinte des membres inférieurs est rare. La régression
des lésions est plus ou moins rapide, sans atrophie cicatri-
cielle mais avec des troubles pigmentaires (hypo- ou hyper-
pigmentation) (fig. 1.11) et des télangiectasies séquellaires.
Le diagnostic peut hésiter avec une dermatophytie, un ec-
zéma annulaire, un érythème polymorphe, un psoriasis, un
pityriasis rosé de Gibert, une toxidermie. L’examen anato-
mopathologique avec immunofluorescence directe en zone
lésionnelle permet d’éliminer la majorité de ces diagnostics
excepté l’érythème polymorphe en cas de syndrome de Ro-
well ou une toxidermie en cas de lésions diffuses. Dans ces
derniers cas, c’est le contexte clinique qui oriente vers le
diagnostic de LESA.
Lupus érythémateux chronique Il regroupe le lupus
Coll. D. Bessis

Fig. 1.11 Lupus érythémateux subaigu : macules dépigmentées


vitiligineuses et lésions actives psoriasiformes

sans cicatrice en dehors d’une possible hyperpigmentation


séquellaire chez le sujet à peau dite noire.
Le diagnostic différentiel se pose surtout avec la rosacée
qui comporte des télangiectasies et des pustules, avec une
dermite séborrhéique localisée principalement dans les plis
naso-géniens, avec une dermatomyosite prédominant au
visage sur les paupières supérieures de couleur lilacée et
aux mains sur les zones articulaires. Les formes dissémi-
nées évoquent parfois un eczéma, une éruption virale ou
toxidermique. Les formes suraiguës peuvent faire discuter
une nécrolyse épidermique toxique. Les érosions buccales
du lupus aigu sont généralement moins étendues que celles
du syndrome de Stevens-Johnson avec atteinte prédomi-
nante de la moitié postérieure du palais. L’atteinte génitale
lupique est plus rare et généralement plus limitée.
Lupus érythémateux subaigu Cliniquement, le LESA
se manifeste initialement par des lésions maculeuses éry-
Coll. D. Bessis

thémateuses ou papuleuses évoluant soit vers une forme


annulaire, soit vers une forme psoriasiforme. Dans la forme
annulaire, les lésions ont des contours polycycliques à bor- Fig. 1.12 Lupus discoïde du visage et du cou : macules érythémateuses,
dure érythémato-squameuse (fig. 1.7) ou vésiculo-croûteuse squameuses et atrophiques

 LESA lupus érythémateux subaigu


Lésions lupiques 1-7

Fig. 1.13 Lupus discoïde étendu du visage en « ailes de papillon » Coll. D. Bessis

discoïde, le lupus tumidus, le lupus à type d’engelures ou


lupus pernio, le lupus profond ou panniculite lupique.
Dans sa forme classique, le lupus discoïde réalise des
plaques bien limitées associant trois lésions élémentaires :
1o érythème de type congestif surtout net en bordure
parcouru de fines télangiectasies ; 2o squames plus ou

Coll. D. Bessis
moins épaisses s’enfonçant en clou dans les orifices follicu-
laires pouvant donner un aspect de piqueté blanc, râpeux
au toucher ; 3o atrophie cicatricielle prédominant au Fig. 1.14 Lupus discoïde du scalp responsable d’une large alopécie
centre des lésions souvent dépigmentée, parfois tatouée cicatricielle
de télangiectasies et de taches pigmentées.
Les lésions, souvent multiples et symétriques, sont surtout zones érythémateuses ou érosives en « rayons de miel ».
localisées sur les zones photo-exposées, notamment au vi- Les demi-muqueuses des lèvres, la face interne des joues
sage (fig. 1.12) sur l’arête du nez, les pommettes avec parfois et le palais sont le plus souvent atteints alors que l’atteinte
une disposition en « aile de papillon » (fig. 1.13), les régions linguale est plus rare. L’évolution vers un carcinome spi-
temporales et l’ourlet des oreilles. Les zones non exposées nocellulaire est possible. L’atteintes des autres muqueuses,
sont en fait souvent atteintes, en particulier les sourcils, notamment conjonctivale, nasale ou génitale, est rare.
les paupières ou le cuir chevelu (fig. 1.14). Ainsi des plaques Différentes formes cliniques existent selon la prédomi-
du cuir chevelu existent dans 60 % des cas, elles sont iso- nance ou la répartition des lésions élémentaires : lupus
lées dans 10 % des cas, laissant après guérison une alopécie crétacé très hyperkératosique, lupus comédonien avec de
cicatricielle définitive avec un aspect de pseudo-pelade. nombreux comédons ouverts ou fermés, à limites nettes,
Dans le lupus discoïde disséminé, les lésions sont plus dif- le différenciant de l’acné, lupus folliculaire notamment
fuses, atteignant le tronc et les membres. Sur les membres, des coudes, fréquent chez les Asiatiques, lupus télangiecta-
les lésions sont observées préférentiellement sur les zones sique, formes érythémateuses, très difficiles à distinguer
traumatisées comme les coudes ou sur les extrémités. L’at- du lupus aigu, formes infiltrées nodulaires avec un centre
teinte palmoplantaire est souvent érosive, très douloureuse, déprimé kératosique sur les mains, lupus atrophique avec
particulièrement résistante aux traitements, invalidante des lésions cicatricielles vermoulues de la zone péribuccale.
sur le plan fonctionnel, gênant la marche en cas de lésions Le lupus tumidus réalise un ou plusieurs placards nette-
plantaires et empêchant toute activité manuelle en cas de ment saillants, arrondis ou ovalaires, de teinte rouge vio-
lésions palmaires (fig. 1.15). Une atteinte unguéale est fré- lacé, à bords nets comme tracés au compas, de consistance
quemment observée dans les formes digitales profuses, à œdémateuse, sans hyperkératose folliculaire visible à l’œil
l’origine de dystrophies pseudolichéniennes. nu. Certaines lésions sont déprimées en leur centre et
Des lésions muqueuses, essentiellement buccales, seraient peuvent prendre un aspect annulaire ²². Les lésions sont
présentes dans 25 % des cas ²¹. Initialement, il s’agit de lé- principalement localisées au visage (fig. 1.17) et à la partie
sions érythémateuses évoluant vers un aspect lichénien supérieure du tronc avec une distribution prédominante
avec des zones blanches isolées (fig. 1.16) ou entourant des sur les zones photo-exposées, témoignant d’une grande
1-8 Lupus érythémateux

Coll. D. Bessis
Fig. 1.15 Lupus discoïde des paumes

photosensibilité. Elles disparaissent habituellement sans


cicatrice. Les Caucasiens sont préférentiellement atteints.
Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec le
LESA, les lésions annulaires observées chez les Asiatiques
présentant un syndrome de Gougerot-Sjögren ²³ et les in-
filtrats lymphocytaires bénins cutanés en particulier de

Coll. D. Bessis
Jessner et Kanof. Pour certains auteurs, ces deux derniers
diagnostics ne seraient que des formes cliniques de lupus
tumidus. Fig. 1.17 Lupus tumidus : plaque papuleuse et œdémateuse sans
Le lupus à type d’engelures est caractérisé par sa localisa- squames ni atrophie cicatricielle
tion (extrémités des doigts et des orteils, oreilles, nez, mol-
lets, talons, coudes, genoux), son évolution souvent saison- fréquemment avec des lésions de vasculite. L’histologie est
nière aggravée par le froid, son aspect clinique avec des voisine de celle du lupus discoïde. Du fait de ces difficultés
lésions violacées souvent ulcérées ou verruqueuses, pruri- diagnostiques, des critères diagnostiques ²⁴ ont été propo-
gineuses ou douloureuses (fig. 1.18) ²⁴. Cliniquement, il peut sés : deux critères majeurs (lésions des extrémités induites
être confondu avec des engelures, une sarcoïdose ou plus par l’exposition au froid ou une diminution de la tempéra-
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 1.16 Lupus discoïde de la face interne de joue : lésion


leucokératosique d’allure pseudolichénienne Fig. 1.18 Lupus-engelures

 LESA lupus érythémateux subaigu


Lésions lupiques 1-9

ture et présence de lésions évocatrices de lupus en histolo-


gie avec immunofluorescence directe) et trois critères mi-
neurs (coexistence d’un lupus systémique ou de lésions de
lupus discoïde, réponse à un traitement des lupus cutanés
et absence de cryoglobuline, cryofibrinogène ou d’aggluti-
nines froides). Les frontières entre le lupus-engelures et
les formes distales de lupus discoïde sont assez floues, les
lésions étant classées lupus-engelures lorsqu’elles sont ag-
gravées par le froid et lupus discoïde lorsqu’elles n’ont pas
de variations saisonnières. En fait, ce terme devrait être ré-
servé aux lésions lupiques distales simulant cliniquement
des engelures, mais qui sont distinctes de cette dernière
entité du fait de leur persistance en dehors de la saison
froide ²⁵.
La panniculite lupique ou lupus érythémateux profond ou
maladie de Kaposi-Irgang se manifeste par des nodules
ou des plaques infiltrées de taille variable, parfois doulou-
reuses. La peau en regard est normale ou érythémateuse,
parfois siège de lésions de lupus discoïde. Les lésions s’ul-
cèrent dans 30 % des cas ²⁶. Les dépôts calciques sont in-
constants. L’évolution se fait vers une lipoatrophie cicatri-
cielle permettant un diagnostic rétrospectif. Il n’y a pas de
fièvre. Les lésions siègent préférentiellement sur le tiers
supérieur des bras (face postéro-interne) (fig. 1.19), les joues
ou les cuisses. Plus rarement, elles sont localisées sur les
seins avec un aspect pouvant simuler à la mammographie
un carcinome inflammatoire, ou dans les régions abdomi-
nale, péri-oculaire ou parotidienne. Le diagnostic différen-
tiel se pose cliniquement avec les vasculites nodulaires ou
les autres panniculites : panniculite factice, panniculite his-

Coll. D. Bessis
tiocytaire cytophagique, panniculite idiopathique ou pan-
créatique habituellement fébrile. L’examen histologique
permet généralement de faire le diagnostic. Fig. 1.19 Lupus érythémateux profond de la face externe d’un bras :
Association des différents types de lupus cutanés Les nodules érythémateux et lipoatrophie cicatricielle
différents types de lupus cutané peuvent être associés chez
un même malade. Ainsi sur 191 malades avec un lupus les formes sévères pouvant aboutir à un décollement bul-
cutané, 68 % n’avaient qu’un seul type de lésion, 29 % en leux.
avaient deux et 3 % trois ²⁷. Les lésions de LEA sont asso- Dans le LESA, les lésions de dégénérescence des kératino-
ciées aussi bien au LESA qu’au LEC. Vingt pour cent envi- cytes sont également parfois très intenses et non limitées
ron des malades avec des lésions de LESA ont ou auront à la couche basale. L’hyperkératose est discrète. L’infiltrat
également au cours de leur évolution des lésions de lupus est peu abondant, périvasculaire et périannexiel.
discoïde ²⁸. Dans 70 % des cas, la panniculite est associée Dans le lupus discoïde, l’hyperkératose est marquée, de
à des lésions de lupus discoïde en regard des lésions ou à type orthokératosique, formant des bouchons cornés dans
distance ²⁹. les orifices folliculaires ; l’infiltrat dermique est plus impor-
tant, périannexiel pouvant s’étendre dans le derme profond
Aspects histologiques d’où l’évolution cicatricielle. Dans le lupus tumidus, l’épi-
L’examen anatomopathologique d’une lésion cutanée lu- derme est souvent normal sans dermite d’interface. L’infil-
pique révèle, dans les trois formes de lupus cutané, des lé- trat dermique lymphocytaire est superficiel et profond, de
sions épidermiques et dermiques avec hyperkératose, atro- disposition périvasculaire et périannexielle avec des dépôts
phie du corps muqueux, lésions de dégénérescence des ké- interstitiels de mucine ³¹. L’aspect histologique du lupus à
ratinocytes basaux, épaississement de la membrane basale type d’engelures est proche de celui du lupus discoïde avec
et infiltrat lymphocytaire dermique composé essentielle- une hyperkératose moins importante. Il diffère de celui
ment de lymphocytes CD4 + ³⁰ (fig. 1.20). Des variations im- des engelures du fait de l’absence de spongiose, d’œdème
portantes existent selon chaque forme de lupus. dermique important et de localisation périeccrine de l’in-
Ainsi dans le LEA, l’hyperkératose est peu importante ; l’in- filtrat ³². Au cours de la panniculite existe inconstamment
filtrat mononucléé est discret, surtout périvasculaire ; il un aspect de lupus discoïde dans le derme et l’épiderme.
existe un œdème du derme superficiel ; la dégénérescence Plus en profondeur, dans l’hypoderme, est noté un infiltrat
des kératinocytes est souvent intense, plus étendue dans lobulaire composé de lymphocytes, de plasmocytes et d’his-

 LEA lupus érythémateux aigu · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu
1-10 Lupus érythémateux

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Coll. D. Bessis
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Fig. 1.20 Lésions histologiques caractéristiques de lupus érythémateux : hyperkératose épidermique, lésions de dégénérescence des kératinocytes
basaux, épaississement de la membrane basale, œdème et infiltrat lymphocytaire périvasculaire

tiocytes, des débris nucléaires, des dépôts fibrinoïdes, une été modifiés en 1997 (encadré 1.B) ³⁹. Or ces critères ont été
nécrose hyaline des adipocytes, une hyalinisation des septa. élaborés initialement dans un but de classification des ma-
Des foyers de calcification sont parfois présents. ladies rhumatologiques ; ils ont été secondairement déviés
L’étude en immunofluorescence directe d’une lésion lu- de leur vocation initiale et utilisés en pratique comme cri-
pique met en évidence des dépôts d’immunoglobulines tères diagnostiques de LEAD dans toutes les spécialités.
(IgG, A ou M) et/ou de complément (C1q, C3) à la jonction Ils ne prennent pas en compte l’utilisation du complément
dermo-épidermique dans 80 à 90 % des cas de LEA et de essentiel au diagnostic ⁴⁰. La présence de quatre critères der-
lupus discoïde, 70 % des cas de panniculite lupique et 60 % matologiques conduit à classer abusivement des malades
des cas de LESA ³. Ces dépôts ne sont pas spécifiques de la avec une atteinte cutanée isolée associée à quelques ano-
maladie lupique ; ils peuvent être observés dans certaines malies biologiques dans le groupe des LEAD alors qu’ils
rosacées, les dermatomyosites et chez 20 % des sujets nor- n’ont en fait aucune manifestation systémique. Ce classe-
maux en peau saine exposée ³⁴-³⁶. Dans le LESA a été décrite ment n’a aucune conséquence pratique puisque le choix
une fluorescence en poussières épidermiques, en fait non du traitement va dépendre uniquement de l’existence et
spécifique, dont la fréquence de positivité semble varier de la gravité des atteintes viscérales éventuelles et non du
beaucoup en fonction de problèmes techniques ³⁷. nombre de critères de l’ACR comptabilisés depuis le début
Histologiquement, le diagnostic est très difficile, voire im- de la maladie.
possible entre une lésion de LEA et de dermatomyosite Tous les types de lupus cutané peuvent être associés à un
qui peut comporter également une bande lupique en im- LEAD. Toutefois, la fréquence de cette association est très
munofluorescence directe. En cas de nécrose extensive des variable selon le type de lupus. Ainsi plus de 90 % des ma-
kératinocytes d’une lésion de LEA ou de LESA, l’aspect his- lades avec un LEA ont ou auront un LEAD, les lésions der-
tologique peut être proche de celui d’une toxidermie, sur- matologiques étant révélatrices dans 50-60 % des cas ; à
tout en cas de négativité de l’immunofluorescence directe. l’inverse, 60 à 80 % des LEAD ont des lésions de LEA ⁴⁰.
Celles-ci accompagnent très souvent les poussées de lupus
Lupus cutanés et lupus érythémateux disséminé systémique qu’elles doivent faire rechercher systématique-
Le LEAD est généralement défini par la présence d’au ment. Dans notre expérience, les ulcérations muqueuses
moins quatre critères sur les onze établis par le Collège amé- sont fréquemment associées à une atteinte rénale évolu-
ricain de rhumatologie (ACR pour American College of Rheu- tive.
matology, ex-ARA) en 1982 ³⁸, deux de ces critères ayant Plus de 50 % des malades avec des lésions de LESA ont un

 ACR American College of Rheumatology · LEA lupus érythémateux aigu · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LESA lupus érythémateux subaigu
Lésions lupiques 1-11

Critères de classification du lupus érythémateux aigu disséminé 12,33,54


1. Érythème malaire érythème fixe, maculeux ou maculo-papuleux sur les éminences malaires, tendant à épargner les plis naso-géniens.
2. Lupus discoïde plaques érythémato-papuleuses avec squames adhérentes s’enfoncant dans les orifices folliculaires et atrophie secondaire.
3. Photosensibilité éruption cutanée résultant d’une réaction anormale au soleil, constatée par le malade ou le médecin.
4. Ulcérations orales ulcérations orales ou nasopharyngées, habituellement non douloureuses constatées par un médecin.
5. Arthrite arthrite non érosive touchant au moins 2 articulations périphériques, caractérisée par une sensibilité, une tuméfaction ou un
épanchement.
6. Atteinte séreuse a. pleurésie sur une histoire convaincante de douleurs pleurales ou d’un frottement pleural constaté par un médecin ou visua-
lisation de l’épanchement ou
b. péricardite documentée sur l’ECG, un frottement ou la mise en évidence de l’épanchement.
7. Atteinte rénale a. protéinurie persistante > 0,5 g/j ou > 3 + si elle n’est pas quantifiée ou
b. cylindrurie.
8. Atteinte neurologique a. convulsions en l’absence de cause médicamenteuse ou d’anomalie métabolique (urémie, acidocétose, troubles électrolytiques)
ou
b. psychose en l’absence de cause médicamenteuse ou d’anomalie métabolique (urémie, acidocétose, troubles électrolytiques).
9. Atteinte hématologique a. anémie hémolytique avec réticulocytose ou
b. leucopénie < 4 000/mm 3 constatée au moins à 2 reprises ou
c. lymphopénie < 1 500/mm 3 constatée au moins à 2 reprises ou
d. thrombopénie < 100 000/mm 3 en l’absence de substance cytopéniante.
10. Atteinte immunologique a. anticorps anti-ADN natif à un titre anormal
b. anticorps anti-Sm
c. présence d’anticorps antiphospholipides correspondant soit à : 1o un taux élevé d’anticorps anticardiolipine de type IgG
ou IgM ; 2o un anticoagulant de type lupique ; 3o une sérologie syphilitique dissociée depuis plus de 6 mois confir-
mée par l’immunofluorescence ou un test de Nelson.
11. Anticorps antinucléaires titre anormal d’anticorps antinucléaires par immunofluorescence ou autre technique équivalente en l’absence de médicament
inducteur de lupus.
1.B

LEAD selon les critères de l’ACR ²⁸. En fait la large majo- et un syndrome interstitiel pulmonaire ⁴⁵. Les éruptions
rité des malades avec LESA n’ont pas d’atteinte systémique annulaires décrites chez les Japonais avec syndrome de
justifiant une corticothérapie générale ⁴¹. Les atteintes vis- Gougerot-Sjögren primaire et anticorps anti-Ro/SS-A ou
cérales graves, en particulier rénales ou neurologiques, se- anti-La/SS-B sont très proches du lupus tumidus ⁴⁶.
raient présentes dans près de 10 % des cas ²⁸. Ces dernières
seraient surtout observées chez l’homme avec un aspect Lupus néonatal
papulo-squameux psoriasiforme du LESA ⁴². À l’opposé, sui- La prévalence du lupus néonatal est inconnue, probable-
vant les séries, 7 à 21 % des malades avec un LEAD ont des ment inférieure à 1 pour 20 000 naissances. Une atteinte
lésions de LESA. cutanée est présente dans approximativement la moitié des
Quinze à trente pour cent des malades avec LEAD ont des cas ⁴⁷,⁴⁸. Elle surviendrait préférentiellement en présence
lésions cutanées de lupus discoïde, révélatrice dans 5 % des d’haplotype TNF-α-308A, DRB1*03 ⁴⁹. Le sex-ratio F/H est
cas ⁴⁰. À l’inverse, 10 à 20 % des malades avec lupus dis- de 3/1 en cas d’atteinte cutanée. Les lésions, rarement
coïde ont ou auront un LEAD. Huit pour cent environ des présentes dès la naissance, apparaissent habituellement
malades avec lupus discoïde initialement isolé évolueront dans les premières semaines de vie. Il s’agit de plaques
vers un LEAD, le plus souvent après plusieurs années ⁴³. Il érythémato-squameuses, arrondies et polycycliques très
n’existe pas de critère prédictif formel de cette évolution ; proches cliniquement et histologiquement du LESA, fré-
dans certaines séries cependant, le caractère disséminé quemment hypopigmentées notamment sur peau dite
des lésions cutanées, leur aggravation en période prémen- noire. Les lésions sont principalement localisées sur la tête
truelle ou pendant la grossesse étaient plus souvent asso- et les zones photo-exposées, tout le tégument pouvant être
ciés à une évolution vers un LEAD ⁴³. Quarante pour cent atteint. Elles disparaissent après une ou plusieurs poussées
des malades avec une panniculite lupique ont un LEAD ²⁹. successives évoluant sur des semaines ou mois avec pos-
À l’inverse, un aspect de panniculite n’est noté que chez 2 à sibilité de télangiectasies ou de troubles pigmentaires sé-
3 % des LEAD ⁴. quellaires. D’autres manifestations ont été décrites : lupus
discoïde sans hyperkératose folliculaire marquée ni atro-
Autres associations phie, érosions buccales, alopécie, éruptions érythémato-
Tous les types de lupus cutané peuvent être associés à di- squameuses, purpuriques, bulleuses, éruption papuleuse
verses connectivites, la fréquence de ces associations étant angiomateuse ou non, lésions télangiectasiques, pannicu-
généralement inconnue. Trois à vingt pour cent des ma- lite ⁴⁷,⁴⁸, etc. Le risque de développer ultérieurement un
lades avec un LESA développent un syndrome de Gougerot- lupus n’est pas encore précisé, il est probablement plus
Sjögren, ces pourcentages étant plus élevés chez les su- élevé qu’en l’absence de lupus néonatal ⁵⁰.
jets âgés de plus de 55 ans. Au LESA et au syndrome
sec s’ajoutent alors fréquemment une vascularite cuta- Traitement des lupus cutanés
née, une atteinte neurologique centrale et périphérique Quel que soit le type de lupus cutané, une protection solaire

 ACR American College of Rheumatology · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LESA lupus érythémateux subaigu · TNF tumor necrosis factor
1-12 Lupus érythémateux

Surveillance d’un traitement au long cours par APS 52


en France ⁵² et en Grande-Bretagne ⁵³, recommandations
Préciser
a. Âge, taille, poids, poids idéal qui sont en fait très inconstamment suivies ⁵⁴ (encadré 1.C).
b. Anomalies rénales et/ou hépatiques associées Le risque de troubles de la conduction cardiaque impose
c. Durée de la prise, antécédents de la prise de faire un électrocardiogramme annuel. L’HCQ peut être
a. Dose journalière prescrite/dose à faibles risques visuels égale ou inférieure à
6,5 mg/kg/j d’hydroxychloroquine ou 3 mg/kg/j de chloroquine
donné en toute sécurité pendant la grossesse d’autant plus
b. Traitements associés qu’il a une action préventive sur les poussées lupiques ⁵. La
c. Antécédents ou pathologies ophtalmologiques associées pigmentation cutanée prédominant sur les zones exposées
Examens de surveillance
a. Examen clinique
est relativement fréquente après de nombreuses années
a. Acuité visuelle de prise d’APS ; elle peut être également muqueuse, notam-
b. Fond d’œil ment palatine, et unguéale, n’imposant pas l’arrêt du mé-
b. Examens complémentaires : deux parmi les trois suivants dicament. Le blanchiment des cheveux est beaucoup plus
a. Vision des couleurs : test Panel D15 désaturé
b. Champ visuel automatisé environ 10 degrés centraux rare, probablement en rapport avec un effet toxique sur le
c. Électrorétinographie maculaire (pattern-ERG ou multifocal ERG) mélanocyte ⁵⁶. Un prurit, une urticaire, une vascularite ou
Fréquence un exanthème maculopapuleux ont été signalés dans des
a. Sujets à faible risque : tous les 18 mois
cas isolés.
a. Âge inférieur à 65 ans
b. Absence de maladie hépatique, rénale ou rétinienne En cas d’échec apparent d’un traitement par APS, il faut
c. Traitement de moins de 5 ans, à des doses quotidiennes égales ou inférieures à s’assurer de la prise correcte du médicament, de l’absence
6,5 mg/kg/j d’hydroxychloroquine ou 3 mg/kg/jour de chloroquine de facteurs inducteurs telles que des expositions solaires
b. Sujet à risque sans anomalie rétinienne : tous les 12 mois
a. Âge supérieur à 65 ans au début du traitement
et combattre le tabagisme, considéré comme un facteur
b. Traitement de plus de 5 ans de résistance aux APS ⁵⁷. L’augmentation des doses d’APS
c. Doses quotidiennes supérieures à 6,5 mg/kg/j d’hydroxychloroquine ou 3 mg/kg/j augmente l’efficacité mais aussi le risque de toxicité ; des
de chloroquine doses élevées ne doivent pas être prescrites sur de longues
d. Présence d’une maladie hépatique ou rénale
c. Sujet avec anomalie rétinienne durées. L’intérêt du dosage sérique d’hydroxychloroquine
À déterminer par l’ophtalmologiste en fonction de l’anomalie et de ses métabolites n’est pas démontré. Le changement
1.C de l’HCQ par la CQ ou l’inverse peut permettre de contrôler
les lésions dans un pourcentage de cas qui reste à détermi-
est indispensable. Aussi l’utilisation de la photoprotection ner. L’association de l’HCQ ou de la CQ avec la quinacrine
externe doit-elle être large et systématique. La meilleure est largement utilisée aux États-Unis en cas de lupus cu-
protection est vestimentaire ; cependant du fait de la néces- tanés réfractaires avec de nombreux succès au prix d’une
sité psychologique de mener une vie la plus normale pos- coloration jaune pigmenté des téguments parfois considé-
sible chez les sujets atteints de lupus cutanés, le recours aux rée comme inesthétique. L’apparition d’une réaction liché-
écrans solaires est pratiquement systématique. Les écrans noïde doit faire arrêter le traitement car elle peut précéder
avec indices les plus élevés contre les spectres les plus larges une toxicité médullaire ⁵⁸. L’absence de commercialisation
(UV-B, les UV-A et rayonnement visible) sont à utiliser de de la quinacrine limite son utilisation en France.
préférence en cas de lupus cutané. Ces indices ne prennent Les traitements topiques sont parfois utilisés de première
pas en compte le maintien de la protection après immersion intention avant les antimalariques dans des formes limi-
ou sudation d’où la nécessité de répéter régulièrement les tées ou en association en cas d’échec partiel des APS. Les
applications au cours de la journée. Ces photoprotecteurs dermocorticoïdes de niveau I ou II peuvent être utiles ; ils
doivent être systématiquement appliqués tous les jours sont cependant à éviter au long cours sur le visage. Le ta-
même en l’absence d’exposition solaire prévisible dans la crolimus et le pimécrolimus ont donné des résultats encou-
journée. Ils devront être renouvelés toutes les 2 heures en rageants dans des études préliminaires ⁵⁹,⁶⁰. La corticothé-
cas d’exposition solaire. rapie générale n’est pas indiquée ; son activité est en effet
En l’absence d’atteinte viscérale de LEAD justifiant un trai- médiocre sur les lésions cutanées avec une corticodépen-
tement « lourd » (corticothérapie et parfois immunosup- dance très fréquente.
presseurs), le traitement des lupus cutanés fait appel en En France, le médicament utilisé en deuxième intention
première intention aux antipaludéens de synthèse (APS), est le thalidomide à la dose initiale de 100 mg/j. Son effi-
essentiellement à l’hydroxychloroquine (HCQ) et à la chlo- cacité n’a été évaluée que dans des études ouvertes avec
roquine (CQ) aux doses de 6,5 mg/kg/j pour l’HCQ et de une rémission des lésions dans plus de 70 % des cas obte-
4 mg/kg/j pour la CQ. L’efficacité n’est pas jugée avant nue en moins de 3 mois ⁶¹. Cette rémission est transitoire
3 mois de traitement, date à laquelle une amélioration cli- avec des rechutes dans presque tous les cas à l’arrêt du
nique nette est notée dans plus de 80 % des cas ⁵¹. Leur thalidomide. Aussi est-il nécessaire de prescrire une dose
mode d’action dans les lupus cutanés est mal connu, fai- d’entretien la plus faible possible. Les règles de prescrip-
sant probablement intervenir un effet photoprotecteur, tion du thalidomide sont très strictes (médecin dûment
anti-inflammatoire et immunologique ⁵¹. Les effets secon- autorisé, distribution hospitalière exclusive, pratique systé-
daires sont dominés par l’atteinte oculaire justifiant une matique d’un test de grossesse tous les mois et contracep-
surveillance ophtalmologique régulière. Les modalités de tion efficace obligatoire chez la femme en période d’activité
cette surveillance ophtalmologique varient d’un pays à ovarienne, procréation interdite chez l’homme, lecture et
l’autre. Des recommandations nationales ont été données signature d’un document informant sur les risques téra-

 APS antipaludéens de synthèse · CQ chloroquine · HCQ hydroxychloroquine · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · UV ultraviolets
Lésions vasculaires 1-13

togènes encourus, normalité de l’électromyogramme avec


étude des vitesses de conduction nerveuse). Le thalidomide
peut induire une somnolence qui sera mieux acceptée en
cas de prise le soir, une prise de poids, une aménorrhée ou
une impuissance chez l’homme. Les risques de neuropathie
axonale sensitive et distale sont non négligeables, contre-
indiquant ce traitement chez certains sujets prédisposés
(alcooliques, diabétiques...). Une surveillance neurologique
clinique mensuelle et électromyographique biannuelle est
préconisée.
En cas de lupus cutané résistant aux APS, après échec ou
contre-indication du thalidomide, le traitement est empi-
rique.
La dapsone à la dose de 100 à 150 mg/j a permis de blanchir
la peau de certains malades atteints de lupus discoïde ou de
LESA ⁶². De faibles doses (< 100 mg/j) sont souvent suffi-
santes dans les LESA, ce qui permet de diminuer la toxicité
en particulier l’hémolyse et la méthémoglobinémie dose-
dépendantes. La prescription concomitante de foldine en
améliore la tolérance.
Les rétinoïdes en particulier l’acitrétine ou l’isotrétinoïne
à la dose de 0,5 à 1 mg/kg/j sont une alternative théra-
peutique pour les lupus cutanés résistants ⁶³. Leur effica-

Coll. D. Bessis
cité n’est pas limitée au lupus verruqueux. La longue durée
(2 ans) de la contraception imposée par la prise d’acitrétine
conduit à choisir plutôt chez une jeune femme l’isotréti- Fig. 1.21 Livédo de type racemosa (mailles non fermées)
noïne. Les effets secondaires des rétinoïdes en limitent
l’utilisation. diolipine par une technique enzyme-linked immunosorbent
La salazopyrine, à la dose de 1,5 g ou 2 g/j, a donné des assay (ELISA) standardisée. La détection d’anticorps anti-
résultats très satisfaisants dans près de la moité des cas de phospholipides par une technique ELISA utilisant comme
séries ouvertes de malades atteints de lupus discoïde ⁶⁴,⁶⁵. cible antigénique un mélange de phospholipides a une va-
Les effets secondaires sont cependant nombreux, parfois leur comparable à celle des anticorps anticardiolipine. Au
graves, à type de syndrome d’hypersensibilité ou d’exacer- cours d’un LEAD, la fréquence élevée d’anticorps anticar-
bation du lupus. L’efficacité thérapeutique serait associée diolipine, souvent non pathogènes, conduit également à
au phénotype d’acétylation rapide qui devrait être systéma- rechercher systématiquement les anticorps anti-bêta 2, gly-
tiquement recherché avant de débuter le traitement ⁶⁵. coprotéine 1, leur présence étant en faveur de la pathogéni-
Les immunosuppressseurs ont été prescrits dans des cas cité de ces derniers.
anecdotiques avec des effets variables, notamment l’aza-
thioprine, le méthotrexate ou le mycophénolate mofetil. Acrosyndromes
Les immunoglobulines intraveineuses ont eu un effet spec- Un phénomène de Raynaud est présent chez 10 à 45 %
taculaire dans des observations isolées. Leur prix en limite des malades atteints de LEAD et peut précéder de longue
l’utilisation. date l’apparition des autres symptômes. Il ne justifie que
Des études controlées appréciant les effets bénéfiques et rarement d’un traitement spécifique. L’apparition d’une
délétères de ces produits sont indispensables pour guider le nécrose digitale doit faire suspecter une thrombose ou une
choix thérapeutique des lupus cutanés résistants aux APS. vascularite associée.
D’exceptionnels cas d’érythermalgies ont été rapportés au
Lésions vasculaires cours de LEAD, avec une bonne efficacité du clonazepam ⁶⁷.

Les lésions vasculaires sont principalement observées dans Livédo


les LEAD. En dehors des acrosyndromes et des œdèmes an- Autrefois considéré comme une manifestation de vascula-
gioneurotiques, elles sont secondaires à une atteinte inflam- rite lupique, le livédo est en fait statistiquement associé au
matoire (vascularite) ou thrombotique des vaisseaux cuta- cours du lupus à la présence d’anticorps antiphospholipides,
nés. Un diagnostic précis est indispensable, étant donné aux accidents artériels neurologiques ou d’autres localisa-
les conséquences thérapeutiques totalement opposées. La tions, à l’épilepsie, à l’hypertension artérielle et aux ano-
mise en évidence d’une thrombose impose la recherche malies valvulaires cardiaques. Il est rare en présence d’un
d’anticorps antiphospholipides ⁶. Ceux le plus couramment syndrome des antiphospholipides veineux ⁶⁸. Ce livédo est
recherchés sont l’anticoagulant circulant de type lupique habituellement diffus, non infiltré, à mailles fines et non
par des techniques d’hémostase et les anticorps anticar- fermées formant des cercles incomplets (livédo racemosa

 APS antipaludéens de synthèse · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LESA lupus érythémateux subaigu
1-14 Lupus érythémateux

important systémique telle qu’une thrombose profonde


ou une poussée lupique ⁷²,⁷³. Leur mécanisme reste encore
hypothétique : embolie, vascularite ou thrombose ?

Nécroses cutanées extensives


Leur début est volontiers brutal avec un purpura nécro-
tique laissant rapidement place à une plaque escarrotique
noirâtre bordée d’un liseré purpurique témoignant de leur
évolutivité. Elles sont localisées sur les membres, le visage
(joues, nez, oreilles) ou les fesses. La biopsie de la bordure
purpurique objective aisément des thromboses multiples.
Le traitement fait appel à l’anticoagulation, aux vasodila-
tateurs dérivés de la prostacycline et, éventuellement, aux
échanges plasmatiques ⁷⁴.

Autres lésions vasculaires


D’autres lésions vasculaires peuvent survenir au cours d’un
LEAD. Certaines sont de mécanisme incertain car elles ne
peuvent pas être biopsiées. Il en est ainsi de l’érythème
palmaire et des télangiectasies périunguéales ressemblant
Coll. D. Bessis à celles observées au cours des dermatomyosites souvent
accompagnées de mégacapillaires à la capillaroscopie, ob-
servés chez 10 à 15 % des malades avec LEAD ⁷⁵.
Fig. 1.22 Hémorragies filiformes (en flammèches) sous-unguéales Les lésions purpuriques infiltrées plus ou moins nécro-
tiques peuvent correspondre à une vascularite ou à des
ou livédo ramifié), localisé sur les membres et surtout le thromboses. Quant aux lésions atrophiques ivoirines dites
tronc (fig. 1.21). Les biopsies cutanées sur les mailles ou entre d’atrophie blanche ou de pseudo-maladie de Degos, elles
les mailles sont le plus souvent normales ; ailleurs elles semblent plus souvent d’origine thrombotique que vasculi-
mettent en évidence une artériolopathie oblitérante non tique, observées essentiellement en présence d’anticorps
spécifique, exceptionnellement une thrombose ⁶⁹. antiphospholipides ⁶.

Ulcères de jambes
Des ulcères de jambes sont observés chez 3 % environ des Manifestations non lupiques et non
malades ayant un LEAD ⁷⁰. Ils imposent de pratiquer un vasculaires
doppler artériel et veineux des membres inférieurs, ainsi
qu’une biopsie des bords pour en comprendre le mécanisme, Les manifestations non lupiques non vasculaires forment
vascularite ou plus souvent thrombose profonde ou super- un groupe hétéroclite de manifestations dermatologiques
ficielle. Leur fréquence est en effet incontestablement plus préférentiellement observées au cours des lupus. Certaines
élevée en présence d’anticorps antiphospholipides allant sont fréquentes telle l’alopécie alors que d’autres sont rares
de 5 à 39 % ⁷⁰,⁷¹. comme le lupus bulleux, la mucinose ou la pustulose ami-
crobienne.
Urticaire et œdème de Quincke
Des lésions d’urticaire ont été notées dans 4 à 13 % des Lucite idiopathique
grandes séries de LEAD, correspondant histologiquement Les lucites idiopathiques telles que la lucite estivale bénigne
à une vasculite leucocytoclasique des vaisseaux superfi- ou la lucite polymorphe sont très fréquentes dans la popu-
ciels dermiques. Ces lésions urticariennes sont souvent lation générale, atteignant près de 20 % de la population
associées à un complément abaissé et à des anticorps anti- scandinave ⁷⁶. La plupart des études épidémiologiques ont
C1q, par ailleurs très fréquemment observés au cours du démontré que la présence d’une telle lucite n’augmentait
LEAD. Elles peuvent s’accompagner de lésions d’œdème pas le risque de développer ultérieurement un lupus. Ce-
de Quincke, à différencier alors de l’œdème angioneuro- pendant, deux études de la même équipe finlandaise ont
tique, en rapport avec un déficit congénital de l’inhibiteur mis en évidence une histoire de lucite idiopathique ou des
de la C1 estérase dont la prévalence est augmentée dans le phototests compatibles avec ce type de réaction chez la moi-
LEAD. tié des malades avec diverses formes de lupus cutané ⁷⁶,⁷⁷.
La lucite idiopathique précédait, dans la moitié des cas, les
Hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales lésions lupiques. Inversement, la prévalence des lupus chez
La survenue brutale d’hémorragies en flammèches mul- les malades avec lucite idiopathique paraît faible, estimée à
tiples sous-unguéales sur plusieurs doigts au cours d’un 2 % ⁷⁷. Dans notre expérience, les lucites idiopathiques ne
LEAD (fig. 1.22) témoigne le plus souvent d’un événement semblent pas plus fréquentes chez les lupiques que dans la

 LEAD lupus érythémateux aigu disséminé


Manifestations non lupiques et non vasculaires 1-15

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 1.23 Lupus bulleux : vésicules et bulles groupées en bouquet du
dos de la main Fig. 1.24 Mucinose papuleuse au cours du lupus systémique : lésions
papuleuses couleur peau normale du bras
population générale. En revanche, il est parfois difficile de
différencier une lucite polymorphe de lésions lupiques. dermique superficiel en microscopie électronique. Biologi-
quement existent des anticorps anticollagène de type VII
Alopécie (protéine majeure de 290 kDa et mineure de 145 kDa en
Dans le LEAD, il ne s’agit pas d’une alopécie cicatricielle se- Western-blot). Les lésions bulleuses disparaissent habituel-
condaire à des lésions lupiques mais d’une chute diffuse des lement avec la dapsone. Le lupus bulleux est à différencier
cheveux (effluvium télogène) contemporaine des poussées des bulles par nécrose épidermique au cours du LEAD ou
ou survenant 3 mois après, pouvant donner un cuir chevelu du LESA et des rares associations de LEAD avec d’autres
clairsemé, disparaissant progressivement après traitement. maladies bulleuses auto-immunes : pemphigoïde bulleuse,
Ailleurs, les cheveux sont fins et fragiles, facilement cas- pemphigus, dermatite herpétiforme, dermatose bulleuse à
sés. Il peut exister alors une bande de cheveux d’un demi- IgA linéaire...
centimètre de longueur (cheveux lupiques) en bordure du
cuir chevelu (front, tempes). Mucinose papuleuse
Alors que des dépôts de glycosaminoglycanes sont fréquem-
Lupus bulleux ment mis en évidence par l’histologie au sein des lésions
Le lupus bulleux se manifeste cliniquement par des bulles cutanées lupiques comme dans les dermatomyosites, la
ou des vésiculo-bulles, parfois regroupées en bouquets, ap- présence isolée de tels dépôts dans le derme sans lésion
paraissant en peau saine sur les zones exposées (fig. 1.23) lupique est plus rare. Elle se manifeste par des lésions papu-
et non exposées, disparaissant sans cicatrice, ni grain leuses, plus rarement nodulaires, localisées préférentielle-
de milium ⁷⁸. Histologiquement, il s’agit de bulles sous- ment sur le cou, la racine des membres supérieurs (fig. 1.24)
épidermiques avec un infiltrat de polynucléaires neutro- et le tronc. Cette mucinose papuleuse serait présente dans
philes et éosinophiles et souvent une vascularite leucocy- certaines séries chez 1,5 % des malades lupiques ⁷⁹. Elle
toclasique dermique. L’immunofluorescence directe est gé- est observée plus fréquemment dans le LEAD (65 %) que
néralement positive avec des dépôts d’IgG ou IgM et d’IgA dans les lupus cutanés chroniques sans manifestation sys-
à la jonction dermo-épidermique. Le clivage de la bulle est témique (35 %) ⁸⁰. Les dépôts de glycosaminoglycanes sont

 LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LESA lupus érythémateux subaigu


1-16 Lupus érythémateux

Coll. D. Bessis

Fig. 1.25 Anétodermie du bras au cours d’un lupus érythémateux

Coll. D. Bessis
systémique : lésions maculeuses et papuleuses couleur peau normale,
« frippée » en surface

localisés dans le derme superficiel et moyen, entourés d’un Fig. 1.26 Pustulose amicrobienne du pli inguinal : multiples pustulettes
discret infiltrat lymphocytaire. Les antimalariques ne se- parsemées sur une large macule érythémateuse et brunâtre mal limitée
raient efficaces que dans 20 % des cas. L’abstention théra-
peutique ou l’emploi de corticostéroïdes peuvent être dis- Calcifications
cutés ²⁹. Les calcifications cutanées sont beaucoup plus rares dans le
lupus que dans la sclérodermie. Leur présence doit faire re-
Anétodermie chercher une connectivite mixte et la présence d’anticorps
Les lésions d’anétodermie sont définies histologiquement anti-U1RNP. Elles peuvent être observées en regard des
par la disparition localisée du tissu élastique, non centrée lésions lupiques ou à distance.
par un follicule pileux, sur toute la hauteur du derme et cli-
niquement par l’existence d’un phénomène de herniation à Pustulose amicrobienne des plis
la palpation (fig. 1.25). Le nombre et la taille des lésions sont Une pustulose amicrobienne des grands et petits plis
excessivement variables. Elles sont surtout localisées sur (fig. 1.26) associée à des pustules isolées du cuir chevelu a
le cou et la moitié supérieure du tronc et des bras. Au cours été décrite au cours du lupus et d’autres maladies auto-
du lupus, elles sont généralement nombreuses, associées à immunes. L’aspect histologique est celui d’une pustule
la présence d’anticorps antiphopholipides ⁸¹. L’histologie spongiforme. Les surinfections sont fréquentes avec un
ne met pas en évidence de thrombose. Étant donné la pos- aspect suintant, notamment de la région génitale. Un
sibilité de retrouver d’autres facteurs prothrombotiques, déficit en zinc a été rapporté dans quelques cas. Les lé-
l’hypothèse du rôle de l’hypoxie-réoxygénation a été évo- sions sont sensibles à la corticothérapie générale ou lo-
quée car elle augmente l’activité des métalloprotéinases. cale ⁸².

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Francès C. Lupus érythémateux. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques
des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 1.1-1.18.
2
Affections rhumatismales inflammatoires
Didier Bessis, Jean-Jacques Guilhou

Psoriasis 2-1 Pustulose palmoplantaire arthropathique, rhumatisme


Rhumatisme psoriasique 2-1 acnéique et syndrome SAPHO 2-18
Psoriasis cutané 2-3 Pustulose palmoplantaire arthropathique 2-18
Pathogénie 2-8 Acné conglobata 2-19
Traitement 2-10 Syndrome SAPHO 2-19
Polyarthrite rhumatoïde 2-13 Arthrites réactionnelles 2-19
Nodules et nodulose rhumatoïdes 2-13 Maladie de Still de l’adulte 2-20
Vasculite rhumatoïde 2-14 Rhumatisme fibroblastique 2-21
Dermatose neutrophilique rhumatoïde 2-16 Réticulo-histiocytose multicentrique 2-22
Dermatite granulomateuse interstitielle avec arthrite 2-16 Goutte 2-22
Autres signes cutanés 2-17 Références 2-22

consensuels, la définition du RP proposée par Moll et


L es manifestations dermatologiques des affections rhu-
matismales inflammatoires sont dominées par le pso-
riasis cutané et les signes cutanés de la polyarthrite rhu-
Wright conserve l’avantage de la simplicité et reste la
plus utilisée : arthrite inflammatoire (arthrite périphérique,
matoïde. Ces derniers sont marqués par l’individualisation sacro-iliite ou spondylites) associée à un psoriasis cutané
récente d’entités clinicohistologiques comme la dermatite en l’absence habituelle de séropositivité pour le facteur rhu-
interstitielle granulomateuse avec arthrite et les papules matoïde ¹-³. Elle permet de distinguer cinq sous-types de
rhumatoïdes. RP : les atteintes périphériques des articulations IPD (5 %),
les mono- ou oligo-arthrites asymétriques (70 %), les poly-
Psoriasis arthrites séronégatives (15 %), les spondylites (5 %) et les
arthrites mutilantes (5 %).
Rhumatisme psoriasique (RP) De façon plus simplifiée, il est classique d’opposer le RP
Il affecte entre 6 et 38 % des patients atteints de psoria- périphérique au RP axial, proche de la spondylarthrite an-
sis cutané. Il touche le plus souvent l’adulte au cours de kylosante.
la quatrième décennie, sans prédominance de sexe. Les RP périphérique ⁴
cas infantiles sont rares et surviennent surtout entre 8 et — Arthralgies : les douleurs articulaires sont fréquentes
12 ans. Le psoriasis cutané précède l’atteinte articulaire et peuvent rester isolées (forme arthralgique pure). La spé-
dans 75 % des cas, en moyenne d’une dizaine d’années. Il cificité de ces arthralgies est souvent difficile à affirmer,
l’accompagne dans 10 à 15 % des cas, ou survient après l’at- surtout chez le sujet âgé candidat à l’arthrose. Par ailleurs,
teinte rhumatismale également dans 10 à 15 % des cas avec la mobilisation articulaire est souvent douloureuse si le re-
une grande fréquence de formes familiales ¹. Le RP est plus vêtement cutané sus-jacent atteint est fortement congestif.
fréquemment associé aux formes cutanées pustuleuse gé- Il ne faut donc pas attribuer à l’arthropathie psoriasique
néralisée et érythrodermique de psoriasis. Il semble admis toute arthralgie apparaissant chez ces malades.
qu’il existe un parallélisme entre l’étendue des lésions cu- — Mono- ou oligo-arthrites : ce sont les formes les plus
tanées de psoriasis et le risque de développer une atteinte fréquentes (70 %). Elles peuvent atteindre n’importe quelle
rhumatismale. Le psoriasis unguéal est plus fréquent au articulation avec, par ordre décroissant : doigts et orteils,
cours du RP : 90 % versus 40 à 45 % au cours du psoriasis poignets, genoux, chevilles, coudes et épaules. La présence
cutané sans atteinte articulaire. Il peut coexister de façon d’une dactylite d’un doigt (aspect dit en « saucisse ») as-
évocatrice avec une arthrite d’une articulation interphalan- sociant une atteinte des articulations métacarpophalan-
gienne distale (IPD) (fig. 2.1). giennes (MCP), interphalangiennes proximales (IPP) et
En l’absence de critères diagnostiques internationaux IPD avec une ténosynovite des fléchisseurs, ou d’un orteil

 IPD interphalangienne distale · IPP interphalangienne proximale · MCP métacarpophalangien · RP rhumatisme psoriasique
2-2 Affections rhumatismales inflammatoires

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
A
Fig. 2.1 Psoriasis cutané et unguéal des doigts associé à une atteinte
rhumatismale inflammatoire des articulations interphalangiennes distales

est très évocatrice et fréquente (30 %) au cours du RP. Ces


mono- et oligoarthrites peuvent guérir, récidiver ou passer
à la chronicité. Dans certains cas, elles évoluent vers une
polyarthrite psoriasique.
— Polyarthrite psoriasique : le début est généralement
aigu ou subaigu, plus rarement progressif et insidieux. À ce
stade, il s’agit d’une oligoarthrite. L’évolution vers la phase

Coll. D. Bessis
d’état se fait souvent au cours de poussées successives de
plus en plus étendues et durables (fig. 2.2). L’aspect clinique
est voisin de celui de la polyarthrite rhumatoïde (PoR), mais B
s’en distingue classiquement par les éléments suivants : at- Fig. 2.3 Onycho-pachydermo-périostite psoriasique. A. Striation de la
teinte asymétrique ; déformation des doigts et des orteils tablette unguéale du gros orteil et épaississement infammatoire du tissu
non systématisée ; atteinte des IPD ; association fréquente mou péri-unguéal. B. Périostite de la dernière phalange sans atteinte de
à une sacro-iliite (30 % des cas) ; absence de nodules rhu- l’interligne articulaire
matoïdes ; signes généraux moins sévères ; fréquence de
la calcanéite. Sur le plan biologique, il existe un syndrome ostée) ; évolution possible vers de sévères lésions d’ostéo-
inflammatoire et la recherche du facteur rhumatoïde est le lyse progressant de la périphérie vers le centre avec muti-
plus souvent négative. La polyarthrite psoriasique est asso- lation (aspect radiologique en « pointe de crayon » ou en
ciée aux mêmes antigènes d’histocompatibilité (HLA) que « sucre d’orge sucé ») et ankylose interphalangienne. L’évo-
le psoriasis non arthropathique (HLA-Cw6, -B13, -B17) lution est généralement faite de poussées irrégulières en-
ainsi qu’à HLA-B38, alors qu’il n’existe pas d’association trecoupées de rémissions. Si certaines formes aboutissent
avec l’antigène HLA-B27. Les signes radiologiques peuvent à l’ankylose complète, le pronostic global est cependant
être proches de ceux de la PoR, mais s’en différencient par meilleur que celui de la PoR.
quelques nuances : arthrite érosive des IPD, destruction — Enthésopathies : elles correspondent à une atteinte des
souvent anarchique fréquemment associée à un important enthèses, zones d’ancrage dans l’os des tendons, des liga-
processus reconstructeur (ostéophytes, prolifération péri- ments et des capsules articulaires. Elles sont responsables
de douleurs périarticulaires (tendon d’Achille, épicondyle,
fascia plantaire, etc.) souvent bilatérales et d’horaire mé-
canique. À la radiographie, l’image initiale est une érosion
postérieure discrète (insertion du tendon d’Achille ou de
l’aponévrose plantaire), laissant place à une réaction péri-
ostée parfois proliférante (aspect de fausse épine) et à des
calcifications. Ces enthésopathies calcifiantes sont favori-
sées par le traitement par les rétinoïdes. La scintigraphie os-
seuse et l’imagerie par résonance magnétique permettent
leur détection au stade précoce. L’atteinte des doigts réalise
l’onycho-pachydermo-périostite psoriasique, pathognomo-
Coll. D. Bessis

nique du RP. Elle se localise le plus souvent au gros orteil


et associe (1) une ostéopériostite de la dernière phalange
sans atteinte articulaire initiale, (2) une atteinte unguéale
Fig. 2.2 Déformation des doigts au cours d’une polyarthrite psoriasique psoriasique striée (aspect de trachyonychie) et (3) un épais-

 IPD interphalangienne distale · PoR polyarthrite rhumatoïde · RP rhumatisme psoriasique


Psoriasis 2-3

l’existence de syndesmophytes volumineux, étagés de façon


aléatoire avec ossification paraspinale en « agrafe », la faible
évolutivité sont des arguments en faveur de l’origine pso-
riasique. Le problème de l’autonomie de la spondylarthrite
psoriasique par rapport à la SPA est cependant discuté. L’an-
tigène B27 est moins fréquent au cours du rhumatisme
psoriasique axial (40-50 %) qu’au cours de la SPA (90 %).

Psoriasis cutané
Le psoriasis est l’une des affections cutanées les plus fré-
quentes. Il atteint 1,6 à 2,3 % de l’ensemble de la population,
soit plus d’un million de Français. La lésion psoriasique
est caractérisée par une prolifération des cellules épider-

Coll. D. Bessis
miques (kératinocytes) associée à des anomalies de leur
différentiation (kératines anormales) et à des phénomènes
Fig. 2.4 Lésions élémentaires du psoriasis : macules érythémateuses inflammatoires du derme et de l’épiderme avec un infiltrat
et squameuses, arrondies et polycycliques à limites nettes, tranchées, par de lymphocytes T et de polynucléaires.
rapport à la peau saine Psoriasis vulgaire La lésion élémentaire, très caractéris-
tique, permet le plus souvent de porter le diagnostic : il
sissement inflammatoire et douloureux des parties molles s’agit d’une macule érythémateuse et squameuse, arrondie,
distales (fig. 2.3). ovalaire ou polycyclique (fig. 2.4). La couche squameuse su-
RP axial ⁴ Il s’associe dans la moitié des cas à une atteinte perficielle, blanchâtre, peut être très épaisse et réaliser une
rhumatismale périphérique. La symptomatologie clinique véritable carapace (fig. 2.5). La tache érythémateuse sous-
et radiologique est proche de la spondylarthrite ankylo- jacente est cependant le plus souvent visible par transpa-
sante (SPA) et comporte une atteinte vertébrale et, de fa- rence et en périphérie. La lésion peut prendre un caractère
çon inconstante, une sacro-iliite généralement unilatérale nettement papuleux, surtout dans les psoriasis évolutifs.
et asymétrique. La présence de lésions articulaires périphé- Les éléments sont le plus souvent multiples, parfois dif-
riques associées, la fréquence de l’atteinte cervicale initiale, fus. Les taches sont de dimension variable, donnant des
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 2.5 Psoriasis vulgaire ostréacé : épaisse couche squameuse et


kératosique Fig. 2.6 Psoriasis en plaques du dos

 RP rhumatisme psoriasique · SPA spondylarthrite ankylosante


2-4 Affections rhumatismales inflammatoires

Coll. D. Bessis
Fig. 2.9 Psoriasis du scalp : large plaque érythémateuse et squameuse
traversée par les cheveux

éléments psoriasiques caractéristiques. Il est en revanche


délicat lorsque l’atteinte des plis constitue à elle seule la to-
talité de la maladie. Le diagnostic doit être évoqué devant
tout intertrigo chronique ;
Coll. D. Bessis

— psoriasis du cuir chevelu : il peut réaliser des places cir-


conscrites d’une taille variable, arrondies, bien limitées,
couvertes de larges squames traversées par les cheveux
Fig. 2.7 Atteinte de la conque et du conduit auditif externe, classique au (fig. 2.9). Dans la région antérieure, les lésions sont souvent
cours du psoriasis plus humides, prurigineuses, bordées à la lisière du cuir che-
velu par une bande érythémateuse couverte de squames
psoriasis en points, en gouttes, nummulaires (quelques grasses (psoriasis séborrhéique). La localisation occipitale
centimètres de diamètre) ou en plaques pouvant occuper est également très fréquente. Dans certains cas, le psoria-
de larges surfaces (fig. 2.6). La topographie a un grand in- sis réalise une véritable carapace recouvrant la totalité du
térêt pour le diagnostic avec une atteinte symétrique des cuir chevelu ;
surfaces exposées aux contacts extérieurs : coude et bord — psoriasis du visage : rare, il prend souvent l’aspect d’une
cubital de l’avant-bras, genou et région prétibiale, région dermatite séborrhéique avec atteinte des plis nasogéniens.
lombosacrée et cuir chevelu. Les localisations à la conque et au conduit auditif externe
De nombreuses formes topographiques sont décrites : sont classiques ;
— psoriasis des plis (ou inversé) : les lésions peuvent sié- — psoriasis palmoplantaire : les lésions sont le plus sou-
ger dans le pli interfessier, les zones sous-mammaires, l’om-
bilic (très caractéristique) (fig. 2.7) et, plus rarement, dans
les plis inguinaux et la région génitale, les creux poplités
ou les creux axillaires (fig. 2.8), voire les espaces interdigi-
taux. Le diagnostic est aisé lorsqu’il existe à distance des
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 2.10 Psoriasis de l’ongle : dépressions ponctuées cupuliformes


Fig. 2.8 Intertrigo psoriasique (psoriasis inversé) du pli abdominal (pitting) de la tablette unguéale
Psoriasis 2-5

— psoriasis des muqueuses : c’est une localisation rare.


Sur le gland, il s’agit de taches peu infiltrées, bien limitées,
érythémateuses mais parfois squameuses, posant le pro-
blème de diagnostic avec les autres balanites chroniques.
Sur la langue, il peut s’agir d’une langue plicaturée ou, plus
souvent, d’une langue géographique avec des anneaux leu-
cokératosiques polycycliques et migrateurs (fig. 2.12).
La maladie débute essentiellement chez l’adolescent et
l’adulte jeune. Elle est chronique et évolue par poussées
entrecoupées de rémissions pendant lesquelles les lésions
peuvent disparaître presque complètement. Le plus sou-
vent cependant persistent des éléments discrètement
squameux, parfois achromiques, dans les zones bastions
(coudes, genoux). Les rémissions sont plus fréquentes en
saison estivale en raison de l’effet bénéfique des rayons
ultraviolets. Les poussées, souvent imprévisibles, sont par-
fois déclenchées par des facteurs psychologiques ou des
médicaments. On note alors la réapparition ou l’extension
de plaques anciennes avec une bordure périphérique ac-

Coll. D. Bessis
tive, ainsi que de nouveaux éléments punctiformes ou en
gouttes. Les complications sont rares. Il peut s’agir de sur-
infections bactériennes (pustules, furoncles) ou d’eczéma-
Fig. 2.11 Onycholyse distale séparée de la partie saine de la tablette tisation qui se caractérise par la survenue d’un prurit avec
unguéale par une tache ovalaire (« tache d’huile ») suintement et croûtes. Cet eczématisation est souvent le
fait de médications locales mal tolérées.
vent bilatérales, réalisant une kératodermie. Elle peut être Psoriasis graves Le psoriasis pustuleux peut se dévelop-
en îlots ou diffuse et se complique de fissures profondes et per chez un psoriasique connu ou, de façon plus exception-
douloureuses qui gênent les mouvements de la main ou la nelle, inaugurer la maladie psoriasique. Il peut être déclen-
marche. Le diagnostic est facilité par la bonne limitation ché par des médicaments et en particulier la corticothéra-
des lésions avec une aréole érythémateuse périphérique ; pie générale. Il faut distinguer :
— psoriasis des ongles : rarement isolé, il accompagne — le psoriasis pustuleux localisé palmoplantaire (type Bar-
30 à 50 % des psoriasis cutanés. Les aspects les plus carac- ber) qui se manifeste par des pustules de couleur jaunâtre
téristiques sont : les dépressions ponctuées cupiliformes évoluant par poussées qui se succèdent de façon chronique.
(ongles en dé à coudre) (fig. 2.10) ; l’onycholyse psoriasique Le handicap fonctionnel est souvent important avec des dif-
avec son décollement distal et une zone proximale de cou- ficultés du travail manuel et de la marche. Le psoriasis pus-
leur rose cuivré ; la tache d’huile (tache ovalaire jaunâtre) tuleux acral (acrodermatite d’Hallopeau) n’est sans doute
(fig. 2.11) ; la paronychie (périonyxis) ; la perte de transpa- qu’une variante de cette forme. Il se caractérise par sa topo-
rence de l’ongle ; l’hyperkératose sous-unguéale. Le pso- graphie : début à l’extrémité d’un doigt, souvent en zone pé-
riasis peut aboutir à la destruction partielle ou totale de riunguéale, parfois à la suite d’un traumatisme (fig. 2.13). L’ex-
l’ongle ; tension est progressive et peut atteindre plusieurs doigts
successivement, mais les paumes et les plantes sont respec-
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 2.12 Anneaux leucokératosiques au cours d’une atteinte linguale Fig. 2.13 Acrodermatite pustuleuse d’Hallopeau : pustules et squames
psoriasique jaunâtres des extrémités en « doigts de gant »
2-6 Affections rhumatismales inflammatoires

tombent rapidement pour être remplacés par une hyper-


kératose du lit unguéal (fig. 2.14). L’évolution est chronique,
avec des poussées plus ou moins prolongées au cours des-
quelles le processus pustuleux peut s’étendre à distance
sur les membres supérieurs ou même se généraliser. À la
longue, une résorption osseuse peut être observée ;
— le psoriasis pustuleux généralisé (type von Zumbusch),
plus rare, débute brutalement avec une altération de l’état
général, une fièvre et des placards rouge vif de grande taille
qui se couvrent de pustules superficielles (fig. 2.15). Ces pus-
tules peuvent confluer en larges nappes localisées surtout
sur le tronc. L’évolution peut être grave, mais le pronos-
tic a été transformé par l’effet thérapeutique remarquable
des rétinoïdes. L’unicité du psoriasis pustuleux est essen-

Coll. D. Bessis
tiellement histologique avec la présence d’une pustule de
structure spongiforme, multiloculaire et stérile dans l’épi-
derme ;
Fig. 2.14 Destruction des tablettes unguéales remplacées par une — le psoriasis érythrodermique se caractérise par une
hyperkératose et une atrophie cutanée au cours d’une forme chronique atteinte psoriasique généralisée dont les lésions diffuses
d’acrodermatite d’Hallopeau et sèches sont le siège d’une desquamation abondante
(fig. 2.16). Dans d’autres cas, l’érythrodermie est œdéma-
tées. Les pustules apparaissent sur une nappe érythéma- teuse, prurigineuse avec altération de l’état général. Elle
teuse et, en se desséchant, forment des squames jaunâtres est alors liée à des facteurs surajoutés, en particulier aux
plus ou moins décollées sur leurs bords, comme des écailles. thérapeutiques locales ou générales, et s’apparente à une
Des lésions identiques peuvent être observées sur les or- toxidermie érythrodermique. Ces érythrodermies peuvent
teils. Le rhumatisme psoriasique est souvent associé, de
même que l’atteinte de la muqueuse buccale. Les ongles
sont habituellement très altérés : épaissis, jaunâtres, ils
Coll. Dr N. Raison-Peyron, Montpellier

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier

Fig. 2.15 Placards érythémateux recouverts de petites pustules et de Fig. 2.16 Érythème généralisé recouvert de larges squames au cours
larges squames au cours du psoriasis pustuleux généralisé d’une érythrodermie psoriasique
Psoriasis 2-7

plus clair paraît en voie de guérison. L’un de ces médaillons


de plus grande taille a souvent inauguré la maladie. L’érup-
tion reste presque toujours limitée au tronc et à la racine
des membres (fig. 2.18) épargnant le visage et le cuir chevelu.
L’évolution favorable (guérison en six semaines) permettra
de trancher les cas litigieux.
— Eczématides : ce terme regroupe divers états dermatolo-
giques dont certains présentent une limite floue. Les eczé-
matides pityriasiformes, fréquemment squameuses, plus
ou moins achromiantes (fig. 2.19) entrent souvent dans le
cadre de l’eczéma atopique dont on recherchera le contexte.
— Dermatite séborrhéique : de diagnostic plus délicat, elle
est localisée aux sillons nasogéniens, à la racine du nez, aux

Coll. D. Bessis
sourcils et au cuir chevelu (fig. 2.20) où elle est constituée
de nappes couvertes de squames jaunâtres et grasses dans
Fig. 2.17 Image histologique caractéristique du psoriasis : association lesquelles s’engluent les cheveux. En pratique, devant tout
d’une hyperkératose parakératosique, d’une acanthose et d’une aspect de dermatite séborrhéique du cuir chevelu ou du
papillomatose dermique avec infiltrat lymphocytaire modéré des papilles visage, il faut rechercher minutieusement la présence de
lésions psoriasiques à distance.
se compliquer de surinfections, de troubles de la thermoré- Les autres diagnostics différentiels incluent le pityriasis
gulation, d’anomalies hydroélectrolytiques et doivent en- rubra pilaire (aspect voisin du psoriasis mais avec des
traîner la prise en charge hospitalière du malade. papules cornées folliculaires), les syphilides secondaires
Psoriasis provoqués Certains médicaments peuvent in- psoriasiformes, le lichen plan dans sa forme érythémato-
duire ou aggraver le psoriasis, en particulier les sels de li- squameuse, les lymphomes cutanés épidermotropes, le pa-
thium, les bêtabloqueurs et l’interféron α. Plus rarement, rapsoriasis en gouttes ou les toxidermies psoriasiformes.
il peut s’agir d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, d’in- Le diagnostic différentiel du psoriasis dans sa topographie
hibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, des
sartans, des tétracyclines ou des antipaludéens de synthèse.
Toutefois, l’imputabilité de ces médicaments est souvent
difficile à déterminer. Les traumatismes cutanés (griffures,
vaccinations) peuvent être le siège d’une efflorescence de
lésions psoriasiques (phénomène de Koebner).
Diagnostic Le diagnostic positif de psoriasis est essentiel-
lement clinique. Il est rare que l’on ait recours à la biopsie
qui, lorsque l’aspect clinique est équivoque, n’apporte pas
toujours des informations concluantes. En règle générale,
on observe un épiderme épaissi avec une hyperkératose et
une parakératose (persistance anormale des noyaux dans
les couches superficielles) alors que la couche granuleuse, té-
moin de la maturation normale des kératinocytes, est dimi-
nuée ou absente (fig. 2.17). Les polynucléaires se regroupent
en microabcès. Le derme, dont les papilles sont allongées
(papillomatose), est le siège d’un infiltrat inflammatoire
polymorphe qui comporte des lymphocytes TCD4 activés
qui ont peut être un rôle dans la survenue des lésions. Les
examens biologiques n’ont pas de grande utilité pour le diag-
nostic mais sont indispensables lors de la mise en route de
certaines thérapeutiques. L’étude des antigènes d’histocom-
patibilité HLA (association fréquente à HLA-B17 et surtout
CW6 et DR7) n’est guère utile au diagnostic.
Le diagnostic différentiel du psoriasis dans sa topographie
habituelle se pose surtout avec le pityriasis rosé de Gibert,
les eczématides et la dermatite séborrhéique.
— Pityriasis rosé de Gibert : le diagnostic en est souvent
aisé car, aux taches rosées et finement squameuses qui
Coll. D. Bessis

pourraient en imposer pour un psoriasis, s’associent des


médaillons de plus grande surface, arrondis ou ovalaires
à bordure érythémateuse et squameuse et dont le centre Fig. 2.18 Pityriasis rosé de Gibert
2-8 Affections rhumatismales inflammatoires

inhabituelle est plus souvent délicat :


— psoriasis des plis : il pose le problème des intertrigos
d’origine bactérienne ou mycosique. Le diagnostic de pso-
riasis peut être suspecté sur la couleur rosée ou rouge vif,
la nette limitation, l’évolution chronique et la résistance
aux traitements antiseptiques ou antifongiques habituels ;
— psoriasis des paumes et des plantes : il fait partie des
kératodermies palmoplantaires qui reconnaissent de nom-
breuses étiologies. Le diagnostic est fondé sur la présence
d’une bordure érythémateuse périphérique et surtout sur
l’existence de lésions psoriasiques à distance. Certains ec-
zémas palmoplantaires d’origine irritative ou allergique
peuvent prendre un aspect corné identique à celui du pso-
riasis ;
— érythrodermie psoriasique : lorsqu’elle survient d’em-
blée, elle doit être différenciée des érythrodermies d’origine
hématodermique ou toxidermique ;
— psoriasis pustuleux : il sera différencié des surinfec-
tions bactériennes des plaques psoriasiques ainsi que des
eczémas surinfectés. Certaines toxidermies graves (syn-

Coll. D. Bessis
drome de Lyell, pustulose exanthématique aiguë généra-
lisée) peuvent en imposer pour un psoriasis pustuleux gé-
néralisé. Fig. 2.20 Lésions érythémateuses et squameuses des sillons
nasogéniens et des sourcils au cours de la dermatite séborrhéique
Pathogénie ⁵-⁷
Bien que la pathogénie du psoriasis ait suscité d’innom- bien d’autres affections à composante immunitaire, le pso-
brables travaux de recherche, les mécanismes conduisant à riasis est considéré comme une maladie d’origine génétique
la maladie ne sont pas encore exactement connus. Comme révélée par divers facteurs de l’environnement.
Facteurs classiquement reconnus
— Hérédité : le caractère héréditaire du psoriasis est
connu de longue date puisque 20 à 30 % des cas sont fami-
liaux, que la prévalence de la maladie est trois fois plus im-
portante chez les parents du premier degré et que les études
de jumeaux monozygotes montrent une concordance de
la maladie dans 60 à 70 % des cas alors qu’elle n’est que
de 15 % pour les jumeaux dizygotes ⁶. Le mode de trans-
mission de la maladie n’est pas parfaitement établi. Cer-
taines études sont en faveur d’un modèle monogénique
autosomique dominant, d’autres en faveur d’un modèle au-
tosomique récessif, ou encore d’un modèle multigénique
accepté par de nombreux auteurs. Les récentes études de
génétique moléculaire qui analysent la liaison entre la mala-
die et les marqueurs répartis sur tout le génome ont montré
la présence d’une vingtaine de loci de susceptibilité. Le plus
constamment retrouvé est le loci 6p21.3 (psors 1) qui cor-
respond à la zone HLA ⁸. D’autres loci ont été identifiés sur
le bras long du chromosome 17 (psors 2) et sur les chromo-
somes 4 (psors 3), 1 (psors 4 et psors 7), etc.
— Rôle des infections bactériennes ⁹ : environ 10 % des
psoriasis débutent à la suite d’une rhinopharyngite, mais
ce pourcentage est bien plus important chez l’enfant et
l’adolescent (30 à 50 %). Il s’agit souvent d’un psoriasis
en gouttes d’évolution aiguë. Par ailleurs, chez un psoria-
sique connu, la survenue d’une infection pharyngée peut
Coll. D. Bessis

provoquer une nouvelle poussée de la maladie. Le strepto-


coque paraît le plus souvent en cause : on le retrouve fré-
quemment sur les prélèvements bactériologiques pharyn-
Fig. 2.19 Eczématides achromiantes du dos gés et le taux des antistreptolysines est élevé chez un fort
Psoriasis 2-9

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Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier






Fig. 2.21 Chaîne pathogénique du psoriasis. Questions à résoudre : 1. La prédisposition est liée à un ou plusieurs gènes dont on connaît les localisations
chromosomiques mais dont la séquence est à ce jour inconnue. 2. Les lymphocytes sont activés par un ou plusieurs auto-antigènes dont la nature
reste à déterminer. On ne sait toujours pas par quelles cellules cet antigène est exprimé. 3. Les anomalies de la prolifération et de la différenciation des
kératinocytes psoriasiques sont dues à des interactions avec certaines sous-populations lymphocytaires qui restent également à mieux caractériser ainsi que
les médiateurs de ces interactions.

pourcentage de jeunes psoriasiques. Il est possible que le interféron (IFN)-γ et diverses chémokines produites par
streptocoque ou d’autres agents infectieux agissent en pro- certaines populations lymphocytaires présentes dans la
duisant des superantigènes capables de stimuler de larges lésion. Mais de nombreuses questions restent incomplète-
populations lymphocytaires. Par ailleurs, la protéine M du ment résolues :
streptocoque présente des homologies de séquence avec — la nature exacte de la sous-population lymphocytaire
certaines kératines épidermiques de type I. Les lympho- responsable des lésions cutanées n’est pas parfaitement dé-
cytes psoriasiques activés par le streptocoque pourraient finie. Il est possible que soient impliqués dans un premier
donc reconnaître des épitopes portés par les kératines par temps les lymphocytes TCD4 à activité helper et dans un
similitude antigénique et entraîner ainsi les troubles de la second temps les lymphocytes TCD8 à activité régulatrice
kératinisation. et cytotoxique ;
— Facteurs psychologiques et neuromédiateurs : le rôle — les mécanismes par lesquels ces lymphocytes sont res-
des chocs émotifs dans le déclenchement de la maladie pso- ponsables de la prolifération des kératinocytes restent éga-
riasique ou dans la survenue des poussées est connu de lement à préciser. Il paraît difficile d’admettre qu’il s’agit
longue date et pourrait être retrouvé chez 70 % des psoria- simplement de l’effet prolifératif bien connu des cytokines
siques. Il peut s’agir de chocs affectifs brutaux (séparation, produites (IL-1, IL-8, IFN-γ, TNF-α) qui sont retrouvées
deuil, accident) ou d’événements d’ordre matériel ou profes- augmentées dans de nombreux états inflammatoires cuta-
sionnel. Il est souvent difficile d’établir une relation entre nés. Il est également possible que des phénomènes d’in-
ces stress fréquents dans la vie moderne et la survenue teraction plus subtils entre lymphocytes et kératinocytes
de la dermatose et ils n’interviennent certainement que puissent être impliqués ;
chez des psoriasiques en puissance qui possèdent le terrain — la cause de l’activation des lymphocytes psoriasiques
génétique nécessaire à la constitution de la maladie. Si le et donc la nature des antigènes potentiels responsables de
rôle du traumatisme psychique est admis par la plupart la maladie. L’une des questions basiques est de savoir s’il
des auteurs, les avis sont en revanche discordants quant s’agit d’antigènes spécifiques (autoantigènes) responsables
à l’existence d’un profil psychologique particulier aux pso- d’une activation clonale des lymphocytes ou de superanti-
riasiques. Les troubles psychologiques que l’on peut ren- gènes, souvent exogènes, et responsables d’une activation
contrer chez les psoriasiques paraissent essentiellement plus large de lymphocytes portant les mêmes chaînes va-
dus au retentissement de la maladie qui perturbe leur vie riables Vβ. Actuellement, c’est la première hypothèse qui
sociale et relationnelle. est privilégiée puisque l’analyse des réarrangements du ré-
Conception pathogénique actuelle L’hypothèse patho- cepteur T (TCR) montre la persistance du même réarran-
génique qui prévaut actuellement est celle proposée dès gement clonal chez les malades sur plusieurs années. La
1978 par J.-J. Guilhou ⁵ qui définit le psoriasis comme une nature de l’antigène reste inconnue, mais trois éventualités
maladie inflammatoire chronique ou auto-immune, médiée sont proposées :
par l’activation dans la peau de lymphocytes T spécifiques 1. certaines protéines streptococciques ⁹ présentent des si-
d’antigènes (fig. 2.21). Ainsi, on admet actuellement que les militudes antigéniques avec les peptides de la kératine
anomalies kératinocytaires sont dues à des cytokines, in- et pourraient de ce fait altérer la prolifération et la diffé-
terleukine (IL)-1, IL-8, tumor necrosis factor (TNF)-α, IL-2, renciation des kératinocytes. Une réactivité anormale

 IL interleukine · TNF tumor necrosis factor


2-10 Affections rhumatismales inflammatoires

des lymphocytes psoriasiques à ces protéines strepto- breux autres traitements de fond comme le léflunomide,
cocciques avec production d’interféron γ a été démon- les sels d’or, la D-pénicillamine, les antimalariques, la sala-
trée. Cette hypothèse permettrait l’explication des pso- zopyrine, la colchicine, l’azathioprine ont pu être utilisés
riasis en gouttes de l’enfant survenant après une infec- avec succès. Les agents biologiques anti-TNF-α (étanercept,
tion rhinopharyngée. Un terrain génétique particulier infliximab et adalimumab) ont obtenu l’AMM en France
pourrait expliquer le développement des lésions chez dans le traitement du RP, mais leur place exacte dans l’ar-
les sujets prédisposés ; senal thérapeutique par rapport à des traitements de fond
2. les antigènes des virus des papillomes humains (VPH) ¹⁰. comme le méthotrexate, le léflunomide, la salazopyrine ou
Le génome de divers VPH, en particulier VPH5, est la ciclosporine, reste à définir ¹⁴.
retrouvé avec une grande fréquence dans les lésions Traitement du psoriasis cutané ¹⁵,¹⁶ La stratégie théra-
psoriasiques et des anticorps anti-VPH5 sont présents peutique est d’abord liée au type de psoriasis et varie en
chez un tiers des patients environ. En outre, le locus fonction de l’étendue des lésions et de leur localisation ; elle
de prédisposition de l’épidermodysplasie verruciforme dépend également du malade, de son désir de blanchiment
(lié à certains VPH oncogènes) a été situé sur le chromo- rapide, de sa profession, de sa disponibilité et de sa capa-
some 17 dans une zone portant l’un des loci de suscep- cité d’observance du traitement. En outre, il est utile de
tibilité du psoriasis. On sait par ailleurs que les VPH savoir quels sont les traitements précédents qui ont été
comportent dans leur génome des séquences (E6 et efficaces. Le traitement local est pratiquement toujours
E7) qui activent le cycle cellulaire et on connaît leur indispensable alors que les traitements généraux sont ré-
pouvoir oncogène dans le cancer du col utérin ou dans servés aux psoriasis étendus.
les tumeurs malignes de l’immunodéprimé ; Le psoriasis vulgaire peu étendu se traite par l’application
3. le rôle des rétrovirus endogènes ¹¹ constitue un do- de dérivés de la vitamine D (calcipotriol, tacalcitol, calci-
maine controversé, leur responsabilité n’ayant à ce jour triol) ou d’une association calcipotriol/dipropionate de bé-
été démontrée dans aucune maladie humaine. Il faut thaméthasone. Les règles d’utilisation doivent être respec-
rappeler qu’il s’agit de séquences présentes à de mul- tées : rythmicité des applications (une ou deux fois par
tiples copies dans le génome normal, le plus souvent jour), contre-indication en cas de troubles du métabolisme
silencieuses, mais, lorsqu’elles sont exprimées, sont ca- phosphocalcique, doses cumulatives hebdomadaires à ne
pables de produire des protéines à activité d’antigènes pas dépasser, etc. Les dermocorticoïdes de niveau II sont
ou de superantigènes. Les techniques de biologie molé- souvent associés en cas de prurit, d’intolérance ou d’effica-
culaire ont permis de mettre en évidence dans la lésion cité insuffisante. Ils ne sont cependant utilisés que sur de
psoriasique l’expression (ARN messager) de plusieurs petites surfaces en raison du passage systémique, du risque
séquences rétrovirales endogènes dont l’une, inconnue d’atrophie cutanée et leur décroissance devra être progres-
à ce jour, présente des homologies importantes avec sive pour ne pas favoriser un rebond. L’application quoti-
celles décrites dans la sclérose en plaques. En outre, la dienne de kératolytiques (vaseline salicylée à une concentra-
présence de protéines rétrovirales endogènes a pu être tion variant de 2 à 5 %) peut être utile initialement durant
démontrée dans les lésions ¹² et l’activité de transcrip- quelques jours. La place actuelle des réducteurs (goudron,
tion inverse est retrouvée élevée. Cette hypothèse du dioxyanthranol) ou du tazarotène reste discutée en raison
rôle des protéines rétrovirales dans la réaction immuni- de leur caractère irritant.
taire permettrait d’expliquer l’aggravation de certains En cas de psoriasis vulgaire étendu, la photothérapie est
psoriasis lors de l’infection par le virus de l’immunodé- l’un des traitements de choix. Plusieurs modalités sont
ficience humaine (VIH). possibles. L’exposition solaire associée à la balnéothérapie
ou à la crénothérapie est presque toujours bénéfique. Elle
Traitement est sans doute plus efficace au bord de la mer, le rayon-
Traitements généraux du rhumatisme psoriasique ¹³ nement comportant davantage d’ultraviolets A (UVA) qui,
Le traitement symptomatique suffit le plus souvent à contrairement aux UVB, n’entraînent pas de coup de soleil
contrôler la maladie. Il repose sur les anti-inflammatoires et permettent une exposition prolongée. La photothéra-
non stéroïdiens (AINS) et les antalgiques. Les glucocorti- pie classique par UVB (290-320 nm) a été le plus souvent
coïdes par voie générale sont évités autant que possible en remplacée par l’utilisation d’UVB à spectre étroit (311 nm).
raison du risque de rebond du psoriasis ou de survenue Cette dernière photothérapie permet de diminuer le risque
d’une érythrodermie ou d’une forme pustuleuse diffuse d’érythème et de réduire la quantité d’énergie délivrée
lors de la dégression des doses ou du sevrage. La photothé- par centimètre carré. La puvathérapie (photochimiothéra-
rapie de type PUVA et l’acitrétine ont une efficacité incons- pie) consiste à administrer deux heures avant l’irradiation
tante et d’appoint. En cas de résistance aux traitements par UVA (320-400 nm), le méthoxypsoralène (Méladinine :
symptomatiques, d’atteinte destructrice ou engageant le 0,6 mg/kg). Les modalités d’utilisation de la photothérapie
pronostic fonctionnel, le méthotrexate utilisé à de faibles sont bien codifiées : deux à trois séances par semaine, modu-
doses (jusqu’à 25 mg/semaine) reste actuellement le trai- lation des doses administrées en fonction du phototype du
tement de base du RP. En cas d’échec, la ciclosporine à sujet (dose plus faible pour un phototype clair), comptabili-
des doses comprises entre 2,5 et 5 mg/kg/j présente une sation précise du nombre cumulatif de joules administrées
efficacité similaire en terme de taux de réponses. De nom- par centimètre carré. Parmi les effets secondaires, le risque

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · RP rhumatisme psoriasique · TNF tumor necrosis factor · VPH virus des papillomes humains
Psoriasis 2-11

carcinogène est sans doute le plus préoccupant. Il implique « chez les patients adultes atteints de psoriasis en plaques,
d’éviter la photothérapie chez des malades qui ont déjà été modéré à sévère chronique qui n’ont pas répondu, sont in-
traités pour carcinomes ou mélanomes ou qui ont reçu des tolérants ou présentent une contre-indication à d’autres
traitements carcinogénétiques. Il est préférable de ne pas traitements systémiques tels que la ciclosporine, le métho-
dépasser une dose cumulative de 150 J/cm 2 pour une cure, trexate ou la puvathérapie » (libellé de l’autorisation de
30 séances pour une année, et un total de 1 500 J/cm 2, soit mise sur le marché). Leur prescription initiale est toujours
150 à 200 séances pour une vie. Au départ, l’examen minu- hospitalière, leurs effets secondaires nombreux et encore
tieux et régulier du revêtement cutané afin d’apprécier le mal connus sur le long terme (risque accru de tumeurs
phototype, le degré d’héliodermie, l’aspect des nævi et la dé- malignes non exclu). Leur efficacité est inconstante, mo-
tection de lésions précancéreuses (kératoses actiniques) est deste, a priori non supérieure à celle des traitements sys-
indispensable. Un bilan biologique initial (créatininémie, témiques classiques précédents. Il n’existe aucune étude
transaminases) et une consultation ophtalmologique ini- actuellement disponible comparant l’efficacité des biothé-
tiale puis annuelle sont souhaitables en cas de puvathérapie. rapies à celle du méthotrexate et/ou de la ciclosporine ¹⁷.
La photothérapie peut être associée à un traitement géné- L’éfaluzimab (Raptiva) est un anticorps humanisé bloquant
ral par rétinoïdes (ré-puvathérapie) ou à l’application préa- la molécule CD11a de la molécule de co-activation LFA-1
lable de dérivés de la vitamine D pendant deux semaines, impliquée dans l’activation du lymphocyte par la cellule
ce qui permet de réduire les doses totales d’UV nécessaires dendritique présentatrice d’antigène. Il est administré à rai-
au blanchiment des lésions. son d’une injection hebdomadaire par voie sous-cutanée.
L’acitrétine n’est actif que sur certains psoriasis, en parti- La posologie initiale est de 0,7 mg/kg pour la première
culier le psoriasis pustuleux. Les contre-indications sont injection puis de 1 mg/kg. Le bilan préthérapeutique re-
nombreuses et il faudra s’assurer de l’absence de grossesse commandé comporte un hémogramme, une sérologie VIH,
en cours et de l’existence d’une contraception efficace. L’éli- un dosage des transaminases hépatiques et une recherche
mination des métabolites pouvant se poursuivre pendant d’antécédents de tuberculose (radiographie thoracique, in-
deux ans, il faut éviter toute grossesse dans les deux ans tradermoréaction à la tuberculine). Après trois mois de trai-
qui suivent l’arrêt du traitement. La posologie usuelle varie tement, 27 % des patients obtiennent une amélioration
entre 0,5 et 1 mg/kg/j. Le bilan préthérapeutique comporte supérieure ou égale à 75 % du score de sévérité PASI (ré-
un test de grossesse, le dosage des transaminases hépa- ponse PASI 75). La poursuite du traitement permet une ré-
tiques, des triglycérides et du cholestérol et, dans certains ponse PASI 75 chez 44 % des patients à la vingt-quatrième
cas, un examen ophtalmologique ainsi qu’une radiographie semaine. Après arrêt du traitement, le délai médian de re-
ou une scintigraphie osseuse. La surveillance biologique est chute est de deux mois et demi. Un rebond à l’arrêt du traite-
d’abord mensuelle et ensuite plus ou moins espacée selon ment est possible. Les effets indésirables les plus fréquents
les effets secondaires constatés. Lors de traitements prolon- sont des signes généraux pseudogrippaux (céphalées, fièvre,
gés, une surveillance osseuse annuelle à la recherche d’hy- frissons, myalgies) et une hyperlymphocytose. Les princi-
perostose est utile. Les rétinoïdes peuvent être associés à la pales complications possibles sont cutanées : poussées lo-
puvathérapie (ré-puvathérapie). L’acitrétine est introduite calisées d’éruption papuleuse psoriasiforme sur des zones
15 jours avant le début de l’irradiation à des doses relative- initialement épargnées par le psoriasis, poussées inflamma-
ment faibles (autour de 20 mg/j). Cette association permet toires diffuses de psoriasis pustuleux ou érythrodermique.
de réduire la dose d’UV et de poursuivre éventuellement De rares cas de thrombopénie réversibles à l’arrêt du traite-
les rétinoïdes comme traitement d’entretien. ment sont rapportés et imposent la surveillance régulière
En cas d’échec ou de contre-indication à la photothérapie, de l’hémogramme.
un traitement systémique par méthotrexate ou ciclospo- L’étanercept (Enbrel) est une protéine de fusion qui inhibe
rine peut être proposé en deuxième intention. Le métho- la liaison du TNF-α avec ses récepteurs. Il est administré
trexate est utilisé en traitement d’attaque à des doses heb- par voie sous-cutanée à la posologie initiale de 25 mg ou
domadaires de 15 à 20 mg, puis à des doses souvent moins 50 mg, deux fois par semaine durant les douze premières
élevées en traitement d’entretien ; son efficacité est satisfai- semaines, poursuivi au-delà à 25 mg, deux fois par se-
sante dans tous les types de psoriasis. Il est contre-indiqué maine. Le bilan préthérapeutique vise à détecter les contre-
chez la femme enceinte et à éviter chez l’homme qui a l’in- indications éventuelles : infections évolutives bactériennes,
tention de procréer et nécessite un bilan préthérapeutique virales (VIH, virus des hépatites B et C) ou mycobacté-
et surtout une surveillance hématologique, hépatique et riennes (radiographie thoracique, intradermoréaction à la
pulmonaire régulière. La ciclosporine a un effet bénéfique tuberculine), des affections démyélinisantes (en particulier
très net dans le psoriasis en 4 à 6 semaines. Le problème la sclérose en plaques) et des antécédents de cancer datant
majeur concerne sa néphrotoxicité dont l’élément de sur- de moins de cinq ans, à l’exception du carcinome basocellu-
veillance est le taux de créatinine. L’augmentation de la laire. La grossesse et l’allaitement constituent également
créatininémie de plus de 30 % du taux de base doit entraî- des contre-indications. Après trois mois de traitement à la
ner la réduction des doses et, si elle persiste, l’arrêt du trai- dose de 50 mg, deux fois par semaine, 49 % des patients ob-
tement. Il est préférable de ne pas dépasser 5 mg/kg/j et tiennent une réponse PASI 75. L’amélioration se poursuit
d’effectuer des traitements brefs de moins d’un an. entre trois et six mois de traitement. Après arrêt du traite-
Les biothérapies ne sont prescrites qu’en troisième ligne, ment, le délai médian de rechute est de trois mois et l’effet

 TNF tumor necrosis factor


2-12 Affections rhumatismales inflammatoires

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Coll. D. Bessis
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Fig. 2.22 Proposition d’unification clinique et histologique des principales manifestations cutanées de la polyarthrite rhumatoïde : le dénominateur
commun initial serait une vasculite cutanée secondaire à des complexes immuns circulants avec infiltrat neutrophilique dermique responsable d’une
dégénérescence focale du collagène puis de lésions granulomateuses palissadiques. La prédominance d’une ou de plusieurs lésions histologiques (vasculite,
neutrophilie dermique, granulome palissadique) rendrait compte des différents types d’atteinte cutanée clinique

rebond est exceptionnel. Le principal effet indésirable est cliniques particulières


une réaction inflammatoire au site de l’injection. — Psoriasis en gouttes : le traitement initial est local,
L’infliximab (Remicade) est un anticorps monoclonal chi- comme au cours du psoriasis vulgaire, principalement par
mérique qui se lie spécifiquement au TNF-α et neutralise les dermocorticoïdes de niveau II. Dans la mesure où il peut
son activité biologique. Le bilan préthérapeutique et les s’agir d’un psoriasis post-infectieux, une antibiothérapie
modalités de surveillance sont similaires à ceux préconisés adaptée à visée antistreptococcique peut être proposée de
pour l’étanercept. Il est administré par voie intraveineuse, principe durant deux à quatre semaines. Elle permet très in-
à la dose de 5 mg/kg en courte perfusion de deux heures, à constamment une régression rapide des symptômes. Une
répéter deux et six semaines plus tard puis toutes les huit photothérapie de type UVBTL01 ou PUVA est justifiée en
semaines. Après dix semaines de traitement à cette dose, deuxième intention.
80 % des patients obtiennent une réponse PASI 75 et 57 % — Psoriasis pustuleux diffus (von Zumbusch) : il est re-
une réponse PASI 90. Sous traitement d’entretien, 61 % des marquablement amélioré par les rétinoïdes prescrits à des
patients conservent une réponse PASI 75 à cinquante se- doses voisines de 0,5 à 1 mg/kg/j. En cas de résistance, le
maines. Les effets indésirables les plus fréquents sont des méthotrexate est sans doute la meilleure alternative, l’effet
réactions lors de la perfusion, parfois sévères (choc anaphy- de la puvathérapie ou de la ciclosporine étant plus aléatoire.
lactique), nécessitant une observation d’une à deux heures — Psoriasis pustuleux localisé (Barber) : le traitement par
lors de l’administration du produit et justifiant parfois l’ad- dermocorticoïdes de classe I est utilisé en première inten-
ministration concomitante de corticoïdes injectables. Des tion. En cas de poussées répétées, de récidives à l’arrêt ou
complications potentiellement sévères ont été observées : lors de la dégresion des dermocorticoïdes, les rétinoïdes
infections opportunistes, atteintes démyélinisantes du sys- par voie orale constituent une excellente indication, à des
tème nerveux, aggravation d’une insuffisance cardiaque doses comprises entre 0,5 et 1 mg/kg/j. Une photothérapie
et survenue de processus auto-immuns (fréquente appari- de type PUVA limitée aux mains et aux pieds, associée ou
tion d’anticorps antinucléaires, rare lupus érythémateux non aux rétinoïdes oraux, peut également être proposée.
induits). En cas d’échec, la colchicine, les sulfones, le méthotrexate
La stratégie thérapeutique sera adaptée dans les formes ou la ciclosporine pourront être envisagés. L’arrêt du tabac

 TNF tumor necrosis factor


Polyarthrite rhumatoïde 2-13

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 2.23 Nodules rhumatoïdes de la face d’extension de l’avant-bras Fig. 2.24 Nodules rhumatoïdes en regard des surfaces articulaires du
dos de la main
est souhaitable dans la mesure où cette localisation de pso-
riasis semble favorisée par la consommation importante ments généraux sont prescrits au cours de formes sévères
de cigarettes. et/ou d’atteintes cutanées étendues associées. Ils reposent
— Érythrodermie psoriasique : son traitement est délicat, sur la puvathérapie localisée, le méthotrexate et la ciclo-
il faut d’abord rechercher les facteurs locaux ou généraux sporine, et sur l’acitrétine en cas de psoriasis pustuleux
qui ont pu précipiter cette érythrodermie et souvent en- associé.
visager le traitement en milieu hospitalier. L’utilisation
des dermocorticoïdes et des émollients est capital mais le Polyarthrite rhumatoïde (PoR)
plus souvent insuffisant. Une hydratation abondante et
un régime protidique sont indiqués. Le traitement de fond La PoR est un rhumatisme inflammatoire qui s’accompagne
repose sur les rétinoïdes, le méthotrexate et la ciclosporine. fréquemment de signes cutanés, le plus souvent non spéci-
Ces thérapeutiques doivent être utilisées à de faibles doses fiques. Schématiquement, quatre grandes manifestations
en raison du risque éventuel de troubles métaboliques et cutanées sont reconnues : les nodules rhumatoïdes, la vas-
d’hypoprotidémie associée. La photothérapie peut ensuite culite rhumatoïde cutanée, les dermatoses neutrophiliques
prendre le relais. Aucune des biothérapies actuellement et la dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite.
disponibles sur le marché pour le traitement du psoriasis De nombreux arguments histologiques et physiopatholo-
(éfaluzimab, étanercept, infliximab) n’a d’autorisation de giques plaident en faveur d’un continuum entre ces diffé-
mise sur le marché dans cette indication. Quelques obser- rentes entités, comme en témoigne leur association pos-
vations mentionnent l’intérêt de l’infliximab dans cette sible chez un même malade tant sur le plan clinique qu’his-
indication. tologique (fig. 2.22). Ainsi n’est-il pas rare d’observer micro-
— Kératodermie palmoplantaire invalidante : outre les scopiquement des lésions cutanées mixtes ou hybrides asso-
traitements locaux (kératolytiques et corticoïdes de classe I), ciant à des degrés variables granulome, vasculite et neutro-
on pourra utiliser l’acitrétine ou éventuellement une puva- philie sur un même prélèvement anatomopathologique ¹⁸.
thérapie localisée aux mains et aux pieds.
— Psoriasis des plis : les corticoïdes ou les dérivés de la Nodules et nodulose rhumatoïdes ¹⁹,²⁰
vitamine D doivent être utilisés en lotion, en gel ou éven- Les nodules rhumatoïdes (NR) constituent les manifesta-
tuellement en crème. Les dérivés de la vitamine D peuvent tions extra-articulaires les plus fréquentes et s’observent
également être utilisés mais avec un risque d’irritation. chez 10 à 30 % des patients atteints de PoR. Ils constituent
— Psoriasis du cuir chevelu : les lotions cortisonées sont un des sept critères de classification de la maladie proposé
efficaces associées à l’acide salicylique et aux shampooings par l’American College of Rheumatology en 1987 et leur sur-
kératolytiques et réducteurs. Le calcipotriol en lotion pré- venue est exceptionnelle au cours d’autres maladies systé-
sente une efficacité équivalente et peut être utilisé sans miques comme le lupus érythémateux systémique, la spon-
risque de tachyphylaxie ou de phénomène de rebond. Les dylarthrite ankylosante, la sclérodermie systémique ou la
topiques imidazolés peuvent être utiles pour les psoriasis connectivite mixte ²¹. Ils se développent spontanément ou
séborrhéiques du visage. sous l’influence de microtraumatismes, après quelques an-
— Psoriasis unguéal : son traitement est souvent peu nées d’évolution du rhumatisme. Celui-ci est généralement
efficace. Il fait appel aux corticoïdes de classe I en mas- inflammatoire, destructeur et déformant, séropositif pour
sages biquotidiens périunguéaux, poursuivis pendant plu- le facteur rhumatoïde (90 %) avec présence d’anticorps an-
sieurs mois. Les injections intralésionnelles de corticoïdes tinucléaires à des titres élevés et s’associe à des manifesta-
peuvent être proposées dans les formes limitées à quelques tions extra-articulaires. Les NR siègent avec prédilection en
doigts. L’avulsion chimique à l’urée peut être nécessaire regard des régions périarticulaires et des zones de pression :
dans les formes avec importante hyperkératose. Les traite- surface d’extension des avant-bras, éminence olécranienne

 NR nodule rhumatoïde · PoR polyarthrite rhumatoïde


2-14 Affections rhumatismales inflammatoires

rhumatoïde est inconstamment positif. Cette entité reste


cependant de diagnostic délicat car la survenue de nodules
rhumatoïdes isolés peut précéder de plusieurs années l’at-
teinte articulaire ²⁵. Le diagnostic différentiel clinique et
histologique des lésions cutanées est difficile, voire impos-
sible, avec les granulomes annulaires cutanés profonds (no-
dules rhumatoïdes bénins, nodules pseudo-rhumatoïdes)
(fig. 2.25), en particulier chez l’enfant.
Histologiquement, le nodule rhumatoïde mature se carac-
térise par des granulomes siégeant dans le derme et l’hypo-
derme, composés d’une zone centrale de nécrose fibrinoïde
entourée d’une bordure d’histiocytes disposés en palissade,

Coll. D. Bessis
parfois associés à des cellules géantes (fig. 2.26). En périphé-
rie, il existe un tissu conjonctif plus ou moins fibreux in-
filtré par des lymphocytes et des plasmocytes. Sur le plan
Fig. 2.25 Granulomes annulaires profonds physiopathologique, la formation du nodule rhumatoïde se-
rait initiée par des traumatismes endothéliaux récidivants
(fig. 2.23) et tendon d’Achille. Le dos des mains (fig. 2.24), les des vaisseaux cutanés favorisés par des traumatismes lo-
genoux, les oreilles, les épaules, le sacrum, les ischions caux et/ou des complexes auto-immuns déposés dans les
et le cuir chevelu sont plus rarement touchés ²². Les no- parois vasculaires. Ces lésions seraient à l’origine d’une ré-
dules sont arrondis ou polylobés, d’un diamètre allant de ponse immunologique médiée par les lymphocytes T de
5 mm à plusieurs centimètres. Ils sont de couleur peau nor- type Th1 ²⁷. La sécrétion lymphocytaire d’IFN-γ serait à
male, fermes, indolores et mobiles par rapport aux plans l’origine d’une activation des macrophages produisant di-
profonds. Leur fistulisation avec un risque d’infection se- verses cytokines comme l’IL-1-β, le TNF-α, le transforming
condaire ou leur calcification sont rares. Une érosion de growth factor (TGF)-β et le granulocyte macrophage colony
l’os en regard est exceptionnelle. Des nodules rhumatoïdes stimulating factor (GM-CSF), des facteurs angiogéniques
viscéraux des poumons, de la plèvre, du cœur, de l’œil, du stimulant la néovascularisation locale ainsi que des protéi-
larynx et du septum nasal ont été rapportés. L’évolution nases et des collagénases induisant la nécrose fibrinoïde.
des NR est stable, non nécessairement parallèle à celle de Les nodules rhumatoïdes ne nécessitent pas de traitement
la maladie, marquée par une lente augmentation de taille, particulier la plupart du temps. Ils ne doivent pas être drai-
ou une régression spontanée ou après le traitement de la nés, injectés ou excisés en raison du risque infectieux et
polyarthrite. de récurrence. Leur régression peut inconstamment être
La nodulose rhumatoïde accélérée (NRA) est constituée observée lors du traitement de fond de la PoR.
par une efflorescence de nodules rhumatoïdes de petite
taille et siégeant électivement sur les mains (près de 9 cas Vasculite rhumatoïde
sur 10) en particulier en regard des articulations MCP et La vasculite rhumatoïde (VR) constitue une manifestation
IPP, mais également sur les pieds et les oreilles ²³. Elle peut rare (1 %) mais potentiellement grave de la PoR. Elle s’ob-
être inconstamment observée durant les premiers mois de serve avec prédilection au cours des PoR masculines, an-
traitement de la PoR par le méthotrexate, avec une prédilec- ciennes, nodulaires et séropositives et s’accompagnant
tion chez les malades porteurs de l’allèle HLA-DRB1*401 ²⁴. d’autres manifestations extra-articulaires. Elle se déve-
Une atteinte viscérale pulmonaire, cardiaque et méningée loppe en moyenne 10 à 17 ans après la survenue de l’at-
est possible. La régression des nodules est classiquement
observée après l’arrêt du méthotrexate. La récidive des lé-
sions est habituelle en cas de réintroduction. Les traite-
ments tels que l’hydroxychloroquine, la D-pénicillamine,
la colchicine et la sulfasalazine peuvent permettre une di-
minution des lésions. La NRA a également été décrite au
cours du traitement de la PoR par etanercept et au cours
du rhumatisme psoriasique traité par méthotrexate ²⁵.
La nodulose ou nodulite rhumatoïde constitue une va-
riante bénigne de polyarthrite rhumatoïde touchant avec
préférence l’homme âgé de 30 à 50 ans. Elle comporte
quatre critères diagnostiques, définis par Couret et al. ²⁶ à
partir d’une revue de vingt-quatre observations : multiples
Coll. D. Bessis

nodules rhumatoïdes caractéristiques histologiquement,


symptômes articulaires récurrents avec atteinte clinique
et radiologique minime, évolution clinique bénigne et ab- Fig. 2.26 Histologie du nodule rhumatoïde : nécrose fibrinoïde (NF)
sence de manifestations systémiques de PoR. Le facteur entourée d’une bordure d’histiocytes (Hs) disposés en palissade

 GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor · IL interleukine · IPP interphalangienne proximale · MCP métacarpophalangien · NR nodule rhumatoïde · NRA nodulose rhumatoïde accélérée
· PoR polyarthrite rhumatoïde · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor · VR vasculite rhumatoïde
Polyarthrite rhumatoïde 2-15

Tableau 2.1 Manifestations cliniques de la vasculite rhumatoïde


(d’après P. A. Bacon ¹⁹)
Organe atteint Fréquence Atteintes cliniques
Peau 90 % Ulcérations de jambe
Infarctus digitaux
Lésions diverses (papules, nodules,
bulles, gangrène, livédo...)
Signes généraux 85 % Amaigrissement
Système nerveux 45 % Neuropathie sensitive
périphérique Neuropathie motrice
Poumon 40 % Alvéolite

Coll. D. Bessis
Pleurésie
Cœur 35 % Péricardite
Arythmie
Insuffisance aortique Fig. 2.28 Micro-infarctus digital péri-unguéal au cours de la polyarthrite
Rein 20 % Anomalie du sédiment urinaire rhumatoïde
Amylose
Insuffisance rénale chronique seaux de petit et de moyen calibre, parfois proche de la
Œil 20 % Épisclérite périartérite noueuse mais sans anévrisme. Une neuropa-
Sclérite perforante thie sensitivo-motrice sévère est parfois associée. Histo-
Intestin 10 % Abdomen aigu/infarctus logiquement, la vasculite peut être authentifiée par une
Colite biopsie des berges dans près d’un cas sur deux. Le rôle de fac-
teurs associés aggravants en particulier d’une insuffisance
teinte articulaire. Son évolution est fréquemment disso- veineuse ou artérielle, de complications fonctionnelles se-
ciée des poussées de la PoR. Les principales manifestations condaires à l’immobilité ne doit cependant pas être mé-
cliniques sont mentionnées dans le tableau 2.1 ¹⁹. connu. Le diagnostic différentiel peut également se poser
Les manifestations cutanées sont les plus fréquentes (90 % avec le pyoderma gangrenosum et les ulcérations cutanées
dans de larges séries) et souvent initiales. Elles résultent de jambe au cours du syndrome de Felty ;
d’une atteinte inflammatoire des vaisseaux cutanés, allant — les atteintes péri-unguéales caractérisées par des micro-
des capillaires et veinules post-capillaires du derme papil- infarctus digitaux des pulpes des pourtours et des lits
laire aux artérioles cutanées profondes hypodermiques. Les unguéaux (lésions de Bywaters) (fig. 2.28). De petite taille,
différents stades de l’inflammation (aigu, chronique), la brunes, purpuriques et peu douloureuses, ces lésions sont
localisation cutanée plus ou moins profonde et le carac- souvent transitoires (deux à trois jours) et méconnues. Lors-
tère souvent intriqué des atteintes histologiques sur une qu’elles surviennent isolément, elles ne constituent pas
même lésion cutanée rendent compte du polymorphisme un facteur prédictif d’une atteinte systémique de vascu-
des signes cutanés ²⁸,²⁹. Schématiquement, on distingue : lite ou d’une atteinte extra-articulaire de la PoR. Histolo-
— les ulcérations cutanées de développement rapide, creu- giquement, elles témoignent d’une endartérite fibreuse
santes et douloureuses, localisées avec prédilection sur les oblitérante, caractérisée par une infiltration hyaline sous-
régions prétibiales et en regard des maléoles (fig. 2.27). Elles endothéliale ou étendue à la média sans infiltrat inflamma-
sont liées à une vascularite nécrosante, touchant les vais- toire ;
— les autres signes cutanés comprennent le purpura pal-
pable, l’érythème maculeux et papuleux urticarien (vascu-
larite urticarienne), les papules (papules rhumatoïdes), les
nodules, le livédo réticulé, la gangrène des extrémités, les
bulles hémorragiques, la folliculite et l’atrophie blanche.
La vasculite rhumatoïde est liée d’une part à la présence
de dépôts de complexes immuns (facteur rhumatoïde, IgG,
C3) dans la paroi des vaisseaux et d’autre part à l’interven-
tion d’anticorps dirigés contre les cellules endothéliales. Il
existe souvent une cryoglobulinémie associée et une baisse
du taux de complément sérique. Le terrain génétique HLA
DR4 (notamment l’homozygotie 0401) semble jouer un
rôle prédisposant. Au cours des formes sévères de VR, le
Coll. D. Bessis

traitement repose sur les corticostéroïdes à forte dose as-


sociés au cyclophosphamide. Les autres traitements propo-
Fig. 2.27 Vasculite rhumatoïde : large ulcération cutanée creusante de sés reposent sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens,
la face externe de jambe le chlorambucil, le méthotrexate, la ciclosporine et plus

 PoR polyarthrite rhumatoïde · VR vasculite rhumatoïde


2-16 Affections rhumatismales inflammatoires

récemment l’infliximab ³⁰. Une abstention thérapeutique


est préconisée en cas de lésions isolées de VR pulpaires ou
unguéales car celles-ci ne témoignent pas d’une atteinte
vasculaire systémique.

Dermatose neutrophilique rhumatoïde


Décrite en 1978 par Ackerman, cette affection rare (moins
de trente observations rapportées dans la littérature anglo-
saxonne en 2005) s’observe presque constamment au cours
de formes sévères de PoR associées à des titres élevés de fac-
teur rhumatoïde ³¹. Les lésions cutanées sont cliniquement
variables, érythémateuses, le plus souvent constituées de
papules, plaques, nodules ou de lésions urticariennes, ra-
rement de vésicules, de bulles ou de pustules. Elles se loca-
lisent avec prédilection et de façon symétrique en regard
des articulations et des surfaces d’extension des extrémités,
sur le tronc et le cou. Histologiquement, cette affection se
caractérise par un infiltrat neutrophilique dermique super-
ficiel et profond sans vasculite. Le diagnostic différentiel
se pose cliniquement avec les dermatoses neutrophiliques
comme le syndrome de Sweet et l’erythema elevatum diu-
tinum. Typiquement la dermatose neutrophilique rhuma-
toïde épargne le visage et est asymptomatique, ne s’accom-
pagnant pas de signes systémiques (fièvre, malaises, arthral-
gies). Sur le plan histologique, un œdème du derme avec
vasodilatation, une turgescence des cellules endothéliales
et une extravasation de globules rouges sont classiques

Coll. Pr D. Leroy, Caen


au cours du syndrome de Sweet mais rares au cours de la
dermatose neutrophilique rhumatoïde. Cette dernière af-
fection ne représente peut être qu’une forme atypique et
incomplète du syndrome de Sweet. Son traitement repose
sur la dapsone. Les topiques corticoïdes, les antipaludéens Fig. 2.29 Dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite : lésions
de synthèse, la colchicine, l’étrétinate, les corticostéroïdes cutanées caractéristiques érythémateuses et palpables disposées en bandes
oraux et le cyclophosphamide ont été proposés, mais sont latérothoraciques et axillaires
inconstamment efficaces.
Diverses dermatoses neutrophiliques peuvent être ob- de facteur rhumatoïde ³⁷. Elle a également été rapportée au
servées au cours de la PoR : syndrome de Sweet, ery- cours de polyarthrites séronégatives ou de maladies systé-
thema elevatum diutinum, pustulose de Sneddon Wilkin- miques auto-immunes comme la thyroïdite auto-immune,
son, pyoderma gangrenosum, panniculite lobulaire neutro- le lupus érythémateux systémique et des maladies lympho-
philique ³². prolifératives ³⁸.
Les lésions cutanées sont asymptomatiques et siègent avec
Dermatite granulomateuse interstitielle avec arthrite prédilection et de façon symétrique sur les aisselles, les
Cette affection rare a été initialement décrite en 1965 par faces latérales du tronc et les parties hautes des cuisses,
Dykman et al. puis rapportée ponctuellement sous de nom- plus rarement sur les surfaces d’extension des extrémités,
breuses dénominations comme « bandes sous-cutanées li- les membres et les fesses. Elles se caractérisent le plus sou-
néaires de la PoR », « nodule rhumatoïde linéaire », « granu- vent par des plaques, parfois des papules et des nodules
lome annulaire linéaire ». En 1993, elle est autonomisée groupés, de couleur rouge à violine. La disposition linéaire
par Ackerman sous la dénomination de « dermatite intersti- et le caractère palpable des lésions disposées en « corde »
tielle granulomateuse avec cordes et arthrite ». Par la suite, ou en « bande » sur le tronc (fig. 2.29) et les aisselles sont
l’intégration de cette entité dans le spectre des dermatites pathognomoniques, mais inconstantes. Le caractère annu-
interstitielles granulomateuses palissadiques et neutrophi- laire des lésions (fig. 2.30) est classique bien que moins spéci-
liques (DIGPN) par Chu et al. ³⁴ puis sa description sans fique et soulève divers diagnostics différentiels d’érythème
le caractère linéaire des lésions mais en plaques ³⁵,³⁶ n’ont annulaire : granulomes annulaires multiples, morphées au
fait qu’augmenter la confusion terminologique. Le terme stade initial inflammatoire, variante granulomateuse du
de dermatite interstitielle granulomateuse avec arthrite mycosis fungoïde, cellulite de Wells, vasculite urticarienne
(DGIA) semble devoir actuellement être retenu. et érythème annulaire centrifuge. Histologiquement, la
Cette affection touche avec prédilection les femmes d’âge DGIA se caractérise par des infiltrats granulomateux (pré-
moyen, atteintes de PoR sévère associée à des taux élevés pondérance d’histiocytes dans l’infiltrat inflammatoire)

 DGIA dermatite interstitielle granulomateuse avec arthrite · DIGPN dermatites interstitielles granulomateuses palissadiques et neutrophiliques · PoR polyarthrite rhumatoïde · VR vasculite rhumatoïde
Polyarthrite rhumatoïde 2-17

Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes


Fig. 2.31 Papules érythémateuses du coude à type de papules
rhumatoïdes au cours d’une dermite interstitielle granulomateuse avec
arthrite dans le cadre d’une polyarthrite rhumatoïde

sique avec infiltrat neutrophilique du derme responsable


d’une dégénérescence focale du collagène (fig. 2.22). Secondai-
rement se développeraient des granulomes palissadiques
Coll. D. Bessis

entourés de débris leucocytoclasiques, de fibrine et de col-


lagène altéré. Les lésions tardives correspondraient à des lé-
sions granulomateuses palissadiques avec fibrose dermique
Fig. 2.30 Dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite : lésions et de rares débris leucocytaires. Cette unification clinico-
annulaires et confluentes du dos histologique est cependant discutable car la plupart des
cas rapportés de DIGPN se caractérisaient cliniquement
de l’ensemble du derme, s’étendant parfois à l’hypoderme. par des papules ou des nodules de couleur chair ou érythé-
Ces infiltrats sont d’architecture réticulée, centrés par des mateux, ombiliqués ou ulcérés, distribués symétriquement
fibres de collagène de texture et de forme altérées de type sur les coudes (fig. 2.31) et les doigts. Ainsi, nombre d’au-
basophile. Les histiocytes adoptent une disposition palissa- teurs considèrent que les manifestations cliniques caracté-
dique (noyaux disposés parallèlement selon leur grand axe) ristiques de la DGIA (disposition linéaire, en plaques ou
formant des rosettes péricollagène ou interstitielle (dispo- annulaires) et l’absence de vasculite histologique doivent
sition isolée ou groupée entre les fibres de collagène) ³⁹. La conduire à considérer cette affection comme une entité
vascularite ou les dépôts de mucine sont classiquement distincte. Son traitement repose sur les corticostéroïdes
absents. L’atteinte parfois dense et diffuse de la totalité du topiques, les AINS, la prednisone à faibles doses et la disu-
derme, la présence inconstante de neutrophiles, de plas- lone.
mocytes et d’éosinophiles à des degrés variables consti-
tuent autant de critères de différentiation avec les autres Autres signes cutanés
dermatoses granulomateuses palissadiques, en particulier De nombreux signes cutanés aspécifiques ont été rappor-
le granulome annulaire. De même, la dermatite intersti- tés au cours de la polyarthrite rhumatoïde : érythème ver-
tielle granulomateuse médicamenteuse (β-bloqueurs, inhi- millon des paumes ; œdème des IPP associé à une atrophie
biteurs calciques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion cutanée distale conférant un aspect de sclérodactylie ; cré-
de l’angiotensine, hypolipidémiants), de présentation cli- nelures longitudinales des tablettes de l’ongle ⁴² ; hippocra-
nique parfois similaire, s’en différencie non seulement par tisme digital ; érythème périunguéal télangiectasique ; lu-
la résolution des symptômes à l’arrêt du médicament incri- nule rouge ; ptérygium inversé ; cutis laxa acral localisé ;
miné mais histologiquement par la présence d’une dermite érythème noueux.
vacuolaire d’interface et d’un épidermotropisme lymphocy- Un syndrome de Raynaud est rapporté dans 3 à 17 % des
taire ⁴⁰. PoR et des anomalies capilloroscopiques sont fréquentes :
Pour certains auteurs comme Chu et al. ³⁴, la DGIA pourrait dystrophies capillaires mineures avec aspect en feuilles de
s’intégrer dans le spectre des DIGPN associées à des mala- fougère, anses filiformes et visibilité anormale des plexus
dies à complexes immuns circulants, incluant également le veineux sous-papillaires.
granulome de Churg et Strauss, le granulome cutané extra- Le syndrome de Felty associe une PoR, une leucopénie sé-
vasculaire nécrosant, les papules rhumatoïdes multiples ⁴¹ vère avec neutropénie et une splénomégalie. Des ulcères
et la nécrobiose rhumatoïde ulcérée superficielle. Ces lé- de jambe d’origine vasculitique ainsi qu’une hyperpigmen-
sions témoigneraient d’un mécanisme pathogénique com- tation diffuse ou des surfaces d’extension des membres
mun caractérisé initialement par une vasculite leucocytocla- inférieurs ont été rapportés.

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · DGIA dermatite interstitielle granulomateuse avec arthrite · DIGPN dermatites interstitielles granulomateuses palissadiques et neutrophiliques ·
IPP interphalangienne proximale · PoR polyarthrite rhumatoïde
2-18 Affections rhumatismales inflammatoires

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
A C
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
B D
Fig. 2.32 Acné conglobata compliquée d’une atteinte rhumatismale axiale ; A. caractère inflammatoire des nodules communiquants entre eux sur
le visage et B. sur le haut du dos ; C. la scintigraphie osseuse atteste d’une hyperfixation des articulations sacro-illiaques témoignant d’une sacro-iliite
bilatérale ; D. la tomodensitométrie met en évidence une ostéolyse (en « timbre poste ») prédominant au niveau des cornes inférieures (flèches)

ans. Elle touche électivement la paroi thoracique antérieure,


Pustulose palmoplantaire arthropathique, surtout sterno-costo-claviculaire et est responsable de dou-
rhumatisme acnéique et syndrome SAPHO leurs et de tuméfactions inflammatoires. L’atteinte radiolo-
gique associe à des degrés variables des signes d’arthrite et
Pustulose palmoplantaire (PPP) arthropathique d’hyperstose sterno-claviculaire ⁴⁵. Des atteintes de l’articu-
Cette entité (syndrome de Sonozaki) définit l’association lation manubrio-sternale, périphériques (mono-, oligo- ou
d’une PPP et de manifestations ostéoarticulaires à type d’en- polyarthrite), sacro-illiaques et axiales (spondylite, spondy-
thésiopathies hyperostosantes et/ou de foyers d’ostéite sté- lodiscite aseptique, syndesmophytes, ossifications paraver-
rile ⁴³,⁴⁴. Cette atteinte rhumatismale est rapportée dans tébrales) peuvent également être observées. L’évolution se
environ 10 % des cas de PPP, avec une nette prédilection au fait par poussées, mais il n’existe un parallélisme entre les
Japon et, à un moindre degré, en Scandinavie. Elle touche le signes cutanés et articulaires que dans un quart des cas. Le
plus souvent la femme (70 %) entre 40 et 50 ans. Les lésions caractère distinct de cette entité par rapport au RP associé
cutanées pustuleuses stériles sont isolées ou groupées, cen- à un psoriasis pustuleux localisé (type Barber) repose sur
trées sur la partie moyenne et postérieure des paumes et l’absence d’autre atteinte articulaire évocatrice du RP (en
des plantes. L’atteinte rhumatologique peut précéder ou particulier des IPD), le caractère histologique uniloculaire
suivre l’atteinte cutanée avec un intervalle moyen de deux de la pustule et l’absence habituelle d’association avec les

 IPD interphalangienne distale · PPP pustulose palmoplantaire · RP rhumatisme psoriasique


Arthrites réactionnelles 2-19

antigènes HLA associés au RP. Le traitement des manifes-


tations articulaires repose sur la colchicine et les AINS. Le
traitement des lésions cutanées repose sur la photothéra-
pie associée à l’acitrétine.

Acné conglobata
Il s’agit d’une forme rare d’acné qui touche surtout les
adultes jeunes de sexe masculin. Elle se caractérise par
une atteinte sévère du visage et du tronc, constituée de
macrokystes, de nodules profonds et d’abcès. Ces lésions
communiquent par des galeries et aboutissent à la consti-

Coll. D. Bessis
tution de fistules et de cicatrices rétractiles. Les manifesta-
tions rhumatologiques incluent des atteintes parfois com-
binées d’arthrites périphériques non spécifiques (oligo- ou
polyarthrite), d’ostéoarthrite de la paroi thoracique anté- Fig. 2.33 Balanite circinée psoriasiforme au cours d’une arthrite
rieure (sterno-costo-claviculaire, manubriosternale) et d’at- réactionnelle à Chlamydia trachomatis
teintes axiales (sacro-iléite uni- ou bilatérale, syndesmo-
phytes, hyperostose) (fig. 2.32). Ces atteintes articulaires kératodermie blennoragique de Vidal et Jacquet ⁵⁰ :
ont également rapportées avec l’hidrosadénite suppurée et — la balanite circinée psoriasiforme (un tiers des cas) est
la cellulite disséquante du scalp qui constituent les deux pathognomonique et peut affecter la verge et le scrotum.
autres composantes de la triade acnéique ⁴⁶. Le traitement Chez les sujets non circoncis, elle est humide, érythéma-
de l’acné conglobata repose sur l’isotrétinoïne orale à une teuse, bien limitée, marquée parfois par des érosions serpi-
dose variant de 0,5 à 1 mg/kg/j, parfois associée à une corti- gineuses et indolores caractéristiques (fig. 2.33). Chez le sujet
cothérapie orale, et a été rapporté ponctuellement efficace circoncis, elle est en plaques sèches et squamo-kératosiques.
sur les manifestations articulaires. Une vulvite circinée peut également se voir. Une surinfec-

Syndrome SAPHO
L’acronyme rhumatologique SAPHO (synovite, acné, pus-
tulose, hyperostose et ostéite) a été proposé en 1987 par
Kahn et al. ⁴⁷ et regroupe les manifestations ostéoarticu-
laires associées à un ou plusieurs éléments de la triade ac-
néique (acné, hidradénite suppurée, cellulite disséquante
du scalp) et à la PPP. Son individualisation dermatologique
reste discutée car acné et PPP ne sont pratiquement jamais
observées simultanément chez un même patient ⁴⁸.

Arthrites réactionnelles (AR)


Ce sont des arthrites aseptiques qui s’intègrent dans le
cadre des spondylarthropathies séronégatives, affections
partageant des caractéristiques cliniques (articulaires, ocu-
laires et dermatologiques), biologiques (forte association
avec HLA-B27) et radiologiques (sacro-iléite) ⁴⁹. Les symp-
tômes des AR débutent une à quatre semaines après une
infection uro-génitale (urétrite, cervicite) le plus souvent
à Chlamydia trachomatis ou digestive liée à des entérobac-
téries Gram négatif (Salmonella, Yersinia, Shigella, Campylo-
bacter). L’antigène HLA-B27 est présent dans 40 à 80 % des
cas. Les signes cliniques associent une atteinte articulaire,
typiquement une oligoarthrite du membre inférieur, et une
ou plusieurs manifestations extra-articulaires : oculaires
(conjonctivite, uvéite antérieure) ; cardiaques (péricardite,
bloc auriculo-ventriculaire) ; urogénitales (urétrite, cervi-
Coll. D. Bessis

cite) ; digestives (diarrhée, syndrome dysentérique).


Les manifestations dermatologiques sont présentes dans
près de la moitié des cas et regroupent les descriptions his- Fig. 2.34 Kératodermie plantaire constituées de papules kératosiques
toriques du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter (triade et érythémateuses au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia
arthrite-conjonctivite-urétrite non gonococcique) et de la trachomatis

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · PPP pustulose palmoplantaire · RP rhumatisme psoriasique


2-20 Affections rhumatismales inflammatoires

ponctué en dés à coudre (pitting) est rarement observé.


La prise en charge repose sur le traitement symptomatique
des atteintes buccales et les corticoïdes topiques en cas
d’atteinte génitale.

Maladie de Still de l’adulte


La maladie de Still de l’adulte (MSA) est une maladie sys-
témique inflammatoire d’étiologie inconnue caractérisée
par l’association d’une fièvre élevée intermittente, de po-
lyarthralgies depuis au moins deux semaines, d’une érup-

Coll. D. Bessis
tion cutanée maculeuse et papuleuse évanescente et d’une
hyperleucocytose à neutrophiles ⁵¹. En l’absence de mar-
queur biologique spécifique, son diagnostic est clinique
Fig. 2.35 Érosion du palais au cours d’une arthrite réactionnelle à et nécessite l’exclusion de nombreux diagnostics différen-
Chlamydia trachomatis tiels dans sa forme systémique (fièvre récurrente) ou ar-
ticulaire (rhumatisme inflammatoire chronique). Parmi
tion secondaire est possible ; les critères diagnostiques les plus utilisés de Yamaguchi
— la kératodermie palmoplantaire (15 %) débute par des et al., l’éruption cutanée évanescente constitue un critère
macules ou des vésicules qui, par coalescence, évoluent vers majeur et sa fréquence est proche de 90 % au cours de la
des papules kératosiques centrées par des pustules repo- MSA. Typiquement, elle est fugace et vespérale, apparais-
sant sur une base érythémateuse (fig. 2.34). Elles peuvent sant au décours des pics fébriles et disparaissant en pé-
s’associer à des lésions psoriasiformes isolées sur le tronc, riode d’apyrexie. Elle est constituée de macules et de pa-
le scalp et les organes génitaux externes. Une atteinte gé- pules érythémateuses « saumonées » disposées en plaques
néralisée avec un renforcement acral, en particulier digital, ou en nappes, peu ou pas prurigineuses sur le tronc et les
peut être observée au cours de l’infection VIH et pose alors membres (fig. 2.37). Un phénomène de Koebner est parfois
le problème du diagnostic différentiel avec le psoriasis pus- décrit. L’extrémité céphalique, les paumes et les plantes
tuleux. L’examen histologique d’une pustule récente met sont plus rarement touchées. Ces lésions sont histologique-
en évidence une pustule spongiforme épidermique superfi- ment peu spécifiques marquées par un infiltrat inflamma-
cielle (aspect de psoriasis pustuleux) ; toire périvasculaire composé de lymphocytes, d’histiocytes
— les lésions orales (17 %) sont à type de papules, d’éro- et de neutrophiles. L’immunofluorescence directe est néga-
sions ou d’ulcérations douloureuses de taille variable de la tive.
langue, du palais (fig. 2.35) ou de langue géographique ; De nombreuses atteintes cutanées atypiques ⁵² ont été rap-
— l’atteinte unguéale peut débuter par un érythème du portées :
lit unguéal ou par une hyperkératose sous-unguéale peu — la forme à type de plaques pigmentées fixes (près d’une
spécifique. Elle peut également comporter des pustules trentaine d’observations) touche majoritairement le pa-
(fig. 2.36), une onycholyse, une leuconychie comme au cours tient d’origine asiatique et se caractérise par des plaques
des ongles cirrhotiques de Terry. En revanche, le caractère persistantes pigmentées rouge foncé ou marron, squa-
meuses ou croûteuses, d’allure lichénienne, disposées sur
l’extrémité céphalique, le tronc et les surfaces d’extension

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Fig. 2.37 Éruption érythémateuse maculeuse, confluente au cours


Fig. 2.36 Pustule hémorragique sous-unguéale au cours d’une arthrite d’une maladie de Still de l’adulte. Le caractère parfois linéaire des lésions
réactionnelle à Chlamydia trachomatis témoigne d’un phénomène de Koebner

 MSA maladie de Still de l’adulte


Rhumatisme fibroblastique 2-21

Coll. Dr Ph. Abimelec, Paris

Fig. 2.38 Tuméfactions nodulaires « perlées » périunguéales au cours


d’une réticulo-histiocytose multicentrique

Coll. D. Bessis
des extrémités ⁵³. Elles coexistent le plus souvent avec des
lésions cutanées évanescentes typiques. Histologiquement,
l’existence de nécroses kératinocytaires de la moitié supé-
rieure de l’épiderme et un infiltrat neutrophilique et lym- Fig. 2.39 Tophi chroniques de l’olécrane
phocytaire du derme papillaire est soulignée dans nombre
d’observations. Cette atteinte clinique cutanée pourrait
être un facteur de sévérité ou de risque de complication
systémique de la maladie. Les lésions cutanées régressent
sous traitement parallèlement aux signes systémiques ;
— des atteintes vésiculopustuleuses, acnéiforme, à type
de syndrome de Sweet, de mucinose cutanée diffuse avec
infiltration cutanée en « peau d’orange » ont également été
décrites ⁵⁴,⁵⁵.

Rhumatisme fibroblastique
Le rhumatisme fibroblastique de l’adulte est une entité rare
(une vingtaine d’observations rapportées). Il associe des
arthrites symétriques et des lésions cutanées caractéris-
Coll. D. Bessis

tiques ⁵⁶-⁵⁸. L’atteinte articulaire, à caractère érosif dans


40 % des cas, touche les mains et les poignets, mais peut
également atteindre les coudes, les épaules, les hanches et Fig. 2.40 Tophi chroniques du dos d’une main en regard des jointures
les genoux. Les lésions cutanées comprennent : articulaires
— une rétraction de la face palmaire des mains à l’origine
d’un état sclérodermiforme, associé dans un cas sur deux groupés et situés sur les faces dorsales des doigts et dans
à un épaississement du fascia palmaire ; les régions périarticulaires, plus rarement sur l’extrémité
— des nodules cutanés profonds, se développant par pous- céphalique et le tronc. Dans le contexte de polyarthrite
sées successives, de couleur peau normale ou rosée, d’une des mains, ces lésions peuvent faire discuter une réticulo-
taille de 0,2 à 3 cm, mobile sur les plans profonds, isolés ou histiocytose multicentrique ;
2-22 Affections rhumatismales inflammatoires

— une transformation chéloïdienne des cicatrices anté- cas sur deux. Histologiquement, le derme est envahi par
rieures ; des histiocytes volumineux avec un cytoplasme abondant
— une infiltration cutanée non nodulaire, localisée au men- d’aspect en « verre dépoli », issu de la lignée monocytaire-
ton, au cou, au visage ou au périnée ; macrophagique (CD45 +, CD68 +, au marquage immunohis-
— un syndrome de Raynaud (un tiers des cas) pouvant tochimique). L’association à une néoplasie est notée dans
dans ce contexte faire discuter une sclérodermie systé- près de 25 % des cas, préférentiellement avec des carci-
mique. nomes mammaires et gastriques et des hémopathies. Le
L’histologie d’un nodule permet d’affirmer le diagnostic en traitement repose sur la corticothérapie générale et les
objectivant une fibrose dermique et hypodermique avec immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate, cyclo-
prolifération de fibroblastes, épaississement des fibres col- phosphamide).
lagènes et raréfaction du tissu élastique. La corticothérapie
générale et de faibles doses de méthotrexate peuvent abou- Goutte
tir à une régression des lésions cutanées dans près d’un
cas sur deux mais la persistance de rétractions cutanées et La goutte est une maladie métabolique résultant du dépôt
articulaires est le plus souvent observée. tissulaire de cristaux microscopiques de monosodium urate
monohydrate. Lors de la crise aiguë, localisée avec prédi-
Réticulo-histiocytose multicentrique lection en regard de l’articulation métatarsophalangienne
du gros orteil, la peau périarticulaire est tendue, chaude
Cette affection rare (près de deux cents cas rapportés) et érythémateuse ⁶⁰. À ce stade, les symptômes peuvent
appartient au groupe des histiocytoses non langerhan- évoquer une arthrite septique ou une cellulite. En l’absence
siennes ⁵⁹. Elle touche plus fréquemment la femme (sex- de traitement, les lésions régressent progressivement en
ratio de 3/1), au cours de la quatrième décennie. L’atteinte quelques semaines en laissant place à une desquamation.
articulaire est le plus souvent initiale à type de polyar- Les tophi chroniques résultent du dépôt de cristaux au ni-
thrite séronégative, symétrique et destructrice des articula- veau du tissu cutané profond en regard des articulations,
tions interphalangiennes et des grosses articulations. Les des tendons et des cartilages. Ils s’observent au cours des
lésions cutanées surviennent en moyenne trois ans plus formes avancées et chroniques de goutte (souvent plus
tard (variant de quelques semaines à plus de six ans) et sont d’une dizaine d’années d’ancienneté). Les lésions se loca-
constituées de papules ou de nodules rouges ou brunâtres lisent au niveau de l’olécrane (fig. 2.39), des genoux, des
à surface lisse, de quelques millimètres à deux centimètres. tendons d’Achille, en regard des surfaces d’extension des
Leur nombre est variable de quelques éléments à plusieurs avants-bras, des jointures des mains (fig. 2.40) et des pieds et
centaines. Les lésions siègent électivement sur le dos des occasionnellement autour de l’hélix ⁶⁰. Il s’agit de nodules
doigts (zones juxta-articulaires) et le visage (nez, oreilles, fermes et rosés, mais la peau en regard peut être jaune, éry-
scalp). L’atteinte périunguéale sous la forme de petites tu- thémateuse ou ulcérée laissant sourdre un liquide clair et
méfactions à type de « perles de corail » (fig. 2.38) est carac- fluide ou blanchâtre et crayeux contenant de nombreux
téristique. Une atteinte muqueuse orale (lèvres, langue, cristaux non biréfringents. En cas de gêne esthétique, leur
muqueuse buccale) ou nasale septale est associée dans un exérèse est possible.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D, Guilhou JJ. Affections rhumatismales inflammatoires. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 :
Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 2.1-2.23.
3
Sclérodermie systémique
et sclérodermies cutanées
Philippe Humbert, Ève Puzenat

Sclérodermie systémique 3-1 Traitement 3-7


Phénomène de Raynaud 3-1 Sclérodermies d’origine professionnelle 3-8
Sclérose cutanée 3-2 Syndrome de Sharp 3-8
Autres signes dermatologiques 3-2 Sclérodermies cutanées 3-8
Manifestations pulmonaires 3-3 Sclérodermies cutanées en plaque 3-9
Manifestations digestives 3-5 Sclérodermie cutanée bulleuse 3-9
Atteinte rénale 3-5 Sclérodermies cutanées en bande 3-9
Autres manifestations viscérales 3-5 Sclérodermies profondes 3-10
Grossesse 3-6 Bilan d’une sclérodermie cutanée localisée 3-10
Évolution 3-6 Évolution et traitement 3-11
Diagnostic positif et explorations complémentaires 3-6 Références 3-12
Mécanismes physiopathogéniques 3-6

Sclérodermie systémique (ScS)


L’incidence de la maladie est de 2 à 20 par million d’ha-
bitants et par an avec une nette prédominance féminine
(sex-ratio de 8F/1H). Selon des estimations récentes, la
prévalence dans la population française est de 11 à 16 cas
pour 100 000 habitants, ce qui permet d’estimer à près de
6 000 le nombre de personnes atteintes de ScS. La maladie
survient avec prédilection entre 30 et 50 ans mais peut être
observée à tout âge. La ScS de l’enfant est rare : moins de
2 % des cas avant 10 ans et moins de 8 % des cas avant l’âge
de 20 ans ¹. Son début est plus tardif chez l’homme que
chez la femme. La ScS a une distribution mondiale mais
une fréquence moindre au sein de la population asiatique ².
Coll. D. Bessis

Phénomène de Raynaud
Le plus souvent signe inaugural de la maladie, il précède Fig. 3.1 Phase syncopale au cours du syndrome de Raynaud
les autres signes cliniques de quelques mois, voire de plu-
sieurs années. Il est présent dans 95 % des cas. Il est bila- inconstante, ou « phase résolutive ou érythermalgique »
téral et touche les mains, parfois les pieds, les oreilles, le correspond à une hyperhémie réactionnelle. En cas de syn-
nez ou la langue. Il est déclenché par l’exposition au froid, drome de Raynaud atypique, la manœuvre d’Allen est utile :
le contact avec un objet froid, ou à l’occasion d’émotions elle consiste à observer la revascularisation de la paume
intenses. Il se caractérise par une « phase syncopale » bru- de la main après une compression simultanée de l’artère
tale au cours de laquelle un ou plusieurs doigts deviennent radiale et de l’artère cubitale et des mouvements de flexion-
exsangues, froids, blancs et presque insensibles (fig. 3.1). extension de la main. La revascularisation apparaît alors re-
Cette phase est indispensable au diagnostic. Elle est sui- tardée, hétérogène, apportant un élément clinique d’orien-
vie d’une « phase asphyxique » où les doigts apparaissent tation vers le caractère organique du phénomène de Ray-
cyanosés et deviennent douloureux. La troisième phase, naud. Un interrogatoire orienté, l’âge de survenue tardif
3-2 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées

après 40 ans, des manifestations cliniques atypiques, une


aggravation de la symptomatologie au cours du temps et
une manœuvre de Allen anormale sont des arguments en
faveur d’un syndrome de Raynaud lié à une maladie systé-
mique en opposition à la forme idiopathique. La capillaro-
scopie péri-unguéale complète l’examen clinique et peut
permettre d’ores et déjà d’envisager le diagnostic de scléro-
dermie si elle révèle la présence de mégacapillaires et/ou
une raréfaction des anses capillaires et un œdème périca-
pillaire. Un examen attentif du repli sus-unguéal à l’œil nu
peut permettre d’observer une hyperkératose cuticulaire,
un érythème et des mégacapillaires qui apparaissent sous
la forme de points rouges punctiformes associés à des pé-
téchies brunâtres hémorragiques sur le bord distal de la

Coll. D. Bessis
cuticule.

Sclérose cutanée
Elle est de début progressif. Les doigts sont initialement Fig. 3.3 Sclérodactylie évoluée : flexion permanente et rétractile des
œdémateux et boudinés et deviennent progressivement doigts
sclérodactyliques avec une peau tendue, indurée et adhé-
rente au plan profond (fig. 3.2). La sclérodactylie, invalidante La ScS diffuse débute sur le tronc et s’étend aux membres.
en raison des troubles fonctionnels qu’elle induit, peut Elle peut être aiguë ou rapidement extensive dans les
aboutir à la flexion rétractile et permanente des doigts formes graves avec un risque d’engainement des épaules
(fig. 3.3) par fibrose synoviale des gaines et de la peau en et du thorax (fig. 3.6), un effacement des seins respectant
regard. Elle se complique chez plus de la moitié des pa- les mamelons et une induration cutanée de la paroi abdo-
tients d’ulcérations douloureuses des extrémités pulpaires minale en « peau de tambour ». L’extension de la sclérose
ou en regard des saillies articulaires. De ces ulcérations peut cutanée et son évolutivité peuvent s’évaluer par le score de
sourdre une substance calcique correspondant à des amas Rodnan modifié ³.
de calcinose dermique (fig. 3.4). La dystrophie unguéale appa- Histologiquement, la sclérose débute dans le derme pro-
raît inéluctable au cours de l’évolution de la ScS. Les pieds fond respectant initialement le derme superficiel. L’hypo-
sont plus rarement affectés par ces troubles sclérodacty- derme devient également scléreux. L’épiderme est d’épais-
liques. Le mode d’extension de la sclérose cutanée est va- seur normale et n’est atrophique que tardivement (fig. 3.7).
riable, mais possède une valeur pronostique établie. Les infiltrats lymphocytaires sont observés dans le derme
La ScS est limitée lorsque la sclérose cutanée reste en aval profond à la périphérie de la plaque de sclérodermie. Ils
des coudes et des genoux. Elle touche alors fréquemment le ont tendance à s’horizontaliser. Les plasmocytes sont fré-
visage et le cou. Sur le visage, elle tend à faire disparaître les quents, des éosinophiles peuvent être présents.
rides dues à l’âge et modifie l’aspect du nez qui devient effilé.
L’orifice buccal se trouve rétréci dans son ouverture et la Autres signes dermatologiques
bouche est entourée de plis radiés perpendiculaires, carac- Les désordres pigmentaires à type d’hyper- et/ou d’hypo-
térisant l’aspect de bouche en « gousset de bourse » (fig. 3.5). pigmentation surviennent dans 30 % des cas sur les ter-
Dans certains cas, la sclérose peut limiter la protraction de ritoires affectés par la sclérose cutanée. Lorsqu’elles sont
la langue.
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 3.2 Sclérodactylie : phase initiale œdémateuse Fig. 3.4 Calcinoses multiples en regard des tendons extenseurs
Sclérodermie systémique 3-3

Coll. D. Bessis
Fig. 3.5 Plis radiaires de la lèvre supérieure au cours du syndrome CREST

prédominantes et précoces, elles peuvent évoquer à tort


un vitiligo.
Les télangiectasies se développent sur les extrémités des
mains (fig. 3.8), le visage et les muqueuses, pouvant aller jus-
qu’à simuler une angiomatose de Rendu-Osler. Elles sont
très fréquentes chez les patients atteints de forme limitée
de sclérodermie systémique.
La calcinose dermique est observée dans 20 à 25 % des cas.
Elle est plus volontiers rencontrée dans la forme CREST
(calcinose [C], syndrome de Raynaud [R], atteinte œsopha-
gienne [E], sclérodactylie [S], télangiectasies [T]) ou syn-
drome de Thibierge et Weissenbach. Elle prédomine autour
de la dernière phalange des doigts et sur les faces d’exten-

Coll. D. Bessis
sion des genoux, coudes et avant-bras. La palpation révèle
des nodules ou des masses sous-cutanées souvent sensibles,
pouvant être le siège d’une ulcération douloureuse laissant
sourdre par intermittence une bouillie crayeuse. Leur méca- Fig. 3.6 Forme engainante et diffuse de sclérodermie systémique
nisme de survenue reste inconnu, le métabolisme phospho-
calcique étant le plus souvent normal. Les manifestations d’aggravation progressive associée à une toux sèche per-
muqueuses doivent être appréhendées par un interroga- sistante. L’auscultation des bases pulmonaires révèle des
toire à la recherche d’une xérostomie et d’une xérophtal- râles crépitants. La tomodensitométrie pulmonaire haute
mie. Le syndrome sec fait partie intégrante des signes de résolution constitue l’examen complémentaire le plus sen-
la sclérodermie systémique, mais peut également révéler sible pour son dépistage précoce. Les images linéaires réti-
un syndrome de Gougerot-Sjögren volontiers associé. Un culaires intralobulaires ou septales, les images en « rayons
déchaussement dentaire précoce dû à une sclérose du li- de miel » sont évocatrices d’une fibrose évoluée (fig. 3.9). Les
gament alvéolo-dentaire et à la xérostomie secondaire au images en « verre dépoli » traduisent plutôt une alvéolite ou
syndrome de Gougerot-Sjögren est parfois présent. une fibrose débutante (association avec des bronchectasies
de traction). Ces anomalies sont principalement localisées
Manifestations pulmonaires aux deux tiers inférieurs des poumons, dans les régions
Elles touchent 30 à 50 % des malades et constituent une périphériques ou postérieures, l’évolution se faisant vers
des principales causes de morbidité et la première cause les hiles et les sommets. À un stade plus avancé, les anoma-
de mortalité au cours de cette affection ⁴. Les deux mani- lies sont visibles à la radiographie pulmonaire : syndrome
festations pulmonaires les plus fréquentes sont la pneumo- interstitiel de type réticulo-nodulaire bilatéral initialement
pathie interstitielle chronique fibrosante et l’hypertension localisé aux bases puis s’étendant aux apex, puis images en
artérielle pulmonaire (HTAp). Les autres atteintes pulmo- « rayons de miel » dans les formes évoluées. Les explora-
naires (néoplasies pulmonaires, association à une silicose tions fonctionnelles respiratoires (EFR) permettent d’ap-
ou syndrome d’Erasmus, hémorragies alvéolaires, vascula- précier la sévérité du syndrome restrictif : diminution de la
rites) sont plus rarement décrites. capacité pulmonaire totale à moins de 80 %, diminution de
La pneumopathie interstitielle fibrosante chronique est la capacité vitale forcée à moins de 75 % et diminution de
présente dans 50 à 80 % des ScS et serait une des causes la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO)
les plus fréquentes du décès des patients ⁵. Son début est et du rapport DLCO/volume alvéolaire. Une réduction de
insidieux, marqué par l’apparition d’une dyspnée à l’effort la DLCO de plus de 40 % serait un facteur péjoratif de l’évo-

 EFR explorations fonctionnelles respiratoires · HTAp hypertension artérielle pulmonaire


3-4 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées

²QJEFSNFBUSPQIJRVF
SFDUJMJHOFFUBNJODJ

*OmMUSBUJOnBNNBUPJSF
QÏSJWBTDVMBJSF

-ZNQIPDZUFTÏHSÏOÏT
FOUSFMFTGBJTDFBVY
EFDPMMBHÒOF

Coll. D. Bessis
'JCSPTFDPMMBHÒOF

Fig. 3.7 Lésions histologiques caractéristiques de sclérose cutanée au cours de ScS : atrophie épidermique, infiltrat inflammatoire périvasculaire,
horizontalisation des fibres collagènes
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 3.8 Télangiectasies au cours du syndrome CREST
Fig. 3.9 Tomodensitométrie d’une pneumopathie fibrosante chronique
lution. Du fait de leur caractère non invasif et de leur re- au cours de la ScS : images linéaires réticulaires intralobulaires et en
productibilité, les EFR constituent un excellent examen de « rayons de miel » (régions postérieures)
dépistage et de suivi de l’atteinte respiratoire. En revanche,
la place du lavage broncho-alvéolaire à la recherche d’une al- consécutif à l’insuffisance respiratoire chronique, à l’insuffi-
véolite à neutrophiles, facteur de mauvais pronostic, reste sance cardiaque droite ou à des troubles du rythme. L’HTAp
à préciser. est primitive et isolée dans trois quarts des cas, de type
L’hypertension artérielle pulmonaire est définie par l’exis- précapillaire, liée à une vasoconstriction des artérioles pul-
tence d’une pression artérielle pulmonaire supérieure à monaires (syndrome de Raynaud pulmonaire) et/ou à un
25 mmHg au repos et à 30 mmHg à l’effort. Sa prévalence remodelage des parois vasculaires et/ou des microthrombis
au cours de la ScS est estimée autour de 10 %. Elle est plus du lit vasculaire. Elle peut être associée ou secondaire à une
fréquente en cas de sclérodermie localisée et tout particu- pneumopathie interstitielle fibrosante ou à une cardiopa-
lièrement au cours des CREST (plus d’un cas sur deux). Elle thie gauche (postcapillaire) ⁶. Les signes cliniques d’HTAp
constitue la première cause de décès chez les patients at- sont inconstants et non spécifiques, à type de dyspnée d’ef-
teints de sclérodermie localisée marquée par un taux de fort puis de repos, rendant compte d’un diagnostic souvent
survie à 1 an de l’ordre de 55 %. Le décès est, en général, tardif. Au stade évolué, il existe constamment des signes

 EFR explorations fonctionnelles respiratoires · HTAp hypertension artérielle pulmonaire


Sclérodermie systémique 3-5

cliniques d’insuffisance cardiaque droite associés. L’écho- primitive (syndrome de Reynolds) ou à une hépatite auto-
doppler cardiaque est l’examen de choix pour le diagnos- immune ¹¹.
tic précoce d’HTAp et sa pratique annuelle est recomman-
dée même en l’absence de symptôme évocateur d’HTAp. Il Atteinte rénale
permet d’évaluer la pression artérielle pulmonaire de fa- Elle est rare et responsable dans plus d’un cas sur deux,
çon simple et reproductible et précise le retentissement de l’évolution fatale de la maladie. La crise rénale aiguë
de l’HTAp sur les cavités cardiaques droites. Le cathété- sclérodermique est caractérisée par l’association d’une hy-
risme des cavités cardiaques droites constitue l’examen pertension artérielle « de novo » et d’une insuffisance ré-
de référence pour confirmer le diagnostic d’HTAp précapil- nale rapidement progressive. Dans les autres cas, l’atteinte
laire et éliminer une étiologie cardiaque gauche. Il permet rénale se résume en une protéinurie modérée, une insuffi-
également d’apprécier sa gravité par mesure de l’index car- sance rénale lentement progressive ou une hypertension
diaque et d’évaluer par test aigu de vasodilatation les rares artérielle ². L’introduction précoce d’un traitement par inhi-
patients répondeurs aux inhibiteurs calciques. Aux explora- biteur de l’enzyme de conversion permet d’améliorer signi-
tions fonctionnelles respiratoires, l’abaissement isolé de la ficativement le pronostic des patients ayant une atteinte
DLCO sans abaissement des volumes pulmonaires aux ex- rénale débutante ¹³.
plorations fonctionnelles respiratoires est prédictif d’une
hypertension artérielle pulmonaire. Dans les formes évo- Autres manifestations viscérales
luées, la radiographie pulmonaire peut objectiver une dila- L’atteinte myocardique est fréquente, précoce et secondaire
tation des artères pulmonaires, une saillie des arcs moyens, à une fibrose focale ou disséminée du myocarde associée
une hypertrophie du ventricule droit puis de l’oreillette à des zones de nécrose sans rapport avec la distribution
droite. L’électrocardiogramme, de faible sensibilité, met artérielle coronaire. Les péricardites, lorsqu’elles sont chro-
en évidence un bloc de branche droit ou tardivement des niques et à grand épanchement, sont de mauvais pronostic.
signes électriques d’hypertrophie du ventricule droit puis Les formes modérées et résolutives sont cependant les plus
de l’oreillette droite. fréquentes. L’insuffisance cardiaque est primitive myocar-
dique ou secondaire à l’atteinte rénale avec hypertension
Manifestations digestives artérielle. L’endocarde est rarement affecté par le processus
Elles surviennent dans 75 à 90 % des formes diffuses ou li- sclérodermique. Ces différentes atteintes cardiaques sont
mitées de ScS. Les atteintes œsophagiennes et anorectales principalement dépistées par l’échographie cardiaque bidi-
sont prédominantes mais l’ensemble du tube digestif peut mentionnelle, l’électrocardiogramme et l’enregistrement
être touché ⁷. L’atteinte œsophagienne touche plus de trois électrocardiographique des 24 heures ¹⁴.
malades sur quatre mais est asymptomatique dans un tiers Les manifestations ostéoarticulaires et musculaires se ca-
des cas. Sa précocité de survenue constitue un élément du ractérisent par des arthralgies (plus d’un tiers des cas) bila-
diagnostic positif. Le bas œsophage est préférentiellement térales, souvent précoces des doigts, poignets, genoux et
atteint avec hypotonie du sphincter inférieur identifiable chevilles. Les ténosynovites sont fréquentes et l’atteinte
par manométrie œsophagienne. La symptomatologie est par le processus fibrotique des gaines et des tendons est
celle d’un reflux gastro-œsophagien (RGO), puis ultérieure- responsable de craquements audibles et de crissements
ment, d’une dysphagie pouvant se compliquer d’une œso- parfois palpables lors de la mobilisation des doigts. Ces ma-
phagite peptique, d’ulcérations œsophagiennes, d’un endo- nifestations articulaires sont parfois similaires à celles de
brachyœsophage ou d’un carcinome. Le RGO peut contri- la polyarthrite rhumatoïde dont l’association à la scléroder-
buer au développement de la fibrose pulmonaire par inha- mie systémique apparaît relativement fréquente. Les phé-
lations nocturnes. L’endoscopie haute permet le dépistage nomènes d’acroparesthésies nocturnes doivent faire envi-
et la recherche périodique d’une œsophagite secondaire au sager la possibilité d’un syndrome du canal carpien associé.
reflux ou d’une gastrite atrophique ⁸. L’atteinte de l’intestin Les radiographies des mains révèlent souvent la présence
grêle est responsable de deux complications majeures que d’une ostéolyse associée à des lésions d’ostéosclérose, no-
sont la malabsorption (10-25 %) et le syndrome pseudo- tamment en regard de la tête de la troisième phalange des
occlusif (2-10 %), pouvant conduire au décès par dénutri- doigts. Les myalgies sont fréquentes, primitives et liées à
tion et cachexie. La malabsorption est liée à une pullulation un processus inflammatoire musculaire, ou le plus souvent
microbienne favorisée par l’hypomotricité intestinale, des secondaires à l’atteinte articulaire et/ou cutanée par exten-
troubles de l’absorption et de la perméabilité intestinale, sion de la fibrose du derme aux fascias musculaires. Cette
une entéropathie exsudative secondaire à l’obstacle au drai- symptomatologie peut s’intégrer dans le cadre d’un syn-
nage lymphatique intestinal et une ischémie intestinale drome de chevauchement sclérodermie-myopathie inflam-
chronique ⁹. Le syndrome pseudo-occlusif est responsable matoire au cours de laquelle sont présents las anticorps de
de douleurs abdominales chroniques, de ballonnements et type anti-Pm-Scl. La symptomatologie est variable depuis
d’alternance de diarrhées et de constipations. L’atteinte du de simples myalgies ou une fatigabilité musculaire, jusqu’à
pancréas peut être à l’origine d’une insuffisance pancréa- une atrophie musculaire marquée.
tique exocrine participant également à la malabsorption ¹⁰. Autres atteintes L’œil n’est pas épargné par le processus
L’atteinte hépatique est peu fréquente (moins de 10 %) mar- sclérodermique. Il est le siège d’un syndrome sec fréquem-
quée par une association non fortuite à une cirrhose biliaire ment, parfois d’atteintes cornéennes ou de troubles de la

 HTAp hypertension artérielle pulmonaire


3-6 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées

Critères diagnostiques de la ScS selon l’ARA tifs seraient d’évolution plus lente et moins sévère ;
Critère majeur Sclérose cutanée proximale − les anticorps antitopo-isomérase I ou anti-Scl 70 (fluo-
Critères mineurs Sclérodactylie rescence homogène ou parfois nucléolaire) sont mis en
Ulcérations ou cicatrices pulpaires
évidence dans 20 % des cas de ScS aiguë diffuse et dans
Fibrose pulmonaire des bases
40 % des cas de ScS limitée. Ils sont de mauvais pronos-
Le critère majeur suffit au diagnostic. En son absence, deux critères mineurs, dont la sclé- tic car ils sont associés à des formes cliniques souvent
rodactylie, sont nécessaires. diffuses et à une atteinte pulmonaire fréquente. Leur po-
3.A sitivité est considérée comme un marqueur spécifique
des ScS ¹⁹ ;
pigmentation de l’iris. Les paupières peuvent présenter − la présence d’autres auto-anticorps (anti-U1-RNP, anti-
une atrophie. De rares neuropathies périphériques ont été SSA, anti-SSB ou anti-PM-Scl...) peut correspondre à
rapporté telles que les névralgies du trijumeau. des formes cliniques particulières, mais leur recherche
n’est pas systématique et doit être guidée par un in-
Grossesse térêt particulier. La recherche d’anticorps anticardioli-
Elle peut être à l’origine de complications en cas de ScS pines (positifs dans 25 à 35 % des cas) doit être systéma-
grave. Le risque de prématurité est accru au cours des tique car leur présence constitue un facteur de risque
formes diffuses. La grossesse doit être contre-indiquée de thrombose. Les anticorps antiphospholipides sont
chez la femme atteinte d’une ScS avec atteinte rénale observés avec prédilection au cours des formes sévères
sévère compte tenu du risque de crise rénale aigu sclé- de ScS ²⁰ et en cas d’HTAp ²¹. Les autres explorations
rodermique potentiellement mortel ou en cas d’HTAp ¹⁵. complémentaires recommandées sont indiquées dans
En revanche, la fertilité des femmes sclérodermiques est l’encadré 3.B.
normale et le risque d’avortement spontané et de retard
staturo-pondéral est identique à celui de la population gé- Mécanismes physiopathogéniques
nérale. Dans tous les cas, la grossesse devra se dérouler Les principaux acteurs cellulaires impliqués dans la physio-
sous surveillance médicale étroite afin de dépister les éven- pathogénie de la ScS sont les cellules endothéliales, les lym-
tuelles complications, en particulier rénales. phocytes T et les fibroblastes ²². L’individualisation simpli-
fiée de leur rôle permet de distinguer plusieurs mécanismes
Évolution physiopathogéniques vraisemblablement intriqués.
La ScS évolue le plus souvent sur plusieurs décennies ¹⁶,¹⁷. Le mécanisme microcirculatoire insiste sur la souffrance
Le taux de survie global à 5 ans est de l’ordre de 75 à 80 %. des cellules endothéliales ²³-²⁵. Les modifications vascu-
Ce pronostic varie selon l’extension de l’atteinte cutanée. laires de la sclérodermie touchent les capillaires, les artères
En cas de forme diffuse, l’atteinte cutanée est rapidement de petit calibre et les artérioles. Les altérations des cel-
progressive durant les deux premières années. La survie lules endothéliales sont provoquées par des médiateurs
globale à 10 ans est estimée entre 60 à 65 %. En cas de cytokiniques. Parmi ceux-ci, le TGF-β (transforming growth
forme localisée, l’évolution est lente durant les 5 premières factor β) est le plus étudié. Il induit une stimulation de la
années mais est marquée par la suite par un risque d’HTAp synthèse de collagène et stimule l’angiogenèse. La consé-
ou de fibrose pulmonaire. La survie globale à 10 ans est quence de la souffrance des cellules endothéliales est le
proche de 90 %. développement d’une microangiopathie. Cette microangio-
pathie se manifeste par des vasospasmes qui, lorsqu’ils sont
Diagnostic positif et explorations complémentaires prolongés, entraînent une anoxie aggravant celle induite
Le diagnostic de ScS est un diagnostic clinique. Les critères par la fibrose.
de l’ARA sont reconnus pour le diagnostic positif en raison Le mécanisme auto-immun fait appel à une réaction in-
de leur sensibilité et de leur spécificité (encadré 3.A). Actuel- flammatoire lympho-monocytaire, médiée par les lympho-
lement, on distingue les ScS de forme cutanée limitée où cytes T et B et les monocytes-macrophages, au niveau pé-
l’atteinte cutanée reste confinée aux extrémités et les ScS rivasculaire et au niveau du derme profond et de l’hypo-
de forme cutanée diffuse où la sclérose s’étend au-dessus
du coude ou du genou avec ou sans atteinte du tronc.
Examens complémentaires utiles en cas de ScS
Les explorations complémentaires ont un intérêt à la fois
Numération-formule sanguine
diagnostique (en cas de doute clinique) et pronostique. Vitesse de sédimentation, électrophorèse des protides et fibrinémie
Les anticorps antinucléaires témoins d’une diathèse auto- Anticorps anti-nucléaires, anticentromères, anti-Scl 70 et antiphospholipides
immune sont positifs dans environ 90 % des cas ¹⁸. Deux Protéinurie, créatininémie, compte d’Addis Hamburger
types d’auto-anticorps sont recherchés en routine : Capillaroscopie
− les anticorps anticentromère (fluorescence mouchetée) Radiographie des mains
Radiographie pulmonaire, EFR avec DLCO, tomodensitométrie pulmonaire haute résolu-
dirigés contre un antigène protéique lié à l’ADN du cen-
tion
tromère ont surtout une signification pronostique fa- Manomètrie œsophagienne, fibroscopie œsogastrique (en cas de suspicion d’œsophagite
vorable. Ils sont découverts dans 57 à 82 % des syn- peptique)
dromes CREST et dans 3 à 20 % des sclérodermies sys- Électrocardiogramme, échodoppler cardiaque (mesure des pressions pulmonaires)
témiques. Les ScS avec anticorps anticentromères posi- 3.B

 ARA American Rheumatism Association · EFR explorations fonctionnelles respiratoires · HTAp hypertension artérielle pulmonaire · TGF transforming growth factor
Sclérodermie systémique 3-7

derme ²⁶,²⁷. Un déséquilibre de la balance lymphocytaire d’améliorer les symptômes du phénomène de Raynaud et
en faveur des lymphocytes T-helper rendrait compte d’une l’acrosclérose. Le buflomédil (Fonzylane) a l’autorisation
stimulation indirecte de la production de collagène. De de mise sur le marché (AMM) dans les manifestations cli-
plus, les différentes cellules de l’infiltrat inflammatoire niques du syndrome de Raynaud à raison de 2 comprimés
(plaquettes, monocytes-macrophage et lymphocytes) in- par jour. Les antagonistes calciques sont également effi-
terviennent également par la production de cytokines, en caces. La nifédipine (Adalate) est le seul inhibiteur calcique
particulier de TGF-β. En outre, la sclérodermie systémique à avoir une AMM dans cette indication, à faible dose : 10 mg
s’associe volontiers à d’autres maladies auto-immunes dans matin, midi et soir. Elle permet de diminuer la fréquence et
le cadre d’un syndrome auto-immun multiple ²⁸,²⁹. la sévérité des vasospasmes au prix parfois d’effets secon-
Le dysfonctionnement du fibroblaste, cellule productrice daires tels que des céphalées, des œdèmes des extrémités,
de collagène pourrait également être impliqué ³⁰. Des etc. La prazosine (Minipress) a également une AMM dans
études ont montré une augmentation de l’expression des le traitement symptomatique des phénomènes de Raynaud
molécules d’adhérence intercellulaire de type 1 (ICAM-1) à primitifs ou secondaires. Il s’agit d’un vasodilatateur péri-
la surface des fibroblastes et des cellules inflammatoires mo- phérique alpha-bloquant qui s’utilise dans cette indication
nonucléées. Cette augmentation d’expression des ICAM-1 à la posologie de 1 à 4 mg/j. La trinitrine percutanée (pom-
est liée à la stimulation des cellules par les cytokines (IL-1, made à 2 %) a également été utilisée dans le traitement des
TNF-α et IFN-γ) et favorise les interactions lymphocytes- manifestations liées au phénomène de Raynaud et s’utilise
fibroblastes. Il en résulte une stimulation des fibroblastes en application sur les pulpes digitales deux à trois fois par
avec augmentation de la synthèse des collagènes de type I, jour.
III, V, VI, de la fibronectine et des protéoglycanes respon- Ces classes médicamenteuses sont utilisées dans les syn-
sable de la formation d’un néotissu conjonctif et donc de dromes de Raynaud sévères en association avec les mesures
la fibrose. À ces anomalies de synthèse s’ajoute une diminu- de protection au froid.
tion de l’activité collagènase permettant l’accumulation du L’ilomédine (Iloprost) est un analogue de synthèse de la
collagène dans le derme. prostacycline ayant des propriétés vasodilatatrices. Elle
Le rôle d’un microchimérisme a été évoqué devant l’exis- peut être prescrite dans la sclérodermie systémique afin
tence d’une analogie clinique entre la sclérodermie systé- d’améliorer les symptômes en rapport avec le vasospasme.
mique et la maladie du greffon contre l’hôte (MGCH) dans Ainsi, l’ilomédine est utilisée dans les phénomènes de Ray-
sa forme sclérodermiforme ³¹. Par ailleurs, la sclérodermie naud sévères avec troubles trophiques en évolution ³². Sa
systémique atteint avec prédilection les femmes de 45 à prescription, qui bénéficie d’une AMM dans cette indica-
55 ans, suggérant ainsi un lien possible avec la grossesse. tion, s’effectue par voie parentérale, à la posologie de 1,5 à
La persistance de cellules fœtales résiduelles de grossesses 2 ng/kg/min avec une durée de perfusion de 6 heures,
antérieures dans l’organisme maternel serait le facteur dé- 5 jours consécutifs. Ces cures devront être répétées à inter-
clenchant la ScS par l’initiation d’une réaction allo-immune valle de 6 à 12 semaines en fonction de la réponse clinique.
fœtale antimaternelle. Ce mécanisme ne rend pas compte Ses effets secondaires à type d’hypertension artérielle, de
de la survenue de ScS chez les enfants, les hommes ou chez céphalées, de douleurs abdominales, de diarrhées ou de vo-
les femmes nullipares sauf, éventuellement, en cas d’an- missements rendent son utilisation délicate et nécessitent
técédents de transfusions sanguines, de transplantation une surveillance médicale hospitalière.
d’organes, de fausses couches ou de passage maternofœtal La corticothérapie générale reste utile pour freiner l’évolu-
de cellules maternelles (réaction maternelle antifœtale). tion de la sclérodermie systémique, que ce soit sous forme
Le rôle de l’environnement, et notamment de l’exposition de bolus ³³ ou de prise orale quotidienne. Elle peut être
à l’uranium, aux solvants organiques, à la silice (syndrome efficace sur les manifestations cutanées, articulaires, mus-
d’Erasmus), est également soulevé. Le rôle d’une infection culaires et, d’après certains auteurs, sur l’atteinte pulmo-
à Borrelia a été évoqué sans que l’on puisse le confirmer. naire ³⁴.
Des facteurs génétiques peuvent également intervenir En cas de sclérodermie systémique avec atteinte viscé-
dans la physiopathogénie de la sclérodermie systémique rale majeure, le traitement fait appel à des immunosup-
comme le suggèrent les cas familiaux de sclérodermie systé- presseurs comme l’azathioprine ou le cyclophosphamide,
mique, ou survenant chez des jumeaux homozygotes. L’as- la ciclosporine on encore le méthotrexate. L’hyperten-
sociation à des groupages HLA particuliers comme le type sion artérielle pulmonaire liée à la sclérodermie néces-
HLA DR1, DR3 et DR5 ne serait pas fortuite. site une prise en charge particulière. Les anticoagulants
sont probablement bénéfiques chez les patients scléroder-
Traitement miques ayant une HTAp par analogie avec l’HTAp primi-
La sclérodermie reste une maladie pour laquelle on ne dis- tive, l’international normalized ratio (INR) conseillé étant
pose pas de traitement véritablement efficace. Certains de 2. L’oxygénothérapie est nécessaire en cas d’hypoxie in-
traitements sont considérés comme suspensifs et permet- férieure à 60 mmHg. Les diurétiques doivent être prescrits
traient d’éviter l’évolution des manifestations cutanées ou en cas de signes d’insuffisance cardiaque droite. Les anta-
viscérales de la maladie. Les traitements restent encore le gonistes calciques type nifédipine augmentent la survie
plus souvent symptomatiques. uniquement chez les patients ayant un test de vasoréacti-
Les médicaments vasodilatateurs peuvent être utilisés afin vité au NO positif, test réalisé au cours d’un cathétérisme

 HTAp hypertension artérielle pulmonaire · IL interleukine · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor
3-8 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées

cardiaque droit. Les études ont démontré une efficacité Classification des sclérodermies cutanées localisées
à court terme de l’époprosténol : Flolan par voie intravei- Morphées en plaques
neuse ³⁵, l’iloprost : Ventavis en aérosol ³⁶ et le bosentan : • Morphée en plaque
Tracleer par voie orale ³⁷. L’atrioseptostomie et la transplan- • Morphée en goutte
tation pulmonaire sont des alternatives thérapeutiques en • Atrophodermie de Pasini et Pierini
• Morphée chéloïdienne
cas d’échec du traitement médicamenteux ³⁸. Morphées généralisées
D’autres thérapeutiques ont été proposées avec plus ou Morphées bulleuses
moins de succès, comme les plasmaphérèses ou l’interfé- Morphées en bandes
ron γ. L’uvathérapie (UVA-1), la puvathérapie et la balnéo- • Morphée en bande
puvathérapie sont surtout efficaces sur les signes cutanés • Morphée en coup de sabre
• Atrophie hémifaciale progressive
en particulier sur l’acrosclérose ; elles n’ont, en revanche, au-
Morphées profondes
cune efficacité sur les atteintes viscérales de la maladie ³⁹,⁴⁰. • Morphée sous-cutanée
Les mesures d’accompagnement de ces traitements sont es- • Fasciite de Shulmann
sentielles, qu’il s’agisse de conseils d’hygiène, de protection • Morphée panscléreuse
contre le froid et tout particulièrement, l’évitement de l’in- 3.C
halation d’air froid (susceptible d’induire un « phénomène
de Raynaud pulmonaire » pouvant participer à la fibrose). posées, comme les potiers, les sableurs, les sculpteurs, les
Les malades devront être protégés des traumatismes et prothésistes dentaires...
microtraumatismes, notamment digitaux. Le tabagisme in- Il est habituel d’inscrire, dans le cadre des affections sclé-
dividuel et d’environnement sera proscrit. En cas d’acrosclé- rosantes, les troubles d’acro-ostéolyse développés chez les
rose, il est conseillé de prescrire des séances de kinésithéra- travailleurs exposés au mode de fabrication du chlorure
pie non agressives et le port d’orthèses qui maintiennent de vinyle (décroutteur d’autoclaves) ⁴³. Cette affection est
les doigts dans une position physiologique, notamment caractérisée par une induration cutanée, un phénomène de
la nuit. Ces malades éviteront tout effort pouvant parti- Raynaud et une acro-ostéolyse avec érosion osseuse et ré-
ciper à la déformation de la main (comme l’ouverture de sorption caractéristique de la partie centrale de la phalange
bocaux...). terminale. Il peut survenir dans certains cas une fibrose pul-
Des traitements d’appoint digestifs (inhibiteurs de la monaire et une fibrose hépatique. Ce type d’affection tend
pompe à protons oméprazole : Mopral, ou activateurs de à disparaître en raison d’autres modes d’exercice de cette
la motilité intestinale cisapride : Prépulsid) seront utilisés profession. D’autres toxiques, comme les résines époxy
en cas de reflux gastro-œsophagien. Les pullulations micro- peuvent être à l’origine du développement de lésions in-
biennes répondent bien à des cures mensuelles répétées durées cutanées. On évoque aussi le rôle d’autres produits
de cyclines (10 jours par mois). En cas de malabsorption, chimiques comme le perchloréthylène, le xylène, le diéso-
le régime alimentaire doit être adapté. Certains auteurs lène, les solvants organochlorés (benzène, toluène, white
conseillent un apport calorique minimum de 30 kcal/kg/j spirit) et certains pesticides.
avec un apport protidique de 1 g/kg/j ⁴¹. Une supplémen-
tation en vitamines et fer peut également être proposée. Syndrome de Sharp
Dans les cas de dénutrition extrême, une alimentation pa-
rentérale peut se révéler nécessaire et bénéfique. Encore appelée connectivite mixte, cette affection em-
La prévention de l’atteinte rénale repose sur un contrôle prunte à la sclérodermie systémique, au lupus érythéma-
tensionnel strict avec, si besoin, introduction précoce d’un teux aigu disséminé et à la dermatomyosite, des signes
traitement antihypertenseur de la classe des inhibiteurs de cliniques et biologiques ⁴⁴. Le phénomène de Raynaud est
l’enzyme de conversion. habituel, associé à une arthrite non destructrice et une myo-
En cas d’hypertension artérielle pulmonaire, il est néces- site, sans atteinte viscérale le plus souvent. Il existe des
saire d’éviter tout effort entraînant un essoufflement, d’évi- anticorps circulants antiribonucléoprotéine à des taux éle-
ter les bains chauds, les séjours en altitude au-delà de 800 m vés. Il peut cependant se compliquer d’atteintes viscérales
et les voyages en avion non pressurisé. Il est conseillé de à type de péricardite ou artérite pulmonaire. Son évolution
vacciner les patients contre le pneumocoque, la grippe et peut se faire vers une sclérodermie systémique ou vers une
l’Haemophilus influenzae ¹⁵. Enfin, comme dans toutes les autre collagénose, comme une polyarthrite rhumatoïde, ou
maladies chroniques, un soutien psychologique pourra être le plus souvent, un lupus érythémateux systémique.
proposé aux patients.
Sclérodermies cutanées
Sclérodermies d’origine professionnelle
Il s’agit de la forme la plus fréquente de la maladie avec at-
L’exposition à la silice augmente le risque de développe- teinte quasi exclusive de la peau et absence de syndrome de
ment d’une sclérodermie dont les aspects cliniques et bio- Raynaud, d’acrosclérose et d’atteinte viscérale profonde. La
logiques apparaissent identiques à ceux de la forme idio- sclérodermie cutanée « localisée » peut prendre différents
pathique ⁴². La silice peut donc être à l’origine du dévelop- aspects cliniques répertoriés dans l’encadré 3.C ⁴⁵. Son évolu-
pement du syndrome d’Erasmus chez les professions ex- tion est imprévisible.
Sclérodermies cutanées 3-9

Sclérodermies cutanées en plaque rare qui se manifeste par des lésions bulleuses de clivage
La morphée est une maladie caractérisée par la survenue sous-épidermique associées à des morphées typiques.
de plaques uniques ou multiples, localisées ou disséminées,
initialement érythémateuses puis scléreuses dans leur évo- Sclérodermies cutanées en bande
lution. Elles sont le plus souvent de grande taille, d’un dia- Les sclérodermies en bandes se distinguent des formes pré-
mètre dépassant 2 à 3 cm. Autour d’une sclérose centrale, cédentes par leur aspect clinique et leur gravité. En effet,
de couleur blanche ou ivoire, se distingue un anneau péri- il s’agit d’une forme sévère de sclérodermie localisée en
phérique de couleur rose mauve appelé « lilac ring », dont la raison de l’atteinte d’un membre supérieur ou inférieur,
présence témoigne du caractère évolutif des lésions (fig. 3.10). d’où le terme de sclérodermie monomélique. D’évolution
En fin d’évolution, la morphée laisse des plaques souvent progressive, la sclérodermie en bandes débute à la racine
atrophiques, pigmentées ou dépigmentées. Dans sa locali- du membre et l’extension de l’atrophie progressive des-
sation au niveau du cuir chevelu, la morphée peut laisser cendante se fait vers les extrémités (fig. 3.13). Des bandes
place à une alopécie cicatricielle localisée. scléroatrophiques apparaissent progressivement suivant
La sclérodermie en gouttes ou « white spot disease » est com- les lignes de Blaschko, puis la scléro-atrophie s’étend aux
posée de petites lésions maculaires blanc nacré, rondes, peu muscles et aux tendons, réalisant l’aspect de morphée pan-
déprimées, à surface parfois parcheminée pouvant évoluer sclérotique traduisant une atteinte profonde. Les radiogra-
vers la pigmentation, et de distinction clinique et nosolo- phies peuvent par ailleurs mettre en évidence une hyper-
gique difficile avec le lichen scléroatrophique (fig. 3.11). Elle ostose linéaire en coulée qualifiée de mélorhéostose. Les
se localise principalement à la partie supérieure du tronc. séquelles de ce type de sclérodermie sont principalement
L’atrophodermie idiopathique de Pierini Pasini touche prin- fonctionnelles (déformations articulaires et osseuses, arrêt
cipalement les adolescents et se traduit par l’apparition de ou retard de la croissance du membre), esthétiques et psy-
plaques d’emblée atrophiques et de couleur brun violacé chologiques. Il n’y a pas, en principe, d’évolution vers une
sans inflammation ni sclérose associée. Elle se localise prin- sclérodermie systémique mais les anticorps antinucléaires
cipalement sur le tronc (fig. 3.12) et épargne généralement peuvent être positifs.
la face, les mains et les pieds. Son évolution est le plus sou-
vent bénigne avec des régressions spontanées fréquentes.
Il s’agit peut être d’une forme clinique de morphée d’invo-
lution spontanée et d’emblée atrophique.
La morphée chéloïdienne ou morphée nodulaire est une
sclérodermie localisée caractérisée par l’apparition de no-
dules chéloïdiens associés à des morphées typiques.
La sclérodermie en plaques généralisée se caractérise par
l’apparition de morphées multiples confluentes ou non, sur
tout le corps, le visage et parfois les muqueuses. Elle peut
s’accompagner de signes cliniques et biologiques de sclé-
rodermie systémique et de difficultés respiratoires en cas
d’engainement thoracique.

Sclérodermie cutanée bulleuse


Elle constitue une forme clinique de sclérodermie localisée
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 3.10 Morphée en plaque : sclérose cutanée centrale cernée d’un Fig. 3.11 White spot disease : multiples petites macules porcelainées de
anneau périphérique rose mauve la partie antérieure du thorax
3-10 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 3.12 Atrophodermie de Pasini Piérini : macules pigmentées
discrètement atrophiques médiodorsales et lombaires
Fig. 3.13 Sclérodermie linéaire du bras : bande pigmentée
La sclérodermie en « coup de sabre » du front débute sur le scléroatrophique à disposition linéaire suivant les lignes de Blaschko
front sous la forme d’une bande paramédiane de 1 à 3 cm
de large, à base supérieure débordant sur le cuir chevelu, myalgies et de crampes. Elle succède parfois à un effort
sur lequel elle participe à une zone d’alopécie cicatricielle musculaire intense et se caractérise par un tégument in-
(fig. 3.14). Elle peut s’étendre jusqu’au nez, voire à la lèvre duré, sclérodermiforme, l’induration touchant à la fois le
supérieure. Dans cette localisation, des lésions oculaires derme, l’hypoderme et le fascia. Son développement est le
(énophtalmie, atteinte des muscles oculomoteurs, anoma- plus souvent bilatéral et étendu (fig. 3.15). Sa localisation la
lie de l’iris), des anomalies des gencives, des malpositions plus fréquente est la racine des membres. Le diagnostic, sus-
dentaires et l’atteinte de la langue sont possibles. La peau pecté cliniquement, est confirmé par la biopsie profonde
est scléreuse, atrophique et adhère à l’os sous-jacent. Elle permettant l’analyse histologique de la peau, du fascia et du
peut être hypo- ou hyper-pigmentée. muscle. Biologiquement, l’hyperéosinophilie, inconstante,
On peut rapprocher cette La sclérodermie en « coup de est un élément d’orientation.
sabre » de l’hémiatrophie faciale progressive de Parry- La morphée panscléreuse correspond à la localisation pro-
Romberg dont le début est précoce, avant l’âge de 20 ans. fonde de la sclérodermie monomélique.
Cette maladie relativement rare induit une atrophie pro-
gressive du tissu adipeux sous-cutané, des muscles, des Bilan d’une sclérodermie cutanée localisée
cartilages et des os, provoquant ainsi une dysmorphie fa- Les différentes formes cliniques de sclérodermie localisée
ciale. sont, habituellement, de bon pronostic, mais peuvent par-
fois, s’associer à des manifestions systémiques (encadré 3.D).
Sclérodermies profondes Le diagnostic de sclérodermie localisée est clinique, mais il
La morphée sous-cutanée atteint préférentiellement les peut être confirmé par une histologie cutanée. Un bilan bio-
tissus sous-cutanés et l’hypoderme. logique minimal comprenant une numération-formulation
La fasciite de Shulman (fasciite à éosinophiles) est de dé- sanguine (NFS), une vitesse de sédimentation (VS) et un do-
but rapide, souvent précédée d’une fièvre, de malaises, de sage d’anticorps antinucléaires est souhaitable, les autres
Sclérodermies cutanées 3-11

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 3.14 Sclérodermie en « coup de sabre » : bande scléreuse et
atrophique en « gouttière » du front avec alopécie partielle du sourcil
Fig. 3.15 Fasciite de Shulman : œdème inflammatoire des jambes,
examens complémentaires comme la capillaroscopie étant d’évolution ascendante
à prescrire en fonction de la clinique. Le rôle d’une possible
infection borrélienne dans la genèse des sclérodermies en stabilisent, en général, après 3 à 5 ans d’évolution et l’amé-
plaque est toujours controversé ⁴⁶. La sérologie borréliose lioration spontanée est fréquente. Les formes en « coup
reste recommandée en cas de sclérodermie localisée, sur- de sabre » peuvent cependant évoluer sur plusieurs années,
tout lorsqu’il existe des arguments épidémiologiques ou jusqu’à 20 ans, avant de se stabiliser. Il n’existe pas de pro-
sémiologiques en faveur d’une infection. tocole bien défini sur la prise en charge thérapeutique des
sclérodermies localisées, leur pronostic est difficile à établir
Évolution et traitement et leur évolution imprévisible.
La sclérodermie localisée évolue exceptionnellement en Pour les morphées isolées, on peut proposer l’application
sclérodermie systémique et l’espérance de vie des sujets quotidienne ou bi-quotidienne de dermocorticoïdes de
atteints est considérée comme normale. Les morphées se classe I ou II sur les plaques avec ou sans occlusion. Les
injections intralésionnelles de triamcinolone (Kénacort)
sont efficaces sur la phase œdémateuse de la morphée mais
Manifestations systémiques associées à la Sc localisée
majorent le risque d’atrophie séquellaire ultérieure. La plu-
− Arthralgies.
− Syndrome de Raynaud.
part des auteurs s’accordent pour débuter précocement
− Migraines. une corticothérapie générale à raison de 1 mg/kg/j sur plu-
− Anomalies osseuses : anomalies vertébrales, spina bifida... sieurs mois en cas de sclérodermie en « coup de sabre »
− Anomalies cutanées : nævus, taches café au lait, vitiligo, dystrophies unguéales, débutante ou dans les sclérodermies monoméliques, afin
ichtyose, hypertrichose... d’en limiter les séquelles. Ce traitement est inefficace dans
− Anomalies viscérales : trouble de la motilité œsophagienne, syndrome restrictif pul-
les morphées évoluées car il agit principalement sur la com-
monaire...
− Maladies auto-immunes : lupus erythémateux chronique, connectivite mixte, der-
posante inflammatoire et œdémateuse. Le traitement de
matomyosite, cirrhose biliaire primitive, pemphigoïde bulleuse, hypothyroïdie de Ha- référence de la fasciite de Shulman au stade débutant est
schimoto, maladie de Basedow. la corticothérapie générale.
3.D L’uvathérapie, la puvathérapie ainsi que la balnéopuvathé-
3-12 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées

rapie semblent également être des alternatives thérapeu- prouvée dans des études contre placebo ⁴⁹-⁵³. Chez l’enfant,
tiques intéressantes. Les UVA-1 (340 à 400 nm) sont effi- l’association de méthotrexate (0,3 à 0,6 mg/kg/sem) et de
caces à forte et à faible doses dans le traitement des mani- bolus de corticoïdes (30 mg/kg, 3 jours par mois) semble
festations cutanées de la sclérodermie mais peu de services donner des résultats encourageants dans le traitement de la
hospitaliers en disposent actuellement ⁴⁷,⁴⁸. sclérodermie localisée, sous réserve d’une confirmation de
Le méthotrexate à faible dose (15 mg/sem) a été rapporté ces effets sur une plus grande cohorte de patients et versus
comme efficace dans le traitement des morphées sous ré- placebo ⁵⁴. De même, certains auteurs rapportent l’efficacité
serve d’une confirmation de cette efficacité par des études de l’application de calcipotriol topique en association avec
contrôlées. la photothérapie UVA-1 dans le traitement des morphées
D’autres traitements comme la D-pénicillamine, les antipa- multiples de l’enfant ⁵⁵.
ludéens de synthèse, la salazopyrine, les plasmaphérèses, Enfin, la chirurgie est une possibilité thérapeutique en cas
les rétinoïdes et la ciclosporine ont été préconisés dans le de sclérodermie en « coup de sabre » ou d’atteinte monomé-
traitement des morphées sans que leur efficacité n’ait été lique stable cliniquement.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Humbert P, Puzenat È. Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et
Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 3.1-3.13.
4
Syndromes sclérodermiformes
et états pseudosclérodermiques
Didier Bessis

Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-1 Syndrome carcinoïde 4-9


Scléromyxœdème 4-1 Porphyrie cutanée tardive 4-9
Dermopathie fibrosante néphrogénique (fibrose systémique Syndromes sclérodermiformes des mains 4-9
néphrogénique) 4-2 États pseudosclérodermiformes par induration et/ou
Sclérœdème de Buschke 4-4 atrophie cutanée 4-10
Syndrome POEMS 4-5 Acrodermatite chronique atrophiante 4-10
Amylose primitive 4-7 Hémiatrophie de Parry-Romberg 4-10
Réaction chronique du greffon contre l’hôte 4-7 Fasciite palmaire-arthrite 4-11
Syndromes sclérodermiformes médicamenteux et toxiques Génodermatoses sclérodermiformes 4-11
4-8 Syndromes de vieillissement prématuré 4-12
Syndromes sclérodermiformes localisés 4-8 Scléroatrophie d’Huriez 4-13
Syndromes sclérodermiformes iatrogènes 4-8 Références 4-13
Lipodermatosclérose 4-9

L a sclérose cutanée définit une augmentation de consis-


tance des éléments constitutifs du derme et/ou de l’hy-
poderme, le plus souvent par des dépôts abondants de col-
Syndromes sclérodermiformes acquis diffus
Scléromyxœdème
lagène dans le derme (fibrose cutanée) à l’origine d’une Il constitue la forme généralisée et sclérodermiforme du li-
induration et d’une perte de la souplesse de la peau. Elle chen myxœdémateux ou mucinose papuleuse ⁴,⁵. Il touche
constitue le signe clinique caractéristique des syndromes les adultes d’âge moyen sans prédilection de sexe. L’érup-
sclérodermiformes dont le chef de file est la sclérodermie tion cutanée, symétrique et fréquemment prurigineuse,
systémique (ScS). De nombreuses affections systémiques, est constituée de papules fermes et groupées de façon
regroupées sous la terminologie imprécise et discutable coalescente, cireuses, de 2 à 3 mm de diamètre localisées
d’états pseudosclérodermiques, comportent sur le plan cu- avec prédilection sur les mains, les avant-bras, le visage,
tané une induration et/ou un certain degré d’atrophie mais, le cou (fig. 4.1), la partie haute du tronc et les cuisses. Les
le plus souvent sans fibrose histologique prédominante ¹-³. papules adoptent fréquemment une disposition linéaire
Cliniquement disparates, ces affections sont caractérisées en « collier de perles » et reposent sur une peau infil-
par une faible prévalence des atteintes systémiques extracu- trée, érythémateuse et œdémateuse, sclérodermiforme.
tanées, l’absence de syndrome de Raynaud, d’anticorps an- La glabelle est typiquement sillonnée par de profondes
tinucléaires et d’anomalies capillaroscopiques digitales. rides longitudinales (visage léonin). Sur le dos des articula-
Le diagnostic des affections héréditaires cutanées scléroder- tions interphalangiennes proximales, l’épaississement du
miformes n’est pas l’apanage de la médecine pédiatrique pli cutané est à l’origine d’un bourrelet circulaire centré
et il convient de garder à l’esprit que des génodermatoses par une dépression centrale constituant le « signe du bei-
comme la scléroatrophie d’Huriez ou le syndrome de Wer- gnet » (« doughnut sign »). Les muqueuses et le scalp sont
ner sont le plus souvent reconnues à l’âge adulte. Leur diag- épargnés. La progression des lésions, parfois jusqu’à la
nostic est d’autant plus important qu’il s’agit d’affections quasi-totalité du tégument, s’accompagne d’une diminu-
prédisposant à la survenue de cancers. tion de la mobilité cutanée particulièrement nette au ni-
veau de la bouche (limitation de l’ouverture buccale) et des
mains. Les atteintes systémiques extracutanées sympto-
matiques sont essentiellement articulaires, musculaires,
digestives hautes et neurologiques (tableau 4.1). La possibi-
4-2 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques

Tableau 4.1 Principales manifestations systémiques extracutanées du


scléromyxœdème
Localisation Fréquence Signes cliniques
Œsophage 32 % Dysphagie par troubles du péristaltisme œsophagien
Muscles 27 % Déficit musculaire proximal ou généralisé
Élévation des enzymes musculaires
Tracé électromyographique myogène
Poumons 17 % Dyspnée
Atteinte restrictive ou obstructive et diminution de la
capacité de difusion du DLCO
Hypertension artérielle pulmonaire (exceptionnelle)
Système nerveux 15 % Syndrome du canal carpien (10 %), neuropathie
périphérique
Encéphalopathie, coma, accident vasculaire, convulsions,
psychose
Articulations 10 % Arthralgies, arthrites migratrices, polyarthrite
séronégative
Vaisseaux 9% Syndrome de Raynaud
Cœur Rare Myocarde : infarctus, troubles de conduction
Épanchement péricardique
Œil Rare Épaississement palpébral, lagophtalmie (déficit de
Coll. Pr L. Thomas, Lyon fermeture palpébral), ectropion
Opacités cornéennes
Larynx Exceptionnelle Dysarthrie

effets secondaires potentiels hématologiques et septiques


Fig. 4.1 Papules diffuses et coalescentes au cours du lichen en limitent l’utilisation. Les autres chimiothérapies antican-
myxœdémateux ; la disposition linéaire sur la face du cou est céreuses telles que le cyclophosphamide, le méthotrexate,
caractéristique le chlorambucil et la corticothérapie générale seule sont
inefficaces. De nombreuses autres thérapeutiques sont d’ef-
lité de survenue d’un syndrome de Raynaud au cours du ficacité variable et ponctuelle : puvathérapie, radiothérapie,
scléromyxœdème ne doit pas être méconnue. En revanche, plasmaphérèse, photophérèse extracorporelle, rétinoïdes,
les télangiectasies et la calcinose sont constamment ab- ciclosporine, interféron α. Plusieurs observations récentes
sentes. mettent en avant l’efficacité des immunoglobulines intra-
L’examen histologique cutané met en évidence des dépôts veineuses tant sur les manifestations cutanées que systé-
de mucine (coloration par le bleu Alcian) dans la partie miques ⁶.
haute du derme réticulaire associés à des faisceaux de col-
lagène épaissis et à une prolifération fibroblastique. Les Dermopathie fibrosante néphrogénique (fibrose systémique
fibres élastiques sont fragmentées et diminuées. Les fol-
néphrogénique)
licules pileux peuvent être atrophiques et un infiltrat su-
perficiel modéré lympho-plasmocytaire périvasculaire est Décrite en 2000 par Cowper et al., la dermopathie fibro-
souvent présent. sante néphrogénique (DFN) a été initialement rapportée
Le scléromyxœdème est associé à une dysglobulinémie comme une forme particulière de scléromyxœdème surve-
dans 80 % des cas, le plus souvent de type IgG λ. La progres- nant chez les patients hémodialysés. Près de 170 observa-
sion vers un myélome est faible, estimée à 10 %. D’autres tions de DFN étaient colligées en juin 2005, mettant en
affections hématologiques sont rapportées : lymphomes évidence la possibilité d’atteinte systémique extracutanée ⁷.
malins hodgkininens ou non, maladie de Waldenström et La DFN est constamment associée à une insuffisance rénale
leucémies. terminale traitée par hémodialyse ou dialyse péritonéale,
L’étiologie du scléromyxœdème est inconnue et le rôle pa- sans prédominance d’une étiologie rénale. Un antécédent
thogène de l’immunoglobuline monoclonale associée est de transplantation rénale est noté dans 44 % des cas. Le
incertain. Ainsi, s’il a été montré que le sérum des malades sex-ratio homme/femme est égal à 1 et la moyenne d’âge au
était capable de stimuler in vitro la prolifération fibroblas- moment du diagnostic est de 50 ans (8 à 81 ans). Quelques
tique, l’immunoglobuline purifiée ne permet pas cette proli- rares observations pédiatriques sont rapportées ⁷.
fération, suggérant un autre facteur circulant plasmatique Les lésions débutent fréquemment par des tuméfactions
pathogène. œdémateuses et progressivement résolutives laissant place
Le traitement du scléromyxœdème n’est pas codifié. Il est ré- à des plaques ou des papules confluentes et indurées, bru-
servé aux formes diffuses, invalidantes ou défigurantes. Le nâtres, en « peau d’orange » et parcourues de sillons pro-
melphalan à faibles doses a été utilisé avec succès, mais ses fonds. Un prurit et une sensation de brûlure de la peau

 DFN dermopathie fibrosante néphrogénique


Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-3

Coll. D. Bessis
Placard sclérodermiforme brunâtre, en « peau d’orange », du membre
inférieur

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis

Macules pigmentées et coalescentes de type morphée de la face externe


État sclérodermiforme et œdémateux des membres inférieurs de l’avant-bras

Fig. 4.2 Dermopathie fibrosante néphrogénique

atteinte sont fréquents. Les lésions cutanées touchent L’atteinte musculaire se caractérise par une induration des
constamment les membres inférieurs puis s’étendent aux muscles des jambes, des cuisses et des avant-bras, sans
membres supérieurs (77 %) et parfois au tronc (30 %). Les déficit musculaire patent. Dans quelques cas, une fibrose
chevilles, les faces antérieures des jambes, la partie basse du périmysium et de l’endomysium associée à la présence
des cuisses, les mains et poignets (fig. 4.2) sont les sites de d’une atrophie musculaire a été décrite. Une polyneuropa-
prédilection ⁷,⁸. L’évolution se fait de façon proximale vers thie sensitivo-motrice peut être observée, favorisée par
la racine des membres. En revanche, le visage et le cou l’insuffisance rénale terminale associée. Une atteinte fibro-
sont constamment épargnés et il n’existe pas de syndrome sante myocardique relevée sur des cas autopsiques a été
de Raynaud associé. L’atteinte des tissus périarticulaires rapportée, ainsi que de rares observations d’hypertension
s’accompagne progressivement d’une limitation des mou- artérielle pulmonaire. La survenue d’événements thrombo-
vements de flexion responsable d’une impotence fonction- tiques (occlusion vasculaire périphérique, accidents vascu-
nelle souvent sévère confinant le malade au fauteuil. Histo- laires cérébraux) ne semble pas fortuite. Aucun marqueur
logiquement, la DFN se caractérise par un épaississement biologique spécifique de cette affection n’est actuellement
de l’ensemble du derme composé de gros faisceaux de col- connu. La présence d’un syndrome inflammatoire, la nor-
lagène disposés en tout sens, séparés par de larges fentes malité des enzymes musculaires, l’absence de paraprotéi-
optiquement vides et associés à un nombre accru de cel- némie ou d’anticorps antinucléaires constituent des élé-
lules fusiformes CD34 + de type fibroblastique. La teneur ments importants dans la prise en compte des diagnostics
en mucine est augmentée (coloration bleu Alcian ou fer différentiels comme la sclérodermie systémique et le sclé-
colloïdal) et il existe également des cellules multinucléées romyxœdème.
dispersées de petite taille (CD68 + ou facteur XIIIa +) ⁸. L’étiologie de cette affection reste inconnue. Le rôle des fi-
L’absence d’atteinte systémique, initialement proposée brocytes circulants CD45RO +/CD34 + d’origine médullaire,
comme une des caractéristiques de cette entité, a été ra- produits en réponse à une aggression de l’organisme (trau-
pidement infirmée depuis, mais reste peu documentée ⁷,⁸. matisme chirurgical, vasculaire, thrombose...), est forte-

 DFN dermopathie fibrosante néphrogénique


4-4 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques

ment suspecté. Leur migration à partir de la circulation Critères diagnostiques du syndrome POEMS (d’après [15])
systémique vers des tissus cibles comme la peau, mais égale- Critères majeurs
ment d’autres organes, pourrait être liée à la présence d’un − Polyneuropathie
agent tissulaire iatrogène attractif lié à la dialyse (produit
− Gammapathie monoclonale
de contraste, médicament ou autre « allergène »). L’accu-
mulation des fibrocytes au niveau cutané serait à l’origine
d’une augmentation locale de production de collagène pro- Critères mineurs
bablement par le biais d’une hyperproduction de TGF-β − Lésions osseuses ostéocondensantes
(transforming growth factor), aboutissant à une fibrose ⁹. − Maladie de Castelman
Aucun traitement n’a actuellement fait la preuve de son − Organomégalie (splénomégalie, hépatomégalie ou lymphadéno-
efficacité au cours de la DFN. Le pronostic repose sur l’ex- pathie)
tension, la rapidité d’évolution des lésions cutanées et la pré-
− Œdème (œdème, épanchement pleural, ou ascite)
sence d’atteinte systémique. Il est sévère puisque près d’un
tiers des patients décède et qu’un tiers ne présente aucune − Endocrinopathie (surrénales, thyroïde, hypophyse, gonades, para-
amélioration de la symptomatologie. La plasmaphérèse et thyroïdes, pancréas)
les immunoglobulines intraveineuses sont d’efficacité mo- − Signes cutanés (hyperpigmentation, hypertrichose, angiomes,
dérée ou transitoire. Les corticostéroïdes, le méthotrexate, leuconychies)
la ciclosporine et la photophophérèse sont inefficaces. Un − Œdème papillaire
petit pourcentage de rémission est observé après l’amélio-
ration de la fonction rénale ou l’arrêt de la dialyse.
Le diagnostic de syndrome POEMS est retenu si deux critères majeurs
Sclérœdème de Buschke (SB) et au moins un critère mineur sont réunis.
Cette affection se caractérise par une induration progres- 4.A
sive et parfois pigmentée, de la partie supérieure du tronc
(en pèlerine) et de la racine des membres (fig. 4.3), du vi- − le type II est associé à un diabète sévère mal contrôlé
sage et du cou, mais épargnant les extrémités des membres. (scleredema diabeticorum) et s’observe surtout chez les
L’atteinte du visage est marquée par un effacement des hommes obèses. Son début est insidieux et sa durée pro-
rides d’expression accompagné de difficultés de plissement longée, sans modification en cas d’équilibre satisfaisant
du front, du sourire et de l’ouverture buccale. La langue du diabète ;
et le pharynx peuvent également être touchés, à l’origine − le type III est caractérisé par l’absence d’étiologie infec-
de troubles de la déglutition. Le terme de sclérœdème tieuse ou diabétique et une évolution chronique. C’est
de l’adulte (scleredema adultorum), initialement proposé dans ce groupe que sont intégrées les formes de SB
pour le différencier du sclérœdème néonatal, doit être aban- associées à une gammapathie monoclonale ¹⁰,¹¹. L’as-
donné en raison de la possibilité de cas infantiles de SB. sociation SB et dysglobulinémie est rapportée dans
Trois formes cliniques de SB sont identifiées : une quarantaine d’observations avec une légère pré-
− le type I débute brutalement dans les suites d’une infec- dominance féminine et un âge moyen de début de
tion des voies aériennes respiratoires, généralement 50 ans, plus précoce qu’au cours du type II. L’immu-
streptococcique. Il touche électivement les femmes noglobuline monoclonale associée est de type IgG
d’âge moyen, parfois les enfants. Son pronostic est (deux tiers des cas) et majoritairement de type κ,
excellent et la résolution des symptômes survient en plus rarement de type IgA ou IgM. Dans la plupart
quelques mois ; des cas, le SB précède la découverte de la dysglobu-
linémie de quelques mois à quelques années. L’asso-
ciation à un myélome multiple, y compris asympto-
matique, est notée dans 45 % des cas. Des associa-
tions sont plus rarement décrites : macroglobuliné-
mie de Waldenström, polyarthrite rhumatoïde, syn-
drome de Gougerot-Sjögren, hyperparathyroïdie pri-
maire, insulinome malin, carcinome de la vésicule bi-
liaire ¹².
Les manifestations systémiques peuvent être présentes
dans toutes les formes de SB : épanchement pleural ou pé-
ricardique, atteintes osseuse, oculaire, parotidienne ou car-
diaque.
Coll. D. Bessis

L’examen histologique met en évidence un épaississement


du derme par des fibres collagènes œdémateuses, sépa-
rées par des dépôts de mucine parfois discrets. Cette at-
Fig. 4.3 Œdème induré de la partie haute du dos discrètement teinte œdémateuse dermique peut s’étendre à l’hypoderme
inflammatoire au cours du sclérœdème de Buschke remplacé progressivement par des fibres collagène. Une

 DFN dermopathie fibrosante néphrogénique · SB sclérœdème de Buschke · TGF transforming growth factor
Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-5

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier


Coll. D. Bessis
Fig. 4.5 Syndrome POEMS : état sclérodermiforme des doigts et
Fig. 4.4 Syndrome POEMS : large macule hyperpigmentée de la face leuconychie proximale des tablettes inguéales
externe d’une cuisse
rathyroïdie ou insuffisance surrénalienne. La dysglobuliné-
atteinte histologique similaire peut être observée en cas mie monoclonale est le plus souvent de type IgG ou IgA
d’atteinte cardiaque ou musculaire striée. et exprime de manière quasi constante une chaîne légère
La cause exacte du SB est inconnue. Une « hypersensibilité » lambda. Son taux est faible et elle n’est détectée que par im-
streptococcique, une obstruction des canaux lymphatiques munofixation dans un tiers des cas. Elle est associée à des
par une inflammation, l’hyperinsulinisme, un traumatisme lésions ostéocondensantes dans 54 à 97 % des cas, uniques
préalable pourraient jouer un rôle. Aucun traitement spéci- ou multiples, en règle asymptomatiques et prédominantes
fique n’est rapporté comme étant efficace. Les corticoïdes sur le rachis, le bassin et le gril costal, permettant de porter
systémiques ou intralésionnels, le méthotrexate à faibles le diagnostic de myélome ostéocondensant. Celui-ci est le
doses, la ciclosporine, la photothérapie de type PUVA ou plus souvent associé à un faible taux de plasmocytes d’ori-
UVA1 longs et la photophérèse extracorporelle sont d’effica- gine médullaire (5 % ou moins) et rarement compliqué d’in-
cité inconstante. L’électronthérapie a été rapportée efficace suffisance rénale ou d’hypercalcémie. Ces caractéristiques
dans quelques observations ¹³. ainsi qu’une médiane de survie nettement supérieure diffé-
rencient le syndrome POEMS du myélome multiple. Un syn-
Syndrome POEMS (syndrome de Crow-Fukase, syndrome de drome œdémateux (œdème des membres inférieurs, ascite,
épanchement pleural) est présent dans près de 40 % des cas.
Takatsuki)
Les autres signes sont rapportés à des fréquences variables :
Cette affection multiviscérale correspond à l’acronyme : œdème papillaire (près d’un cas sur deux), thrombocytose
P : polyneuropathy, O : organomegaly, E : endocrinopathy, (54-88 %), polyglobulie (12-19 %), hippocratisme digital (5-
M : monoclonal protein, S : skin changes. Sa description cli- 49 %), complications thrombotiques (infarctus, gangrène,
nique se heurte au caractère rétrospectif des trois grandes accident vasculaire cérébral...), insuffisance rénale, hyper-
séries publiées ¹⁴,¹⁵,¹⁶. Cette affection est plus fréquente tension artérielle pulmonaire et syndrome diarrhéique.
chez l’homme (sex-ratio homme/femme égal à 2), d’âge Les manifestations cutanées, disparates et souvent asso-
moyen 45 à 50 ans. Son diagnostic repose sur l’association ciées entre elles, touchent 50 à 90 % des malades. Leur
d’une polyneuropathie et d’une gammapathie monoclonale prévalence réelle est difficile à apprécier car elles résultent
(encadré 4.A). La présence de lésions osseuses ostéoconden- de compilations de données hétéroclites de la littérature
santes dans le cadre d’un myélome ou d’une maladie de Cas- et varient en fonction de leur recherche systématique ou
telman est quasi constante. La polyneuropathie est inaugu- non ¹⁷-¹⁹.
rale dans la majeure partie des cas. Initialement sensitive, L’hyperpigmentation (45-93 %) est le plus souvent diffuse,
elle débute aux pieds par des picotements, des paresthé- touchant les extrémités (fig. 4.4), le visage et le tronc, sans
sies et des sensations de froid. Elle se complète par une prédominance sur les zones photodistribuées. Elle épargne
atteinte nerveuse motrice distale, symétrique, d’aggrava- les muqueuses et ne témoigne pas d’une insuffisance surré-
tion progressive et ascendante. nalienne associée.
L’organomégalie consiste le plus souvent en une hépatomé- Un état sclérodermiforme est décrit dans 56 à 77 % des
galie (25-78 %), une splénomégalie (22-52 %) et des adéno- cas de syndrome POEMS, marqué par une infiltration et un
pathies (26-61 %). Entre 11 à 24 % des malades atteints épaississement cutané le plus souvent distal (fig. 4.5) et par-
de syndrome POEMS ont une maladie de Castleman (hy- fois associé à un syndrome de Raynaud. Il peut rarement
perplasie angiofolliculaire) documentée. Les anomalies en- être inaugural de l’affection ou associé à un syndrome res-
docriniennes sont diverses et rarement symptomatiques : trictif pulmonaire et prêter alors confusion avec une scléro-
troubles de la glycorégulation avec diabète sucré (3-36 %), dermie systémique. Cependant, le bilan d’auto-immunité
hypothyroïdie (17-36 %), plus rarement hypotestostéro- et la capillaroscopie au cours du syndrome POEMS sont
némie, hyperestrogénémie, hyperprolactinémie, hypopa- normaux.

 SB sclérœdème de Buschke
4-6 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques

L’hypertrichose (50-81 % des cas) peut être généralisée ou


localisée au tronc et au visage (sourcils, cils, cheveux).
La lipoatrophie faciale (près d’un cas sur deux) est mar-
quée par une fonte des boules de Bichat (fig. 4.6). Elle peut
être associée à une lipoatrophie des membres supérieurs et
du tronc. Elle s’observe dans le contexte d’une cachexie pro-
gressive, contrastant avec un syndrome tumoral au second
plan.

Coll. D. Bessis
Fig. 4.7 Syndrome POEMS : multiples angiomes cutanés gloméruloïdes
d’âge et de taille différents, reposant sur une large macule pigmentée de la
face externe d’une cuisse

Les autres manifestations cutanées sont plus anecdo-


tiques : hyperhidrose, xérose cutanée ou aspect ichtyosi-
forme, kératoses séborrhéiques, hippocratisme digital, alo-
pécie, nécroses cutanées multiples, livédo réticulé, acrocya-
nose, vasculite nécrosante.
Le mécanisme pathogénique du syndrome POEMS reste
inconnu. Le rôle direct des chaînes légères d’immunoglo-
bulines semble exclu. L’augmentation des taux sériques de
cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-1β, le TNF-α, le
TGF-β, l’IL-6 et du facteur angiogénique VEGF semble impli-
quée. Le VEGF induit une augmentation de la perméabilité
vasculaire et de l’angiogenèse. Il est normalement exprimé
par les ostéoblastes et peut constituer un important fac-
teur de régulation de la différenciation ostéoblastique. Sa
sécrétion accrue pourrait entraîner une augmentation de la
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier

perméabilité vasculaire, de l’angiogenèse et de la migration


des cellules de la lignée monocytes-macrophages et être
ainsi à l’origine d’une oblitération artérielle réactionnelle.
Une action combinée de cytokines pro-inflammatoires et
du VEGF pourrait également rendre compte de l’organo-
mégalie et de l’état cachectique (TNF-α, IL-1β), de l’œdème
Fig. 4.6 Syndrome POEMS : lipoatrophie faciale associée à une (IL-6, VEGF), de l’hyperpigmentation (IL-1β), du syndrome
hypertrichose sclérodermiforme (TGF-β), des angiomes gloméruloïdes
(VEGF) mais également de la polyneuropathie par le biais
Les angiomes cutanés (30 %) sont d’apparition brutale, de microthromboses vasculaires (VEGF) et d’un œdème
le plus souvent de type tubéreux, de petite taille (moins neuronal.
d’un centimètre) et localisés sur le tronc et la racine des Le traitement repose sur la chirurgie et/ou la radiothérapie
membres (fig. 4.7). Histologiquement, ils sont de type glo- localisée en cas de plasmocytome isolé. Les immunoglobu-
méruloïde dans près d’un tiers des cas, constitués par des lines intraveineuses et les plasmaphérèses sont inefficaces.
ectasies vasculaires dermiques remplies d’agrégats capil- Les corticostéroïdes oraux ou intraveineux seuls sont ef-
laires évoquant une structure ressemblant au glomérule ficaces sur la composante œdémateuse et la polyneuropa-
rénal ²⁰. Ils constituent une manifestation spécifique du thie. Les agents immunosuppresseurs alkylants donnent
POEMS syndrome. Ils peuvent s’associer à des télangiecta- des résultats inconstants. La chimiothérapie intensive sui-
sies lenticulaires ou des angiomes « rubis » qui constituent vie d’autogreffe médullaire ou de cellules souches périphé-
probablement le stade initial de cette prolifération vascu- riques est réservée au sujet jeune ayant une prolifération
laire réactionnelle. plasmocytaire maligne disséminée. L’expérience minime
Les leuconychies (fig. 4.5) constituent un signe peu spéci- des autres agents incluant le thalidomide, le tamoxifène,
fique bien que rapporté dès la description des premières l’acide tout transrétinoïque, l’interféron-α, la ciclosporine
observations. ne permet pas de conclure à leur éventuel intérêt ¹⁵.

 IL interleukine · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor · VEGF vascular endothelial growth factor
Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-7

Coll. D. Bessis
Fig. 4.8 Placard induré jaunâtre du membre inférieur au cours d’une
réaction cutanée chronique du greffon contre l’hôte sclérodermiforme

Amylose primitive
L’infiltration sclérodermiforme est rarement rapportée au
cours de l’amylose systémique (une dizaine d’observations)
et ne doit pas être confondue avec les dépôts amyloïdes
secondaires, épiphénomènes, parfois observés au cours de

Coll. D. Bessis
la sclérodermie systémique ou des morphées généralisées.
L’infiltration cireuse touche avec prédilection le visage et le
cou, les mains et les doigts avec parfois un aspect de scléro-
dactylie ²¹. L’association à des troubles circulatoires acraux Fig. 4.9 Multiples macules dépigmentées et atrophiques de type « white
et une symptomatologie de canal carpien peuvent orienter spot disease » au cours de la réaction cutanée chronique du greffon contre
à tort vers une sclérodermie systémique initiale. Le diagnos- l’hôte sclérodermiforme
tic est facilement redressé grâce aux autres signes cutanés
et muqueux cardinaux associés (purpura, macroglossie...) validantes limitées aux membres inférieurs et compliquées
et par l’examen histologique en peau lésée complété d’une d’une neuropathie axonale périphérique ont également été
coloration rouge congo spécifique. rapportées. La neuropathie résulterait d’un enchâssement
des terminaisons nerveuses par la fibrose. Des atteintes
Réaction chronique du greffon contre l’hôte à type de lichen scléro-atrophique ou « white spot disease »
Les réactions cutanées chroniques du greffon contre l’hôte marquées par des plaques hypopigmentées, atrophiques
(GVH) après greffe de moelle allogénique s’observent par et squameuses avec bouchons folliculaires touchant avec
définition après le troisième mois post-greffe et sont clas- prédilection le cou et la partie haute du tronc (fig. 4.9) sont
siquement subdivisées en réactions lichéniennes et scléro- également décrites ²³. Elles correspondraient à la forme
dermiformes. Les GVH sclérodermiformes surviennent le la plus superficielle de l’atteinte sclérodermiforme. Sur le
plus souvent d’emblée, sans phase lichénienne préalable et plan histologique, la GVH sclérodermiforme est proche de
sont de sévérité variable. Leur spectre clinique et histolo- la sclérodermie systémique caractérisée par une atrophie
gique résulte le plus souvent de l’intrication à des degrés va- épidermique marquée, une destruction progressive des an-
riables de lésions de lichen scléroatrophique, de morphées, nexes, une horizontalisation de la basale et une fibrose
de sclérodermie profonde, voire de fasciite. Typiquement, collagène du derme papillaire et réticulaire qui s’étend pro-
les lésions sclérodermiformes débutent par des plaques gressivement à des degrés variables jusqu’à l’hypoderme.
fermes et circonscrites de type morphée, de couleur peau Toutefois, l’atteinte du derme superficiel est présente au
normale ou pigmentée, qui évoluent par coalescence vers stade initial contrairement à la sclérodermie classique. La
des placards indurés blanc jaunâtre, à contours mal limi- fasciite est une forme rare, profonde et grave de GVH sclé-
tés (fig. 4.8) généralisés ou localisés ²². Les formes limitées rodermiforme. Elle est cliniquement proche de la fasciite
siègent électivement sur les grands plis et les membres in- de Shulman d’autant qu’elle débute dans près d’un cas sur
férieurs. Aux jambes, la peau peut devenir adhérente au deux après un traumatisme ou un exercice physique inhabi-
plan profond et aboutir à des ulcérations mécaniques de tuel et s’accompagne d’une éosinophilie périphérique dans
cicatrisation longue et délicate. Lorsque les plaques scléro- 60 % des cas. Elle est marquée par un aspect de cellulite
dermiformes siègent en regard des articulations, la fibrose avec tuméfaction cutanée profonde et siège préférentiel-
peut engainer les ligaments et aboutir à des rétractions ten- lement sur les membres (fig. 4.10), mais épargne les mains
dineuses avec une limitation des mouvements articulaires et les pieds. Histologiquement, il existe un épaississement
et des positions vicieuses à type de flessum des coudes et fibreux des septa interlobulaires, une fibrose et un infiltrat
des pieds. Des GVH sclérodermiformes bulleuses ou très in- inflammatoire du fascia, voire du muscle sous-jacent. Le
4-8 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques
Médicaments, toxiques et syndrome sclérodermiforme
Médicaments
− Agents anticancéreux
• Bléomycine ²⁴
• Taxanes
◦ Docétaxel ²⁵
◦ Paclitaxel-paraplatine ²⁶
• Gemcitabine ²⁷,²⁸
• Tegafur et 5-fluorouracile ²⁹
• Doxorubicine-cyclophosphamide ³⁰
− Anorexigènes ²⁴

Coll. D. Bessis
− Méthysergide ³¹
− Carbidopa et 5-hydroxytryptophane ³²
Fig. 4.10 Œdème diffus, inflammatoire et induré des membres − Sotalol et iode radioactif ³³
inférieurs au cours d’une fasciite liée à une réaction cutanée chronique Toxiques ³⁴,³⁵
du greffon contre l’hôte chronique − Silice
− Solvants (solvants chlorés, hydrocarbures aromatiques)
traitement repose sur les immunosuppresseurs par voie gé- − Chlorure de vinyle
nérale, la photophérèse extracorporelle, la photothérapie
− Résines époxy
et les rétinoïdes par voie générale.
− Huile toxique espagnole (huile de colza dénaturée)
Syndromes sclérodermiformes médicamenteux et toxiques − L-tryptophane
Les syndromes sclérodermiformes cutanés induits par les 4.B
substances sont fréquemment publiés dans la littérature,
mais regroupe en fait des situations variées et discutables jambes suivie d’une régression partielle des symptômes à
en terme d’imputabilité (absence fréquente de régression à l’arrêt du traitement inducteur. Cette localisation exclusive
l’arrêt de la substance) et de regroupement nosologique ²⁴. aux membres inférieurs laisse supposer un rôle toxique di-
Ainsi le terme de sclérodermie peut dénommer des lé- rect et locorégional induit par la substance, ses métabolites
sions cutanées de type morphée, des scléroses cutanées ou son véhicule au niveau du tissu cutané profond.
au site d’injection (cf. § « Syndromes sclérodermiformes
localisés ») ou d’authentiques sclérodermies diffuses systé- Syndromes sclérodermiformes localisés
miques. Bon nombre de ces observations sont insuffisam-
ment documentées pour conclure à la responsabilité de la Syndromes sclérodermiformes iatrogènes
molécule plutôt qu’à un simple rôle révélateur d’une scléro- Des réactions cutanées sclérodermiformes peuvent s’obser-
dermie systémique. Les principaux agents médicamenteux ver après administration parentérale de vitamine K, B 12,
ou toxiques incriminés sont indiqués dans l’encadré 4.B. pentazocine et progestatifs retard. Le tableau clinique le
Les syndromes sclérodermiformes induits par la bléomy- plus caractéristique est celui de l’hypodermite sclérodermi-
cine, seule ou associée à la radiothérapie, s’observent au- forme lombofessière après injection intramusculaire de vi-
dessus d’une dose cumulative moyenne du produit de tamine K (syndrome de Texier). Quelques jours à quelques
165 mg (90-180 mg). L’induration cutanée s’associe le plus
souvent à un érythème, une infiltration et une hyperpig-
mentation, et est généralement limitée aux membres avec
une nette prédominance acrale, sans atteinte viscérale. Un
phénomène de Raynaud peut être présent et la présence
d’anticorps antinucléaires est possible. L’amélioration ou
la résolution des symptômes est classiquement observée
quelques mois après l’arrêt du traitement. La bléomycine
augmenterait la synthèse fibroblastique cutanée et pulmo-
naire du collagène, in vivo et in vitro.
Plusieurs observations de syndromes sclérodermiformes
des membres inférieurs, similaires par leur présentation
clinique, sont rapportées avec le docétaxel ²⁵ et la gemci-
Coll. D. Bessis

tabine ²⁷,²⁸. Les lésions localisées aux membres inférieurs


débutent par une phase œdémateuse, indurée et inflam-
matoire, parfois pseudo-érysipéloïde (fig. 4.11), pour laisser
la place à une sclérose engainante et hyperpigmentée des Fig. 4.11 Fasciite des membres inférieurs induite par la gemcitabine
Syndromes sclérodermiformes localisés 4-9

Coll. Pr A. Claudy, Lyon


Fig. 4.12 Placard sclérodermiforme lombo-fessier après injection
intramusculaire de vitamine K 1

mois après l’injection se développe une large plaque éry-


thémateuse, souvent prurigineuse puis pigmentée et sclé-
rodermiforme en regard du site d’injection (fig. 4.12) ³⁶. L’in-
terrogatoire et le siège des lésions permettent aisément le
diagnostic. Diverses réactions cutanées sclérodermiformes,
le plus souvent à type de plaques de morphée, ont été éga-

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier


lement rapportées après éveinage saphène interne ³⁷, sur
site de radiothérapie ou après traumatisme.

Lipodermatosclérose (panniculite sclérosante, panniculite de stase,


hypodermite sclérodermiforme)
Cette affection touche la femme d’âge moyen ou âgée, Fig. 4.13 Guêtre sclérodermiforme au cours de la lipodermatosclérose
obèse, aux antécédents de maladie veineuse des membres
inférieurs, le plus souvent d’origine variqueuse, parfois hétérogène constituent des signes classiquement associés.
post-phlébitique. Cliniquement, il existe un érythème in- Un état sclérodermiforme à type de morphées multiples et
duré, douloureux initial qui laisse place à une guêtre scléro- situé avec prédilection sur les zones photo-exposées (cou,
dermiforme des membres inférieurs, essentiellement des décolleté, visage) et le cuir chevelu est rapporté chez près
jambes (fig. 4.13) ³⁸,³⁹. L’histologie cutanée, rarement néces- de 20 % des patients. Ces lésions sont exceptionnellement
saire, met en évidence une panniculite lobulaire avec dé- au premier plan et s’observent après une longue durée d’évo-
générescence adipeuse membrano-kystique associée à des lution de la maladie. Elles se caractérisent par des plaques
degrés variables à une fibrose septale et une prolifération indurées, jaune pâle, hypopigmentées, entourées d’un halo
vasculaire du derme et de l’hypoderme. atrophique et hyperpigmenté plus que d’un authentique
lilas ring. Le respect des mamelons en cas d’atteinte du tho-
Syndrome carcinoïde rax semble classique ⁴¹. L’atteinte du cuir chevelu est res-
Le syndrome sclérodermiforme est une manifestation rare ponsable d’une alopécie cicatricielle lentement progressive
et tardive du syndrome carcinoïde malin. Il se différencie des aires fronto-pariétales et occipitales (fig. 4.14) ⁴². Cette at-
de la sclérodermie systémique par l’absence de syndrome teinte se complique parfois de calcifications dystrophiques
de Raynaud, la topographie acrale et prédominante aux ou d’ulcérations. La possibilité de l’association d’une PCT
membres inférieurs des lésions et l’absence d’atteinte vis- avec une authentique sclérodermie systémique, exception-
cérale associée, à l’exception de l’atteinte cardiaque liée au nelle mais peut être non fortuite, ne doit pas prêter à confu-
syndrome carcinoïde ⁴⁰. Sa survenue constitue un facteur sion ⁴³. Les lésions cutanées sclérodermiformes de la PCT
de pronostic défavorable. s’améliorent avec le traitement de fond de la maladie.

Porphyrie cutanée tardive Syndromes sclérodermiformes des mains


Les signes cliniques de la porphyrie cutanée tardive (PCT) De nombreuses étiologies d’atteintes sclérodermiformes
se caractérisent par une photosensibilité et une fragilité exclusives ou prédominantes aux mains, congénitales ou
cutanée à l’origine de lésions vésiculo-bulleuses intéressant acquises, peuvent prêter à confusion avec une forme lo-
avec prédilection le dos des mains et le visage. Une hyper- calisée acrale de sclérodermie systémique ⁴⁴. L’absence de
trichose temporomalaire, une hyperpigmentation cutanée syndrome de Raynaud ou d’anomalie dysimmunitaire bio-
4-10 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques

Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier


Fig. 4.14 Lésions sclérodermiformes de type morphée au cours d’une
porphyrie cutanée tardive Fig. 4.15 Syndrome sclérodermiforme des mains chez le patient
diabétique
logique et le contexte de survenue ne posent généralement
pas de problème de diagnostic différentiel. vient plusieurs années après la contamination et évolue
La cheiroarthropathie diabétique s’observe chez les pa- en deux phases. La phase initiale infiltrative est caracté-
tients diabétiques de type 1 ou 2 et comporte un épais- risée par un érythème violacé, œdémateux, mou, et mal
sissement cutané de la face dorsale des doigts responsable délimité. Il siège surtout en regard des surfaces d’extension
d’une limitation non douloureuse de l’extension des articu- des membres (dos des mains, coudes, chevilles ou genoux).
lations métacarpophalangiennes et/ou interphalangiennes L’érythème évolue ensuite vers une atrophie cutanée dé-
proximales (signe de la prière) et associé à un aspect micro- finitive. L’épiderme s’amincit, devient fripé et prend un
papuleux de la peau (« finger pebbles ») (fig. 4.15). aspect en « papier de cigarette », laissant apercevoir par
Les autres étiologies de syndrome sclérodermiforme des transparence le réseau vasculaire et de fréquentes télangiec-
mains sont de reconnaissance aisée en présence de signes tasies. Dans 10 à 20 % des cas, la survenue d’une induration
associés ou d’un contexte héréditaire : syndrome du canal cutanée, de type morphée ou nodulaire, juxta-articulaire
carpien, polyarthrite rhumatoïde, « main mécanique » au (coudes, genoux) ou en bandes (tibiale, cubitale) pouvant
cours du syndrome des antisynthétases, ostéoarthropathie mimer une morphée profonde linéaire, peut être obser-
hypertrophiante pneumique, déformation familiale scléro- vée ⁴⁵. Le diagnostic est confirmé par le sérodiagnostic tou-
dermiforme des doigts et arthrogryphoses. jours très positif à ce stade. Le traitement antibiotique (pé-
nicilline ou ceftriaxone) peut permettre une amélioration
lente des lésions sclérodermiformes.
États pseudosclérodermiformes par induration
et/ou atrophie cutanée Hémiatrophie de Parry-Romberg
Elle se caractérise par le développement lentement progres-
Acrodermatite chronique atrophiante sif et limité d’une atrophie cutanée, musculaire et osseuse
Elle constitue la manifestation cutanée tardive de la bor- le plus souvent unilatérale et hémifaciale (fig. 4.16). Elle
réliose européenne et de la borréliose de Lyme. Elle sur- peut être précédée d’une induration cutanée, de troubles
Génodermatoses sclérodermiformes 4-11

Coll. Pr J.-L. Schmutz, Nancy


Coll. D. Bessis
Fig. 4.17 Œdème et épaississement palmaire au cours d’une fasciite
Fig. 4.16 Hémiatrophie faciale gauche au cours du syndrome de palmaire-arthrite
Parry-Romberg
Les principales néoplasies associées sont l’adénocarcinome
pigmentaires (hyper- ou hypopigmentation) et d’une alo- de l’ovaire (41 %) et du pancréas (14 %) ⁴⁷. Des observations
pécie cicatricielle. La différenciation avec une scléroder- ponctuelles de carcinomes pulmonaires, prostatiques, co-
mie linéaire en coup de sabre est délicate d’autant que les liques, tubaire utérin, d’hémopathies (leucémie lymphoïde
deux affections peuvent être associées. Les atteintes neu- chronique, maladie de Hodgkin) ont également été rappor-
rologiques (lésions infracliniques, migraines, crises convul- tées. Le pronostic est particulièrement péjoratif, cette af-
sives...) peuvent s’observer au cours des deux affections ⁴⁶. fection s’observant le plus souvent au stade métastatique
de la néoplasie.
Fasciite palmaire-arthrite
Ce syndrome proche de l’algodystrophie touche la femme Génodermatoses sclérodermiformes
âgée de plus de 55 ans dans environ trois cas sur quatre.
L’atteinte des mains est caractéristique, constante et bilaté- Les génodermatoses sclérodermiformes constituent des
rale. Elle débute par une raideur matinale, un œdème et un affections exceptionnelles, le plus souvent sporadiques et
épaississement du fascia, parfois nodulaire, responsable de reconnaissance habituellement aisée en raison du début
d’une induration et d’une rétraction en flexion irréductible précoce souvent néonatal des lésions (encadré 4.C). Cepen-
des doigts (fig. 4.17). Une arthrite métacarpophalangienne dant, dans certains cas comme au cours de la scléroatrophie
évoluant vers une capsulite rétractile est associée, aggra- d’Huriez ou du syndrome de Werner (progeria de l’adulte),
vant la déformation en griffe de la main. Une atteinte simi- leur diagnostic peut être initialement dermatologique et
laire plantaire est notée dans près de 25 % des cas. D’autres tardif à l’âge adulte. La reconnaissance de ces dernières af-
localisations articulaires avec capsulite rétractile peuvent fections est d’autant plus importante qu’elles comportent
être touchées : épaules, genoux, hanches. Les radiographies un risque de prédisposition aux cancers.
mettent le plus souvent en évidence une déminéralisation
osseuse modérée. La scintigraphie atteste l’existence de
foyers hyperfixants. La biologie est non contributive. L’exa-
men histologique cutané est peu spécifique avec des signes Principales génodermatoses sclérodermiformes
de fibrose du derme et du fascia, et, dans quelques cas, une À révélation néonatale ou infantile précoce
vascularite avec dépôts d’immunoglobulines et de C3 au − Progeria ou syndrome progéroïde Hutchinson-Gilford
niveau des tissus sous-cutanés et de la synoviale. Le diag-
− Acrogeria type Gottron/métageria
nostic différentiel se pose avec :
− la sclérodermie systémique, mais le syndrome de Ray- − Stiff skin syndrome
naud, les modifications capillaroscopiques et les ano- − Poïkilodermie sclérosante héréditaire de Weary
malies immunologiques (auto-anticorps) sont habituel- − Phénylcétonurie
lement absentes ; − Mucolipidose IIIA (polydystrophie de type Pseudo-Hurler)
− les algodystrophies diffuses, d’autant que des associa- − Dermopathie restrictive
tions à des néoplasies ont été rapportées. Cette parenté
À révélation parfois tardive à l’âge adulte
clinique a fait discuter par certains auteurs l’individua-
lité clinique de ce syndrome, mais le caractère particu- − Progeria de l’adulte (syndrome de Werner)
lièrement sévère et diffus de la fasciite palmaire semble − Scléroatrophie d’Huriez
plaider pour une entité distincte. 4.C
4-12 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Fig. 4.19 Stries longitudinales et hypoplasie de la tablette de l’ongle
(Michot C, Girard C, Guillot B, Bessis D. [Huriez syndrome]. Ann Dermatol
Fig. 4.18 Sclérodermie d’Huriez : sclérodactylie et atrophie des Venereol 2005 ; 132:727)
éminences thénard et hypothénard (Michot C, Girard C, Guillot B, Bessis
D. [Huriez syndrome]. Ann Dermatol Venereol 2005 ; 132:727) et plus rarement insuffisance surrénale. L’atteinte musculo-
squelettique se caractérise par une fonte musculaire, une
Syndromes de vieillissement prématuré ostéoporose (60 %) et des complications orthopédiques des
Syndrome de Werner (SW) (progeria de l’adulte, pange- membres inférieurs à l’origine de déformations articulaires
ria) Le syndrome de Werner (OMIM 277700) est une (orteils, chevilles, doigts), d’hallux valgus, de calcifications
maladie rare de transmission autosomique récessive liée à ligamentaires, tendineuses et des tissus mous ainsi que d’os-
une mutation du gène WRN, codant pour la protéine WRN téomyélites. La cataracte bilatérale précoce sous-capsulaire
de la famille des RecQ helicases, impliquée dans la répa- postérieure (92 % des cas) constitue une des premières ma-
ration des dommages structuraux de l’ADN liés au stress nifestations viscérales de la maladie. Une voix haut perchée
oxydatif (système d’excision-réparation) et dans le métabo- par atrophie des cordes vocales et une hypoacousie peuvent
lisme des télomères. Des mutations du gène LMNA codant compléter le tableau. Le SW est associé à un risque élevé
pour les lamines A et C ont été mises en évidence chez une de cancer. Le risque de développer une tumeur mésenchy-
minorité de patients atteints de SW ⁴⁸. mateuse ou épithéliale est estimé 10 fois supérieur à celui
Une petite taille (en moyenne 1,46 m pour les femmes et de la population générale. Entre 10 à 20 % des patients
1,57 m pour les hommes) et un faible poids (respective- caucasiens développeraient un cancer. Les sarcomes des tis-
ment 40 et 45 kg) sont les premières manifestations cli- sus mous, les ostéosarcomes, les hémopathies de la lignée
niques. Le diagnostic est évoqué le plus souvent à partir myéloïde, les méningiomes bénins, les carcinomes de la
de 20-25 ans devant l’apparition de signes cutanés progé- thyroïde et les mélanomes, les carcinomes basocellulaires
roïdes : grisonnement prématuré des cheveux (canitie pré- et épidermoïdes figurent parmi les cancers dont l’incidence
coce), alopécie, dépilation diffuse (sourcils, cils, pilosité est augmentée. L’élévation de l’acide hyaluronique urinaire
axillaire et pubienne), sclérose cutanée et sclérodactylie, est un bon marqueur diagnostique biologique du SW. Le dé-
atrophie des tissus sous-cutanés et musculaires du visage cès survient habituellement entre 40 et 50 ans et est secon-
et des extrémités. Les autres signes cutanés rapportés com- daire aux complications cardio-vasculaires (accidents vas-
prennent des ulcères chroniques des membres inférieurs, culaires coronariens ou cérébraux) ou au développement
des hyperkératoses ulcérées en regard des articulations d’une tumeur maligne.
et de la plante des pieds et des troubles pigmentaires en Progeria ou syndrome progéroïde de Hutchinson-Gilford
« motte ». Le visage adulte a un aspect caractéristique en Il s’agit d’une affection extrêmement rare, caractérisée par
« tête d’oiseau » (bird-like facies) en raison d’un nez fin et un vieillissement prématuré de début post-natal. La plu-
crochu et des yeux protubérants par lipoatrophie périorbi- part des observations sont sporadiques, en rapport à une
taire. Les signes de sénescence viscérale font toute la gra- mutation de novo tronquante dominante et récurrente du
vité de cette maladie ⁴⁹,⁵⁰. L’atteinte cardio-vasculaire est gène LMNA qui code pour la lamine A. La progeria débute
la principale cause de décès chez les patients caucasiens. durant les deux premières années de vie et se caractérise
Elle est liée au développement prématuré d’une athérosclé- par un retard de croissance sévère, une petite taille avec
rose diffuse et de calcifications atteignant les coronaires dysmorphie faciale, une alopécie, une peau fine, une hy-
et les artères de gros calibres, responsables d’infarctus du poplasie des ongles, une absence de graisse sous-cutanée
myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux. Une atteinte et une ostéolyse. Une atteinte sclérodermiforme cutanée
endocrinienne peut être associée : hyperlipidémie, hypogo- des membres inférieurs et du dos des mains est également
nadisme (80 %), insulino-résistance (quasi constante) pou- rapportée, mais il s’agit le plus souvent d’une atrophie cu-
vant se compliquer de diabète (70 %), hypothyroïdie (15 %) tanée profonde et musculaire sans sclérose ⁵¹. Le décès est
Références 4-13

précoce dans un contexte d’athérosclérose, de maladie cé- 2. kératodermie palmoplantaire diffuse, avec des accen-
rébrovasculaire ou de dénutrition. tuations focales donnant un aspect pavimenteux aux
Acrogeria type Gottron/métagéria Ces affections sont zones de pression, bien limitée aux paumes et aux
à l’origine d’une atrophie cutanée congénitale acrale et iso- plantes, sans bordure érythémateuse ;
lée des mains et des pieds mais également d’hématomes 3. anomalies des ongles, à type de déformation en verre de
spontanés, de cicatrices et d’une visualisation anormale de montre, stries longitudinales et transversales, fissures,
la circulation cutanée en particulier du tronc ⁵⁰. encoches en « V » (fig. 4.19), voire hyploplasie ou aplasie.
Une hyperhidrose est présente dans un cas sur deux. La
Scléroatrophie d’Huriez triade clinique est présente dès la naissance, s’accentue pro-
Cette génodermatose (OMIM 181600) rare et de transmis- gressivement pendant l’enfance pour se stabiliser par la
sion autosomique dominante a été décrite en 1968 par suite. Le risque ultérieur de développement de carcinomes
Huriez et Ménnecier dans deux grandes familles du nord épidermoïdes est estimé à 15 %. Ceux-ci se développent
de la France sous l’appellation de « génodermatose scléroa- sur la peau atrophique des paumes et des doigts et peuvent
trophique et kératodermique des extrémités ». Depuis de être multiples chez un même individu. Leur survenue est
nombreuses autres atteintes familiales ont été décrites. Ce précoce, en moyenne au cours de la quatrième decennie.
syndrome d’expression clinique variable est caractérisé par Ils sont souvent agressifs, histologiquement peu différen-
une triade clinique ⁵²,⁵³ : ciés, occasionnant un taux élevé de métastases et une mor-
1. scléroatrophie acrale, plus marquée aux mains qu’aux talité élevée (15 %). Les mécanismes de la tumorigenèse
pieds, caractérisée par une sclérodactylie et une atro- sont actuellement inconnus. En l’absence de thérapeutique
phie des éminences thénard et hypothénard, une accen- reconnue comme efficace, une photoprotection et une sur-
tuation des plis palmaires contrastant avec une dispari- veillance clinique régulière sont nécessaires avec l’exérèse
tion des dermatoglyphes (fig. 4.18) ; systématique de toute lésion suspecte.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D. Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine,
vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 4.1-4.14.
5
Dermatomyosite
Camille Francès

Épidémiologie — Critères diagnostiques 5-1 Dermatomyosites amyopathiques 5-10


Classifications des lésions cutanées 5-1 Dermatomyosites juvéniles 5-10
Lésions cutanées spécifiques de dermatomyosite 5-2 Dermatomyosite et cancers 5-10
Clinique 5-2 Dermatomyosites associées à d’autres maladies auto-immunes
Anatomopathologie 5-3 5-11
Traitement 5-4 Dermatomyosite et médicaments 5-11
Lésions vasculaires 5-4 Auto-anticorps 5-11
Autres lésions cutanées 5-4 Physiopathogénie 5-11
Manifestations musculaires 5-6 Pronostic 5-12
Clinique 5-6 Traitement 5-13
Biologie et autres examens complémentaires 5-7 Corticothérapie générale 5-13
Autres manifestations 5-8 Immunosuppresseurs 5-13
Manifestations articulaires 5-8 Immunoglobulines intraveineuses 5-13
Manifestations cardiaques 5-9 Traitements symptomatiques 5-13
Manifestations pulmonaires 5-9 Références 5-14
Autres manifestations cliniques 5-10
Formes cliniques 5-10

magnétique nucléaire (IRM) musculaire. De plus, ils ne per-


L a dermatomyosite (DM) est une myopathie inflamma-
toire primitive associant une atteinte cutanée et une
atteinte inflammatoire des muscles striés, prédominant
mettent pas en règle de discriminer les nouvelles myopa-
thies inflammatoires récemment décrites (myosite à inclu-
aux racines. Elle constitue l’une des trois principales myo- sion sporadique primitive, myofasciite à macrophages...).
pathies primitives avec les polymyosites et les myosites à Ils conservent cependant l’avantage de leur simplicité (par
inclusion, ces dernières n’étant pas associées à la présence exemple pour des études rétrospectives) par rapport aux
de signes cutanés (encadré 5.A). critères diagnostiques élaborés par Mastiglia et al. ³ et plus
récemment par les experts de l’ENC (European Neuromuscu-
Épidémiologie — Critères diagnostiques lar Centre) ⁴.

La DM est une maladie rare, affectant tous les groupes Classifications des lésions cutanées
ethniques. Son incidence est estimée entre 5 à 10 nou-
veaux cas par million d’habitants chez l’adulte et 1 à 3 cas Les lésions cutanées caractérisent la dermatomyosite. Leur
par million d’habitants chez l’enfant ¹. Il existe une pré- reconnaissance est essentielle car elles précèdent les mani-
dominance féminine : sex-ratio F/H de 2/1 chez l’adulte festations musculaires dans plus d’un cas sur deux, le plus
et de 5/1 chez l’enfant. Cette affection peut survenir à souvent de trois à six mois mais parfois de plusieurs années.
n’importe quel âge avec deux pics de fréquence : l’adulte Parfois typiques et permettant un diagnostic au premier
entre 40 et 60 ans, et l’enfant entre 5 et 14 ans. Des cri- coup d’œil pour le clinicien éclairé, les lésions cutanées de
tères diagnostiques ont été définis en 1975 ² par Bohan et DM sont parfois difficiles à distinguer de celles des autres
Peter (encadré 5.B) et sont encore largement utilisés en rai- connectivites, en particulier du lupus érythémateux.
son de leur sensibilité (plus de 90 %) et de leur spécificité Schématiquement, on peut distinguer les lésions cutanées
(90 %). Ils n’intègrent cependant pas les formes amyopa- « spécifiques », c’est-à-dire caractérisées histologiquement
thiques de DM, la présence d’auto-anticorps spécifiques par une dermite de l’interface derme-épiderme, des lésions
ou les données éventuelles de l’imagerie par résonance « non spécifiques » vasculaires ou non (encadré 5.C).
5-2 Dermatomyosite
Classification des myopathies inflammatoires primitives Critères diagnostiques de la DM selon Bohan et Peter 2
Dermatomyosite (DM) • Déficit musculaire proximal avec ou sans dysphagie, avec ou sans
− Forme de l’adulte atteinte des muscles respiratoires
 DM classique • Élévation des enzymes musculaires
− DM isolée • Biopsie musculaire compatible : nécrose des fibres musculaires,
− DM associée au cancer infiltrat mononucléé
− DM associée à une autre maladie auto-immune (lupus, • Électromyogramme : potentiels d’unité motrice courts et poly-
sclérodermie...) phasiques, fibrillations et décharges répétées à haute fréquence
 DM amyopathique • Atteinte cutanée typique
− Forme juvénile Diagnostic de dermatomyosite :
 DM classique • Certain si atteinte cutanée et 3 autres critères
 DM amyopathique • Probable si atteinte cutanée et 2 autres critères
Polymyosite • Possible si atteinte cutanée et 1 autre critère
Myosite à inclusions
5.B
Autres sous-groupes de myosites
− Myosite nodulaire focale
− Myosite proliférative
− Myosite orbitaire
− Myosite à éosinophiles
− Myosite granulomateuse
− Myofasciite à macrophages
− Myopathie nécrosante dysimmunitaire
5.A

Lésions cutanées spécifiques de

Coll. D. Bessis
dermatomyosite ⁵,⁶
Clinique
Au visage, l’érythème œdémateux, rose violacé, des pau- Fig. 5.1 Érythème œdémateux, rosé et finement squameux des
pières en « lunette » est caractéristique et observé dans paupières, caractéristique de la dermatomyosite
30 à 60 % des cas (fig. 5.1). Il prédomine sur les paupières
supérieures (érythème héliotrope) et peut s’étendre jus- déprimé, atrophique à centre blanc porcelainé et télangiec-
qu’à leurs bords libres. Il peut toucher également les joues tasique (fig. 5.3). Une atteinte maculeuse en regard des plis
(éminences malaires), le nez en respectant la pointe et la palmaires des doigts est un signe rare mais très caracté-
crête, le front, les tempes et les oreilles. Le pourtour des ristique, pouvant être secondaire à une mucinose cutanée.
lèvres et les sillons nasogéniens sont classiquement épar- Ainsi, les lésions cutanées de DM des mains diffèrent de
gnés. L’œdème associé est élastique et ne prend pas le godet. celles observées au cours du lupus érythémateux où elles
Son intensité est variable, parfois à l’origine d’une sensa- prédominent sur les zones interarticulaires dorsales ou pal-
tion de tension et pouvant masquer l’érythème. Il peut maires des doigts et sur les pulpes (fig. 5.4).
constituer le signe clinique prédominant ou exclusif au vi- Des macules érythémateuses et violacées étendues et symé-
sage chez le patient d’origine africaine. triques sont fréquentes au cours de la DM. Elles peuvent
Sur le dos des mains, l’atteinte cutanée est marquée par des intéresser le décolleté (en V) (fig. 5.5). En l’absence d’atteinte
macules érythémateuses et plus ou moins squameuses, dis- œdémateuse nette des paupières, ces lésions peuvent évo-
posées en bandes le long des gaines des tendons extenseurs, quer une photodermatose, une dermite de contact ou un
et se renforçant transversalement sur les faces dorsales et lupus érythémateux. De même, le caractère parfois squa-
latérales des articulations métacarpophalangiennes et in- meux des macules du visage, des mains ou du cuir chevelu
terphalangiennes (signe de Gottron) (fig. 5.2). Une atteinte (avec ou sans alopécie associée) peuvent rendre le diagnos-
cutanée similaire est fréquente sur la face d’extension des tic hésitant avec le lupus érythémateux ou une dermite
coudes, des genoux, plus rarement sur les maléoles. Cet séborrhéique. Une atteinte maculeuse, en nappe, de la face
érythème s’associe fréquemment aux mains à des papules postérieure du cou, de la partie haute des épaules et de la ra-
plates, infiltrées et violines (papules de Gottron) considé- cine des membres supérieurs constitue le signe du « châle »
rées comme pathognomoniques et situées en regard du dos (shawl sign) (fig. 5.6). Au niveau de cette localisation, les ma-
des articulations des doigts et sur le pourtour unguéal. Ces cules peuvent rarement adopter une disposition linéaire
papules peuvent parfois évoluer en prenant un caractère à type d’érythème flagellé, spécifique de la DM ⁷ (fig. 5.7).
Lésions cutanées spécifiques de dermatomyosite 5-3

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 5.2 Signe de Gottron de la dermatomyosite : macules rouge
violine du dos des mains, disposées en bandes en regard des tendons Fig. 5.3 Papules de Gottron au cours d’une dermatomyosite juvénile.
extenseurs se renforçant en regard des articulations interphalangiennes Ces papules à caractère atrophique, déprimées en leur centre et de couleur
et métacarpophalangiennes blanc porcelainé sont disposées en regard des faces articulaires d’extension
du dos des mains
L’atteinte bilatérale et symétrique des faces latérales des
cuisses (en regard des grands trochanters) et des hanches, douloureux touchant avec prédilection les bras, les fesses,
souvent de disposition réticulée, constitue un autre signe les cuisses et l’abdomen ¹². La survenue de ces lésions est
clinique évocateur (holster sign pour le signe de l’« étui de variable, pouvant précéder les premiers symptômes de la
révolver ») (fig. 5.8). DM ou apparaître de façon concommitante ou tardive au
Les lésions poïkilodermiques associent un érythème, des té- cours de la maladie. Histologiquement, il existe constam-
langiectasies, des troubles pigmentaires à type d’hypo- ou ment une hypodermite lobulaire composée d’un infiltrat
d’hyperpigmentation et une atrophie (fig. 5.9). Elles se loca- lymphocytaire et plasmocytaire accompagné d’une dermite
lisent avec prédilection sur la partie haute du tronc (épaules, vacuolaire de l’interface et parfois de lésions membranokys-
haut du dos, décolleté antérieur) et des fesses, sont fré- tiques.
quemment disposées de façon asymétrique, et résultent Les atteintes muqueuses buccales à type d’érythème rouge
le plus souvent d’une évolution chronique des macules vif vernissé parfois accompagnées d’érosions ou génitales
violacées spontanée ou après traitement. Elles peuvent sont rares.
constituer la présentation clinique principale de l’affection
(poïkilodermatomyosite). Dans ce cas, le diagnostic pourra Anatomopathologie
être discuté avec une radiodermite, un lymphome cutané T L’aspect histologique des lésions de dermatomyosite n’est
épidermotrope (mycosis fungoïde), plus rarement un lu- pas spécifique et peut s’observer au cours des lésions cuta-
pus érythémateux ou des maladies héréditaires (poïkiloder- nées lupiques : hyperkératose, atrophie épidermique, der-
mies congénitales). mite d’interface avec une vacuolisation de l’assise basale,
Des lésions vésiculo-bulleuses, ulcérées ou nécrotiques, un œdème dermique superficiel et des dilatations des ca-
peuvent être observées, mais leur mécanisme est souvent pillaires, une incontinence pigmentaire et parfois dépôts
non univoque. Histologiquement, elles associent à des de- de mucine ¹³ (fig. 5.10). L’infiltrat inflammatoire, périvas-
grés variables une dermite d’interface sévère et une vascu- culaire, est surtout composé de lymphocytes CD4 +, ac-
larite. Statistiquement, ces formes seraient plus souvent tivés et polynucléaires neutrophiles ¹⁴. Une turgescence
associées à une néoplasie ⁸,⁹. Dans une étude regroupant de l’endothélium vasculaire, des dilatations vasculaires et
4 séries de la littérature et colligeant 101 malades atteints des dépôts de fibrine dans la paroi vasculaire sont sou-
de DM dont 36 associés à un cancer (35,6 %), la valeur pré- vent présents. La présence d’une vascularite leucocytocla-
dictive d’une nécrose cutanée pour l’association à un cancer sique augmenterait le risque d’association avec une néo-
a été évaluée à 81 % (sensibilité de 58,3 % ; spécificité de plasie sur une petite série : 4 cancers chez 5 malades avec
92,3 %) ¹⁰. vascularite versus 3 cancers/18 sans vascularite ¹⁵. La po-
L’érythrodermie, définie par un érythème généralisé, squa- sitivité de l’immunofluorescence directe en peau lésion-
meux et œdémateux, associé à un retentissement sur l’état nelle est statistiquement un critère distinctif de la DM
général, des troubles de la thermorégulation et une lym- par rapport au lupus érythémateux. En effet, des dépôts
phadénopathie dermopathique, est une forme clinique ex- de C3 ou d’immunoglobulines G le long de la jonction
ceptionnelle de dermatomyosite. Le faible nombre de cas dermoépidermique sont présents dans 90 % des cas de lu-
rapportés ne permet pas d’établir un risque accru de néo- pus aigus ou discoïde alors qu’ils ne sont retrouvés dans
plasie associée ou un pronostic péjoratif ¹¹. notre expérience que dans 10 à 20 % des lésions de der-
Les lésions de panniculite sont exceptionnelles. Elles se matomyosite. La présence du complexe membranaire d’at-
caractérisent par des nodules cutanés profonds, indurés et taque C5b-9 le long de la jonction dermoépidermique ou
5-4 Dermatomyosite

Manifestations cutanées de la dermatomyosite nécessitant pas de corticothérapie générale ou d’immuno-


suppresseurs, mais son efficacité est décevante.
Lésions spécifiques
Une photoprotection vestimentaire et des photoprotec-
• Papules de Gottron (pathognomonique) (70 %) teurs externes sont systématiquement prescrits du fait
• Érythème violacé des paupières (héliotrope) avec ou sans œdème de la photosensibilité possible des lésions. Les dermocorti-
(très caractéristique) (30 à 60 %) coïdes en application quotidienne peuvent constituer un
• Macules érythémateuses et violacées symétriques des faces d’ex- traitement d’appoint en cas de lésions limitées et peu af-
tension des mains (signe de Gottron) (70 %), du décolleté (en V), fichantes ¹⁸-¹⁹. Ils sont à éviter sur le visage en raison du
des épaules (signe du châle) et des faces externes des cuisses et risque accru de complications (atrophie cutanée, rosacée
cortico-induite). Les applications biquotidiennes de tacroli-
des hanches (caractéristique)
mus pommade à 0,1 % pendant 6 à 8 semaines peuvent
• Poïkilodermie (partie haute du thorax, poïkilodermatomyosite) améliorer les lésions à des degrés d’efficacité variable ²⁰.
(rare) L’hydroxychloroquine est généralement prescrite en pre-
• Érythème flagellé centripète (caractéristique, rare) mière intention, seule ou associée aux dermocorticoïdes,
• Panniculite (rare) à la dose de 200 à 400 mg/j, mais son efficacité est très
Lésions vasculaires inconstante ¹⁸. La chloroquine a également été utilisée à
la dose de 100 à 250 mg/j ¹⁹. Les associations d’antipalu-
• Érythème périunguéal, télangiectasies et épaississement doulou-
déens de synthèse (chloroquine ou hydroxychloroquine
reux de la cuticule (signe de la manucure) (caractéristique) avec la quinacrine) pourraient être plus efficaces ²⁰ mais
• Nécroses cutanées la quinacrine n’est disponible qu’en pharmacie hospitalière
• Vasculite (10 %, surtout DM juvénile et paranéoplasique) en France. La dapsone, le mycophénolate mofétil ²² et le mé-
• Syndrome de Raynaud (10 à 15 %) thotrexate à faible dose sont des alternatives en cas d’échec
• Télangiectasies gingivales (rare, surtout DM juvénile) des précédents traitements. Le thalidomide est inefficace.
• Livédo (rare) Les gammaglobulines intraveineuses à fortes doses sont,
dans notre expérience, le traitement le plus souvent effi-
Autres lésions cutanées
cace mais leur coût en limite l’utilisation.
• Fréquentes
− Prurit (plus de 30 %)
Lésions vasculaires
− Photosensibilité (20 %)
− Calcinose cutanée (30 à 50 % des DM juvéniles) L’érythème congestif, bien limité, de la sertissure des
• Rares ongles des mains et parfois des pieds est très évocateur,
− Main mécanique (caractéristique, surtout syndrome des an- témoignant de l’atteinte vasculaire. Le repli unguéal est
douloureux à la pression ou au refoulement des cuticules
tisynthétases)
(signe de la manucure). Il s’associe à un épaississement de
− Papules folliculaires et kératosiques (type Wong) la cuticule parfois hémorragique et à des mégacapillaires
− Alopécie non cicatricielle souvent visibles à l’œil nu (fig. 5.11). Un aspect similaire est
− Hypertrichose infrapatellaire (surtout DM juvénile) parfois observé au cours du lupus.
− Érythrodermie Un syndrome de Raynaud, en règle modéré, est présent
− Mucinose secondaire dans 10 à 15 % des DM de l’adulte, pouvant précéder la
maladie de plusieurs années. Il est en revanche rare chez
− Ulcération cutanée sans vasculite
l’enfant.
− Ichtyose acquise Les vascularites ou les thromboses cutanées sans lésion
− Œdèmes segmentaires de DM en regard sont principalement rapportées dans les
5.C formes associées à une autre connectivite ou à une néopla-
sie.
de la paroi des vaisseaux a été mis en évidence au cours de
la DM ¹⁶,¹⁷. Autres lésions cutanées
Traitement Le prurit est un signe sous-estimé de la DM, parfois as-
Les lésions dermatologiques ne justifient pas d’un traite- socié à des excoriations cutanées secondaires. Sa présence
ment spécifique car elles disparaissent avec le traitement de constitue un marqueur utile de différenciation avec le lupus
l’atteinte musculaire. En général, cette régression est gros- érythémateux au cours duquel il est rarement observé ²³.
sièrement parallèle à celle de l’atteinte musculaire. En re- Par ailleurs, il pourrait constituer un facteur prédictif d’as-
vanche, un traitement dermatologique est préconisé dans sociation à une néoplasie.
les formes amyopathiques primitives ou les rares formes Une photosensibilité est présente dans plus d’un tiers des
cutanées résiduelles ou récidivantes sur un plan cutané cas avec une réduction de la dose érythémateuse minimale
isolé et sans atteinte clinique musculaire. Il est analogue aux ultraviolets B dont la longueur d’ondes varie entre
au traitement de première intention du lupus cutané, ne 480 et 320 nm ²⁴.
Autres lésions cutanées 5-5

%FSNBUPNZPTJUF

-VQVTÏSZUIÏNBUFVY

Coll. D. Bessis
Fig. 5.4 Atteinte comparative des mains au cours de la dermatomyosite et du lupus érythémateux. À l’opposé de la dermatomyosite, les lésions cutanées
lupiques prédominent sur les zones interarticulaires dorsales ou palmaires des doigts et sur les pulpes

Tableau 5.1 Caractéristiques cliniques du syndrome


des antisynthétases ²⁷
Malades
Sex-ratio F/H 1,4 à 2,7
Âge moyen au moment du diagnostic 41 à 45 ans

Manifestations cliniques
Atteinte cutanée des mains 71 %
de type dermite irritative mécanique
Phénomène de Raynaud 62 à 93 %
Fièvre 87 %
Myalgies 84 %
Coll. D. Bessis

Déficit musculaire 4%
Arthralgies 90 à 94 %
Fig. 5.5 Érythème en « V » préthoracique au cours de la dermatomyosite Dyspnée 94 %
Atteinte pulmonaire interstitielle 79 à 89 %
La dermatomyosite de type Wong se caractérise par des Syndrome sec 50 à 59 %
papules érythémateuses, kératosiques et folliculaires sur-
venant aux extrémités et sur les surfaces d’extension des
membres, parfois associée à une kératodermie palmaire, laire surmontant une myosite du muscle piloarrecteur ²⁵,²⁶.
voire plus rarement généralisée (fig. 5.12). Elle a été rappor- La main mécanique (terme anglo-saxon) désigne un aspect
tée chez l’adulte et l’enfant, avec une fréquence supérieure de dermite irritative des mains marquée par une hyperké-
chez le sujet d’origine eurasienne. La présentation clinique ratose fissuraire des doigts, parfois des paumes, bilatérale,
est proche du pityriasis rubrapilaire mais s’en distingue his- confluente et symétrique (fig. 5.13). Elle peut s’intégrer dans
tologiquement par la présence d’une hyperkératose follicu- le syndrome des antisynthétases ²⁷. Les caractéristiques cli-
5-6 Dermatomyosite

Coll. D. Bessis

Fig. 5.6 Érythème diffus du dos et des épaules (signe du châle) au cours
de la dermatomyosite

Coll. D. Bessis
niques et immunologiques de ce syndrome sont résumées
dans le tableau 5.1.
La discrétion de l’atteinte musculaire ne doit pas conduire Fig. 5.7 Macules érythémateuses de disposition linéaire (érythème
à sous-estimer la gravité, en particulier le risque de fibrose flagellé) de la racine du membre supérieur : un signe très spécifique, rare
pulmonaire et une mortalité de 21 % à 5 ans. mais sous-estimé au cours de la dermatomyosite
Une mucinose en plaques ou sous la forme d’un scléro-
myxœdème est rarement rapportée. Elle succède le plus Des œdèmes segmentaires mobiles plus ou moins sévères,
souvent aux manifestations musculaires et peut se tra- variables d’un jour à l’autre, parfois au premier rang du
duire cliniquement soit par des larges plaques infiltrées tableau dermatologique, peuvent accompagner l’atteinte
(fig. 5.14), soit par des lésions érythémateuses réticulées tho- musculaire sous-jacente.
raciques ²⁸.
Les calcifications cutanées sont plus fréquentes chez l’en- Manifestations musculaires
fant que chez l’adulte (30 à 70 % versus 10 %). Elles peuvent
être associées à des calcifications aponévrotiques et mus- Clinique
culaires. Elles touchent les régions périarticulaires proxi- Les manifestations musculaires peuvent être inaugurales
males des membres, les plis axillaires (fig. 5.15), les hanches, ou secondaires à l’atteinte cutanée. Le déficit moteur
les reliefs des coudes et des genoux. À l’inverse de la sclé- touche la musculature striée de manière bilatérale et sy-
rodermie, elles épargnent habituellement les régions para- métrique. Il s’agit d’un déficit de type myogène, non sélec-
articulaires distales des mains et les pulpes digitales. Elles tif, prédominant sur les muscles proximaux de la ceinture
occasionnent des douleurs et une gêne fonctionnelle par- scapulaire et pelvienne. Son intensité est variable, allant
fois majeure. Un traitement précoce et intensif de la der- d’une simple gêne fonctionnelle à une véritable paralysie
matomyosite pourrait partiellement les prévenir. Une fois diffuse confinant le malade au lit. L’impossibilité à lever
installées, ces calcinoses cutanées sont de traitement dif- les bras de façon prolongée pour se peigner, à se lever d’un
ficile ²⁹. La colchicine (1 mg/j), la warfarine, le diltiazem, siège sans l’aide des bras (signe du tabouret) sont utiles
l’hydroxyde d’alumine, le probénécide et l’alendronate ont au diagnostic. Un déficit distal est parfois noté dans les
été employés avec succès dans quelques cas. La chirurgie formes évoluées. L’atteinte des muscles périrachidiens est
peut être utile dans le traitement des calcinoses cutanées au second plan, en dehors des muscles de la nuque. L’at-
localisées. teinte des muscles du pharynx et de la partie supérieure
Manifestations musculaires 5-7

Coll. D. Bessis
Fig. 5.9 Poïkilodermie (association d’une atrophie cutanée avec
télangiectasies et troubles pigmentaires) de la face antérieure du décolleté
au cours de la dermatomyosite

Coll. Dr L. Durand, Montpellier


Coll. D. Bessis

Fig. 5.8 Large macule rouge violine, squameuse avec renforcement


folliculaire, de la face externe de la cuisse au cours de la dermatomyosite Fig. 5.10 Lésions histologiques de la dermatomyosite : hyperkératose
(holster sign) (HK), atrophie épidermique avec vacuolisation de l’assise basale (VB),
infiltrat inflammatoire périvasculaire et dilatation des capillaires (C)
de l’œsophage, observée dans 25 à 30 % des cas, se tra- (hématoxyline-éosine, × 25)
duit par une dysphagie, des troubles de la déglutition et
des fausses routes et conditionne le pronostic. La mus- un test d’évolutivité. L’isolement des iso-enzymes MM
culature oculaire est épargnée. L’atrophie musculaire, les ou MB des CPK ne permet pas de différencier une éven-
contractures et la diminution des réflexes ostéo-tendineux tuelle atteinte myocardique du fait d’une secrétion de l’iso-
sont rares. Les myalgies, souvent associées, spontanées enzyme MB par les fibres musculaires en cours de régénéra-
ou provoquées par la palpation des masses musculaires, tion. La myoglobine semble représenter un index sensible
peuvent être au premier plan dans les formes aiguës. Elles et précoce des nécroses musculaires. Les dosages de la créa-
sont plus rares dans les formes subaiguës et chroniques. tine urinaire, de la lactacidémie ou de l’aspartate amino-
Les muscles sont d’aspect normal à la palpation ; dans transférase ont un intérêt limité.
les formes aiguës peut exister une augmentation œdéma- L’électromyogramme met en évidence des altérations ca-
teuse de volume des muscles dont la consistance devient ractéristiques dans les territoires atteints. Les potentiels
ferme ou indurée. Dans les formes évolutives et prolon- d’unité motrice sont de faible amplitude, nombreux, brefs
gées peut se développer une amyotrophie, parfois associée et polyphasiques avec recrutement précoce, associés à des
à des rétractions et observée préférentiellement chez l’en- potentiels de fibrillation, un aspect d’irritabilité membra-
fant. naire lors de l’insertion de l’aiguille et des décharges sponta-
nées de haute fréquence pseudo-myotoniques. Il n’y a pas
Biologie et autres examens complémentaires d’atteinte neurogène et la vitesse de conduction nerveuse
L’élévation des enzymes musculaires est évocatrice mais est normale. Ces anomalies sont cependant inconstantes et
inconstante, présente dans 75 à 85 % des cas. En pratique leur mise en évidence nécessite l’exploration de nombreux
courante sont dosées les créatines phosphokinases (CPK), groupes musculaires.
les aldolases, les lacticodéshydrogénases (LDH) et les trans- L’examen musculaire par résonance magnétique nucléaire
aminases. Ces enzymes constituent pour certains auteurs (IRM) a un intérêt en cas de négativité des examens pré-
5-8 Dermatomyosite

Coll. D. Bessis

Fig. 5.11 Érythème péri-unguéal lié à la présence de mégacapillaires,


visibles à l’œil nu, au cours de la dermatomyosite

cédents pour guider une éventuelle biopsie ou, après trai-

Coll. D. Bessis
tement, pour authentifier une récidive devant une fai-
blesse musculaire pouvant également être secondaire à la
corticothérapie. Elle montre des images normales en T1 Fig. 5.12 Spicules hyperkératosiques du flanc diffuses, en nappe, au
et un hypersignal en T2, témoignant d’une inflamma- cours de la dermatomyosite de type Wong
tion.
Bien que fortement orienté par l’examen clinique, le diag-
nostic de l’atteinte musculaire repose sur l’examen histo-
logique d’une biopsie musculaire. Son intérêt en présence
d’une atteinte typique cutanée et de signes cliniques, bio-
logiques et électromyographiques d’atteinte musculaire
reste discuté. Malgré l’évidence du diagnostic, une preuve
histologique paraît cependant indispensable avant de dé-
buter un traitement aggressif et prolongé. En revanche,
la biopsie musculaire semble inutile devant une forme
clinique et biologique amyopathique. Les lésions de myo-
pathies inflammatoires étant focales, une première biop-
sie peut s’avérer normale ; elle devra être répétée au be-
soin et guidée par une IRM. L’atteinte histologique de
Coll. D. Bessis

la DM est différente de celle de la PM. Il existe des lé-


sions vasculaires avec réduction capillaire, hyperplasie en-
dothéliale, microthrombi et nécrose vasculaire. Des dé- Fig. 5.13 Hyperkératose fissuraire des faces latérales des doigts (« main
pôts de complexes d’attaque membranaires du complé- mécanique ») au cours d’un syndrome des antisynthétases chez une femme
ment (C5b-C9) et des dépôts d’IgG et de C3 sont vi- de 55 ans
sibles dans les capillaires et les artérioles en immuno-
histochimie. L’infiltrat, composé essentiellement de cel- Autres manifestations
lules T CD4 + et de cellules B avec quelques macrophages,
est de siège périvasculaire et périmysial. Les lésions des Manifestations articulaires
fibres musculaires sont la conséquence directe des lésions Elles sont notées dans 15 à 30 % des cas, surtout à type
vasculaires avec des lésions d’atrophie périfasciculaire, une d’arthralgies de rythme inflammatoire des poignets, des
lyse myofibrillaire focale, des nécroses et une regénéres- genoux, des épaules, des articulations métacarpophalan-
cence ³⁰. giennes et interphalangiennes proximales. Elles réalisent
Autres manifestations 5-9

Coll. D. Bessis
Fig. 5.15 Calcinose cutanée profonde et musculaire compliquant une
dermatomyosite de l’adulte

cardiographie chez tout malade atteint de dermatomyosite.

Manifestations pulmonaires
Elles surviennent dans 5 à 45 % des cas ³³,³⁴. Les plus
fréquentes sont la pneumopathie interstitielle, la pneu-
mopathie d’inhalation liée en partie aux troubles mo-
teurs pharyngo-œsophagiens, l’hypoventilation alvéolaire
secondaire à une atteinte des muscles striés respiratoires,
les pneumopathies infectieuses éventuellement opportu-
nistes (pneumocystose) secondaires à l’immunodépression.
Coll. D. Bessis

Les autres atteintes sont moins fréquentes : hypertension


artérielle pulmonaire isolée, pneumopathie interstitielle
Fig. 5.14 Macules hyperpigmentées et scléreuses au cours d’une iatrogène (méthotrexate), pneumothorax ou pneumomé-
mucinose secondaire à une dermatomyosite amyopathique évoluant depuis diastin spontané.
une dizaine d’années La pneumopathie interstitielle diffuse, présente dans 10 à
15 % des cas, est inaugurale dans 20 à 50 % des cas, précé-
en règle générale une atteinte oligoarticulaire. Les ar- dant parfois de plusieurs mois les signes musculaires ou
thrites, exceptionnelles, sont habituellement résolutives cutanés. Elle est particulièrement fréquente au cours du
en quelques semaines. Il n’y a généralement ni déforma- syndrome des antisynthétases. Elle peut avoir plusieurs
tion, ni destruction ostéo-articulaire, excepté au cours du modes de présentation : aigu avec une symptomatologie
syndrome des antisynthétases. pulmonaire brutale s’aggravant rapidement et un décès par
insuffisance respiratoire en 4 à 6 semaines (25 % des cas),
Manifestations cardiaques insidieux avec apparition progressive d’une dyspnée ou
Elles ne doivent pas être négligées car elles sont possible- d’une toux sèche (60 %) ou totalement asymptomatique,
ment mortelles. Leur fréquence dépend des moyens mis en découverte lors des radiographies pulmonaires systéma-
œuvre pour les dépister de 10 à plus de 70 % dans les formes tiques. La tomodensitométrie pulmonaire haute résolution
autopsiques ³¹. Elles sont symptomatiques dans moins de est l’examen de choix pour étudier l’étendue des lésions
10 % des cas ³². Diverses manifestations ont été rappor- pulmonaires, siégeant préférentiellement dans les lobes
tées. Les plus fréquentes sont des anomalies électriques inférieurs et les régions postérieures. Le lavage broncho-
(bloc de branche, bloc auriculo-ventriculaire, anomalies du pulmonaire peut mettre en évidence une alvéolite lympho-
segment ST, anomalies de l’onde Q...) et des troubles du cytaire ou à polynucléaires neutrophiles. Le pronostic est
rythme (extrasystoles supraventriculaires et ventriculaires, sombre avec des décès liés à la pneumopathie dans 14 à
fibrillations auriculaires, tachycardies supraventriculaires 30 % des cas. Le traitement fait appel aux corticoïdes et
et ventriculaires...). Plus rarement ont été rapportés une aux immunosuppresseurs.
vascularite coronaire ou des vaisseaux intramyocardiques, La pneumopathie d’inhalation est notée dans 10 à 20 % des
une myocardite par atteinte inflammatoire du muscle car- séries, représentant également une cause de mortalité. Elle
diaque, un prolapsus de la valve mitrale, une péricardite, doit être prévenue dès l’apparition des troubles de la déglu-
une hypokinésie ventriculaire, voire une insuffisance car- tition. L’insuffisance ventilatoire par faiblesse des muscles
diaque congestive. Les anticorps anticytoplasmiques de respiratoires est présente dans 4 à 8 % des cas. Elle est à
type anti-SRP seraient associés aux myocardites. Le risque l’origine d’images d’atélectasie radiographique. Enfin, les
d’atteinte cardiaque justifie la pratique systématique d’un infections opportunistes liés au traitement sont essentiel-
électrocardiogramme, d’un holter électrique et d’une écho- lement pulmonaires et digestives ³⁵.
5-10 Dermatomyosite

La gravité potentielle des atteintes pulmonaires justifie de vées ⁴⁰-⁴³. Elles peuvent être généralisées, s’associant dans
pratiquer devant toute DM une radiographie thoracique, un cas sur deux à un hirsutisme, un acanthosis nigricans,
des épreuves fonctionnelles respiratoires, et une manomé- un diabète sucré insulino-dépendant et une hypertriglycé-
trie œsophagienne afin de dépister précocement ces at- ridémie.
teintes justifiant un traitement plus intensif et un suivi Les manifestations viscérales de la DM juvénile sont mar-
plus étroit. quées par une atteinte digestive plus fréquente que chez
l’adulte, pouvant occasionner une malabsorption voire des
Autres manifestations cliniques perforations. En revanche, les atteintes pulmonaires et car-
Les signes généraux sont très variables d’un sujet à l’autre : diaques sont plus rares et l’association à un cancer reste
possibilité de fièvre, d’asthénie (à interpréter en fonc- exceptionnelle ⁴⁰.
tion de la symptomatologie musculaire) et d’amaigrisse-
ment. La présence d’un syndrome inflammatoire est incons- Dermatomyosite et cancers
tante comme la polynucléose. Les atteintes digestives se Le lien entre dermatomyosite et cancer est établi depuis
résument généralement à une dysphagie et à des troubles l’étude épidémiologique suédoise de 1992 ⁴⁴ ayant démon-
de la motilité œsophagienne. Des troubles de l’absorption tré un risque relatif de cancer accru chez les sujets atteints
intestinale par entérocolopathie ont été rapportés. Une at- de DM : 2,4 chez les hommes et 3,4 chez les femmes. Ces
teinte rénale est exceptionnelle, le plus souvent biologique résultats ont été confirmés depuis dans d’autres pays avec
avec hématurie et leucocyturie. un risque relatif oscillant entre 3 et 8 ⁴⁵-⁴⁷. La compila-
tion des séries a montré la grande diversité des tumeurs
Formes cliniques observées et la prédominance chez la femme des cancers
gynécologiques (mammaires, utérins et ovariens) et chez
Dermatomyosites amyopathiques l’homme des cancers bronchiques, prostatiques et diges-
Les DM amyopathiques (dermatomyosites sans myosite) tifs. Dans l’importante étude rétrospective de Hill et al. ⁴⁵,
sont définies par une atteinte cutanée typique confirmée portant sur 618 patients ayant une DM et comparée à une
histologiquement et l’absence de myosite clinique et enzy- population de même sexe et même âge, le risque relatif
matique patente après au moins 2 ans de suivi ⁵. Elles re- (RR) était augmenté pour les tumeurs suivantes : ovaire
présentent 2 à 18 % des dermatomyosites ¹⁸,³⁷. Les lésions (RR : 10,5), poumon (RR : 5,9), pancréas (RR : 3,8), esto-
dermatologiques sont globalement identiques à celles ob- mac (RR : 3,5), œsophage (RR : 2,9), col de l’utérus (RR :
servées au cours de la forme avec myosite. L’évolution tar- 2,7), sein (RR : 2,2), côlon et rectum (RR : 2,5), lymphomes
dive vers une authentique forme avec myosite est rare. En de type Hodgkin (RR : 5,9) et non hodgkiniens (RR : 3,6).
revanche, le risque d’atteinte pulmonaire interstitielle a D’autres variétés de cancers ont été notées dont ceux de
été rapporté avec prédilection chez les Asiatiques, et ce, en la vessie et du nasopharynx chez les Asiatiques. L’étude
l’absence d’un syndrome des antisynthétases ³⁸. Les DM du lien temporel entre la DM et le cancer se heurte à des
amyopathiques peuvent être associées à un cancer qui doit biais méthodologiques étant donné les difficultés d’appré-
être recherché systématiquement. La prévalence de cette ciation du début du cancer et de la DM. Celle-ci précède
association paraît similaire à celle de la DM classique. l’apparition du cancer dans environ 70 % des cas. Le dé-
lai de survenue entre DM et cancer est le plus souvent
Dermatomyosites juvéniles inférieur à 1 an. Dans la majorité des études, le risque
Les manifestations dermatologiques sont proches de celles accru de cancer persiste au moins jusqu’à 5 ans après la
de l’adulte mais de début souvent insidieux à l’origine découverte de la DM ⁴⁴-⁴⁷. En l’absence habituelle de paral-
de retards diagnostiques ⁶. L’atteinte cutanée débute fré-
quemment par un érythème des extrémités, surtout péri-
unguéal et télangiectasique persistant. Des télangiectasies
muqueuses du repli gingival antérieur ³⁹, ainsi qu’une hy-
pertrichose diffuse ou localisée, sous-patellaire ⁶ (fig. 5.16),
constituent des signes cliniques rares et observés avec pré-
dilection chez l’enfant. Les lésions de vasculite cutanée sont
également plus fréquentes que chez l’adulte. Elles peuvent
entraîner une occlusion vasculaire à l’origine de nécroses cu-
tanées pouvant se compliquer d’ulcérations secondaires ⁵.
La survenue d’une calcinose sur le site de l’inflammation
(calcinose dystrophique) avec atteinte de la peau, mais
aussi du fascia et du muscle en regard peut être responsable
Coll. D. Bessis

de douleurs sévères, d’ulcérations cutanées secondaires et


de rétractions musculo-tendineuses confinant à une im-
potence sévère et persistante ⁷. Des lipodystrophies locali-
sées avec perte du capital graisseux massétérien et/ou des Fig. 5.16 Hypertrichose localisée sous-patellaire au cours d’une
extrémités supérieures et inférieures peuvent être obser- dermatomyosite chez un garçon de 9 ans
Auto-anticorps 5-11

lèle évolutif, la DM associée au cancer ne constitue pas des malades traités pour une polyarthrite rhumatoïde ⁵¹.
un authentique syndrome paranéoplasique. Certains cri- L’hydroxyurée est responsable, chez environ 5 % des ma-
tères cliniques ou biologiques sont statistiquement asso- lades traités au long cours, d’un érythème en bande des
ciés à l’association à un cancer : âge supérieur à 60 ans, mains (fig. 5.18), évocateur de DM ⁵², mais sans atteinte mus-
nécrose cutanée ou vasculite leucocytoclasique cutanée culaire associée. Un tableau de lésions cutanées de type
(fig. 5.17). Le prurit est un signe peu spécifique qui doit ce- dermatomyosite sans atteinte musculaire a également été
pendant inciter à rechercher une néoplasie en particulier décrit avec les thérapeutiques suivantes : étoposide, cyclo-
chez un sujet âgé. À l’inverse, le risque néoplasique apparaît phosphamide, diclofenac, acide acétylsalicylique.
faible ou nul au cours de la forme juvénile de DM, d’asso-
ciation à une connectivite mixte ou de syndrome des an-
tisynthétases. Aucun consensus n’existe concernant l’am-
pleur ni la périodicité du bilan à réaliser chez un sujet avec
DM ⁴⁸. Les recommandations varient allant de l’examen
clinique attentif associé à un bilan biologique simple jus-
qu’à des examens paracliniques complets : scanner thoraco-
abdominopelvien, mammographie, examen gynécologique
avec échographie intravaginale, voire cœlioscopie, fibrosco-
pie, colonoscopie, biopsie médullaire. L’intérêt du suivi des
marqueurs tumoraux CA 125 et CA19-9 paraît cependant
établi ⁴⁹.

Coll. D. Bessis
Fig. 5.18 Lésions érythémateuses et atrophiques du dos des mains à
type de pseudodermatomyosite au cours d’un traitement au long cours par
l’hydroxyurée

Auto-anticorps
De nombreux auto-anticorps ont été mis en évidence au
cours des polymyosites et dermatomyosites (tableau 5.2),
sans que leur caractère pathogène ne soit établi ⁵³. Leur
Coll. D. Bessis

utilité pratique est encore modeste en l’absence de stan-


dardisation des méthodes de détection. Les anticorps anti-
Fig. 5.17 Nécroses et érosions cutanées au cours d’une dermatomyosite JO1 sont les plus couramment recherchés et sont associés
révélant un carcinome broncho-pulmonaire chez un homme de 80 ans au syndrome des antisynthétases.

Dermatomyosites associées à d’autres maladies auto-immunes


Physiopathogénie
Les formes intriquées représentent 10 à 20 % de l’ensemble
des myosites et sont plus fréquentes en présence d’une po- La DM serait une maladie primitivement vasculaire ayant
lymyosite que d’une DM. Les maladies associées sont la comme cible antigénique principale l’endothélium des capil-
sclérodermie, le syndrome de Sjögren, le lupus érythéma- laires musculaires ⁵⁴. L’atteinte débuterait essentiellement
teux disséminé, la polyarthrite rhumatoïde et les maladies par une activation de la fraction C3 du complément par
thyroïdiennes ⁷. des anticorps dirigés contre les cellules endothéliales sous
l’influence d’antigènes encore inconnus. Le rôle d’agents
Dermatomyosite et médicaments infectieux (coxsackie, parvovirus B19, virus Epstein-Barr,
De nombreuses classes médicamenteuses sont rapportées rétrovirus exogènes...) a été suspecté mais non prouvé par
comme inducteurs possibles de myosite : fibrates, statines, des études par polymerase chain reaction PCR au niveau
antirétroviraux, interféron-α, isoniazide, tamoxifène, chlor- des muscles lésés ¹³. L’activation du C3 aboutit à la forma-
promazine, antazoline, clemizol, phénylbutazone, D-péni- tion de C3b, C4b et du complexe d’attaque membranaire
cillamine. En revanche, les publications faisant état d’au- C5bC9 MAC (membranolytic attack complex) responsables
thentiques DM médicamenteuses sont ponctuelles et de d’une nécrose et de l’occlusion des capillaires puis secon-
faible niveau de preuve. Ainsi, parmi les observations dé- dairement d’une ischémie et d’une nécrose musculaire ⁵⁴.
crites avec les statines, seule celle induite par l’atorvasta- Le rôle de certaines cytokines pro-inflammatoires secon-
tine peut être retenue du fait d’une régression de la sympto- daires à l’activation du complément telles que l’interleu-
matologie après le seul arrêt du médicament ⁵⁰. La D-pénicil- kine (IL)-1-α et β, le tumor necrosis factor (TNF)-α, l’inter-
lamine pourrait induire des DM ou des polymyosites chez féron (IFN)-γ mais aussi de chemokines, du transforming

 IL interleukine · TNF tumor necrosis factor


5-12 Dermatomyosite

Tableau 5.2 Principaux anticorps associés aux myopathies inflammatoires , d’après 45


Auto-Ac Cible antigénique Prévalence Particularité clinique
(PM/DM)
I Anticytoplasmiques
Anti-t-ARN synthétases Amino-acyl-t-ARN-synthétase 20 % Syndrome des t-ARN-synthéthases
Anti-Jo-1(PLl) Histidyl-t-ARN-synthéthase — Polyarthrite parfois déformante mais non
Anti-PL-7 Thréony-t-ARN-synthéthase < 5% destructrice (50-60 % des cas)
Anti-PL-12 Alanyl-t-ARN-synthéthase < 5% — Atteinte pulmonaire interstitielle (50-90 %
Anti-EJ Glycyl-t-ARN-synthéthase < 1% des cas)
Anti-JS Glutaminyl-t-ARN-synthéthase — Syndrome de Raynaud (50-60 % des cas)
Anti-KS Asparaginyl-t-ARN-synthéthase < 1% — Atteinte cutanée avec mains mécaniques
Anti-OJ Isoleucyl-t-ARN-synthéthase et autres < 1% — Myosite souvent peu sévère
enzymes du complexe < 1%
Anti-KJ Peptide de 30/34 kDa (facteur de < 1%
translocation) Tableau parfois proche d’un syndrome des t-ARN-
Anti-Fer eEFI (facteur d’élongation) < 1% synthéthases et autres situations
Anti-Wa Peptide de 48 kDa (fonction inconnue) < 1%
Anti-SRP « signal recognition Ribonucléoprotéine de 325 kDa avec 7 ARN < 5 % (PM) Syndrome des anti-SRP
particle » SL ARN et 6 peptides (9, 14, 19, 54, 68, Atteinte myogène sévère
72 kDa) associés aux ribosomes (facteur de Atteinte myocardique
régulation de la translocation) Résistance aux corticoïdes
Anti-Mas t-ARN (48 kDa) formant à un complexe < 1% PM et DM
serine-t-ARN-protéine Hépatite chronique auto-immune
Et rhabdomyolyse alcoolique
II Antinucléaires
Anti-Mi-2 Complexe peptidique (240, 200, 150, 72, 10-15 % DM (> 90 % des cas) avec parfois atteinte
65, 64, 50 et 40 kDa) intervenant dans la (surtout DM) pulmonaire interstitielle
transcription (activités hélicases, ATPase,
déacétylase...)
Anti-PM-Scl Complexe peptidique (11 à 16 peptides 5-10 % Chevauchement scléro-(dermato-)
dont 2 principaux de 100 et de 75 kDa) myosite (population caucasoïde)
formant un exosome (activités
exoribonucléases)
Anti-Ku Hétérodimère (80 et 70 kDa) associé à une 1-5 % Chevauchement scléro-(dermato-)
protéine myosite (population japonaise)
kinase ADN dépendante (350 kDa) Lupus, sclérodermie, Sjögren, connectivite mixte,
thyroïdite, HTA pulmonaire
Anti-PMS (PMSI, PMS2, MLHI, DNA Complexe protéique fixant l’ADN impliqué < 5 % PM et DM
PKCS...) dans la réparation de l’ADN et enzymes de
la répartition de l’ADN
Anti-56 kDa Ribonucléoprotéine (fonction inconnue) 85-90 % DM et PM de l’adulte et de l’enfant
Autres connectivites

growth factor (TGF)-β semble également prépondérant. L’ac- Pronostic


tion du TNF-α a récemment été mis en exergue d’une part
par son rôle cytotoxique direct sur les cellules musculaires En l’absence de pathologie tumorale sous-jacente, le taux
(en association synergique avec l’IFN-γ), d’autre part par de survie à 5 ans est compris entre 65 et 95 % selon les sé-
son rôle favorisant sur l’expression de molécules d’adhé- ries ²,⁵⁶,⁵⁷. Une meilleure prise en charge actuelle améliore
sion endothéliale telles que ICAM-1 et VCAM-1 permet- ce pronostic ⁵⁷. Les facteurs de mauvais pronostic sont l’exis-
tant l’adhésion des cellules T CD4 + dans les espaces endo- tence d’une pathologie tumorale associée, l’âge élevé, une
et périmysiaux. Un polymorphisme du locus du TNF-α dysphagie, une atteinte cardiaque, une pneumopathie inter-
chez certains patients atteints de DM juvénile pourrait stitielle, une faiblesse des muscles respiratoires accessoires,
rendre compte d’une production accrue de TNF-α, respon- un début brutal et très fébrile, un traitement initial inap-
sable d’une autonomisation du processus de destruction proprié ou tardif, la peau dite noire, la présence d’anticorps
musculaire et de la survenue d’une calcinose cutanée pro- antisynthétase ou anti-SRP ⁵⁸. Une récupération complète
fonde ⁵⁵. du déficit n’est obtenue que dans 30 à 50 % des cas avec

 TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor


Traitement 5-13

persistance d’un déficit fonctionnel et d’une baisse de la Immunosuppresseurs


qualité de vie chez les autres patients ⁵⁹,⁶⁰. Chez l’enfant, Les immunosuppresseurs les plus employés sont le métho-
la vascularite digestive peut être responsable de complica- trexate et l’azathioprine. La preuve de leur efficacité n’a été
tions graves, à type de perforation ou d’hémorragie. Les cal- apportée que par des études ouvertes. Le potentiel onco-
cinoses, souvent massives et récalcitrantes aux traitements, gène de ces agents, notamment chez les sujets porteurs
sont à l’origine de déficits fonctionnels majeurs. L’évolution de l’EBV ⁶², justifie une surveillance étroite des patients
est favorable dans 10 % des cas avec une récupération sans traités.
séquelle après une seule poussée. Une évolution récurrente Le méthotrexate est utilisé depuis de nombreuses années,
est présente dans la large majorité des cas (70 %), le plus avec des résultats appréciables dans 50 à 70 % des cas, no-
souvent sur plusieurs années, parfois liée à une insuffisance tamment chez l’enfant, où un traitement précoce par cor-
thérapeutique. Dans 20 % des cas, une évolution continue ticoïdes et méthotrexate pourrait avoir un effet préventif
sans rémission est observée. La survenue d’une grossesse sur la survenue de calcinose ⁵⁸,⁶³,⁶⁴. La posologie de 0,5 à
chez une malade atteinte de DM évolutive peut être à l’ori- 0,7 mg/kg par semaine est prescrite par voie intramuscu-
gine d’une exacerbation de la maladie et de complications laire ou intraveineuse, en association avec l’acide folinique
materno-fœtales à type d’avortement spontané, de morta- les jours sans méthotrexate. La tolérance est généralement
lité néonatale ou d’accouchement prématuré. À l’opposé, bonne, en dehors d’une toxicité potentielle hépatique, pul-
une DM peut apparaître en début de grossesse exposant monaire ou hématologique.
au risque de forme sévère, voire suraiguë. L’azathioprine permet une épargne cortisonique ⁶⁵. Il est
prescrit à la dose de 2 à 3 mg/kg/j, dose qui doit être adap-
Traitement tée aux résultats du dosage de l’enzyme thiopurine méthyl-
transférase (TPMT) en raison d’un polymorphisme géné-
Le traitement des dermatomyosites doit être adapté au pro- tique de cet enzyme impliquée dans le catabolisme de l’im-
nostic. Dans les formes paranéoplasiques, le traitement du munosuppresseur.
cancer doit être associé au traitement spécifique de la DM. Le cyclophosphamide est employé par voie orale ou plutôt
Ce dernier repose sur la corticothérapie, de plus en plus en bolus mensuel en association avec les corticoïdes dans
fréquemment associé avec d’autres traitements pour évi- les formes pulmonaires avec pneumopathie interstitielle.
ter les effets iatrogènes invalidants des corticoïdes, encore Il est alors plus efficace aux stades précoces que tardifs ³⁴.
trop fréquents ⁶¹. La ciclosporine à la dose de 3 à 5 mg/kg/j a été proposée
dans les DM réfractaires, notamment de l’enfant avec des
Corticothérapie générale bons résultats dans 50 à 70 % des cas ⁵⁸,⁶⁶.
La corticothérapie à forte dose (prednisone, 1 mg/kg/j) Plus récemment, l’intérêt d’autres traitements immuno-
constitue le traitement de première intention. Elle est ef- suppresseurs ou immunomodulateurs tels que le mycophé-
ficace dans plus de 70 % des cas en 1 à 6 semaines. En nolate mofetil, le rituximab, voire l’irradiation corporelle
cas d’échec initial, une augmentation de la posologie à 1,5, totale ou les anti-TNF a été rapporté à partir d’études ou-
voire à 2 mg/kg/j, peut être utile notamment dans les DM vertes sur un petit nombre de malades.
de l’enfant. Ces fortes doses sont maintenues plusieurs se-
maines (4 à 8 semaines) jusqu’à nette amélioration du défi- Immunoglobulines intraveineuses
cit moteur, régression de l’ensemble des manifestations L’efficacité des immunoglobulines intraveineuses dans les
cliniques et nette diminution des enzymes musculaires. DM a été démontrée depuis 1994 dans une étude contrôlée
Une décroissance lente de la corticothérapie est secondaire- sur un petit nombre de cas ⁶⁷. Cette efficacité a été confir-
ment entreprise, en la limitant à 10 % de la dose prescrite mée par de nombreux auteurs dans 60 à 70 % des cas ⁶⁸.
tous les 10 jours jusqu’à un palier considéré comme la dose Elles sont prescrites à la dose de 2 g/kg par cure, avec une
minimale efficace à maintenir durant une à plusieurs an- cure mensuelle et un nombre moyen de 3 à 6 cures. En
nées. La survenue d’une rechute clinique objectivée par les fait, leur coût élevé et l’origine humaine de ce produit en
testings musculaires répétées justifie la réascension des limitent l’utilisation.
doses de prednisone en sachant qu’il faut se méfier de la
possibilité d’une autre myopathie associée, notamment cor- Traitements symptomatiques
tisonique en cas de normalité des enzymes musculaires. La survenue de troubles de la déglutition impose l’arrêt de
Les bolus de méthylprednisolone (1 g/j pendant 1 à 3 jours), l’alimentation par voie orale remplacée par une alimenta-
précédant la corticothérapie orale, sont souvent utilisés tion entérale ou parentérale pour prévenir les pneumopa-
en pratique clinique, surtout dans les formes sévères avec thies d’inhalation. La kinésithérapie — passive et douce
atteinte du carrefour pharyngé, sans preuve réelle de leur pendant les phases inflammatoires puis plus intensive se-
efficacité. condairement — est essentielle pour le pronostic fonction-
En présence d’une résistance primitive ou secondaire, de nel. Le traitement préventif de l’ostéoporose est systéma-
formes sévères ou d’une cortico-dépendance à dose trop tique.
élevée, d’autres traitements sont prescrits pour réduire la
dose totale de corticoïdes et éviter ainsi les effets secon-
daires.

 TNF tumor necrosis factor


5-14 Dermatomyosite

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Francès C. Dermatomyosite. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques
des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 5.1-5.15.
6
Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques
Marie-Sylvie Doutre, Camille Francès

Physiopathologie 6-1 Vasculites infectieuses 6-11


Manifestations cutanées 6-2 Purpura rhumatoïde 6-11
Aspects histologiques 6-2 Œdème aigu hémorragique du nourrisson 6-13
Aspects cliniques 6-4 Cryoglobulinémies mixtes 6-13
Corrélations anatomocliniques 6-5 Vasculite urticarienne de Mac Duffie 6-16
Stratégie diagnostique 6-6 Périartérite noueuse 6-18
Classification 6-7 Polyangéite microscopique 6-20
Classification et nomenclature 6-7 Angéite de Churg et Strauss 6-21
Nomenclature 6-8 Granulomatose de Wegener 6-23
Vasculites de contact, alimentaires, médicamenteuses et Maladie de Horton 6-26
infectieuses 6-9 Artérite de Takayasu 6-28
Vasculites de contact 6-9 Thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger
Vasculites d’origine alimentaire 6-9 6-29
Vasculites médicamenteuses 6-9 Références 6-30

e terme de vasculite est utilisé pour désigner diffé- hépatites B et C, parvovirus B19...), médicamenteux, tu-
L rentes affections caractérisées par la présence dans
divers organes d’une atteinte de la paroi des vaisseaux as-
moraux ou autres, induisent la formation d’anticorps avec
lesquels ils forment des complexes antigène-anticorps. La
sociée à une réaction inflammatoire. Classer ces vasculites plupart de ceux-ci sont éliminés par les cellules phagocy-
en fonction de la taille des vaisseaux atteints, du type de taires mais, lorsqu’il existe une stimulation antigénique
lésions pariétales, de la nature de l’infiltrat périvasculaire répétée ou prolongée, certains IC en excès d’antigènes per-
ou encore de l’atteinte cutanée ou cutanéo-systémique est sistent. Après leur dépôt sur les parois vasculaires de divers
peu satisfaisant et il est préférable de le faire en fonction organes, ils activent le complément où certains facteurs
de l’étiologie mais celle-ci reste souvent inconnue. Les ma- sont chimiotactiques pour les polynucléaires neutrophiles.
nifestations dermatologiques sont fréquentes au cours des Lorsqu’elles sont activées, ces cellules libèrent des enzymes
diverses vasculites, mais elles ne sont pas, pour la plupart protéolytiques (élastases, collagénases) et des radicaux oxy-
d’entre elles, pathognomoniques de telle ou telle affection. génés libres qui entraînent une nécrose pariétale (fig. 6.1).
C’est leur association avec divers signes systémiques, cer- Cette hypothèse physiopathologique est confortée par la
taines anomalies biologiques, des images histologiques par- présence de dépôts d’immunoglobulines (Ig) et de complé-
ticulières qui permettent de les intégrer dans des entités ment sur la paroi des vaisseaux et d’IC circulants, parfois
bien définies, en se rappelant que certains patients défient cryoprécipitants, dans lesquels l’antigène responsable peut
toute classification. être mis en évidence. Cependant, ceux-ci ne sont pas trou-
vés dans toutes les vasculites.
Physiopathologie Ces dernières années a été mis en évidence le rôle indispen-
sable des molécules d’adhésion exprimées à la surface des
Le développement d’une lésion vasculaire inflammatoire cellules endothéliales et des leucocytes ²,³. De nombreuses
est dû à des mécanismes complexes, parfois intriqués dont études in vivo et in vitro impliquent surtout ICAM-1 et
certains sont encore mal connus ¹. VCAM-1, appartenant à la superfamille des immunoglo-
Le rôle des immuns complexes (IC) circulants a longtemps bulines, dans la physiopathologie des vasculites, les autres
été considéré comme incontournable, selon le « très histo- molécules d’adhésion ayant été beaucoup moins étudiées.
rique » modèle de la maladie sérique. ICAM-1, présente sur les cellules endothéliales se lie à
Différents antigènes, infectieux (streptocoque, virus des l’intégrine CD11b/CD18 (Mac-1) sur les polynucléaires et

 IC immuns complexes
6-2 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

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Coll. D. Bessis
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Fig. 6.1 Mécanismes physiopathogéniques simplifiés des vasculites cutanées
Différents antigènes induisent la formation d’anticorps puis de complexes antigènes-anticorps qui se déposent sur les parois vasculaires et activent le
complément et le chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles. La migration puis l’adhésion et l’activation des polynucléaires neutrophiles est favorisée
par la sécrétion de cytokines IL-1 et TNF-α par les cellules mononucléées (lymphocytes T activés, monocytes, macrophages) et la présence d’ANCA. Le
processus aboutit à une libération d’enzymes protéolytiques et de radicaux oxygénés libres entraînant la nécrose pariétale du vaisseau.

VCAM-1 à son ligand VL4 situé sur les lymphocytes, les In vitro, ces anticorps activent les polynucléaires neutro-
monocytes et les éosinophiles. La migration des cellules philes, entraînant leur dégranulation et la production de
circulantes en dehors des vaisseaux est donc favorisée par métabolites oxygénés, facilitent leur adhésion aux cellules
ces molécules d’adhésion. Leur expression est augmentée endothéliales et la lyse de celles-ci. Les ANCA anti-PR3
par des cytokines relarguées par ces cellules, en particulier diminuent aussi l’activité des inhibiteurs des protéases :
l’interféron α, l’interleukine 1 (IL-1) et le tumor necrosis α-2-macroglobuline, α-1-antitrypsine). Cependant, si cer-
factor α (TNF-α) qui, de plus, favorisent l’activation des po- tains ANCA ont probablement un rôle pathogène, d’autres
lynucléaires neutrophiles et augmentent leur adhésivité à sont sans doute dus à une activation polyclonale des lym-
la paroi vasculaire ¹. phocytes B et sont observés dans différentes maladies im-
Des phénomènes immunitaires à médiation cellulaire peu- munologiques, sans qu’ils interviennent dans leur physio-
vent également intervenir. En effet, des cellules mononu- pathologie ⁶.
cléées (lymphocytes T activés, monocytes, macrophages) Des anticorps anti-cellules endothéliales ont aussi été trou-
sont souvent trouvées au sein des granulomes périvascu- vés dans certaines vasculites, mais leur rôle doit être mieux
laires et l’on constate fréquemment des concentrations plas- compris ⁷,⁸.
matiques élevées du récepteur soluble de l’IL-2 et du TNF-α D’autres mécanismes peuvent aussi être impliqués, en par-
au cours de ces vasculites. ticulier dans les vasculites d’origine infectieuse ⁹ :
Récemment, les anticorps anticytoplasme des polynu- − l’antigène peut se fixer directement au niveau de la pa-
cléaires neutrophiles (ANCA) ont été impliqués dans cer- roi vasculaire, entraînant la formation d’IC in situ ;
taines vasculites ⁴. Mis en évidence par van der Woude dans − certains agents infectieux, en particulier viraux, peu-
la granulomatose de Wegener, ces autoanticorps sont diri- vent infecter les cellules endothéliales ;
gés contre des antigènes du cytoplasme des polynucléaires − divers antigènes infectieux, en particulier d’origine sta-
neutrophiles et des monocytes ⁵. Les deux principaux an- phylococcique, pourraient « jouer » le rôle de superanti-
tigènes sont la protéinase 3 (PR3), reconnue par la plu- gènes, entraînant une activation polyclonale non spé-
part des c-ANCA et la myéloperoxydase (MPO) reconnue cifique des lymphocytes T et la synthèse de cytokines
par la majorité des p-ANCA, enzymes contenues dans les pro-inflammatoires (IL-1, TNF-α...) ¹⁰.
granulations primaires de ces cellules. Un faible pourcen- En fait, il est probable que l’atteinte vasculaire observée
tage de p-ANCA reconnaît d’autres constituants des gra- dans ces différentes affections soit due à l’intrication et/ou
nules primaires (élastase, cathepsine) ou secondaires (lac- à l’association de plusieurs de ces mécanismes physiopatho-
toferrine). Il est possible que ces antigènes intracellulaires logiques.
puissent s’exprimer à la surface des polynucléaires neutro-
philes lorsque ceux-ci sont activés. Lorsqu’ils sont détectés Manifestations cutanées
par immunofluorescence indirecte (IFI), on observe soit
une fluorescence cytoplasmique (c-ANCA) soit une fluores- Aspects histologiques
cence périnucléaire (p-ANCA). La définition des vasculites étant histologique, le diagnos-

 ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · IC immuns complexes · IFI immunofluorescence indirecte · IL interleukine · TNF tumor necrosis factor
Manifestations cutanées 6-3

tic repose sur les données de l’anatomopathologie. Les lé- xanthomisation est possible notamment en présence de lé-
sions associent à des degrés divers un infiltrat d’impor- sions granulomateuses ou au cours de l’erythema elevatum
tance et de composition variables et une nécrose de la paroi diutinum.
vasculaire ¹¹. Les polynucléaires neutrophiles sont les prin- Tous les types de vaisseaux peuvent être atteints dans la
cipaux éléments observés dans les vasculites leucocytocla- peau. Les vasculites leucocytoclasiques touchent plus les
siques ¹². Leur noyau est éclaté avec des débris nucléaires capillaires et les veinules post-capillaires que les artérioles
dispersés dans la paroi des vaisseaux et le tissu conjonc- du derme profond ou de l’hypoderme. À l’inverse, les vascu-
tif voisin (fig. 6.2). Parfois l’infiltrat est composé principale- lites nécrosantes sont surtout observées sur les artérioles
ment de lymphocytes envahissant la paroi du vaisseau at- de moyen calibre. Cependant, il n’est pas rare d’observer un
teint. Ces véritables vasculites lymphocytaires, devant être aspect de nécrose fibrinoïde également dans les vaisseaux
différenciées des infiltrats lymphocytaires périvasculaires de faible calibre au cours des vasculites leucocytoclasiques.
sans atteinte pariétale et n’ayant pas la même signification L’étude en IFI d’une biopsie cutanée en peau lésée est d’un
pathologique, pourraient correspondre à un stade évolutif apport diagnostique limité. En effet, la mise en évidence
des vasculites leucocytoclasiques marquant le passage à des dépôts vasculaires d’Ig et de complément dépend de la
un stade subaigu. La prédominance de macrophages avec cause et de l’âge de la lésion. Leur absence ne peut en au-
ou sans cellules géantes caractérise les vasculites granulo- cun cas éliminer le diagnostic de vasculite. À l’inverse, leur
mateuses. Le granulome peut se situer dans la paroi des présence isolée sans lésion histologique de vasculite n’a pas
vaisseaux ou à distance. Exceptionnellement, les éosino- de valeur diagnostique. Ces dépôts peuvent être également
philes prédominent dans l’infiltrat ¹³. présents au cours des thromboses sans vasculite. Cette tech-
La nécrose ou dégénérescence fibrinoïde de la paroi vascu- nique d’IFI peut en revanche fournir des éléments d’orienta-
laire n’est pas toujours visible du fait d’une atteinte parfois tion étiologique. Des dépôts d’IgA sur les vaisseaux de petit
segmentaire ou focale comme dans la périartérite noueuse calibre orientent vers le diagnostic de purpura rhumatoïde
ou de la minceur de la paroi des vaisseaux atteints asso- tout en sachant qu’ils ne sont ni constants, ni spécifiques ¹⁴.
ciés à un infiltrat particulièrement intense comme dans les Des dépôts d’Ig de type IgG, IgM ou IgA et de complément
vasculites leucocytoclasiques. Il s’agit d’une modification disposés en bande granuleuse le long de la jonction dermo-
de la substance fondamentale observée au contact de l’in- épidermique sont évocateurs de lupus érythémateux tout
filtrat, notamment lorsqu’il renferme des polynucléaires en n’étant pas, là encore, spécifiques, notamment en peau
neutrophiles à distinguer de simples dépôts de fibrine. exposée.
Diverses conséquences de l’atteinte inflammatoire peuvent Les études d’hybridation in situ ou de biologie moléculaire
être observées telles qu’une thrombose secondaire à l’at- en peau atteinte et en peau saine en utilisant des mar-
teinte des cellules endothéliales et à l’inflammation. Ces queurs d’antigènes de micro-organismes peuvent mettre
vasculites thrombosantes sont difficiles à différencier des en évidence de façon sélective leur présence dans les
processus initialement thrombotiques provoquant une né- vaisseaux pathologiques. Ces techniques, encore peu utili-
crose colonisée secondairement par les cellules inflamma- sées en pratique courante, pourraient apporter une aide
toires qui, en disparaissant, peuvent laisser place à une diagnostique notamment au cours des vasculites infec-
sclérose mutilante angiocentrique parfois sténosante. Une tieuses.

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Coll. D. Bessis

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Fig. 6.2 Vasculite leucocytoclasique


Gros plan du derme superficiel montrant la présence de cellules inflammatoires, surtout des polynucléaires neutrophiles, et des dépôts fibrinoïdes de la paroi
d’un petit vaisseau.

 IFI immunofluorescence indirecte


6-4 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

Coll. D. Bessis
Fig. 6.3 Purpura pétéchial infiltré déclive au cours d’une vasculite
cutanée

Aspects cliniques
Les vasculites cutanées ont des aspects cliniques variés avec
souvent plusieurs types de lésions élémentaires associées
donnant à l’ensemble un aspect polymorphe.
Les lésions purpuriques sont infiltrées, plus ou moins né-
crotiques (fig. 6.3), localisées sur les zones déclives. Elles
sont souvent associées à des éléments érythémateux,
érythémato-papuleux ou nécrotiques. En cas de vasculites
chroniques telles que celles observées au cours des cryo-
globulinémies associées à une hépatite C, le purpura est
parfois masqué par une dermite ocre, généralement bilaté-
rale, non expliquée par l’insuffisance veineuse.
Les lésions papuleuses peuvent prendre des aspects dif-
férents. Il s’agit tantôt de lésions urticariennes particu-
lières du fait de leur caractère peu prurigineux et de leur

Coll. D. Bessis
persistance dans la même zone plus de 24 heures (fig. 6.4).
Ailleurs, il s’agit de lésions papuleuses rouge foncé pouvant
prendre une disposition annulaire rappelant l’érythème po- Fig. 6.4 Papules pseudo-urticariennes au cours d’une vasculite cutanée
lymorphe et fréquemment localisées sur le tronc sans pré-
dominance sur les zones déclives. Des éléments papuleux ment au cours de la maladie de Behçet ou des entérocolites
sont également observés au cours de l’erythema elevatum inflammatoires.
diutinum (cf. chap. 14, « Dermatoses neutrophiliques ») ¹⁵. Le granulome nécrosant vasculaire a été initialement décrit
Les nodules dermiques ou hypodermiques, de petite taille, par Churg et Strauss en 1951 comme une manifestation
sont à rechercher sur les trajets vasculaires des membres, de l’angéite systémique allergique, puis a été secondaire-
parfois à peine visibles, toujours palpables. Ils évoluent ment décrit dans diverses vasculites systémiques et connec-
parfois vers la nécrose et l’ulcération. tivites ¹⁷. Il se manifeste cliniquement par des papules ou
Le livédo prédomine nettement sur les membres infé- des nodules de taille variable entre 2 mm et 2 cm de dia-
rieurs, pouvant toucher également la face postérieure des mètre, souvent multiples, bilatéraux et symétriques. Sa cou-
membres supérieurs et la moitié inférieure du tronc. Ty- leur va de celle de la peau normale au rouge violacé. Une
piquement infiltré et ramifié lors de la phase active de la croûte ou une ulcération centrales sont souvent présentes.
vasculite (fig. 6.5), il est soit isolé, soit associé à d’autres lé- Rarement, il revêt des aspects cliniques trompeurs tels que
sions, en particulier aux nodules dermiques et aux nécroses des vésicules, des pustules, des plaques arciformes ou une
cutanées. masse indurée. Les lésions siègent préférentiellement sur
Les lésions nécrotiques sont rarement isolées et peuvent les faces d’extension des coudes et des doigts, moins fré-
compliquer toutes les autres lésions vues précédemment. quemment sur les fesses, le cuir chevelu, les faces d’exten-
Elles sont parfois superficielles à l’origine de décollements sion des genoux, des mains, des pieds, le cou et les oreilles.
bulleux (fig. 6.6), parfois plus profondes donnant des pla- Histologiquement, il existe une nécrose fibrinoïde et œdé-
cards noirâtres bordés d’un liseré purpurique (fig. 6.7). L’évo- mateuse du collagène entourée d’un granulome contenant
lution vers une ulcération est fréquente. des polynucléaires éosinophiles, des histiocytes et des lym-
Une vasculite peut se manifester par des pustules non folli- phocytes. Le centre du granulome contient parfois des po-
culaires, souvent entourées d’un halo purpurique, notam- lynucléaires neutrophiles et des débris leucocytoclasiques.
Manifestations cutanées 6-5

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 6.5 Livédo ramifié au cours d’une périartérite noueuse Fig. 6.6 Vascularite cutanée. Papules purpuriques et lésions nécrotiques
superficielles bulleuses
L’infiltrat peut prendre une disposition palissadique. Gé-
néralement, il n’existe pas de corrélation entre l’aspect cli-
nique, histologique et la nature de la maladie systémique
associée. Cependant l’éosinophilie serait plus souvent rap-
portée en cas de syndrome de Churg-Strauss.
Des lésions d’hypodermite et/ou de panniculite, surtout dé-
crites au cours de la maladie de Takayasu ¹⁸ et de la maladie
de Behçet, n’ont aucune particularité clinique ou histolo-
gique laissant présumer le rattachement à la vasculite. Elles
siègent principalement sur les membres inférieurs formant
des nodules de plus grosse taille que celle des vasculites no-
dulaires avec lesquelles elles peuvent coexister.

Coll. D. Bessis
Des aspects de pyoderma gangrenosum ont été rarement
décrits au cours de la maladie de Wegener, de la maladie de
Takayasu et de la maladie de Behçet, généralement avec un
aspect d’ulcérations torpides (fig. 6.8). L’histologie est non Fig. 6.7 Vascularite nécrotique au cours d’un purpura rhumatoïde :
spécifique. plaques noirâtres bordées d’un liseré purpurique
Des lésions granulomateuses sans vasculite ni nécrose cen-
trale peuvent être observées au cours de certaines vascu- lipides) ou emboligène (myxome cardiaque).
lites, notamment au cours de la maladie de Wegener. Leur Lorsqu’il est bilatéral, le syndrome de Raynaud atteint 5 à
aspect clinique est très variable à type de papules, de no- 30 % de la population générale ¹⁹. Classiquement associé
dules, d’une infiltration sous-cutanée, de tumeur ou d’ulcé- à toutes les vasculites, sa prévalence reste inconnue et il a
ration chronique. Tout le revêtement cutané ainsi que les peu de valeur diagnostique. En revanche, un phénomène
muqueuses peuvent être atteints, les localisations les plus de Raynaud unilatéral est suggestif d’une obstruction arté-
fréquentes étant le visage, la muqueuse buccale, les seins, rielle pouvant être secondaire à une maladie de Takayasu.
le scrotum. Elles sont de diagnostic difficile en dehors du
contexte clinique. Corrélations anatomocliniques
Les thrombophlébites superficielles sont surtout obser- À l’atteinte des vaisseaux de petit calibre du derme corres-
vées au cours de la thromboangéite de Buerger, la maladie pondent les lésions purpuriques, papuleuses et pustuleuses.
de Behçet et la polychondrite atrophiante. Elles peuvent À l’opposé, les nodules traduisent souvent une atteinte des
être de diagnostic évident du fait d’une induration doulou- vaisseaux plus profondément situés dans le derme ou l’hy-
reuse d’un cordon veineux ou de diagnostic plus difficile, poderme, de plus gros calibre. Le livédo et les lésions né-
essentiellement histologique, devant des nodules inflam- crotiques correspondent soit à une atteinte des vaisseaux
matoires. de petit calibre du derme, soit à une atteinte des artérioles
Les gangrènes des extrémités secondaires à une obstruc- du derme profond ou de l’hypoderme, soit à l’association
tion artériolaire ou artérielle sont rapportées dans toutes des deux. Les vasculites leucocytoclasiques du derme su-
les vasculites touchant les artères de moyen ou de plus gros perficiel sont observées dans toutes les vasculites cutanées
calibre. Elles sont d’origine vasculitique, thrombotique ou isolées ou systémiques, n’orientant pas le diagnostic étiolo-
embolique, ces trois phénomènes pouvant être associés. gique. Les vasculites nécrosantes des artérioles de moyen
Touchant souvent plusieurs doigts, des hémorragies sous- calibre sont évocatrices de périartérite noueuse tout en
unguéales en flammèches sont le plus souvent le signe n’étant pas spécifiques. En effet, des atteintes des artérioles
d’un processus thrombotique (syndrome des antiphospho- cutanées peuvent s’observer dans les vasculites médicamen-
6-6 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques
Éléments de classement des vasculites
Type de vaisseau atteint
− Nature (artère, capillaire, veine)
− Calibre
− Localisation
Caractéristiques des lésions histologiques
− Au niveau vasculaire :
− Nature de l’infiltrat (polynucléaires, lymphocytes, histiocytes,
cellules géantes)

Coll. D. Bessis
− Existence d’une nécrose pariétale
− Dépôts d’immunoglobulines (isotype) et de complément
− Au niveau extravasculaire : présence d’un granulome
Fig. 6.8 Ulcérations torpides à type de pyoderma gangrenosum au cours
d’une granulomatose de Wegener Éléments cliniques
− Terrain
teuses, infectieuses et dans diverses vasculites systémiques − Lésions cutanées : aspect, topographie, modalités évolutives
telles que la maladie de Wegener, l’angéite de Churg et − Manifestations viscérales : présence, type, topographie
Strauss, la maladie de Takayasu ou la polyarthrite rhuma- − Évolution : aiguë, subaiguë, chronique
toïde. − Manifestations associées : aphtose bipolaire, chondrite
La nature de l’infiltrat a une valeur diagnostique et la pré-
Éléments d’imagerie
sence de lésions granulomateuses orientent vers le diagnos-
tic de maladie de Wegener ou d’angéite de Churg et Strauss − Topographie
sans en être spécifiques. En revanche, l’existence d’un in- − Anévrismes (micro- et macro-)
filtrat lymphocytaire ou leucocytoclasique a peu de valeur Éléments biologiques
diagnostique. Certains auteurs, dans des articles anciens, − Hyperéosinophilie sanguine
ont souligné cependant la fréquence de l’infiltrat lympho- − Hypocomplémentémie
cytaire dans les vasculites médicamenteuses ²⁰,²¹. − Cryoglobulinémie
− Dysglobulinémie monoclonale ou polyclonale
Stratégie diagnostique − Anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles et leur
Devant un aspect clinique évocateur de vasculite, il nous spécificité
paraît nécessaire de faire une biopsie cutanée pour confir- − Anticorps anticellule endothéliale et leur spécificité
mer le diagnostic et éliminer un purpura par fragilité vas- − Déficit en complément
culaire et surtout un purpura thrombotique en rapport − Déficit en α-1-antitrypsine
avec une thrombose intravasculaire ou un processus embo-
Éléments étiologiques
ligène. L’étude en IFI d’une lésion est souhaitable car elle
peut orienter le diagnostic étiologique. − Causes reconnues
Devant une vasculite confirmée par l’histologie, le clinicien − Intégration dans une entité anatomoclinique individualisée
doit en apprécier l’extension et en rechercher la cause. Pour 6.A
cela, l’interrogatoire et l’examen clinique sont d’une impor-
tance primordiale, permettant de suspecter ou de mettre doit s’acharner à rechercher une des nombreuses causes
en évidence une altération de l’état général, une hyperten- des vasculites. En l’absence de toute symptomatologie cli-
sion artérielle, une atteinte articulaire (plus souvent à type nique évocatrice, certains examens complémentaires se-
d’arthralgies que d’arthrites), digestive (douleurs abdomi- ront systématiquement demandés : numération-formule
nales, troubles du transit, hémorragies), musculaire (myal- sanguine, vitesse de sédimentation, transaminases, cryo-
gies, œdèmes segmentaires, plus rarement déficit), neuro- globulinémie, anticorps antinoyaux, facteur rhumatoïde,
logique, centrale ou périphérique, ORL (sinusite, chute de anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles,
l’audition), oculaire ou urogénitale. La recherche de localisa- dosage du complément total et de ses fractions, immuno-
tions rénales, cardiaques ou pulmonaires oblige à pratiquer électrophorèse des protéines sériques, sérologies virales
systématiquement certains examens complémentaires : sé- (hépatites B et C), anticorps antistreptococciques. Selon
diment urinaire, recherche de protéinurie, créatinine, ra- le contexte clinique, ce bilan sera complété par une séro-
diographie pulmonaire, face et profil, électrocardiogramme logie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), des
complété éventuellement par une échographie cardiaque. hémocultures, une échographie cardiaque ou une ponction
Il est important de répéter les examens urinaires (bande- lombaire. Les autres sérologies virales (parvovirus B19,
lette urinaire et protéinurie des 24 heures) au rythme d’une virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus...), systématiques
fois par semaine à une fois par mois pendant un minimum pour certains, nous paraissent facultatives en raison de
de 3 mois, voire pendant une année. Le bilan étiologique l’absence de conséquences thérapeutiques à l’exception de

 IFI immunofluorescence indirecte


Classification 6-7

Classification des vasculites selon Fauci Classification des vasculites selon Jorizzo
I. Groupe de la périartérite noueuse I. Vasculites des petits vaisseaux cutanés
− Périartérite noueuse A. Vasculites idiopathiques
− Maladie de Churg et Strauss B. Purpura rhumatoïde
− Formes mixtes C. Cryoglobulinémies mixtes essentielles
II. Vasculite d’hypersensibilité D. Purpura hyperglobulinémique de Waldenström
− Maladie sérique et affections voisines E. Vasculites des connectivites
− Purpura rhumatoïde F. Vasculites urticariennes
− Vasculite des connectivites G. Erythema elevatum diutinum
− Cryoglobulinémies mixtes H. Nodules rhumatoïde
− Vasculites avec d’autres affections primitives I. Réactions lépreuses
III. Maladie de Wegener J. Vasculites septiques
IV. Granulomatose lymphomatoïde II. Vasculites nécrosantes des vaisseaux de plus gros calibre
V. Artérites à cellules géantes A. Périartérite noueuse
VI. Maladie de Kawasaki − Formes cutanées bénignes
VII. Angéite de Buerger − Formes systémiques
VIII. Maladie de Behçet B. Vasculites granulomateuses
IX. Vasculites du système nerveux central − Maladie de Wegener
X. Vasculites des affections malignes − Angéite de Churg et Strauss
XI. Autres vasculites − Granulomatose lymphomatoïde
− Maladie de Cogan C. Artérites à cellules géantes
− Vasculite hypocomplémentémique − Maladie de Horton
− Érythème noueux − Maladie de Takayasu
D. Vasculites des connectivites
6.B
E. Vasculites nodulaires
quelques cas particuliers (grossesse, collectivités, immu- 6.C
nodépression). En l’absence de cause évidente, un panorex
dentaire et la radiographie des sinus aideront à la recherche lade de divers aspects cliniques ou histologiques de vas-
d’une infection focale. Malgré ce bilan, plus de la moitié culites. Parmi les principales classifications de ces vingt
des vasculites vues en dermatologie restent de cause incon- dernières années, celle de Fauci ²⁵ (encadré 6.B) apparaît au-
nue. jourd’hui confuse et obsolète pour plusieurs raisons : ex-
clusion actuelle des vasculites de la granulomatose lym-
Classification phomatoïde considérée comme une hémopathie et de l’éry-
thème noueux, regroupement arbitraire de diverses enti-
Classification et nomenclature tés dans le groupe des vasculites d’hypersensibilité alors
La classification des vasculites est un casse-tête chinois au- que celles d’origine médicamenteuse ne sont pas incluses
quels se sont régulièrement heurtés depuis plus d’un siècle dans ce groupe, longue liste hétéroclite et incomplète des
des grands noms de la médecine internationale ²²,²³. Au fil autres vasculites. Les critères de classification de l’ACR da-
du temps, de nombreuses entités ont été individualisées en tant de 1990 ne concernent que des malades ayant déjà
raison de leurs particularités anatomocliniques, évolutives un diagnostic histologique de vasculite ; ils ont été établis
ou étiologiques. Certaines d’entre elles ont perduré mal- sur des patients vus en milieu rhumatologique ; aussi sont-
gré les progrès des connaissances médicales et les vagues ils peu applicables en dermatologie. La classification pro-
successives des nouvelles classifications alors que d’autres posée par Jorizzo en 1993 ²⁶ (encadré 6.C) est difficilement
ont été inconstamment reprises et cherchent encore leur compréhensible du fait de l’intégration dans le groupe des
identité. vasculites des nodules rhumatoïdes, proches des granu-
De nombreux paramètres peuvent intervenir dans le clas- lomes extravasculaires ainsi que de la granulomatose lym-
sement ou la nomenclature des vasculites (encadré 6.A) mais phomatoïde et des vasculites nodulaires, de l’individualisa-
étant donné leur définition histologique, c’est souvent la tion de la réaction lépreuse qui devrait être incluse dans
description anatomopathologique des lésions, notamment les vasculites septiques et de l’inclusion dans le groupe
la taille des vaisseaux qui est prise en compte. En fait, les des vasculites touchant les artérioles de moyen calibre de
classifications se heurtent à deux principaux écueils ²⁴ : l’ab- la granulomatose de Wegener qui intéresse préférentielle-
sence de corrélation entre les différents paramètres, no- ment les vaisseaux de petit calibre. La classification de la
tamment histologiques et étiologiques, et la possibilité de conférence de consensus de Chapel Hill ²⁷ (encadré 6.D) pa-
survenue concomitante ou successive chez un même ma- raît actuellement la plus consensuelle du fait de sa sim-

 ACR American College of Rheumatology


6-8 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

Classification des vasculites (Chapell Hill) Causes des vasculites et classification pragmatique
I. Vasculites des vaisseaux de gros calibre I. Vasculites de contact
− Maladie de Horton II. Vasculites d’origine alimentaire
− Maladie de Takayasu III. Vasculites médicamenteuses
II. Vasculites des vaisseaux de moyen calibre IV. Vasculites infectieuses
− Périartérite noueuse (forme classique) − Bactériennes : streptococcies (endocardite d’Osler) méningo-
− Maladie de Kawasaki coccémies, gonococcémies...
III. Vasculites des petits vaisseaux − Virales : hépatites virales, mononucléose infectieuse, infec-
− Granulomatose de Wegener tions à cytomégalovirus, VIH...
− Syndrome de Churg et Strauss − Autres micro-organismes : paludisme...
− Polyangéite microscopique V. Vasculites individualisées comme des entités définies
− Purpura rhumatoïde − Maladie de Horton
− Cryoglobulinémies essentielles − Maladie de Takayasu
− Vasculites leucocytoclasiques cutanées isolées − Périartérite noueuse
6.D − Polyangéite microscopique
− Maladie de Churg et Strauss
plicité et de la séparation de la périartérite noueuse clas- − Maladie de Wegener
sique de la polyangéite microscopique qui ont en effet une
− Purpura rhumatoïde
symptomatologie et une évolution différentes mais elle
prend relativement peu en compte les causes des vascu- − Maladie de Kawasaki
lites. Toutes ces remarques reflètent les limites des classifi- − Maladie de Behçet
cations actuelles essentiellement issues des données anato- − Syndrome de Cogan
mocliniques ainsi que notre relative méconnaissance des − Syndrome de Mac Duffie
aspects étiologiques et physiopathologiques de ces affec- VI. Vasculites des connectivites et autres affections
tions se traduisant par une thérapeutique généralement − Lupus érythémateux disséminé
empirique et aspécifique. Aussi est-il nécessaire d’avoir une
− Polyarthrite rhumatoïde
vision pragmatique globale des vasculites et notamment
de ne pas les classer trop hâtivement sur les données du − Syndrome de Gougerot-Sjögren
seul examen anatomopathologique, notamment cutané. La − Dermatomyosite
classification que nous proposons (encadré 6.E) privilégie les − Polychondrite chronique atrophiante
causes tout en maintenant un groupe de vasculites repré- − Entérocolites inflammatoires
sentant une entité anatomoclinique définie, généralement VII. Vasculites des hémopathies et affections malignes
de cause inconnue. Elle est également critiquable sur diffé- − Myélodysplasies
rents points : un même agent étiologique peut donner des
− Leucémies à tricholeucocytes et autres
aspects cliniques différents, ainsi le virus de l’hépatite B
est responsable de lésions urticariennes correspondant à − Lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens
une atteinte des petits vaisseaux dermiques au stade pro- − Myélome, maladie de Waldenström
dromique et de certaines périartérites noueuses qui pour- − Cancers solides
raient également figurer dans les vasculites infectieuses. VIII. Anomalies biochimiques
Au cours des vasculites associées aux hémopathies peuvent − Cryoglobulinémie type II ou III
être impliqués des agents infectieux (exemples : leucémie à
− Hypergammaglobulinémie
tricholeucocytes et tuberculose), des anomalies immunolo-
giques (cryoglobuline, hypergammaglobulinémie...) et/ou − Déficit génétique en fractions du complément C2, C3, C4
des médicaments. Ainsi, selon le proverbe chinois, titre − Déficit en α-1-antitrypsine
d’un article de Lie ²⁴ : « Plus ça change, plus c’est la même 6.E
chose. »
teinte de nombreux viscères incluant le poumon (hémor-
Nomenclature ragies alvéolaires), le cortex splénique et les reins (aspect
Le terme de vasculite d’hypersensibilité a été créé par Zeek de glomérulonéphrite en histologie). Elle ressemblait à la
au milieu du siècle dernier pour désigner une vasculite vasculite induite expérimentalement chez le lapin par in-
systémique distincte de la périartérite noueuse du fait jection de sérum de cheval ²²,²⁸. Puis, ce terme a été dé-
d’une atteinte des vaisseaux de petit calibre (capillaires, vié de sa signification initiale et employé indifféremment
veinules, artérioles), d’une évolution aiguë et d’une hyper- pour désigner des vasculites cutanées isolées ou cutanéo-
sensibilité probable à un allergène médicamenteux ou in- systémiques avec atteinte prédominante des vaisseaux de
fectieux. L’évolution de cette vasculite était rapidement faible calibre quelle que soit la prédominance lymphocy-
fatale avec atteinte cutanée fréquente et possibilité d’at- taire ou neutrophilique de l’infiltrat périvasculaire ²⁹. Les
Vasculites de contact, alimentaires, médicamenteuses et infectieuses 6-9

termes de vasculite leucocytoclasique ou de vasculite aller-


gique ont alors été considérés comme des synonymes. Il Vasculites de contact, alimentaires,
s’agissait d’un groupe hétérogène de vasculites incluant le médicamenteuses et infectieuses
purpura rhumatoïde, la maladie sérique, les angéites mé-
dicamenteuses, les vasculites des affections malignes, les Vasculites de contact
cryoglobulinémies, les vasculites urticariennes, les vascu- Les vasculites de contact sont rares, généralement unique-
lites des connectivites ou d’autres maladies primitives ³⁰,³¹. ment à expression cutanée, de diagnostic évident du fait
En 1990, les rhumatologues du Collège américain de rhu- de la topographie initiale ou prédominante des lésions sur
matologie ont autonomisé et distingué du purpura rhu- la zone de contact. Elles peuvent faire suite à l’application
matoïde la vasculite d’hypersensibilité sur les critères sui- de produits chimiques (insecticides, dérivés du pétrole),
vants : 1o début à un âge supérieur à 16 ans ; 2o prise végétaux ou animaux ³⁷,³⁸ ou de topiques médicamenteux.
médicamenteuse ayant possiblement un rôle déclenchant ; Ainsi ont été décrites des vasculites de contact à l’hexomé-
3o purpura palpable ; 4o éruption maculopapuleuse ; dine, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens ou aux antal-
5o infiltrat à polynucléaires en position extravasculaire giques. Elles apparaissent 1 à 8 jours après les applications,
ou périvasculaire sur une coupe histologique incluant vei- se traduisant par des lésions purpuriques ou urticariennes,
nules et artérioles. La présence de trois critères sur les parfois associées à des lésions eczématiformes. Les biop-
cinq proposés permet d’obtenir dans ce classement une sies précoces ont mis en évidence une vasculite lympho-
sensibilité de 71 % et une spécificité de 83,9 % ³². Cette cytaire et/ou leucocytoclasique des vaisseaux dermiques
classification n’a jamais été acceptée par les dermatologues superficiels parfois associée à une spongiose épidermique.
qui ont supprimé définitivement de leur classification le Les tests épicutanés avec le produit en cause reproduisent
terme de vasculite d’hypersensibilité à partir de 1993, pré- la lésion initiale alors que ceux avec le produit actif dans sa
férant celui de vasculite nécrosante ou de vasculite leuco- forme orale sont inconstamment positifs. Le risque de réin-
cytoclasique des petits vaisseaux ³²,³³. En effet, le purpura troduction du produit en cause par voie orale en fonction
palpable et les lésions maculopapuleuses sont les plus fré- des résultats de ces tests n’a pas été évalué sur de grandes
quentes des manifestations cutanées des vasculites, notées séries.
chez 76 à 100 % des malades selon les séries ³⁴-³⁶. Presque
tous ces malades ont un infiltrat à polynucléaires neutro- Vasculites d’origine alimentaire
philes sur la biopsie cutanée à condition qu’une lésion ré- Moins d’une centaine d’observations de vasculites de l’en-
cente soit biopsiée. Ainsi, un grand nombre de malades fant ou de l’adulte secondaires à la prise d’aliments ont
avec vasculite cutanée quelle qu’en soit la cause réunissent été rapportées dans la littérature ⁴⁰. Touchant préférentiel-
aisément trois critères et seraient donc classés dans le lement les petits vaisseaux cutanés, elles peuvent être sé-
groupe des vasculites d’hypersensibilité. Dans une des rares vères avec atteinte articulaire, parfois partiellement préve-
études de la littérature où ces critères ont été utilisés, les nues par le cromoglycate de sodium. La positivité des tests
auteurs ont exclu de principe tous les purpuras rhuma- de réintroduction a permis d’incriminer certains aliments
toïdes et les vasculites associées aux maladies rhumatolo- (lait, œufs, chocolat...) ou additifs.
giques, à une hémopathie maligne, aux infections graves
ou à une cryoglobulinémie essentielle ainsi que les vas- Vasculites médicamenteuses
culites nécrosantes systémiques diagnostiquées suivant Elles peuvent être dues à un très grand nombre de médica-
des critères non définis. Aussi n’est-il pas étonnant que ments, avec une prévalence très faible chez les sujets traités
sur les 95 malades restants, les manifestations cliniques (encadré 6.F). Le diagnostic en est souvent difficile d’autant
prédominantes soient cutanées et articulaires et que le qu’elles peuvent aussi être secondaires à la maladie infec-
pronostic soit excellent. Cette conception de la vasculite tieuse ou auto-immune pour laquelle le traitement a été
d’hypersensibilité est très éloignée de celle de la descrip- prescrit et que les tests cutanés et in vitro n’ont pas d’inté-
tion initiale de Zeek dont les malades sont décédés rapide- rêt pour déterminer la responsabilité du médicament. Ces
ment. vasculites apparaissent dans des délais variables après le
En 1994, lors de la conférence internationale de consen- début de la prise médicamenteuse (quelques heures à plu-
sus de Chapel Hill sur la nomenclature des vasculites systé- sieurs années) ⁴¹. En cas de première prise, les délais les plus
miques, le terme de vasculite d’hypersensibilité n’est plus suggestifs sont compris entre 7 et 21 jours mais tous les
retenu ; les vasculites correspondant anciennement à cette délais sont possibles ⁴². Elles n’ont aucune particularité cli-
entité étant réparties dans les vasculites cutanées leuco- nique, touchant les vaisseaux de petit et moyen calibre. Les
cytoclasiques ou dans les polyangéites microscopiques sui- formes cutanées sont les plus fréquentes avec des lésions
vant l’absence ou l’existence d’une atteinte extracutanée ²⁷. purpuriques, papuleuses ou nécrotiques, plus rarement no-
Les malades avec polyangéite microscopique ont de nom- dulaires. Tous les éléments sont théoriquement d’âge simi-
breuses similarités avec celles décrites initialement par laire. Dans les formes systémiques existent souvent une
Zeek. Aussi préférons-nous les termes plus pragmatiques atteinte articulaire, rénale (similaire à celle de la polyan-
de vasculites de contact, alimentaires, médicamenteuses géite microscopique) et hépatique. L’atteinte du système
et infectieuses au terme global de vasculite d’hypersensibi- nerveux est plus rare. Sur le plan biologique, il existe une
lité. hyperéosinophilie sanguine, plus souvent observée dans
6-10 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

Médicaments pouvant induire des vasculites


Antimicrobiens Diurétiques Inhibiteurs des leucotriènes
• Antibiotiques • Chlorthalidone • Montélukast
− Chloramphénicol • Furosémide • Pranlukast
− Clindamycine • Hydrochlorothiazide • Zarfirlukast
− Gentamicine • Spironolactone Agents psychotropes
− Isoniazide Autres médicaments à visée • Amitriptyline
− Macrolides cardiovasculaire • Clozapine
− Pénicilline/β-lactamines • Acébutolol • Cocaïne
− Quinolones • Aténolol • Diazépam
− Rifampicine • Captopril • Ecstasy
− Sulfamides • Diltiazem • Fluoxétine
− Tétracyclines • Guanéthidine • Héroïne
− Vancomycine • Hydralazine • Maprotiline
• Antiviraux • Méthyldopa • Paroxétine
− Aciclovir • Nifédipine • Trazodone
− Éfavirenz Anticoagulants, thrombolytiques Sympathomimétiques
− Indinavir • Héparine • Éphédrine
− Zidovudine • Streptokinase • Méthamphétamine
• Antifongiques • Warfarine • Phenylpropanolamine
− Griséofulvine Antinéoplasiques, antimétabolites Autres
Vaccins • Allopurinol • Additifs et suppléments alimentaires
• Grippe • Azathioprine • Cimétidine
• Hépatite A • Busulphan • Chlorpropamide
• Hépatite B • Chlorambucil • Ciclosporine
• Pneumocoque • Colchicine • Dextran
• Rougeole • Cyclophosphamide • Diphenhydramine
• Rubéole • Cytosine arabinoside • Étanercept
Interférons • Levamisole • Iodure de potassium
• α, β, γ • Melphalan • Infliximab
Agents antithyroïdiens • Méthotrexate • Metformine
• Carbimazole • Rétinoïdes • Méfloquine
• Méthimazole • Tamoxifène • Oméprazole
• Propylthiouracile Facteurs de croissance hématopoïétique • Phénacétine
Antiépileptique, antiarythmique • G-CSF • Produits de contraste iodés
• Acide valproïque • GM-CSF • Quinine
• Amiodarone Anti-inflammatoires non stéroïdiens • Rituximab
• Carbamazépine • Acide acétylsalicylique • Sels d’or
• Phénytoïne • Acide méfénamique • Sulfasalazine
• Procainamide • Diclofénac • Tacrolimus
• Quinidine • Flurbiprofen
• Triméthadione • Ibuprofen
• Indométhacine
• Phénylbutazone
• Piroxicam
6.F

 G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor
Purpura rhumatoïde 6-11

les formes systémiques qu’en cas d’atteinte cutanée isolée. une ponction lombaire et des hémocultures. À l’inverse, la
Certains auteurs insistent sur la fréquence de l’infiltrat lym- découverte lors d’un examen clinique soigneux de lésions
phocytaire, parfois associé à des éosinophiles ²¹, alors que purpuriques devant un syndrome méningé oriente vers
d’autres auteurs ne signalent pas de particularités histolo- une étiologie infectieuse, en particulier méningococcique.
giques de la biopsie cutanée ⁴¹,⁴². En fait, il s’agit souvent Le diagnostic est plus difficile lorsque l’infection est subai-
d’un diagnostic d’élimination qui doit cependant être en- guë ou chronique, peu fébrile. Il est alors fondamental de
visagé rapidement pour arrêter le plus tôt possible les mé- rechercher soigneusement les infections graves et curables
dicaments suspects. Habituellement, les manifestations comme les endocardites, les méningococcémies chroniques
cliniques disparaissent à l’arrêt de ceux-ci. Cependant, la ou une hépatite due aux virus des hépatites B ou C. La pra-
gravité de l’atteinte cutanée ou des atteintes systémiques tique systématique de radiographies des sinus et d’un pano-
peut justifier un traitement sans attendre leur régression. rex dentaire et le dosage des anticorps antistreptococciques
La présence d’ANCA ne doit pas remettre en cause l’ori- à la recherche de foyers infectieux sont faits systématique-
gine médicamenteuse de la vasculite, les principaux médica- ment bien que de faible rentabilité.
ments inducteurs de vasculites avec ANCA étant rapportés À une infection peuvent correspondre plusieurs types de
dans le encadré 6.G. Ces anticorps sont plus souvent de type vasculites. Ainsi, l’infection par le virus de l’hépatite B, à
myélopéroxidase que protéinase 3. Seule une nécrose cuta- la phase prodromique, peut comporter une éruption ur-
née extensive ou une atteinte systémique grave incitent à ticarienne correspondant à une vasculite et, à une phase
traiter les malades par une corticothérapie générale éven- tardive, se compliquer secondairement d’un tableau de pé-
tuellement associée à des immunosuppresseurs. riartérite noueuse. Inversement, un même aspect clinique
tel que la périartérite noueuse peut être secondaire à di-
Médicaments pouvant induire des vasculites avec ANCA verses infections : parvovirus B19, hépatite B, hépatite C,
Hydralazine cytomégalovirus ⁴⁴,⁴⁵...
Propylthiouracile
Inhibiteurs des leucotriènes Purpura rhumatoïde (PR)
Sulfasalazine Le PR ou purpura de Schönlein-Henoch associe des signes
Minocycline cutanés, articulaires et digestifs, évoluant souvent par pous-
D-pénicillamine sées successives avec parfois une atteinte rénale, condition-
Ciprofloxacine nant le pronostic. Il survient préférentiellement chez l’en-
fant de 5 à 15 ans, avec un pic de fréquence à 7 ans, plus
Phénytoïne
souvent chez le garçon, après une infection des voies aé-
Clozapine riennes supérieures. Mais d’autres infections sont aussi in-
Allopurinol criminées, bactériennes (Yersiniae, Campylobacter jejuni...),
6.G virales (parvovirus B19) ou parasitaires (Toxocara canis).
D’autres facteurs étiologiques sont évoqués sans cepen-
Vasculites infectieuses dant que leur rôle ait été prouvé : médicaments, vaccina-
Toutes les infections qu’elles soient bactériennes, virales, tions, piqûres d’insectes ⁴⁶... Le PR est aussi observé chez
mycologiques ou parasitaires sont susceptibles d’être asso- l’adulte, même chez le sujet âgé, où il est souvent déclenché
ciées à une vasculite, cutanée isolée ou systémique ⁴³. Le par une prise médicamenteuse ⁴⁷.
diagnostic est généralement facile au cours des infections Le purpura maculo-papuleux est, dans plus de la moitié
aiguës notamment septicémiques. La vasculite est alors sou- des cas, le premier signe de la maladie, parfois précédé de
vent associée à des phénomènes thrombotiques et/ou à des lésions urticariennes. Bilatéral et symétrique, il siège pré-
emboles septiques. Le purpura fulminans est la forme la férentiellement sur les membres inférieurs (fig. 6.9), remon-
plus grave associant, à des degrés divers, un syndrome infec- tant sur les fesses, plus rarement sur le tronc (fig. 6.10) et
tieux, des troubles de la conscience, un purpura nécrotique les membres supérieurs. En fait, l’éruption est très poly-
extensif et un état de choc dont le traitement est la priorité morphe, associant ces éléments purpuriques à des lésions
absolue. Parallèlement, des prélèvements bactériologiques bulleuses, ecchymotiques, en cocardes, nécrotiques (fig. 6.11),
sont pratiqués, comportant une ponction lombaire, des hé- des nodules sous-cutanés, des plaques urticariennes. L’évo-
mocultures répétées, des prélèvements pharyngés et une lution se fait par poussées, expliquant la coexistence de
cytobactériologie urinaire. Il s’agit le plus souvent de mé- lésions d’âge différent. Il peut exister des œdèmes des ex-
ningocoque mais aussi d’Haemophilus, plus rarement de trémités, même en l’absence d’atteinte rénale ⁴⁸. La biop-
streptocoque, de pneumocoque ou de staphylocoque. L’an- sie d’une lésion cutanée montre le plus souvent une vascu-
tibiothérapie est prescrite d’emblée, sitôt les prélèvements lite leucocytoclasique prédominant sur les veinules post-
bactériologiques faits, sans attendre leurs résultats, faisant capillaires, avec en IFI des dépôts d’IgA parfois associés à
appel aux céphalosporines. Ce tableau, rare chez l’adulte, du C3 au niveau des parois vasculaires dans environ la moi-
est de pronostic réservé. tié des cas. Si ceux-ci constituent un argument en faveur du
Parfois le tableau est moins sévère. En tout état de cause, diagnostic, ils ne sont pas spécifiques du PR. Plus rarement,
un purpura fébrile impose de pratiquer systématiquement c’est un aspect de vasculite lymphocytaire que l’on observe.

 ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · IFI immunofluorescence indirecte · PR purpura rhumatoïde
6-12 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

Coll. D. Bessis
Fig. 6.9 Purpura rhumatoïde : purpura maculo-papuleux déclive des
membres inférieurs

Les arthralgies, parfois inaugurales, sont fréquentes, pré-


sentes dans 75 % des cas, surtout au niveau des chevilles et
des genoux, intéressant moins souvent les poignets et les ar-
ticulations interphalangiennes. L’examen des articulations
est habituellement normal, montrant parfois des tuméfac-
tions péri-articulaires. Les myalgies sont fréquentes chez
l’adulte.
Les symptômes digestifs sont habituellement peu sévères,
limités à des douleurs abdominales modérées, des vomis-
sements, une diarrhée, ou parfois plus importants, condui-
sant à une laparotomie quand ils évoquent un tableau chi-
rurgical, appendicite ou cholécystite. Des hémorragies di-
gestives à type de méléna, de rectorragies, plus rarement
d’hématémèse, une invagination intestinale aiguë, le plus
souvent iléo-iléale, peuvent s’observer. Quelques cas d’enté-

Coll. D. Bessis
ropathie exsudative, de perforations ou de nécroses du tube
digestif ont été rapportés. Ces diverses complications sont
plus fréquentes chez l’enfant que chez l’adulte ⁴⁹. Le diagnos- Fig. 6.11 Purpura rhumatoïde : éruption polymorphe associant
tic peut être orienté par l’échographie et/ou les examens to- simultanément des lésions cutanées d’âge différent à type de plaques
modensitométriques. L’endoscopie digestive haute et basse purpuriques, nécrose cutanée, ulcérations post-nécrotiques et plaques
objective parfois un purpura muqueux, plus rarement des pigmentées
ulcérations hémorragiques ou des lésions nécrotiques. Sur
les biopsies, les dépôts vasculaires d’IgA semblent très spéci- L’atteinte rénale survient de façon précoce, concomitante
fiques du PR alors que l’on ne voit pas toujours de vasculite. aux signes cutanés, ou parfois tardivement, plusieurs mois
après l’épisode aigu, ce qui nécessite un suivi prolongé. Sa
fréquence est difficile à apprécier, dépendant du mode de re-
crutement des malades et variant de 20 à 100 %. L’hématu-
rie et la protéinurie sont quasi constantes. L’hypertension
artérielle peut s’associer à ces signes d’atteinte gloméru-
laire, mais elle est parfois isolée. Une insuffisance rénale
initiale, un syndrome néphrotique sont plus rares. Il existe
une assez bonne corrélation entre la sévérité des manifesta-
tions cliniques et biologiques et les lésions histologiques ⁵⁰.
En microscopie optique, on observe des lésions gloméru-
laires caractérisées par des dépôts mésangiaux, une hyper-
cellularité mésangiale d’importance variable et parfois une
Coll. D. Bessis

prolifération extracapillaire responsable de croissants épi-


théliaux. Selon l’importance de la prolifération cellulaire,
on décrit quatre types de glomérulonéphrites, mésangiopa-
Fig. 6.10 Purpura rhumatoïde : atteinte extensive purpurique pétéchiale thique, segmentaire et focale, proliférative endocapillaire,
du tronc endo- et extracapillaire. Le PR est caractérisé par des dépôts

 PR purpura rhumatoïde
Œdème aigu hémorragique du nourrisson 6-13

granuleux fixant préférentiellement le sérum anti-IgA, de cothérapie générale est prescrite pour des manifestations
façon moins importante les sérums anti-IgG, anti-IgM et digestives sévères mais son effet préventif sur l’atteinte ré-
anti-C3, localisés principalement dans le mésangium et le nale est toujours discuté. En cas de néphropathie, le traite-
long des capillaires glomérulaires, dans les formes sévères. ment dépend de sa gravité : corticothérapie orale et/ou en
D’autres manifestations cliniques peuvent être observées, bolus, immunosuppresseurs, échanges plasmatiques. L’in-
urogénitales (atteinte testiculaire, sténose urétérale), car- térêt des immunoglobulines intraveineuses reste à démon-
diaques (myocardite), pulmonaires (hémoptysies), neuro- trer dans les manifestations digestives et rénales sévères.
logiques (céphalées, crises comitiales), oculaires (épisclé-
rite ou uvéite antérieure), parotidiennes... Chez l’adulte, il
existe souvent de la fièvre et une altération de l’état général. Œdème aigu hémorragique du nourrisson
Sur le plan biologique, il n’y a aucun signe caractéristique (OAH)
de la maladie. Un syndrome inflammatoire est fréquent.
L’augmentation polyclonale des IgA sériques est observée L’OAH du nourrisson est une forme particulière de PR ⁵⁴. Il
dans 25 à 50 % des cas mais n’est pas un critère absolu survient brutalement chez un nourrisson de 5 mois à 2 ans,
du diagnostic. Des anticorps anticytoplasme des polynu- après une infection ORL dans la moitié des cas, une vacci-
cléaires neutrophiles, d’isotype IgA sont parfois observés, nation ou une prise médicamenteuse. L’OAH débute par
en particulier dans les PR de l’adulte ⁵¹. Le diagnostic est de la fièvre, rapidement suivie de l’apparition d’œdèmes
habituellement facile chez l’enfant, le PR étant la plus fré- des extrémités et d’une éruption purpurique. Les œdèmes,
quente des vasculites. Chez l’adulte, l’individualisation du fermes, tendus, rosés, douloureux spontanément ou à la
PR par rapport aux autres vasculites des petits vaisseaux palpation, touchent les extrémités des membres, de façon
reste discutée. Dans le dessein d’« uniformiser » la classi- bilatérale et symétrique, parfois le visage. Les lésions pur-
fication de ces vasculites, différents critères ont été pro- puriques, en cocardes, évoluant de façon centrifuge vers
posés par le Collège américain de rhumatologie en 1990 des placards infiltrés, ecchymotiques, parfois nécrotiques,
(encadré 6.H) ⁵². siègent dans les mêmes zones que les œdèmes (fig. 6.12).
S’y associent parfois des bulles, des lésions urticariennes.
Critères diagnostiques du purpura rhumatoïde selon l’ARA Les atteintes systémiques, rénales ou digestives, sont très
rares.
1. Purpura palpable.
Sur le plan biologique, il existe seulement un syndrome in-
2. Âge inférieur à 20 ans au début de la maladie. flammatoire non spécifique. Si une biopsie est réalisée sur
3. Douleurs abdominales diffuses, plus importantes après les repas, une lésion récente, elle montre une vasculite nécrosante
ou diagnostic d’ischémie digestive, incluant habituellement des leucocytoclasique. Malgré le caractère très impressionnant
diarrhées sanglantes. des lésions, l’évolution se fait spontanément vers la gué-
4. Lésions histologiques montrant des granulocytes dans les parois rison en une à trois semaines, mais parfois une ou deux
poussées apparaissent dans les semaines suivantes ⁵⁵.
des artérioles et des veinules.
La présence de deux critères ou plus est associée à une sensibilité de
87,1 % et une spécificité de 87,7 %.
Cryoglobulinémies mixtes (CM)
6.H Les cryoglobulinémies sont définies par la présence persis-
tante dans le sérum d’Ig qui précipitent au froid et se solubi-
L’évolution du PR diffère en fonction de l’âge. Chez l’enfant, lisent à nouveau lors du réchauffement ⁵⁶. Cette définition
c’est le plus souvent une affection aiguë bénigne, la poussée permet de distinguer les cryoglobulinémies des autres cryo-
durant en moyenne 4 semaines. Par contre, chez environ protéines, cryofibrinogènes et agglutinines froides. Selon
50 % des adultes, il y a des poussées successives, avec de leur composition immunochimique, trois types sont défi-
façon isolée ou associée des manifestations cutanées, ar- nis : les cryoglobulinémies de type I composées d’une Ig
ticulaires, digestives. L’atteinte rénale est habituellement monoclonale unique, les CM, de type II et de type III com-
de bon pronostic mais, à long terme, l’évolution n’est pas posées d’Ig polyclonales associées (type II) ou non (type III)
toujours favorable, les signes rénaux pouvant s’aggraver à un ou plusieurs constituants monoclonaux. L’Ig peut
des années après l’épisode initial, parfois à l’occasion d’une se comporter comme une antiglobuline avec une activité
grossesse, entraînant une insuffisance rénale chronique facteur rhumatoïde anti-IgG ⁵⁷. Les cryoglobulinémies de
chez environ 15 % des patients. type I (25 à 35 %), associées à une hémopathie lymphoïde B
Le traitement dépend de la symptomatologie ⁵³. Le repos donnent plus souvent des thromboses que des vasculites.
au lit, très souvent prescrit, est nécessaire en cas d’arthral- Les CM (65 à 75 %) se manifestent essentiellement par une
gies et de douleurs abdominales mais rien ne permet de vasculite et sont associées aux hémopathies lymphoïdes B,
dire qu’il modifie l’évolution ou diminue le risque de compli- mais aussi aux maladies auto-immunes, maladies infec-
cations. Les antalgiques et les anti-inflammatoires non sté- tieuses, en particulier celles au cours desquelles l’agent
roïdiens sont souvent suffisants dans les formes cutanéo- pathogène persiste longtemps dans l’organisme, avec une
articulaires. La dapsone est efficace sur les lésions cutanées mention particulière pour le virus de l’hépatite C (50 à
mais aussi sur les atteintes digestive et articulaire. La corti- 70 % des cas) ⁵⁸ (encadré 6.I). Pour 15 % des CM, aucune cause

 ARA American Rheumatism Association · CM cryoglobulinémies mixtes · OAH œdème aigu hémorragique · PR purpura rhumatoïde
6-14 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

Coll. Pr M.-S. Doutre, Bordeaux

Coll. Pr M.-S. Doutre, Bordeaux


Fig. 6.12 Œdème aigu hémorragique du nourrisson : lésions purpuriques, hémorragiques du visage et des membres supérieurs

n’est retrouvée et la cryoglobulinémie est dite mixte « es- retardée et se manifeste par une protéinurie, une hématu-
sentielle ». rie microscopique ou parfois une insuffisance rénale chro-
Les CM sont à l’origine de vasculites systémiques, sur- nique modérée. Un syndrome néphrotique impur ou un
tout chez la femme, débutant souvent entre la quatrième syndrome néphritique aigu peuvent survenir ; une hyper-
et cinquième décennie. L’atteinte cutanée, pratiquement tension artérielle étant fréquente dès l’apparition de la
constante ⁵⁹,⁶⁰ se manifeste essentiellement par un pur- néphropathie. Histologiquement, il s’agit d’une gloméru-
pura déclive mais aussi par des lésions papuleuses notam- lonéphrite membrano-proliférative avec souvent une at-
ment urticariennes, un livédo, des lésions nécrotiques, teinte des vaisseaux de petit et moyen calibre, avec nécrose
ces dernières moins fréquentes qu’au cours des cryoglo- fibrinoïde de la paroi et infiltration périvasculaire mono-
bulinémies monoclonales, ou encore des ulcères supra- cytaire. En IFI, on note des dépôts sous-endothéliaux et
maléolaires, surtout en cas d’insuffisance veineuse préexis- intraluminaux constitués d’Ig identiques à celles du cryo-
tante. Chaque poussée est volontiers précédée d’une sen- précipité ; seuls les dépôts sous-endothéliaux contenant
sation de brûlure et persiste 3 à 10 jours. L’évolution est du C3. L’aspect en microscopie électronique avec des dé-
chronique marquée par des poussées itératives qui peuvent pôts sous-endothéliaux et endoluminaux présentant un
être déclenchées par l’orthostatisme, les efforts prolongés,
l’exposition au froid, voire un traumatisme. À la longue,
elles laissent une dermite ocre bilatérale, non expliquée
par une éventuelle insuffisance veineuse sous-jacente, mas-
quant les lésions purpuriques (fig. 6.13). Un syndrome de Ray-
naud et une acrocyanose sont observés chez 25 % des pa-
tients. Ces manifestations cutanées sont significativement
plus fréquentes au cours des cryoglobulinémies mixtes as-
sociées à une infection par le virus de l’hépatite C.
Des arthralgies touchant les grosses articulations, mains
et genoux, plus rarement chevilles ou coudes, bilatérales
et symétriques, non déformantes et non migratrices sont
présentes chez 50 à 75 % des patients, intermittentes et
Coll. D. Bessis

souvent inaugurales. Les arthrites vraies sont beaucoup


plus rares, de même que l’atteinte rachidienne.
L’atteinte rénale s’observe surtout en cas de CM de type II Fig. 6.13 Purpura cryoglobulinémique : association très évocatrice d’un
avec une IgM kappa monoclonale. Elle est habituellement purpura déclive et d’une dermite ocre ramifiée bilatérale séquellaire

 CM cryoglobulinémies mixtes · IFI immunofluorescence indirecte


Cryoglobulinémies mixtes 6-15

Maladies associées à la production de cryoglobuline


Hémopathies malignes lymphoïdes B Maladies infectieuses
Maladie de Waldenström Bactériennes
Myélome multiple Endocardite sub-aiguë
Plasmocytome Syphilis
Lymphome non hodgkinien Glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique
Leucémie lymphoïde chronique Maladie de Lyme
Leucémie à tricholeucocytes Brucellose
Maladies systémiques et/ou auto-immunes Fièvre boutonneuse méditerranéenne
Lupus érythémateux disséminé Surinfection de shunt atrioventriculaire
Périartérite noueuse Lèpre lépromateuse
Syndrome de Gougerot-Sjögren Virales
Polyarthrite rhumatoïde Virus d’Epstein-Barr
Purpura rhumatoïde Cytomégalovirus
Granulomatose de Wegener Hépatite virale aiguë A
Dermato-polymyosite Hépatites virales chroniques B et C
Sclérodermie Virus de l’immunodéficience humaine (VIH)
Maladie de Behçet Adénovirus
Sarcoïdose Parasitaires
Thyroïdite auto-immune Paludisme
Cirrhose biliaire primitive Leishmaniose viscérale
Hépatites auto-immunes Toxoplasmose
Maladie cœliaque Schistosomiase
Pemphigus vulgaire Échinococcose
Fibrose endomyocardique Splénomégalie tropicale
Fibrose pulmonaire idiopathique Fungiques
Coccidioïdomycose
Autres
Glomérulonéphrite extracapillaire
6.I

aspect cristalloïde est pathognomonique. Une rémission subaiguë peut évoquer une multinévrite sévère. Les études
prolongée, partielle ou complète, parfois spontanée, peut électrophysiologiques suggèrent des lésions de dégénéres-
être observée. Les anomalies urinaires, notamment la pro- cence axonale, avec une diminution des amplitudes des po-
téinurie et l’hématurie, peuvent persister avec, pendant de tentiels moteurs et/ou sensitifs, des vitesses de conduction
nombreuses années, un débit de filtration glomérulaire nor- motrices peu diminuées, des latences distales peu allongées,
mal. À un stade tardif, une insuffisance rénale chronique et la présence de signes de dénervation ou de ré-inervation
est fréquente, mais demeure modérée, obligeant exception- dans les muscles distaux. Les potentiels sensitifs sont tou-
nellement à l’épuration extrarénale définitive. Les manifes- jours altérés, plus souvent aux membres inférieurs qu’aux
tations neurologiques sont essentiellement de type péri- membres supérieurs. L’atteinte du système nerveux cen-
phérique : polyneuropathie sensitive ou sensitivo-motrice tral est exceptionnelle : convulsions, encéphalopathie avec
distale prédominant aux membres inférieurs chez deux coma, atteinte des nerfs crâniens, voire accident vasculaire
tiers des patients, ou mononeuropathies multiples chez cérébral.
un tiers des patients débutant par des troubles sensitifs Les autres manifestations sont beaucoup plus rares : hépa-
superficiels avec douleurs et paresthésies asymétriques, de- tique (hépatomégalie, splénomégalie, circulation veineuse
venant secondairement symétriques. Le déficit moteur, in- collatérale, voire angiomes stellaires), liée à une infection
constant, peut être retardé de quelques mois à quelques par le virus de l’hépatite C ; cardiaques (atteinte valvulaire
années, s’installant progressivement, prédominant sur les mitrale, vasculite coronaire avec infarctus du myocarde, pé-
loges antéro-externes des membres inférieurs, plutôt asy- ricardite, insuffisance cardiaque congestive) ; pulmonaires,
métrique. L’évolution prolongée se fait par poussées, avec souvent asymptomatique, mais pouvant se traduire par
stabilisation, rémission ou exacerbation des symptômes une dyspnée d’effort modérée, une toux sèche, des épanche-
parfois déclenchés par une exposition au froid. Une neu- ments pleuraux ou des hémoptysies ; digestives à type de
ropathie asymétrique de survenue brutale et d’évolution douleurs abdominales parfois pseudo-chirurgicales, d’hé-
6-16 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

morragies digestives pouvant révéler une vasculite mésen- fisance cardiaque, infarctus du myocarde), les infections
térique. Enfin, une fièvre inexpliquée, associée ou non à sévères, l’insuffisance hépato-cellulaire voire l’émergence
une altération de l’état général, est souvent présente. d’un syndrome lymphoprolifératif.
Le syndrome de Meltzer et Franklin ou syndrome de CM Au cours des cryoglobulinémies mixtes essentielles, l’ab-
« essentielle » décrit en 1966, associe purpura, asthénie, ar- sence d’étude contrôlée et les fluctuations importantes des
thralgies avec ou sans neuropathie périphérique. Cette asso- symptômes cliniques et du taux de la cryoglobuline ne per-
ciation, décrite initialement comme « unique et spécifique », mettent pas de donner une conduite standardisée. Dans
n’est en fait qu’une partie du spectre des cryoglobulinémies les formes mineures, le traitement repose sur : l’absence
mixtes. Le caractère « essentiel » de la cryoglobulinémie re- d’exposition au froid, l’éradication des foyers infectieux,
pose sur un bilan étiologique extensif négatif et une longue le port d’une contention, les antalgiques, voire les anti-
surveillance, certaines affections comme le lupus érythé- inflammatoires non stéroïdiens en cas d’arthralgie ou d’ar-
mateux disséminé ou la maladie de Waldenström pouvant thrite. Les thérapeutiques vasodilatatrices modernes, en
se déclarer plusieurs mois, voire années, après l’apparition particulier les analogues de la prostacycline (Iloprost), en as-
des symptômes dus à la cryoglobulinémie. sociation aux antiagrégants plaquettaires et/ou aux anticoa-
La mise en évidence de la cryoglobulinémie nécessite une gulants, sont utilisés en cas de lésions ischémiques distales.
technique sensible et spécifique afin d’optimiser sa re- L’interféron α, notamment avec la forme pégylée, semble
cherche, de préciser son taux et de la typer. Le tube de pré- prometteur dans quelques études pilotes, par ses proprié-
lèvement sanguin est maintenu à 37 ◦ C pendant au moins tés immuno-modulatrices sur les cellules lymphoïdes B et
1 heure avant la centrifugation à 37 ◦ C. Le sérum est en- ses effets antiviraux sur le virus de l’hépatite C. Dans les
suite placé à 4 ◦ C et, au huitième jour, en l’absence de préci- formes sévères ou récidivantes (neuropathie périphérique
pitation, on pourra exclure la présence d’une cryoglobuli- sévère, nécrose, gangrène distale des membres, glomérulo-
némie. La notion de seuil pathologique doit être discuté : néphrite...) peuvent se discuter les échanges plasmatiques
un taux de 50 mg/dl est généralement exigé, en sachant en association aux immunosuppresseurs. Enfin les anti-
que celui-ci est très variable chez un même sujet et qu’il n’y corps monoclonaux anti-CD20 (rituximab), efficaces dans
a pas de strict parallélisme entre l’importance des signes certaines cryoglobulinémies de type II associées au virus
cliniques et la quantité de cryoglobulinémie présente dans de l’hépatite C en échec d’un traitement par interféron ⁶²
le sérum. La température maximale de cryoprécipitation ou idiopathiques ⁶³, pourraient être plus largement utilisés
peut varier de 11 à 37 ◦ C. Quand la recherche est positive dans les années à venir.
à un taux significatif (supérieur ou égal à 50 mg/dl), le ty-
page immunochimique de la cryoglobulinémie est indispen- Vasculite urticarienne de Mac Duffie
sable, par immunofixation ou, de façon plus performante,
par immuno-empreinte (Western-Blot) cela permettant de Au sein des vasculites urticariennes a été isolée en 1973 une
la classer parmi les trois types précédemment décrits ⁶¹. nouvelle entité à propos de quatre malades ayant tous une
Des anomalies du complément sont observées : diminu- hypocomplémentémie ⁶⁴. En 1980 sont mises en évidence
tion des composants précoces (C1q, C2, C4) et du CH50, dans le sérum de ces malades des IgG précipitant le C1q ⁶⁵,
concentration normale du C3, et composants tardifs (C5 et identifiées secondairement comme des auto-anticorps anti-
C9) et C1 inhibiteur augmentés. Une activité facteur rhu- C1q ⁶⁶. Il s’agit d’une forme rare de vasculite (moins de
matoïde est souvent retrouvée liée à la présence, dans cer- 100 cas rapportés), dont l’individualisation est étayée par
taines cryoglobulinémies, d’une IgM avec activité anti-IgG. une symptomatologie clinique particulière en particulier
L’électrophorèse et l’immuno-électrophorèse retrouvent pulmonaire et la présence d’une hypocomplémentémie
une hypergammaglobulinémie polyclonale ou un pic mono- avec autoanticorps anti-C1q dont la pathogénicité n’est
clonal. La présence d’une cryoglobulinémie peut perturber pas clairement établie ⁶⁷.
certains examens de routine : variations inattendues de la La vasculite urticarienne hypocomplémentémique atteint
protidémie ou des gammaglobulines, vitesse de sédimen- préférentiellement la femme jeune et d’âge moyen avec un
tation faussement normale (fluctuante d’un jour à l’autre, sex-ratio F/H d’environ 3/1. Des formes touchant l’enfant
ou élevée à 37 ◦ C du fait de l’hypergammaglobulinémie et ou des sujets plus âgés ont également été décrites ⁶⁸-⁷⁰.
abaissée à 20 ◦ C), auto-agglutination des globules rouges Les lésions urticariennes (fig. 6.14), généralement inaugu-
sur lame, pseudo-leucocytose, pseudo-thrombocytose ou rales, persistent habituellement plus de 12 heures, parfois
pseudo-macrocytose globulaire. moins. Le prurit est modéré, voire absent, parfois rem-
Les cryoglobulinémies mixtes de type II ou de type III ont placé par une sensation de brûlure ou de picotement. L’évo-
une évolution et un pronostic très variables d’un sujet à lution purpurique des lésions est plus souvent observée
l’autre, qui dépendent de l’atteinte rénale (type II), de l’ex- que dans les autres vasculites urticariennes ⁷¹. Histologi-
tension systémique de la maladie, et de la sévérité de l’hy- quement existe une vasculite touchant les veinules post-
pertension artérielle. Dans plusieurs grandes séries, la pro- capillaires avec un infiltrat composé essentiellement de po-
babilité de survie à 5 ans après le début des symptômes lynucléaires, beaucoup plus rarement de lymphocytes, asso-
est de 90 % en l’absence d’atteinte rénale et de 50 % en cas cié parfois à une nécrose fibrinoïde. La fréquence d’un infil-
d’atteinte rénale. Les principales causes de décès sont les trat dermique interstitiel (71 %), de dépôts d’Ig et/ou de C3
accidents cardiovasculaires (hémorragie cérébrale, insuf- dans les vaisseaux dermiques (87 %) et à la jonction dermo-

 CM cryoglobulinémies mixtes
Vasculite urticarienne de Mac Duffie 6-17

épidermique (70 %) est plus élevée que dans les autres vas- Une atteinte pleurale ou interstitielle peut être observée.
culites urticariennes. L’existence d’une dégénérescence de Le mécanisme physiopathogénique en est encore partielle-
certains kératinocytes basaux, également observée dans ment inconnu. Histologiquement ne sont observés le plus
les lésions lupiques, ne permet pas de préjuger d’un éven- souvent que des aspects d’emphysème, exceptionnellement
tuel lupus associé ⁷¹. Très souvent, l’éruption urticarienne une vasculite ⁷¹,⁷⁴. Les hypothèses d’un déficit fonctionnel
est accompagnée d’épisodes d’œdème de Quincke (près de en α-1-antitrypsine ou d’une réaction croisée entre les an-
la moitié des cas), beaucoup plus rarement d’autres lésions ticorps anti-C1q et les protéines du surfactant des alvéoles
cutanées tel un livédo. pulmonaires ne sont pas confirmées. Une phase inflamma-
L’atteinte articulaire est quasi constante avec de simples ar- toire est suggérée par l’existence d’une polynucléose dans
thralgies ou des arthrites non érosives. La distribution est le liquide de lavage bronchioloalvéolaire et d’une fixation
souvent oligo- ou polyarticulaire touchant les grosses et pe- du parenchyme pulmonaire sur la scintigraphie au gallium.
tites articulations. Un syndrome de Jaccoud a été rapporté Quel qu’en soit le mécanisme, le tabac a pratiquement tou-
dans quelques cas. Des nodules sous-cutanés ont été dé- jours un rôle aggravant avec possibilité d’amélioration de
crits dans certains observations avec une histologie de no- l’atteinte pulmonaire lors du sevrage tabagique. Un asthme,
dule rhumatoïde ⁷². Des manifestations ophtalmologiques, une fibrose interstitielle diffuse ou une hémorragie intra-
à type de conjonctivite, de sclérite ou d’uvéite sont pré- alvéolaire ont été rapportés dans des cas isolés ⁶⁵,⁶⁹,⁷². L’at-
sentes selon les séries dans 15 à 61 % des cas ⁶⁸-⁷⁰. Des pé- teinte rénale se traduit essentiellement par une protéinurie
ricardites, de type lymphocytaire, sont occasionnellement et/ou hématurie, présente dans 20 % des cas. Une baisse
signalées. L’atteinte pulmonaire de type obstructive, obser- de la créatinine est constatée chez 8 % des malades ⁶⁸, l’in-
vée dans 26 à 65 % des cas, est le principal caractère clinique suffisance rénale terminale étant exceptionnelle ⁶⁹,⁷⁵. His-
distinctif de cette vasculite ⁷⁰,⁷¹,⁷³. Elle apparaît principale- tologiquement sont observées par ordre de fréquence des
ment mais non exclusivement chez les fumeurs, se manifes- glomérulonéphrites prolifératives mésangiales, proliféra-
tant par une dyspnée rapidement progressive, habituelle- tives focales, membranoprolifératives diffuses et beaucoup
ment sévère, parfois fatale en l’absence de transplantation. plus rarement une atteinte scléreuse ou des altérations mi-
nimes ⁶⁸. Des dépôts d’Ig de type IgG et du C3 sont volon-
tiers présents sur les capillaires et dans le mésangium. Le
rôle pathogène des anticorps anti-C1q à l’origine de cette
néphropathie est possible sans être clairement démontré.
D’autres manifestations viscérales ont été décrites dans des
cas isolés : atteinte neurologique avec convulsions, ménin-
gite, mononévrite ⁶⁵, pseudotumeur cérébrale ⁷⁶, myalgies,
syndrome de Gougerot-Sjögren ⁷⁷...
Biologiquement, il existe par définition une hypocomplé-
mentémie portant surtout sur le C1q et des anticorps de
type IgG dirigés contre la fraction pseudo-collagénique du
C1q. Les taux de C3 et le C4 sont volontiers abaissés. Les
facteurs antinucléaires sont théoriquement absents, en
fait présents dans certaines observations, sans anticorps
anti-ADN double brin ni anticorps anti-Sm ni anticorps
anti-ENA.
Le traitement fait appel aux antipaludéens de synthèse ou
à la dapsone dans les formes mineures. En cas d’échec de
ces traitements, le recours à une corticothérapie est parfois
nécessaire, celle-ci s’imposant en présence d’une atteinte
rénale sévère, associée à un immunosuppresseur tel que
l’azathioprine. Bien que l’évolutivité de l’atteinte pulmo-
naire obstructive semble peu influençable par le traitement,
l’apparition récente d’une dyspnée avec polynucléose au la-
vage et fixation pulmonaire à la scintigraphie au gallium
incite à débuter une traitement agressif (corticostéroïdes
à haute dose + immunosuppresseurs + dapsone). L’arrêt
de l’intoxication tabagique est indispensable dans tous les
cas ⁷⁰. Les rapports entre le lupus érythémateux disséminé
Coll. D. Bessis

et cette vasculite hypocomplémentémique sont en fait im-


précis, certains la considérant comme un sous-groupe de
lupus ⁷⁰. Elle en diffère par la fréquence et le type des at-
Fig. 6.14 Lésions papuleuses urticariennes fixes et symétriques des teintes pulmonaire et oculaire et par l’absence d’anticorps
membres inférieurs au cours d’une vasculite urticarienne de Mac Duffie anti-ADN double brin. Cependant, des formes de chevau-
6-18 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

chement ont été rapportées avec notamment des lésions cu- territoires médian, cubital et radial. Les douleurs et les
tanées de lupus associées à l’urticaire. Quant aux anticorps paresthésies précèdent habituellement les signes mo-
anti-C1q, ils ont été mis en évidence dans 35 % des lupus teurs. Les troubles sensitifs, à type d’hypo-esthésies,
sans différence de structure ou d’activité ainsi que dans peuvent prédominer. Des œdèmes, blancs, mous, ou
d’autres affections telles que le syndrome de Goodpasture, parfois inflammatoires, peuvent précéder ou accompa-
la vasculite rhumatoïde ou dans les glomérulonéphrites gner ces troubles neurologiques. L’EMG montre une
membranoprolifératives idiopathiques ⁶⁶. atteinte axonale, sensitive et motrice, souvent plus sé-
La vasculite urticarienne hypocomplémentémique doit vère que ne le laissait penser l’examen clinique.
être différenciée de celle des cryoglobulinémies de type II L’atteinte des nerfs crâniens, VII, VIII, III et VI, n’inté-
ou III, associée fréquemment à une consommation du resse qu’environ 1 % des malades.
complément. Outre l’urticaire, présente dans 4 % des cas, Les manifestations centrales sont observées dans moins
existent généralement des lésions purpuriques et un syn- de 10 % des cas, variables selon la localisation et les mé-
drome de Raynaud ⁷⁸. Dans le syndrome de Schnitzler, le canismes de l’atteinte cérébrale : artérite du système
complément et ses différentes fractions sont normales. nerveux central, rupture d’anévrisme, hématome, hy-
Celui-ci se caractérise par une urticaire chronique non pru- pertension maligne. Ce sont des accidents vasculaires
rigineuse avec image histologique incomplète de vasculite déficitaires, des crises comitiales, des hémorragies mé-
leucocytoclasique et de fréquents dépôts vasculaires d’Ig, ningées ou cérébrales, ou encore des troubles des fonc-
des épisodes fébriles inexpliqués avec ou sans altération tions supérieures.
de l’état général, des douleurs osseuses invalidantes avec Le scanner cérébral est habituellement normal mais
ostéocondensation radiologique et histologie osseuse nor- l’imagerie par résonance magnétique montre des hy-
male, une protéine monoclonale de type IgM ⁷⁹. L’évolution persignaux en T2, localisés au niveau de la substance
est souvent bénigne à court terme avec une évolution pos- blanche, non spécifiques mais évocateurs du diagnos-
sible à long terme vers une maladie de Waldenström ou un tic. L’angiographie est moins souvent pratiquée mais
lymphome ⁸⁰. peut montrer des irrégularités de calibre des vaisseaux
encéphaliques.
Périartérite noueuse (PAN) − L’atteinte rénale est présente dans 60 à 80 % des cas.
C’est le plus souvent une néphropathie vasculaire res-
Décrite par Kussmaul et Maier en 1866, la PAN est la mieux ponsable d’infarctus rénaux, d’une hypertension arté-
connue des vasculites nécrosantes, atteignant typiquement rielle. L’évolution peut se faire vers l’oligo-anurie et l’in-
les vaisseaux artériels de petit et moyen calibre, dans les suffisance rénale nécessitant la mise en dialyse. L’at-
zones de turbulence, en particulier au niveau des bifurca- teinte glomérulaire est beaucoup plus rare.
tions. C’est une affection rare (incidence annuelle de 5 à 10 − Les manifestations cardiaques sont la conséquence de
par millions d’habitants), survenant à tout âge mais sur- l’atteinte des artères coronaires ou de l’hypertension
tout entre 40 et 60 ans ⁸¹. artérielle maligne. Les péricardites sont rares.
Depuis la diffusion de la vaccination contre l’hépatite B, les − Les lésions digestives, le plus souvent au niveau du grêle,
formes associées à ce virus sont devenues plus rares, pas- sont responsables de douleurs, d’hémorragies ou de
sant de 30 % à moins de 10 % des cas. D’autres infections perforation. Une vasculite localisée à l’appendice ou à
virales peuvent être associées à la PAN, virus de l’hépatite C la vésicule biliaire est parfois inaugurale.
(5 à 10 % des cas) ⁸², parvovirus B19, VIH... Quelques obser- On peut aussi observer une orchite, une des manifestations
vations sont aussi décrites après vaccination (hépatite B, les plus caractéristiques de la PAN, une atteinte oculaire
grippe) et après immunothérapie spécifique. (décollement de la rétine, vasculite rétinienne...), des loca-
Au cours de la PAN s’associent ou se succèdent diverses lisations mammaires, utérines, urétérales...
manifestations cliniques : Différentes manifestations cutanées sont observées au
− une altération de l’état général est observée chez deux cours de la PAN, avec une fréquence diversement appré-
patients sur trois avec un amaigrissement souvent im- ciée, dans 25 à 60 % des cas selon les séries de la littérature.
portant et de la fièvre. Les myalgies sont fréquentes, Elles révèlent parfois la maladie ou apparaissent au cours
parfois très intenses, diffuses, spontanées ou aggra- de son évolution. Il s’agit d’un purpura vasculaire, de no-
vées par la pression des masses musculaires, s’accom- dules sous-cutanés, d’un livédo (fig. 6.15), de lésions nécro-
pagnant d’œdèmes segmentaires. Les douleurs articu- tiques (fig. 6.16). D’autres manifestations dermatologiques
laires touchent genoux, chevilles, coudes et poignets. sont aussi rapportées : urticaire, syndrome de Raynaud,
Il existe parfois de véritables arthrites, souvent asymé- phlébite superficielle.
triques, siégeant aux membres inférieurs ; Sur le plan biologique, il n’y a pas d’éléments spécifiques.
− les signes neurologiques — essentiellement périphé- On note fréquemment un syndrome inflammatoire majeur
riques — inauguraux chez un malade sur dix, sont ob- avec une élévation de la vitesse de sédimentation supé-
servés dans 50 à 70 % des cas. Il s’agit le plus souvent rieure à 60 à la première heure dans plus de 3 cas sur 4,
de multinévrites motrices et sensitivo-motrices, asy- une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, une
métriques, touchant les sciatiques poplités externe et anémie, une hypergammaglobulinémie, une augmentation
interne et, plus rarement, aux membres supérieurs, les de la C reactive protein (CRP). Une hyperéosinophilie supé-

 PAN périartérite noueuse


Périartérite noueuse 6-19

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 6.15 Livédo ramifié et inflammatoire au cours d’une périartérite
noueuse Fig. 6.16 Ulcération cutanée de jambe cernée d’un halo purpurique et
d’un livédo au cours d’une périartérite noueuse
rieure à 1 500/mm 3 est observée dans environ 10 à 25 %
des observations. Les anticorps anticytoplasme des poly- images de vasculite leucocytoclasique des petits vaisseaux
nucléaires neutrophiles, plutôt de type périnucléaire, sont dermiques, parfois une atteinte des artérioles hypoder-
présents dans moins de 20 % des cas. miques. D’autres organes peuvent être biopsiés en fonc-
Le diagnostic est le plus souvent anatomopathologique. Les tion de la symptomatologie clinique, mais la biopsie rénale
biopsies faites au niveau du muscle et/ou du nerf montrent est à éviter, surtout s’il existe des micro-anévrismes. En
à un stade précoce des lésions inflammatoires, avec une immunofluorescence, il existe souvent sur les parois vascu-
nécrose fibrinoïde de la média et un infiltrat cellulaire tou- laires des dépôts d’immunoglobulines, IgM surtout, et de
chant l’ensemble des parois artérielles surtout constitué complément.
de lymphocytes T CD8 + et de macrophages mais aussi de L’angiographie rénale et/ou cœlio-mésentérique, réalisée
polynucléaires neutrophiles leucocytoclasiques. Puis, la né- en cas de doute diagnostique, montre au niveau des vais-
crose et l’inflammation font place à une prolifération fi- seaux de moyen calibre, des sténoses segmentaires et des
broblastique, maximale dans la région sous-intimale. La micro-anévrismes, de taille variable (1 à 5 mm, voire plus),
lumière vasculaire se thrombose parfois définitivement mais ceux-ci sont inconstants. Le diagnostic de PAN se fait
et des micro-anévrismes peuvent apparaître. Au stade ci- donc sur un ensemble de signes cliniques, biologiques et
catriciel, irréversible, le tissu fibreux envahit et remplace anatomopathologiques. Le Collège américain de rhumato-
les structures habituelles du vaisseau. Il est indispensable logie a élaboré une liste de critères diagnostiques qui ont
d’« épuiser » le bloc biopsique car l’atteinte vasculaire est surtout l’intérêt de distinguer la PAN des autres vasculites
souvent segmentaire avec alternance de zones saines et systémiques (encadré 6.J) ⁸³.
de régions touchées par la nécrose. Des lésions d’âges dif- L’évolution de la maladie se fait habituellement sans re-
férents, récentes et cicatricielles, à divers niveaux de la chute (moins de 10 % des cas), une fois la rémission obte-
même coupe, témoignent de l’évolution par poussées. La nue, en quelques mois ou années. Les décès sont dus soit
biopsie des lésions cutanées montre le plus souvent des à une atteinte multiviscérale non contrôlée par le traite-
ment, soit aux complications, en particulier infectieuses,
des diverses thérapeutiques utilisées.
Critères diagnostiques de la PAN selon l’ARA
Les choix de traitement sont fonction de l’âge du patient,
1. Amaigrissement de plus de 4 kg. de la sévérité de la maladie et de son évolution probable.
2. Livédo reticularis. Plusieurs scores de gravité sont utilisés, comme celui de
3. Douleurs ou sensibilité testiculaires. Guillevin et al. : Five Factor Score (FFS) colligeant une pro-
4. Myalgies diffuses ou déficit musculaire ou sensibilité des mollets. téinurie supérieure à 1 g/l, une insuffisance rénale avec
créatinine supérieure à 140 μmol/l, une cardiomyopathie,
5. Mono ou polyneuropathie.
une atteinte digestive sévère, une atteinte du système ner-
6. HTA avec diastolique supérieure à 90 mm Hg. veux central ⁸⁴.
7. Urée > 0,4 g/l ou créatinine > 15 mg/l. Les traitements sont différents selon que la maladie est
8. Présence Ag ou Ac HBs. primitive ou secondaire à une infection par le VHB ou le
9. Anévrismes ou occlusions d’artères viscérales. VHC ⁸⁵. En l’absence d’infection virale, le traitement est
10. Présence de polynucléaires avec ou sans lymphocytes dans la paroi débuté par une corticothérapie à haute dose (1 mg/kg/jour,
précédé parfois d’un ou plusieurs bolus de méthylpredniso-
d’artères de petit ou moyen calibre.
lone à la dose de 15 mg/kg/jour), habituellement diminuée
La présence de 3 critères ou plus est associée à une sensibilité de 82,2 % dans le mois suivant, lorsqu’il y a amélioration des signes
et une spécificité de 86,6 %. cliniques et normalisation de la VS et de la CRP. La décrois-
6.J sance est ensuite progressive, jusqu’à l’arrêt du traitement,

 ARA American Rheumatism Association · PAN périartérite noueuse · VHB virus de l’hépatite B · VHC virus de l’hépatite C
6-20 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

en 9 à 12 mois. Les corticoïdes sont prescrits seuls lorsque infectieux, en particulier streptococciques chez l’enfant.
le FFS est égal à zéro, associés aux immunosuppresseurs Sur le plan thérapeutique, divers traitements sont propo-
dans les formes graves (FFS supérieur ou égal à un) ou en sés en première intention par certains auteurs pour évi-
cas de rechute. C’est habituellement le cyclophosphamide ter la corticothérapie générale : colchicine, dapsone, anti-
qui est utilisé, soit per os, soit en bolus. inflammatoires non stéroïdiens. Cependant, celle-ci est le
Quand l’étiologie de la PAN est infectieuse, l’association plus souvent nécessaire, en particulier lorsqu’il existe une
corticoïdes-immunosuppresseurs stimule la réplication vi- atteinte neurologique.
rale, aggrave l’évolution des hépatites chroniques et facilite En fait, l’existence de véritables PAN cutanées est tou-
la progression vers la cirrhose. Plusieurs protocoles théra- jours discutée. Pour certains, la présence d’une artérite
peutiques sont alors proposés combinant corticothérapie nodulaire dans la région dermo-hypodermique est très
initiale pour contrôler les manifestations les plus sévères caractéristique, rarement observée dans les formes systé-
de la PAN puis arrêt brutal du traitement, antiviraux (vida- miques dans lesquelles on voit surtout une atteinte des
rabine, interféron alpha, lamivudine) et échanges plasma- veinules post-capillaires, sans participation du derme pro-
tiques. fond. Cependant, chez les 7 des 9 patients de Minkowitz
L’existence d’une PAN limitée à une atteinte cutanée et de et al., avec cet aspect histologique, il existe une atteinte
bon pronostic spontané est connue depuis plusieurs an- extra-dermatologique, en particulier rénale ⁸⁷. L’évolution
nées ⁸⁶. Dans des observations récentes, il existe fréquem- bénigne est également contestée. Si le suivi est assez pro-
ment une infection associée à VHC ⁴⁴. Elle se caractérise longé, des manifestations systémiques, bien que rares,
par la présence quasi constante de nodules sous-cutanés, peuvent apparaître, comme chez le patient de Dewar et Bel-
de 0,5 à 3 cm de diamètre, douloureux, confluant en pla- lamy qui développe une vasculite nécrosante mésentérique
cards érythémateux infiltrés au niveau des membres in- 6 ans après le début de la PAN cutanée ⁸⁸. De même, chez
férieurs, associés dans la moitié des cas à des œdèmes. 2 des 20 malades de Chen, une atteinte viscérale survient
Ils siègent plus rarement aux paumes et aux plantes, sur 18 et 19 ans après les premières manifestations dermato-
les membres supérieurs, le cuir chevelu. Sur ces lésions, logiques ⁸⁹. Plutôt que deux entités distinctes, certains au-
apparaissent parfois des ulcérations très douloureuses, à teurs préfèrent voir la PAN comme un spectre allant d’une
l’emporte-pièce. Il existe fréquemment un livédo, parfois forme cutanée bénigne à une atteinte multisystémique.
un syndrome de Raynaud, rarement un purpura. La biop- D’autres estiment que la PAN cutanée doit être individua-
sie cutanée montre un infiltrat polymorphe fait de lympho- lisée avec une évolution, un pronostic et un traitement
cytes, polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, autour différents.
des artérioles de moyen calibre, dans le derme profond et
l’hypoderme, avec une nécrose fibrinoïde et une destruc- Polyangéite microscopique (PAM)
tion de la paroi artérielle (fig. 6.17). S’y associent parfois une
vasculite leucocytoclasique dans le derme superficiel et une Depuis longtemps, des observations de forme microsco-
panniculite nodulaire focale à proximité des vaisseaux at- pique de PAN étaient rapportées. Depuis une dizaine d’an-
teints. nées, celle-ci est individualisée sous le terme de polyan-
Il existe parfois des arthralgies et des myalgies et dans géite microscopique (PAM) définie comme une vasculite
environ un tiers des observations une neuropathie périphé- nécrosante intéressant les petits vaisseaux, artérioles, vei-
rique de type sensitif, très douloureuse, siégeant dans le nules et capillaires, avec peu ou pas de dépôts immuns, sans
même territoire que les manifestations cutanées. L’évolu- lésions granulomateuses, au niveau de n’importe quel or-
tion le plus souvent bénigne se prolonge sur des années, gane mais en particulier le rein, lequel est atteint dans 90 à
émaillée de rechutes, parfois favorisées par des épisodes 100 % des cas ⁹⁰.
Pouvant se rencontrer à tout âge mais préférentiellement
vers 50-60 ans, aussi bien chez l’homme que chez la femme,
la PAM se traduit le plus souvent par des manifestations
rénales. Celles-ci peuvent être bruyantes, une insuffisance
rénale aiguë apparaissant typiquement en quelques jours
à quelques semaines, parfois plus progressives. Une hyper-
tension artérielle est présente chez 30 % des patients au
moment du diagnostic, chez 8 patients sur 10 au cours de
l’évolution. Parfois, la symptomatologie est plus discrète,
hématurie microscopique isolée ou associée à une protéinu-
rie. L’atteinte rénale peut être isolée, mais dans deux tiers
des cas, il existe d’autres manifestations systémiques, ar-
Coll. D. Bessis

ticulaires (arthralgies, plus rarement véritables arthrites),


musculaires, pulmonaires (hémorragies intra-alvéolaires),
digestives (douleurs abdominales, plus rarement hémorra-
Fig. 6.17 Nécrose fibrinoïde et destruction de la paroi d’une artériole au gies et perforations), ophtalmologiques (uvéites, épisclé-
cours de la PAN rites), neurologiques (mono- ou multinévrites).

 PAM polyangéite microscopique · PAN périartérite noueuse · VHC virus de l’hépatite C


Angéite de Churg et Strauss 6-21

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 6.18 Nodules cutanés profonds du visage et des extrémités au cours d’une angéite de Churg et Strauss

Les manifestations cutanés sont rapportées dans 35 à parfois des années après le diagnostic, se manifestant par
60 % des cas. C’est un purpura maculo-papuleux qui est les mêmes symptômes que lors de la poussée initiale ou
le plus souvent mentionné, plus rarement des nodules dans d’autres localisations.
dermo-hypodermiques, un livédo, des ulcérations nécro-
tiques à contours irréguliers des membres inférieurs, des Angéite de Churg et Strauss
ulcérations buccales. En fait, il est difficile de savoir ce qui
« revient » à la PAN et à la PAM, ces deux affections étant C’est en 1951 que Churg et Strauss, à propos d’une série
confondues dans beaucoup de travaux de littérature. de 13 cas, individualisaient de la PAN une entité anatomo-
Sur le plan biologique, on observe très fréquemment un clinique caractérisée par l’association d’un asthme sévère,
syndrome inflammatoire (élévation de la VS et de la pro- d’une hyperéosinophilie, et surtout, selon ces auteurs, de
téine C réactive, hyperleucocytose à polynucléose, anémie). 3 critères histologiques majeurs, une vasculite nécrosante,
Les ANCA sont présents dans 75 % des cas, habituellement une infiltration tissulaire éosinophilique et des granulomes
de type périnucléaire, antimyéloperoxydase, beaucoup plus à cellules géantes et cellules épithélioïdes péri- et surtout ex-
rarement antiprotéinase 3, sans qu’il y ait de rapport entre travasculaires ⁹³. Les séries publiées ensuite ont confirmé
leur titre et l’évolutivité de la maladie ⁹¹. Il est difficile d’ap- l’originalité de ce syndrome qui partage cependant avec la
précier la prévalence des hépatites B et C au cours de la PAM, PAN certaines manifestations cliniques.
la recherche de ces virus ayant été faite dans des séries de Apparaissant entre 30 et 50 ans, également dans les deux
la littérature où PAM et PAN étaient confondues. sexes, l’angéite de Churg et Strauss débute typiquement par
Le diagnostic, évoqué cliniquement, est confirmé par l’ana- un asthme de survenue tardive, le plus souvent sévère, à
tomopathologie. Au niveau du rein, il existe des images de dyspnée continue et d’emblée corticodépendant ⁹⁴. Il existe
glomérulonéphrite nécrosante, segmentaire et focale, par- fréquemment une atteinte des voies respiratoires supé-
fois accompagnée d’une prolifération extracapillaire. L’exa- rieures associant rhinite allergique, polypose nasale et pan-
men en immunofluorescence met en évidence des dépôts sinusite radiologique. L’enquête allergologique montre sou-
de fibrine le long des capillaires glomérulaires et dans la vent une hypersensibilité aux pneumallergènes et il existe
chambre urinaire. Il montre aussi l’absence de dépôts d’im- parfois un terrain atopique familial. Cependant, les tenta-
munoglobulines ⁹². La biopsie cutanée, rarement décrite tives de désensibilisation sont non seulement inefficaces
dans la littérature, montre une vasculite leucocytoclasique mais parfois même incriminées dans le déclenchement de
des artérioles dermiques. la vasculite systémique. Celle-ci survient des années plus
L’évolution est favorable sous traitement dans environ tard, 3 à 8 ans en moyenne, se manifestant par les signes
75 % des cas mais l’on observe des décès dus à l’aggravation cliniques suivants :
du syndrome pneumo-rénal et/ou aux effets secondaires − une fièvre et une altération de l’état général ;
du traitement. Ce sont les corticoïdes qui sont prescrits en − des douleurs des articulations périphériques, poignets,
première intention dans les formes les moins graves, asso- coudes, genoux souvent associées à des myalgies ;
ciés à des immunosuppresseurs (cyclophosphamide) dans − des signes neurologiques périphériques surtout (multi-
les formes sévères. Des essais thérapeutiques sont en cours névrites sensitivo-motrices), beaucoup plus rarement
pour apprécier le bénéfice des immunoglobulines intravei- centraux (céphalées, crises comitiales, accidents vascu-
neuses en cas de rechute. Celles-ci sont en effet fréquentes, laires ischémiques ou hémorragiques) ;

 ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · PAM polyangéite microscopique · PAN périartérite noueuse
6-22 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

− une atteinte cardiaque d’expression très variable et do- Critères diagnostiques de l’ACS selon l’ARA
minée par l’insuffisance cardiaque gauche ou globale
1. Asthme.
et sous-tendue par des nécroses myocardiques à bas
bruit liées à une atteinte coronaire spécifique. Plus ra- 2. Éosinophilie supérieure à 10 % du nombre des leucocytes.
rement, sont observées une péricardite, des troubles 3. Mono- ou polyneuropathie.
du rythme ou de la conduction, une hypertension ar- 4. Infiltrat pulmonaire transitoire ou migrateur.
térielle. Des anomalies électrocardiographiques sont 5. Antécédent de sinusite maxillaire aiguë ou chronique.
observées dans la moitié des cas. Ces manifestations 6. Biopsie d’une artère, artériole ou d’une veinule montrant un infil-
cardio-vasculaires sont responsables de la majorité des
trat éosinophile extravasculaire.
décès ;
− des signes digestifs très proches de ceux de la PAN qu’il La présence de 4 critères ou plus est associée à une sensibilité de 85 %
s’agisse de douleurs abdominales, d’hémorragies, de et une spécificité de 99,7 %.
perforations, de syndromes occlusifs ; 6.K
− des lésions rénales rarement graves se manifestant es-
sentiellement par une protéinurie et/ou une hématurie sinophiles leucocytoclasiques et la périphérie d’une cou-
microscopique. ronne d’histiocytes, de lymphocytes et de cellules géantes
L’atteinte dermatologique, parfois révélatrice, est observée disposées en palissade. La coexistence de ces trois signes,
chez 40 à 70 % des malades Elle revêt différents aspects initialement décrite par Churg et Strauss, ne doit cepen-
cliniques dont le plus fréquent, environ dans la moitié des dant pas être exigée pour le diagnostic, le granulome extra-
cas, mais le moins évocateur est un purpura vasculaire, pé- vasculaire étant absent dans près de la moitié des cas.
téchial ou ecchymotique, prédominant sur les extrémités, Au niveau de la peau, on observe le plus souvent une vascu-
parfois accompagné de lésions urticariennes. Il existe égale- lite leucocytoclasique, plus rarement un granulome extra-
ment, chez environ un tiers des patients, des nodules sous- vasculaire ou l’association des deux.
cutanés indurés et sensibles, siégeant avec prédilection sur De plus, ce granulome n’est pas spécifique de l’angéite de
le cuir chevelu et les extrémités des membres (fig. 6.18). Ils Churg et Strauss et peut aussi être observé dans la peau au
peuvent devenir croûteux, s’ulcérer ou se nécroser mais cours d’affections très diverses telles que la granulomatose
également persister plusieurs mois avant de disparaître en de Wegener, la périartérite noueuse, le lupus érythémateux,
laissant une cicatrice. Des éruptions variées sont aussi dé- la polyarthrite rhumatoïde, certains lymphomes, une en-
crites, vésiculeuses pouvant simuler une primo-infection docardite bactérienne subaiguë, une hépatite chronique
herpétique, pustuleuses ou encore érythémato-papuleuses, active ou encore une colite ulcéreuse.
mimant un érythème polymorphe. Un syndrome de Ray- Certains auteurs ont donc récemment proposé, afin de le-
naud, un livédo, des nécroses cutanées, des hémorragies ver toute ambiguïté entre l’angéite de Churg et Strauss et
filiformes unguéales et des lésions muqueuses à type de le granulome extravasculaire de Churg et Strauss, la dé-
pétéchies du voile du palais sont aussi signalées. nomination de « granulome extravasculaire nécrosant de
Sur le plan biologique, l’éosinophilie sanguine est un signe Winkelmann » ⁹⁶.
essentiel. Constamment supérieure à 1 000 éléments par Comme pour toutes ces vasculites, le diagnostic repose sur
mm 3, elle peut atteindre des valeurs très élevées jusqu’à l’association de signes cliniques, biologiques et anatomopa-
15 ou 20 000 par mm 3, disparaissant spontanément ou thologiques. Cependant, celui-ci est parfois difficile dans
au cours du traitement. Une élévation importante des IgE les formes de début ou les formes « frustes » de la maladie.
est fréquemment mise en évidence au cours des poussées, En 1984, Lanham et al. avaient proposé 3 critères : asthme,
se normalisant dans les phases de rémission. Des ANCA, éosinophilie sanguine supérieure à 1 500/mm 3 et vasculite
généralement de type p-ANCA, de spécificité antimyélo- systémique comportant au minimum 2 atteintes extrapul-
peroxydase, sont présents dans 25 à 70 % des cas ⁹⁵. Les monaires ⁹⁷. En 1990, le Collège américain de rhumatologie
marqueurs du virus de l’hépatite B sont constamment ab- en a donné 6 dont 4 ou plus doivent être présents pour
sents. Des cas ponctuels d’association avec une infection à « classer » les patients comme angéite de Churg et Strauss
VHC sont rapportés. (il est à noter que l’absence d’asthme n’est pas un critère
La radiographie thoracique montre des anomalies dans en- d’exclusion du diagnostic) (encadré 6.K) ⁹⁸.
viron 70 % des cas, infiltrats labiles non systématisés, opa- Récemment, plusieurs observations sont rapportées au
cités nodulaires exceptionnellement excavées, infiltrats in- cours d’un traitement par antileucotriènes ⁹⁴,⁹⁹. La plupart
terstitiels diffus, épanchement pleuraux, mais les clichés des auteurs pensent qu’il s’agit en fait de formes frustes de
pulmonaires peuvent rester normaux tout au long de l’évo- vasculite se manifestant par un asthme sévère traité par cor-
lution. ticothérapie générale. Lorsque celle-ci est diminuée ou arrê-
Sur le plan histologique, on observe une vasculite nécro- tée quand les antileucotriènes sont prescrits, d’autres ma-
sante avec dépôts fibrinoïdes des artérioles et veinules de nifestations cutanées, neurologiques, rénales apparaissent.
petit calibre, un infiltrat tissulaire polymorphe à forte pré- Cependant, chez certains malades qui n’avaient pas eu de
dominance éosinophile et des granulomes extravasculaires corticothérapie générale, on ne peut éliminer le rôle poten-
dont le centre est constitué d’une nécrobiose du collagène tiel de ce traitement.
dermique ponctuée de polynucléaires neutrophiles et éo- L’évolution spontanée de l’angéite de Churg et Strauss est

 ACS angéite de Churg et Strauss · ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · ARA American Rheumatism Association · PAN périartérite noueuse · VHC virus de l’hépatite C
Granulomatose de Wegener 6-23

particulièrement grave, la moyenne de survie étant infé-


rieure à un an, le décès étant le plus souvent dû à une
défaillance cardiaque et/ou respiratoire, ou à une atteinte
neurologique centrale. Actuellement, grâce à un traitement
plus précoce et à la corticothérapie générale associée ou non
à des immunosuppresseurs, le pronostic est très différent,
une rémission prolongée étant obtenue dans 80 % des cas.
Il existe cependant des rechutes soit précoces, soit tardives.
Comme pour la périartérite noueuse, le score FFS (protéi-
nurie inférieure à 1 g/24 heures ; créatininémie supérieure
à 1,58 mg/dl, atteinte sévère du tube digestif, atteinte du
système nerveux central, cardiomyopathie) permet d’appré-
cier l’évolutivité de la maladie et de proposer un traitement
adapté. En effet, il ne faut pas « surtraiter » les formes modé-
rées pour éviter des effets secondaires souvent graves mais

Coll. Pr C. Francès, Paris


il faut aussi savoir proposer aux patients ayant une forme
grave un traitement suffisant. L’âge est aussi un facteur de
mauvais pronostic, la mortalité étant plus élevée chez les
sujets de plus de 65 ans ¹⁰⁰.
Si ces différentes thérapeutiques permettent le plus sou- Fig. 6.19 Purpura papuleux du membre inférieur au cours d’une
vent la guérison des manifestations systémiques de la vas- maladie de Wegener
culite, l’asthme persiste souvent longtemps, peu influencé
par ces traitements ¹⁰¹. leurs thoraciques postéro-basales, hémoptysie récidivante
parfois massive. Cependant, l’atteinte pulmonaire est par-
Granulomatose de Wegener (GW) fois asymptomatique. Des hémorragies intra-alvéolaires
diffuses, rapportées dans environ 10 % des cas, de mauvais
Décrite par Wegener en 1939, cette vasculite systémique pronostic, sont parfois révélatrices de la maladie.
granulomateuse se caractérise par son triple tropisme ORL, La radiographie et surtout l’examen tomodensitométrique
pulmonaire et rénal. mettent en évidence des opacités nodulaires multiples, à
Il s’agit d’une maladie rare, survenant à tout âge, principa- limites nettes, de quelques millimètres à plusieurs centi-
lement entre 40 et 50 ans, avec une légère prédominance mètres de diamètre, excavées dans la moitié des cas, mais
masculine ¹⁰². également des infiltrats hétérogènes, un épanchement pleu-
L’atteinte de la sphère ORL, présente dans 70 à 100 % ral, une atélectasie par sténose inflammatoire bronchique.
des cas, est souvent inaugurale, donnant un tableau de L’endoscopie bronchique montre des anomalies dans 50 %
rhinite ou de sinusite chronique, inexpliquée ou ratta- des observations (sténoses, ulcérations muqueuses, lésions
chée à une cause allergique ou infectieuse. L’examen ne bourgeonnantes) et permet de faire des biopsies mais celles-
montre qu’une turgescence muqueuse ou des formations ci ne seront positives que dans un cas sur deux.
pseudo-polypoïdes. Puis apparaît une rhinorrhée séro- L’atteinte rénale, fréquente, fait toute la gravité de la ma-
hémorragique, parfois purulente avec des croûtes nasales, ladie. Elle est habituellement asymptomatique sur le plan
épaisses mais friables. Il existe alors des ulcérations né- clinique, objectivée par la biologie (protéinurie et/ou hé-
crosantes de la paroi nasale aboutissant à sa perforation. maturie microscopique) et la biopsie rénale montrant le
Si celle-ci progresse vers l’arrière, on observe la destruc- plus souvent une glomérulonéphrite nécrosante, segmen-
tion de l’arête et des os propres du nez responsable de la taire et focale, à croissants et prolifération extracapillaire.
typique déformation en « pied de marmite » ou ensellure na- Celle-ci entraîne volontiers une insuffisance rénale, parfois
sale, cependant tardive et rarement observée actuellement. rapidement progressive.
Associée aux signes d’atteinte nasale, la sinusite, fréquem- D’autres manifestations cliniques sont observées, articu-
ment maxillaire, est très gênante par sa chronicité. Elle est laires (arthralgies, plus rarement arthrites), musculaires,
souvent surinfectée par le staphylocoque doré, cela pou- oculaires (conjonctivite, kératite, sclérite, vasculite réti-
vant favoriser les rechutes de la maladie. L’examen tomo- nienne, pseudo-tumeurs inflammatoires), neurologiques
densitométrique permet un bilan précis de ces lésions, la périphériques (multinévrite, mononévrite) ou centrales (ac-
sinusite pouvant devenir destructrice avec lyse des parois cidents vasculaires ischémiques ou hémorragiques, throm-
sinusiennes et extension vers l’orbite. bophlébite), cardiaques (péricardite, coronarite, myocardio-
L’atteinte de l’oreille moyenne se traduit par des otites, sé- pathie)...
reuses ou purulentes, entraînant une otorrhée puis une Rarement révélateurs de la granulomatose de Wegener, les
surdité. Dans environ 15 % des cas, il existe une atteinte signes cutanés sont présents initialement chez environ
laryngo-trachéale. Les manifestations pulmonaires, appa- 10 % des patients, mais au cours de l’évolution, on les ob-
raissant quelques semaines, mois ou même années après serve dans 35 à 70 % des cas, témoins de l’activité de la
sont peu spécifiques : toux sèche, dyspnée d’effort, dou- maladie ¹⁰³.

 GW granulomatose de Wegener
6-24 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

culeuses, pustuleuses ou bulleuses, accompagnant habi-


tuellement le purpura. D’exceptionnelles observations de
gangrène des doigts ou des orteils sont aussi signalées.
Quelques cas de xanthélasma sont rapportés, sans relation
avec le profil lipidique des patients ¹⁰⁶.
Les ulcérations muqueuses sont très fréquentes, présentes
chez près d’un malade sur deux sur la muqueuse buccale ¹⁰⁷.
En nombre très variable, elles se différencient des aphtes
par leur caractère persistant et non récurrent. Leur siège est

Coll. Pr C. Francès, Paris


ubiquitaire, lèvres, langue, face interne des joues (fig. 6.22),
gencives, voile du palais, amygdales, pharynx... Ces lésions
parfois inaugurales constituent chez certains patients les
seules manifestations dermatologiques de la maladie.
La gingivite hyperplasique qui n’est pas souvent citée dans
Fig. 6.20 Lésions papuleuses et nécrotiques des genoux au cours d’une les grandes séries de la littérature paraît cependant être
maladie de Wegener (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées et pathognomonique de la GW ¹⁰⁸. Les lésions débutent au
cutanéo-systémiques. EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits niveau des papilles interdentaires puis s’étendent à l’en-
réservés 2003, avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS) semble de la gencive qui est hyperplasique, rouge violacé,
parsemée de petites taches purpuriques, friable au contact,
C’est le plus souvent un purpura infiltré, ecchymotique ou donnant un aspect de gingivite « framboisée » (fig. 6.23). L’hy-
nécrotique, siégeant sur les membres inférieurs (fig. 6.19) pertrophie gingivale, très douloureuse, et la périodontite
et le tronc. Les lésions papulo-nodulaires nécrotiques at- provoquent une raréfaction de l’os alvéolaire avec instabi-
teignant de façon symétrique les extrémités des membres, lité dentaire.
les coudes, les genoux (fig. 6.20) ou les fesses sont moins Sur le plan biologique, il existe un syndrome inflammatoire
fréquentes mais plus évocatrices. important (vitesse de sédimentation supérieure à 80 mm à
Des ulcérations cutanées extensives et douloureuses pré- la première heure dans la quasi-totalité des cas, anémie, hy-
cèdent parfois de plusieurs mois ou même années les mani- perleucocytose à polynucléose neutrophile, hypergamma-
festations systémiques plus typiques de la GW. Succédant globulinémie polyclonale). Une hyperéosinophilie modérée
à des lésions nodulaires ou pustuleuses ou déclenchées par n’est constatée que dans 10 à 20 % des cas. La recherche
un traumatisme local, elles peuvent simuler un pyoderma des marqueurs du virus B et C n’est qu’exceptionnellement
gangrenosum mais n’en n’ont cependant pas les bords sur- positive. Des ANCA sont observés dans la GW avec une
élevés. Parfois multiples, elles siègent principalement sur
les membres, mais aussi sur le tronc, la face (fig. 6.21) et de
façon plus caractéristique dans la région pré-auriculaire,
sur le périnée ou les seins ¹⁰⁴. À ce niveau, on peut aussi
observer une tumeur simulant un abcès ou une néoplasie
mammaire, d’autant qu’il existe parfois une rétraction du
mamelon ou une galactorrhée ¹⁰⁵.
D’autres lésions cutanées sont décrites, papuleuses, vési-
Coll. Pr C. Francès, Paris

Coll. Pr C. Francès, Paris

Fig. 6.21 Ulcérations cutanées du front au cours d’une maladie de


Wegener (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques.
EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits réservés 2003, avec
l’autorisation d’Elsevier Masson SAS) Fig. 6.22 Ulcération jugale au cours d’une maladie de Wegener

 ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · GW granulomatose de Wegener


Granulomatose de Wegener 6-25

− un granulome polymorphe avec des histiocytes en palis-


sade, sans cellules épithélioïdes mais avec quelques cel-
lules géantes plurinucléées, des polynucléaires neutro-
philes, des cellules mononucléées et des plasmocytes ;
− une vasculite nécrosante aiguë, circonférentielle, attei-
gnant toutes les couches de la paroi des artères et des
veines de petit et moyen calibre, sans formation ané-
vrismale. Celle-ci se situe non seulement au sein de la
nécrose et du granulome mais elle est aussi isolée, en

Coll. Pr C. Francès, Paris


dehors des zones nécrotiques.
Cependant, ces lésions histologiques caractéristiques sont
variables au sein d’un même organe et d’un organe à l’autre.
Il est rare qu’elles soient toutes présentes sur une biop-
Fig. 6.23 Gingivite hyperplasique framboisée au cours d’une maladie de sie réalisée à visée diagnostique. Les granulomes sont fré-
Wegener (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques. quents dans le parenchyme pulmonaire et les voies aé-
EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits réservés 2003, avec riennes supérieures, alors que les lésions d’angéite nécro-
l’autorisation d’Elsevier Masson SAS) sante se rencontrent également dans les poumons, mais
aussi dans le rein et la rate. Au niveau des lésions cutanéo-
spécificité de 90 % et une sensibilité de 80 à 90 % dans muqueuses, une corrélation anatomoclinique peut être éta-
les formes généralisées actives. Il s’agit le plus souvent blie : en effet, le purpura correspond habituellement à une
d’ANCA de type cytoplasmique (fig. 6.24), dirigés contre la vasculite nécrosante et leucocytoclasique des vaisseaux der-
protéinase 3, plus rarement de type périphérique, de spé- miques de petit et de moyen calibre, alors que les éléments
cificité antimyéloperoxydase ¹⁰⁹. Leur valeur diagnostique non purpuriques, surtout papulo-nodulaires, sont signifi-
n’est pas formelle, ils sont présents aussi dans la polyan- cativement associés à un granulome nécrosant ¹¹¹.
géite microscopique et les glomérulonéphrites nécrosantes Le concept de forme limitée de GW a été proposé en 1966
pauci-immunes, mais ils représentent cependant un critère par Liebow et Carrington. Elle se caractérise par des lésions
important du diagnostic dans un contexte clinique évoca- pulmonaires constantes, associées ou non à des signes ORL
teur. En revanche, leur intérêt pronostique pour le suivi et l’absence d’atteintes extrathoraciques, en particulier ré-
évolutif fait l’objet de discussions. S’ils se négativent volon- nales. En revanche, les manifestations cutanées ne sont
tiers au cours des rémissions, plus de 50 % des rechutes pas rares. Certaines réserves doivent cependant être ap-
ne s’accompagnent pas d’une élévation de leur taux et, à portées. En effet, l’absence d’atteinte rénale ne peut être
l’inverse, lorsque leur titre réaugmente, il n’y a pas obli- retenue sur la normalité du bilan biologique, la pratique
gatoirement une récidive mais il faut bien sûr surveiller systématique d’une biopsie permettant parfois de révéler
attentivement ces malades. la présence d’une glomérulonéphrite infraclinique. De plus,
Sur le plan anatomopathologique ¹¹⁰, la GW associe : il s’agit d’une définition statique de la GW, d’autres locali-
− des plages de nécrose contenant de nombreux débris sations de la maladie pouvant apparaître après des mois ou
cellulaires, surtout des polynucléaires neutrophiles pic- des années d’évolution.
notiques ; Le diagnostic de maladie de Wegener est habituellement
facile, reposant sur la triade clinique symptomatique ORL,
pulmonaire et rénale, confirmé par des données anatomo-
pathologiques et biologiques. Cependant, une cause infec-
tieuse doit toujours être recherchée, celle-ci pouvant en-
traîner des lésions de nécrose extensive avec parfois une
réaction granulomateuse. Le Collège américain de rhuma-

Critères diagnostiques de la GW selon l’ARA


1. Ulcérations buccales douloureuses ou indolores, écoulement nasal
purulent ou sanglant.
2. Nodules pulmonaires ou infiltrats fixes ou cavités.
3. Hématurie microscopique ou rouleaux de globules rouges dans le
Coll. Pr C. Francès, Paris

sédiment urinaire.
4. Biopsie avec infiltrat granulomateux dans la paroi d’une artère ou
en péri- ou en extravasculaire autour d’une artère ou artériole.
La présence d’au moins deux critères conduit au diagnostic avec une
Fig. 6.24 Anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles sensibilité de 88,2 % et une spécificité de 92 %.
(type cytoplasmique) 6.L

 ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · ARA American Rheumatism Association · GW granulomatose de Wegener
6-26 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

tologie a proposé quatre critères de classification, qui n’ont dication intermittente de la mâchoire. L’atteinte ophtal-
pas de valeur sur le plan diagnostique, la présence de deux mique est très évocatrice mais il est préférable de faire
d’entre eux chez un patient présentant une vasculite per- le diagnostic de MH avant qu’elle n’apparaisse. C’est une
mettant de le classer comme GW (encadré 6.L). Il faut néan- amaurose, uni- ou bilatérale, qui en est le signe ophtalmo-
moins remarquer l’absence de critères biologiques et en logique le plus fréquent, débutant par une amputation du
particulier des ANCA ¹¹². champ visuel, un brouillard et parfois une atteinte oculo-
L’évolution de la GW est marquée d’une part par une mor- motrice avec diplopie et ptôsis. Le fond d’œil et l’angiogra-
talité élevée, d’environ 20 %, due à la sévérité de la maladie phie fluorescéinique permettent d’identifier le mécanisme
(syndrome pneumo-rénal) mais surtout aux effets secon- responsable, neuropathie optique ischémique aiguë ou plus
daires du traitement et, d’autre part, par la fréquence des rarement occlusion de l’artère centrale de la rétine. L’at-
rechutes, survenant chez environ 50 % des patients. Celles- teinte oculaire représente une urgence thérapeutique car
ci, parfois favorisées par un épisode infectieux ne sont pas elle peut aboutir à une cécité bilatérale définitive que seul
toujours faciles à différencier des effets secondaires du trai- un traitement rapide peut éviter.
tement, en particulier les infections ORL et pulmonaires. À l’exception des signes inflammatoires en regard de l’artère
Elles peuvent survenir à n’importe quel moment de l’évo- temporale qui peut être saillante, rouge, dure et non pulsa-
lution, pendant le traitement d’attaque, lorsque celui-ci tile, les manifestations cutanées sont rares. La nécrose du
est diminué ou plusieurs années après l’obtention d’une scalp peut être révélatrice de la MH ou témoin d’une pous-
rémission. sée évolutive lors de la décroissance des corticoïdes ¹¹⁵. Un
Le traitement repose sur l’association entre corticoïdes et œdème ecchymotique précède souvent l’apparition des ulcé-
immunosuppresseurs, le cyclophosphamide étant actuelle- rations. Celles-ci sont très douloureuses, à bords irréguliers,
ment utilisé en première intention, et permet une rémis- festonnés, avec un fond nécrotique recouvert de croûtes
sion complète chez 75 % des patients. Cependant, celui-ci, adhérentes, mimant parfois un carcinome basocellulaire
même prolongé, n’empêche pas les rechutes. Il doit donc ou un zona. Il existe volontiers une alopécie péri-ulcéreuse.
être fait pendant au moins 18 mois, parfois même plusieurs La nécrose peut être temporo-pariétale, localisée en regard
années et est responsable de divers effets secondaires, in- de l’artère atteinte, bitemporale (fig. 6.25) ou même étendue
fections et affections malignes surtout. à l’ensemble du cuir chevelu, ou peut plus exceptionnelle-
La corticothérapie générale est débutée à la dose d’1 mg/ ment siéger sur d’autres régions telles que le nez, les pau-
kg/j, parfois précédée d’un ou de plusieurs bolus de mé- pières ou le cou. Le cuir chevelu étant une zone habituel-
thyprednisolone (15 mg/kg/jour). Après trois ou quatre lement bien vascularisée, une ulcération à ce niveau signe
semaines, la posologie est diminuée selon un mode de dé- une atteinte vasculaire extensive, synonyme de mauvais
croissance variable selon les auteurs. La durée du traite- pronostic, en particulier oculaire. Ainsi, environ 70 % des
ment par cyclophosphamide, prescrit per os ou en bolus, patients présentant une nécrose du scalp ont une perte dé-
varie également selon les différents protocoles thérapeu- finitive de l’acuité visuelle. L’examen anatomopathologique
tiques. D’autres traitements sont en cours d’étude, soit en de ces lésions est le plus souvent non spécifique.
entretien, soit lors des rechutes : c’est le cas de l’azathio-
prine et du méthotrexate, mais aussi de la ciclosporine, du
mycofénolate mofétyl, des anti-TNF. Les formes limitées
peuvent parfois bénéficier d’un traitement par le cotrimoxa-
zole.

Maladie de Horton (MH)


Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
Décrite en 1932, la MH atteint les sujets âgés, surtout entre
60 et 80 ans, principalement les femmes. C’est une panarté-
rite inflammatoire subaiguë à cellules géantes, segmentaire
et plurifocale, prédominant cependant dans le territoire de
la carotide externe, artère temporale superficielle en parti-
culier, vraisemblablement d’origine dysimmunitaire ¹¹³.
Le tableau clinique est dominé par la triade altération de Fig. 6.25 Lésions maculeuses atrophiques et pigmentées temporales
l’état général, céphalées, atteinte oculaire ¹¹⁴. Le début de séquellaires d’une atteinte cutanée au cours d’une maladie de Horton
la maladie est souvent progressif, sur plusieurs mois, avec
un amaigrissement, une asthénie, de la fièvre. L’atteinte de la langue n’est pas exceptionnelle, mais son ex-
Présentes dans plus de 70 % des cas, les céphalées, fronto- pression clinique dépend des anastomoses linguales homo-
pariétales ou fronto-temporales sont lancinantes, pulsa- et controlatérales ¹¹⁶. Elle débute par une glossodynie spon-
tiles, insomniantes, souvent déclenchées par le contact, tanée ou provoquée par les mouvements de proctation, réa-
comme les paresthésies du cuir chevelu qui s’y associent lisant une véritable « claudication de la langue », des dyses-
avec une hyperesthésie de la face et du scalp. Elles appa- thésies à type de brûlures, une cyanose, une macroglossie.
raissent parfois à la mastication, réalisant la classique clau- L’évolution se fait ensuite vers une gangrène massive, lais-

 ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · GW granulomatose de Wegener · MH maladie de Horton · TNF tumor necrosis factor
Maladie de Horton 6-27

risque de faux négatif. Ainsi, la biopsie a une sensibilité de


l’ordre de 75 %, surtout si elle est guidée par la clinique
et l’examen doppler, mais certains préconisent pour ac-
croître la rentabilité diagnostique un prélèvement bilatéral.
Quatre critères sont indispensables au diagnostic : destruc-
tion focale ou étendue des cellules musculaires lisses de la
média, infiltrat inflammatoire polymorphe des tuniques
artérielles prédominant dans la média, destruction de la
limitante élastique interne avec une réaction histiocytaire
au contact, absence ou discrétion de la fibrose adventicielle.

Coll. Dr N. Raison-Peyron, Montpellier


Trois stades évolutifs sont observés : au stade initial, les
quatre critères sont présents sans thrombus ni cellules
géantes mais avec une nécrose fibrinoïde ; le stade granulo-
mateux est le plus fréquent, associant un thrombus quasi
constant, des cellules géantes, un infiltrat et une nécrose in-
tense de la média ; enfin au stade cicatriciel, le thrombus est
organisé, avec une thrombose de la média et la destruction
Fig. 6.26 Nécrose massive linguale au cours d’une maladie de Horton de la limitante élastique interne, l’infiltrat inflammatoire
est alors discret et les cellules géantes rares.
sant des séquelles importantes (fig. 6.26). Parfois associée à Parfois on constate, le long de la limitante élastique interne,
une nécrose du cuir chevelu, elle est témoin de la gravité des dépôts d’Ig et de complément, mais cet aspect n’est pas
de la MH. spécifique.
Au niveau des membres inférieurs, les lésions artérielles Différentes techniques non invasives, telles que le doppler
peuvent être responsables d’ulcères de jambes ou de gan- couleur ¹¹⁸ et la scintitomographie au gallium 67 ¹¹⁹, sont ac-
grène distale. L’exploration angiographique montre de tuellement proposées, et peuvent apporter des arguments
longs segments artériels effilés alternant avec des zones de supplémentaires pour le diagnostic.
calibre normal ou même augmenté, associés à des sténoses Le Collège américain de rhumatologie a donné cinq critères
en chapelet ¹¹⁷. dont au moins trois doivent être présents pour porter le
D’autres manifestations dermatologiques, de mécanismes diagnostic de MH, celui-ci pouvant être fait en l’absence
physiopathologiques mal expliqués sont décrites : œdèmes d’arguments anatomopathologiques (encadré 6.M) ¹²⁰.
fugaces et migrateurs de la face ou des membres inférieurs, Le traitement repose sur la corticothérapie générale, per
érythème noueux avec soit une artérite à cellules géantes os ou en bolus, souvent débutée en urgence pour éviter les
des vaisseaux hypodermiques, soit une panniculite septale complications oculaires, avant même la biopsie de l’artère
aspécifique. temporale, les lésions histologiques persistant plusieurs
D’autres manifestations cliniques sont décrites, témoi- mois malgré le traitement, associée pour certains à un trai-
gnant du caractère systémique de la MH, rhumatologiques tement anticoagulant. Celle-ci a le plus souvent une action
(myalgies, pseudo-polyarthrite rhizomélique), cardiaques, rapide et spectaculaire. La posologie est ensuite progressi-
neurologiques (atteinte des nerfs crâniens autres que le vement diminuée en cherchant la dose d’entretien minima
nerf optique, accidents vasculaires cérébraux, neuropathies qui maintiendra le malade asymptomatique, en l’absence
périphériques), psychiatriques, respiratoires... de syndrome inflammatoire biologique.
Sur le plan biologique, on note un syndrome inflammatoire Étant donné d’une part l’existence d’une corticorésistance
important. Dans plus de 95 % des cas, la VS est élevée, supé- dans 10 à 15 % des cas et d’autre part la fréquence des effets
rieure à 50 mm à la première heure, souvent autour de 100. secondaires, en particulier osseux, de la corticothérapie pro-
Il existe une augmentation des protéines de l’inflammation longée chez le sujet âgé, différentes thérapeutiques alterna-
(protéine C réactive, haptoglobine, fibrinogène). Une ané- tives sont proposées : dapsone, immunosuppresseurs (mé-
mie inflammatoire, une hyperleucocytose à polynucléaires
neutrophiles et une hyperplaquettose sont également fré- Critères diagnostiques de la MH selon l’ARA
quentes. On observe parfois une cholestase anictérique
due à des phénomènes ischémiques hépatiques, une insuffi- 1. Début de la maladie après 50 ans.
sance rénale secondaire à l’atteinte spécifique des vaisseaux 2. Céphalées récentes.
rénaux. 3. Sensibilité ou diminution des battements d’une artère temporale.
Si ces différents signes cliniques et biologiques sont évo- 4. Vitesse de sédimentation supérieure à 50 mm.
cateurs du diagnostic de MH, celui-ci n’est porté avec cer- 5. Biopsie montrant des lésions de vasculite avec infiltrat lymphocy-
titude qu’après examen anatomopathologique. La biopsie
taire ou à polynucléaires et habituellement cellules géantes.
se fait sous anesthésie locale, au niveau de la branche an-
térieure de l’artère temporale superficielle. L’atteinte vas- La présence de 3 critères au moins permet le diagnostic avec une sen-
culaire étant segmentaire, 3 cm au moins doivent être pré- sibilité de 93,5 % et une spécificité de 91,2 %.
levés et des coupes sériées sont réalisées pour limiter le 6.M

 ARA American Rheumatism Association · MH maladie de Horton


6-28 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

thotrexate, azathioprine), anti-TNF, mais aucune d’entre


elles ne permet, à l’heure actuelle, de remplacer les corti-
coïdes ¹²¹.

Artérite de Takayasu
L’artérite de Takayasu est une aorto-artérite inflammatoire
touchant électivement l’aorte et les gros troncs qui en
naissent ainsi que l’artère pulmonaire. Sa physiopathologie
reste obscure ¹²².
Il s’agit d’une maladie ubiquitaire, rare dans nos pays, plus

Coll. Pr C. Francès, Paris


fréquente en Asie du Sud-Est, en Inde, au Mexique ou en
Afrique, avec des différences cliniques en fonction des pays.
Ainsi la phase systémique est fréquente en Europe, les at-
teintes rétiniennes au Japon et les formes ectasiantes en
Inde. Une prédisposition génétique pourrait expliquer ces Fig. 6.28 Ulcérations cutanées des faces antérieures des cuisses au cours
différences ainsi que les quelques formes familiales. Il a été d’une artérite de Takayasu (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées
noté une augmentation de prévalence de divers groupes et cutanéo-systémiques. EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits
leucocytaires au sein de certains pays (HLA B52 au Japon, réservés 2003, avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS)
HLA DR4 aux États-Unis...). Le rôle des conditions d’envi-
ronnement et de certaines infections comme la tuberculose granulomateuse. L’atteinte oculaire à type d’uvéite ou d’épi-
a été évoqué sans être confirmé. sclérite responsable d’un œil rouge est diagnostiquée lors
La femme jeune est atteinte dans 80 % des cas. La maladie de l’examen à la lampe à fente.
débute par une phase systémique suivie par une période Dans la majorité des cas, le diagnostic n’est fait que
asymptomatique de quelques années puis par une phase quelques années plus tard à l’occasion des manifestations
vasculaire, le plus souvent obstructive en Europe ou aux cliniques secondaires aux occlusions ou aux anévrismes.
États-Unis. À la phase systémique, présente dans 40 à 60 % L’atteinte de la crosse aortique peut se manifester par un
des cas, le diagnostic est particulièrement difficile du fait de syndrome de Raynaud ou une gêne d’un membre supérieur
la banalité des symptômes : fièvre, fatigue, arthralgies, my- à l’effort en cas d’atteinte axillo-sous-clavière. Plus souvent
algies. Les manifestations cutanées sont habituellement elle est découverte systématiquement, en constatant l’abo-
précoces mais peuvent survenir à tous les stades de la mala- lition d’un pouls ou une asymétrie tensionnelle. Quant les
die. Dans notre expérience sur 80 malades, leur prévalence 4 axes cervicaux sont atteints, un accident ischémique tran-
était de 12 % ¹²³. Le plus souvent, il s’agissait de nodules sitoire ou une insuffisance vertébro-basilaire à déclenche-
inflammatoires (fig. 6.27) avec en histologie un aspect d’hypo- ment postural peut témoigner d’un bas débit cérébral. En
dermite ou de panniculite ou de vasculite granulomateuse. raison de la constitution progressive des lésions et du rôle
Les aspects de pyoderma gangrenosum (fig. 6.28) surtout limité de la thrombose dans l’évolution de la maladie, les
rapportés au Japon, peuvent, contrairement aux autres accidents déficitaires définitifs sont rares. Plus fréquentes
pyoderma, correspondre histologiquement à une vasculite sont les complications neurologiques de l’hypertension ar-
térielle ainsi que les migraines. L’atteinte rétinienne avec
shunts artério-veineux est rare en France.
L’atteinte cardiaque se traduit par une insuffisance corona-
rienne en rapport avec une sténose ostiale ou tronculaire
avec possibilité de lésions distales et d’anévrismes. Une in-
suffisance aortique est retrouvée dans 10 à 15 % des cas,
l’insuffisance mitrale étant beaucoup plus rare.
L’atteinte de l’aorte thoracique est souvent méconnue à
moins qu’une sténose serrée ne soit responsable d’une
hypertension artérielle posant un problème diagnostique
difficile avec les coarctations congénitales atypiques. Les
formes abdominales se manifestent essentiellement par
Coll. Pr C. Francès, Paris

une hypertension artérielle de type rénovasculaire. L’at-


teinte fréquente des artères digestives est rarement symp-
tomatique. Les lésions artérielles pulmonaires sont fré-
quentes, réalisant des sténoses proximales touchant alors
Fig. 6.27 Nodules cutanés érythémateux des jambes au cours d’une électivement le tronc de l’artère pulmonaire droite, des sté-
artérite de Takayasu (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées et noses périphériques voire artériolaires. Elles peuvent être
cutanéo-systémiques. EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits graves, compliquées d’hémoptysies massives et/ou d’hyper-
réservés 2003, avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS) tension artérielle pulmonaire.

 TNF tumor necrosis factor


Thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger 6-29

La biologie est d’une aide mineure au diagnostic. À la phase


initiale existe un syndrome inflammatoire qui tend à dis-
paraître spontanément alors que des lésions pariétales his-
tologiquement actives persistent. Le diagnostic repose es-
sentiellement sur les données de l’imagerie qui montrent
un ou plusieurs territoires d’occlusions ou de sténoses lo-
calisées avec une paroi épaissie associées à des anévrismes.
L’examen de première intention est l’échodoppler artériel,
toute anomalie étant confirmée par d’autres techniques
modernes d’imagerie.
Les sténoses et/ou occlusions des artères sous-clavières
post-vertébrales et des carotides primitives sont évoca-
trices du diagnostic, ces territoires étant généralement

Coll. D. Bessis
épargnés par l’athérome ou les dystrophies artérielles. Les
carotides externes et internes sont rarement atteintes. Les
ectasies des troncs supra-aortiques siègent préférentielle- Fig. 6.29 Nécrose digitale pulpaire et érythrocyanose pulpaire du
ment sur le tronc brachiocéphalique. À l’étage aortique, les troisième doigt gauche révélant une maladie de Buerger
aspects de coarctation sont les plus fréquents. Des ané-
vrismes plutôt de type fusiforme que sacciforme prédo-
minent sur l’aorte abdominale. L’artère digestive la plus Thromboangéite oblitérante ou maladie de
touchée est l’artère mésentérique. L’atteinte des artères ré- Buerger
nales est souvent bilatérale associée à une atteinte aortique.
L’atteinte des artères des membres est plus rare, touchant Cette maladie est à l’origine d’une atteinte inflammatoire
principalement les artères iliaques et hypogastriques. et segmentaire des petites et moyennes artères, des veines
L’histologie d’une artère d’aspect pathologique n’est contri- et des nerfs des membres. Elle diffère des autres vasculites
butive que dans 60 % des cas. L’aspect typique est celui par un relatif respect des parois vasculaires malgré la pré-
d’une panartérite à prédominance médio-adventitielle avec sence de thrombi inflammatoires et l’absence d’anomalies
épaisse sclérose adventitielle, infiltrat mononucléé prédo- immunologiques ou biologiques, notamment de syndrome
minant à la partie externe de la média autour des vasa vaso- inflammatoire. De distribution universelle, elle est beau-
rum de l’adventice, cellules géantes, destruction des fibres coup plus fréquente dans les pays du Moyen-Orient et de
élastiques de la limitante élastique externe, épaississement l’Extrême-Orient qu’en Amérique du Nord ou Europe de
fibro-œdémateux de l’intima pouvant aller jusqu’à l’occlu- l’Ouest. Sa physiopathogénie reste inconnue. Le lien avec
sion. Les anévrismes résultent de la destruction des fibres l’intoxication tabagique est si fort que celle-ci, passée ou pré-
élastiques. Ailleurs n’existent que des lésions fibreuses ou sente, est indispensable au diagnostic. Les hommes sont en-
athéromateuses parfois calcifiées. core beaucoup plus fréquemment atteints que les femmes.
Le traitement médical repose sur la corticothérapie géné- Les rôles respectifs d’une réaction d’hypersensibilité à cer-
rale à une dose initiale variant entre 0,5 et 0,8 mg/kg/j tains types de collagène, des anticorps anticellule endothé-
même en l’absence de syndrome inflammatoire pendant liale, et des facteurs endothéliaux de vasodilatation des
une durée minimale de 6 mois. En présence d’une tubercu- vaisseaux périphériques sont à évaluer.
lose évolutive ou antérieure insuffisamment traitée, une an- La maladie débute généralement avant 45 ans par une
tibiothérapie antituberculeuse est généralement associée. atteinte des artères et veines distales. Il en résulte des
Dans les formes corticorésistantes ou corticodépendantes, phlébites superficielles (40 %) souvent nodulaires, des ul-
certains auteurs préconisent l’adjonction de cyclophospha- cérations ischémiques distales (fig. 6.29), des douleurs ou
mide (2 mg/kg/j) ; le méthotrexate dans notre expérience une claudication des pieds ou de la voûte plantaire, un
est utile en cas de corticodépendance à une dose de 5 à syndrome de Raynaud (40 %). Les artères plus proximales
15 mg par semaine. Un traitement antiagrégant plaquet- sont secondairement touchées. Habituellement, plusieurs
taire (aspirine 100 mg/j) est systématiquement associé. Le membres sont atteints, deux dans 16 % des cas, trois dans
traitement médical de l’insuffisance cardiaque, de l’insuffi- 41 % et quatre dans 43 % des cas de la série de Shionoya
sance coronaire ou de l’hypertension artérielle n’a pas de portant sur 112 malades ¹²⁴. Une atteinte infraclinique des
particularité. L’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de artères des mains peut être dépistée par la manœuvre d’Al-
conversion de l’angiotensine doit être prudente en raison len. La biopsie d’un élément nodulaire confirme la phlébite
de la possibilité d’une sténose bilatérale des artères rénales. avec obstruction de la veine par un thrombus inflamma-
Le traitement chirurgical a une place importante (greffes toire avec une paroi relativement épargnée. Des infiltrats
prothétiques, autogreffes veineuses, réimplantation di- de polynucléaires neutrophiles voire des microabcès ou des
recte, plus rarement endartériectomies) surtout lorsqu’il cellules géantes sont cependant parfois présents.
existe une hypertension artérielle réno-vasculaire ou L’imagerie vasculaire met en évidence les obstructions dis-
d’autres lésions avec retentissement fonctionnel impor- tales avec une circulation collatérale plus ou moins dévelop-
tant. pée sans manifestation d’athérosclérose ni d’autre lésion
6-30 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques

emboligène (fig. 6.30).


Plusieurs critères diagnostiques ont été proposés. Ceux
de Olin ¹²⁵ sont les suivants : âge inférieur à 45 ans et in-
toxication tabagique récente ou actuelle ; présence d’une
ischémie distale documentée ; exclusion de maladies auto-
immunes, de thrombophilie, de diabète, d’une cause embo-
ligène en amont par l’échographie cardiaque et l’artériogra-
phie ; résultats de l’artériographie compatibles avec le diag-
nostic. Une biopsie n’est pas obligatoire dans les formes
typiques mais elle l’est dans les formes atypiques (atteinte
artérielle proximale, âge supérieure à 45 ans...).
Le traitement repose sur l’arrêt de l’intoxication tabagique

Coll. D. Bessis
active et passive. Les dérivés de prostaglandines (Iloprost)
par voie intraveineuse se sont révélés, dans une étude
contrôlée, supérieurs à l’aspirine isolée ¹²⁶. Les traitements Fig. 6.30 Artériographie au cours d’une maladie de Buerger : multiples
thrombolytiques et la sympathectomie ont eu des résultats obstructions distales des artères digitales
favorables dans quelques cas. Les traitements chirurgicaux
sont rarement possibles.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Doutre MS, Francès C. Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine,
vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 6.1-6.32.
7
Maladie de Behçet
Serge Boulinguez

Manifestations dermatologiques 7-1 Urologiques et rénales 7-5


Aphtose buccale 7-1 Fièvre chronique 7-5
Aphtose génitale 7-2 Diagnostic positif 7-5
Autres localisations d’aphtose 7-3 Diagnotics différentiels 7-6
Pseudo-folliculite 7-3 Aphtose buccale récidivante 7-6
Nodules dermo-hypodermiques 7-3 Aphtose complexe 7-7
Nodules acnéiformes 7-4 Aphtose génitale 7-7
Pathergie cutanée 7-4 Physiopathologie 7-7
Autres lésions cutanéo-muqueuses 7-4 Traitement 7-8
Manifestations viscérales 7-4 Atteinte cutanéo-muqueuse et/ou articulaire sans atteinte
Ophtalmologiques 7-4 viscérale 7-8
Neurologiques 7-4 Atteinte viscérale 7-8
Rhumatologiques 7-5 Autres molécules utilisées 7-8
Vasculaires 7-5 Nouvelles molécules 7-9
Cardiaques 7-5 Évolution et pronostic 7-9
Pleuro-pulmonaires 7-5 Références 7-9
Digestives 7-5

a maladie de Behçet (MB) est caractérisée par des lé-


L sions de vasculite plurisystémique d’étiologie incon-
nue. La MB avait été décrite dans les traités d’Hippocrate
Manifestations dermatologiques
Aphtose buccale
(chapitre VII du troisième livre des Épidémies) comme une Selon les critères diagnostiques utilisés, l’aphtose buccale
maladie endémique en Asie Mineure caractérisée par des est présente dans 90 à 100 % des cas de MB. Elle est inau-
aphtes, des lésions génitales, des lésions ophtalmologiques gurale dans 25 à 75 % des cas et peut rester longtemps
chroniques qui rendaient aveugle et des lésions herpé- isolée ⁵-⁷. Il est impossible cliniquement de différencier les
tiques larges. Il fallut attendre le XX e siècle pour qu’un lésions buccales de la MB des lésions d’aphtose récidivante
dermatologue turc, Hulusi Behçet, en 1937, décrive une idiopathique ou d’aphtose complexe que ce soit sur le sexe,
triade symptomatique associant aphtose buccale, aphtose l’âge de début, le nombre de récidives annuelles, le nombre
génitale et uvéite à hypopion. Cependant six ans aupa- de lésions au cours de chaque poussée et la durée de gué-
ravant, Adamantiades, médecin grec, avait rapporté une rison ⁸. L’aphtose buccale est un critère dont la présence
observation similaire. La MB est parfois appelée maladie est exigée par les critères diagnostiques internationaux
d’Adamantiades-Behçet dans la littérature. Ubiquitaire, l’in- du Study Group for Behçet’s Disease ⁹ (encadré 7.A). Les aphtes
cidence de la MB varie considérablement selon les régions sont des ulcérations douloureuses, isolées ou multiples, à
du monde. Elle est plus élevée le long de la « route de la soie » bords nets (à l’emporte-pièce), au fond « beurre frais » ou
(du pourtour méditerranéen au Japon) que dans les pays grisâtre, entourées d’un halo inflammatoire. Ils siègent sur
occidentaux : 80 à 300/100 000 en Turquie ; 10/100 000 au la face interne des joues, le sillon gingivo-labial, le pourtour
Japon, en Corée, en Iran, en Arabie Saoudite ; 0,6/100 000 de la langue (fig. 7.1) et le frein, le palais mais aussi plus ra-
au Royaume-Uni (Yorkshire) et 0,1/100 000 aux États- rement sur les amygdales et le pharynx. Classiquement de
Unis ¹-³. Les cas autochtones sont de plus en plus fréquents forme arrondie ou ovalaire, ils peuvent prendre une forme
en France ⁴. linéaire (fig. 7.2) notamment dans le sillon gingivo-labial et
au niveau de la commissure rétro-molaire. La taille varie
habituellement de 1 à 10 mm. Les lésions géantes sont
rares. Le nombre d’aphtes au cours d’une poussée varie de
7-2 Maladie de Behçet

Critères diagnostiques du Study Group for Behçet Disease 9


1. Avoir une ulcération orale récurrente :
aphte mineur ou majeur ou ulcération herpétiforme, observés par
le patient ou le médecin, récidivant au moins 3 fois en 12 mois.
Et au moins deux des manifestations suivantes :
2. Ulcération génitale récurrente :
aphte ou cicatrice d’aphte observés par le patient ou le médecin.
3. Lésions oculaires :
uvéite antérieure ou postérieure ou cellules dans le vitré à l’exa-
men à la lampe à fente ou vasculite rétinienne.

Coll. D. Bessis
4. Lésions cutanées :
− érythème noueux observé par le patient ou le médecin
− ou pseudo-folliculites ou lésions papulopustuleuses ou no- Fig. 7.2 Aphtose labiale inférieure, de forme linéaire, au cours d’une
dules acnéiformes observés par le médecin chez un patient maladie de Behçet
post-adolescent sans traitement stéroïdien.
5. Test pathergique positif :
lu par le médecin à 24-48h.
Critères applicables uniquement en l’absence
d’autres explications cliniques.
7.A

un à plusieurs dizaines. Lorsqu’ils sont nombreux ou de


grande taille, ils gênent l’alimentation et l’élocution. L’évo-
lution vers la guérison sans séquelle en quelques jours ou
semaines est la règle. Les séquelles, rares au niveau de la
muqueuse buccale au cours de la MB, sont secondaires aux
ulcérations de grande taille. L’absence d’adénopathie satel-
lite est classique dans la MB. La fréquence des récidives
est très variable mais les critères diagnostiques internatio-
naux exigent au minimum 3 poussées par an. L’examen
histologique est non spécifique.

Aphtose génitale
L’aphtose génitale est très évocatrice de la MB mais non
pathognomonique. Elle est notée dans 60 à 88 % des cas ⁵.
Les poussées sont moins fréquentes que dans la bouche.
Les lésions siègent avec prédilection sur le scrotum (fig. 7.3),

Coll. D. Bessis

Fig. 7.3 Ulcérations à l’emporte-pièce nécrotique et à fond fibrineux du


scrotum au cours d’une maladie de Behçet

plus rarement sur le gland ou l’urètre. Elles prennent un


aspect d’ulcérations à l’emporte-pièce à fond jaunâtre précé-
dées par des lésions de pseudofolliculite qui en seraient le
stade initial. Contrairement aux lésions buccales, les ulcéra-
tions génitales font place dans 50 % des cas à des cicatrices
durables, souvent dépigmentées. Ces séquelles sont un élé-
Coll. D. Bessis

ment important du diagnostic.


Chez la femme, elles siègent sur la vulve (fig. 7.4). Le carac-
tère douloureux semble moins marqué que chez l’homme,
Fig. 7.1 Ulcérations larges, à bords nets, au fond « beurre frais » ou les ulcérations génitales étant dans la moitié des cas asymp-
grisâtre, entourées d’un halo inflammatoire situées sur le bord latéral de la tomatiques et découvertes lors de l’examen systématique
langue au cours d’une maladie de Behçet de la patiente. Les lésions siègent plus rarement dans le va-
Manifestations dermatologiques 7-3

Coll. D. Bessis

Fig. 7.4 Ulcérations aphtoïdes vulvaires au cours d’une maladie de


Behçet

Coll. D. Bessis
gin ou sur le col utérin. Les séquelles cicatricielles sont
moins fréquentes que chez l’homme. L’examen histolo-
gique est non spécifique. Fig. 7.5 Pseudo-folliculite et aphtose péri-anale au cours d’une maladie
de Behçet
Autres localisations d’aphtose
L’aphtose cutanée est décrite dans 1,2 % des cas ⁵. Les lé- Nodules dermo-hypodermiques
sions seraient plus fréquentes dans les régions axillaires Les nodules dermo-hypodermiques sont notés dans 27 à
et au niveau des espaces interorteils ¹⁰. Elles sont caracté- 40 % des cas ⁵,¹⁰. Deux types de nodules sont distingués à
risées par des ulcérations peu douloureuses à bords francs la fois sur des critères cliniques et évolutifs :
dont le fond est fibrineux et entourées d’un halo érythé- 1. les nodules à type d’érythème noueux qui disparaissent
mateux inconstant. Il est difficile de distinguer les lésions en quelques jours, répondant rapidement aux traite-
évolutives de pseudo-folliculite des aphtes cutanés. Pour ments symptomatiques anti-inflammatoires. La nature
certains, ces entités seraient différentes, l’ulcération de de ces nodules est controversée : véritables nodules
l’aphte cutané n’étant pas précédée d’une pustule. L’aphtose d’érythème noueux ou nodules de panniculite septale
péri-anale (fig. 7.5) est décrite dans 3 % des cas ⁵. L’aphtose secondaires à une vascularite neutrophilique ¹³-¹⁸. Dans
conjonctivale est exceptionnelle ¹¹. Aucune de ces localisa- une étude comparative basée sur le comptage et l’exa-
tions n’est retenue dans les critères diagnostiques. men histologique des nodules chez des patients pré-
sentant des nodules dermo-hypodermiques au cours
Pseudo-folliculite d’une MB, un érythème noueux en dehors de la MB
Les lésions de pseudo-folliculite sont présentes dans 40 à et des nodules de vascularite neutrophilique en dehors
55 % des cas ⁵,¹². Elles sont caractérisées par des pustules d’une MB, les auteurs ont conclu que les nodules dermo-
non folliculaires stériles entourées d’un halo érythéma- hypodermiques de la MB correspondaient à des lésions
teux, évoluant vers une croûte ou une ulcération. La phase de vascularite neutrophilique. Les nodules étaient plus
initiale est papulovésiculeuse. Elles siègent préférentielle- nombreux chez les patients ayant un érythème noueux
ment sur le tronc (fig. 7.6), les membres inférieurs, les fesses, en dehors de la MB : présence de plus de 3 nodules chez
le scrotum, mais peuvent se voir sur l’ensemble du tégu- tous ces patients, alors que seulement 50 % des cas de
ment. Histologiquement, les lésions correspondent à une MB et de vascularite neutrophilique avaient plus de
inflammation dermique superficielle neutrophilique péri- 3 nodules ¹⁴ ;
vasculaire et interstitielle non centrée par un follicule. 2. les nodules liés aux phénomènes thrombotiques vei-
7-4 Maladie de Behçet

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Fig. 7.7 Nodules disposés linéairement sur les membres inférieurs
caractérisant des thromboses veineuses superficielles au cours d’une
maladie de Behçet
Fig. 7.6 Pseudo-folliculite de maladie de Behçet : papules, vésicules et
pustules non folliculaires de la partie haute du thorax et du cou purulent à limite supérieure horizontale dans la chambre
antérieure) n’est ni constante ni spécifique. Elle est en fait
neux (phlébites et paraphlébites) que l’on distingue par rare, souvent quiescente et révélée uniquement à la lampe
leur caractère linéaire (fig. 7.7), rouge sombre ou violacé, à fente. L’uvéite antérieure expose aux synéchies cristalli-
dur, d’évolution plus torpide en plusieurs semaines. niennes et à l’hypertonie oculaire. L’uvéite postérieure est
pratiquement constante en cas d’atteinte ophtalmologique
Nodules acnéiformes (fig. 7.8). Des lésions des vaisseaux rétiniens sont souvent
Des lésions papulo-pustuleuses et des nodules acnéiformes associées (périphlébite, périartérite, thrombose) ; plus ra-
sont notés dans 7 % des cas ⁵. Quoique peu fréquentes, ces rement une conjonctivite, une épisclérite, ou une kératite.
lésions sont retenues dans les critères diagnostiques. Elles L’atteinte ophtalmologique engage le pronostic fonction-
siègent sur le visage et la partie haute du tronc. nel car les séquelles des poussées successives conduisent à
la cataracte, à l’hypertonie oculaire ou à la cécité (plus de
Pathergie cutanée 50 % des cas à 5 ans en l’absence de traitement).
Le phénomène de pathergie cutanée est caractérisé par des
lésions de pseudo-folliculite induites par un traumatisme Neurologiques ²⁶
superficiel (éraflure, intradermoréaction à des antigènes Les manifestations neurologiques sont présentes dans
variés, prélèvement sanguin). Ce phénomène est pris en
compte dans les critères diagnostiques.

Autres lésions cutanéo-muqueuses


D’autres lésions cutanées associées à la MB ont été décrites :
des nodules dermo-hypodermiques des membres ainsi que
des lésions papulo-œdémateuses du visage, du cou et du
dos compatibles histologiquement avec des lésions de syn-
drome de Sweet ¹⁹ ; ulcérations cutanées de type pyoderma Coll. Dr F. Mura, service d’Ophtalmologie, Montpellier
gangrenosum parfois associées à une entéropathie ⁶,¹¹,²⁰ ;
lésions vasculaires (livédo, ecchymoses spontanées, pur-
pura infiltré, purpura acral, engelures) ¹¹,²¹-²³ ; érythème
polymorphe ¹¹ ; hidradénite neutrophilique eccrine chro-
nique ²⁴.
Au niveau des muqueuses, des lésions purpuriques ou hé-
morragiques, des nappes érythémateuses ont été notées ¹¹.

Manifestations viscérales
Ophtalmologiques ²⁵ Fig. 7.8 Atteinte oculaire angiographique au cours d’une maladie de
Les manifestations ophtalmologiques sont les plus fré- Behçet : papillite modérée, périphlébites des gros troncs rétiniens (PP :
quentes après les manifestations cutanéo-muqueuses. Elles image en « double rail » et fuite diffuse du colorant le long des vaisseaux),
sont retenues dans les critères diagnostiques. L’uvéite est vasculite diffuse à prédominance veineuse, œdème maculaire cystoïde
présente dans 60 % des cas. Elle est le plus souvent totale. chronique (OM) et hyalite modérée (le flou du cliché est lié à la perte de
La classique uvéite antérieure à hypopion (épanchement transparence du vitré)
Diagnostic positif 7-5

environ 20 % des cas. Elles surviennent après environ Digestives


10 ans d’évolution de la MB. Par ordre décroissant de fré- La fréquence des atteintes digestives varie de 1 à 30 %.
quence ²⁷ : céphalée (83 %), paralysie des nerfs crâniens Elles sont représentées essentiellement par des ulcérations.
(33 %), atteinte motrice centrale (33 %), troubles sensitifs Elles peuvent se localiser sur l’œsophage, l’estomac, l’intes-
(25 %), œdème papillaire bilatéral (21 %), syndrome céré- tin ou la marge anale. Le pronostic de ces ulcérations est
belleux (21 %), troubles psychiques (13 %), et plus rare- lié au risque de perforation digestive. Bien que les lésions
ment polynévrite des membres inférieurs, névrite optique digestives des entéropathies inflammatoires (maladie de
rétrobulbaire. Le pronostic est très péjoratif en cas d’at- Crohn ou rectocolite hémorragique) soient très semblables
teinte neurologique engageant parfois le pronostic vital aux ulcérations digestives de la MB, il ne semble pas exis-
(méningo-encéphalite, méningo-encéphalomyélite, throm- ter d’association privilégiée entre entéropathies inflamma-
bophlébites des sinus caverneux). toires et MB comparativement à une population témoin ³⁴.
Des observations de pancréatites ont été décrites.
Rhumatologiques ²⁸
Les manifestations rhumatologiques sont présentes dans Urologiques et rénales
32 à 68 % des cas ²⁹,³⁰ à type de monoarthrites ou d’oli- L’atteinte rénale est rare, à type de néphropathie amyloïde
goarthrites (genoux, coudes, poignets et chevilles) fugaces survenant en général après des années d’évolution d’une
mais récidivantes n’entraînant pas habituellement de des- MB non traitée ; de néphropathie glomérulaire avec dépôts
truction ostéo-cartilagineuse. Elles sont classiquement pré- d’IgA ; de thrombose des veines rénales. Les manifestations
coces au cours de l’histoire de la maladie, pouvant précé- urologiques sont à type d’orchiépididymite et d’urétrite.
der les autres manifestations de plusieurs années. L’asso-
ciation à une spondylarthrite ankylosante et HLA B27 Fièvre chronique
est notée dans 2 % des cas. Des observations d’ostéoné- Un tableau de fièvre chronique est rare au cours de la MB
croses ont été rapportées d’étiologie incertaine (MB ou mais peut-être le mode d’entrée dans la maladie ⁵.
corticothérapie).
Diagnostic positif
Vasculaires ³¹
La physiopathologie de la MB est caractérisée par un tro- Le diagnostic de MB est clinique. Il peut être difficile au
pisme très particulier pour les vaisseaux. Les thromboses début lorsque les signes sont incomplets. Les critères inter-
veineuses (superficielles ou profondes) sont notées dans nationaux du Study Group for Behçet’s Disease sont les cri-
30 à 40 % des cas. Elles sont plus fréquentes aux membres tères diagnostiques les plus utilisés (encadré 7.A). Leur sensi-
inférieurs (fémoro-ilaques) mais elles peuvent se former bilité est de 90 % et leur spécificité de 95 % ⁹. Ils permettent
dans la veine cave, les veines rénales ou les veines sus- donc à terme le diagnostic de la plupart des MB. Les ma-
hépatiques ³². L’association à un syndrome des anticorps an- nifestations cutanéo-muqueuses constituent les éléments
ticardiolipides est rare mais non exceptionnelle. Les throm- majeurs de ces critères et l’aphtose buccale est un critère
boses surviennent dans 25 % des cas dans la première an- indispensable sans lequel il ne peut y avoir de diagnostic.
née d’évolution et 10 à 15 % d’entre elles s’accompagnent Plusieurs points sont cependant à souligner pour utiliser
d’une embolie au cours de la MB. Le bilan d’hémostase est correctement ces critères et obtenir ainsi la même sensibi-
normal habituellement. lité et spécificité. Le diagnostic ne repose pas seulement
Les manifestations artérielles sont possibles (3 à 5 % des sur l’observation du médecin mais également sur l’inter-
cas, voire 33 % sur les autopsies ³³), à type d’artérites inflam- rogatoire du patient (même si le médecin n’a pas constaté
matoires, de thromboses ou d’anévrismes (anévrismes mul- lui-même les lésions) pour l’aphtose buccale, les ulcérations
tiples des artères pulmonaires dont le pronostic est sévère : génitales et l’érythème noueux. Les autres critères doivent
syndrome de Hugues-Stovin ; anévrismes de l’aorte, des être constatés par le médecin. Le test pathergique est un
artères rénales, poplitées et radiales). Le risque de décès critère diagnostique important. Il est peu sensible (positif
est élévé. dans 15 à 36 % selon séries) ²⁹,³⁵,³⁶ mais très spécifique ³⁵.
Cependant sa valeur diagnostique diffère selon le groupe
Cardiaques ethnique : 60 % des patients atteints de MB ont un test
Toutes les structures cardiaques peuvent être atteintes, pro- positif au Moyen-Orient ³⁷, 5 % chez les Caucasiens ³⁸ et
voquant alors un tableau de myocardite ou de péricardite 15 % chez les Coréens ³⁹. La positivité du test varie égale-
ou d’endocardite avec valvulopathie ou de coronaropathie ment en fonction de la technique utilisée. La désinfection
par anévrisme et thrombose, un risque de mort subite, d’in- locale en diminuerait l’intérêt. L’injection diffère selon les
farctus ou d’hémopéricarde. praticiens, elle peut être intraveineuse, sous-cutanée ou in-
tradermique, avec ou sans chlorure de sodium isotonique
Pleuro-pulmonaires (0,1 à 0,2 ml). Plus l’aiguille est grosse et émoussée, plus le
Des observations d’hémoptysie, d’infiltrat parenchyma- test est positif ⁴⁰. La technique recommandée par le Study
teux, de pleurésie, d’embolie pulmonaire et de rares cas Group for Behçet’s Disease consiste à réaliser le test à la face
de vascularite ont été décrits au cours de l’évolution de la antérieure de l’avant-bras, avec une aiguille de 21 G. L’injec-
MB. tion doit se faire verticalement jusqu’au tissu sous-cutané
7-6 Maladie de Behçet

avec une rotation de 360◦ . Le test pathergique est positif si − les récurrences herpétiques orales peuvent réaliser un
une papulo-pustule apparaît vers la vingt-quatrième heure tableau d’aphtose récidivante. La présence d’adénopa-
et culmine à la quarante-huitième heure. Il est négatif si le thies douloureuses concomitantes, un prélèvement
médecin constate un érythème ou une lésion cicatricielle. pour culture virale et éventuellement un test thérapeu-
Il est faiblement positif en présence d’une papule, moyen- tique prolongé à l’acyclovir permettent d’affirmer ou
nement positif si la papule est recouverte d’une discrète d’infirmer le diagnostic. Les infections à VIH, CMV ou
vésiculo-pustule inférieure à 2 mm, et fortement positif si EBV peuvent réaliser un tableau d’aphtose récidivante
la vésiculo-pustule dépasse 5 mm. Idéalement, le test est à pendant plusieurs semaines mais disparaissent habi-
réaliser en dehors des périodes de traitements. tuellement progressivement ;
Les Japonais utilisent d’autres critères diagnostiques révi- − les toxidermies : de nombreuses molécules peuvent in-
sés en 2003. Cette classification est très détaillée (différen- duire des ulcérations douloureuses buccales chroniques.
ciant les phases actives et latentes, donnant des critères de Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, le nicorandil
sévérité), mais difficile à utiliser en consultation ⁴¹. (fig. 7.9), les β-bloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de
Il n’existe aucun marqueur biologique spécifique de la MB. conversion sont fréquemment incriminés. Les stoma-
Certaines anomalies biologiques peuvent accompagner les tites post-chimiothérapie peuvent également induire
signes cliniques : une hyperleucocytose à polynucléaires des stomatites ulcératives. Le contexte et la chronolo-
neutrophiles, des anomalies de la fibrinolyse, une élévation gie des prises médicamenteuses suffisent le plus sou-
du facteur VIII, la présence de complexes immuns circu- vent ;
lants, une cryoglobulinémie. Un syndrome inflammatoire
biologique est rarement noté mais doit faire rechercher une
artérite. Les taux sériques de β-2-microglobuline ⁴² et de
ferritine ³⁶ ont été proposés comme marqueurs d’activité
de la maladie.
Les critères diagnostiques de la MB ne sont « applicables
qu’en l’absence d’autres explications cliniques » (encadré 7.A).
Ainsi, dans un premier temps, aucun bilan biologique n’est
nécessaire pour éliminer une MB. Il faut demander systé-
matiquement un examen ophtalmologique (car l’uvéite an-
térieure est souvent quiescente et révélée uniquement à la
lampe à fente en l’absence de symptômes) avec un examen
du fond d’œil et réaliser le test pathergique. La recherche
de l’antigène HLA B51 n’a pas d’intérêt diagnostique. Les

Coll. D. Bessis
biopsies cutanées ou muqueuses n’ont pas d’intérêt pour
le diagnostic de MB et peuvent mettre en évidence une vas-
cularite avec dépôts de complément peu spécifiques même
s’il existe un certain contraste avec la pauvreté des dépôts Fig. 7.9 Ulcération linguale étendue induite par la prise de nicorandil
d’immunoglobulines ⁴³. Si le diagnostic de MB n’est pas
porté au terme de l’interrogatoire, de l’examen clinique, de − les allergies alimentaires et de contact : quelques ob-
l’examen ophtalmologique et de la lecture du test pather- servations d’allergie alimentaire (propolis, eugénol et
gique, il faudra réaliser un bilan à la recherche des diagnos- dérivés...) ou de contact (dentifrices...) ont été décrites
tics différentiels (voir la section suivante). Cependant, la comme facteur étiologique d’aphtose récidivante avec
recherche d’anticorps anticoagulants circulants doit être patch-tests positifs et épreuves de réintroduction posi-
systématique d’autant plus qu’un traitement par thalido- tives. L’examen clinique peut montrer une muqueuse
mide est envisagé (risque thrombogène de la thalidomide). érythémateuse en dehors des ulcérations ou de dis-
Les autres manifestations viscérales de la MB seront explo- crètes lésions d’eczéma au niveau des commissures la-
rées en fonction de la symptomatologie. Une exploration biales à type de chéilite angulaire. La pose de patch-
veineuse ne sera envisagée en l’absence de signes cliniques tests (batterie standard et substances suspectées par
de thromboses que si la MB est associée à la présence d’an- l’interrogatoire) et la tenue d’un carnet alimentaire
ticorps anticoagulants. peuvent confirmer le diagnostic ;
− les dermatoses bulleuses auto-immunes sont classique-
Diagnotics différentiels ment citées parmi les étiologies. L’examen clinique de
la peau et des muqueuses permet facilement d’élimi-
Aphtose buccale récidivante ner le diagnostic d’aphtose. Les lésions sont habituel-
Elle est caractérisée par des poussées d’aphtose localisées lement à type d’érosions, moins bien limitées, plus dif-
uniquement au niveau de la bouche sans manifestation fuses, marquées par un décollement périphérique. Les
systémique. L’examen clinique minutieux associé à des ex- localisations au niveau au niveau des sillons gingivaux
plorations simples peut orienter le diagnostic étiologique ou de la commissure rétro-molaire peuvent cependant
vers une des pathologies suivantes : prendre un aspect d’ulcération aphtoïde. La dermatite
Physiopathologie 7-7

herpétiforme est caractérisée par des lésions de petites Aphtose génitale


tailles, plus nombreuses, évoluant par poussées, très fré- Le diagnostic différentiel des aphtes génitaux est le même
quemment confondues avec des aphtes. L’examen his- que pour les lésions buccales. Il faut cependant savoir réa-
tologique, l’examen en immunofluorescence d’un pré- liser des prélèvements microbiologiques à la recherche
lèvement de muqueuse buccale de bonne qualité et la d’infections sexuellement transmissibles (IST) (syphilis,
recherche d’anticorps circulants antimembrane basale donovanose, chancre mou). L’examen clinique peut per-
et antisubstance intercellulaire permettent de porter mettre une orientation diagnostique car les lésions d’IST
le diagnostic ; possèdent des caractéristiques sémiologiques différentes.
− le lupus, le lichen et la polychondrite chronique atro- Les lésions du syndrome de Reiter se distinguent par la
phiante sont cités parmi les diagnostics différentiels. collerette spécifique et l’association à des arthralgies. L’ul-
Le cortège de lésions associées cutanéo-muqueuses per- cération aiguë vulvaire douloureuse de Lipschütz apparaît
met de faire le diagnostic le plus souvent ; dans un contexte de syndrome infectieux chez une jeune
− les entéropathies inflammatoires (maladie de Crohn, fille évoluant vers la guérison spontanée en 3 semaines
rectocolite hémorragique) peuvent se présenter sous la sans récidive.
forme d’ulcérations buccales moins douloureuses mais L’aphtose tripolaire buccale, génitale et anale oriente le
infiltrées en périphérie. L’examen histologique d’une ul- diagnostic vers une entéropathie inflammatoire ¹⁰.
cération permet d’obtenir le diagnostic. D’une façon gé-
nérale, le bilan d’une aphtose buccale récidivante sans Physiopathologie
étiologie doit comporter au moins une biopsie ;
− la neutropénie cyclique est caractérisée par une neu- Le sex-ratio H/F de la MB est de 7/3 pour les formes symp-
tropénie périodique de trois semaines. Des anoma- tomatiques et est égal à 1 pour les formes peu symptoma-
lies fonctionnelles des polynucléaires neutrophiles tiques ⁴⁷. La MB débute pendant la troisième décennie mais
peuvent provoquer des ulcérations buccales. L’aphtose peut survenir chez l’enfant ⁴⁸. Les arguments en faveur d’un
buccale est classique dans la granulomatose familiale facteur génétique sont : prédominance autour du bassin
septique associée à des lésions proches du lupus dis- méditerranéen et en Asie ² ; rares cas familiaux ⁵ et néona-
coïde ¹⁰,⁴⁴ ; taux ⁴⁹ ; fréquence accrue de HLA B51 (60 à 80 % des cas) ⁵⁰.
− les carences en fer, en vitamine B 12, en acide folique : La présence de HLA B51 serait associée avec un fonction-
les ulcérations buccales sont rarement isolées. Une sto- nement excessif des polynucléaires neutrophiles. Le lien
matite érythémateuse ou une glossite érythémateuse entre HLA B51 et MB pourrait être un segment génomique
dépapillée accompagnent les ulcérations. Des signes de 46 kb situé entre le gène A du complexe majeur d’his-
généraux complètent le tableau avec des troubles psy- tocompatibilité de classe I (gène MICA) et le gène HLA-B
chiques, notamment dans les carences vitaminiques. mais les preuves sont très indirectes ⁵¹.
La carence martiale s’accompagne d’anomalies des pha- L’hypothèse virale, notamment à herpes simplex virus, long-
nères. L’hémogramme révèle des anomalies fortement temps évoquée, semble écartée. L’hypothèse microbienne
évocatrices ; actuelle met en avant le rôle du streptocoque sanguis et
− l’aphtose idiopathique familiale. la réactivité croisée avec des protéines de stress (fortes
similitudes entre les Heat Shock Protein (HSP) mitochon-
Aphtose complexe driales humaines et les HSP microbiennes) ⁵². La stimula-
Le terme d’aphtose complexe a été introduit en 1984 par tion des HSP serait capable d’activer la production d’inter-
Jorizzo et al. ⁴⁵ et défini par l’association d’aphtes récidi- leukine (IL)-8 et de tumor necrosis factor (TNF). Il existe
vants oraux et génitaux ou périanaux, presque constants, également des arguments en faveur de la théorie immu-
multiples ( 3 aphtes buccaux) sans manifestation sys- nitaire : en immunofluorescence, dépôts de complément
témique. De nouvelles lésions apparaissent alors que les au niveau des ulcérations buccales, des biopsies rénales et
anciennes sont en cours de guérison. La différentiation cutanées ; complexes immuns circulants chez les patients
entre aphtose complexe et forme débutante de la MB est en poussée ; profil lymphocytaire TH1/TH2 de type TH1 ⁵³
difficile au début. L’aphtose complexe appartiendrait au (TH : T-helper). La théorie environnementale a été avan-
spectre des aphtoses récidivantes et en serait la forme la cée devant une augmentation des taux de cuivre, de zinc,
plus sévère. Au niveau buccal, les cicatrices seraient plus d’hexachlorure de benzène ou de polychlorinate-biphényl
fréquentes que dans la MB. Les poussées diminuent avec dans le sang et les biopsies nerveuses. Génétique et envi-
l’âge. En Corée, zone endémique, 52 % de 67 patients pros- ronnement semblent se mêler car l’incidence de la MB chez
pectifs suivis pour une aphtose complexe ont développé les Américains d’origine japonaise ainsi que chez les Alle-
une MB dans les 8 ans qui ont suivi les premières manifes- mands d’origine turque est plus élevée que chez les autoch-
tations muqueuses ⁴⁶. Ce pourcentage semble plus faible tones mais reste moins élevée qu’au Japon ou en Turquie ³.
en Europe et aux États-Unis. La recherche étiologique est Les similitudes avec la fièvre méditerranéenne familiale
la même que celle effectuée pour les aphtoses buccales ré- (FMF) ont conduit des équipes à rechercher des mutations
cidivantes. Il faut ajouter les causes d’ulcérations génitales du gène codant pour la FMF. Des mutations ont été trou-
récidivantes. vées quatre fois plus souvent dans la MB par rapport aux
témoins ⁵⁴. Ce gène intervient dans le métabolisme des py-

 IL interleukine · TNF tumor necrosis factor


7-8 Maladie de Behçet

rines dont la dysrégulation aboutit à une augmentation lecture difficile. L’efficacité semble voisine de celle de la tha-
de la production du TNF et une dysrégulation des polynu- lidomide mais nécessite une surveillance hématologique
cléaires neutrophiles. en début de traitement. Les accidents d’hypersensibilité à
la dapsone sont rares mais parfois sévères.
Traitement
Atteinte viscérale
En l’absence de marqueurs spécifiques d’activité de la MB, Le traitement des formes viscérales est également efficace
un index d’activité a été proposé récemment : le Behçet’s sur les lésions cutanéo-muqueuses. Mis à part certaines at-
Disease Current Activity Form. Cet index semble pratique, teintes ophtalmologiques qui peuvent être traitées par une
logique et utilisable en routine, ce qui permettrait d’avoir corticothérapie intra-oculaire, le traitement des formes vis-
une comparaison standardisée entre deux consultations ⁵⁵. cérales repose sur une corticothérapie plus ou moins asso-
Une échelle de qualité de vie spécifique de la MB a été va- ciée à des immunosupresseurs.
lidée ⁵⁶. Ces outils ne sont pas utilisables en France pour La corticothérapie n’est pas indiquée dans les formes
le suivi thérapeutique car aucun n’a été validé en français. cutanéo-muqueuses et/ou articulaires isolées. Elle est in-
Le traitement de la MB est non codifié et reste purement discutable dans les formes vasculaires et neurologiques.
symptomatique. Il faut distinguer deux situations : la MB La corticothérapie s’impose sous forme de bolus (1 g IV
avec atteinte viscérale et la MB sans atteinte viscérale. 3 heures) associée au cyclophosphamide particulièrement
dans les formes neurologiques. Les immunosuppresseurs
Atteinte cutanéo-muqueuse et/ou articulaire sans atteinte ne doivent pas être initiés seuls à cause de leur latence de
réponse. Ils permettent une certaine épargne de la corti-
viscérale
cothérapie. Le cyclophosphamide peut être utilisé per os
Les traitements locaux de contact sont rapidement insuffi- (2 mg/kg) ou en bolus de 750 mg à 1 g. La corticothéra-
sants. Un traitement systémique est habituellement néces- pie orale prend le relais des bolus et doit être maintenue
saire. 2 ans associée à un immunosuppresseur et à l’aspirine. La
Colchicine Elle est proposée en première intention (1 à corticorésistance est exceptionnelle mais la corticodépen-
2 mg/j) plus ou moins associée à l’aspirine (100 mg/j). Son dance est la règle, posant le problème des complications de
efficacité a été démontrée par une étude randomisée ⁵⁷. Elle la corticothérapie.
est efficace également sur les atteintes articulaires. La col- L’azathioprine est une alternative au cyclophosphamide
chicine ne permet pas toujours la rémission complète mais (mais son pouvoir mutagène supérieur en limite les pres-
peut permettre au patient de supporter des lésions moins criptions chez des patients jeunes). Il existe une étude
nombreuses. La prise doit être prolongée car les récidives contrôlée prouvant son efficacité à la dose de 2,5 mg/kg/j ⁶⁰.
sont rapides à l’arrêt du traitement. C’est un traitement L’introduction précoce d’azathioprine semble améliorer le
bien toléré au long cours : les troubles digestifs sont les plus pronostic lointain, surtout dans les atteintes oculaires ⁶¹.
fréquents, la leucopénie est rare et les myoneuropathies La ciclosporine est très efficace sur les formes oculaires ⁶²,⁶³
sont exceptionnelles. La colchicine peut être maintenue mais la toxicité à long terme (HTA, néphrotoxicité) est fré-
pendant la grossesse. quente. Son efficacité a été démontrée par une étude contrô-
Thalidomide L’intérêt de la thalidomide dans les formes lée versus colchicine ⁶⁴. La ciclosporine doit être évitée dans
cutanéo-muqueuses a été démontré par une étude contrô- les formes neurologiques car elle pourrait aggraver les lé-
lée ⁵⁸. Elle est aussi efficace et mieux tolérée à la dose de sions neurologiques ⁶⁵.
100 mg/j qu’à la dose de 300 mg/j. Les aphtes buccaux gué- Le méthotrexate à faible dose (7,5 mg/kg) est une alterna-
rissent en 4 semaines, les aphtes génitaux en 8 semaines. tive. Il serait particulièrement intéressant dans les neuro-
Les lésions à type d’érythème noueux peuvent être exacer- behçet corticorésistants ⁶⁶. Le chlorambucil est à réserver
bées pendant les 8 premières semaines de traitement. La aux cas résistants. L’anticoagulation efficace et prolongée
thalidomide est un traitement purement suspensif. La sur- est indispensable dans les formes vasculaires. L’association
venue de thrombose lors de l’induction de la thalidomide a héparine-corticoïdes aggrave l’ostéoporose.
été observée ; l’association systématique d’aspirine à dose
antiaggrégante paraît intéressante mais n’a pas été étudiée. Autres molécules utilisées
Les limites d’un traitement par thalidomide sont représen- La pentoxifylline a été proposée, notamment dans les
tées par les risques de polynévrites sensitives (augmentés formes avec uvéite, mais il n’existe pas d’étude contrô-
si alcoolisme ou diabète), de fœtopathies, de somnolence, lée ⁶⁷,⁶⁸. Des plasmaphérèses et des injections d’immuno-
de prise de poids et d’aménorrhée. globulines ont été essayées de façon anecdotique. Les
Disulone (50 à 100 mg/j) Il existe une étude randomisée antipaludéens de synthèse et le lévamizole se sont avé-
en double aveugle contre placebo et en cross-over chez 20 pa- rés décevants. Dans une étude contrôlée, l’association
tients avec atteinte cutanéo-muqueuse et articulaire ⁵⁹. La pénicilline-colchicine était plus efficace que la colchicine
dapsone était efficace en 1 mois environ. Les résultats pour le contrôle des lésions cutanéo-muqueuses et la pré-
n’étaient pas exprimés en termes de rémission mais en vention des manifestations articulaires ⁶⁹. La benzathine-
amélioration du nombre, de la taille, de la durée, de la fré- pénicilline prolongée permettrait de prévenir les pous-
quence des lésions et sur leur prévalence, ce qui rend la sées ⁶⁹.

 TNF tumor necrosis factor


Références 7-9

Nouvelles molécules Rebamipide Une étude contrôlée contre placebo chez


Interféron Une revue de la littérature a permis de rele- 35 patients ayant des atteintes cutanéo-muqueuses de la
ver jusqu’à 2002 trente-deux articles originaux et quatre MB a montré une efficacité sur la réduction du nombre
abstracts sur le traitement de la MB (au total 338 patients) d’aphtes et de la douleur (65 % pour le groupe traité versus
par interféron α-2a (264 patients) et α-2b (74 patients) 36 % pour le groupe placebo). Il est impossible d’évaluer les
dans les atteintes cutanéo-muqueuses (247 patients) et résultats en termes de rémission complète ou incomplète
oculaires (75 patients) ⁷⁰. Une seule étude était contrôlée sur la présentation de l’article. Le rebamipide est un anti-
montrant l’efficacité de l’interféron ⁷¹. Une seconde étude acide gastrique (stimulant la sécrétion de prostaglandines
associant colchicine, pénicilline et interféron était contrô- endogènes au niveau de la muqueuse gastrique) essentielle-
lée mais rétractée ensuite par l’éditeur du journal ⁷²,⁷³. ment commercialisé en Asie et aux États-Unis (seulement
Dans cette revue, l’interféron α apparaît comme efficace 2 % des ventes en France).
avec de meilleurs résultats pour les formes oculaires sé- Constituants de la fumée de cigarettes Plusieurs ob-
vères ou résistantes aux traitements (94 % de réponses). servations et une étude longitudinale de patients atteints
L’interféron était efficace également pour les patients avec de MB souhaitant arrêtant de fumer ont montré une ag-
une forme cutanéo-muqueuse (84 % de réponses) et/ou ar- gravation de la MB lors du sevrage ⁷⁷. La cigarette semble
ticulaire (96 % de réponses) mais les rémissions complètes améliorer non seulement les manifestations buccales mais
étaient moins nombreuses. Le temps de réponse complète aussi les lésions systémiques ⁷⁸. Les patchs de nicotine
variait en moyenne de 4 à 6 semaines. Les traitements avec ne semblent pas avoir une efficacité franche. D’autres élé-
forte dose d’interféron étaient plus efficaces mais il est diffi- ments de la fumée de cigarette et notamment des aldéhydes
cile d’extraire de ces études la dose idéale tant les schémas pourraient expliquer les vertus thérapeutiques de la fumée
variaient. À titre indicatif, le groupe des patients ayant une de cigarette ⁷⁸.
rémission à long terme avait reçu en moyenne 30 millions
d’unités par semaine contre 16 millions d’unités dans le Évolution et pronostic
groupe avec rechute rapide à l’arrêt de l’interféron. Les ef-
fets secondaires étaient ceux décrits avec l’interféron. Les Pour un malade donné, l’évolution de la maladie est impré-
auteurs de cette revue proposent de commencer le traite- visible. Elle se fait par poussées, plus ou moins régressives,
ment entre 6 et 9 millions d’unités par jour pendant 4 se- au cours desquelles un nouvel organe peut être atteint.
maines puis de diminuer à 4,5 millions par jour pendant Les formes avec méningo-encéphalite, accident thrombo-
4 semaines puis à 3 millions 3 fois par semaine à maintenir embolique ou perforation intestinale sont les formes res-
pendant au moins 8 semaines après la rémission. ponsables de la majorité des décès. Le risque fonctionnel
Anti-TNF-α Les concentrations de TNF-α et de son récep- majeur est la cécité due à l’uvéite. L’observance stricte et
teur soluble sont augmentées dans le sérum des patients prolongée du traitement (colchicine, thalidomide, immu-
atteints de MB. Quelques observations de succès théra- nosuppresseurs) est un facteur positif pour le pronostic di-
peutique (infliximab, étanercept) chez des MB réfractaires minuant l’incidence des complications ⁷⁹. Les formes sont
aux traitements classiques est encourageant ⁷⁴. Il existe plus sévères autour de la Méditerranée et en Asie que dans
13 publications concernant 20 patients avec 19 réponses les populations occidentales, plus sévères chez les hommes
sur 20 ⁷⁵. Lors de la dixième conférence internationale sur que chez les femmes. Une étude turque avec 20 ans de suivi
la MB en juin 2002, 35 % des médecins présents ont déclaré a montré une mortalité de 9,8 % ⁸⁰ ce qui est plus fréquent
avoir déjà utilisé un anti TNF-α dans cette indication. que la mortalité rapportée auparavant ³⁷. La mortalité di-
Anti-CD52 Une étude ouverte incluant 18 patients a minue avec le temps, les premières années étant les plus à
montré un taux de rémission de 72 %. Bien que le traite- risque.
ment ait été bien supporté, tous les patients ont eu une
lymphopénie prolongée ⁷⁶.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Boulinguez S. Maladie de Behçet. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques
des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 7.1-7.11.
8
Syndrome de Gougerot-Sjögren
Loïc Vaillant, Sophie Le Dû

Manifestations cliniques 8-1 Diagnostic 8-5


Atteinte buccale 8-1 Pronostic et évolution 8-6
Atteinte oculaire 8-2 Mortalité 8-6
Signes cutanés 8-2 Lymphome 8-6
Manifestations articulaires et musculaires 8-3 Traitement 8-7
Manifestations viscérales 8-3 Traitement de fond 8-7
Physiopathologie 8-4 Traitements symptomatiques du syndrome sec 8-7
Événement déclenchant 8-4 Traitement des manifestations extraglandulaires non
Réactions inflammatoires et immunitaires 8-5 viscérales 8-8
Mécanisme des lésions 8-5 Références 8-8

L e syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) est une mala-


die auto-immune chronique des glandes exocrines, ca-
ractérisée par un infiltrat lymphocytaire et une destruction
Manifestations cliniques
Le SGS primaire est souvent révélé par une xérostomie ou
des glandes salivaires, lacrymales et plus généralement des parfois par des stomatodynies ³, un syndrome de fatigue
glandes exocrines. Dans moins de la moitié des cas, le SGS chronique, une sécheresse oculaire ou une polyarthrite non
se manifeste uniquement par un syndrome sec (xérosto- destructrice.
mie et sécheresse oculaire), souvent associé à des douleurs
articulaires et/ou musculaires et une fatigue, sans altéra- Atteinte buccale
tion de l’état général. Dans la moitié des cas, il existe une La xérostomie peut être asymptomatique ou entraîner un
atteinte systémique responsable de manifestations extra- simple inconfort, parfois une sensation de brûlure ou des
glandulaires viscérales pouvant donner, par infiltration douleurs. La sensation de bouche sèche est évocatrice d’une
lymphocytaire et/ou vascularite leucocytoclasique, une at- xérostomie si elle survient au cours de l’alimentation ou
teinte pulmonaire, cardiaque, rénale, gastro-intestinale, en- si elle est accompagnée par la prise de liquide pour aider
docrinienne, neurologique centrale ou périphérique. à avaler des aliments secs, ou s’il existe des difficultés à
La prévalence dans la population générale est de 0,1 à avaler toute nourriture. La prise fréquente de liquide dans
0,6 % ¹ avec une prépondérance féminine (ratio de neuf la journée doit faire rechercher une xérostomie. Il peut exis-
femmes pour un homme). Il existe deux pics de fréquence : ter également des picotements lors de la prise d’aliments
l’un entre 20 et 30 ans et un pic plus important après la épicés, salés ou amers. Les patients rapportent parfois une
ménopause, vers 50-55 ans ². sensation de goût métallique, ou une diminution du goût.
Il est défini deux formes de SGS : le SGS primaire survenant La xérostomie est responsable de sensation matinale de
isolément, et le SGS secondaire associé à une autre maladie lèvres collées avec rétention de cosmétique sur les dents
systémique (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux antérieures, et absence de réserve de salive à la base de
disséminé, sclérodermie, polymyosite). la langue. La salive est modifiée qualitativement : salive
Le SGS secondaire atteint 30 à 50 % des malades atteints épaisse et filamenteuse avec parfois hypersialorrhée pa-
de polyarthrite rhumatoïde, 10 à 25 % de ceux ayant un radoxale. La cavité buccale a un aspect sec, rouge, prédo-
lupus systémique. En dehors des SGS secondaires, des ma- minant souvent à la langue. Celle-ci peut être dépapillée
ladies auto-immunes sont plus fréquemment associées au (fig. 8.1). L’abaisse-langue collant à la paroi jugale est évo-
SGS, soit dans les antécédents personnels, soit dans les cateur de xérostomie. Les lèvres sont souvent sèches, par-
antécédents familiaux (en particulier les thyroïdites auto- fois fissurées ou desquamant superficiellement. L’augmen-
immunes). Près de 5 % des SGS peuvent se compliquer d’un tation de volume des glandes salivaires principales, parfois
lymphome B de bas grade de malignité. intermittente, peut révéler une xérostomie ; lorsqu’elle est
8-2 Syndrome de Gougerot-Sjögren

poussées de kérato-conjonctivite sèche n’entraînent pas


habituellement de risques de perte de vision puisque la
rétine est respectée dans le SGS ; néanmoins les lésions
cornéennes peuvent être parfois sévères.

Signes cutanés
Probablement sous-évaluée, la sensation de xérose cutanée
est une plainte fréquente (23-67 %) des patients atteints de
syndrome de Gougerot-Sjögren ⁵. Cette xérose est souvent
responsable d’un prurit (plus de 50 % des cas), exceptionnel-
lement révélateur du SGS. Elle est significativement plus
fréquente dans les SGS primaires que dans les secondaires ⁴.
Certains patients atteintes de SGS se plaignent d’une séche-
resse des cheveux. La cause de la xérose est controversée :
altération de la sudation ⁶, trouble de la sécrétion sébacée
ou altération fonctionnelle du stratum corneum proche de
ce qui est observé dans la peau sénile ⁵.
La vascularite leucocytoclasique est présente dans près du
tiers des SGS, particulièrement en cas de présence d’anti-
corps anti-SSA ². Elle se manifeste dans la majorité des cas
par un purpura palpable des membres inférieurs. Elle est
alors souvent associée à la présence de facteur rhumatoïde,
Coll. D. Bessis

d’une hypergammaglobulinémie et parfois d’une cryoglobu-


linémie. Le purpura hyperglobulinémique de Waldenström
doit faire rechercher un SGS qu’il vient habituellement
Fig. 8.1 Langue dépapillée au cours d’un syndrome de révéler. Rarement, des ulcérations ou des nodules accom-
Gougerot-Sjögren pagnent les lésions purpuriques. Les récidives de purpura
de vascularite sont fréquentes au cours du SGS. Le risque
bilatérale et non douloureuse, elle est due à un syndrome d’atteinte neurologique, périphérique ou centrale, est aug-
de Gougerot-Sjögren. menté chez le patient ayant un SGS avec une vascularite cu-
L’hyposialie est souvent responsable de complications. Les tanée. Une vascularite urticarienne est rarement observée.
plus fréquentes sont dentaires ⁴ : dents grisâtres, multiples Elle se caractérise par des plaques urticariennes érythéma-
caries dentaires, caries atypiques atteignant les incisives, teuses et œdémateuses, persistant plus de 24 heures. Ces lé-
le collet ou les cuspides. Ces caries précoces, nombreuses, sions, parfois hyperesthésiques, évoluent souvent pendant
évolutives, peuvent conduire à une édentation. Le tartre et plusieurs semaines. La biopsie des lésions purpuriques ou
la plaque dentaire sont plus abondants et se forment plus urticariennes, si elle est faite, montre une vascularite leuco-
rapidement. La gingivite tartrique peut être responsable cytoclasique des petits vaisseaux cutanés sans particularité.
d’une parodontopathie secondaire conduisant à la résorp- Le même aspect histologique est parfois trouvé chez des
tion de l’os alvéolaire et à la chute des dents. Les candidoses patients atteints de SGS, dans des lésions cutanées à type
buccales sont fréquentes et récidivantes. Il peut s’agir d’une d’ulcères digitaux, de pétéchies ou de purpura non palpable,
perlèche habituellement bilatérale, ou d’une candidose atro- de lésions érythémateuses à type de pseudo-cocardes, de
phique chronique, notamment chez les patients porteurs macules, ou de nodules.
de prothèse adjointe. Les prothèses adjointes sont souvent Le syndrome de Raynaud est rapporté, avec ces trois phases
mal supportées du fait de la xérostomie ; elles peuvent fa- typiques, dans près de 20 % des SGS. Sa fréquence de sur-
voriser des ulcérations traumatiques. venue est augmentée en cas de présence d’anticorps anti-
centromères, même en l’absence de sclérodermie.
Atteinte oculaire L’érythème annulaire du SGS est rapporté dans 6 % des
La sécheresse oculaire peut se manifester par une sensa- SGS primitifs et 3 % des SGS secondaires ⁵. Il est habituel-
tion de sable dans les yeux, parfois des douleurs et plus lement associé à la présence d’anticorps SSA et/ou SSB
rarement des conjonctivites. Dans les cas les plus sévères, (75 % des cas). On décrit trois types cliniques ⁷ : 1o un
il peut exister une impression de corps étranger, une sen- érythème annulaire avec bordure surélevée faisant discuter
sation de brûlure et exceptionnellement une photophobie. un syndrome de Sweet ⁷,⁸ ; 2o un érythème annulaire des-
Les autres signes oculaires sont souvent absents ou dis- quamant en périphérie très proche de celui observé dans
crets : sécrétion épaisse le matin, absence de larmes sous le lupus subaigu (fig. 8.2) ; 3o un érythème annulaire et
l’influence d’irritants ou d’émotions. La kérato-conjoncti- papuleux à guérison centrale. Histologiquement, il existe
vite sèche peut être révélatrice. Devant un œil rouge et un infiltrat lymphocytaire avec parfois une dermatite de
douloureux, il faut éliminer une blépharite, une kératite l’interface. Le lupus band test est négatif. Ces lésions at-
herpétique, une conjonctivite ou une uvéite antérieure. Les teignent surtout la face, les bras, le tronc et les plantes.
Manifestations cliniques 8-3

velu. Les lésions cutanées peuvent laisser des cicatrices atro-


phiques hyper- ou hypopigmentées, mais le plus souvent
elles guérissent en quelques mois sans séquelles. Un bloc
auriculo-ventriculaire peut être associé. Les autres signes
systémiques sont exceptionnels. L’existence d’un SGS avec
présence d’anticorps anti-SSA (et/ou anti-SSB) chez une
femme enceinte impose les mêmes mesures de diagnostic
précoce et de surveillance qu’un lupus à SSA. En particulier,
il est impératif de dépister la survenue d’un bloc auriculo-
ventriculaire pendant la grossesse, même si le risque de
survenue est faible (moins de 5 %).

Manifestations articulaires et musculaires


Les douleurs articulaires sont souvent symétriques, réa-
lisant habituellement des polyarthralgies inflammatoires
périphériques (mains, pieds). Une polyarthrite non érosive
pouvant ressembler à celle d’un lupus ou d’une polyarthrite
rhumatoïde est possible. Une arthrite érosive est excep-
tionnelle. Un gonflement articulaire asymétrique doit faire
rechercher une autre cause d’arthrite (infectieuse ou micro-
cristalline).
Les douleurs musculaires sont fréquentes. Elles peuvent
réaliser une myosite proximale douloureuse. Celle-ci est ha-
bituellement isolée sans augmentation des enzymes mus-
culaires, ni anomalies à l’EMG. Une diminution de la force
musculaire est parfois présente. Une polymyosite peut être
associée à un syndrome sec réalisant un SGS secondaire,
Coll. D. Bessis

parfois difficile à différencier d’un SGS primaire avec mani-


festations musculaires prédominantes. Il faut également
éliminer une myopathie médicamenteuse (notamment aux
Fig. 8.2 Érythème annulaire proche du lupus subaigu annulaire au cours stéroïdes ou aux statines).
d’un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif Une grande fatigue est un signe fréquent du SGS. Il ne
s’accompagne pas de signes généraux (notamment pas de
Elles persistent un à trois mois et guérissent sans cicatrice. fièvre ou d’amaigrissement). L’association de cette fatigue
Elles sont souvent récidivantes. avec des douleurs musculaires sans signe objectif et une po-
D’autres manifestations cutanées ont été rapportés : éry- lyarthralgie fait discuter une fibromyalgie ou un syndrome
thème des paupières ⁵, vitiligo ⁹, anétodermie, alopécie, lym- de fatigue chronique. Il a été rapporté une association as-
phome cutané ¹⁰. Des cas d’amylose cutanée nodulaire loca- sez fréquente entre la fibromyalgie et le SGS ². La biopsie
lisée primitifs ont été récemment rapportés avec présence musculaire n’est pas toujours contributive car dans le SGS
de substance amyloïde et d’immunoglobulines de chaînes elle montre habituellement une myosite non spécifique.
légères ¹¹. D’authentiques syndromes de Sweet ont été ra-
rement rapportés. Des éruptions médicamenteuses et des Manifestations viscérales
lésions d’origine virale (notamment dues au virus herpès) Manifestations respiratoires Une toux sèche persis-
ainsi que des pseudo-lymphomes sont décrits ². tante est assez fréquente. Elle est souvent liée à une trachéo-
La sécheresse vulvaire et vaginale est fréquemment obser- bronchite sèche. Exceptionnellement, elle est due à un re-
vée chez les femmes, mais elle doit être recherchée systéma- flux gastro-trachéal. La pneumopathie interstitielle lym-
tiquement à l’interrogatoire et à l’examen. Elle est fréquem- phocytaire est la manifestation respiratoire la plus fré-
ment responsable de démangeaisons et de brûlures et une quente. Elle peut évoluer vers une fibrose pulmonaire.
dyspareunie orificielle et profonde est souvent associée. Manifestations cardiaques La péricardite se voit dans
Le lupus érythémateux néonatal est lié à la présence d’an- le SGS. L’hypertension pulmonaire est rare.
ticorps anti-SSA. Il est habituellement rapporté chez les Manifestations rénales et urologiques La plus fré-
femmes ayant un lupus à SSA, mais sa survenue est pos- quente est la néphropathie interstitielle avec acidose tu-
sible en cas de SGS sans lupus mais avec présence d’anti- bulaire distale et parfois hypokaliémie. Une gloméruloné-
corps anti-SSA. Les lésions cutanées sont celles du lupus phrite est rare. Leur rique évolutif est l’insuffisance rénale.
érythémateux néonatal : lésions érythémato-squameuses Une insuffisance rénale aiguë peut être observée lors de
annulaires, de taille variable, parfois confluentes, évoluant la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Des dou-
vers l’atrophie. Elles prédominent dans la partie supérieure leurs vésicales, favorisées par la prise importante de liquide,
du tronc et au visage avec parfois une atteinte du cuir che- peuvent révéler une cystite intersititielle.
8-4 Syndrome de Gougerot-Sjögren

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Coll. D. Bessis
Fig. 8.3 Pathogénie du syndrome de Gougerot-Sjögren

Manifestations digestives Une dysphagie est observée vent associée au SGS et secondaire à une thyroïdite auto-
fréquemment, due en partie à la xérostomie, mais égale- immune évoluant parfois (10 %) vers une hypothyroïdie.
ment à une dyskinésie œsophagienne. Une gastrite atro-
phique modérée de l’estomac est rare. En cas de gastrite, Physiopathologie
il faut rechercher une infection à Helicobacter pylori qui
pourrait favoriser chez les patients atteints de SGS un lym- La physiopathologie du syndrome de Gougerot-Sjögren
phome MALT. Les complications digestives graves, essen- n’est pas encore totalement élucidée. Elle est multifacto-
tiellement une pancréatite, sont rares. Une cirrhose biliaire rielle. Des facteurs d’environnement déclencheraient une
primitive et une maladie cœliaque ont été décrites en asso- réaction inflammatoire chez des individus ayant une pré-
ciation avec un SGS. disposition génétique à cette maladie (fig. 8.3).
Manifestations neurologiques Elles sont présentes dans
20 % des SGS. Les atteintes du système nerveux central Événement déclenchant
sont dues à une vascularite ou à un processus de démyé- Des lésions des glandes exocrines provoquées par un fac-
linisation (parfois de type pseudo-sclérose en plaques). teur extérieur pourraient conduire à la nécrose ou à l’apop-
Elles peuvent être responsables de troubles moteurs ou de tose des glandes avec ensuite expression à la surface de
troubles de la parole de façon exceptionnelle. Une atrophie la protéine SS-A. Les lésions salivaires seraient à l’origine
optique d’origine ischémique a été rapportée. Une névral- d’une sécrétion de molécules d’adhésion et de chimiokines
gie du trijumeau est fréquente dans le SGS. Les atteintes favorisant le homing des lymphocytes et des cellules den-
périphériques sont plus fréquentes, prédominant sur la dritiques dans la glande ².
sensibilité superficielle, sont en général asymétriques et Une cause virale est suspectée du fait de la fréquence du por-
pourraient être dues à une vascularite des petits vaisseaux. tage viral dans la cavité buccale et surtout de l’existence de
Manifestations psychiatriques Les symptômes dépres- syndrome sec associé à des virus (HCV, HTLV1, HIV, EBV).
sifs et anxieux sont fréquents chez les patients atteints Un virus à tropisme salivaire pourrait être responsable de lé-
de SGS. Ils peuvent être favorisés par le stress induit par sions permettant l’expression d’une maladie auto-immune
cette maladie, mais sont habituellement dus au SGS lui- chez des sujets prédisposés, ou entraînant des phénomènes
même. Les tests psychométriques mettent en évidence inflammatoires mais sans auto-anticorps. Pour certains au-
une atteinte du lobe frontal et des centres de la mé- teurs, le SGS est un syndrome qui inclut ces formes parti-
moire (objectivés par PETscan). Ils sont responsables de culières associées aux virus. Pour d’autres, il s’agit de syn-
troubles des fonctions cognitives avec des troubles de la drome sec non auto-immun, proche mais différent du SGS.
mémoire, des troubles de l’attention et de la concentra- Les porteurs chroniques d’hépatite C ont un infiltrat lym-
tion. phoïde salivaire identique à celui du SGS dans plus de 50 %
Manifestations endocriniennes L’hypothyroïdie est sou- des cas. De plus, un authentique SGS selon les critères de
Diagnostic 8-5

Vitali ¹² est fréquent ¹³. Cette forme de SGS liée à l’HCV est est impérative pour faire le diagnostic. De plus, il a été dé-
plus fréquemment associée à une cryoglobulinémie (50 %) cidé d’exclure les infections virales par hépatite C ou HIV
et à une hypocomplémentémie (51 %) avec des manifesta- dont les maladies salivaires sont très voisines du SGS. En
tions extra-glandulaires ¹³. En revanche, la présence d’anti- pratique, certains auteurs utilisent un arbre décisionnel
corps anti-SSA ou SSB est rare (23 %). (fig. 8.5).
De même, une maladie proche du SGS a été rapportée chez En France, l’atteinte salivaire objective est rarement recher-
les patients VIH +, en particulier des enfants. Cliniquement, chée par l’intermédiaire des trois tests proposés. En pra-
il existe souvent une hypertrophie parotidienne massive tique, on peut remplacer le test de flux salivaire non sti-
associée au syndrome sec. Dans la glande salivaire, l’infil- mulé par un test au sucre. Celui-ci consiste à laisser fondre
trat est constitué de lymphocytes CD8 et non pas CD4. Le sous la langue un sucre n o 4. Ce dernier fond normalement
traitement associe antirétroviraux et corticothérapie. His- en moins de trois minutes ; on utilise une variante de ce
tologiquement, l’aspect de SGS sur la biopsie d’une glande test en utilisant la moitié d’un sucre. Le temps de fonte
salivaire est observé dans 48 % des cas chez des patients doit être inférieur à trois minutes, ou inférieur au double
camerounais HIV + non traités par antirétroviraux et sim- du temps du témoin. Le test au sucre est un bon test de
plement 6 % des patients américains traités par antirétro- dépistage, validé et suffisant en routine. La scintigraphie
viraux ¹⁴. salivaire est peu fiable. Elle est souvent anormale et peu spé-
Avec le virus HTLV1, des lésions de SGS sont aussi ob- cifique. Récemment a été proposée l’utilisation d’un critère
servées dans les glandes salivaires. Au Japon, la sérologie quantitatif, objectif, et reproductible : une valeur d’index
HTLV1 est 5 fois plus fréquemment positive chez les pa- présécrétoire inférieur à 40 % permet le diagnostic de SGS
tients atteints de SGS que dans la population générale. avec une probabilité de 79 % ¹⁵.
En dehors des examens nécessaires pour établir la classifi-
Réactions inflammatoires et immunitaires cation d’un SGS ¹², il faut demander un bilan biologique in-
Chez des patients prédisposés génétiquement, l’apparition cluant la recherche d’une hypergammaglobulinémie, d’une
de lésions glandulaires serait à l’origine d’une production immunoglobuline monoclonale (10-15 %), d’une cryoglobu-
anormalement persistante d’anticorps anti-SSA, avec pro- linémie mixte (5-15 %), d’une hypocomplémentémie (C3,
duction d’immuns complexes contenant des SSA. De plus, C4, CH50), d’un facteur rhumatoïde (50-80 %) et d’anti-
la production d’interféron par les cellules dendritiques corps antinoyaux (50-80 %). Les critères d’exclusion ¹² im-
pourrait perpétuer le phénomène de « homing » lympho-
cytaire et d’activation de métalloprotéases, ainsi qu’un ex-
cès d’apoptose de cellules épithéliales salivaires avec déficit
d’apoptose des lymphocytes autoréactifs.
Il existe des SGS familiaux et la survenue de maladies auto-
immunes dans la famille est plus fréquente en cas de SGS.
Cela est lié à la présence d’un groupe HLA-DR3 ².

Mécanisme des lésions


Les lésions des glandes exocrines sont liées à l’infiltration
lymphocytaire. Celles-ci entraînent une destruction par-
tielle mais non totale des acini avec présence de sclérose
(fig. 8.4). Toutefois cette destruction est partielle n’explique
pas l’intensité des du syndrome sec. Il existerait de plus une
anomalie de la jonction neuro-exocrine avec inhibition de
la sécrétion des acini par des cytokines, des auto-anticorps
ou des métalloprotéases.
Les manifestations extraglandulaires sont dues à une infil-
tration lymphocytaire ou à la présence d’une vascularite
par dépôt d’immuns complexes circulants.

Diagnostic
Coll. Dr L. Durand, Montpellier

Les experts européens et américains ont établi par consen-


sus des critères de classification ¹² pour le syndrome de
Gougerot-Sjögren (encadré 8.A). Ces critères permettent d’éta-
blir le diagnostic de SGS avec une spécificité de 95 % et une
sensibilité de 84 à 90 % ¹². Dans ce consensus, il faut noter
que la présence d’un auto-anticorps de type SSA ou SSB (et Fig. 8.4 Lésions histologiques au cours du syndrome de
non pas simplement d’anticorps antinoyaux) ou l’existence Gougerot-Sjögren : destruction partielle des acini remplacés par du tissu
d’un focus à la biopsie d’une glande salivaire accessoire adipeux et infiltrat inflammatoire lymphocytaire glandulaire
8-6 Syndrome de Gougerot-Sjögren

Critères consensuels européens et américains du SGS 12 posent de rechercher par sérologie une hépatite C et une
1. Symptômes oculaires infection par le VIH.
Au moins 1 des 3 critères ci-dessous : Les examens biologiques usuels sont parfois perturbés :
 avez-vous tous les jours une sensation persistante et gênante lymphopénie (20-30 %) et parfois thrombopénie ou neutro-
pénie, créatininémie et protéinurie. Il n’existe pas habituel-
d’yeux secs depuis plus de 3 mois ?
lement de syndrome inflammatoire (CRP normale) ; en cas
 avez-vous une sensation fréquente de «sable dans les yeux» ? de VS accélérée, il faut rechercher une hypergammaglobuli-
 utilisez-vous des larmes artificielles plus de 3 fois par jour ? némie à l’électrophorèse des protides.
2. Symptômes buccaux À l’avenir, la recherche de nouveaux auto-anticorps pour-
Au moins 1 des 3 critères ci-dessous : rait aider au diagnostic (anticorps anti-αfodrine, anticorps
 avez-vous une sensation quotidienne de bouche sèche de- antirécepteurs muscariniques M3, anticorps anti-ICA 69).
puis plus de 3 mois ?
 avez-vous eu, à l’âge adulte, des épisodes récidivants ou per- Pronostic et évolution
manents de gonflement parotidien ? Mortalité
 prenez-vous fréquemment des liquides pour avaler les ali- La présentation initiale du SGS détermine l’évolution. Ainsi,
ments secs ? l’apparition d’atteinte systémique n’est pas liée à l’ancien-
3. Signes objectifs d’atteinte oculaire neté de la maladie et l’existence d’un syndrome sec isolé
Au moins 1 des 2 tests ci-dessous positif : sans aucune manifestation extraglandulaire est de bon pro-
nostic. Il existe une surmortalité chez les patients atteints
 test de Schirmer < 5 mm à 5 minutes
de SGS, entièrement due à la survenue d’un lymphome ¹⁶,¹⁷.
 score de Van Bijsterveld > 4 (après examen au vert de Lissa- Cette surmortalité ne s’observe que chez les patients ayant,
mine) au moment du diagnostic de SGS, un purpura, une dimi-
4. Signes objectifs d’atteinte salivaire nution du C4 ou une cryoglobulinémie ¹⁷. Le meilleur mar-
Au moins 1 des 3 tests ci-dessous positif : queur de risque de mortalité dans le SGS est l’hypocom-
 scintigraphie salivaire anormale plémentémie (en particulier la diminution de C4). La di-
 sialographie parotidienne (présence d’ectasies diffuses sans minution du C4 est associée de façon significative à une
augmentation du risque de neuropathie périphérique, de
obstruction)
vascularite cutanée, de cryoglobulinémie, de présence d’un
 flux salivaire sans stimulation < 1,5 ml/15 minutes (0,1 ml/min) facteur rhumatoïde et de lymphome ¹⁷.
5. Signes histologiques
Sialadénite avec au moins 1 focus sur la biopsie de glandes sali- Lymphome
vaires accessoires (focus = agglomérat d’au moins 50 cellules mo- Le risque de survenue de lymphome est 44 fois celui de la
nonucléées par 4 mm 2 de tissu glandulaire). population générale. Ce risque est de l’ordre de 5 % dans
6. Autoanticorps. le SGS ¹⁸. Bien que la prolifération lymphocytaire observée
dans le SGS soit celle des lymphocytes T, les lymphomes
Présence d’Anticorps anti-SS-A (Ro) ou anti-SS-B (La)
sont tous de type B. Ces lymphomes se développent en de-
hors des ganglions, au sein des glandes salivaires ou plus ra-
Critères d’exclusion : rement des autres muqueuses (lymphome de type MALT) ¹⁹
 Antécédents d’irradiation cervicale ou dans les ganglions (lymphome de bas grade de malignité,
 Infection par le VHC ou le VIH notamment lymphome de la zone marginale). On consi-
 Lymphome préexistant dère que la survenue d’un lymphome fait partie d’un pro-
cessus très progressif conduisant d’une prolifération lym-
 Sarcoïdose
phocytaire polyclonale à une lymphoprolifération monoclo-
 Réaction du greffon contre l’hôte nale B, puis à un lymphome de type MALT pouvant évoluer
 Utilisation de médicaments anticholinergiques (après une période ensuite vers un lymphome de haut grade de malignité.
dépassant de 4 fois la demi-vie) En cours d’évolution, l’apparition de parotidomégalie, de
splénomégalie, d’adénopathies périphériques, mais aussi
Le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren primitif est d’un infiltrat pulmonaire ou d’une vascularite doit faire
porté devant : rechercher un lymphome. Biologiquement une hypergam-
maglobulinémie, une diminution du C4, l’apparition d’une
◦ la présence de 4 sur 6 items avec présence obligatoire de l’item 5
cryoglobulinémie et l’augmentation rapide du taux de β-2-
(histologie) ou de l’item 6 (sérologie) microglobuline est en faveur de ce diagnostic. Le problème
◦ ou la présence de 3 des 4 items objectifs (items 3 à 6). clinique le plus fréquent est celui d’une parotidomégalie
plus souvent due au SGS qu’à un lymphome salivaire. L’écho-
Le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire est graphie des parotides et surtout l’IRM sont d’une grande
porté devant la présence de l’item 1 ou 2 associé à 2 des items 3, 4, 5, utilité en visualisant au sein du tissu parotidien un ou plu-
sieurs nodules qu’il faut alors biopsier.
associé à une maladie systémique (polyarthrite rhumatoïde, lupus...)
8.A
 VHC virus de l’hépatite C
Traitement 8-7

ŽJMTFDNPJT TFOTBUJPOGSÏRVFOUF #PVDIFTÒDIFNPJT HPOnFNFOUQBSPUJEJFO


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Coll. Pr L. Vaillant, Tours


OPO PVJ

1BTEF4(4 4(4

Fig. 8.5 Arbre décisionnel diagnostique du syndrome de Gougerot-Sjögren

Traitement prouvé leur efficacité dans les études randomisées du syn-


drome sec sont : le chlorhydrate de pilocarpine et la cé-
Traitement de fond mivéline ²⁰. Seul le premier peut être utilisé en France,
Aucun traitement de fond n’a fait la preuve de son effica- dans sa forme commercialisée (Salagen) ou en préparation
cité ²⁰. magistrale. La posologie de 20 mg/j permet une amélio-
Le Plaquenil à la posologie de 6 mg/kg/jour est largement ration de 50 % des SGS ²¹. En pratique courante, l’effica-
utilisé. Dans une étude ouverte ², il a montré une efficacité cité au long cours n’est guère probante ¹⁵. Les effets secon-
dans les SGS avec hypergammaglobulinémie polyclonale daires sont fréquents (40 %) conduisant souvent à l’arrêt
sur les arthralgies, les lésions cutanées, les adénopathies du traitement (29 % à 1 an) ¹⁵. Ces effets secondaires sont
et l’hypergammaglobulinémie. Il est également utilisé en peu graves : hypersudation et hypersécrétions (15-25 %),
cas d’arthrite ou d’arthralgies invalidantes. nausées (12-15 %), frissons, bouffées de chaleur (8-15 %),
Le méthotrexate (15 mg/semaine) peut être proposé en cas pollakiurie (12 %), céphalées (30 %). Le mauvais rapport
de polyarthrite et/ou après échec du Plaquenil. Les immu- bénéfice-risque est probablement à l’origine des fréquents
nosuppresseurs sont utilisés en cas de complications viscé- arrêts spontanés observés en pratique.
rales (cyclophosphamide, aziatioprine, mycophénolate de La parotidomégalie, lorsqu’elle évolue par poussées, peut
mofétil). être traitée par des cures courtes de corticothérapie 0,25
Il existe d’autres perspectives thérapeutiques ²⁰ : traite- à 0,5 mg/kg/jour pendant 15 jours. Lorsqu’elle est prolon-
ment par les anti-TNF comme l’infliximab, traitement par gée ou résiste au traitement, un traitement par Imurel ou
des anticorps antilymphocytes B (rituximab), mais les ré- Chloraminophène, peut être utilisé après avoir éliminé un
sultats sont actuellement contradictoires. lymphome.
Traitements substitutifs Ils sont utilisés sans restric-
Traitements symptomatiques du syndrome sec tion en fonction de la gêne pour leur efficacité sur les symp-
Traitements étiologiques Les seuls médicaments ayant tômes. On utilise des salives artificielles en spray conte-

 TNF tumor necrosis factor


8-8 Syndrome de Gougerot-Sjögren

nant mucines ou carboxymethyl cellulose (Artisial sous la tolérance (responsables de dysphagie par diminution du
forme d’une double pulvérisation avant et après chaque flux salivaire et de la mobilité œsophagienne, et augmenta-
repas ainsi que le matin au lever et le soir au coucher) ou en tion du reflux gastro-œsophagien). La corticothérapie est
gel (BioXtra gel trois fois par jour). Ces substituts ont une efficace avec souvent un effet rebond ; il faut privilégier les
action brève. Le chewing-gum (sans sucre !) a montré dans petites doses (10 à 15 mg/j), en cures courtes. D’autres an-
une étude randomisée ²² qu’il augmentait la sécrétion sali- talgiques peuvent être utilisés comme les benzodiazépines
vaire à condition d’être mâché pendant au moins trente mi- (Rivotril), ou l’amitryptiline (Laroxyl) à petites doses (15 à
nutes matin et soir ; de plus il prévient la carie ⁴. Des larmes 20 mg/j) pour éviter d’aggraver le syndrome sec.
artificielles sans conservateur (Refresh, Celluvisc), ou des La xérose est traitée par application biquotidienne de
gels à base de carbomère sans conservateur (Lacrivisk, gel crème hydradante (Ictyane, Cold cream...) contenant éven-
larmes), pour avoir une action un peu plus prolongée, sont tuellement de l’urée (Xerial...). L’érythème annulaire du
prescrits en unidose. SGS est parfois traité efficacement par les antipaludéens
L’occlusion des canaux lacrymaux par des bouchons silico- de synthèse.
nés peut être efficace en évitant la résorption film lacrymal. La sécheresse vulvaire et vaginale doit être traitée (Colpo-
Des études sont actuellement en cours pour tester l’effet trophine, Replens).
de la ciclosporine en collyre. Traitement des manifestations viscérales La pneumo-
Traitements associés Il est indispensable d’éviter tous nie interstitielle lymphoïde est traitée par corticoïdes (0,5 à
les médicaments responsables de sécheresse (anticholiner- 1 mg/kg/j) parfois associés à un immunosuppresseur (Imu-
giques, antidépresseurs tricycliques, neuroleptiques, bêta- rel).
bloqueurs...). Les soins dentaires et la prévention des caries Les neuropathies périphériques multiples ont le même trai-
sont essentiels. Il faut renforcer l’hygiène gingivo-dentaire, tement ; dans ces cas, l’immunosuppresseur est souvent
augmenter la fréquence des détartrages et proposer des le cyclophosphamide (Endoxan) mais son utilisation doit
dentifrices fluorés. être prudente et plutôt par bolus compte tenu du risque
Pour le traitement des candidoses buccales, les traitements de lymphome dans le SGS. Le traitement d’une mononé-
antifongiques topiques (Daktarin gel buccal) sont plus effi- vrite est symptomatique (Laroxyl, Rivotril). La névralgie
caces et mieux tolérés que les traitements par voie générale du trijumeau isolée est traitée par antalgiques (Rivotril)
(Triflucan) qui nécessitent souvent une sécrétion salivaire éventuellement associés à une corticothérapie faible (0,25 à
pour agir. Il n’est pas utile de faire un traitement d’entre- 0,5 mg/kg/j. Les vascularites du système nerveux central
tien préventif des candidoses buccales récidivantes au long relèvent de l’association corticoïde (1 mg/kg/j) et Endoxan
cours. en bolus (ou Imurel).
La néphropathie interstitielle lymphoïde est traitée par
Traitement des manifestations extraglandulaires non viscérales corticoïde à 1 mg/kg/jour éventuellement associée à un
Les douleurs musculaires et articulaires doivent être trai- immunosuppresseur.
tées par des antalgiques simples sans effet asséchant (para- Lorsque la corticothérapie a été utilisée à fortes doses, cer-
cétamol, dextropropoxyfène). Les anti-inflammatoires non tains utilisent le méthotrexate pour favoriser la décrois-
stéroïdiens sont parfois efficaces mais ont une mauvaise sance des corticoïdes sans rechute.

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Mortality and causes of death in primary Sjö- ments for primary Sjögren’s syndrome. Joint

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Vaillant L, Le Dû S. Syndrome de Gougerot-Sjögren. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations
dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 8.1-8.9.
9
Maladie de Kawasaki
Pascal Sève, Christiane Broussolle

Épidémiologie 9-1 Manifestations digestives 9-5


Pathogénie et étiologie 9-2 Manifestations douloureuses des membres 9-6
Diagnostic positif 9-3 Manifestations neurologiques 9-6
Fièvre 9-3 Manifestations rares 9-6
Conjonctivite 9-3 Signes biologiques 9-6
Modifications bucco-pharyngées 9-3 Maladie de Kawasaki incomplète 9-6
Exanthème 9-3 Maladie de Kawasaki de l’adulte 9-6
Atteinte des extrémités 9-4 Traitement 9-8
Adénopathies cervicales 9-4 Aspirine 9-8
Diagnostic différentiel 9-4 Immunoglobulines 9-8
Manifestations cardiovasculaires 9-4 Références 9-9
Autres manifestations cliniques 9-5

a maladie de Kawasaki (MK) ou syndrome adéno- enfants ¹. Elle est moindre dans d’autres pays : aux États-
L cutanéo-muqueux est une vascularite des artères de pe-
tit et moyen calibre qui affecte préférentiellement l’enfant
Unis, elle est estimée entre 5,3 et 8,5 pour 100 000 enfants
avant l’âge de 4 ans, soit 530 nouveaux cas ⁷ ; en Europe,
d’âge préscolaire ¹. La ou les causes de la maladie restent in- elle varie selon les pays entre 3,1 et 7,2 cas pour 100 000
connues ; les données les plus récentes sont en faveur d’une enfants âgés de moins de 5 ans. Les études réalisées aux
hypothèse infectieuse sur un terrain prédisposé. La gravité États-Unis montrent une incidence plus importante chez
de cette vascularite est liée à la possibilité d’atteintes coro- les enfants de parents asiatiques ou originaires des îles du
naires. En l’absence de marqueur biologique spécifique, le Pacifique. Le pic de la maladie se situe entre 6 et 18 mois au
diagnostic de MK est clinique ². Le diagnostic de MK incom- Japon et entre 12 et 24 mois aux États-Unis où la maladie
plète est retenu chez les patients qui présentent moins de survient dans 88,5 % des cas avant l’âge de 5 ans. Il existe
4 signes cliniques et des anomalies coronaires. Le manque une prédominance masculine avec un sex-ratio de 1,4/1 ¹.
de sensibilité des critères cliniques a conduit à l’élabora- Des études récentes démontrent la survenue de MK chez
tion récente d’un algorithme incluant des données biolo- des enfants plus âgés avec un taux plus élevé de complica-
giques et échographiques, afin de diagnostiquer plus préco- tions cardiovasculaires dues au retard diagnostique ³. La
cement la maladie et de mettre en place le traitement spéci- proportion des cas de MK ayant un antécédent familial est
fique ³. La MK peut exceptionnellement atteindre l’adulte de 1 %. Au Japon, la proportion de MK chez les apparentés
jeune ⁴. Cette forme, probablement sous-évaluée, pose des est de 2,1 % au cours de l’année qui suit le premier cas dans
problèmes de diagnostic avec le syndrome d’hypersensibi- la famille, ce qui est dix fois supérieur à celle de la popula-
lité médicamenteuse et le choc toxinique staphylococcique tion non affectée. Cinquante pour cent des cas secondaires
ou streptococcique. L’administration précoce d’immuno- se développent moins de 10 jours après le cas initial. Le
globulines polyvalentes par voie intraveineuse diminue la risque de survenue d’une MK est de 13 % chez le jumeau
fréquence des atteintes coronaires ⁵. apparenté. Aux États-Unis, la maladie est plus fréquente en
hiver et au début du printemps ³. Le taux de mortalité stan-
Épidémiologie dardisé (le nombre de décès observés divisé par le nombre
de décès attendus) est de 1,25 pour l’ensemble de la popu-
La MK a été décrite par Tomisaku Kawasaki en 1967 à par- lation japonaise. Le taux de mortalité est de 0,17 % pour
tir d’une série de 50 enfants ⁶. Depuis, l’affection a été re- les patients hospitalisés aux États-Unis. Presque tous les
connue dans tous les continents. Son incidence est maxi- décès sont dus aux conséquences cardiovasculaires et sur-
male au Japon, où elle est estimée à 67 cas pour 100 000 viennent pour la plupart entre le 15 e et le 45 e jour après le
9-2 Maladie de Kawasaki

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis Fig. 9.2 Érythème plantaire au cours d’une
maladie de Kawasaki de l’adulte

(TSS toxin 1), ou le choc streptococcique lié aux toxines


Fig. 9.1 Conjonctivite, glossite et chéilite au cours d’une maladie de érythrogènes A ou B du streptocoque hémolytique. Ces dif-
Kawasaki férentes toxines agissent comme des superantigènes, mo-
lécules capables d’activer toutes les cellules T porteuses
début de la maladie. Cependant, des décès dus à un infarc- d’une famille de récepteurs dont la spécificité se situe au ni-
tus du myocarde peuvent survenir plusieurs années après veau de la partie variable (V) de la chaîne β du T cell receptor
la maladie initiale chez des enfants qui ont développé des (TCR) ¹,⁹ (encadré 9.A). L’hypothèse d’une maladie provoquée
anévrismes ou des sténoses coronaires. par les toxines superantigéniques a été suggérée par la mise
en évidence d’une expansion polyclonale des cellules T por-
Pathogénie et étiologie teuses du récepteur Vβ2 et Vβ8 en phase aiguë, dans le sang
des patients. Une étude prospective récente n’a cependant
La physiopathologie de la MK demeure inconnue. La lé- pas montré de différence pour le portage des germes pro-
sion vasculaire apparaît comme la résultante d’une interac- duisant ce type de toxines chez les enfants atteints de MK
tion complexe de l’endothélium vasculaire et de plusieurs et les témoins fébriles ¹⁰. Des études récentes sont en fa-
effecteurs présents dans la lumière vasculaire : polynu- veur d’une hypothèse alternative faisant intervenir une
cléaires neutrophiles, lymphocytes T et B, cytokines pro- réponse immunitaire oligoclonale à un antigène conven-
inflammatoires (interleukines IL1 et IL6 ; tumor necrosis tionnel où les plasmocytes sécréteurs d’IgA joueraient un
factor α [TNF-α]) ou régulatrices (interféron γ), facteurs de rôle central ³.
coagulation ¹,⁸. Les signes cliniques comportant une fièvre
éruptive, une conjonctivite et des adénopathies sont évo-
cateurs d’une maladie infectieuse. Les données épidémio-
logiques suggèrent la responsabilité d’un agent infectieux
peu transmissible ou largement répandu contre lequel les
adultes et les grands enfants sont immunisés, ou encore
d’un agent responsable d’une maladie dont l’expression
n’est complète que chez une minorité d’individus. L’échec
des recherches bactériologiques et virologiques convention-
nelles a conduit à suspecter des agents pathogènes origi-
naux : certaines bactéries (souche mutante de Propioniobac-
terium acnes, rickettsies ou micro-organismes apparentés) ;
Coll. D. Bessis

des virus (virus d’Epstein-Barr, parvovirus B19) et des ré-


trovirus ¹,⁸,⁹. Aucune responsabilité directe n’a encore été
prouvée pour ces agents. Il existe des analogies entre la MK
et d’autres maladies toxiniques comme le choc toxique sta- Fig. 9.3 Érythème du pli interfessier associé à une fine desquamation
phylococcique (TSS pour toxic shock syndrome) lié à TSST1 périphérique : un signe évocateur de maladie de Kawasaki

 IL interleukine · TNF tumor necrosis factor


Diagnostic positif 9-3

Superantigènes
A. — Un antigène conventionnel est clivé en petits peptides et
présenté à la surface des cellules présentatrices de l’antigène au
sein d’une poche peptidique contenue dans la molécule du
complexe majeur d’histocompatibilité de type II (CMH). Il
stimule un clone de lymphocytes T spécifiques, soit une toute
petite proportion de lymphocytes T (moins de 0,1 %), par
l’intermédiaire du récepteur T.

B. — Les superantigènes ne subissent pas de processus de


dégradation intracellulaire. Ils se lient de manière non spécifique
d’une part à la partie externe exposée de la molécule CMH et,
d’autre part, à la partie externe de la chaîne β de certains
récepteurs T. Ils sont capables d’activer une proportion

Coll. D. Bessis
importante de lymphocytes T (10 à 20 %).

9.A

Diagnostic positif le début de la fièvre. Il s’agit d’une hyperhémie de la


conjonctive bulbaire sans photophobie ni suppuration.
En l’absence de test diagnostique spécifique ou de mani- Elle peut persister deux semaines et disparaît dans les
festation clinique pathognomonique, le diagnostic de MK jours suivant le traitement par immunoglobulines intra-
est fondé sur des critères cliniques et l’exclusion des diag- veineuses.
nostics différentiels (encadré 9.B ²). En dehors de ces signes
cliniques cardinaux, la MK peut se compliquer de manifes- Modifications bucco-pharyngées
tations cardiovasculaires qui font le pronostic de la maladie L’atteinte muqueuse est très caractéristique (90 % des cas)
et d’atteintes d’autres organes qui traduisent la diffusion et précoce. La chronologie est en règle la suivante : la pha-
de la vascularite. ryngite apparaît au troisième jour, marquée par une rou-
geur de la muqueuse oropharyngée sans ulcération aph-
Critères diagnostiques de MK toïde, ni bulle hémorragique (90 % des cas) ; la chéilite ca-
ractérisée par des lèvres rouges, sèches, fissurées et craque-
Fièvre de 5 jours ou plus sans autre explication et présence d’au moins
lées survient en moyenne au cinquième jour (90 % des cas)
4 des 5 symptômes suivants : (fig. 9.1) ; la langue framboisée (77 % des cas) apparaît vers le
1. Exanthème polymorphe. sixième jour (fig. 9.1), précédée dans de rares cas d’un enduit
2. Modifications des extrémités : érythème et/ou œdème des paumes blanchâtre.
et des plantes, desquamation à point de départ péri-unguéal.
Exanthème
3. Rougeur conjonctivale bilatérale.
De nombreuses études ont montré le caractère polymorphe
4. Signes muqueux : lèvres fissurées, langue framboisée, pharyngite.
de cette atteinte. Il apparaît en règle vers le troisième et
5. Adénopathies cervicales non suppurées (supérieures à 1,5 cm de le cinquième jour de la maladie. Il se présente comme
diamètre). des macules érythémateuses de 5 à 30 mm de diamètre.
9.B Il débute par un érythème des paumes et des plantes
(fig. 9.2) et gagne le tronc les deux jours suivants. Les
Le tableau clinique initialement décrit par Kawasaki re- lésions augmentent rapidement de taille et deviennent
groupe 6 signes cardinaux. coalescentes. L’exanthème le plus fréquent est urticarien,
non prurigineux, réalisant parfois des lésions en cocardes.
Fièvre L’éruption peut être également morbilliforme ou plus ra-
Elle est habituellement inaugurale (95 % des cas). Il s’agit rement scarlatiniforme. Des vésicules, des pustules ou
d’une fièvre élevée (39 à 40 ◦ C), persistante (supérieure un purpura ont parfois été décrits. On doit noter plu-
à 5 jours) et résistante aux antibiotiques et aux antipyré- sieurs observations faisant état de la fréquence des lé-
tiques. La fièvre est d’apparition brutale, rémittente avec sions psoriasiformes ou de psoriasis éruptif à la phase
plusieurs pics par jour. Elle persiste en moyenne 10 jours, aiguë ou de convalescence de l’affection. L’exanthème
mais peut se prolonger jusqu’à 40 jours. Elle s’accompagne périnéal qui apparaît 3 à 4 jours après le début de la
d’une irritabilité et d’une asthénie. maladie est évocateur du diagnostic. C’est une éruption
bien limitée, maculeuse et papuleuse, confluante, par-
Conjonctivite fois douloureuse, atteignant toute ou partie de la ré-
L’hyperhémie conjonctivale bilatérale (fig. 9.1) apparaît gion périnéale et rapidement suivie d’une desquamation
en général au cours de la première semaine qui suit (fig. 9.3).
9-4 Maladie de Kawasaki

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
a Stade initial : macules érythémateuses centrées par des b Huit jours plus tard : desquamation scalartiniforme
vésicules et des pustules (aspect d’érythème polymorphe)
Fig. 9.4 Atteinte palmaire au cours d’une maladie de Kawasaki de l’adulte

Atteinte des extrémités un érythème périnéal desquamant rapidement et l’atteinte


Les modifications des extrémités apparaissent en général des extrémités sont des éléments en faveur du diagnostic
aux environs du cinquième jour et se présentent à la phase de MK.
initiale comme un érythème palmo-plantaire (88 % des Parmi les infections bactériennes (tableau 9.1), la scarlatine
cas) ou une éruption des faces dorsales des extrémités (éry- est le principal diagnostic différentiel. Tout tableau de scar-
thème, urticaire). Un œdème induré des mains et des pieds latine avant l’âge de 5 ans, s’accompagnant d’une conjonc-
apparaît en moyenne le septième jour (75 % des patients). tivite ou d’une fièvre ne cédant pas après 48 heures de
La desquamation des doigts et des orteils, débutant au ni- traitement antibiotique adapté, doit faire évoquer le diag-
veau de la région périunguéale, survient généralement vers nostic de MK. La présence du streptocoque β-hémolytique
la fin de la troisième semaine et doit être considérée comme du groupe A au prélèvement de gorge, le streptozyme-test
un signe tardif (fig. 9.4a et fig. 9.4b). peuvent orienter le diagnostic. La leptospirose, l’infection
à Mycoplasma pneumoniae et la yersiniose représentent
Adénopathies cervicales d’autres diagnostics différentiels qui peuvent être aidés
Il s’agit d’adénopathies non suppurées, souvent unilaté- par le diagnostic sérologique.
rales, d’un diamètre supérieur à 1,5 cm, voire très volu- L’érythème polymorphe et certaines toxidermies repré-
mineuses. Ces adénopathies sont contemporaines de l’at- sentent d’autres diagnostics différentiels. L’érythème poly-
teinte muqueuse et présentes dans 75 % des cas. morphe atteint la muqueuse orale (érosions polycycliques
fibrinoleucocytaires) et se manifeste par des lésions cuta-
Diagnostic différentiel nées en cocarde plus ou moins typiques. Parmi les toxider-
mies, celle induite par la carbamazépine peut mimer en
L’absence de spécificité des signes cliniques et de marqueur tout point une MK et poser de difficiles choix thérapeu-
paraclinique de la maladie nécessite l’élimination de nom- tiques.
breuses affections. Les recommandations de l’American La maladie de Still et l’intoxication mercurielle peuvent
Heart Association et de l’American Academy of Pediatrics également poser des problèmes diagnostiques différentiels.
ajoutent, ainsi, aux critères diagnostiques de la maladie, Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (SHM)
l’exclusion des affections pouvant être responsables d’une et le choc toxique staphylococcique (TSS) seront abordés
symptomatologie similaire ³. dans la partie consacrée à la MK de l’adulte p. 9-6.
Il s’agit principalement des maladies infectieuses s’ac-
compagnant d’exanthèmes fébriles chez l’enfant : rougeole, Manifestations cardiovasculaires
rubéole, exanthème subit, mégalérythème épidémique, mo-
nonucléose infectieuse, primo-infection à cytomégalovirus, L’atteinte cardiovasculaire fait toute la gravité de la mala-
infections à adénovirus et entérovirus. Le diagnostic est die ³.
parfois difficile devant une forme incomplète de la maladie. À la phase aiguë, durant les dix premiers jours, elle peut
En effet, une conjonctivite, une pharyngite et des adénopa- comporter : une myocardite pouvant se compliquer d’insuf-
thies cervicales peuvent se voir au cours de certaines de ces fisance cardiaque et de troubles du rythme ; une péricardite
infections. La fièvre prolongée plus de cinq jours, la chéilite, avec épanchement ; rarement une endocardite avec insuffi-
Autres manifestations cliniques 9-5

Tableau 9.1 Diagnostics différentiels de la maladie de Kawasaki


Maladie de Kawasaki Scarlatine Syndrome de choc toxique Syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse
Âge < 5 ans 2-6 ans Adolescence Variable
Fièvre Prolongée Variable < 10 jours Variable
Atteinte oculaire Conjonctivite bilatérale non purulente Non Conjonctivite bilatérale non Conjonctivite
purulente
Chéilite Présente Non Possible Possible
Atteinte muqueuse Érythème diffus Pharyngite ; pétéchies Érythème ; pharyngite Ulcérations aphtoïdes
« langue framboisée » palatines ; « langue
framboisée »
Atteinte extrémités Érythème des paumes et des plantes Desquamation en doigts de Œdèmes des mains et des Possible
gant pieds
Pas d’érythème Desquamation
Exanthème Polymorphe Scarlatiniforme Scarlatiniforme Polymorphe
Adénopathies cervicales Volumineuses non suppurées Présentes (purulentes ou non) Habituellement absentes Possible
Autres Arthralgies et arthrites ; diarrhée, Malaise et vomissements Hypotension, diarrhée, Atteinte hépatique, rénale, pulmonaire,
vomissements et douleurs abdominales ; hépatite, ictère, confusion, myocardique et neurologique
méningite ; troubles de la repolarisation à coagulopathie, atteinte rénale,
l’ECG myocardite, pancréatite

Coll. Dr S. Guillaumont, Montpellier

Coll. Dr P. Sève, Lyon


Fig. 9.5 Échocardiographie bidimensionnelle : volumineuse dilatation
de l’artère coronaire au cours d’une maladie de Kawasaki du nourrisson. Fig. 9.6 Anévrismes coronariens compliquant tardivement une maladie
Ao : aorte ; VD : ventricule droit de Kawasaki de l’adulte

sance mitrale ou insuffisance aortique. Ces atteintes sont qu’ils sont géants (taille supérieure à 8 mm), peuvent se
habituellement transitoires et de bon pronostic. compliquer de thrombose ou de rupture, qui se traduisent
L’atteinte des coronaires est plus tardive, entre 2 et 4 se- par un infarctus, une myocardiopathie ischémique ou une
maines. Son incidence varie selon les séries échographiques mort subite. Pour les cas non compliqués, l’échographie
et angiographiques, entre 15 et 25 % des cas. Le risque est doit être réalisée, de façon systématique, dès l’évocation du
majoré chez les enfants de sexe masculin ou âgés de moins diagnostic, puis après 15 jours, puis 6 à 8 semaines après
d’un an, en cas de fièvre prolongée, d’hyperleucocytose le début de la maladie ³.
supérieure à 12 000/mm 3, du nombre de plaquettes infé- L’atteinte vasculaire peut plus rarement concerner d’autres
rieurs à 35 0000/mm 3, de valeur de protéine C réactive artères de gros et moyen calibre : artère cæliaque, ar-
supérieure à plus de 3 fois la normale, d’hypoalbuminémie tères mésentériques, cérébrales, sous-claviaires, axillaires,
inférieure à 3,5 g/dl ou d’hématocrite inférieur à 35 %. Il iliaques primitives, fémorales et hépatiques.
s’agit le plus souvent d’une dilatation de la partie proximale
des coronaires (trop bien visibles) découvertes à l’échogra- Autres manifestations cliniques
phie cardiaque bidimensionnelle systématique (fig. 9.5). À
un degré de plus, il s’agit de véritables anévrismes, uniques Manifestations digestives
ou multiples (fig. 9.6). Ceux ci régressent le plus souvent Elles incluent les vomissements, la diarrhée, les douleurs
avant le soixantième jour. Les anévrismes, surtout lors- abdominales, et sont notées dans un tiers des cas. Une
9-6 Maladie de Kawasaki

atteinte hépatique, avec ictère (10 % des cas), élévation qui ne remplissent pas les critères diagnostiques de la ma-
des transaminases (40 % des observations) et cholestase ladie, en présence d’anomalies coronaires, détectées le plus
est possible. Des cas d’hydrocholécystites aiguës ont été souvent par l’échocardiographie. Le terme incomplet est
rapportés durant les deux premières semaines de la maladie préférable à atypique qui peut référer à des manifestations
(15 % des cas). La pancréatite est exceptionnelle. inhabituelles de la maladie telles que l’atteinte rénale et
pulmonaire, par exemple. Les formes incomplètes de la
Manifestations douloureuses des membres maladie sont plus fréquentes chez les jeunes enfants de
Elles peuvent être d’origine musculaire (myalgies s’accom- moins de six mois. Leur reconnaissance est importante
pagnent rarement d’une élévation des enzymes muscu- afin de limiter le risque de développement d’anévrismes
laires) ou articulaire, prédominant au niveau des grosses ar- coronaires par l’utilisation précoce d’immunoglobulines
ticulations (simples arthralgies ou, plus rarement, arthrites polyvalentes. Le diagnostic de ces formes repose sur l’as-
évoluant spontanément vers la guérison). Ces manifesta- sociation de critères cliniques, biologiques et échocardio-
tions articulaires sont notées au cours de 20 à 40 % des graphiques. L’American Heart Association et l’American
observations. Academy of Pediatrics ont récemment publié un algorithme
pour le diagnostic des formes incomplètes de MK (fig. 9.7) ³.
Manifestations neurologiques Le diagnostic de MK incomplète doit être évoqué pour tout
Elles sont diverses : troubles du comportement (irritabi- enfant qui présente une fièvre inexpliquée persistant de-
lité, agitation, pleurs incessants) ; paralysie faciale périphé- puis plus de 5 jours, associée à 2 ou 3 signes cardinaux de
rique transitoire ou surdité transitoire guérissant le plus la maladie ou chez tous enfants âgés de moins de 6 mois
souvent sans séquelle ; méningite aseptique (hypercytose présentant une fièvre inexpliquée de plus de 7 jours. Les
lymphocytaire généralement modérée), présente une fois signes cliniques évocateurs d’un autre diagnostic incluent
sur deux, lorsque la ponction lombaire est effectuée à titre une conjonctivite exsudative, une pharyngite exsudative,
systématique ; méningo-encéphalite rarement avec convul- des lésions buccales discrètes, une éruption vésiculeuse
sions, troubles de la conscience pouvant aller jusqu’au coma, ou bulleuse ou des adénopathies généralisées. En cas de
altérations électro-encéphalographiques ; exceptionnelle- suspicion clinique, des examens biologiques sont proposés,
ment, atteintes centrales d’origine vasculaire à type d’hé- complétés par une échographie cardiaque en cas de mise en
miplégie. évidence d’un syndrome inflammatoire. Le traitement doit
être débuté en cas de présomption clinique et après l’exclu-
Manifestations rares sion des diagnostics différentiels s’il existe un syndrome
Elle incluent une atteinte oculaire à type uvéite antérieure inflammatoire et plus de trois autres anomalies biologiques
aiguë, fréquente au cours de la première semaine et gué- évocatrices ou en cas d’échographie cardiaque évocatrice.
rissant sans séquelles, ou plus rarement une uvéite posté-
rieure ; une urétrite, en règle asymptomatique et se mani- Maladie de Kawasaki de l’adulte
festant par une leucocyturie amicrobienne (33 % des pa-
tients) ; une induration et un érythème au site de vaccina- La MK de l’adulte est une affection rare, probablement mal
tion par le BCG ; des infiltrats ou des nodules pulmonaires, connue des cliniciens ⁴. Une revue de littérature récente
des épanchements pleuraux ; une ischémie périphérique ; colligeait 57 observations ¹¹. La MK de l’adulte est fréquem-
un œdème testiculaire ; un syndrome de sécrétion inappro- ment associée à l’infection par le virus de l’immunodéfi-
priée d’hormone antidiurétique ou un syndrome d’activa- cience humaine (VIH) avec dix observations rapportées,
tion macrophagique. dont deux étaient révélatrices de l’infection. Ces observa-
tions surviennent le plus souvent chez des patients au
Signes biologiques stade SIDA et peuvent poser un problème de diagnostic
différentiel avec une hypersensibilité à l’abacavir.
Les signes biologiques ne sont pas spécifiques. Durant la Les manifestations cliniques et biologiques des cas de MK
première semaine, on note une hyperleucocytose à poly- de l’adulte et de l’enfant sont comparées dans le tableau 9.2.
nucléaires neutrophiles, une anémie normochrome normo- La fréquence des signes cardinaux de la maladie est simi-
cytaire généralement modérée et un syndrome inflamma- laire chez les enfants et les adultes. On note néanmoins
toire avec une élévation de la vitesse de sédimentation et une moindre fréquence de chéilite au cours des MK de
de la protéine C réactive. Durant la deuxième semaine ap- l’adulte (60 % chez l’adulte pour 90 % chez l’enfant) et une
paraît une hyperplaquettose parfois considérable (jusqu’à plus grande fréquence d’adénopathies (93 % chez l’adulte
1·10 6/mm 3), qui se normalise dans un délai de 4 à 6 se- pour 75 % chez l’enfant). Parmi les autres manifestations
maines. Une thrombopénie est rare et peut traduire une témoignant de l’atteinte pluriviscérale, l’élévation des trans-
coagulation intravasculaire disséminée. Il n’existe pas de aminases est plus fréquente au cours des MK de l’adulte
signes d’auto-immunité. (65 % chez l’adulte pour 10 % chez l’enfant). L’atteinte ar-
ticulaire est également plus fréquente au cours des MK de
Maladie de Kawasaki incomplète l’adulte (61 % chez l’adulte pour 24 à 38 % chez l’enfant).
En revanche, l’atteinte méningée et encéphalitique est plus
Le diagnostic de MK incomplet est retenu pour des patients rare au cours de la MK de l’adulte (10 % chez l’adulte pour
Maladie de Kawasaki de l’adulte 9-7

B
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Coll. Dr P. Sève, Lyon


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$POTVMUBUJPOFYQFSU.,

Fig. 9.7 Diagnostic des formes incomplètes de maladie de Kawasaki (d’après ³)


a. Le diagnostic de MK incomplète doit être évoqué pour tout enfant qui présente une fièvre inexpliquée persistant depuis plus de 5 jours, associée à 2 ou
3 signes cardinaux de la maladie ou chez tous enfants âgés de moins de 6 mois présentant une fièvre inexpliquée de plus de 7 jours.
b. Les signes cliniques évocateurs d’un autre diagnostic incluent une conjonctivite exsudative, une pharyngite exsudative, des lésions buccales discrètes,
une éruption vésiculaire ou bulleuse ou des adénopathies généralisées.
c. Les anomalies biologiques complémentaires incluent une hypoalbuminémie inférieure à 3 g/dl, une anémie en tenant compte de l’âge, l’élévation des
transaminases, des plaquettes supérieures à 450 000/mm 3 après 7 jours, une hyperleucocytose supérieure à 15 000/mm 3, une leucocyturie supérieure à
10/mm 3.
d. Le traitement peut être débuté avant la réalisation de l’échographie cardiaque.
e. L’échographie cardiaque est positive en cas de z score supérieur à 2,5 au niveau de l’artère interventriculaire antérieure ou de la partie proximale de
l’artère coronaire droite, d’anévrismes coronaires, ou en cas d’existence de plus de 3 anomalies évocatrices parmi les suivantes : brillance périvasculaire, trop
belle visibilité des coronaires, dysfonction ventriculaire, régurgitation mitrale, épanchement péricardique ou z score compris entre 2 et 2,5.
f. Si l’échocardiographie est positive, le traitement doit être débuté en cas de fièvre persistante depuis moins de 10 jours ou en cas d’inflammation
persistante.
g. La desquamation commence au niveau de la région périunguéale des doigts puis des orteils.

34 % chez l’enfant). En comparaison, les signes électrocar- drome de choc staphylococcique (TSS) et le syndrome d’hy-
diographiques sont moins fréquents au cours des MK de persensibilité médicamenteuse (SHM). Le TSS a été décrit
l’adulte. Les anévrismes coronariens sont également plus initialement chez l’enfant par Todd et al. ¹² comme une com-
rares : seulement 3 cas d’anévrismes coronaires, visualisés plication de foyers suppuratifs profonds, en particulier à
par coronorographie, ont été rapportés chez l’adulte. Cela type d’ostéite, de sinusite et d’infection sur cathéter. Ce syn-
peut refléter la difficulté de l’analyse des artères par écho- drome a connu, à partir de 1980, une flambée épidémique
graphie cardiaque chez l’adulte par rapport à l’enfant. Sur chez des jeunes femmes en période menstruelle, utilisant
le plan biologique, la MK de l’adulte se distingue par la des tampons périodiques « superabsorbants ». La forme
moindre fréquence de la thrombocytose (55 % chez l’adulte complète comporte une fièvre en plateau supérieure à 39 ◦ C,
contre 100 % chez l’enfant). une hypotension, une érythrodermie scarlatiniforme géné-
Chez l’adulte, deux affections soulèvent plus particulière- ralisée ou palmoplantaire suivie d’une desquamation in-
ment des problèmes de diagnostic différentiel ¹,⁸,⁹ : le syn- tense au niveau des extrémités. Les atteintes viscérales
9-8 Maladie de Kawasaki

Aspirine
Tableau 9.2 Comparaison des principales manifestations Les doses d’aspirine sont de 80 à 100 mg/kg/j, réparties
cliniques et paracliniques des maladies de Kawasaki de l’adulte en 4 prises, maintenues pendant 48 ou 72 heures après
et de l’enfant ¹¹ la disparition de la fièvre et pour d’autres auteurs, systé-
Symptômes Adultes (%) Enfants (%) matiquement durant les 15 premiers jours quelle que soit
Conjonctivite 93 95 l’évolution de la courbe de température. L’aspirine est ad-
Pharyngite 77 90 ministrée secondairement à une dose anti-inflammatoire
Chéilite 60 90
quotidienne de 3 à 5 mg/kg pendant 6 à 8 semaines lorsque
les coronaires paraissent normales ou tant que persistent
Stomatite 80 77
des lésions coronaires décelables en échographie bidimen-
Érythème palmoplantaire 80 88
sionnelle.
Œdème palmoplantaire 83 75
Desquamation 96 94 Immunoglobulines
Adénopathies 93 75 Leur intérêt a été démontré en 1984 dans un essai ran-
Arthralgies 61 24-38 domisé comparant l’administration d’immunoglobulines
Ictère 37 10-52 et d’aspirine à l’administration d’aspirine seule, considé-
Méningite aseptique 10 34 rée jusqu’alors comme le traitement de référence ¹⁴. Les
Anomalies électrocardiographiques 34 50-90 immunoglobulines étaient administrées à la posologie quo-
Anévrismes coronariens 6 20 tidienne de 400 mg/kg pendant 5 jours. Au trentième jour
Thrombocytose 55 100 d’évolution, des anévrismes coronaires étaient observés
Élévation des enzymes hépatiques 65 40
par échographie cardiaque bidimensionnelle chez 19 (42 %)
des patients traités par aspirine seule et 6 (15 %) des pa-
tients traités par l’association immunoglobulines et aspi-
sont habituelles, et 3 au moins sont nécessaires pour pou- rine (p < 0,01). Les lésions échographiques persistaient
voir porter le diagnostic de TSS : digestive, hépatique, mus- chez 11 des 19 patients du groupe traité par aspirine et
culaire, neurologique, rénale, respiratoire, syndrome hé- 3 des 6 patients du groupe traité par immunoglobulines.
morragique, myocardite et pancréatite aiguë. La MK se Les données coronarographiques confirmaient ces résul-
distingue du TTS par l’absence de foyer infectieux, d’hypo- tats. Les auteurs ont conclu que les immunoglobulines poly-
tension, de défaillance viscérale rénale et pulmonaire, et de valentes administrées quotidiennement avant le cinquième
thrombopénie. Le SHM est une réaction médicamenteuse jour sont efficaces dans la prévention des anévrismes co-
aiguë et sévère associant un érythème, une hyperthermie, ronaires. Newburger et al. ¹⁵ ont confirmé ces données en
des polyadénopathies, une éosinophilie sanguine et des montrant qu’un traitement par immunoglobulines poly-
atteintes viscérales ¹³. L’atteinte cutanée est absente dans valentes à la dose de 400 mg/kg/j administrées pendant
13 % des cas. Les signes cutanés sont parfois sévères et poly- 4 jours est efficace dans la prévention des anévrismes coro-
morphes ; il s’agit d’un érythème généralisé morbilliforme naires. Ce même auteur a montré, dans un essai randomisé
et scarlatiniforme, d’une éruption urticarienne, eczéma- incluant 549 enfants affectés par une MK évoluant depuis
tiforme, pustuleuse ou purpurique, d’un érythème poly- moins de 10 jours, que les immunoglobulines polyvalentes
morphe. Un énanthème est possible avec des ulcérations administrées en une seule dose de 2 g/kg sont plus effi-
aphtoïdes. Les manifestations viscérales sont hépatiques, caces qu’un traitement par immunoglobulines à la dose de
rénales, pulmonaires, cardiaques sous forme de myocar- 400 mg/kg/j pendant 4 jours ⁵. Après ajustement selon l’âge
dite, et neurologiques. Le diagnostic différentiel avec la et le sexe, le risque d’anomalies coronaires à la deuxième
MK repose sur le type d’éruption, les atteintes viscérales, semaine d’évolution est statistiquement supérieur dans le
l’hyperéosinophilie et surtout sur la notion de prise médi- groupe de patients traités par immunoglobulines pendant
camenteuse. 4 jours (odds ratio (OR) = 1,94 – intervalle de confiance à
Ainsi, le diagnostic de MK demeure difficile en l’absence de 95 % : 1,01-3,71). À partir de ces résultats, le traitement par
marqueur biologique spécifique, les critères diagnostiques gammaglobulines administrées à la dose unique de 2 g/kg
de cette maladie n’ayant pas été validés chez l’adulte. L’ab- est devenu le traitement de référence. Un traitement par
sence d’hypotension artérielle, de défaillance polyviscérale, immunoglobulines est conseillé après le dixième jour d’évo-
de foyer infectieux staphylococcique et de prise médicamen- lution en cas de persistance de la fièvre ou en cas de mise en
teuse susceptible d’induire un SHM semble être l’élément le évidence d’anévrismes coronaires associés à la persistance
plus discriminant. Toutefois, ces critères nécessitent une va- du syndrome inflammatoire ³.
lidation au travers d’études prospectives et rétrospectives. Le traitement par immunoglobulines n’empêche pas l’appa-
rition d’anévrismes coronariens transitoires chez 5 % des
Traitement patients et d’anévrismes géants chez 1 % des patients. En
cas d’échec du traitement, défini par la persistance ou la
Le traitement de la MK de l’enfant repose sur l’association recrudescence de la fièvre plus de 36 heures après l’adminis-
de posologies élevées d’immunoglobulines polyvalentes et tration de l’injection d’immunoglobulines, une deuxième
d’aspirine ². perfusion est recommandée ³. En cas d’échec de celle-ci, une
Références 9-9

corticothérapie intraveineuse est proposée ³. La place des tic est évoqué après le dixième jour d’évolution de la
antagonistes spécifiques du TNF-α reste à définir dans ces maladie, période durant laquelle les immunoglobulines
formes réfractaires au traitement conventionnel. La straté- sont moins efficaces. Le traitement par gammaglobulines
gie thérapeutique chez les patients à risque de développe- semble toutefois raccourcir l’évolution en comparaison
ment de lésions coronaires reste également à déterminer. avec les patients non traités. Même si l’évolution est fa-
En cas de persistance d’anévrismes coronariens, la prise vorable dans la majorité des cas, plusieurs types de compli-
en charge ne s’envisage qu’en milieu cardiopédiatrique. Les cations sont à redouter. Cinq patients, dont trois étaient
méthodes non invasives (scintigraphie au thallium, angio- infectés par le VIH, ont présenté des évolutions prolon-
IRM) permettent de limiter la pratique ultérieure de coro- gées pendant plusieurs mois avec un ou plusieurs épi-
norographies itératives. Un geste chirurgical est parfois sodes de rechutes marquées par la réapparition de plu-
nécessaire. Dans ces formes, une surveillance régulière est sieurs signes cardinaux. Un cas d’anévrisme splénique
nécessaire associant suivant les cas, une limitation de l’ac- est rapporté, d’évolution favorable après la reprise du
tivité physique à un traitement antiaggrégant ou anticoa- traitement par immunoglobulines et aspirine. Deux pa-
gulant ³. tients ont présenté des signes transitoires d’insuffisance
Chez l’adulte, les modalités d’administration des traite- cardiaque, résolutifs sous traitement par diurétiques et
ments sont inhomogènes ¹¹. Le plus souvent, le diagnos- aspirine.

1 Nasr I, Tometzki AJ, Schofield OM. Kawasaki lin as compared with four infusions in the treat- ria in patients with Kawasaki disease. J Pediatr
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Sève P, Broussolle C. Maladie de Kawasaki. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations
dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 9.1-9.9.
10
Polychondrite chronique atrophiante
Michel Rybojad

Tableau clinique 10-1 Diagnostic positif 10-5


Chondrites 10-1 Pathogénie 10-6
Manifestations dermatologiques 10-2 Évolution 10-6
Autres manifestations extrachondritiques 10-3 Traitement 10-6
Associations, nosologie et diagnostic positif 10-5 Références 10-7
Associations et problèmes nosologiques 10-5

a polychondrite chronique atrophiante (PCA), aussi


L dénommée polychondrite récidivante par les auteurs
anglo-saxons, est une maladie inflammatoire rare et mécon-
Chondrites ¹-³
Elles doivent être recherchées systématiquement à l’inter-
rogatoire et à l’examen clinique car elles peuvent passer
nue, touchant également les deux sexes, caractérisée par inaperçues. Elles peuvent évoluer spontanément vers une
des épisodes récidivants d’inflammation et de destruction atrophie cartilagineuse définitive.
des cartilages et des autres structures du tissu conjonctif. Chondrite de l’oreille externe C’est la localisation ini-
Depuis la description du cas princeps (1923), sous l’appella- tiale la plus fréquente. Elle est quasi constante au cours
tion de polychondropathia, plus de 1 000 cas ont été rappor- de l’évolution. Uni- ou bilatérale, elle se traduit par une
tés. Les cartilages le plus souvent touchés sont le pavillon tuméfaction rouge parfois violacée, chaude, plus ou moins
de l’oreille, le cartilage du nez et les anneaux trachéaux. Ces douloureuse, atteignant le pavillon, et respectant le lobule
chondrites s’associent à d’autres manifestations touchant non cartilagineux de l’oreille (fig. 10.1). Cet épisode aigu per-
les structures non cartilagineuses, mais de structure an- siste quelques jours ou semaines, puis régresse. Après une
tigénique voisine, tels que l’oreille interne, la sclère ainsi ou plusieurs poussées, le cartilage peut s’affaisser. Le pa-
que les artères ou artérioles, ce qui permet de classer la villon de l’oreille devient fripé, flasque, parfois calcifié avec
PCA parmi les maladies systémiques. Les signes cutanés affaissement du conduit auditif externe.
ou muqueux ne sont pas rares et peuvent être révélateurs Chondrite du nez Parfois inaugurale, elle est aussi très
de l’affection. fréquente au cours de l’évolution. Il peut s’agir d’épisodes
aigus réalisant une tuméfaction nasale inflammatoire
Tableau clinique (fig. 10.2), parfois accompagnée de rhinorrhée ou d’épistaxis.
Le plus souvent, l’effondrement de la cloison nasale sur-
La PCA peut débuter à tout âge mais dans un cas sur deux vient à bas bruit, en quelques semaines ou mois et donne
entre 40 et 60 ans. La fréquence des symptômes cliniques, au nez un aspect en « selle » (fig. 10.3).
le pronostic et la cause du décès sont cependant différents
selon le sexe. Critères de Michet de la PCA
Le début est marqué le plus souvent par une atteinte carti- Critères majeurs : chondrite auriculaire, nasale, laryngotrachéale.
lagineuse ou articulaire qui apparaît de manière brusque.
Critères mineurs : inflammation oculaire, diminution de l’acuité au-
La PCA peut également débuter par une atteinte oculaire,
audio-vestibulaire, une otite moyenne, des arthromyalgies, ditive, syndrome vestibulaire, polyarthrite séronégative.
une fièvre isolée, voire un syndrome inflammatoire isolé. Le Le diagnostic peut être porté s’il existe deux critères majeurs ou un cri-
tableau associe diverses chondrites, indispensables au diag-
tère majeur associé à au moins deux critères mineurs ¹-³.
nostic (encadré 10.A), et le plus souvent d’autres symptômes
au premier plan desquels les arthropathies et l’atteinte ocu- 10.A
laire.
10-2 Polychondrite chronique atrophiante

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 10.1 Tuméfaction inflammatoire du pavillon de l’oreille, respectant
le lobule non cartilagineux au cours d’une polychondrite chronique
atrophiante
Fig. 10.2 Tuméfaction nasale inflammatoire au cours d’une
Chondrite laryngée et trachéale L’atteinte trachéo- polychondrite chronique atrophiante
bronchique est fréquente, responsable de 35 % des décès
au cours de la PCA. Au niveau laryngé, elle se traduit par Elles évoluent parallèlement aux poussées de la maladie
des douleurs et une dysphonie. La laryngoscopie doit être dans 50 % des cas.
évitée car elle est dangereuse. Les troubles évoluent parfois Manifestations cutanées Les nodules inflammatoires
vers la constitution de lésions sténosantes irréversibles, res- des membres inférieurs sont les plus fréquemment rap-
ponsables d’une dyspnée inspiratoire, d’intensité variable. portés, réalisant des entités anatomocliniques différentes.
La survenue de poussées ultérieures peut parfois provo- Leur caractère douloureux et leur évolution régressive en
quer une asphyxie aiguë, nécessitant une trachéotomie. La quelques semaines vers les teintes de la biligenèse, peuvent
prévention de cette évolution sténosante réside dans le trai- en imposer, à tort, pour un érythème noueux. Ils réalisent
tement précoce des chondrites laryngées aiguës. L’atteinte exceptionnellement un aspect de panniculite, laissant une
des cartilages trachéo-bronchiques est la complication la atrophie séquellaire, du fait d’un phénomène de lipopha-
plus redoutable. Elle favorise l’infection et risque d’aboutir gie. Des nodules de petite taille évoquent une vascularite
à la sténose de l’arbre respiratoire et parfois à une bronchio- nodulaire (fig. 10.4) dont le diagnostic est confirmé par l’his-
lopathie distale. Ces lésions sont bien mises en évidence tologie. Ils peuvent également correspondre à des throm-
par l’examen tomodensitométrique. Toute investigation bophlébites superficielles ou de thromboses des petits vais-
locale est susceptible d’entraîner une détresse respiratoire seaux, siègeant dans l’hypoderme. Des phlébites superfi-
parfois fatale. cielles migratrices ont été rapportées, réalisant un aspect
Chondrite costale Moins fréquente, elle se traduit par des de lésions indurées, de forme oblongue, suivant un tra-
douleurs pariétales sterno-costales souvent trompeuses. jet veineux superficiel. Des lésions nodulaires inflamma-
toires, siégeant sur les mailles d’un livédo inflammatoire
Manifestations dermatologiques ¹,²,⁴ et suspendu, peuvent en imposer pour une périartérite
Dans les grandes séries de la littérature, les atteintes der- noueuse. Des abcès profonds amicrobiens ont été rappor-
matologiques sont inaugurales dans plus de 10 % des cas. tés, réalisant des nodules douloureux d’évolution, parfois
Tableau clinique 10-3

nécrotique et/ou ulcérée. Le diagnostic sera confirmé par Manifestations muqueuses ¹-⁴ L’aphtose buccale récidi-
la négativité des prélèvements bactériologiques exhaustifs vante est notée dans 25 % des cas. Elle réalise des ulcéra-
et les données histologiques. tions douloureuses, à fond jaune pâle, dont les bords sont
Les lésions purpuriques, infiltrées, papuleuses à évolution taillés à pic, entourées d’un mince halo érythémateux. Leur
plus ou moins nécrotique en fonction de l’extension de diamètre est de quelques millimètres à un centimètre, elles
l’atteinte vasculaire correspondent à une vascularite leuco- sont beaucoup plus rarement de grande taille. Leur nombre
cytoclasique. Des lésions papuleuses fixes, cuisantes de vas- varie de un à plusieurs dizaines. Elles peuvent atteindre
cularite urticarienne, parfois associées à un purpura sont le palais, les amygdales, voire le pharynx. Les lésions ré-
parfois observées et doivent faire pratiquer un examen his- gressent en une à deux semaines, sans cicatrice séquellaire.
tologique avec immunofluorescence cutanée directe. L’aphtose génitale peut s’y associer réalisant une aphtose
Des éléments papuleux, de teinte violine et de consistance bipolaire, et pouvant faire errer le diagnostic vers une ma-
ferme, d’évolution chronique, en règle asymptomatique, ladie de Behçet ou une entéropathie inflammatoire. L’his-
montrant en histologie un aspect de vascularite avec proli- tologie de ces lésions n’est pas spécifique.
fération fibrohistiocytaire font évoquer le diagnostic d’ery-
thema elevatum diutinum. L’immunofluorescence cutanée Autres manifestations extrachondritiques
directe peut retrouver des dépôts d’IgA dans les vaisseaux Elles sont variées et peuvent être au premier plan ou inau-
du derme. La présence d’ANCA de type IgA est souvent gurer la maladie ¹-³.
associée. Arthropathie L’atteinte articulaire, inflammatoire, non
Des papules en plaques inflammatoires et œdémateuses, destructrice et non déformante, est fréquente au cours de
parfois bulleuses, ont un aspect histologique orientant vers l’évolution de la PCA. Dans près de 25 % des cas, elle est
le diagnostic de syndrome de Sweet (infiltrat neutrophi- inaugurale et reste parfois isolée pendant plusieurs mois
lique dermique prédominant, absence de vascularite). Ces ou années.
lésions classées dans le cadre des « dermatoses neutrophi-
liques » ont une valeur pronostique essentielle car elles
doivent faire rechercher, à court et à moyen terme, une
myélodysplasie associée.
Les lésions de pseudofolliculites sont souvent associées à
d’autres lésions dermatologiques, telles que les lésions no-
dulaires ou les dermatoses neutrophiliques. Elles réalisent
une lésion initialement papuleuse, secondairement pustu-
leuse, centrée par un poil, et entouré d’un halo érythéma-
teux, évoluant vers une croûte ou une micro-ulcération
et guérissant spontanément sans cicatrice. Leur origine
est aseptique et elles peuvent être prises à tort pour une
simple folliculite ou une acné induite par la corticothérapie
générale. Les prélèvements bactériologiques sont négatifs.
Les ulcérations ont des causes variées : vascularite inflam-
matoire ou vasculopathie thrombosante des vaisseaux der-
miques et/ou hypodermiques, voire rupture avec aspect
de pyoderma gangrenosum, dermatose neutrophilique ca-
ractérisée cliniquement par de vastes ulcérations phadégé-
niques, plus ou moins extensives, avec une bordure suréle-
vée. Histologiquement, il existe un infiltrat dense à polynu-
cléaires neutrophiles.
Les ischémies distales peuvent être en rapport avec un pro-
cessus de vascularite ou ont une origine thrombotique, im-
posant la recherche d’anticorps antiphospholipides, asso-
ciés à la PCA.
Les autres signes cutanés rapportés sont plus anecdo-
tiques : hyperpigmentation siègeant en regard des carti-
lages atteints, anomalies de croissance des ongles, granu-
lome annulaire ou dermatose d’aspect annulaire en nappe
Coll. Pr A. Claudy, Lyon

en rapport avec une dermatite interstitielle granuloma-


teuse, documentée par l’histologie cutanée.
Les manifestations rapportées telles que psoriasis, syn-
drome de Reiter, dermatite herpétiforme et pelade, té-
moignent d’une association à un processus dysimmuni- Fig. 10.3 Aspect en « selle » du nez au cours d’une polychondrite
taire. chronique atrophiante

 ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles


10-4 Polychondrite chronique atrophiante

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 10.4 Multiples nodules érythémateux du tronc au cours d’une vascularite nodulaire d’une polychondrite chronique atrophiante

Localisations oculaires Rarement inaugurales, mais fré- souvent, il s’agit d’une surdité de perception, uni- ou bilaté-
quentes au cours de l’évolution, elles peuvent intéresser rale, de survenue brutale et généralement non régressive.
toutes les tuniques ou annexes de l’œil ². Dans la majorité Un syndrome vestibulaire uni- ou bilatéral est présent dans
des cas, il s’agit d’une épisclérite (fig. 10.5) parfois compli- 25 % des cas, habituellement associé à l’atteinte cochléaire.
quée de scléromalacie, d’une conjonctivite vraie ou d’une Atteinte cardiovasculaire L’atteinte cardiovasculaire
uvéite. La kératite est plus rare. Dans l’ensemble, le pronos- (25 % des cas) peut comporter une insuffisance aortique
tic fonctionnel des atteintes oculaires est bon. ou des lésions artérielles, plus rarement des atteintes vei-
Atteinte audio-vestibulaire Une diminution de l’acuité neuses ¹-³. Les atteintes vasculaires sont dominées par les
auditive survient dans 40 % des cas en rapport avec des mé- atteintes artérielles. Des anévrismes parfois responsables
canismes parfois intriqués ¹,³ : occlusion du conduit auditif, de décès par rupture ont été rapportés. Ils siègent généra-
chondrite de la trompe d’Eustache, otite séreuse. Le plus lement sur l’aorte initiale, naissant au niveau de l’anneau
aortique et restent souvent localisés à l’aorte ascendante.
Ils s’étendent parfois plus loin vers l’aval. Les gros troncs
peuvent aussi être touchés par extension d’une ectasie aor-
tique de façon isolée. Les thromboses artérielles parfois
multiples ont été observées au niveau de l’aorte, les caro-
tides, les artères cérébrales, mésentériques ou les membres.
Le tableau réalisé est celui d’une artérite inflammatoire. Les
thromboses veineuses sont rapportées de façon variable
dans la littérature. Il s’agit surtout de phlébites superfi-
cielles, mais aussi de thromboses veineuses profondes ré-
cidivantes, parfois compliquées d’embolies pulmonaires.
Elles peuvent survenir de façon insidieuse et passer inaper-
çues. La présence d’un syndrome des antiphospholipides
peut s’observer au cours de la PCA (SAPL). Elle doit faire rer-
chercher un lupus érythémateux systémique chez la femme
Coll. D. Bessis

jeune ou une myélodysplasie associée chez l’homme âgé ⁴.


Les atteintes cardiaques sont dominées par les valvulo-
pathies. L’insuffisance aortique est l’anomalie la plus fré-
Fig. 10.5 Épisclérite au cours d’une polychondrite chronique atrophiante quente. Il peut aussi s’agir d’une insuffisance mitrale ou
Associations, nosologie et diagnostic positif 10-5

*OmMUSBUJOnBNNBUPJSF
QPMZNPSQIF

HF
JMB
SU
$B

Coll. D. Bessis
$IPOESPDZUFT

Fig. 10.6 Atteinte histologique cartilagineuse : infiltration lymphoplasmocytaire de la substance fondamentale du cartilage

d’une localisation mitro-aortique. L’atteinte valvulaire ap- flamed Cartilage). La confusion nosologique est accrue par
paraît dans un délai très variable et constitue une compli- la présence d’atteintes vasculaires comparables. Ce concept
cation est grave, pouvant être à l’origine d’une insuffisance est cependant artificiel car les deux maladies ont en ef-
cardiaque fatale et imposer un remplacement valvulaire fet un profil évolutif très différent. La PCA peut s’asso-
chirurgical. Des troubles du rythme et de la conduction cier à d’autres maladies inflammatoires telles que la ma-
auriculo-ventriculaire ont été rapportés. ladie de Crohn ou la maladie de Behçet. Le diagnostic
Autres atteintes viscérales L’atteinte rénale et l’atteinte peut être rendu difficile, par la présence de signes cuta-
neurologique au cours de la PCA témoignent de la diffusion nés communs et de l’évolution insidieuse de cette mala-
du processus de vascularite et peuvent aggraver le pronos- die. Les connectivites les plus souvent associées sont le lu-
tic. Des tableaux de méningite aseptique, voire d’accidents pus systémique (10 %) et la polyarthrite rhumatoïde (5 %).
ischémiques focaux, sont rapportés ⁵. L’atteinte parenchy- D’autres connectivites peuvent être associées, avec une fré-
mateuse pulmonaire est le plus souvent en rapport avec quence nettement moindre : syndrome des anticorps anti-
une surinfection et constitue une cause importante de dé- phospholipides, connectivite de chevauchement de type
cès. Les tests hépatiques sont parfois perturbés, parfois Sharp, dermatomyosite, sclérodermie, syndrome de Sjö-
associés à une hépatomégalie. Les adénopathies superfi- gren. La majorité de ces connectivites peuvent être à l’ori-
cielles ou médiastinales, ainsi qu’une splénomégalie ont gine d’une vascularite cutanée ou de phénomènes throm-
été décrites. Au cours des poussées de la maladie, l’état gé- botiques.
néral peut s’altérer, avec asthénie, amaigrissement et fièvre La prévalence des myélodysplasies au cours de la PCA est
parfois élevée. à souligner, variant de 5 % à 30 %, selon les séries. Les
hommes sont plus souvent atteints, surtout après 60 ans.
Associations, nosologie et diagnostic positif Les signes cutanés y sont particulièrement fréquents (80 %
des cas). Il s’agit essentiellement de dermatoses neutrophi-
Associations et problèmes nosologiques liques. Le pronostic est péjoratif. Il est indispensable de
L’absence de spécificité des signes cutanés observés au surveiller attentivement l’hémogramme dans cette sous-
cours de la PCA rend difficile le diagnostic de PCA, en l’ab- classe de PCA ⁶. Des observations rares de PCA ont été rap-
sence de signes chondritiques associés. Les signes dermato- portées au cours de l’infection VIH ⁷.
logiques sont d’ailleurs absents des critères diagnostiques
de Michet. Diagnostic positif
La similitude sémiologique entre la maladie de Behçet Le retard diagnostique est fréquent, la maladie étant rare
et la PCA est à noter. Certains auteurs ont tenté d’indi- et méconnue et d’évolution insidieuse. Les examens biolo-
vidualiser un cadre nosologique commun sous le terme giques ont un intérêt diagnostique limité car aucune des
de « MAGIC syndrome » (Mouth And Genital ulcers with In- anomalies observées n’est spécifique. Le syndrome inflam-
10-6 Polychondrite chronique atrophiante

matoire est inconstant : élévation de la CRP, hyperfibriné- dépassant guère 80 %. La mort résulte alors le plus souvent
mie, hyper-α-2-globulinémie, anémie inflammatoire, hy- d’une atteinte spécifique (respiratoire ou vasculaire), d’une
perleucocytose à polynucléaires neutrophiles, complément dysmyélopoïèse associée ou d’une infection favorisée par
normal ou élevé. L’intérêt diagnostique de la recherche d’au- le traitement ¹-⁴.
toanticorps anticollagène et d’anticorps antimatrilline 1
est limité, car très peu spécifique. Les anticorps anticyto- Traitement ¹-³,¹²-¹⁴
plasme des polynucléaires neutrophiles et les anticorps
antiphospholipides n’ont pas de valeur diagnostique ¹-³. L’évaluation de l’efficacité des traitements est rendue très
Sur le plan anatomopathologique, si une biopsie du pa- délicate au cours de la polychondrite atrophiante en raison
villon est néanmoins jugée utile dans une forme débu- de sa rareté, de son hétérogénéité et du caractère sponta-
tante ou atypique, elle doit être pratiquée, lors d’une chon- nément fluctuant et peu prévisible de son évolution.
drite aiguë, avant toute corticothérapie générale. Elle n’a La polychondrite atrophiante n’ayant fait l’objet d’aucun
un intérêt que dans les formes débutantes ou atypiques essai thérapeutique contrôlé, les recommandations qui
et ne constitue pas un critère diagnostique (encadré 10.A). suivent sont donc empiriques ²,³.
Les altérations histologiques du cartilage sont évocatrices Les formes mineures caractérisées par la survenue très
lorsqu’il existe une infiltration de la substance fonda- intermittente de chondrites du pavillon ou d’arthralgies
mentale du cartilage par un infiltrat lymphoplasmocy- sont traitées soit par AINS ou colchicine à la demande, soit
taire (fig. 10.6), avec des dépôts de C3 et d’immunoglobu- par dapsone (Disulone). L’emploi de celle-ci n’est envisa-
lines. geable que chez des malades indemnes de myélodysplasie,
en lui associant systématiquement une supplémentation
Pathogénie en acide folique. Une vérification préalable de l’absence de
déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase, est prati-
Elle est mal connue, mais de nombreux arguments plaident quée, quand le sexe et l’ethnie le justifient. La posologie de
en faveur d’une maladie auto-immune ²,⁸,⁹,¹⁰ : départ (50 mg/j) est progressivement augmentée, sous cou-
− prévalence élevée du groupe HLA DR4 ; vert d’une surveillance fréquente de l’hémogramme. L’in-
− association fréquente à d’autres maladies de type auto- formation du malade sur la signification d’une cyanose avec
immun ; ou sans dyspnée paraît plus utile que les dosages répétés
− dépôts d’immunoglobulines et de complément au sein de méthémoglobinémie ².
des lésions chondritiques ; La corticothérapie générale est indispensable chez plus de
− présence d’anticorps anticartilage, dirigés contre les 80 % des malades.
collagènes II, IX et XI, et contre la matrilline 1 ; La posologie doit être modérée (0,3 à 0,5 mg/kg/j de pred-
− reproduction de la maladie après immunisation chez nisone [Cortancyl]) devant une polyarthrite ou une chon-
l’animal ; drite du pavillon, ou encore devant une atteinte oculaire
− réponse favorable à la corticothérale générale et aux réfractaire aux traitements locaux.
immunosuppresseurs. En revanche, les bolus de méthylprednisolone (Solumé-
Certains auteurs ont mis en évidence une déviation de la drol), relayés par une dose quotidienne (1 mg/kg/j de pred-
réponse immune vers la voie TH1, au cours des poussées nisone) s’imposent devant une chondrite aiguë laryngo-
de la maladie. Par ailleurs les cytokines pro-inflammatoires trachéale, une surdité de perception d’installation récente,
retrouvées à des taux élevés, modulent la fonction du une atteinte oculaire ou rénale menaçante et/ou une vas-
monocyte-macrophage : MIP-1β (macrophage inflammatory cularite systémique associée. Après quelques semaines, la
protein) et MCP-1 (monocyte chemoattractant protein) dont corticothérapie est progressivement réduite, pour tenter
la fonction est de favoriser le recrutement de ces cellules, de contrôler la polychondrite atrophiante, avec une dose
l’IL-8 (interleukine) produite par ces cellules attirant les d’entretien journalière inférieure à 0,25 mg/kg/j ²,³.
polynucléaires au site inflammatoire. Plusieurs circonstances peuvent motiver l’association d’un
La surveillance protéomique des autoantigènes impliqués traitement immunosuppresseur :
dans la PCA laisse envisager un pannel d’autoantigènes, − d’emblée devant une atteinte respiratoire grave ou une
plus large que les antigènes cartilagineux ¹¹. vascularite systémique sévère (en particulier quand le
doute subsiste avec une maladie de Wegener) ;
Évolution − ou en cas de forte corticodépendance et/ou de survenue
d’effets secondaires cortico-induits.
L’évolution de la polychondrite atrophiante se fait par pous- Le recours aux immunosuppresseurs (cyclophosphamide,
sées, dont la fréquence et la sévérité sont extrêmement azathioprine, méthotrexate) sera discuté en milieu spécia-
variables d’un malade à l’autre. lisé. On optera pour la ciclosporine, voire aux échanges
Les formes mineures sont rares, et la majorité des patients plasmatiques ou les perfusions d’immunoglobulines intra-
sont porteurs d’une affection chronique, douloureuse et veineuses, quand une immunosuppression est jugée néces-
handicapante, auxquels viennent s’ajouter les effets secon- saire, dans une polychondrite atrophiante associée à une
daires de thérapeutiques lourdes. Bien que le pronostic dysmyélopoïèse ¹-³.
s’améliore, il demeure sévère, le taux de survie à 5 ans ne Les formes résistantes à tout traitement peuvent faire dis-

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · IL interleukine


Références 10-7

cuter la pratique d’une intensification thérapeutique myélo- être réalisé, en raison de la fréquente multiplicité des lé-
ablative, suivie d’une autogreffe de moelle. Les anticorps sions vasculaires.
anti-TNF-α (tumor necrosis factor), anti-IL-1R et anti-CD20 L’évaluation préanesthésique de l’arbre respiratoire est es-
(rituximab) sont en cours d’évaluation ¹²-¹⁴. sentielle. Une surveillance cardiovasculaire prolongée est
À l’exception des trachéotomies de sauvetage, les indica- indispensable dans tous les cas.
tions chirurgicales se discutent en milieu spécialisé ¹-³. Une La sévérité du pronostic vital de ces polychondrites atro-
valvulopathie aortique ou mitrale sévère nécessite un rem- phiantes compliquées d’atteintes des gros vaisseaux, justi-
placement valvulaire. Devant une ectasie de l’aorte initiale, fie l’emploi systématique d’une immunosuppression, dans
la décision opératoire prend en compte la taille de la lésion, les deux ans, suivant l’intervention.
son évolutivité et l’importance de l’insuffisance aortique Les myélodysplasies associées à la polychondrite atro-
associée, mais la date optimale de l’intervention doit être phiante sont volontiers rebelles à toutes les thérapeutiques
discutée en milieu spécialisé. curatives. Après mise en œuvre d’un programme transfu-
Une sténose artérielle, demeurant symptomatique malgré sionnel, et malgré la prévention de la surcharge martiale et
un traitement corticoïde et immunosuppresseur, peut éga- le traitement précoce des complications infectieuses liées
lement justifier un geste chirurgical. à la neutropénie chronique, la survie ne dépasse guère
Un inventaire cardiaque et artériel complet doit toujours quelques années ²-⁴,⁶.

1 Michet CJ Jr, McKenna CH, Luthra HS et al. plastic syndromes and chronic myelomonocy- tis suggest monocyte/macrophage activation.
Relapsing polychondritis. Survival and predic- tic leukemia. Leuk Lymphoma 2002 ; 43:2083- Arthritis Rheum 2004 ; 50:3663-3667.
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5 Hsu KC, Wu YR, Lyu RK, Tang LM. Aseptic mice with matrilin 1, is an antibody- and los D, Berberidis C. Refractory relapsing poly-
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lychondritis. Clin Rheumatol 2006 ; 25:265-267. 2004 ; 164:959-966. the treatment with an IL-1 receptor antago-
6 Saif MW, Hopkins JL, Gore SD. Autoim- 10 Stabler T, Piette JC, Chevalier X et al. Se- nist (anakinra). Rheumatology 2006 ; 45:491-
mune phenomena in patients with myelodys- rum cytokine profiles in relapsing polychondri- 492.

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Rybojad M. Polychondrite chronique atrophiante. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations
dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 10.1-10.7.
11
Fièvres périodiques
Olivier Dereure

Généralités. Physiopathologie 11-1 Urticaire au froid familiale ou syndrome auto-immun au


Fièvre familiale méditerranéenne (maladie périodique) froid 11-6
11-3 Syndrome CINCA 11-7
Syndrome TRAPS 11-4 Neutropénie cyclique 11-7
Syndrome hyper-IgD 11-5 Syndrome PAPA 11-8
Syndrome FAPA ou PFAPA 11-5 Références 11-8
Fièvres périodiques avec mutation du gène CIAS1 11-5
Syndrome de Muckle et Wells 11-6

es fièvres périodiques représentent un des exemples


L les plus achevés des interactions entre la dermatolo-
gie, la médecine interne et la génétique moléculaire. En
Receptor Associated Periodic Syndrome), hyper-IgD, PFAPA
(Periodic Fever Aphthous stomatitis, Pharyngitis, and Cervical
Adenitis) et CINCA (Chronic Infantile Neurological Cutaneous
effet, toutes ces affections, sans exception, peuvent se ma- and Articular Syndrome). Ces syndromes sont venus s’ajou-
nifester à un moment ou à un autre par des signes cutanés ter à des maladies plus « classiques », tels la fièvre méditer-
et/ou muqueux, souvent révélateurs, et le dermatologue ranéenne familiale (ou maladie périodique) et le syndrome
se trouve donc souvent en première ligne pour faire pré- de Muckle et Wells.
cocement le diagnostic de ces maladies par essence systé- Le décryptage des anomalies génétiques sous-tendant les
miques ¹,²,³. Un diagnostic précoce est en effet important différentes fièvres périodiques se poursuit à un rythme ra-
afin de limiter autant que possible certaines conséquences pide et a permis de mieux comprendre le fonctionnement
viscérales graves telle par exemple l’amylose rénale dans des cellules impliquées dans l’inflammation et notamment
la maladie périodique, et le dermatologue peut donc jouer des polynucléaires neutrophiles. La mise en adéquation
un rôle de premier plan dans l’évolution à long terme de des connaissances issues des découvertes de la génétique
ces patients. Par ailleurs, l’origine génétique de la plupart moléculaire a ainsi abouti à la description, nécessairement
de ces fièvres a été identifiée grâce à la mise en évidence incomplète pour le moment, d’un certain nombre de voies
d’un certain nombre de gènes dont les modifications sont intracellulaires organisées selon un schéma assez complexe,
directement responsables de l’affection. Les progrès concer- voies perturbées dans ces affections en raison des effets
nant la connaissance de la physiopathologie de ces diffé- fonctionnels des mutations des gènes codants pour les
rentes maladies ont permis d’élaborer une théorie assez protéines-clés.
uniciste puisque l’ensemble de ces affections peut rentrer Enfin d’autres entités peuvent être intégrées dans ce cadre
dans le cadre des maladies dites auto-inflammatoires, ca- des fièvres périodiques et maladies auto-inflammatoires
ractérisées par une auto-activation ou une pérennisation telles que la maladie de Still et la maladie de Behçet. Ces
indue des processus inflammatoires déclenchés par des fac- affections sont traitées à part dans les chapitres correspon-
teurs divers (traumatiques, infectieux, etc.). Ce cadre des dants.
maladies auto-inflammatoires dépasse d’ailleurs celui des
fièvres périodiques puisque certains auteurs ont proposé Généralités. Physiopathologie
de classer d’autres affections, telles que le syndrome de
Blau (granulomatose systémique), le syndrome PAPA (pyo- Il est difficile de donner une définition générale et exhaus-
genic sterile arthritis, pyoderma gangrenosum, acne) et même tive des fièvres périodiques. Globalement, il s’agit de syn-
la maladie de Crohn dans ce cadre. dromes très divers caractérisés par un contexte familial fré-
Par ailleurs, le groupe des fièvres périodiques non infec- quent, des épisodes fébriles à répétition survenant à inter-
tieuses s’est enrichi de la description de nouvelles affec- valles variables avec ou sans facteurs déclenchants, souvent
tions tels que les syndromes TRAPS (Tumor Necrosis Factor- accompagnés de signes inflammatoires focaux concernant
11-2 Fièvres périodiques

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Coll. Pr O. Dereure, Montpellier


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Fig. 11.1 Physiopathologie des fièvres périodiques. Organisation globale de la réponse des polynucléaires et des macrophages aux stimuli
pro-inflammatoires : voies activant l’apoptose post-activation dépendantes de la cryopyrine ou de la pyrine et inhibées par des mutations de ces dernières et
voies impliquées dans la signalétique pro-inflammatoire (interactions TNF-α-récepteur au TNF-α et sécrétion de cytokines), activées en cas de mutation de
certains de ses acteurs (récepteur au TNF-α, CARD15)

la peau, les muqueuses, les séreuses, les articulations, le logie aux maladies auto-immunes, ces deux groupes consti-
système nerveux central, etc., un syndrome inflammatoire tuant les deux versants principaux des maladies dites de
biologique pratiquement constant ou surtout présent lors système. Ces maladies auto-inflammatoires sont en effet
des poussées fébriles, des anomalies de comportement des systémiques par essence même si leurs manifestations do-
polynucléaires neutrophiles et un risque viscéral potentiel minantes sont souvent focales, et doivent être considérées
à long terme, notamment une amylose rénale. comme telles dans l’appréciation des risques viscéraux. Glo-
Ces fièvres périodiques peuvent être classées en affections balement, à la suite d’un facteur déclenchant « habituel »
clairement génétiques (même si les cas ne sont pas toujours souvent inaperçu (traumatique ou infectieux notamment)
familiaux) où les gènes en cause ont été identifiés dans la se produit une réaction inflammatoire d’abord d’amplitude
plupart des cas (maladie périodique, syndrome TRAPS, syn- normale avec activation des polynucléaires neutrophiles et
drome CINCA, syndrome de Muckle et Wells, syndrome des macrophages, réaction qui va ensuite s’auto-amplifier
hyper-IgD, syndrome de Blau, urticaire familiale au froid, et/ou se pérenniser en raison d’une prolongation anormale
neutropénie cyclique, syndrome PAPA) et en affections spo- de cette activation soit par altération de l’apoptose post-
radiques (maladie de Still, syndrome PFAPA). activation précoce des cellules inflammatoires par défaut de
La physiopathologie de ces affections a surtout été étudiée la signalétique pro-apoptotique en raison d’une mutation
dans le cadre des affections génétiques et fait donc réfé- inactivatrice d’un élément de cette voie (mutations de la
rence à la notion de maladies auto-inflammatoires par ana- pyrine, de la cryopyrine, etc.), soit par augmentation de la si-

 TNF tumor necrosis factor


Fièvre familiale méditerranéenne (maladie périodique) 11-3

gnalétique pro-inflammatoire par altération de la réception Cette affection est liée à des mutations du gène MEFV, situé
au TNF-α, en principe autolimitée par clivage du récepteur sur le bras court du chromosome 16 (16p13.3 ; 10 exons ;
membranaire (interruption de l’auto-activation initiale) 14kb) et qui code pour une protéine appelée la pyrine ou
ou par augmentation intrinsèque de l’activité des voies in- marénostrine qui joue très probablement un rôle impor-
tracellulaires gouvernant l’activation cellulaire. La consé- tant dans le contrôle de l’inflammation et notamment dans
quence est une inflammation prolongée qui peut alors en- le fonctionnement des polynucléaires neutrophiles puis-
traîner une fièvre, des lésions viscérales, un syndrome in- qu’elle n’est exprimée que dans les PNN circulants et, à un
flammatoire et parfois une amylose AA. Les différentes moindre degré, dans les monocytes. En effet, la pyrine est
voies impliquées dans l’activation des cellules inflamma- le prototype d’une nouvelle famille de protéines intracel-
toires et pertinentes en termes de physiopathologie des lulaires possédant un « domaine de mort » (famille dont
fièvres périodiques sont résumées sur la fig. 11.1. fait également partie la molécule SSA/Ro52), est consti-
tuée de 781 acides aminés pour un poids moléculaire de
86 kDa ; la localisation de la protéine est encore débat-
Fièvre familiale méditerranéenne (maladie tue : réticulum endoplasmique ou appareil de Golgi. Son
périodique) domaine « pyrine » de 90 acides aminés sur la partie N-ter-
minale de la molécule organisé en 6 hélices alpha peut in-
Elle est la plus connue et certainement la plus fréquente de teragir avec un domaine homotypique de la protéine ASC
ces maladies auto-inflammatoires. Elle touche avant tout (Apoptosis associated Speck-like protein containing a Caspase
les populations arabes de l’est et de l’ouest du bassin médi- recruitment domain) mais aussi avec l’actine et la proteine
terranéen, les Arméniens, les Turcs et les juifs sépharades. CD2BP1. La liaison pyrine-ASC entraîne une activation des
Dans certaines populations, la fréquence des porteurs à caspases génératrice d’une apoptose précoce notamment
l’état hétérozygote d’une mutation du gène MEFV, respon- des polynucléaires ⁴. La protéine ASC intervient également
sable de la maladie, est supérieure à 10 %. dans une voie de régulation de l’inflammation impliquant
NF-KappaB, facteur de transcription nucléaire fondamen-
tal. Quatre mutations ponctuelles représentent au moins
80 % des mutations des sujets atteints, la plus fréquente
étant la mutation M694V avec probablement un effet fon-
dateur. Les mutations portent avant tout sur l’exon 10 et
entraînent la substitution ou la délétion d’un acide aminé
hydrophobe à l’extrémité carboxy-terminale de la protéine.
En cas d’anomalie du gène MEFV, il est possible que l’inter-
action pyrine-ASC ne puisse plus se produire ; l’apoptose
post-inflammatoire des polynucléaires serait alors altérée,
ce qui explique probablement la pérennisation des phéno-
mènes inflammatoires déclenchés par des traumatismes
minimes notamment en raison de la persistance de l’acti-
vation de la voie dépendante de NF-KappaB aboutissant à
une synthèse accrue de IL1 et IL8. Toutefois, le rôle exact
des mutations de MEFV dans le mécanisme de la maladie
n’est pas vraiment élucidé à l’heure actuelle.
Sur le plan clinique, les symptômes apparaissent précoce-
ment, souvent avant 5 ans, et le tableau classique associe
des accès fébriles, souvent intenses (39 à 40 ◦ C), le plus sou-
vent accompagnés de tableaux viscéraux douloureux tho-
raciques, abdominaux (pseudo-abdomen chirurgical), testi-
culaires ou articulaires liés à l’inflammation des séreuses
péricardiques, pleurales, articulaires et vaginales. Les ac-
cès aigus durent de quelques heures à trois jours et dispa-
raissent spontanément en laissant une fatigue résiduelle
transitoire ; ils récidivent sans périodicité particulière et
les patients sont indemnes de symptômes entre les accès.
Un syndrome inflammatoire et une polynucléose neutro-
philique accompagnent en règle les poussées fébriles.
Des signes cutanés très divers ont été décrits, le plus sou-
Coll. D. Bessis

vent peu spécifiques : placards urticariens (fig. 11.2), purpura


infiltré ou non, érythème de la face ou des paumes, œdèmes
Fig. 11.2 Placards urticariens au cours d’une maladie périodique segmentaires, papules ou nodules sous-cutanés inflamma-
toires des zones de friction et surtout pseudo-érysipèle des

 IL interleukine · TNF tumor necrosis factor


11-4 Fièvres périodiques

membres inférieurs ⁵ (fig. 11.3), quasi pathognomonique, ap- stable ou non fonctionnelle. La résultante de ce phénomène
paraissant très souvent précocement après un traumatisme est probablement une augmentation anormale et une pro-
local mineur ou une marche prolongée, à bascule et localisé longation dans le temps de l’activité de ces récepteurs et
électivement entre la cheville et le genou. Les biopsies cu- donc des effets biologiques du TNF-α dont les effets pro-
tanées peuvent mettre en évidence un infiltrat dermique à inflammatoires sont bien connus.
polynucléaires neutrophiles, souvent peu dense, présent es- Le tableau clinique débute à un âge variable, souvent dans
sentiellement à la phase initiale des lésions. Plus rarement, la deuxième décennie. Il associe là encore des épisodes fé-
une authentique image de vasculite, parfois proche d’une briles souvent prolongés (une semaine), des douleurs abdo-
PAN, est mise en évidence. minales parfois très violentes et thoraciques par atteinte
Le diagnostic repose sur une conjonction d’arguments cli- des séreuses, des céphalées, des arthralgies, voire des ar-
niques mais reste un diagnostic d’exclusion dans beau- thrites aseptiques, des myalgies et parfois des adénopa-
coup de cas, faute d’élément clinique et biologique spéci- thies. Les manifestations cutanées et muqueuses sont égale-
fique. Toutefois, un diagnostic génétique est possible de- ment fréquentes : exanthème maculo-papuleux migratoire
puis quelques années et permet un diagnostic précoce dans peu spécifique, plaques urticariennes parfois annulaires,
les populations à risque par la mise en évidence de deux pseudo-érysipèle ou pseudo-cellulite très caractéristique
mutations du gène MEFV, soit homozygotes, soit hétérozy- des membres supérieurs plus qu’inférieurs (à la différence
gotes composites, permettant la mise ne route d’un traite- de la maladie périodique) migrant en quelques jours de la ra-
ment par colchicine le plus tôt possible, notamment chez cine vers l’extrémité du membre et souvent associées à des
l’enfant ; la présence d’une seule mutation n’exclut toute- douleurs et à une raideur du groupe musculaire sous-jacent,
fois pas complètement le diagnostic, notamment dans les œdèmes inflammatoires périoculaires, voire conjonctivite ⁷.
formes d’expression atténuée. Ce diagnostic est actuelle- Ces signes cutanés sont souvent précoces, dans les deux
ment possible en semi-routine dans les centres spécialisés. premières années de vie, et peuvent durer plusieurs jours.
Le pronostic est bien sûr lié à l’évolution vers une amy- La biopsie peut mettre en évidence un infiltrat mononucléé
lose AA, notamment rénale pouvant aboutir à une insuf- périvasculaire du derme superficiel, sans vasculite vraie.
fisance rénale terminale, amylose efficacement prévenue L’amylose rénale est plus rare que dans la maladie pério-
par la prise de colchicine au long cours. Cette complication dique, de type AA, et concerne environ 25 % des patients,
n’est toutefois pas constante et il semble que l’homozygo- certaines mutations semblant d’avantage à risque (portant
tie M694V soit associée à une forme clinique plus grave et sur une cystéine).
à un risque plus élevé d’amylose. Le diagnostic repose sur des arguments génétiques (mise
Le traitement des accès aigus n’est pas codifié. En revanche, en évidence de la mutation) et biochimique (élévation du
la colchicine permet de protéger efficacement les patients TNF-α circulant sans élévation concomitante du récepteur
contre la survenue des accès et l’amylose, à une posologie soluble lors des accès).
variable selon les patients, comprise entre 1 et 2,5 mg/jour. Le traitement n’est pas encore bien codifié, mais l’étaner-
cept, récepteur soluble du TNF-α, représente un espoir im-
Syndrome TRAPS portant et finalement très logique compte tenu de la phy-
siopathologie de la maladie. Les premiers résultats sont en-
Le syndrome TRAPS (Tumor Necrosis Factor-Receptor Asso- courageants avec un schéma thérapeutique proche de celui
ciated Periodic Syndrome) ou fièvre hibernienne familiale du traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde (deux
ou fièvre périodique familiale dominante autosomique bé- injections sous-cutanées à 25 mg/semaine au long cours).
nigne est une affection familiale autosomique dominante L’activité préventive de l’étanercept vis-à-vis de l’amylose
rare décrite en 1982, initialement chez des patients irlan- rénale est encore inconnue. Le traitement des poussées re-
dais mais en fait probablement ubiquitaire ⁶. Elle est liée à pose plutôt sur la corticothérapie générale, d’efficacité en
des mutations (fréquentes mais non constantes) du gène fait inconstante, mais pourrait là encore utiliser l’étaner-
codant pour la chaîne de 55 kDa du récepteur de type I
au TNF-α, situé en 12p13. Plus de 20 mutations ont été
décrites à ce jour, qui portent essentiellement sur les cys-
téines engagées dans des ponts disulfures responsables
de la structure spatiale de la région extracellulaire du ré-
cepteur, notamment dans les régions CRD1 et 2 (exons 1
à 4). Plus rarement elles siègent dans d’autres régions du
domaine extracellulaire. La plupart des mutations sont hé-
Coll Pr O. Dereure, Montpellier

térozygotes et ont un effet dominant négatif. Quoiqu’il en


soit, la mutation gêne le clivage de la protéine (exprimée
notamment à la surface des polynucléaires neutrophiles)
par des protéases et empêche la libération d’une forme so-
luble du récepteur dans le sérum où il peut alors entrer en
compétition avec le récepteur membranaire. Dans d’autres
cas, le récepteur est clivé mais sa fraction soluble est in- Fig. 11.3 Pseudo-érysipèle au cours d’une maladie périodique

 PAN périartérite noueuse · TNF tumor necrosis factor


Syndrome FAPA ou PFAPA 11-5

cept. En revanche, la colchicine n’a apparemment aucun cès durent en principe 7 jours et récidivent toutes les 4 à
intérêt particulier. 8 semaines. Les signes cutanés sont présents chez plus de
75 % des patients, souvent concomitants aux accès fébriles
Syndrome hyper-IgD et sont peu spécifiques : exanthème maculo-papuleux dif-
fus, lésions urticariennes, voire purpuriques, nodules in-
Ce syndrome transmis sur un mode autosomique récessif, flammatoire, pustules, aphtes buccaux (fig. 11.4), érythème
décrit pour la première fois en 1984, atteint surtout des annulaire ou encore chondrite. La biopsie cutanée ne re-
patients européens. Il est lié dans la majorité des cas à des trouve qu’un infiltrat mononucléé et/ou à PNN en propor-
mutations du gène codant pour la mévalonate kinase qui tions variables, en situation périvasculaire.
intervient dans le métabolisme des stérols ; ces mutations Biologiquement, c’est surtout l’élévation importante du
sont en général de type faux-sens et portent surtout sur taux sérique des IgD (au-delà de 100 mg/l) mais aussi des
les acides aminés 268 et 377. Elles aboutissent à une di- IgA et la présence d’un syndrome inflammatoire constant
minution de l’activité de l’enzyme avec accumulation des et persistant entre les poussées cliniques qui caractérisent
métabolites d’amont ⁸. Les relations génotype-phénotype la maladie. Le diagnostic repose sur le dosage des IgD dans
sont encore mal définies, de même que la physiopathologie le sang et sur l’étude de l’activité de la mévalonate kinase
de la maladie même s’il semble que ce soit le déficit en iso- ainsi que sur l’étude du gène lui-même.
prène, fruit du blocage enzymatique, qui soit responsable Le pronostic d’ensemble est plutôt relativement favorable,
de l’activité pro-inflammatoire, en augmentant la sécrétion sans lésion viscérale majeure, tandis que les poussées in-
d’interleukine 1 β par les cellules déficitaires. L’activité anti- flammatoires diminuent en général avec l’âge. Il n’existe
inflammatoire des isoprènes, qui semble donc probable, notamment pas de risque d’amylose rénale.
reste toutefois à préciser. Il est intéressant de noter que Le traitement n’est pas codifié et il utilise surtout la cor-
le déficit complet de cette enzyme est responsable d’une ticothérapie orale au long cours ainsi que, peut-être, la ci-
maladie pédiatrique grave, l’acidurie mévalonique, qui asso- closporine et les gammaglobulines intraveineuses. La sim-
cie également des troubles neurologiques et un retard de vastatine au long cours réduirait la fréquence et l’intensité
croissance. Les mutations en cause dans les deux affections des accès. En revanche, le thalidomide ne semble pas avoir
affectent des régions distinctes de la molécule. Il est donc d’effet particulier.
possible que le syndrome hyper-IgD soit en fait une forme
atténuée et imcomplète de l’acidurie mévalonique. Enfin, Syndrome FAPA ou PFAPA
l’activité de l’enzyme est plus basse à 39 ◦ C qu’à 37 ◦ C, ce
qui pourrait expliquer le déclenchement des poussées par Le syndrome FAPA ou PFAPA (Periodic Fever Aphthous stom-
une élévation non spécifique de la température (infection, atitis, Pharyngitis and Cervical Adenitis) est une affection
vaccination, effort, etc.). sporadique décrite par Marshall en 1989. Elle ne répond
pas à un substratum génétique précis (pas de contexte
familial) et débute souvent avant 5 ans ¹⁰. Le tableau cli-
nique se caractérise par des épisodes fébriles souvent ma-
jeurs, 40 ◦ C ou plus, récidivant à intervalle fixe de 2 à
8 semaines, durant quelques jours, et disparaissant sans
traitement particulier. Il s’y associe de façon variable un
malaise général, une pharyngite, une stomatite aphtoïde
et des adénopathies cervicales. Entre chaque accès, les
patients, qui sont souvent des enfants, sont asymptoma-
tiques. La biologie est normale en dehors et lors des ac-
cès avec toutefois parfois une neutrocytose modérée lors
de ces derniers. Le pronostic est bon, les poussées s’atté-
nuant souvent avec l’âge tandis qu’aucune complication
Coll. D. Bessis

viscérale particulière n’est décrite à long terme. L’étio-


logie est inconnue. Le traitement des poussées repose
Fig. 11.4 Érosions aphtoïdes palatines au cours d’un syndrome avant tout sur la prednisone orale, souvent rapidement
hyper-IgD efficace.

Les premiers signes cliniques apparaissent le plus souvent


dans la petite enfance avec des poussées fébriles pério- Fièvres périodiques avec mutation du
diques lors d’épisodes infectieux ou de vaccinations, mar- gène CIAS1
quées par une hyperthermie importante (plus de 39 ◦ C) et
pouvant s’accompagner de divers signes viscéraux, en parti- Trois affections distinctes sont liées à des mutations du
culier articulaires (arthralgies, arthrites périphériques), ab- même gène, le syndrome de Muckle et Wells, le syndrome
dominaux (douleurs, vomissements, diarrhée), mais aussi CINCA (Chronic Infantile Neurological Cutaneous and Ar-
adénopathies cervicales, et hépatosplénomégalie ⁹. Les ac- ticular Syndrome) et le syndrome auto-immun au froid.
11-6 Fièvres périodiques

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 11.5 Urticaire diffuse et fixe du tronc au cours d’un syndrome de Muckle et Wells

Ces trois affections sont sous-tendues par des mutations Syndrome de Muckle et Wells
du gène CIAS1 (pour Cold-Induced Auto-inflammatory Syn- Transmis sur un mode autosomique dominant, il asso-
drome I) qui code pour la cryopyrine encore appelée PYPAF1 cie des poussées fébriles, des frissons, des lésions urtica-
ou NALP3 ¹¹,¹². Les mutations retrouvées au cours du syn- riennes souvent fixes (fig. 11.5) et non prurigineuses, évo-
drome CINCA sont distinctes de celles observées dans le luant par poussées, une surdité neurosensorielle et une
syndrome de Muckle et Wells et le syndrome auto-immun amylose essentiellement rénale. Conjonctivite, aphtes buc-
au froid alors que certaines sont communes à ces deux der- caux, dysmorphie, vasculite nécrosante, atteinte neurolo-
nières entités. Toutefois, certaines familles atteintes ne gique notamment sensitive, arthralgies et arthrites sont
présentent pas de mutations du gène CIAS1 et d’autres moins fréquentes. Les lésions cutanées sont souvent d’ap-
gènes, probablement de la même famille, restent à décou- parition retardée par rapport à la surdité et déclenchées
vrir. Toutes les mutations décrites à ce jour portent sur par des variations thermiques ou la fatigue, peuvent s’ac-
l’exon 3 du gène, notamment sur la région codant pour le compagner d’arthralgies synchrones, durent 1 à 3 jours et
domaine NBS (Nucleotide Binding Site)/NACHT de la pro- récidivent à intervalles très variables. L’histologie n’est pas
téine. spécifique. Le pronostic est dominé par la survenue d’une
La cryopyrine, comme la pyrine (avec laquelle elle partage amylose multiviscérale de type AA, notamment rénale, heu-
d’ailleurs la présence d’un domaine pyrine de 90 acides reusement inconstante. La colchicine est habituellement
aminés en situation N-terminale), est manifestement im- inefficace, contrairement à la maladie périodique, mais les
pliquée dans la régulation de l’apoptose des polynucléaires corticoïdes à petites doses sont souvent suffisants pour
et de la réponse inflammatoire, notamment en activant la faire disparaître les poussées inflammatoires.
pro-caspase 1 qui clive la pro IL-1-β et permet l’apparition
de l’IL-1-β, molécule fortement pro-inflammatoire. Les mu- Urticaire au froid familiale ou syndrome auto-immun au froid
tations de la cryopyrine permettraient une prolongation Cette affection est proche du syndrome de Muckle et Wells,
de cette activité pro-inflammatoire, peut-être par échappe- mais s’en différencie par le déclenchement de poussées fé-
ment aux mécanismes de régulation ou par stabilisation briles par une exposition généralisée et assez prolongée au
de la protéine ¹². Par ailleurs, une liaison cryopyrine-ASC froid, accès souvent associés à une éruption cutanée maculo-
est possible par l’intermédiaire de leurs domaines pyrine, papuleuse peu spécifique, prurigineuse. Les symptômes
avec modulation des voies apoptotiques et inflammatoires sont souvent retardés de plusieurs heures par rapport à
dépendant notamment de NF-KappaB ; les mutations de la l’exposition au froid. Arthralgies et conjonctivites sont éga-
cryopyrine pourraient également modifier l’équilibre entre lement possibles. Le pronostic rejoint celui du syndrome
ces deux voies dans les PNN. de Muckle et Wells, avec une amylose rénale là encore in-

 IL interleukine
Neutropénie cyclique 11-7

constante. Une option thérapeutique intéressante pourrait


être les antagonistes du récepteur à l’IL-1.

Syndrome CINCA
Encore appelé NOMID (Neonatal Onset Multisystem Inflam-
matory Disease), individualisé en 1987 ¹³, il n’est en géné-
ral pas familial malgré son caractère génétique. Les symp-
tômes, d’apparition souvent très précoce, parfois dès les
premiers jours ou les premières semaines de vie, associent
1o une atteinte cutanée particulièrement précoce à type
d’érythème urticarien non prurigineux (fig. 11.6), récidivant
avec infiltration du derme par des PNN sur la biopsie cuta-

Coll. Pr A.-M. Prieur, Paris


née ; 2o des signes articulaires tels que des arthralgies
ou des arthrites récidivantes conduisant à un véritable rhu-
matisme inflammatoire déformant avec notamment une
hypertrophie caractéristique de la rotule et des cartilages
de conjugaison (fig. 11.7, fig. 11.8) ; 3o des signes neurolo-
giques. Ces derniers font toute la gravité de la maladie : mé- Fig. 11.7 Hypertrophie de la rotule au cours d’un syndrome CINCA
ningite chronique amicrobienne à neutrophiles avec cépha-
lées chroniques, comitialité, spasticité, syndromes défici- Neutropénie cyclique ¹⁴
taires centraux, atteinte progressive des différents organes
sensoriels avec uvéite et conjonctivite et/ou surdité neu- Cette maladie rare à transmission autosomique dominante
rosensorielle progressive, retard psychomoteur fréquent est liée à des mutations du gène codant pour l’élastase de
et progressif. Une dysmorphie faciale avec front élargi et type 2 des neutrophiles conduisant probablement à une
bombé, nez en selle, cheveux fins et fragiles est souvent as- apoptose prématurée des précurseurs médullaires des neu-
sociée. La fièvre est pratiquement constante lors des pous- trophiles. Les poussées fébriles sont contemporaines des
sées de cette affection au pronostic redoutable, notamment épisodes de neutropénie, et surviennent de façon brutale
sur le plan neurologique. L’évolution vers une amylose ré- et souvent périodique avec des intervalles de l’ordre de 2 à
nale est également possible. Il n’existe actuellement au- 3 semaines. Il s’y associe malaise général, frissons, aphtes
cun traitement efficace du syndrome CINCA puisque corti- souvent multiples et douloureux de la cavité buccale, voire
coïdes et immunosuppresseurs sont souvent peu opérants du pharynx, et infections cutanées ou viscérales (pulmo-
et n’influencent pas de toute façon le cours de la maladie. naires, péritonéales, septicémie, etc.) sans grande spécifi-
Dans ces trois affections, le syndrome inflammatoire biolo- cité. Hémorragies gingivales, caries dentaires multiples, dé-
gique est souvent majeur au cours des accès fébriles, tout chaussements dentaires, adénopathies périphériques sont
particulièrement dans le CINCA qui est la plus grave des plus rares. Le pronostic d’ensemble reste assez bon, la surve-
trois. Il n’existe aucun élément paraclinique spécifique et nue d’une amylose viscérale AA étant rare. Les corticoïdes à
le diagnostic n’est souvent qu’un diagnostic d’élimination doses modérées à moyennes sont souvent efficaces lors des
tardif par exemple devant un tableau inflammatoire à re- épisodes de neutropénie. Le G-CSF peut être employé dans
chutes fébriles et atteintes multiviscérales ayant débuté les cas plus sévères ou quand les épisodes de neutropénie
très précocement pour le syndrome CINCA. Toutefois, un sont rapprochés.
diagnostic génétique est actuellement possible en centre
spécialisé avec étude directe du gène CIAS1.
Coll. Pr A.-M. Prieur, Paris

Coll. Pr A.-M. Prieur, Paris

Fig. 11.6 Éruption urticarienne au cours d’un syndrome CINCA Fig. 11.8 Atteinte osseuse rotulienne au cours d’un syndrome CINCA

 IL interleukine
11-8 Fièvres périodiques

Syndrome PAPA de mutations hétérozygotes faux-sens de type E250Q ou


A230T du gène codant pour la protéine CD2 Binding Pro-
Le syndrome PAPA (Pyogenic sterile Arthritis, Pyoderma Gan- tein 1 (CD2BP1) ; cette protéine se lie à la pyrine et à l’ac-
grenosum, Acne) est une affection très rare est familiale. tine et joue probablement un rôle dans la réorganisation
Elle associe de façon variable dans les familles concernées du cytosquelette. Les mutations décrites pourraient gêner
une polyarthrite destructrice et ankylosante à PNN, un l’apoptose pyrine-dépendante des PNN et/ou altérer de
pyoderma gangrenosum, une acné nodulokystique sévère, façon plus générale les mécanismes apoptotiques. Il est
une acné des plis, des abcès aux sites de ponction, et une intéressant de noter que la protéine CD2BP1 se lie égale-
myélosuppression aux sulfamides ; le mode de transmis- ment avec la protéine WASP impliquée dans le syndrome
sion semble autosomique dominant à pénétrance variable de Wiskott-Aldrich et dans la neutropénie liée à l’X mais
et l’anomalie génétique responsable de cette entité a été les mutations ne concernent pas la région de liaison avec
identifiée sur le bras long du chromosome 15 ¹⁵. Il s’agit WASP.

1 Drenth JP, van der Meer JW. Hereditary peri- odic syndrome : a novel syndrome with cuta- and evidence for genetic heterogeneity in pa-
odic fever. N Engl J Med 2001 ; 345:1748-1757. neous manifestations. Arch Dermatol 2000 ; 136: tients with neonatal-onset multisystem inflam-
2 Dereure O. Fièvres périodiques. Ann Derma- 1487-1494. matory disease (NOMID) : a new member of
tol Venereol 2002 ; 129:338-342. 8 Cuisset L, Drenth JP, Simon A et al. Interna- the expanding family of pyrin-associated autoin-
3 Grateau G, Granel B, Hentgen V et al. Fièvres tional Hyper-IgD Study Group. Molecular anal- flammatory diseases. Arthritis Rheum 2002 ; 46:
intermittentes héréditaires. Presse Med 2004 ; ysis of MVK mutations and enzymatic activity 3340-3348.
33:1195-1206. in hyper-IgD and periodic fever syndrome. Eur 13 Prieur AM, Griscelli C, Lampert F et al.
4 Centola M, Wood G, Frucht DM et al. The J Hum Genet 2001 ; 9:260-266. A chronic, infantile, neurological, cutaneous
gene for familial Mediterranean fever, MEFV, is 9 Drenth JP, Haagsma CJ, van der Meer JW. and articular (CINCA) syndrome. A specific en-
expressed in early leukocyte development and Hyperimmunoglobulinemia D and periodic fe- tity analysed in 30 patients. Scand J Rheumatol
is regulated in response to inflammatory medi- ver syndrome. The clinical spectrum in a series Suppl 1987 ; 66:57-68.
ators. Blood 2000 ; 95:3223-3231. of 50 patients. International Hyper-IgD Study 14 Rodenas JM, Ortego N, Herranz MT et al.
5 Barzilai A, Langevitz P, Goldberg I et al. Group. Medicine (Baltimore) 1994 ; 73:133-144. Cyclic neutropenia : a cause of recurrent apht-
Erysipelas-like erythema of familial Mediter- 10 Marshall GS, Edwards KM, Lawton AR. hous stomatitis not to be missed. Dermatology
ranean fever : clinicopathologic correlation. J PFAPA syndrome. Pediatr Infect Dis J 1989 ; 8: 1992 ; 184:205-207.
Am Acad Dermatol 2000 ; 42:791-795. 658-659. 15 Shoham NG, Centola M, Mansfield E
6 Hull KM, Drewe E, Aksentijevich I et al. The 11 Hoffman HM, Mueller JL, Broide DH et al. et al. Pyrin binds the PSTPIP1/CD2BP1 pro-
TNF receptor-associated periodic syndrome Mutation of a new gene encoding a putative tein, defining familial Mediterranean fever and
(TRAPS) : emerging concepts of an autoinflam- pyrin-like protein causes familial cold autoin- PAPA syndrome as disorders in the same path-
matory disorder. Medicine (Baltimore) 2002 ; 81: flammatory syndrome and Muckle-Wells syn- way. Proc Natl Acad Sci U S A 2003 ; 100:13501-
349-368 drome. Nat Genet 2001 ; 29:301-305. 13506.
7 Toro JR, Aksentijevich I, Hull K et al. Tu- 12 Aksentijevich I, Nowak M, Mallah M et al.
mor necrosis factor receptor-associated peri- De novo CIAS1 mutations, cytokine activation,

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Dereure O. Fièvres périodiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques
des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 11.1-11.8.
12
Paraprotéinémies
Dan Lipsker

Signes cutanés et dermatoses associées Sécrétion de cytokines et inflammation de contiguïté


à une paraprotéinémie 12-1 12-7
Classification anatomoclinique et pathogénique 12-1 Syndrome AESOP 12-7
Infiltration cutanée lymphoplasmocytaire et Syndrome POEMS 12-7
dépôts extravasculaires d’immunoglobulines 12-2 Mécanismes indéterminés 12-7
Dépôts intravasculaires d’immunoglobulines et Syndrome de fuite capillaire 12-7
cryoglobulinémies 12-3 Xanthogranulome nécrobiotique 12-8
Activité particulière de l’immunoglobuline monoclonale Spicules kératosiques 12-9
12-5 Références 12-9

a découverte d’une gammapathie monoclonale est le autre cause évidente, la pratique d’une électro- et d’une
L plus souvent banale, puisqu’elle existe chez 3 % des
sujets de plus de 70 ans et qu’elle est de « signification indé-
immunoélectrophorèse des protéines sériques ainsi que la
recherche d’une protéinurie de Bence-Jones sont illustrés
terminée » (anciennement « dysglobulinémie monoclonale à l’encadré 12.A.
bénigne ») dans plus de 60 % des cas. Ailleurs, elle peut L’encadré 12.B illustre les dermatoses fréquemment associées
révéler un myélome, une maladie de Waldenström, un lym- à la présence d’une immunoglobuline monoclonale.
phome, une leucémie lymphoïde chronique, une amylose
ou un plasmocytome ¹. Il est établi que 15 % environ des su- Classification anatomoclinique et pathogénique
jets avec une dysglobulinémie monoclonale de signification
indéterminée évolueront vers l’une de ces affections, prin- La pathogénie des lésions cutanées associées aux proliféra-
cipalement un lymphome, une leucémie lymphoïde chro- tions lymphoplasmocytaires sécrétrices de paraprotéine
nique ou un myélome. Du fait de la prévalence élevée des n’est pas toujours connue. La classification anatomocli-
dysglobulinémies monoclonales, surtout chez le sujet âgé, nique et pathogénique (fig. 12.1) suivante est proposée :
l’association fortuite entre certains signes cutanés et la pré- − infiltration cutanée lymphoplasmocytaire et/ou dé-
sence d’une immunoglobuline monoclonale est fréquente. pôt extravasculaire d’immunoglobulines et/ou de frag-
Ce chapitre sera focalisé sur les associations qui ne sont pas ments d’immunoglobulines ;
fortuites, soit parce qu’il existe des arguments épidémiolo-
giques indiscutables, soit parce qu’un lien de causalité a pu
être démontré. Nous utiliserons le terme de paraprotéine Signes cutanés évocateurs d’une paraprotéinémie
pour désigner la présence anormale d’une immunoglobu- Hippocratisme digital
line monoclonale ou d’un produit dérivé d’une immuno- Hyperpigmentation
globuline (chaîne lourde, chaîne légère, dépôts amyloïdes Nécroses cutanées
immunoglobulinémiques...). Œdèmes
Plaque érythématoviolacée hyperhémique
Purpura
Signes cutanés et dermatoses associées Réaction cutanée anormale au froid (phénomène de Raynaud, urticaire
à une paraprotéinémie au froid, purpura au froid...)
Sclérose, « sclérœdème »
Une prolifération de lymphocytes ou de plasmocytes sé- Spicules kératosiques
créteurs de protéines monoclonales entraîne parfois des Télangiectasies profuses
manifestations cutanées qui peuvent en être révélatrices. Urticaire fébrile
Aussi, les signes cutanés qui imposent, en l’absence d’une 12.A
12-2 Paraprotéinémies

Dermatoses associées à une paraprotéinémie Infiltration cutanée lymphoplasmocytaire et


Angiome gloméruloïde
Cutis laxa acquis dépôts extravasculaires d’immunoglobulines
Dermatoses neutrophiliques
Mucinoses (mucinose papuleuse acrale, scléromyxœdème, sclérœdème) Il peut s’agir d’une infiltration cutanée par les cellules lym-
Œdème angioneurotique acquis phoplasmocytaires. C’est par exemple le cas des plasmocy-
Syndrome de Fanconi acquis tomes cutanés (fig. 12.2), des localisations cutanées (excep-
Syndrome de fuite capillaire tionnelles) au cours de la maladie de Waldenström (fig. 12.3)
Vasculite ou du myélome (fig. 12.4), via un envahissement par conti-
Xanthogranulome nécrobiotique guïté à partir d’un foyer osseux ou au cours d’une localisa-
Xanthome normolipidémique tion métastatique. Des immunoglobulines ou fragments
12.B d’immunoglobulines peuvent se déposer dans la peau au
cours des diverses affections résumées dans l’encadré 12.C.
Dans ces cas, cliniquement, il s’agit le plus souvent de pa-
Affections cutanées et dépôts extravasculaires d’Ig pules (de surcharge), de plaques ou de nodules tumoraux.
Macroglobulinodermie Dans toutes ces situations, l’examen histopathologique est
Amylose AL un élément diagnostique s’il arrive à déterminer la nature
Amylose nodulaire et plasmocytome cutané de l’infiltrat cellulaire ou à démontrer les dépôts d’immu-
Maladie de Randall (dépôt de chaînes légères) noglobulines. Le recours aux colorations spéciales (thiofla-
Hyperkératose associée au myélome (spicule myélomateuse) vine T, rouge congo...), aux techniques immunohistochi-
12.C miques (anticorps anti-CD20, anti-chaînes légères, anti-
CD79a, anti-CD138...), et parfois à l’immunofluorescence
− dépôts intravasculaires d’immunoglobulines ; (dépôt d’immunoglobulines, de chaînes légères), est sou-
− activité particulière de l’immunoglobuline monoclo- vent nécessaire. La microscopie électronique n’est pas in-
nale ; dispensable. Les amyloses font partie de ce groupe d’affec-
− sécrétion de cytokines par la prolifération lymphoplas- tions.
mocytaire et inflammation de contiguïté ; Les papules de surcharge en IgM (ou macroglobulinoder-
− mécanismes indéterminés. mie), décrites au cours de la maladie de Waldenström, dont

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Coll. D. Bessis

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Fig. 12.1 Classification anatomoclinique et pathogénique des paraprotéinémies
Dépôts intravasculaires d’immunoglobulines et cryoglobulinémies 12-3

Coll. Pr J.-P. Lacour, Nice


Fig. 12.3 Nodules cutanés témoignant d’une atteinte cutanée de
maladie de Waldenström

Coll. Pr D. Lipsker, Strasbourg

Fig. 12.2 Plaques et nodules infiltrés périmalléolaires chez un sujet avec


un plasmocytome cutané, sans signe de myélome

elles peuvent être révélatrices, sont un paradigme de ce


mécanisme ². Il s’agit de papules des extrémités, rose ou

Coll. D. Bessis
couleur chair, parfois déprimées au centre. Il n’existe en
général pas plus de 10 à 15 lésions. Sur le plan histopatho-
logique existe un infiltrat lymphoplasmocytaire périvascu- Fig. 12.4 Nodule cutané ulcéré témoignant d’un envahissement par
laire dermique superficiel et profond ainsi qu’un aspect contiguïté à partir d’un foyer osseux au cours du myélome
œdémateux du derme superficiel, qui est la conséquence
des dépôts d’IgM. Une examen en immunofluorescence ou de l’amylose systémique immunoglobulinémique AL. Cela
un immunomarquage des chaînes légères est nécessaire explique pourquoi la biopsie cutanée, même en l’absence
pour établir le diagnostic, qui impose une immunoélectro- de signe cutané, permet parfois d’établir, ou du moins de
phorèse des protéines. suspecter, ce diagnostic. Le recours à la biopsie cutanée
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que toutes les maladies profonde (permettant l’examen de l’hypoderme) est ainsi
avec dépôts de paraprotéines (exemples : papules de sur- souvent justifié devant une suspicion d’amylose ou de ma-
charge, amyloses, maladies des chaînes lourdes/légères) ladie des chaînes légères (maladie de Randall) par exemple.
sont des maladies générales. De ce fait, les dépôts de para-
protéines peuvent être présents en peau saine et en peau lé-
sée. Les signes cliniques peuvent être la conséquence d’une Dépôts intravasculaires d’immunoglobulines et
densité de dépôts plus importante, comme par exemple cryoglobulinémies
dans les papules de surcharge en IgM. L’apparition de
signes cliniques peut aussi nécessiter des facteurs surajou- D’un point de vue clinique, histopathologique et pathogé-
tés, comme la traction mécanique dans les zones de tension nique, il nous paraît nécessaire de séparer les dépôts ex-
pour le purpura et les ecchymoses qui apparaissent dans travasculaires des dépôts intravasculaires d’immunoglobu-
les endroits fragilisés par les dépôts amyloïdes au cours lines et/ou de fragments d’immunoglobulines. En effet, la
12-4 Paraprotéinémies

conséquence clinique d’un dépôt intravasculaire d’immu- suivante, en fonction de la nature mono- et/ou polyclonale
noglobuline est presque toujours une vasculopathie throm- de leurs constituants :
bosante. Les nécroses cutanées des cryoglobulinémies mo- − les cryoglobulines monoclonales composées d’immuno-
noclonales illustrent bien ce mécanisme ³. Cette vasculopa- globulines avec uniquement une classe ou sous-classe
thie thrombosante peut être à son tour responsable d’une de chaînes lourdes ou légères ;
prolifération réactionnelle des cellules endothéliales. Cela − les cryoglobulines mixtes avec un constituant monoclo-
est le cas au cours des angiomes gloméruloïdes (fig. 12.5) nal, qui sont composées d’immunoglobulines apparte-
qui peuvent se voir au cours du syndrome POEMS ou des nant à deux classes différentes, l’une d’entre elles étant
cryoglobulinémies ou encore au cours des angiomatoses monoclonale ;
réactionnelles sur paraprotéinémie ⁴,⁵. − les cryoglobulines mixtes polyclonales, qui sont com-
posées d’immunoglobulines hétérogènes appartenant
habituellement à deux classes (ou plus) différentes.
Les cryoglobulines peuvent parfois comporter d’autres pro-
téines sériques, notamment des constituants du complé-
ment. Le taux d’une cryoglobuline est très variable (traces
à plus de 50 g/l).
Les signes cutanés associés aux cryoglobulinémies sont
nombreux et il peut s’agir de façon isolée ou groupée d’un
phénomène de Raynaud, d’un gonflement douloureux des
Coll. Pr D. Lipsker, Strasbourg
extrémités, d’une acrocyanose (fig. 12.6), d’un livédo (fig. 12.7),
d’une urticaire, de macules, de papules, de plaques et de
nodules érythémateux, parfois purpuriques, de vésicules
et/ou de bulles, de nécroses et d’ulcérations cutanées plus
ou moins extensives (fig. 12.8). Certaines de ces manifesta-
tions traduisent une vasculopathie thrombosante, dont le
Fig. 12.5 Angiome gloméruloïde au cours d’un syndrome POEMS pronostic est grave et elles sont alors associées à une cryo-
(hématoxyline-éosine-safran, × 160). Il s’agit d’une prolifération globulinémie monoclonale ou à fort composant monoclo-
endovasculaire reproduisant le dessin d’un glomérule rénal. Les nal. Les autres traduisent une maladie à complexe immun,
dépôts amorphes intra-luminaux correspondent à des dépôts de comme une vasculite leucocytoclasique et elles sont l’apa-
l’immunoglobuline monoclonale nage des cryoglobulinémies mixtes essentiellement. Ainsi,
le purpura rétiforme (livédo à évolution purpurique), le pur-
Dans toutes ces situations, l’examen histopathologique pura stellaire et les nécroses cutanées sont généralement
peut apporter une aide déterminante dans le diagnostic déclenchées par le froid et en rapport avec une obstruc-
et doit en tout cas permettre de suspecter la présence tion vasculaire thrombotique (fig. 12.9). D’autres signes sont
d’une paraprotéine et de comprendre le mécanisme lésion- évocateurs du diagnostic, car ils peuvent également être dé-
nel. Une coloration par le PAS, le recours à l’immunomar- clenchés par le froid. Leur topographie aux zones où la tem-
quage des chaînes légères ou des marqueurs endothéliaux pérature cutanée est plus basse, comme la pointe du nez,
et musculaires lisses (CD34, CD31, α-actine) est souvent les oreilles et les extrémités, est suggestive : phénomène de
très utile. Le diagnostic différentiel avec des affections Raynaud, papules et plaques, purpura palpable ; ces deux
thrombosantes et/ou réactionnelles micro-angiopathiques derniers traduisent une vasculite leucocytoclasique, habi-
résultant d’un autre mécanisme (ex. : syndrome des an- tuellement associée aux cryoglobulinémies mixtes.
ticorps antiphospholipides/cofacteurs) n’est pas toujours Si les nécroses cutanées extensives peuvent mettre en
possible ⁶. cause le pronostic vital du malade, la gravité d’une cryoglo-
Les cryoglobulinémies sont le paradigme de ce type de bulinémie est habituellement déterminée par les atteintes
mécanisme. Une cryoglobuline est définie par la présence, extracutanée, rénale (glomérulonéphrite proliférative dif-
lorsque le sérum est laissé à + 4 ◦ C, d’un précipité qui a fuse avec dépôts endomembraneux) et neurologique (mul-
les propriétés de se redissoudre lors du réchauffement du tinévrite). La néphropathie glomérulaire doit être régulière-
sérum. Le biologiste doit ensuite déterminer les protéines ment cherchée en cours d’évolution. Les lésions de vasculite
impliquées dans la cryoprécipitation, le taux de cryoglo- peuvent cependant diffuser aux autres organes et entraîner
buline et la température initiale de précipitation. L’expé- des signes cardiovasculaires, pulmonaires, articulaires et
rience clinique montre que le diagnostic biologique d’une neurologiques centraux. La cause d’une cryoglobulinémie
cryoglobulinémie n’est pas toujours facile, et cela est sou- doit toujours être soigneusement cherchée. Les signes de la
vent lié à des mauvaises conditions de prélèvement (pièce cryoglobulinémie peuvent précéder de longue date ceux de
insuffisamment chauffée) et/ou d’acheminement du pré- l’affection associée, aussi faut-il savoir suivre ces malades
lèvement. Aussi, devant un tableau clinique évocateur de et répéter les investigations si nécessaire. L’enquête étiolo-
cryoglobulinémie, la découverte d’un facteur rhumatoïde gique est difficile, car la présence de cryoglobulines a été
et d’un abaissement du C4 est fortement évocateur de ce décrite au cours de très nombreuses affections aiguës ou
diagnostic. Les cryoglobulines sont classées de la manière chroniques. Il faudra notamment chercher une hémopathie
Activité particulière de l’immunoglobuline monoclonale 12-5

Coll. D. Bessis
Fig. 12.6 Acrocyanose et papules urticariennes fixes disposées
linéairement en regard de trajets veineux superficiels au cours d’une
cryoglobulinémie mixte

lymphoplasmocytaire, surtout en cas de cryoglobulinémie


monoclonale, une maladie auto-immune et/ou une infec-
tion. Le rôle des hépatites B et surtout C, du fait de leur
prévalence importante et de par la fréquence d’une cryo-
globulinémie associée (présente chez 5 à 50 % des malades
infectés par le VHC, mais symptomatique chez moins de
10 % des malades), ainsi que par les conséquences théra-
peutiques, mérite d’être souligné.
Le traitement des cryoglobulinémies dépasse le cadre de cet
ouvrage et ne sera que mentionné dans les grandes lignes.

Coll. D. Bessis
La protection contre le froid relève du bon sens. Les mani-
festations cutanées non nécrotiques ne justifient pas un
traitement « lourd » par immunosuppresseurs ou plasma-
phérèse. Les antipaludéens de synthèse, la colchicine et la Fig. 12.7 Livédo racémeux des membres inférieurs au cours d’une
dapsone, ont été crédités de quelques succès anecdotiques. cryoglobulinémie polyclonale de type mixte
Les formes graves peuvent être traitées par plasmaphérèse
en cas de fort composant monoclonal avec ischémie par pré- associée à la maladie de Waldenström, où se forment des
cipitation intravasculaire et par fortes doses de corticoïdes bulles jonctionnelles avec des dépôts de l’IgM monoclo-
et de cyclophosphamide en cas de néphropathie gloméru- nale le long de la jonction dermo-épidermique, pourrait
laire. Dans tous les cas, si un traitement étiologique est également résulter d’un tel mécanisme, même si la cible
indiqué du fait d’une affection associée (chimiothérapie antigénique n’est pas encore établie ⁹. Nous pensons qu’il
d’une hémopathie, association ribavirine–interféron-α si faut classer les lésions cutanées du syndrome de Schnitz-
hépatite), celui-ci devra être mis en œuvre. ler dans cette catégorie. Ce syndrome rare est caractérisé
par une urticaire chronique fébrile et une paraprotéinémie
monoclonale IgM et le diagnostic repose sur les critères
Activité particulière de l’immunoglobuline figurant dans l’encadré 12.D ¹⁰. L’éruption de ce syndrome est
monoclonale caractéristique. Il s’agit de macules et de plaques, fugaces,
à peine surélevées, rose à rouge, initialement non ou peu
Dans cette situation, l’immunoglobuline monoclonale a prurigineuses (fig. 12.10). Les lésions ne sont pas œdéma-
une activité biologique spécifique lui conférant des pro- teuses et ne possèdent pas de renforcement périphérique
priétés particulières. Il en est ainsi au cours de certains marqué comme c’est souvent le cas dans l’urticaire com-
myélomes où l’immunoglobuline possède une activité anti- mune. Le visage est souvent respecté. Il a pu être mon-
LDL. Cela a pour conséquence la formation de complexes tré que l’IgM monoclonale des malades atteints de ce syn-
immuns, une hypocomplémentémie et l’apparition de xan- drome possédait toujours une activité dirigée contre des
thomes plans normolipémiques ⁷. L’examen histopatholo- constituants de la région de la jonction dermo-épidermique
gique de ces xanthomes n’a pas de spécificité et c’est au cli- ou de l’épiderme. Même si les anomalies immunopatholo-
nicien de porter ce diagnostic. L’œdème angioneurotique giques sont hétérogènes (activité IgM dirigée contre les
acquis au cours de différentes lymphoproliférations B, par filaments d’ancrage, contre les desmosomes...), elles sont
activité de la paraprotéine contre l’inhibiteur du C1q, est constamment présentes ¹¹. Sur le plan microscopique, il
un autre exemple de mécanisme ⁸. La dermatose bulleuse s’agit le plus souvent d’une urticaire neutrophilique sans

 VHC virus de l’hépatite C


12-6 Paraprotéinémies

Coll. D. Bessis

Coll. Pr D. Lipsker, Strasbourg


Fig. 12.8 Nécrose cutanée distale d’un orteil et livédo au cours d’une
cryoglobulinémie mixte liée à une hépatite virale chronique C

vasculite ¹². Aussi, une urticaire chronique neutrophilique


fébrile (ou associée à d’autres signes systémiques comme
des arthralgies, des douleurs osseuses, une organoméga-
lie...) doit faire évoquer la possibilité de ce syndrome et Fig. 12.9 Livédo à évolution purpurique (« purpura rétiforme ») et
imposer une immunoélectrophorèse des protéines. Le prin- nécrotique au cours d’une cryoglobulinémie monoclonale. Noter également
cipal diagnostic différentiel du syndrome de Schnitzler est les lésions purpuriques stellaires. Le purpura rétiforme et le purpura
la maladie de Still de l’adulte, qui associe également une stellaire traduisent presque toujours une vasculopathie thrombosante
éruption urticarienne fébrile avec adéno- et organomégalie, évolutive et imposent donc une prise en charge immédiate
fièvre et arthralgies et/ou arthrite. Sur le plan histopatho-
logique, il s’agit également d’une urticaire neutrophilique. Critères diagnostiques du syndrome de Schnitzler
Deux éléments peuvent être discriminants au début de l’af- Urticaire chronique, immunoglobuline monoclonale IgM et au moins
fection :
deux des manifestations suivantes :
− l’horaire de l’éruption cutanée : vespérale, au moment
du pic fébrile, au cours de la maladie de Still de l’adulte 1. Fièvre
et sans horaire particulier dans le syndrome de Schnitz- 2. Arthralgies ou arthrites
ler ; 3. Douleurs osseuses
− la présence d’une l’immunoglobuline monoclonale IgM, 4. Adénopathies palpables
mais qui peut être absente dans les formes initiales du 5. Hépato- ou splénomégalie
syndrome de Schnitzler. Une restriction sur les IgM
6. Accélération de la vitesse de sédimentation
doit alors attirer l’attention du clinicien. Dans la ma-
ladie de Still de l’adulte en revanche, la ferritinémie 7. Leucocytose
est particulièrement élevée et sa fraction glycosylée est 8. Anomalies à l’imagerie osseuse
effondrée. 12.D
Chez le nourrisson et l’enfant, le diagnostic de syndrome
de Schnitzler est parfois évoqué, mais ce sont différents Les autres diagnostics différentiels incluent une autre ma-
syndromes auto-inflammatoires alléliques d’une mutation ladie auto-inflammatoire, le syndrome hyper-IgD, ainsi que
du gène CIAS1 qu’il faut savoir évoquer à cet âge, en plus la vasculite urticarienne hypocomplémentémique (notam-
de la maladie de Still : syndrome NOMID, syndrome (ou ment associée au lupus érythémateux), les maladies neu-
amylose) de Muckle et Wells et urticaire familiale au froid. trophiliques, notamment celles qui précèdent la polychon-
Mécanismes indéterminés 12-7

tome osseux solitaire et associée à plusieurs adénopathies


régionales. La lésion est lisse, luisante et le réseau vascu-
laire est bien visible alors même que la lésion n’est pas atro-
phique. Les bords sont émoussés mais nets. Le traitement
du plasmocytome entraîne la disparition de tous les signes.
Certains malades avec un syndrome AESOP avaient d’em-
blée tous les critères diagnostiques du syndrome POEMS
(Polyneuropathy, Organomegaly, Endocrinopathy, Monoclonal
protein, and Skin changes), d’autres, traités insuffisamment,
ont évolué vers ce syndrome. En effet, il est indispensable
d’irradier le plasmocytome. Nous supposons que la lésion
cutanée, qui n’est pas en contact direct avec le plasmocy-
tome sous-jacent, résulte de la sécrétion de cytokines (no-
tamment le VEGF [Vascular endothelial growth factor] et/ou
le HIF-1 [Hypoxia-inducible factor 1]) par le plasmocytome.
Cela constitue un exemple d’une inflammation de conti-
guïté ¹⁴.

Syndrome POEMS
La sécrétion de cytokines et notamment du VEGF et de
l’HIF-1 est, à côté de la thrombose intraluminale (voir
ci-dessus), l’un des facteurs responsables des manifesta-
tions vasculaires avec néo-angiogenèse, observée dans
un contexte de paraprotéinémie, notamment avec le syn-
drome POEMS où, à côté de la classique éruption d’an-
giomes gloméruloïdes, des télangiectasies généralisées
Coll. Pr D. Lipsker, Strasbourg

peuvent être présentes et parfois même révélatrices (com-


munication J.-H. Saurat, JDP 2004, Paris).
L’association télangiectasies profuses, syndrome œdéma-
teux et paraprotéine monoclonale avait déjà été rapportée
comme entité isolée ¹⁵. On peut cependant se poser la ques-
tion si ce syndrome ne représentait pas une phase précoce
Fig. 12.10 Macules et plaques roses à peine surélevées au cours d’un du syndrome POEMS. Les autres signes cutanés du syn-
syndrome de Schnitzler drome POEMS sont une hyperpigmentation, une sclérose
cutanée avec parfois une sclérodactylie, une hypertrichose
drite atrophiante et l’érythème marginé rhumatismal de des membres, du thorax et de la face, un blanchiment des
Bywaters, exceptionnel aujourd’hui. ongles, un hippocratisme digital et un phénomène de Ray-
Il est vraisemblable que d’autres manifestations cutanées naud. Sur le plan général, ce syndrome associe deux signes
puissent être classées dans cette catégorie (mucinose papu- quasi constants : une neuropathie périphérique sensitivo-
leuse et scléromyxœdème, sclérœdème...), mais la démons- motrice bilatérale et symétrique et la présence d’une prolifé-
tration du rôle pathogénique de la paraprotéine n’a pas ration plasmocytaire, très souvent sécrétante (immunoglo-
encore été apportée. buline monoclonale sérique ou urinaire avec chaîne légère
lambda le plus souvent). Les autres signes sont une orga-
nomégalie et une endocrinopathie (diabète, hypothyroïdie,
Sécrétion de cytokines et inflammation de hypogonadisme).
contiguïté
Mécanismes indéterminés
Syndrome AESOP
Jusqu’à présent, ce mécanisme n’a pas encore été démon- Il existe de nombreuses autres manifestations cutanées
tré comme étant seul ou principalement responsable d’une qui sont fréquemment associées à la présence d’une para-
manifestation cutanée associée à une prolifération lympho- protéine monoclonale, sans que le mécanisme soit pour le
plasmocytaire. Nous pensons cependant que c’est le méca- moment compris ¹⁶,¹⁷. Certaines entités seront brièvement
nisme primordial, si ce n’est exclusif, de la lésion érythé- abordées.
matoviolacée, d’extension progressive, localisée en regard
d’un plasmocytome osseux (fig. 12.11), observée au cours Syndrome de fuite capillaire
du syndrome AESOP (Adenopathy and Extensive Skin Patch Il a été décrit par Clarkson en 1960. Il se caractérise par
Overlying Plasmacytoma) ¹³. Dans ce syndrome, la macule des poussées œdémateuses aiguës et récidivantes, liées à
violine est constamment située au dessus d’un plasmocy- une exagération transitoire de la perméabilité capillaire,

 VEGF vascular endothelial growth factor


12-8 Paraprotéinémies

Coll. Pr D. Lipsker, Strasbourg


Fig. 12.11 Plaque rouge violacé, lisse, luisante, aux bords émoussés mais nets au cours d’un syndrome AESOP. Noter une lésion similaire, de plus petite
taille, située au-dessus en regard d’une adénopathie régionale (a). Cette lésion est constamment le marqueur d’un plasmocytome sous-jacent, identifié
chez ce malade dans la sixième côte par scintigraphie (b) et scanner (c). L’excision chirurgicale a permis la régression complète de la lésion cutanée et des
adénopathies régionales en 4 mois (d). Ce malade est décédé d’un syndrome POEMS complet 4 ans plus tard

survenant chez des adultes jeunes ou d’âge moyen ¹⁸. Au à visée thérapeutique de cytokines (IL-2 notamment), ap-
moment d’une poussée, il existe une extravasation massive paraître au cours de certaines dermatoses (psoriasis pus-
de fluides et de protéines du secteur intra- vers le secteur tuleux, pustulose exanthématique) ou être idiopathique.
extravasculaire pouvant avoir pour conséquence un choc Le pronostic à moyen terme de la forme idiopathique est
hypovolémique et le décès. Devant un tel tableau, les élé- réservé, car la complication par un choc hypovolémique
ments suivants sont en faveur du diagnostic de syndrome mortel et/ou une CIVD n’est pas rare.
de fuite capillaire ¹⁹ :
− un gonflement brutal de la face et des extrémités avec Xanthogranulome nécrobiotique
oligurie, hypotension artérielle, tachycardie et parfois Il a été décrit par Kossard et Winkelmann en 1980. Il se
un aspect livédoïde et/ou purpurique du dos des mains ; manifeste par des papules jaunes confluantes en plaques et
− l’absence, habituellement, d’œdème pulmonaire ; en nodules mesurant plusieurs centimètres dont la localisa-
− des marqueurs d’hémoconcentration : une élévation de tion péri-orbitaire est caractéristique (fig. 12.12). Les autres
l’hématocrite et de l’hémoglobinémie, une leucocytose localisations sont le tronc et la racine des membres. Les
et une insuffisance rénale fonctionnelle, contrastant lésions peuvent être télangiectasiques, atrophiques et/ou
avec une hypoprotidémie marquée ; ulcérées. L’examen histopathologique permet le diagnostic
− la découverte d’une immunoglobuline monoclonale, lorsqu’il montre des zones de nécrobiose avec des fentes
principalement une IgG, présente chez la plupart des cholestéroliques dans le derme moyen et profond, entou-
malades ; rées d’un infiltrat inflammatoire granulomateux constitué
− secondairement une prise de poids considérable avec de lymphocytes, d’histiocytes spumeux, de cellules géantes
risque de syndrome des loges et d’œdème pulmonaire, chargées en graisse (cellules de Touton), de follicules lym-
au moment de la réentrée des fluides dans le secteur phoïdes et de plasmocytes. Des localisations viscérales et
intravasculaire. notamment cardiaques sont fréquentes. Environ la moi-
Ce syndrome peut survenir dans un contexte de sepsis ou tié des malades ont des manifestations ophtalmologiques :
d’hémopathies, être la conséquence d’une administration masse orbitaire, ectropion, ptosis, kératite, conjonctivite,

 IL interleukine
Références 12-9

sclérite, épisclérite, uvéite... Cette affection est le plus sou- assez facilement identifiable, qui doit être différencié d’une
vent associée à la présence d’une dysglobulinémie monoclo- kératose pilaire simple et des autres causes de kératoses
nale, souvent myélomateuse ou en rapport avec une autre folliculaires. Elles sont parfois associées à des dépôts inter-
hémopathie lympho-plasmocytaire. kératinocytaires PAS-positif d’une immunoglobuline mo-
noclonale et elles ont été décrites notamment chez des
Spicules kératosiques malades porteurs de myélome. Un tableau cliniquement
Elles se caractérisent par des papules effilées, millimé- proche est réalisé au cours de la carence en vitamine A, chez
triques, rugueuses, groupées, folliculaires ou non, qui les insuffisants rénaux, chez les sujets atteints de la mala-
peuvent être localisées (par exemple sur le nez) (fig. 12.13) die de Crohn ou de syndromes paranéoplasiques et au cours
ou généralisées. Elles réalisent un tableau très particulier, du mycosis fongoïde (lymphome T cutané) folliculaire.

Coll. Dr S. Barbarot, Nantes

Coll. D. Bessis
Fig. 12.12 Papules jaunes confluentes en plaques et en nodules, de Fig. 12.13 Spicules kératosiques chroniques du visage sans étiologie
localisation périorbitaire, au cours du xanthogranulome nécrobiotique mise en évidence

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Lipsker D. Paraprotéinémies. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques
des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 12.1-12.9.
13
Amyloses cutanées
Philippe Modiano

Classification des amyloses à expression cutanée 13-1 Traitement 13-7


Amyloses systémiques acquises 13-2 Dépôts amyloïdes 13-7
Amyloses immunoglobuliniques AL 13-2 Amyloses héréditaires 13-7
Manifestations systémiques 13-4 Amyloses cutanées familiales isolées 13-7
Traitement des amyloses immunoglobuliniques 13-5 Manifestations cutanées des amyloses systémiques
Amyloses cutanées secondaires ou réactionnelles 13-5 héréditaires 13-7
Amylose à bêta-2-microglobuline des hémodialysés 13-6 Amylose A ApoA1 (apolipoprotéine A1) 13-8
Amyloses cutanées primitives localisées 13-6 Amylose ATTR (type portugais) 13-8
Amylose papuleuse 13-7 Amylose AGel (type finlandais) 13-8
Amylose maculeuse 13-7 Références 13-8
Formes rares 13-7

L es amyloses, ou amyloïdoses, constituent des mala-


dies liées des dépôts extracellulaires anormaux de pro-
téines fibrillaires agencées dans différents tissus et organes
N-terminal de la chaîne légère d’une immunoglobuline (ré-
gion variable et portion de la région constante), plus fré-
quemment de type lambda que kappa (ratio lambda/kappa
en feuillets plissés selon la configuration spatiale β, leur égal à 3) et sécrétée à partir d’un clone plasmocytaire mé-
conférant une insolubilité et une résistance aux protéases. dullaire, impliquée au cours de l’amylose AL. Au cours de
Elles sont actuellement considérées comme une « maladie l’amylose AA, il s’agit de la protéine « amyloid A (AA) »
du repliement des protéines » plutôt qu’une simple mala- formée à partir du fragment N-terminal protéolytique de
die de surcharge ¹. La classification actuelle des amyloses la protéine plasmatique d’inflammation SAA (sérum amy-
repose sur la nature des protéines précurseurs des dépôts loïde A), impliquée au cours de l’amylose AA. Au cours
et près de 24 protéines sont identifiées ². Les dépôts amy- de l’amylose des hémodialysés, il s’agit de la protéine β-2-
loïdes apparaissent histologiquement sous la forme d’une microglobuline, impliquée au cours de l’amylose des hé-
substance amorphe éosinophilique en microscopie optique, modialysés. Au cours des amyloses héréditaires les pro-
colorée en rouge brique par le rouge Congo (congophilie). téines impliquées sont variables : AApoA-1 (apolipopro-
En lumière polarisée, cette coloration devient caractéris- téine A1), AApoA-2, AFib (chaîne α du fibrinogène), AGel
tique et spécifique de type biréfringente vert-jaune. Les (gelsoline), ACys (cystanine), ALys (lysozyme)... Les tech-
autres colorations parfois utilisées, rouge Sirius, cristal vio- niques immuno-histochimiques permettent actuellement
let et thioflavine T sont moins spécifiques. En microscopie la reconnaissance de la majeure partie des protéines amy-
électronique, les dépôts amyloïdes se présentent comme loïdes grâce à l’utilisation d’anticorps monoclonaux ou po-
des fibrilles désorganisées, agrégées, de 7,5 à 10 nm de lyclonaux.
diamètre, linéaires et de longueur variable ³,⁴.
Du point de vue biochimique, la substance amyloïde est
constamment constituée de deux groupes de molécules. Classification des amyloses à expression
Le composant commun, non fibrillaire, comprend la sub- cutanée
stance amyloïde P, les glycoaminoglycanes (GAG), l’apoli-
protéine E (Apo E) et plus accessoirement les inhibiteurs La classification et la nomenclature des amyloses à expres-
de protéases et d’autres molécules de la matrice extracel- sion dermatologique est établie en fonction du caractère
lulaire. Le composant spécifique protéique est à la base de systémique ou cutané localisé, de la nature acquise ou héré-
l’élaboration de la classification biochimique. Au cours de ditaire et du type de protéines amyloïdes (tableau 13.1) ³,⁴.
l’amylose AL, il s’agit de la protéine « amyloid light-chain L’agrégation et les dépôts tissulaires amyloïdes sont va-
(AL) » composée de fibrilles formées à partir du fragment riables selon les individus atteints tant sur le plan quan-
13-2 Amyloses cutanées

Tableau 13.1 Classification des amyloses avec expression cutanée


Type d’amylose Forme clinique Protéine précurseur Signes cutanés et muqueux de l’amylose systémique AL
Systémique acquise Immunoglobulinémique AL Chaîne légère d’Ig Fréquents
– primitive
– associée au myélome
Pétéchies, purpura, ecchymoses (15 %)
– nodulaire Macroglossie (20 %)
Secondaire (ou réactionnelle) AA Protéine AA Papules
Hémodialyse β-2-microglobuline
Nodules
Cutanée localisée Amyloses cutanées primitives Cytokératines
– papuleuse Plaques
– maculeuse Lésions tuméfiées
– autres
Rares
Amylose nodulaire localisée Chaîne légère d’Ig
Amylose réactionnelles des dermatoses Kératine altérée Infiltration sclérodermiforme
Héréditaires Amylose cutanée familiale isolée Non connue Dystrophies unguéales
Amyloses systémiques familiales Cutis laxa acquise
– Syndrome de Muckle et Wells Protéine AA
– Fièvre méditeranéenne familiale Protéine AA
Bulles
– Amylose A ApoA1 Apolipoprotéine A1 Alopécie
– Amylose ATTR Transthyrétine Cordons indurés vasculaires
– Amylose A Gel Gelsoline
13.A

titatif que sur le site tissulaire ou viscéral atteint (rein, plasmocytose médullaire est variable et rarement élevée,
cœur, peau, foie, système nerveux périphérique et auto- en moyenne de 5 %. Les dépôts amyloïdes cutanés et mu-
nome, tube digestif). Ce caractère protéiforme des dépôts queux sont constitués de fragments de chaînes légères, le
amyloïdes, leur rareté et la nécessité d’une confirmation plus souvent de type lambda.
histologique rendent compte de difficultés et de retard diag- Les signes cutanés et muqueux (encadré 13.A) sont présents
nostiques. Au cours des amyloses systémiques acquises de dans 29 à 40 % des cas ⁶. Le plus fréquent est le purpura dé-
type AL, AA et à β-2-microglobuline (hémodialyse), le pré- crit chez 15 % des patients. Il touche avec prédilection les
curseur amyloïde est une protéine circulante qui devient paupières (fig. 13.1), les faces latérales du cou (fig. 13.2) mais
pathogène à partir d’une certaine concentration et d’une également les aisselles, l’ombilic, la région orale et anogéni-
persistance plasmatique. En revanche, au cours des amy- tale. Le purpura peut passer inaperçu et être déclenché par
loses héréditaires systémiques, la protéine précurseur mu- des efforts de toux, de vomissements, d’expectoration, la
tée est présente depuis la naissance et à des concentrations manœuvre de Vasalva, après proctoscopie (purpura palpé-
plasmatiques stables. bral post-proctoscopie) ou des traumatismes mineurs ⁷. Il
Schématiquement, l’atteinte cutanée de l’amylose est fré- peut se disposer sous une forme striée linéaire (fig. 13.3) ou
quente au cours de la forme AL mais rare au cours de se révéler sous la forme d’ecchymose ⁸. Il résulte d’hémor-
la forme AA. De même, à l’exception de l’atteinte rénale ragies cutanées liées au dépôt de la substance amyloïde
commune aux deux affections, l’atteinte systémique extra- au niveau de la paroi des vaisseaux du derme papillaire
cutanée diffère entre l’amylose AL (langue, cœur, tractus (fig. 13.4), parfois aggravée par une coagulopathie associée
digestif, appareil musculo-squelettique, ligaments du carpe, (déficit en facteurs de coagulation IX, X, carence en vita-
nerfs) et l’amylose AA (foie, rate, et glandes surrénales) ⁵. mine K).

Amyloses systémiques acquises


Amyloses immunoglobuliniques AL
L’amylose systémique AL constitue la forme la plus fré-
quente (70 %). Il existe une légère prédominance masculine
(57 %) et l’âge moyen du diagnostic est de 62 ans. On dis-
tingue l’amylose AL primitive en rapport avec une proliféra-
tion plasmocytaire occulte et l’amylose AL associée au myé-
lome beaucoup plus rare (4 à 13 %) ⁴. Dans ces deux formes,
la présence d’une gammapathie monoclonale est caractéris-
tique et mise en évidence dans 65 % des cas par l’électro-
phorèse des protéines et dans 85 à 90 % cas en immunoélec-
Coll. D. Bessis

trophorèse ou par immunofocalisation. Il s’agit d’une gam-


mapathie monoclonale de type IgG lambda (32 %), d’IgG
kappa (17 %), de chaînes légères isolées lambda (29 %), ou Fig. 13.1 Purpura ecchymotique des paupières au cours d’une
kappa (4 %), d’IgA (12 %), d’IgD (3 %) et d’IgM (2 %) ⁵. La amylose AL
Amyloses systémiques acquises 13-3

Coll. D. Bessis
Fig. 13.2 Purpura des faces latérales du cou au cours d’une amylose AL

Des papules, des nodules, des plaques lisses, brillantes,

Coll. Dr L. Durand, Montpellier


d’aspect cireux parfois hémorragique constituent égale-
ment des signes fréquents d’amylose AL et traduisent des
dépôts amyloïdes du derme papillaire. Les plis sont tou-
chés avec prédilection : paupières (fig. 13.5), régions rétro-
auriculaires, cou, aisselles, ombilic, plis inguinaux et ré-
gion ano-génitale ⁹. Ces lésions peuvent être coalescentes
sous la forme de placards inesthétiques, dont la topogra- Fig. 13.4 Amylose maculeuse pigmentée : hyperpigmentation de
phie préférentielle au niveau du visage (partie interne des la couche basale épidermique (HB), hyperplasie des papilles dermiques
paupières, zone péri-orificielle) donne un aspect léonin ¹⁰. contenant des dépôts amyloïdes (DA) colorés par le cristal violet
L’atteinte de la région ano-génitale peut mimer des condy-
lomes (fig. 13.6) et entraîne souvent un diagnostic tardif. lose est appelée amylose élastosique (amyloid elastosis). Les
Parfois, les lésions peuvent être de couleur jaunâtre évo- états sclérodermiformes sont beaucoup plus rares (une di-
quant des xanthomes (« xanthoma like eruption ») ¹¹. La co- zaine d’observations) et touchent avec prédilection le vi-
existence de xanthomes plan normolipidiques diffus et sage, le cou, les mains et les pieds ¹⁴. Des lésions bulleuses
d’une amylose immunoglobulinique de type IgG lambda a parfois hémorragiques associées à une fragilité cutanée ont
également été décrite ¹². Des aspects de cutis laxa acquise, également été décrites ¹⁵.
de pseudoxanthome élastique, de cordons indurés sur les L’atteinte des phanères au cours de l’amylose peut être trom-
trajets vasculaires sont rarement notés ¹³. Dans ces formes, peuse. Une alopécie diffuse ou localisée (fig. 13.7) liée à une
le dépôt de substance amyloïde se situe autour des fibres infiltration du cuir chevelu avec un aspect de cutis verticis
élastiques où le composant P associé aux fibres élastiques gyrata peut être présent. L’atteinte unguéale est rarement
formerait le lit des dépôts amyloïdes. Cette forme d’amy- observée, mais peut constituer la seule manifestation der-
matologique durant plusieurs années. Elle peut être prise
à tort pour une onychomycose ou un lichen avant de ré-
véler la maladie. Ces anomalies unguéales sont non spéci-
fiques (fig. 13.8) : atrophie unguéale, hémorragies filiformes
sous-unguéales, striations longitudinales, onycholyse, ano-
nychie partielle ou complète ou paronychies chroniques ¹⁶.
L’examen histologique met en évidence des dépôts amy-
loïdes du lit ou de la matrice unguéale.
La macroglossie est la manifestation clinique la plus évoca-
trice, présente en moyenne dans 20 % des cas (19 % dans
les amyloses immunoglobuliniques isolées, 32 % dans les
amyloses associées au myélome) ³. L’amylose constitue la
Coll. D. Bessis

première étiologie de macroglossie chez l’adulte. L’infiltra-


tion amyloïde peut débuter sous une forme diffuse, entraî-
nant une augmentation de volume modérée et régulière
Fig. 13.3 Purpura pétéchial disposé sous une forme striée linéaire d’un (fig. 13.9) de teinte jaune orangé, ou sous une forme localisée
pli de l’abdomen au cours d’une amylose AL avec la présence de papules hémorragiques, de nodules, de
13-4 Amyloses cutanées

Coll. Pr C. Francès, Paris


Fig. 13.5 Papules lisses, brillantes, cireuses des paupières au cours d’une amylose AL

plaques ou de bulles déformant la surface linguale. L’aug- tions amyloïdes fixant la langue à sa base. Des xérostomies
mentation de volume peut être progressive ou par poussées, liées à l’infiltration des glandes salivaires par l’amylose ont
qui sont parfois douloureuses. Les bords sont souvent mar- été rapportées, faisant discuter l’intérêt de la biopsie des
qués par l’empreinte des dents et l’augmentation de volume glandes salivaires dans le diagnostic des amyloses systé-
est parfois telle qu’elle peut entraîner des difficultés alimen- miques AL.
taires ou respiratoires à type de dysphagie et de dysarthrie.
Le plancher de la bouche peut être envahi par des infiltra- Manifestations systémiques ⁵
Les manifestations extracutanées sont nombreuses et ini-
tialement peu spécifiques. Les symptômes initiaux asso-
cient de façon quasi constante une asthénie et un amai-
grissement mais parfois également des paresthésies, des
œdèmes, une dyspnée, une syncope par hypotension ortho-
statique. L’atteinte rénale (un tiers des cas) est marquée par
le risque de protéinurie, de syndrome néphrotique et d’in-
suffisance rénale sans hypertension. L’atteinte cardiaque
(un tiers des cas) est liée à une infiltration myocardique
avec un risque d’insuffisance cardiaque congestive, d’an-
gine de poitrine ou d’infarctus, de troubles du rythme et de
modifications de l’électrocardiogramme (bas voltage, onde
Coll. Pr C. Francès, Paris

Coll. D. Bessis

Fig. 13.6 Lésions pseudo-condylomateuses anales au cours d’une Fig. 13.7 Alopécie modérée et localisée avec purpura ecchymotique du
amylose AL scalp au cours d’une amylose AL
Amyloses systémiques acquises 13-5

Coll. D. Bessis
Coll. Dr R. Baran, Cannes

Fig. 13.9 Macroglossie au cours d’une amylose AL

pieds). Récemment a été rapporté un aspect d’hypercallo-


Fig. 13.8 Amylose unguéale : striation longitudinale, atrophie et sité du pied révélant une amylose nodulaire primitive de
anonychie partielle diagnostic difficile ¹⁸. L’amylose nodulaire, bien qu’initia-
lement localisée à la peau, peut évoluer vers une maladie
de nécrose). Les manifestations neurologiques sont fré- systémique. Le risque exact d’atteinte systémique n’est pas
quentes : syndrome du canal carpien (25 %), neuropathie connu et est estimé entre 15 et 50 % selon les auteurs ¹⁹.
périphérique sensitivo-motrice ou autonome (hypotension Dans une étude rétrospective récente sur 16 cas d’amylose
orthostatique, troubles digestifs, signes vésicaux, troubles nodulaire, un seul cas était associé à une maladie systé-
sexuels). Une hépatomégalie et une splénomégalie sont mique type myélome. Le risque est peut-être surestimé ²⁰.
notés dans respectivement 50 et 10 % des cas. L’infiltra- Il est néanmoins nécessaire de pratiquer un bilan pour éli-
tion amyloïdienne du tube digestif peut être responsable miner un myélome et d’effectuer un suivi au long cours des
d’une hémorragie digestive ou d’un syndrome de malab- patients atteints d’une amylose cutanée nodulaire primi-
sorption. Des anomalies de l’hémostase de mécanismes tive.
divers peuvent être responsables d’un syndrome hémor-
ragique dans 25 à 40 % des cas. D’autres localisations vis- Traitement des amyloses immunoglobuliniques
cérales (pulmonaire, thyroïdienne, surrénalienne, vésicale, Il repose sur le traitement de la prolifération plasmocy-
oculaire...) sont plus rarement rapportées. taire. Pour l’amylose AL associée au myélome, il faut traiter
L’amylose nodulaire cutanée primitive est la forme la plus le myélome par des polychimiothérapies intensives, auto-
rare d’amylose AL. Il s’agit d’une amylose tumorale immu- greffes de moelle. Les patients répondeurs au plan héma-
noglobulinique, le clone plasmocytaire n’étant retrouvé que tologique sont alors aussi habituellement répondeurs au
dans la peau. Elle doit être considérée comme un plasmocy- plan de l’amylose. Le taux de bons répondeurs reste assez
tome extramédullaire. Les plasmocytes localisés à la peau faible, autour de 20 %. Lorsque l’amylose AL est isolée sans
fabriquent des chaînes légères d’immunoglobulines qui dé- myélome associé, il n’y a pas d’intérêt de proposer une poly-
génèrent en substance amyloïde. Le clone plasmocytaire chimiothérapie intensive. L’association melphalan et pred-
est parfois retrouvé par la technique de PCR (polymerase nisone reste le traitement de référence ⁴.
chain reaction) suggérant l’existence d’un plasmocytome cu-
tané de faible masse tumorale avec des dépôts importants Amyloses cutanées secondaires ou réactionnelles
de chaînes légères ¹⁷. L’âge moyen de début est de 65 ans. Elles sont consécutives au dépôt d’une substance amy-
La maladie est deux fois plus fréquente chez l’homme que loïde AA (protéine SAA). Sa survenue nécessite un état
chez la femme. Les lésions sont plus souvent multiples inflammatoire prolongé : maladies systémiques (rhuma-
qu’uniques et se localisent aux extrémités (visage, jambes, tismes inflammatoires, syndrome de Sjögren, dermatomyo-
13-6 Amyloses cutanées

Coll. D. Bessis
Fig. 13.10 Papules brunes groupées des faces d’extension des
avant-bras au cours d’une amylose papuleuse

site, sclérodermie, lupus), maladies inflammatoires du tube


digestif, infections chroniques ou récurrentes, tumeurs ma-
lignes solides ou fièvre méditerranéenne familiale. L’amy-
lose AA peut également compliquer diverses dermatoses
chroniques : ulcérations veineuses, psoriasis, hidradénite
suppurée, brûlures chroniques surinfectées...
Les signes cutanées de l’amylose AA sont exceptionnels et
seules des lésions purpuriques ont été décrites ³. Cepen-
dant, des dépôts de la protéine fibrillaire sont retrouvés

Coll. D. Bessis
dans 89 % des biopsies cutanées en peau saine, 58 % des
ponctions de graisse abdominale et 70 % des biopsies rec-
tales ²¹. Ainsi, la biopsie cutanée est un moyen de diagnos- Fig. 13.12 Plaques brunâtres mal limitées du dos au cours d’une
tic simple en cas de suspicion d’amylose AA. Les signes amylose maculeuse
systémiques sont marqués dans 90 % des cas par le risque
d’atteinte rénale (protéinurie, syndrome néphrotique et/ou de risque d’atteinte neurologique. Il n’existe pas de traite-
insuffisance rénale). La seconde atteinte est digestive avec ment spécifique et le traitement de l’affection causale reste
un risque de malabsorption. En revanche, il n’existe pas essentiel pour stopper la progression de cette affection.

Amylose à bêta-2-microglobuline des hémodialysés


Il s’agit de dépôts de β-2-microglobulines dans le derme, ob-
servés chez les hémodialysés après en moyenne 8 à 10 ans
de dialyse. Les manifestations cliniques sont essentielle-
ment ostéoarticulaires et ligamentaires : syndrome du ca-
nal carpien et arthropathies destructrices. Les signes cuta-
nés sont peu spécifiques et rares : nodules sous-cutanés des
fesses, fréquemment bilatéraux ²², hyperpigmentation, pa-
pules lichénoïdes, lésions infiltrées digitales et prurigo ²²,²³.
Le traitement repose sur les corticostéroïdes à faible dose
et surtout l’utilisation de membranes de dialyse à haut flux
avec colonnes permettant l’absorption du précurseur amy-
loïde. La transplantation rénale permet une rapide régres-
sion de symptômes articulaires, mais son action sur les
dépôts amyloïdes reste mal connue.

Amyloses cutanées primitives localisées


Coll. D. Bessis

Elles se différencient nettement de l’amylose systémique


tant sur le plan clinique où l’atteinte cutanée est exclusive,
Fig. 13.11 Gros plan sur les lésions cutanées d’amylose papuleuse qu’étiopathogénique où l’origine de la substance amyloïde
Amyloses héréditaires 13-7

semble être dermo-épidermique. Elle fait intervenir des


processus essentiellement locaux liés au grattage. Ces amy-
loses sont dues à des dépôts dermiques fibrillaires de cer-
taines cytokératines ³,⁴. Dans une étude histochimique, il
s’agissait de cytokératines spécifiques des kératinocytes su-
prabasaux ou de la gaine externe des follicules pilo-sébacés
(kératines 1, 5, 14, 15 et 16) alors que les cytokératines
des kératinocytes basaux et glandulaires n’étaient pas re-
trouvées ²⁴. Les amyloses cutanées primitives pourraient
être liées à des dépôts de kératinocytes apoptotiques dans
le derme sous la forme de corps colloïdes. Cette apoptose
pourrait être secondaire aux grattages répétés.

Coll. D. Bessis
Amylose papuleuse
Elle se présente sous l’aspect de lésions papuleuses, de
couleur chair ou brune, d’aspect sale, lisse ou hyperkéra- Fig. 13.13 Amylose biphasique associant des lésions papuleuses et
tosique (fig. 13.10, fig. 13.11) extrêmement prurigineuses sié- maculeuses amyloïdes
geant électivement aux faces antérieures des jambes et pou-
vant s’étendre aux mollets et au dos des pieds de façon plus mocorticoïdes sous occlusion peut potentialiser l’action de
ou moins symétrique. Des ulcérations sont décrites. L’évo- ces derniers. L’acide trichloracétique à 33 % en une applica-
lution est chronique, peu modifiée par la thérapeutique tion quotidienne permet une régression de la symptomato-
comme dans toutes les formes d’amylose cutanée primi- logie ³. Les UVB constituent une alternative thérapeutique,
tive. Le pronostic vital n’est pas mis en jeu. Cette forme mais leur efficacité est rapportée de manière anecdotique
d’amylose est plus fréquente chez les Asiatiques. de même que le calcipotriol et la dermabrasion. L’efficacité
de l’acitrétine, de la vaporisation au laser CO 2 et du DMSO
Amylose maculeuse oral reste à confirmer ⁴.
Elle s’observe chez la femme (78 %), d’âge moyen (30-
60 ans). La plupart des observations proviennent d’Amé- Dépôts amyloïdes
rique centrale, d’Amérique du Sud et du pourtour méditerra- Ils peuvent être présents au cours de nombreuses der-
néen. Elle se traduit par des plages prurigineuses brunâtres matoses et constituent des épiphénomènes : dépôts amy-
sur le tronc et les membres, avec une prédominance au ni- loïdes autour de tumeurs épithéliales (carcinomes basocel-
veau du dos (fig. 13.12). La lésion élémentaire est une ma- lulaires, maladie de Bowen, pilomatricome, kératoses sé-
cule hyperpigmentée de 2 à 3 mm de diamètre de couleur borrhéiques).
brun ou gris-noir, un peu brillante. Les lésions adoptent
le plus souvent un caractère symétrique. L’évolution est Amyloses héréditaires
chronique sur plusieurs années. Les papules d’amylose pa-
puleuse peuvent s’associer à ces macules, constituant la Amyloses cutanées familiales isolées ²⁵
forme biphasique (fig. 13.13). Ce sont des génodermatoses très rares, de transmission
autosomique dominante à pénétrance et phénotype va-
Formes rares riables. Elles touchent des familles d’origines ethniques
Elles ont été décrites suivant la présentation clinique et la diverses. Les lésions cutanées apparaissent le plus souvent
topographie de prédilection : au cours de l’adolescence, parfois plus tardivement au cours
− ano-sacrée localisée à la région péri-anale sous forme de la troisième décennie. Le prurit est fréquent, souvent
de lésions hyperkératosiques et lichenoïdes, plus fré- sévère et peut précéder de plusieurs années l’apparition
quentes chez l’homme et chez le sujet asiatique ; des lésions cutanées. Cliniquement, il s’agit d’amylose pa-
− poïkilodermique caractérisée par une peau atrophique puleuse typiquement constituée de placards de petites pa-
comprenant des zones hyperpigmentées et hypopig- pules de quelques millimètres, fermes, translucides ou hy-
mentées avec des télangiectasies ; perpigmentées à la surface kératosique. À ces lésions s’asso-
− vitiligoïde associant des lésions dépigmentées et une cient rarement des lésions d’amylose maculeuse. Le carac-
hyperpigmentation périphérique localisée sur le crâne tère tourbillonnant des lésions et leur topographie (jambes,
d’hommes chauves et plus fréquente en Équateur. bras, dos) sont évocatrices.

Traitement Manifestations cutanées des amyloses systémiques héréditaires


Les dermocorticoïdes de classe 1 sous pansements occlu- Les amyloses systémiques héréditaires constituent un
sifs constituent le traitement de première intention, mais groupe d’affections autosomiques dominantes caractéri-
il existe souvent une rechute à leur arrêt. Les antihistami- sées par diverses mutations héréditaires de protéines abou-
niques sont souvent associés afin de diminuer l’intensité du tissant à des dépôts amyloïdes de localisation viscérale va-
prurit. L’association du dimethyl sulfoxide (DMSO) aux der- riable : cœur, nerf périphérique, cornée, rein, peau... Le
13-8 Amyloses cutanées

syndrome de Muckle et Wells et la fièvre méditerranéenne Amylose ATTR (type portugais)


familiale constituent des amyloses de type AA (cf. chap. 11, La protéine impliquée est la transthyrétine (TTR). Elle se
« Fièvres périodiques »). traduit sur le plan cutané par des maux perforants plan-
taires secondaires à une neuropathie sensitive précoce.
Amylose A ApoA1 (apolipoprotéine A1)
Décrite initialement par Moulin en 1988 sous la dénomi- Amylose AGel (type finlandais)
nation « amylose disséminée primitive familiale » elle est Les principales manifestations associent une cutis laxa (ble-
caractérisée par une atteinte cardiaque et cutanée impor- pharochalasis, laxité des plis cutanés de l’extrémité cépha-
tante. Les localisations cutanées à type de lésions maculo- lique et des doigts), une dystrophie cornéenne caractéris-
papuleuses jaunâtres diffuses et une atteinte cardiaque tique grillagée et une polyneuropathie périphérique et des
sont prédominantes. La protéine amyloïde est constituée nerfs crâniens ²⁸. La protéine impliquée est la gelsoline.
de fragments N-terminaux d’une apolipoprotéine A1 mu-
tée ²⁶,²⁷.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Modiano P. Amyloses cutanées. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques
des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 13.1-13.8.
14
Dermatoses neutrophiliques
Didier Bessis

Concept de maladie neutrophilique 14-1 Diagnotic différentiel 14-11


Pathogénie des dermatoses neutrophiliques 14-2 Pustulose à IgA intraépidermique ou pemphigus à IgA
Syndrome de Sweet 14-2 14-11
Clinique 14-2 Traitement 14-11
Biologie 14-2 Hidradénite neutrophilique eccrine 14-11
Anatomopathologie 14-3 Clinique et histologie 14-11
Étiologies 14-4 Étiologies 14-12
Variantes cliniques 14-6 Diagnostic différentiel 14-12
Traitement 14-6 Erythema elevatum diutinum 14-12
Pyoderma gangrenosum 14-7 Autres dermatoses neutrophiliques 14-13
Clinique et histologie 14-7 Abcès aseptiques neutrophiliques 14-13
Étiologies 14-9 Pustulose des connectivites 14-13
Traitement 14-10 Syndrome PAPA 14-13
Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson 14-10 Manifestations extracutanées 14-13
Clinique et histologie 14-10 Références 14-14
Étiologies 14-10

es dermatoses neutrophiliques (DN) désignent un


L groupe d’affections caractérisées histologiquement
par une infiltration cutanée de polynucléaires neutrophiles
neutrophilique rhumatoïde, pustulose amicrobienne asso-
ciée aux connectivites, syndrome arthro-cutané associé
aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, der-
matures, sans cause identifiable. matose neutrophilique du dos des mains, syndrome PAPA,
panniculite neutrophilique et abcès aseptiques neutrophi-
Concept de maladie neutrophilique liques.
Le regroupement de l’ensemble de ces affections, clinique-
Historiquement, le terme de « dermatose neutrophilique ment disparates, sous la terminologie de « maladie neutro-
aiguë fébrile » a été proposé par Robert Douglas Sweet philique » a été proposé à la lumière des arguments sui-
en 1964, pour définir une nouvelle entité clinique obser- vants ³ :
vée chez 8 patientes suivies sur une période 15 ans ¹. Par 1. l’existence de formes de passage et de chevauchement
la suite, plusieurs centaines d’observations ont confirmé entre des DN cliniquement distinctes (par exemple SyS
cette entité qui porte son nom, le syndrome de Sweet (SyS), et PG, PSC et PG) ;
et permis d’en définir les critères clinico-histologiques et 2. l’association fréquente des DN avec des affections sys-
l’association fréquente à des leucémies myéloïdes. Au cours témiques (gammapathies monoclonales, maladies in-
des années 1990, sous l’impulsion des dermatologues fran- flammatoires du tube digestif, maladies rhumatismales
çais D. Wallach et M.-D. Vignon-Pennamen, plusieurs affec- auto-immunes et hémopathies) ;
tions antérieurement décrites de façon autonome incluant 3. la possibilité d’atteintes extracutanées viscérales spé-
le pyoderma gangrenosum (PG), la pustulose sous-cornée cifiques caractérisées par un infiltrat neutrophilique
de Sneddon-Wilkinson (PSC), l’erythema elevatum diuti- mature pouvant toucher divers organes (poumons, os,
num (EED) et l’hidradénite neutrophilique eccrine (HNE) foie...) ;
seront intégrées au spectre des DN ². Par la suite, près d’une 4. la sensibilité thérapeutique habituelle aux corticosté-
dizaine de nouvelles formes cliniques et histologiques de roïdes systémiques et à la dapsone.
DN seront décrites et parfois individualisées de façon dis- Les principales DN clairement autonomisées sont le SyS, le
cutable : pyostomatite-pyodermite végétante, dermatite PG, la PSC, l’EED et l’HNE. Il existe une bonne corrélation

 DN dermatose neutrophilique · EED erythema elevatum diutinum · HNE hidradénite neutrophilique eccrine · PG pyoderma gangrenosum · PSC pustulose sous-cornée · SyS syndrome de Sweet
14-2 Dermatoses neutrophiliques

Coll. D. Bessis
Fig. 14.1 Corrélation entre les principales dermatoses neutrophiliques et la profondeur cutanée de l’infiltrat neutrophilique (GSE : glande sudorale
eccrine ; VX : vaisseaux)

entre le type de lésions dermatologiques observées et la des nodules de couleur rouge vif à violacé, tendant à se
profondeur cutanée de l’infiltrat neutrophilique (fig. 14.1) ⁴. grouper pour former par coalescence des plaques bien limi-
tées de quelques millimètres à 20 cm de diamètre. Leur ca-
Pathogénie des dermatoses neutrophiliques ractère œdémateux leur confère une surface mamelonnée,
comparé à un relief montagneux. La survenue de vésicules,
Le neutrophile est une des cellules pivots de l’inflammation. de bulles, plus rarement de pustules au sommet des plaques
Son activation inappropriée in situ au niveau cutané et dans peut être notée (fig. 14.3). Les lésions peuvent adopter une
les autres organes est vraisemblablement responsable des disposition annulaire ou arciforme avec un aspect de guéri-
lésions cliniques de DN. En revanche, la cause de la migra- son centrale (fig. 14.4). Les lésions sont multiples, tendues et
tion massive de ces cellules des compartiments sanguin et sensibles, parfois douloureuses au toucher. Elles se distri-
médullaire vers la peau suivie de leur activation reste incon- buent symétriquement avec une prédilection pour le visage,
nue. Une meilleure compréhension des différentes étapes le cou, la partie supérieure du thorax (fig. 14.5) et les extrémi-
« physiologiques » de la migration du PN au cours de l’in- tés supérieures (face postéro-externe des avant-bras, dos
flammation permet de mieux appréhender les mécanismes des mains). Elles peuvent toucher les membres inférieurs
physiopathogéniques des DN (fig. 14.2) ⁵-⁸. Son intérêt réside où elles prennent parfois l’allure de l’érythème noueux. L’at-
non seulement dans une classification physiopathogénique teinte des muqueuses buccale et génitale est rare et peu
future des DN, mais aussi, vers de nouvelles thérapeutiques spécifique à type de pustules, d’aphtes ou d’ulcérations. Les
ciblées, par exemple anticytokiniques. lésions cutanées sont parfois groupées, photodistribuées ¹¹,
localisées sur une zone de traumatisme cutané (griffure,
Syndrome de Sweet ¹,⁹,¹⁰ piqûre, radiothérapie...) ou en regard d’un lymphœdème.
Elles persistent de quelques jours à quelques semaines et
Il s’agit de la DN la plus fréquente et du prototype des régressent en s’affaissant en leur centre pour aboutir à une
DN aiguës. Son incidence est rare, évaluée à près de 3 nou- pigmentation transitoire, sans cicatrice résiduelle.
veaux cas par million d’habitants et par an dans les pays La fièvre, supérieure à 38 ◦ C, est présente dans 80 à 90 %
occidentaux. Il touche avec prédilection les adultes de 30 à des cas. Elle est le plus souvent contemporaine de l’érup-
50 ans, mais des observations infantiles, jusqu’à l’âge de tion et, sans traitement, persiste toute sa durée. Elle s’as-
7 semaines, sont rapportées. Il existe une prédilection fé- socie parfois à d’autres signes systémiques : arthralgies et
minine avec un sex-ratio compris entre 4/1 et 2/1, sauf myalgies (10 à 60 %), conjonctivite (5 à 75 %) (fig. 14.6), ulcé-
chez l’enfant où l’incidence est équilibrée entre les deux rations aphtoïdes orales, malaise général et céphalées. Les
sexes. Sa distribution est mondiale, sans prédilection de manifestations extracutanées spécifiques neutrophiliques
race. Le tableau typique associe une éruption cutanée de sont rares et détaillées plus loin.
survenue brutale, accompagnée d’une fièvre élevée et d’une
leucocytose avec neutrophilie. Biologie
Les anomalies biologiques sont caractérisées par une neu-
Clinique trophilie fréquente, supérieure à 10 000/mm 3 qui n’est
Les lésions cutanées sont constituées par des papules ou cependant pas indispensable au diagnostic. Son absence

 DN dermatose neutrophilique · PN polynucléaire neutrophile


Syndrome de Sweet 14-3

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Coll. D. Bessis
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Fig. 14.2 Pathogénie des dermatoses neutrophiliques. L’attraction et le recrutement tissulaires du neutrophile relèvent de mécanismes divers :
dépôts d’immuns complexes à la surface des cellules endothéliales ; activation neutrophilique par libération de cytokines telles que l’IL-8, médiée par
les lymphocytes T, les fibroblastes et les macrophages ; libération de médiateurs mastocytaires ; liaison à des auto-anticorps et au complément. Sous
l’action d’un ou plusieurs de ces stimuli, le neutrophile est recruté auprès des tissus suivant 3 étapes : « roulage » sur la paroi vasculaire activée dont les
cellules endothéliales expriment des sélectines de types P et E ; adhésion endothéliale « solide » par liaison entre des molécules d’adhésion du neutrophile
(intégrines LFA-1, MAC-1) et des cellules endothéliales (ICAM-1 et VCAM-1) ; migration à travers l’endothélium vasculaire vers la matrice extracellulaire
par l’expression en surface du neutrophile de différentes intégrines (β-1, β-2 et α-4). L’expression précoce et inappropriée de ces dernières intégrines sous
l’influence de diverses cytokines (IL-8, TNF-α, IL-1...) ou en raison de la présence de neutrophiles immatures (sous l’action du G-CSF) pourrait être impliquée
dans la pathogénie des DN.

d’une étiologie médicamenteuse. Un syndrome inflamma-


toire non spécifique marqué par une augmentation de la
vitesse de sédimentation et de la protéine C réactive est
presque constant. Une élévation modérée et transitoire des
enzymes hépatiques est présente dans 30 à 50 % des cas.

Anatomopathologie
L’examen histologique d’une lésion récente met en évi-
dence un infiltrat dermique composé en majorité de neu-
trophiles matures localisés dans le derme superficiel ainsi
qu’un œdème de la papille dermique et du derme en re-
gard (fig. 14.7). L’infiltrat neutrophilique est diffus, en bande,
Coll. D. Bessis

mais peut être aussi périvasculaire. Il s’accompagne oc-


casionnellement d’éosinophiles, de lymphocytes, d’histio-
Fig. 14.3 Syndrome de Sweet : aspect typique de papules et de plaques cytes et de cellules néoplasiques dans les formes de SyS
surélevées au relief irrégulier, « montagneux » associées à des hémopathies. Un infiltrat prédominant de
cellules mononuclées histiocytoïdes correspondant à des
dans près d’un tiers des cas, voire une neutropénie, doit granulocytes neutrophiles immatures positivement mar-
orienter vers la recherche d’une hémopathie associée ou qués par la myéloperoxidase peut s’observer au cours de

 DN dermatose neutrophilique · G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · IL interleukine · SyS syndrome de Sweet · TNF tumor necrosis factor
14-4 Dermatoses neutrophiliques

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 14.4 Syndrome de Sweet : caractère circiné de certaines plaques
(aspect de guérison centrale)
Fig. 14.6 Syndrome de Sweet du visage associé à une conjonctivite
lésions précoces et constitue une variante histiocytoïde ¹².
La présence de poussières nucléaires de neutrophiles (leu-
cocytoclasie) est fréquente. De façon typique, le SyS ne
s’accompagne pas de lésions de vascularite telles qu’une
nécrose fibrinoïde ou un infiltrat neutrophilique des parois
vasculaires. Cependant, la présence d’une vascularite leuco-
cytoclasique parfois secondaire à l’infiltrat neutrophilique
ne constitue plus un critère d’exclusion. L’immunofluores-
cence directe en peau lésionnelle peut mettre en évidence
des dépôts périvasculaires d’IgG, IgM, C3 et de fibrine liés
à un exsudat inflammatoire non spécifique.
Coll. D. Bessis

Fig. 14.5 Localisation classique de syndrome de Sweet sur la partie


haute du tronc et le cou
Coll. Dr L. Durand, Montpellier

Étiologies
Les différentes affections associées au SyS (encadré 14.A) per-
mettent de distinguer :
− les formes idiopathique ou associée à des maladies
inflammatoires. Elles rendent compte de 80 à 90 %
des cas de SyS. Elles affectent préférentiellement les Fig. 14.7 Lésions histologiques du syndrome de Sweet : infiltrat
femmes (80 %) de 30 et 50 ans, et sont précédées le dermique massif de neutrophiles et œdème du derme superficiel
plus souvent d’une infection des voies aériennes supé-
rieures (75 à 90 %). L’atteinte cutanée des membres gestif, ou survenir au cours de la grossesse ;
inférieurs est rare. La neutrophilie, l’absence d’anémie − la forme « maligne » associée à des hémopathies ou des
et l’absence d’anomalie quantitative plaquettaire sont tumeurs malignes ¹³. Son incidence est estimée entre
quasi constantes. Elle peuvent aussi être associées à 10 et 20 %, sans prédominance féminine. Les cancers
une maladie infectieuse ou inflammatoire du tube di- associés sont dominés par les hémopathies malignes

 SyS syndrome de Sweet


Syndrome de Sweet 14-5

Principales affections ou substances associées au syndrome de Sweet


• Cancers • Médicaments
− Maladies hématologiques − Facteurs de croissance granulocytaire :
 Leucémies aiguës, surtout de type myéloblastique  G-CSF surtout
 Leucémies chroniques  GM-CSF
 Lymphomes  Pegfilgrastim
 Autres : syndromes myélodysplasiques, thrombocytémie, myé- − Acide tout-trans rétinoïque
lome − Antibiotiques :
− Tumeurs solides (rares) : carcinomes urogénitaux, mammaires et  Minocycline
digestifs  Triméthoprime-sulfaméthoxazole
• Infections  Nitrofurantoïne
− Voies respiratoires hautes : le plus souvent à streptocoques − Anti-inflammatoires non-stéroïdiens :
− Digestives : yersinioses, salmonelloses  Celecoxib
• Maladies inflammatoires du tube digestif  Diclofénac
− Maladie de Crohn − Autres :
− Colites ulcéreuses  Levonorgestrel/ethinyl estradiol
• Maladies dites systémiques  Carbamazépine
− Maladie de Behçet  Diazepam
− Connectivites : lupus érythémateux, polyarthrite rhumatoïde,  Propylthiouracil
connectivite mixte, syndrome de Gougerot-Sjögren • Grossesse
− Sarcoïdose • Divers
− Maladies thyroïdiennes
− Hépatopathies chroniques
− Érythème noueux
14.A

(85 %), en particulier les leucémies aiguës myéloblas-


tiques. L’association à des tumeurs solides (voies génito-
urinaires, sein, tractus digestif) est également rappor-
tée. Ces différentes tumeurs précèdent ou sont contem-
poraines du SyS dans près de deux tiers des cas. L’évo-
lutivité du SyS peut être parallèle à celle de la tumeur,
définissant alors son caractère paranéoplasique. Les
signes cliniques et biologiques évocateurs du SyS « ma-
lin » sont : absence de prodromes infectieux ; atteinte
cutanée localisée aux membres inférieurs ou générali-
sée ; caractère bulleux (fig. 14.8), pustuleux ou ulcéré des

Coll. D. Bessis
plaques pouvant correspondre à une forme de passage
vers un PG ; placard érythémateux et violacé du visage
évoquant une cellulite infectieuse ; présence d’ulcéra-
tions de la muqueuse orale ; absence de fièvre ; absence Fig. 14.8 Syndrome de Sweet bulleux au cours d’un lymphome
de neutrophilie ou présence d’une neutropénie, d’une splénique
anémie ou d’une anomalie quantitative des plaquettes ;
fréquence des récidives ; duction de la substance incriminée. Le SyS lié au G-
− la forme médicamenteuse. L’agent médicamenteux CSF peut correspondre à un syndrome de récupéra-
incriminé dans près de la moitié des cas est le fac- tion neutrophilique survenant dans un contexte de
teur recombinant de croissance granulocytaire G-CSF sortie d’aplasie post-chimiothérapie ¹⁷. Il serait direc-
(« granulocyte-colony stimulating factor ») ¹⁴-¹⁶. La tota- tement lié au rôle du G-CSF sur la production, l’activa-
lité des observations de SyS induits par le G-CSF sont tion, la maturation, le chimiotactisme et la survie pro-
rapportés au cours d’hémopathies malignes ou d’infec- longée, par diminution de l’apoptose, des neutrophiles
tion VIH. Les lésions cutanées surviennent quelques immatures. Les autres agents médicamenteux induc-
jours (moyenne : 7,5 j) après le début du traitement teurs de SyS et satisfaisant aux critères diagnostiques
et régressent 3 à 30 jours après l’arrêt du médica- (encadré 14.B) ¹⁸ n’ont été rapportés que pour quelques
ment, évoquant une relation causale. La récidive des patients.
lésions cutanées n’est pas systématique après réintro- Les diagnostics différentiels cliniques et histologiques du

 G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor · PG pyoderma gangrenosum · SyS syndrome de Sweet
14-6 Dermatoses neutrophiliques

Critères cliniques du syndrome de Sweet classique et médicamenteux (d’après 1 et 18)


Classique Médicamenteux
1. Apparition brutale de plaques ou de nodules érythémateux doulou- 1. Apparition brutale de plaques ou de nodules érythémateux doulou-
reux. reux.
2. Infiltrat neutrophilique dermique dense sans vascularite. 2. Infiltrat neutrophilique dermique dense sans vascularite.
3. Fièvre supérieure à 38 ◦ C et malaise général. 3. Fièvre supérieure à 38 ◦ C.
4. Précession par une infection respiratoire ou gastro-intestinale ou une 4. Relation chronologique nette entre la prise médicamenteuse et l’érup-
vaccination ou association à une hémopathie, une tumeur solide ou tion, ou récidive après réintroduction orale.
une maladie inflammatoire ou une grossesse. 5. Résolution claire des lésions cutanées après arrêt du médicament in-
5. Anomalies biologiques lors de l’éruption (trois anomalies sur quatre ducteur ou avec un traitement par corticothérapie générale.
sont nécessaires) : VS > 20 mm/h ; CRP augmentée ; leucocytose >
8 000/mm 3 dont plus de 70 % de neutrophiles.
6. Réponse excellente à la corticothérapie générale ou à l’iodure de po-
tassium.
Diagnostic de SyS classique retenu si deux critères majeurs (1 et 2) et au Diagnostic de SyS médicamenteux retenu si les cinq critères sont réunis.
moins deux critères mineurs (3-6) sont réunis.
14.B

SyS sont nombreux et ne peuvent être envisagés de façon La vasculite pustuleuse ou dermatose neutrophilique du
exhaustive. En l’absence de marqueur spécifique, le diag- dos des mains est une affection récemment caractérisée
nostic de SyS repose sur un faisceau d’arguments cliniques, par la survenue de plaques érythémateuses, pustuleuses,
histologiques et biologiques (encadré 14.B). Les lésions cuta- bulleuses, hémorragiques puis ulcérées du dos des mains
nées précoces du SyS peuvent mimer un érythème poly- survenant dans un contexte fébrile ²² (fig. 14.9). Elle est par-
morphe, mais leur distribution asymétrique initiale, leur fois récidivante, chronique et évoluant sur plusieurs années.
caractère sensible, voire douloureux, et l’absence habituelle L’examen histologique est marqué par un infiltrat neutro-
d’atteinte orale ou génitale associée plaident en faveur du philique avec leucocytoclasie et parfois une vasculite. Il
SyS. L’érythème noueux constitue un diagnostic différen- s’agit vraisemblablement d’une forme topographique parti-
tiel délicat en cas de localisation hypodermique exclusive culière et frontière de SyS et d’EED.
de SyS, comme au cours de la panniculite neutrophilique,
d’autant que ces deux affections peuvent être associées ¹⁹,²⁰.
Le PG ou l’EED peuvent se manifester par des lésions pa-
puleuses « sweetoïdes » qui constituent parfois des formes
de chevauchement ou de passage entre les DN illustrant
le concept unifié de maladie neutrophilique. Des placards
inflammatoires de grande taille et la présence d’un infiltrat
dermique diffus à polynucléaires neutrophiles peuvent si-
muler des infections cutanées sévères telles qu’un érysipèle
ou une cellulite. En cas de doute diagnostique ou de formes
cliniquement atypiques de SyS, la réalisation de prélève-
ments infectieux, bactériens, fungiques et mycobactériens
devra être systématique.
Coll. D. Bessis

Variantes cliniques
La dermatite neutrophilique rhumatoïde est probable-
ment une forme de SyS survenant au cours de la poly- Fig. 14.9 Vasculite pustuleuse (dermatose neutrophilique) du dos des
arthrite rhumatoïde (PAR) ²¹. Elle s’observe durant des mains
formes sévères de PAR associées à des titres élevés de fac-
teur rhumatoïde. Les lésions cutanées sont le plus souvent Traitement
constituées de papules, plaques, nodules ou de lésions de Le traitement du SyS ¹⁰ repose sur la corticothérapie géné-
type urticarienne. Elles se localisent avec prédilection et de rale par prednisone en première intention, à la dose quoti-
façon symétrique en regard des articulations et des surfaces dienne de 0,5 à 1 mg/kg/j, diminuée par la suite de 10 mg/j
d’extension des extrémités, sur le tronc et le cou. Histologi- toutes les 4 à 6 semaines. Elle permet une régression ra-
quement, l’infiltrat neutrophilique du derme est superficiel pide, parfois en quelques heures, des signes fonctionnels
et profond sans vasculite. Le diagnostic différentiel se pose et, en quelques jours, des signes généraux et cutanés. Les
cliniquement avec les nodules rhumatoïdes et l’EED. récidives sont fréquentes à l’arrêt dans près d’un tiers des

 DN dermatose neutrophilique · EED erythema elevatum diutinum · PAR polyarthrite rhumatoïde · PG pyoderma gangrenosum · SyS syndrome de Sweet
Pyoderma gangrenosum 14-7
Critères diagnostiques du PG (d’après 23)
Critères majeurs
− Ulcération cutanée douloureuse, nécrolytique, de bordure mal li-
mitée, irrégulière et violacée et de progression rapide (1 à 2 cm/j
ou doublement de taille en moins d’1 mois).
− Exclusion des autres causes d’ulcérations cutanées (vasculaires,
tumorales, infectieuses, inflammatoires, médicamenteuses, exo-
gènes).
Critères mineurs

Coll. D. Bessis
− Antécédent de réaction pathergique ou présence de cicatrice cri-
briforme.
− Maladie systémique associée au pyoderma gangrenosum (MITD,
Fig. 14.10 Pyoderma gangrenosum débutant : ulcération profonde à
arthrite, gammapathie à IgA, ou tumeur maligne).
bords décollés et violacés
− Caractéristiques histologiques : infiltrat neutrophilique dermique
cas. Leur prévention nécessite parfois un traitement cor- stérile, plus ou moins inflammation polymorphe, plus ou moins
ticostéroïde prolongé à faibles doses quotidiennes (10 à vascularite lymphocytaire.
30 mg) ou alternées durant plusieurs mois. Plusieurs alter- − Réponse thérapeutique rapide à un traitement corticostéroïde
natives thérapeutiques sont proposées : colchicine orale à systémique (généralement 1 à 2 mg/kg/j avec diminution de 50 %
la posologie initiale et quotidienne de 1,5 mg durant 7 jours,
de la taille de l’ulcération en moins d’1 mois).
graduellement réduite les 3 semaines suivantes ; indomé-
thacine à la dose initiale quotidienne de 150 mg durant Diagnostic de PG retenu si deux critères majeurs et au moins deux cri-
une semaine et diminuée à 100 mg/j les deux semaines sui- tères mineurs.
vantes ; iodure de potassium à la dose initiale quotidienne 14.C
de 900 mg, fractionnée en 3 prises, durant 2 semaines. Le
propionate de clobétasol à 0,05 % ou les injections intralé- même patient.
sionnelles d’acétonide de triamcinolone (dose initiale de Le PG ulcéreux est la variante clinique la plus fréquente.
3 à 10 mg/ml) peuvent permettre le contrôle de lésions cu- Il débute par des petites pustules stériles cernées d’un
tanées localisées. D’autres agents médicamenteux, seuls ou halo érythémateux, plus rarement à partir de nodules ou
associés à la corticothérapie générale, ont apporté un effet sur peau normale. Les lésions pustuleuses s’étendent et se
bénéfique : dapsone, clofazimine, ciclosporine, étrétinate, creusent progressivement en quelques jours pour évoluer
chlorambucil, cyclophosphamide, interféron α-2a, sulfapy- vers un ulcère nécrotique et muco-purulent. Ses bords sont
ridine. Il s’agit cependant d’études non controlées ou de décollés, violacés et œdémateux, « minés » sur leur versant
publications sporadiques rendant difficile toute conclusion interne par des clapiers pustuleux (fig. 14.10). La douleur as-
définitive. sociée est quasi constante et disproportionnée par rapport
à la taille de la lésion. La progression des lésions est ra-
Pyoderma gangrenosum (PG) pide, nécrolytique, marquée par une extension centrifuge
et régulière (fig. 14.11). Elle s’accompagne d’une destruction
Son incidence est rare et mal connue car peu de grandes tissulaire et d’une nécrose de liquéfaction responsable de la
séries de PG sont rapportées dans la littérature. Il touche
avec prédilection les adultes entre 25 et 54 ans et le sex-
ratio est équilibré ²³,²⁴. Les observations infantiles sont
exceptionnelles et le plus souvent associées à une maladie
systémique (maladie inflammatoire du tube digestif, immu-
nodéficience acquise ou congénitale, infection par le VIH) ²⁴.
En l’absence de marqueur biologique, le diagnostic de PG
est exclusivement clinique (encadré 14.C) et doit faire exclure
toute autre étiologie d’ulcération cutanée, notamment in-
fectieuse. Un examen histologique standard complété par
une recherche d’agents infectieux bactériens pyogènes et
mycobactériens, mycosiques et viraux par un examen direct
Coll. D. Bessis

avec colorations, l’utilisation d’anticorps monoclonaux et


la mise en culture sont indispensables ²³,²⁵ (encadré 14.D).

Clinique et histologie Fig. 14.11 Pyoderma gangrenosum : vaste ulcération profonde


Les variantes cliniques de PG sont individualisées au nécrotique et fibrineuse entourée d’un bourrelet d’extension violacé et
nombre de quatre. Elles s’associent rarement chez un purulent (clapiers pustuleux) entouré d’un halo d’œdème et d’érythème

 MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PG pyoderma gangrenosum


14-8 Dermatoses neutrophiliques

Diagnostics différentiels du pyoderma gangrenosum


Infections
− Bactériennes : mycobactérioses, syphilis
− Mycoses : blastomycose, sporotrichose, cryptococcose
− Parasitaire : amibiase cutanée
− Virales : herpes simplex virus
Ecthyma gangréneux
Ulcérations d’origine vasculaire
− Vasculite livédoïde

Coll. D. Bessis
− Syndrome des anticorps antiphospholipides
− Cryoglobulinémie
− Maladie micro-occlusive
Fig. 14.12 Cicatrice atrophique et cribiforme de pyoderma
Vascularites gangrenosum
− Granulomatose de Wegener
− Périartérite noueuse cytaire, plus ou moins angiocentrique, classiquement sans
− Vasculite rhumatoïde vascularite. L’immunofluorescence cutanée directe met en
Médicaments évidence, dans plus de la moitié des cas, des dépôts vas-
− Halogénides (iodides, bromides) culaires non spécifiques du derme papillaire et réticulaire
composés d’IgM, de C3 et de fibrine, parfois d’IgG et d’IgA.
− Hydroxyurée
Le PG pustuleux est une forme abortive et non érosive
Tumeurs cutanées malignes de PG. Il se caractérise par des pustules multiples inflam-
− Lymphome angiocentrique matoires et douloureuses (fig. 14.14). Il survient avec prédi-
− Lymphome anaplasique à grandes cellules lection au cours des maladies inflammatoires du tube di-
− Mycosis fungoïde bulleux gestif (MITD), notamment lors des colites ulcéreuses. His-
− Lymphomes indéterminés tologiquement, il s’agit d’une pustule sous-cornée, unilo-
culaire, parfois accompagnée d’un infiltrat dense à poly-
− Leucémies aiguës
nucléaires neutrophiles et d’un œdème sous-papillaire. La
Pathomimie distinction avec le syndrome arthrocutané des dérivations
Piqûres ou morsures d’insectes jéjuno-iléales et des MITD ou vasculite pustuleuse (en fait
14.D sans vascularite histologique) est surtout nosologique ²⁸.

bordure arciforme ou serpigineuse rouge violacé et entou-


rée d’un halo d’œdème et d’érythème. La cicatrisation des
lésions, spontanée ou après traitement, est atrophique ou
cribriforme (fig. 14.12) constituant un critère non spécifique
mais évocateur de l’affection. Les lésions de PG sont isolées
ou multiples et siègent avec prédilection sur les membres
inférieurs et le tronc. Cependant, n’importe quel site anato-
mique peut être touché que ce soit l’extrémité céphalique,
le cou, la région oculaire, les organes génitaux, le périnée
et le scalp. Le « pyoderma malin » est considéré comme
une variante agressive de PG ulcéreux de la tête et du cou
(fig. 14.13). Il touche avec prédilection l’homme jeune et s’as-
socie fréquemment à une maladie de Wegener ²⁶. Le PG
péristomial est rapporté avec prédilection chez la femme
traitée par colo-iléostomie au cours des maladies inflam-
matoires du tube digestif (MITD) ²⁷. Il se rapproche du
PG postopératoire observé dans les suites d’interventions
chirurgicales (chirurgie abdominale, splénectomie, réduc-
tion mammaire, thyroïdectomie, sonde de gastrotomie) ou
après traumatisme (piqûre, ponction, vaccination). Il tra-
duit une réaction pathergique fréquemment rapportée à
l’interrogatoire (25 % des cas). L’examen histologique du
Coll. D. Bessis

PG ulcéreux, réalisé à partir de la bordure nécrotique de l’ul-


cération, met en évidence un infiltrat neutrophilique dense
dermo-épidermique, parfois associé à un infiltrat lympho- Fig. 14.13 Pyoderma malin : variante agressive de pyoderma du cou

 MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PG pyoderma gangrenosum


Pyoderma gangrenosum 14-9

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Fig. 14.16 Pyoderma superficiel végétant : les lésions cutanées
initialement pustuleuses prennent un caractère chronique végétant
Fig. 14.14 Pyoderma gangrenosum pustuleux caractérisé par des
pustules non folliculaires à base érythémateuse inflammatoire compagnées d’un infiltrat dermique neutrophilique dense.
Le PG superficiel végétant ou granulomateux est chronique,
Cette affection rare est constituée de pustules non folli- plus ou moins ulcéré et aux bords décollés (fig. 14.16). Il
culaires cernées d’une base érythémateuse inflammatoire, touche avec prédilection le tronc et les sites de traumatisme.
siégeant avec prédilection sur la face externe des membres L’histologie met en évidence un granulome constitué d’un
supérieurs et la face d’extension des membres inférieurs. infiltrat d’histiocytes et de cellules géantes associé à de la
La pyostomatite-pyodermite végétante est une probable nécrose, avec une infiltration de neutrophiles, de plasmo-
variante buccale du PG pustuleux. Elle affecte la muqueuse cytes et d’éosinophiles. Dans la plupart des cas, aucune
buccale sous la forme de pustules plates qui, par coales- pathologie systémique n’est associée.
cence, donnent l’apparence de « traces d’escargots » dispo-
sées sur les gencives, les lèvres, les faces internes des joues Étiologies
et le palais. Une atteinte cutanée est associée dans la moitié Les associations morbides sont observées dans 50 à 70 %
des cas sous la forme de pyodermite végétante des plis axil- des cas de PG. Au cours de la forme ulcéreuse, il s’agit es-
laires, inguinaux et du cuir chevelu. Histologiquement, il sentiellement des MITD, d’arthrites et de gammapathies
existe un infiltrat neutrophilique épithélial avec formation monoclonales. Les PG bulleux et pustuleux s’associent avec
d’abcès. Cette affection est très spécifiquement associée prédilection et respectivement aux syndromes myélodys-
aux colites ulcéreuses et à la maladie de Crohn. plasiques et aux MITD respectivement.
Le PG bulleux se caractérise par une ulcération superficielle, Les MITD sont présentes dans un tiers des cas des PG ulcé-
suraiguë, bordée de bulles (fig. 14.15), parfois proche d’un syn- reux, partagées à égale fréquence entre la maladie de Crohn
drome de Sweet atypique dont il représente peut-être une et les colites ulcéreuses. Inversement, le PG survient dans
variante. Il s’observe avec prédilection au cours des hémo- 1,5 à 5 % des cas de MITD. Il peut précéder, accompagner
pathies malignes aiguës ou chroniques, en particulier des ou survenir ultérieurement à l’affection digestive, le plus
syndromes myéloprolifératifs dont il peut annoncer l’acuti- souvent sans évolutivité parallèle à cette dernière.
sation. L’histologie met en évidence une bulle sous-cornée Les arthrites surviennent dans près de 40 % des cas de
ou sous-épidermique, des vésicules intra-épidermiques ac- PG ulcéreux. Elles sont le plus souvent monoarticulaires
touchant les grosses articulations et séronégatives pour
le facteur rhumatoïde. D’autres affections rhumatismales
(PAR, spondylarthrite ankylosante, syndrome de Felty, os-
téoarthrites diverses) ont également été rapportées.
Une gammapathie monoclonale est présente dans près
de 10 % des cas de PG. Elle est le plus souvent de type IgA,
bénigne, mais des formes de passage vers un myélome sont
possibles. Cette association est plus fréquemment rappor-
tée au cours des PG gangréneux ou pustuleux.
Les autres associations significatives sont décrites avec
prédilection au cours des PG ulcéreux : leucémie myéloïde
Coll. D. Bessis

aiguë ou chronique, myélome, hépatite chronique active, cir-


rhose biliaire primitive, déficits immunitaires acquis (greffe
d’organes, infection VIH) et congénitaux (hypogammaglo-
Fig. 14.15 Pyoderma gangrenosum bulleux au cours d’une anémie bulinémies, syndrome hyper-IgE), maladies systémiques
réfractaire avec excès de blastes (maladie de Behçet, maladie de Takayasu, polychondrite

 MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PAR polyarthrite rhumatoïde · PG pyoderma gangrenosum
14-10 Dermatoses neutrophiliques

chronique atrophiante, lupus érythémateux systémique...).


De rares observations de PG ont été rapportées après la
prise de méthotrexate, d’azathioprine, d’hydralazine, de
G-CSF et d’isotrétinoïne. La causalité de ces différentes
substances dans le déclenchement du PG reste cependant
non prouvée.

Traitement
Le traitement du PG ²⁹ repose sur la corticothérapie géné-
rale, a fortiori en cas de forme disséminée. Celle-ci est débu-
tée par de la prednisone à la dose quotidienne de 1 mg/kg
et permet d’obtenir une cicatrisation des lésions cutanées
en quelques semaines. L’utilisation de bolus intraveineux

Coll. D. Bessis
de méthylprednisolone (1 g/j sur 4 h, 1 à 5 jours de suite)
peut être proposée comme une alternative. La réduction
des doses de corticostéroïdes devra être lente, sous peine de
rebond ou de corticodépendance. La ciclosporine à la dose Fig. 14.17 Pustulose sous-cornée : pustule plate cernée d’une base
initiale de 2 à 6 mg/kg/j constitue une alternative aux corti- inflammatoire
costéroïdes. De nombreuses autres thérapeutiques ont été
proposées avec plus ou moins de succès en deuxième ou troi- de quelques semaines et d’intensité variable, sans altéra-
sième intention : azathioprine (en association avec les cor- tion de l’état général ni de signe d’accompagnement. L’exa-
ticostéroïdes), mycophénolate mofetil (seul ou en combinai- men histologique met en évidence une pustule sous-cornée
son avec la ciclosporine ou les corticostéroïdes), cyclophos- stérile, uniloculaire, remplie de polynucléaires neutrophiles,
phamide, chlorambucil, tacrolimus (FK506), thalidomide, associée de façon inconstante à une acantholyse modérée
sulfasalazine, dapsone, clofazimine, minocycline et plus et un infiltrat neutrophilique dermique. L’examen en im-
récemment infliximab. Les traitements locaux peuvent par- munofluorescence directe et indirecte est généralement
fois être suffisants en cas de lésion unique, localisée et pré- négatif.
coce de PG : corticoïdes topiques, tacrolimus en topique à
0,5 %. Dans tous les cas, il convient d’éviter les décapages Étiologies
agressifs ou les gestes chirurgicaux qui risquent d’aggraver L’association à une gammapathie monoclonale à IgA est
les lésions cutanées par une réaction pathergique. caractéristique de la PSC, elle est rapportée dans une tren-
taine de cas sur les 200 observations répertoriées. Le plus
souvent, elle est mise en évidence au cours de l’évolution de
Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson la pustulose (délai de 2 à 27 ans), plus rarement de façon
(PSC) ³⁰,³¹ concommitante. Il s’agit d’une gammapathie le plus sou-

Son incidence est faible (200 cas rapportés dans une revue
de la littérature de 2004 ; une série de 10 observations en
1998). Elle touche préférentiellement la femme (sex-ratio
de 4F/1H), entre 40 et 70 ans, plus rarement l’enfant.

Clinique et histologie
Les lésions cliniques sont constituées par des pustules
rondes ou ovales, flasques, de 2 à 10 mm de diamètre, peu
ou pas prurigineuses. Les lésions de grande taille ont un
niveau liquidien composé de pus stérile surmonté d’un li-
quide clair, s’accumulant en région déclive, appelé hypo-
pion. Ces pustules sont non folliculaires, cernées d’un halo
érythémateux et inflammatoire (fig. 14.17), et ont une dispo-
sition annulaire ou polycyclique, à bordure active et d’ex-
tension centrifuge. Les pustules se dessèchent pour for-
mer des croûtes mellicériques qui laissent place à des ci-
Coll. D. Bessis

catrices hyperpigmentées de durée variable. Elles siègent


avec prédilection sur le tronc, les plis axillaires et ingui-
naux, la région sous-mammaire et les zones de flexion des
membres (fig. 14.18). Le visage, les extrémités palmaires et Fig. 14.18 Pustulose sous-cornée : multiples petites pustules
plantaires ainsi que les muqueuses sont classiquement épar- désséchées sur une base érythémateuse groupées en formation annulaire
gnés. La maladie évolue de façon chronique, par poussées sur le tronc

 G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · PG pyoderma gangrenosum · PSC pustulose sous-cornée


Hidradénite neutrophilique eccrine 14-11

vent bénigne, mais la survenue de myélome est possible,


justifiant la surveillance annuelle clinique, biologique et
radiologique du malade. L’association à une paraprotéiné-
mie de type IgG et à un myélome à IgG a également été
rapportée. Les PSC s’associent rarement à d’autres mala-
dies systémiques : PAR, MITD, hémopathies et tumeurs
malignes solides. De plus, à la différence des autres DN, la
survenue de manifestations extracutanées au cours de la
PSC est exceptionnelle.

Diagnotic différentiel
Le diagnosic différentiel de la PSC se pose avec l’impé-
tigo, au cours duquel la localisation des lésions est clas-
siquement périorificielle et les examens bactériologiques
positifs. Les formes annulaires de psoriasis pustuleux sont
de diagnostic plus délicat. L’existence d’antécédents per-
sonnels ou familiaux de psoriasis, le caractère spongiforme
des pustules à l’histologie, la présence d’une atteinte asso-
ciée palmoplantaire ou des ongles ainsi que l’absence de

Coll. D. Bessis
réponse à la dapsone sont en faveur du psoriasis.

Pustulose à IgA intraépidermique ou pemphigus à IgA


La pustulose à IgA intraépidermique ou pemphigus à IgA Fig. 14.19 Hidradénite neutrophilique eccrine au cours d’un traitement
constitue une entité hétérogène individualisée par D. Wal- par cytostatiques : plaques érythémateuses du visage prédominant sur la
lach ³². Elle est cliniquement et histologiquement proche région périorbitaire et le front
de la PSC, mais s’en distingue par définition par la présence
de dépôts d’IgA intercellulaires épidermiques. Ces dépôts Clinique et histologie
sont disposés en mailles, soit en bande sous-cornée (cible La présentation clinique est variable, à type de papules
antigénique : desmocolline 1), soit sur toute la hauteur de ou de plaques infiltrées, œdémateuses, de taille variable,
l’épiderme (cible antigénique : desmogléine 3) ³³. Les asso- asymptomatiques ou douloureuses. Des lésions pigmen-
ciations morbides sont les mêmes que celles rencontrées tées, purpuriques ou pustuleuses ont également été rappor-
au cours de la PSC : gammapathie monoclonale à IgA, ma- tées. Une réaction pathergique est parfois observée. Les
ladies inflammatoires. lésions peuvent être isolées, multiples, groupées ou dissé-
minées. Elles se localisent de façon proximale sur la partie
Traitement haute du tronc et les membres supérieurs, le visage, en par-
Le traitement de la PSC repose sur la dapsone. Celle-ci ticulier la région périorbitaire (fig. 14.19), ou aux extrémités.
est débutée à la dose quotidienne de 100 mg, augmentée Les plis inguinaux, axillaires et les muqueuses sont classi-
jusqu’à 3 mg/kg/j sous réserve d’une bonne tolérance héma- quement épargnés. Une fièvre est associée dans deux tiers
tologique. En cas de résistance à la dapsone, les rétinoïdes, des cas, mais sa survenue dans un contexte fréquent de
la photothérapie (puvathérapie, UVB-TL01), la colchicine neutropénie induite par la chimiothérapie rend sa signifi-
ou le méthotrexate constituent des alternatives thérapeu- cation controversée. En revanche, aucune manifestation
tiques. neutrophilique extracutanée n’a été rapportée.

Hidradénite neutrophilique eccrine (HNE) ³⁴


Cette DN a été décrite initialement en 1982 au cours
d’une leucémie aiguë myéloblastique traitée par cytara-
bine en chimiothérapie d’induction. Par la suite, de nom-
breuses observations ont confirmé son lien avec les hé-
mopathies malignes traitées par des chimiothérapies ou
des facteurs de croissance. L’incidence de cette affection
est faible et probablement sous-estimée. Une récente re-
vue de la littérature collige 95 observations entre 1992
et 1998. Il existe une prédominance masculine (sex-ratio
Coll. D. Bessis

H/F de 1,5). L’âge moyen des sujets atteints est d’environ


40 ans (extrêmes de 1 à 79 ans) sans prédisposition eth-
nique.
Fig. 14.20 Hidradénite neutrophilique eccrine lors d’une infection VIH

 DN dermatose neutrophilique · HNE hidradénite neutrophilique eccrine · MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PAR polyarthrite rhumatoïde · PSC pustulose sous-cornée
14-12 Dermatoses neutrophiliques

présentation clinique est stéréotypée, caractérisée par des


nodules érythémateux et douloureux de topographie plan-
taire. Leur survenue est brutale, parfois après un trauma-
tisme mécanique ou thermique localisé, et spontanément
résolutive (fig. 14.21). Histologiquement, l’infiltrat neutro-
philique sudoral est nodulaire et la nécrose sudorale moins
marquée qu’au cours de l’HNE induite par la chimiothérapie.
Le diagnostic différentiel se pose avec l’érythème noueux
plantaire et l’urticaire à la pression. Il n’existe pas de pa-
thologie associée sous-jacente. Aucun traitement n’est né-

Coll. D. Bessis
cessaire en dehors du repos qui permet une rémission des
synptômes en quelques jours.
L’évolution de l’HNE est spontanément favorable en
Fig. 14.21 Hidradénite eccrine neutrophilique plantaire : nodules quelques jours à quelques semaines. Des récidives sont
érythémateux plantaires évocateurs d’un érythème noueux possibles avec ou sans reprise du cytostatique incriminé,
mais non constantes. En l’absence de traitement spécifique,
L’examen histologique se caractérise par un infiltrat der- la corticothérapie générale pourrait réduire la durée des
mique neutrophilique dense entourant les glandes sudo- poussées.
rales eccrines, associé à des degrés variables à une atteinte
de la partie sécrétrice et du canal excréteur de ces glandes Erythema elevatum diutinum (EED) ³⁶-³⁸
pouvant aller jusqu’à la nécrose. Il n’existe pas de vascula-
rite associée. La recherche d’agents infectieux bactériens, L’EED est une forme distincte de vascularite cutanée chro-
mycosiques ou mycobactériens par examen direct et culture nique. Il touche avec prédilection les hommes entre 40 et
de biopsie cutanée est presque toujours négative. Cepen- 60 ans.
dant, quelques observations d’HNE caractérisées par des Cliniquement, cette affection se caractérise par des pa-
papules et des pustules récidivantes du tronc et des extrémi- pules ou des nodules, persistants, symétriques, fermes et
tés (fig. 14.20) d’origine infectieuse ont été décrites chez des tendus de couleur rouge, rouge-brun ou violacé. Les lésions
malades immunodéprimés (greffe cardiaque, hémodialyse, se localisent avec prédilection sur les faces d’extension des
épendymome, infection VIH). Les cultures infectieuses cu- articulations en particulier des extrémités (doigts, mains)
tanées étaient positives (Serratia marescens, Enterobacter (fig. 14.22), des coudes, des genoux et des chevilles (tendon
cloacae, Staphylococcus aureus, Nocardia). d’Achille). Une atteinte palmo-plantaire, du tronc et des
régions rétroauriculaires a également été rapportée. Les
Étiologies lésions peuvent confluer sous la forme de placards parfois
Les associations morbides sont néoplasiques dans 90 % vésiculeux, de nodules hémorragiques ou d’ulcérations. Les
des cas, les hémopathies malignes représentant à elles signes généraux associés parfois présents lors des poussées
seules 80 % de ces étiologies. Parmi celles-ci, la leucémie ai- se limitent à quelques arthralgies. L’EED est une affection
guë myéloblastique est la plus fréquemment observée. L’as- fréquemment chronique et récurrente qui évolue vers des
sociation à la leucémie lymphoïde chronique, la maladie de lésions cutanées fibrosées, xanthomisées, de couleur jau-
Hodgkin, les lymphomes non hodgkinien et des tumeurs nâtre ou brune.
solides (testicule, rein, sein, poumons et os) a également Histologiquement, les lésions précoces sont marquées par
été décrite. Le rôle de la chimiothérapie est probable mais une vascularite leucocytoclasique associée à un infiltrat neu-
non constant. Plus de 80 % des malades ayant développé
une HNE étaient traités par une chimiothérapie dans les
jours précédents, le plus souvent par la cytarabine et les
anthracyclines, seuls ou en association. Le délai moyen de
survenue des lésions était de 9 à 10 jours. D’autres sub-
stances cytostatiques ont été incriminées : mitoxantrone,
vincristine, cisplatine, bléomycine, cyclophosphamide et
G-CSF.

Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel clinique se pose dans ce contexte
avec la localisation spécifique d’une hémopathie, une patho-
Coll. D. Bessis

logie infectieuse opportuniste ou le SyS. L’examen histolo-


gique permet de redresser facilement ce diagnostic. L’hidra-
dénite eccrine neutrophilique plantaire idiopathique est
une affection bénigne qui touche avec prédilection l’enfant Fig. 14.22 Erythema elevatum diutinum : papules et nodules des faces
et l’adulte jeune, dans un contexte tout à fait différent ³⁵. La d’extension des articulations des mains

 EED erythema elevatum diutinum · G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · HNE hidradénite neutrophilique eccrine · SyS syndrome de Sweet
Manifestations extracutanées 14-13

trophilique et à des dépôts de fibrine du derme superficiel lésions fébriles, volontiers récidivantes, peuvent s’accompa-
et moyen. La présence de leucocytoclasie, de macrophages, gner d’une neutrophilie et de manifestations extracutanées
d’histiocytes et d’éosinophiles autour des vaisseaux der- spécifiques à neutrophiles des muqueuses ou des viscères.
miques est parfois associée. Ces lésions laissent place à Les abcès aseptiques neutrophiliques se rencontrent avec
un infiltrat histiocytaire parfois granulomateux puis une prédilection au cours des colites inflammatoires (colite ul-
fibrose avec accumulation d’histiocytes xanthomisés et de céreuse, maladie de Crohn) ou de rhumatismes inflamma-
cholestérol. toires. Les traitements corticoïdes et immunosuppresseurs
Les associations pathologiques de l’EED sont dominées sont généralement efficaces.
par :
− l’infection VIH, rapportée dans une vingtaine d’obser- Pustulose des connectivites
vations, fréquemment associée à une infection par les La pustulose des connectivites est une DN rare localisée
virus des hépatites B, C ou cytomégalovirus. Les lésions dans les grands et petits plis et associée à des pustules
cutanées, parfois violacées, peuvent simuler une mala- isolées du cuir chevelu et du conduit auditif externe. Elle
die de Kaposi ou une angiomatose bacillaire ; a été décrite au cours du lupus érythémateux systémique
− les maladies hématologiques, liées à une paraprotéine et d’autres maladies auto-immunes ⁴¹. Histologiquement,
surtout de type IgA, une cryoglobulinémie ou un myé- il s’agit d’une pustule spongiforme, sous-cornée, associée
lome ; à un infiltrat dermique neutrophilique sans vasculite. Un
− l’infection streptococcique et les maladies auto- déficit en zinc a été rapporté dans quelques cas. Les lésions
immunes (PAR, MITD, polychondrite chronique, dia- sont sensibles à la corticothérapie générale ou locale.
bète sucré, maladie cœliaque...).
Le traitement repose sur la dapsone, souvent suspensive, Syndrome PAPA
et celui de l’affection sous-jacente. Le syndrome PAPA (MIM 604416) est une affection géné-
tique autosomique dominante intégrée dans le cadre des
Autres dermatoses neutrophiliques maladies auto-inflammatoires. Il associe des arthrites puru-
lentes destructrices à des lésions de type PG et à une acné
Abcès aseptiques neutrophiliques nodulokystique sévère. Il est causé par des mutations du
Les abcès aseptiques neutrophiliques se caractérisent par gène codant pour la CD2 Binding Protein 1, protéine impli-
des nodules cutanés profonds, inflammatoires, pouvant se quée dans une voie de l’inflammation ⁴².
fistuliser avec drainage d’un pus stérile (fig. 14.23) ³⁹,⁴⁰. Ces
Manifestations extracutanées ⁴³
Tous les organes peuvent être atteints au cours des DN,
sous la forme d’infiltrats neutrophiliques aseptiques ou
d’abcédations. Ces manifestations sont rares, de fréquence
probablement sous-estimée et de diagnostic délicat.
Les atteintes pulmonaires sont les plus fréquentes et sont
rapportées surtout au cours du SyS (plus de la moitié des
cas) et du PG. Les lésions sont constamment symptoma-
tiques à type de fièvre, toux, dyspnée, douleurs thoraciques

Coll. Pr J. Sany, Montpellier


Coll. D. Bessis

Fig. 14.24 Nodule liquidien pseudo-kystique et aseptique (confirmation


Fig. 14.23 Abcès aseptiques neutrophiliques : nodules cutanés profonds par ponction-biopsie) correspondant à la localisation spécifique
et fistulisés des jambes au cours d’une maladie de Crohn neutrophilique hépatique d’un pyoderma gangrenosum

 DN dermatose neutrophilique · EED erythema elevatum diutinum · MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PAR polyarthrite rhumatoïde · PG pyoderma gangrenosum ·
SyS syndrome de Sweet
14-14 Dermatoses neutrophiliques

et se caractérisent radiologiquement par des infiltrats inter- cher de manière plurifocale le foie (fig. 14.24), la rate, les
stitiels, des opacités segmentaires ou lobaires, des épanche- ganglions profonds, le pancréas, le tube digestif. Ces locali-
ments pleuraux ou des abcès. L’absence de spécificité des sations sont le plus souvent symptomatiques, de début bru-
signes cliniques et radiologiques explique leur fréquente tal parfois pseudo-chirurgical, à type d’abcès des organes
méconnaissance pour des infections broncho-pulmonaires. pleins ou d’infiltrations pariétales plurifocales du tube di-
Les SyS avec atteinte pulmonaire sont fréquemment asso- gestif. En outre, des anomalies biologiques transitoires des
ciés à une hémopathie maligne. Leur pronostic est réservé enzymes hépatiques sont fréquentes en particulier au cours
malgré une bonne corticosensibilité. du syndrome de Sweet.
Les atteintes articulaires sont fréquentes au cours du SyS Les autres atteintes extracutanées ont essentiellement
et du PG. Il peut s’agir d’une polyarthrite chronique séroné- été rapportées au cours du SyS. Il s’agit d’atteinte du sys-
gative parfois destructrice, d’une spondylarthropathie séro- tème nerveux central (méningite aseptique, neuropathie
négative axiale et/ou périphérique ou d’une monoarthrite axonale et périphérique), musculaires (myalgies fréquentes
aseptique. et rares cas de myosite neutrophilique), cardiovasculaires
Les atteintes osseuses à type d’ostéomyélite aseptique ou (abcès et sténose aortique, infiltration neutrophilique myo-
d’ostéite de contiguïté sont rares et touchent avec prédilec- cardique), oculaires (blépharite, conjonctivite, épisclérite,
tion l’enfant. kératite, uvéite, ulcération de la sclère) et rénales (gloméru-
Les atteintes viscérales intra-abdominales peuvent tou- lonéphrite mésangiocapillaire, protéinurie, hématurie).

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 PG pyoderma gangrenosum · SyS syndrome de Sweet


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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D. Dermatoses neutrophiliques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations
dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 14.1-14.15.
15
Dermatoses éosinophiliques
Olivier Dereure

Physiopathologie générale des dermatoses à éosinophiles Syndrome hyperéosinophilique primitif 15-8


15-1 Angio-œdème cyclique avec hyperéosinophilie de Gleich
Folliculites à éosinophiles 15-2 15-10
Folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji 15-2 Vasculite à éosinophiles 15-10
Folliculite pustuleuse à éosinophiles des patients VIH 15-4 Divers 15-10
Folliculite pustuleuse à éosinophiles du scalp de l’enfant Syndrome EPPER (Eosinophilic polymorphic Pruritic
15-4 Eruption of Radiotherapy) 15-10
Cellulite à éosinophiles (syndrome de Wells) 15-5 Dermatose éosinophilique des syndromes myélo- et
Hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie et lymphoprolifératifs 15-10
maladie de Kimura 15-6 Syndrome NERDS (Nodules Eosinophilia Rheumatism
Granulome facial éosinophilique de Lever 15-7 Dermatitis Swelling) 15-10
Ulcère éosinophilique des muqueuses 15-7 Références 15-11

L es différentes entités regroupées sous ce vocable sont


beaucoup plus disparates et hétérogènes que les der-
matoses neutrophiliques qui partagent peut-être une phy-
tels le G-CSF et le GM-CSF et surtout l’IL-5 libérée par des
lymphocytes T CD4 + TH2. Le PE passe dans le sang puis
dans les tissus par un système d’« adressage » et se localise
siopathologie assez proche et pour lesquelles des formes in- surtout sur les zones « frontières » à l’exception relative de
termédiaires existent ainsi que des associations. Les derma- la peau où sa présence est rare dans les conditions normales.
toses éosinophiliques (DE) ne partagent quant à elles que Sa durée de vie sanguine est d’environ 8 à 12 jours. Il subit
l’implication plus ou moins importante de polynucléaires une apoptose terminale surtout liée au système Fas/FasL. Il
éosinophiles (PE) dans le déterminisme des lésions histo- s’agit d’une cellule au noyau bilobé et au cytoplasme éosino-
logiques, PE dont le rôle physiopathologique est d’ailleurs phile très riche en granules sécrétoires ; les organites sont
loin d’être évident dans beaucoup de cas. On réserve habi- très développés, ce qui témoigne d’un métabolisme actif,
tuellement le terme de DE aux affections inflammatoires notamment l’appareil de Golgi. Le PE peut produire et sécré-
où les PE représentent la majorité ou tout au moins un ter de nombreuses molécules responsables de son activité
pourcentage significatif des cellules présentes dans l’infil- physiologique mais aussi des lésions tissulaires : protéine
trat. Seront en conséquence exclues de ce cadre les piqûres basique majeure, protéine éosinophilique cationique, en-
d’insectes, les eczémas, les histiocytoses langerhansiennes, zymes variés (peroxydase, protéases, métalloprotéinases),
certaines maladies bulleuses auto-immunes telle la pem- Stem Cell Factor (ligand de c-kit), NGF (nerve growth fac-
phigoïde bulleuse, la gale, les urticaires et les toxidermies tor), neurotoxine dérivée des éosinophiles, des facteurs de
médicamenteuses. La présence de PE dans les lésions est croissance : FGF-2, TGF-β, VEGF, β-FGF, PDGF et des cy-
parfois assez difficile à mettre en évidence et doit alors être tokines pro-inflammatoires ou angiogéniques (IL-8, IL-6,
identifiée par l’emploi de colorations particulières (Harris- GM-CSF). Ces médiateurs sont à l’origine de ces relations
Schoor). cellulaires cruciales avec les mastocytes (boucle d’activa-
tion réciproque), les cellules endothéliales (action proan-
giogène) et les fibroblastes (effet profibrosant) (fig. 15.1). Les
Physiopathologie générale des dermatoses à fonctions physiologiques majeures du PE font intervenir
éosinophiles ses capacités de phagocytose mais aussi et surtout la libéra-
tion du contenu des granules sécrétoires à l’origine d’une cy-
Le polynucléaire éosinophile est une cellule issue de la gra- totoxicité directe et indirecte par le déclenchement d’une ré-
nulopoïèse médullaire à partir d’un précurseur granulocy- action immunitaire peu spécifique : action anti-infectieuse
taire totipotent sous l’influence de facteurs de croissance (parasites +++) en synergie avec les IgE, réactions d’hyper-

 IL interleukine · TGF transforming growth factor · VEGF vascular endothelial growth factor
15-2 Dermatoses éosinophiliques

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Coll. Pr O. Dereure, Montpellier


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Fig. 15.1 Physiopathologie générale des dermatoses à éosinophiles : le polynucléaire éosinophile produit et secrète divers médiateurs à l’origine de
relations cellulaires avec les mastocytes (activation réciproque), les cellules endothéliales (action proangiogène) et les fibroblastes (effet profibrosant)

sensibilité immédiate ou de type III et défense antitumo- leukines IL-4 et IL-5 (facteur de croissance des PE) sans
rale. Ces médiateurs sont également à la base de la grande qu’un clone dominant ait pu être mis en évidence dans les
majorité des lésions tissulaires induites par les PE : cytotoxi- rares études publiées. Une hypersécrétion de la molécule
cité directe de contact (PBM, PEC, neurotoxine, enzymes d’adhésion ICAM-1 a également été rapportée.
lytiques), inflammation peu spécifique (PG, leucotriènes), Les lésions évoluent par poussées sous forme de plaques
attraction de PNN et microthromboses, activation de l’an- inflammatoires parsemées de pustules ou de papulopus-
giogenèse et de la synthèse de collagène (action profibro- tules stériles souvent folliculaires ¹. Elles atteignent sur-
sante), activation réciproque avec les mastocytes avec libé- tout la face (parfois sous la forme d’un érythème en
rations des médiateurs mastocytaires qui entraînent à leur « ailes de papillon », fig. 15.2), les faces d’extension des
tour des conséquences tissulaires. membres supérieurs et le tronc (fig. 15.3), plus rarement
les paumes et les plantes (pourtant en principe dépour-
Folliculites à éosinophiles vues de follicules pileux) ; elles sont prurigineuses dans
moins de la moitié des cas. Les plaques sont souvent mul-
Trois entités voisines et peut-être distinctes partagent tiples et s’étendent souvent de façon centrifuge en dessi-
cette image histologique assez caractéristique. nant des figures circinées pseudo-dermatophytiques. Des
formes exclusivement palmo-plantaires ont été rappor-
Folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji tées, indistinguables cliniquement des pustuloses palmo-
Cette affection chronique décrite par les auteurs japonais plantaires. Les poussées apparaissent sans facteur déclen-
en 1965 touche essentiellement les hommes adultes (sex- chant notable le plus souvent et disparaissent sponta-
ratio environ 5/1) et épargne en principe les enfants de nément en laissant souvent des séquelles pigmentées.
moins de 10 ans. Son étiopathogénie est mal connue mais L’intervalle libre entre les poussées est très variable. Il
pourrait impliquer des phénomènes d’hypersensibilité à n’existe habituellement aucun symptôme d’accompagne-
des agents très variés (telle la présence de demodex même ment. Dans certains cas, et tout particulièrement chez
en faible quantité dans les follicules), notamment sur des les patients atopiques, les lésions peuvent subir une évo-
terrains de déséquilibre immunitaire avec expansion des lution nodulaire nécrotique et/ou hémorragique avec ap-
lymphocytes T-helper de type 2 (TH2) produisant les inter- parition de placards arciformes, infiltrés et croûteux du

 IL interleukine
Folliculites à éosinophiles 15-3

Coll. Pr E. Delaporte, service de dermatologie, Lille

Coll. D. Bessis
Fig. 15.4 Lésions papuleuses et pustuleuses inflammatoires de la face
antérieure du tronc au cours d’une folliculite pustuleuse chez un patient VIH

les formes nécrotiques qui sont par ailleurs souvent ca-


Fig. 15.2 Papules et pustules disséminées du visage et du cou au cours ractérisées par une nécrose folliculaire, des micro-abcès,
d’une folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji une vasculite nécrosante à PE centrée sur les follicules
et des figures en « flammèches ». La présence d’une hy-
visage ². L’atteinte muqueuse est rarissime (lésions pustulo- perplasie mastocytaire modérée est souvent notée autour
érosives). des annexes cutanées. L’immunofluorescence directe est
L’image histologique est assez caractéristique avec pré- en principe négative. Une hyperleucocytose isolée à PE
sence d’un infiltrat riche en PE occupant la partie supé- est présente dans les trois quarts des cas ; une élévation
rieure du follicule pileux (organisé en micro-abcès, voire des IgE est également souvent notée. Les prélèvement
formant une véritable bulle) associé à une atteinte très fré- bactériologiques et mycologiques sont par définition sté-
quente de la glande sébacée et du derme superficiel, voire à riles.
des signes de souffrance de la gaine pilaire externe. Une mu- Quelques associations ont été rapportées telles des syn-
cinose folliculaire est parfois présente, notamment dans dromes myéloprolifératifs (syndromes myélo-dysplasiques,
maladie de Vaquez, leucémie myéloïde chronique) et lym-
phoprolifératifs (leucémie lymphoïde chronique ; lympho-
mes non hodgkiniens), parfois après allo-greffe ou auto-
greffe médullaire ³. Dans d’autres cas, un médicament in-
ducteur a pu être incriminé sur des bases chronologiques
Coll. Pr E. Delaporte, service de dermatologie, Lille

(allopurinol, anticalcique, etc.) ou encore des injections


sous-cutanées de silicone.
Le traitement de cette affection est mal codifié et souvent
délicat ⁴. Il fait appel en première intention à la dapsone,
aux dermocorticoïdes ou aux AINS (indométhacine notam-
ment ou encore naproxène) lors des poussées. Corticothéra-
pie générale, photothérapie (PUVA ou UVB spectre étroit),
métronidazole, doxycycline ou isotrétinoïne peuvent être
proposés en cas d’échec. Plus récemment, le tacrolimus
topique a pu donner de bons résultats ⁵ de même que les
Fig. 15.3 Atteinte des épaules et de la nuque chez le même malade patches transdermiques délivrant de la nicotine.

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens


15-4 Dermatoses éosinophiliques

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 15.5 Atteinte pustuleuse du scalp au cours d’une folliculite
pustuleuse à éosinophiles de l’enfant Fig. 15.6 Atteinte pustuleuse du tronc : une localisation cutanée
atypique de folliculite pustuleuse à éosinophiles de l’enfant
Folliculite pustuleuse à éosinophiles des patients VIH
Cette « variante » de l’affection précédente (mais le lien noso- cline ou la dapsone pourront être proposés. Le traitement
logique précis reste à établir) s’individualise par quelques antirétroviral de haute activité est également un facteur
nuances : prurit beaucoup plus fréquent, prédominance important pour obtenir une amélioration clinique signifi-
masculine plus marquée, évolution continue, plaques par- cative et durable dans cette affection souvent récidivante
fois purement inflammatoires sans pustules visibles et et rebelle.
pouvant toucher l’ensemble du corps (fig. 15.4), lésions as-
sociées urticariformes. L’hyperéosinophilie est également Folliculite pustuleuse à éosinophiles du scalp de l’enfant ⁶
fréquente. L’histologie ne montre en général pas de pustule Cette affection d’étiopathogénie inconnue (hypersensibi-
folliculaire bien individualisée mais plutôt un infiltrat der- lité ?) atteint en priorité les garçons entre 5 et 10 mois et
mique à PE se renforçant dans les zones périfolliculaires et réalise des papulopustules prurigineuses à évolution rapide-
périvasculaire. Ces lésions apparaissent surtout quand les ment croûteuse qui évoluent par poussées durant quelques
lymphocytes CD4 sont bas, inférieurs à 200-250 par mm 3, jours à plusieurs semaines sur une durée totale de quelques
mais aucun lien précis avec des infections opportunistes mois à quelques années. Dans certains cas, les lésions appa-
n’a pu être établi à ce jour sauf peut-être un envahissement raissent en périodes néonatales et sont rapidement auto-
majeur des follicules par des levures de type pityrosporon régressives (diagnostic différentiel avec infections notam-
dans certains cas (mais le lien étiologique reste à établir). Le ment candidosiques, érythème « toxique » néonatal, méla-
diagnostic différentiel inclut les éruptions papuleuses pru- nose pustuleuse transitoire, histiocytose langerhansienne).
rigineuses des VIH, entité en fait cliniquement très proche Ces éléments sont surtout, mais non exclusivement, situés
mais où les PE sont en principe moins nombreux. sur le scalp (fig. 15.5, fig. 15.6). Les divers prélèvements infec-
Le traitement fait appel en priorité à la cétirizine, aux der- tieux sont par définition négatifs et l’histologie montre un
mocorticoïdes, au métronidazole topique, à la perméthrine infiltrat dermique riche en PE, notamment dans les zones
et à la photothérapie UVB qui est en général efficace. En cas périfolliculaires et intrafolliculaires mais sans véritable pus-
d’échec, l’isotrétinoïne, le métronidazole per os, la minocy- tule folliculaire comme dans la maladie d’Ofuji. L’hyperéosi-
Cellulite à éosinophiles (syndrome de Wells) 15-5

nophilie périphérique est fréquente, notamment au début


des poussées. Il ne faut pas confondre cette entité avec
d’autres causes de papules ou pustules chez l’enfant notam-
ment la gale, l’acropustulose infantile, les histiocytoses lan-
gerhansiennes ou les folliculites infectieuses « vraies ». Le
traitement doit se limiter à des dermocorticoïdes à la de-
mande lors des poussées, avec éventuellement recours à la
dapsone dans les rares formes invalidantes avec rechutes
importantes et fréquentes. L’individualisation de cette en-
tité est actuellement assez fortement contestée.

Coll. D. Bessis

Fig. 15.7 Plaque inflammatoire annulaire de la face postérieure du


membre supérieur au cours d’une cellulite à éosinophiles

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier


Fig. 15.9 Érythème annulaire à éosinophiles, une variante clinique de la
cellulite à éosinophiles

annulaires ou circinés, qui représente probablement une


variante clinique) (fig. 15.9), des papulo-nodules profonds
pouvant en imposer pour un érythème noueux (pannicu-
Coll. D. Bessis

lite à éosinophiles) notamment sur les paumes ⁸, des lé-


sions purement urticariennes, ou des œdèmes de la face
Fig. 15.8 Papules et nodules prébulleux du dos des mains au cours parfois associés à des nodules conjonctivaux. Les lésions
d’une cellulite à éosinophiles suivent parfois les lignes de Blaschko. Il n’y a en principe
aucun signe général. Une hyperéosinophilie périphérique
Cellulite à éosinophiles (syndrome de Wells) est souvent présente (50 % des cas). L’histologie montre un
infiltrat œdémateux à PE matures souvent dégranulés du
Cette affection se présente sous forme de placards cutanés derme moyen et profond, voire de l’hypoderme, puis des
d’apparition brutale, parfois après un facteur déclenchant images en « flammèches » (fig. 15.10) assez particulières qui
précis (piqûres, prise médicamenteuse, vaccins contenant correspondent en fait à des dépôts de protéines basique
du thiomersal, récurrence herpétique, cryothérapie, etc.), majeure des PE associés à des fibres de collagènes rema-
souvent très inflammatoires, bien limités, œdémateux et niées et à des cellules inflammatoires (effet cytotoxique
indurés (aspect de peau d’orange), voire bulleux, situés sur des produits de dégranulation des PE). Enfin apparaissent
le tronc et les extrémités (fig. 15.7, fig. 15.8), atteignant en prio- des granulomes phagocytaires parfois palissadiques entou-
rité les adultes (rares cas pédiatriques) ⁷. Ont été également rant et dégradant ces images en flammèches. L’évolution
rapportés des aspects annulaires (érythème annulaire à éo- spontanée se fait vers la régression des lésions en quelques
sinophiles évoluant par poussées d’éléments grossièrement semaines mais des récidives sont fréquentes parfois sur plu-
15-6 Dermatoses éosinophiliques

peut-être sous-tendue par des voies physiopathologiques


similaires (expansion de clones T CD4 + à tropisme cutané
et sécrétant de grandes quantités d’IL-5), par analogie aux
maladies neutrophiliques. Le traitement fait surtout appel
aux corticoïdes locaux et surtout généraux à dose moyenne,
aux anti-H1, voire aux AINS et à la dapsone, et bien sûr à
l’éviction du facteur déclenchant quand celui-ci est connu.
Les antipaludéens de synthèse seraient particulièrement
efficaces dans les formes à type d’érythème annulaire à
éosinophiles. La ciclosporine à petites doses pendant 3 à
4 semaines pourrait être intéressante dans les formes ré-
currentes.

Hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie


et maladie de Kimura
Il s’agit de deux entités clinico-histologiques assez proches,
et qui ont en fait été réunies par certains auteurs sous
le terme de lésions angiolymphoïdes avec éosinophilie ou
d’hémangiomes épithélioïdes. Les aspects cliniques sont
toutefois un peu différents avec nodules sous-cutanés chro-
niques œdémateux, inflammatoires de l’extrémité cépha-
lique (cuir chevelu, oreilles) accompagnés d’adénopathies
régionales et d’une atteinte des glandes salivaires chez un
Asiatique jeune plutôt du sexe masculin (maladie de Ki-
mura) ¹⁰ ou papulonodules superficiels plus nettement an-
Coll. Dr L. Durand, Montpellier

giomateux, également souvent localisés sur l’extrémité cé-


phalique (fig. 15.11) et saignotant facilement chez un sujet à
peau dite blanche (plutôt une femme), sans adénopathies
(hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie). Les adé-
nopathies sont parfois beaucoup plus diffuses dans le cas
de la maladie de Kimura et peuvent atteindre les ganglions
Fig. 15.10 Infiltrat dermique à prédominance de polynucléaires thoraciques et abdominaux, notamment chez les patients
éosinophiles (à fort grossissement, image en « flammèches ») immunodéprimés.
L’hyperplasie angiolymphoïde avec éosinophilie peut égale-
sieurs années. La biologie est le plus souvent normale mais ment toucher d’autres organes que la peau et notamment
une hyperéosinophilie sanguine est possible. La physiopa- les poumons sous forme de masses tissulaires suspectes
thologie est discutée mais pourrait là encore faire appel à de néoplasie et les os. Une hyperéosinophilie sanguine est
des phénomènes d’hypersensibilité à des agents très divers souvent présente dans les deux cas. Histologiquement, les
intervenant sur un terrain prédisposé avec déséquilibre
TH1/TH2 et hypersécrétion d’IL-5 ; dans d’autres cas, un
clone T dominant périphérique produisant de l’IL-5 pour-
rait être présent, de la même façon que dans le syndrome
hyperéosinophilique primitif. Diverses associations ont été
rapportées : fasciite à éosinophiles de Schulman, vasculites
leucocytoclasiques, rares hémopathies malignes, maladie
de Buerger, carcinome colique et bronchique, maladie de Ki-
kuchi, syndrome hyperéosinophilique primitif ⁹, syndrome
de Churg et Strauss et syndrome de Sweet. Il est donc de
règle d’effectuer un bilan de principe à la recherche d’une af-
fection associée, et tout particulièrement une hémopathie
ou une tumeur maligne, dans les cas où les lésions sont sub-
intrantes pendant au moins 6 mois et/ou en cas de manifes-
Coll. D. Bessis

tations systémiques. L’association de plusieurs affections


médiées par les éosinophiles chez un même patient a par
ailleurs conduit au concept de « maladie éosinophilique » Fig. 15.11 Papulo-nodule angiomateux du scalp au cours d’une
pouvant se présenter sous divers visages cliniques mais hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · IL interleukine


Ulcère éosinophilique des muqueuses 15-7

lésions sont le siège d’un infiltrat inflammatoire plus ou lymphomes et pseudo-lymphomes, les granulomes annu-
moins profond comprenant un contingent variable de PE laires et réactionnels, l’infiltrat lymphocytaire de Jessner
(important dans la maladie de Kimura, plus limité dans et Kanoff et surtout l’EED pour les lésions des membres. Le
l’HALE), des centres germinatifs lymphocytaires (maladie traitement est difficile : exérèse chirurgicale, injections in-
de Kimura) et une composante angiomateuse beaucoup tralésionnelles de corticoïdes, dapsone, laser CO 2 ou « vas-
plus nette dans l’HALE avec endothéliocytes proéminents culaire » (KTP ou à colorant pulsé), cryochirurgie, photothé-
dans la lumière vasculaire et prenant un aspect épithé- rapie et antipaludéens ont été proposés avec des résultats
lioïde. La physiopathologie de ces lésions est inconnue variables, souvent décevants. Plus récemment, le tacroli-
mais fait probablement appel à une stimulation des lym- mus topique a pu se révéler intéressant ¹³.
phocytes TH2, parfois sous la forme d’une population clo- Le granulome facial éosinophilique peut être associé à une
nale T dominante qu’on peut retrouver dans le sang et les fibrose angiocentrique à éosinophiles de la région naso-
divers sites lésionnels. D’autres auteurs ont incriminé une sinusienne, qui pourrait représenter un équivalent mu-
apoptose prématurée des PE avec phagocytose des débris queux du granulome facial ¹⁴. Cette affection se caractérise
cellulaires et réaction granulomateuse. Il est par ailleurs par une obstruction nasale et un œdème nasal progressifs,
intéressant de noter que la maladie de Kimura peut être la présence d’une masse endonasale ou endosinusienne et
associée à des affections rénales telles que des syndromes des douleurs du maxillaire supérieur. L’histologie montre
néphrotiques parfois d’origine auto-immune en particulier la présence d’une fibrose périvasculaire en « pelures d’oi-
chez des enfants où la recherche d’une telle association gnon » associée à un infiltrat inflammatoire polymorphe
doit être systématique ¹¹, rejet chronique de greffe ou insuf- où les polynucléaires éosinophiles dominent, associés à des
fisance rénale où l’apparition d’une maladie de Kimura peut lymphocytes CD4 + périvasculaires. Un traitement chirurgi-
être annoncée par celle d’un HTA réfractaire et/ou d’une cal est possible mais des récidives sont possibles même si la
anémie. En revanche, l’hyperplasie angiolymphoïde avec lésion demeure histologiquement bénigne. Il n’y a pas d’as-
éosinophilie est le plus souvent isolée sauf dans quelques sociation particulière avec des manifestations systémiques.
rares cas (lymphome T périphérique, syndrome néphro-
tique, carcinome épidermoïde de voisinage). Le traitement Ulcère éosinophilique des muqueuses ¹⁵
n’est pas codifié : laser CO2 ou vasculaire (laser à colorant
pulsé avec longueur d’onde importante de 595 nm), radio- Cette entité dont le caractère spécifique est discuté (« voie
thérapie, dermocorticoïdes, injections intralésionnelles de finale commune » de diverses affections sous-jacentes ?)
corticoïdes, exérèse chirurgicale, cryochirurgie, ou encore
dapsone, APS, corticoïdes généraux, cétirizine (Kimura) ou
AINS. L’imiquimod aurait également donné de bons résul-
tats dans l’hyperplasie angiolymphoïde avec éosinophilie.
L’utilisation d’anticorps anti-IL5 (mepozimulab) n’est en-
core qu’expérimentale. Toutefois, les résultats de ces diffé-
rents traitements sont souvent décevants.

Granulome facial éosinophilique de Lever


Il s’agit d’une dermatose chronique apparaissant essentiel-
lement après 30 ans et qui réalise des lésions nodulaires
ou en plaques d’apparition progressive, asymptomatiques,
rouge brunâtre, uniques ou multiples (mais restant tou-
jours en nombre limité), situées essentiellement sur l’ex-
trémité céphalique (fig. 15.12) mais aussi parfois sur le tronc
et les membres supérieurs (aspects en plaques arrondies
ou ovalaires à bords souvent surélevés ou en nodules iso-
lés) ¹². L’histologie est marquée par un infiltrat important
du derme superficiel, séparé de l’épiderme par une zone
« frontière », et constitué essentiellement de PE et de PNN,
parfois associé à des images de vasculite « vraie » avec né-
Coll. Pr B. Guillot, Montpellier)

crose fibrinoïde ; une fibrose concentrique autour des petits


vaisseaux est souvent rapportée dans les lésions plus an-
ciennes. Il n’existe en principe aucune anomalie biologique
associée. La physiopathologie de cette affection rare est
mal connue mais pourrait impliquer, comme on le soup-
çonne de plus en plus souvent, l’intervention de clones lym-
phocytaires T CD4 + à tropisme cutané et sécréteurs d’IL-5. Fig. 15.12 Nodules brunâtres, d’aspect peau d’orange, d’une joue au
Le diagnostic différentiel se pose avec la sarcoïdose, les cours du granulome facial éosinophilique de Lever

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · APS antipaludéens de synthèse · EED erythema elevatum diutinum · IL interleukine
15-8 Dermatoses éosinophiliques

touche les adultes et enfants de tous âges avec une légère


prédominance féminine. Elle atteint avant tout la cavité Syndrome hyperéosinophilique primitif
buccale et tout particulièrement la langue sous la forme (SHP) ¹⁶,¹⁷
d’un ou de plusieurs nodules ulcérés peu ou pas symptoma-
tiques, d’apparition assez rapide et qui succèdent souvent Ce syndrome a été défini par défaut par Chusid en 1975 et
à un traumatisme local (fig. 15.13). Les lèvres et les commis- doit répondre aux critères suivants : plus de 1 500 PE/mm 3
sures labiales peuvent aussi être atteintes, quoique plus pendant plus de 6 mois consécutifs ; pas d’étiologie indi-
rarement. Il n’y a aucun signe associé et notamment au- vidualisée ; présence de lésions tissulaires de tous ordres,
cune adénopathie de voisinage. y compris cutanées. Cette définition est donc nécessaire-
ment très large et inclut des entités probablement très
différentes tant dans leur physiopathologie que dans leur
pronostic. Les lésions cutanées et viscérales associées au
SHP sont en revanche assez peu dépendantes des méca-
nismes sous-jacents et sont plutôt liées à l’ancienneté et
au degré de l’hyperéosinophilie. L’hyperéosinophilie san-
guine peut en effet être plus ou moins accentuée et s’ac-
compagne souvent d’une hyperéosinophilie médullaire qui
est là aussi d’importance variable mais une discordance
entre les deux compartiments est possible. Les PE sont
en général matures, de morphologie normale sans aty-
Coll. Pr B. Guillot, Montpellier) pie cytologique même dans les formes dites « proliféra-
tives ». Les dégâts tissulaires liés à l’excès d’éosinophiles
sont très probablement liés à la libération des granules
de sécrétions des PE qui infiltrent les tissus, granules
qui contiennent des molécules cytotoxiques telles la pro-
téine cationique éosinophilique, la protéine basique ma-
Fig. 15.13 Ulcérations du bord lingual au cours d’un ulcère jeure et de nombreux enzymes lytiques. Ces molécules en-
éosinophilique des muqueuses traînent des destructions tissulaires directes mais aussi
une inflammation moins spécifique qui peut elle-même
Histologiquement, l’infiltrat inflammatoire, souvent im- contribuer à l’apparition des lésions et qui peut entraîner
portant et constitué en grande partie de PE, atteint le la survenue de microthromboses locales, voire de throm-
chorion et parfois les muscles sous-jacents, avec un as- boses plus importantes comme par exemple au contact
pect en fait très proche de celui des lésions buccales de de l’endocarde lésé. Une évolution fibrosante tardive est
l’hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie où des lé- souvent constatée. Les PE sont donc en général retrouvés
sions cutanées sont en principe également présentes (no- dans les lésions tissulaires en quantité plus ou moins im-
tion de spectre continu entre ces deux entités). Le diag- portante.
nostic différentiel inclut par ailleurs l’histiocytose lange- Deux grands types de SHP ont été initialement individuali-
rhansienne dans sa forme à type de granulome à éosino- sés, qui ont un pronostic bien différent :
philes, les lymphomes T angiocentriques (ex-granulome − SHP « allergique » où l’hyperéosinophilie est associée à
malin centro-facial), certaines vasculites (maladie de We- un terrain atopique et à une élévation des IgE totales
gener), les carcinomes intrabuccaux, les localisations d’hé- et reste en général modérée, avec des manifestations
mopathies malignes, les aphtes géants et certaines infec- souvent relativement bénignes même au long cours ;
tions (tréponématoses, tuberculose, etc.). Dans les très − SHP « prolifératif » avec une hyperéosinophilie beau-
rares localisations extra-buccales, un autre diagnostic dif- coup plus importante et des lésions tissulaires plus
férentiel doit être évoqué, l’ulcère aigu de la vulve (ul- menaçantes et surtout un pronostic à long terme net-
cère de Lipschütz) qui est considéré par beaucoup d’au- tement plus défavorable tant en raison des anoma-
teurs comme une forme clinique de primo-infection vi- lies sous-jacentes que des complications viscérales de
rale, notamment à EBV ou à CMV ; les primo-infections l’hyperéosinophilie.
herpétiques sont en revanche cliniquement souvent bien Cette distinction est actuellement assez peu usitée et seuls
différentes. La physiopathologie de cette curieuse affec- les SHP prolifératifs sont vraiment considérés par la plu-
tion est inconnue. L’évolution est spontanément favo- part des auteurs. Schématiquement, deux situations sont
rable avec disparition des lésions en un mois environ et possibles sur le plan physiopathologique : soit une hypersti-
seules des mesures symptomatiques s’imposent même mulation de la production de PE normaux sous l’influence
si un traitement plus « actif » est en fait recommandé par exemple d’un taux élevé d’IL5 produit par un clone
par beaucoup d’auteurs (chirurgie, corticoïdes intralésion- lymphocytaire T anormal (probablement de nature TH2)
nels ou per os, antibiotiques, etc.). Des récidives sont pos- souvent en fait « cryptique » pendant longtemps, sans
sibles et pourraient apparaître dans 10 % des cas envi- masse tumorale visible mais caractérisé par la présence
ron. d’un clone T circulant dominant identifié par les méthodes

 IL interleukine
Syndrome hyperéosinophilique primitif 15-9

Coll. D. Bessis
Fig. 15.15 Érosions muqueuses palatines au cours d’un syndrome
hyperéosinophilique primitif

phénomène de Raynaud, voire nécroses distales, hémorra-


gies sous-unguéales en « échardes » par microthromboses
(marqueur de sévérité du SHP dans son ensemble), pur-
pura, bulles, érosions (fig. 15.15) ou ulcérations muqueuses
(qui seraient particulièrement liées aux formes avec fu-
sion FIP1L1-PDGFR), nodules sous-cutanés, érythème an-
nulaire, etc. Ces lésions cutanéo-muqueuses évoluent par
poussées et s’accompagnent assez souvent de signes gé-
néraux (fièvre) ou viscéraux. Les éléments liés à des phé-
nomènes occlusifs ou hémorragiques auraient une valeur
pronostique péjorative.
Les images histologiques sont dominées par un infiltrat
Coll. D. Bessis

polymorphe caractérisé par la présence de PE matures en


quantité variable mais parfois très abondants, notamment
Fig. 15.14 Exanthème maculo-papuleux inflammatoire du tronc au dans les lésions muqueuses. Il peut s’y associer œdème
cours d’un syndrome hyperéosinophilique primitif du derme superficiel, microthromboses et fibrose dans les
lésions vieillies. L’IFD est négative. La présence de PE en
de biologie moléculaire et d’anomalies phénotypiques des abondance dans des lésions cutanées inflammatoires ou
lymphocytes circulants avec notamment une population non doit alerter le clinicien et faire pratiquer une NFS qui
CD2 +CD3 -CD4 + ou CD4 - abondante et présentant parfois peut alors orienter vers la possibilité d’un SHP mais seul le
des anomalies de l’expression de la molécule Fas, proapop- critère temporel permettra in fine d’établir le diagnostic.
totique, qui est souvent abaissée ; soit des anomalies intrin- Le pronostic des lésions cutanées est globalement bon mais
sèques des PE dans le cadre par exemple d’une authentique le pronostic d’ensemble est assombri par la possibilité d’at-
leucémie à PE (avec alors souvent des anomalies morpholo- teintes viscérales parfois menaçantes, voire mortelles, no-
giques des PE) ou de modifications génétiques avec notam- tamment cardiaques (endocardite fibrosante et thrombo-
ment une fusion entre le gène du récepteur alpha au PDGF sante), neurologiques centrales, digestives, pulmonaires
et un gène pour l’instant non caractérisé, appelé FIP1-like-1 mais aussi par l’évolution des anomalies lymphocytaires
(FIP1L1) par délétion intrachromosomique du fragment si- sous-jacentes (émergence parfois tardive d’un lymphome
tuée entre ces gènes sur la région 4q12. La fusion entraîne « vrai », nécessitant une surveillance précise et prolongée
probablement l’apparition d’une activité constitutive du des paramètres correspondants).
récepteur au PDGF à activité tyrosine-kinase avec finale- Le traitement des lésions cutanées, souvent gênantes en
ment des conséquences assez proches de l’hypersécrétion raison du prurit, peut être soit symptomatique (anti-H1,
du facteur de croissance des PE qu’est l’IL5. dermocorticoïdes, photothérapie), soit plus « étiologique »
Quoi qu’il en soit, les lésions cutanées liées au SHP quelle en tentant de faire décroître le chiffre des éosinophiles (cor-
que soit la cause de celui-ci sont fréquentes (50 % des cas), ticoïdes systémiques, cytostatiques tels hydroxyurée ou
parfois révélatrices (10 à 15 % des cas), très polymorphes poisons du fuseau, interféron alpha, anticorps anti-IL5 ¹⁸,
et ne sont pas forcément corrélées au chiffre de l’hyperéosi- imatinib mésylate dans les formes avec fusion PDGFR-
nophilie : exanthème maculo-papuleux inflammatoire chro- FIP1L1 ¹⁹, notamment dans un contexte de syndrome lym-
nique ou éruptif (fig. 15.14), prurigineux, troubles pigmen- phoprolifératif, voire polychimiothérapie en cas de lym-
taires (hyperpigmentation ++), urticaire/angio-œdème, phome constitué).

 IL interleukine
15-10 Dermatoses éosinophiliques

quente lors des poussées et des associations avec un SHP


Angio-œdème cyclique avec hyperéosinophilie ont d’ailleurs été signalées. Dans certains cas, un taux élevé
de Gleich ²⁰ d’IL5 a été identifié dans le sérum au moment des poussées,
ce qui suggère la présence d’un facteur externe qui active
Cette entité très rare qui atteint surtout les adultes jeunes les PE.
sans antécédent atopique notable est caractérisée par des
épisodes d’angio-œdème sévères et diffus associés à une Divers
urticaire, une prise de poids d’au moins 10 %, des signes
généraux (fièvre, malaise général) et à une hyperéosinophi- Syndrome EPPER (Eosinophilic polymorphic Pruritic Eruption of
lie souvent majeure qui persiste parfois sur un mode mi-
Radiotherapy)
neur entre les poussées. Les IgE totales sont élevées dans
la moitié des cas et le restent parfois entre les poussées. Ce curieux tableau cutané de description assez récente ²⁴ se-
Ces épisodes apparaissent sans facteur déclenchant parti- rait assez fréquent (17 % des patients irradiés dans l’étude
culier et durent entre 7 et 10 jours ; ils disparaissent spon- princeps) ; il se présente sous forme de lésions prurigi-
tanément sans laisser de traces et se reproduisent à des neuses polymorphes (papules, vésicules, nodules, etc.) dé-
intervalles très variables. L’aspect histologique est peu spé- passant souvent le champ d’irradiation et apparaissant
cifique (œdème dermique et infiltrat périvasculaire consti- dans les semaines qui suivent l’irradiation. Les membres in-
tué en partie de PE). La physiopathologie de cette curieuse férieurs sont souvent atteints en priorité. L’histologie des
entité est inconnue (hypersécrétion cyclique d’IL2 et d’IL5 lésions montre un infiltrat peu spécifique du derme superfi-
par des clones lymphocytaires TH1 et TH2 anormaux ou ciel, riche en PE matures. Une hyperéosinophilie sanguine
activés de façon indue ?). Le principal diagnostic différen- est parfois observée en parallèle. L’évolution peut être chro-
tiel est représenté par les manifestations cutanées du SHP nique et le traitement purement symptomatique (anti-H1,
mais l’évolution est bénigne et il n’y a pas de lésions viscé- dermocorticoïdes). La physiopathologie est inconnue.
rales. Toutefois, des tableaux cliniques assez proches ont
été observés au cours du SHP. Le traitement ne peut être Dermatose éosinophilique des syndromes myélo- et
que symptomatique, à base de corticoïdes à forte dose lors
lymphoprolifératifs ²⁵
des poussées, efficace mais qui n’influe pas sur le cours
général de l’affection. Il s’agit de papulo-nodules ou de lésions vésiculo-bulleuses
prurigineuses résistantes aux traitements « habituels » et si-
Vasculite à éosinophiles tués avant tout sur les extrémités notamment céphaliques,
caractérisées par un infiltrat lympho-histiocytaire riche en
En dehors du cadre très particulier de la vasculite granu- PE du derme superficiel chez des patients ayant une hé-
lomateuse à éosinophiles de Churg et Strauss qui repré- mopathie myéloïde mais aussi lymphoïde connue. Ce diag-
sente une entité bien spécifique détaillée dans un autre cha- nostic nécessite l’exclusion d’autres hypothèses telles que
pitre, une autre affection a été décrite en 1994 par Chen et piqûres d’insectes (hypersensibilité connue dans les LLC),
al. ²¹,²² sous le nom de vasculite éosinophilique cutanée né- toxidermies, maladies immunobulleuses, etc. L’évolution
crosante et récurrente. Les lésions cliniques sont dominées est souvent prolongée, voire désespérante, mais les UVB à
par des papules érythémateuses ou purpuriques, souvent spectre étroit peuvent être efficaces.
prurigineuses, nombreuses, parfois coalescentes et locali-
sées aux extrémités (face mains), souvent associées à des Syndrome NERDS (Nodules Eosinophilia Rheumatism Dermatitis
épisodes d’angio-œdème distaux et répondant rapidement
Swelling) ²⁶
aux stéroïdes systémiques. Des aspects annulaires urtica-
riens sont également possibles. L’individualisation de cette Ce syndrome a été individualisé en 1994 sous la forme
entité cliniquement peu spécifique est assurée par les as- d’un regoupement nosologique chez deux jeunes femmes :
pects histologiques avec vasculite nécrosante des petits éosinophilie sanguine marquée, nodules de topographie
vaisseaux du derme superficiel où l’infiltrat est constitué juxta-articulaire compressibles et peu sensibles dévelop-
exclusivement de PE souvent en voie de dégénérescence, pés aux dépens des gaines des tendons extenseurs, lé-
sans leucocytoclasie, avec libération de granules et de pro- sions cutanées inflammatoires eczématiformes, œdème
téine basique majeure à proximité de l’endothélium lésé qui des mains et/ou des pieds avec douleurs articulaires et
exprime ICAM-1 et VCAM-1 de façon importante, permet- musculaires de voisinage. Des poussées d’urticaire et/ou
tant ainsi l’adhésion d’autres PE qui expriment l’adhésine d’angio-œdème peuvent être associées. Les nodules sont
VLA-4. Le pronostic viscéral n’est pas particulièrement en- riches en PE et sont le siège d’une vasculite nécrosante
gagé mais ces éléments évoluent par poussées récurrentes peu spécifique. Les PE sont dégranulés avec dépôts tissu-
apparaissant sans facteur déclenchant précis. Une cortico- laires de protéine basique majeure. La corticothérapie gé-
thérapie au long cours à petites doses est parfois nécessaire nérale à petites doses est efficace. L’évolution peut être
en raison de la fréquence des poussées mais d’autres trai- prolongée. La réalité de cette entité aux contours flous
tements on été introduits récemment tels les inhibiteurs est toutefois très discutable et les cas publiés restent très
de leucotriènes ²³. Une hyperéosinophilie sanguine est fré- rares.

 IL interleukine
Références 15-11

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cellulitis as a cutaneous manifestation of idio- 19 Cortes J, Ault P, Koller C et al. Efficacy

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Dereure O. Dermatoses éosinophiliques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations
dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 15.1-15.11.
16
Mastocytoses
Stéphane Barete

Aspects fondamentaux 16-1 Manifestations osseuses 16-10


Le mastocyte 16-1 Manifestations digestives et hépatiques 16-10
Ontogenèse 16-2 Manifestations hématologiques 16-11
Le protooncogène c-kit 16-2 Diagnostic 16-12
L’activité biologique du récepteur c-kit muté 16-2 Traitement des mastocytoses 16-13
Physiopathologie 16-3 Précautions générales 16-13
Les mutations décrites chez l’homme 16-3 Traitement symptomatique 16-13
Médiateurs et fonctions du mastocyte 16-3 Traitements dermatologiques 16-14
Classification des mastocytoses 16-4 Inhibiteurs des tyrosines kinases 16-15
Manifestations cliniques non systémiques 16-5 Autres traitements 16-15
Manifestations paroxystiques 16-5 Pronostic 16-15
Manifestations dermatologiques 16-5 Conclusion 16-16
Anatomopathologie 16-8 Références 16-16
Manifestations systémiques 16-10

’accumulation anormale de mastocytes dans un ou ou provoquée des médiateurs mastocytaires sont locaux
L plusieurs organes caractérise les mastocytoses. Elles
constituent un groupe hétérogène d’atteintes dont l’organe
ou généraux. La physiopathologie des mastocytoses est
mieux connue depuis la découverte du récepteur tyrosine
cible sans doute le plus souvent concerné est la peau. On kinase c-kit du SCF (facteur de croissance mastocytaire) et
distingue les mastocytoses cutanées pures des mastocy- de ses mutations autoactivatrices dont la plus fréquente
toses systémiques (MS) quand plus de deux tissus (la peau est la D816V, localisée au site catalytique du récepteur. La
pouvant être indemne) sont atteints par une infiltration théorie clonale semble actuellement prévaloir dans les mas-
mastocytaire (moelle osseuse, tube digestif, os, foie et rate, tocytoses de l’adulte même si près de 20 à 30 % d’entre elles
ganglions). Elles sont rares et qualifiées de maladies orphe- n’ont pas de mutation de c-kit retrouvée.
lines en raison d’une incidence de 2/300 000 patients par
an ¹, d’apparition le plus souvent sporadique, rarement fa- Aspects fondamentaux
miliale. Observées majoritairement dans les populations
caucasiennes, avec un sex-ratio équilibré, les mastocytoses Le mastocyte
concernent les enfants dans près de deux tiers des cas, sous Les mastocytes matures décrits par Ehrlich, en 1879, sont
une forme cutanée pure le plus souvent. La régression spon- des cellules habituellement non circulantes, principale-
tanée de la maladie est présente dans près de 50 % d’entre ment localisées dans les tissus conjonctifs autour des vais-
eux à la puberté. Les adultes atteints (âge moyen de début seaux et des nerfs. La peau est l’organe le plus riche en mas-
de 32 ans) ont une atteinte systémique dans 10 à 30 % des tocytes ; tous les autres organes en contiennent à des de-
cas avec une évolution habituellement chronique de la ma- grés variables, y compris le cerveau en regard de la barrière
ladie. Certains patients plus âgés (60 ans) ont une forme hémato-encéphalique et en périvasculaire. En microscopie
plus agressive souvent associée à une atteinte hématolo- photonique, le mastocyte est une cellule mononucléée de
gique faisant le pronostic défavorable de la maladie ². Les 8 à 20 μm de diamètre, de forme variable (ronde, ovalaire,
manifestations cliniques des mastocytoses sont variées et polygonale ou fusiforme), avec un gros noyau rond central,
liées en partie aux médiateurs mastocytaires libérés par les un nucléole mal individualisé et un cytoplasme basophile
mastocytes sur un mode paroxystique, et en partie à l’infil- rempli de très nombreuses granulations denses de 0,3 à
trat cellulaire spécifique anormal pour les manifestations 1,5 μm (fig. 16.1). En ultrastructure, les granulations ont des
permanentes. Les symptômes liés à la libération spontanée aspects très divers : homogènes, granulaires, lamellaires ou

 MS mastocytose systémique
16-2 Mastocytoses

Histo-enzymologie et immunohistochimie des mastocytes


Enzymes
Tryptase
Chymase
Aminocaproate estérase
Naphtol ASD chloroacétate estérase
O Phosphatases acides
Lysozyme
Elastase

Autres protéines
Récepteur Fc pour les IgE
Alpha-1-antitrypsine
OVDM Alpha-1-antichymotrypsine
Antigène leucocytaire commun
Vimentine
H MCG 35
CD33 (My9)
CD45 (marqueur panleucocytaire)
CD68 (KP1) (marqueur des monocytes et macrophages)
CD117 (c-kit)
YB5B8, MAX1, MAX3, MAX11, MAX24, KIM3 (marqueur des histiocytes)

Présence inconstante
CD2, CD4, CD25, CD 34, HLA DR
Coll. Dr C. Prost, Paris

Protéine S 100
KiB3
16.A

Fig. 16.1 Aspect ultrastructural du mastocyte (n : noyau ; nucl : cytes muqueux sont présents dans la muqueuse du tube
nucléide ; g : granulations) digestif et des bronches. Les mastocytes sont les seules cel-
lules hématopoïétiques qui expriment le c-kit tout au long
hélicoïdaux. Elles sont colorables en rouge par le Giemsa de leur différentiation.
et donnent une métachromasie rouge pourpre après colo-
ration par le bleu de toluidine. Le protooncogène c-kit
La mise en évidence de certaines activités enzymatiques Le protooncogène c-kit code pour le récepteur c-kit (CD117)
intracellulaires par des réactions cytochimiques peut aider d’une cytokine nommée stem cell factor (SCF), facteur prin-
à l’identification du mastocyte ³. Il en est ainsi de l’activité cipal de survie et de différentiation des mastocytes chez
naphtol ASD chloracétate estérasique, présente également l’homme ⁶. Ce récepteur dont le gène est situé sur le chro-
dans les granulocytes neutrophiles et éosinophiles ; de l’ac- mosome 4q12, appartient à la famille des récepteurs à acti-
tivité aminocaproate estérase, plus spécifique ; des activités vité tyrosine kinase intrinsèque. Il comporte un domaine
tryptase, chymase, ou carboxypeptidase. Diverses activités kinase 1, site de liaison de l’ATP, et un domaine kinase 2,
enzymatiques et protéines (encadré 16.A) peuvent également site de l’activité phosphotransférase. Il est exprimé par dif-
être identifiées par immunomarquage et notamment le férents types cellulaires : les mastocytes, les progéniteurs
CD117 (c-kit) avec une haute sensibilité et spécificité ⁴. hématopoïétiques, les mélanocytes, les cellules germinales,
les cellules de Merkel et les cellules interstitielles de Cajal
Ontogenèse des sarcomes digestifs ou GIST ⁷. L’activation du récepteur
Les mastocytes dérivent de cellules souches pluripotentes c-kit provoque sa dimérisation et sa phosphorylation. Les
hématopoïétiques (fig. 16.2) ⁵. Les progéniteurs mastocy- tyrosines phosphorylées servent de sites de liaison pour
taires de phénotype CD34 +, c-kit +, CD13 + sous l’influence des molécules qui relaient la transduction du signal. Ainsi,
des cytokines (IL-6, IL-10, SCF, IL-9, TGF-β) et du micro- différentes voies de signalisation sont activées telles que les
environnement médullaire colonisent différents tissus où voies Ras-MAP kinase, Src kinase, STATs et PI3kinase/AKT,
ils terminent leur différenciation en mastocytes matures. à l’origine des signaux de prolifération, de survie ou d’acti-
Selon le micro-environnement tissulaire (IL-4), la matura- vation du mastocyte ⁸.
tion des progéniteurs mastocytaires donne naissance à des
mastocytes exprimant essentiellement la tryptase (MCT, L’activité biologique du récepteur c-kit muté
ou mastocytes « muqueux »), ou à des mastocytes expri- Des mutations activatrices de c-kit ont été décrites dans dif-
mant la tryptase et la chymase (MCTC, ou mastocytes « sé- férents modèles de lignées de mastocytes d’origine murine,
reux »). Les mastocytes séreux sont observés dans la peau, féline ou humaines ⁹. Elles altèrent le domaine phospho-
les ganglions et la sous-muqueuse digestive, et les masto- transférase de c-kit ou le domaine juxtamembranaire et

 IL interleukine · TGF transforming growth factor


Physiopathologie 16-3

.$ 5$ .$ 5 4VSWJF
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Coll. Dr S. Barete, Paris


.PFMMFPTTFVTF

Fig. 16.2 Ontogenèse du mastocyte : les progéniteurs mastocytaires médullaires de phénotype CD34 + colonisent différents tissus et se différencient en
mastocytes matures sous l’influence de cytokines (IL-10, SCF, NGF, IL-4...)

confèrent au récepteur une activité tyrosine kinase perma- données obtenues grâce à l’étude de populations de pa-
nente en l’absence du ligand SCF. Ces observations ont été tients ¹⁶,¹⁷ ont permis de mettre en évidence une mutation
confirmées in vitro grâce à l’étude de cellules de lignées ex- principale au codon 816 (Asp816Val), des mutations plus
primant de façon ectopique, le récepteur c-kit muté, après rares, au codon 816 (Asp816Tyr, Asp816Phe, Asp816His)
transfert de gènes ¹⁰. et au codon 839 (Glu839Lys) dans de très rares formes
pédiatriques ¹⁰ dont l’authenticité est discutée, enfin une
Physiopathologie mutation au codon 820 (Gly820Val), décrite dans un seul
cas de leucémie à mastocytes et une mutation dans le do-
L’étude du mécanisme physiopathologique des mastocy- maine transmembranaire au codon 522 (Phe522Cys) dans
toses s’est initialement orientée vers la recherche d’anoma- un cas de mastocytose agressive ¹⁸. Ces observations ont
lies liées au ligand du c-kit, le SCF ¹¹. Les conclusions de ces conduit à une récente proposition de classification tenant
études ont permis d’écarter cette hypothèse. Les équipes compte de la nature sauvage ou muté de c-kit. Cela revêt
se sont alors intéressées au récepteur c-kit. En effet, l’acti- une grande importance thérapeutique, à l’instar de ce qui
vation de c-kit a été constatée en l’absence du ligand SCF se pratique couramment dans le traitement des leucémies
dans des lignées de cellules mastocytaires ¹²,¹³, et dans des myéloïdes chroniques, à savoir l’utilisation des inhibiteurs
cas de mutations activatrices de c-kit observées au cours de tyrosine kinase (ITK) comme l’imatinib mésylate ¹⁹.
des hémopathies myéloïdes ¹⁴. Le rôle du c-kit muté dans
des modèles de transfection du gène muté a été établi sur Médiateurs et fonctions du mastocyte
modèles murins. Les mastocytes produisent de nombreux médiateurs qui
jouent un rôle important dans des processus biologiques
Les mutations décrites chez l’homme variés : hypersensibilité de type immédiat, inflammation,
Ces résultats ont stimulé la recherche de mutations de défense vis-à-vis de certains parasites notamment intes-
c-kit dans les mastocytoses humaines ¹⁵. Actuellement, les tinaux, réponse à une prolifération tumorale, processus

 IL interleukine
16-4 Mastocytoses

Classifications et critères diagnostiques des mastocytoses


Facteurs pouvant favoriser la dégranulation mastocytaire Classification de Metcalfe et al. révisée (1991) ¹²⁶
Variations thermiques marquées (bains chauds) I Mastocytose indolente
A Instabilité hémodynamique
Exercice physique, traumatismes B Lésions cutanées histologiquement prouvées
Émotions C Ulcère gastrique ou duodénal
Venins D Malabsorption par infiltration mastocytaire
E Infiltration mastocytaire médullaire
F Atteinte osseuse
Aliments histaminolibérateurs : alcool, œufs, chocolat, fraises, ananas, G Hépatosplénomégalie
fruits exotiques, crustacés, poissons, tomates... H Adénopathies
II Mastocytose associée à une hémopathie
A Syndrome myéloprolifératif
Médicaments et apparentés : aspirine*, anti-inflammatoires non sté- B Syndrome myélodysplasique
III Mastocytose agressive
roïdiens, anticholinergiques, myorelaxants, opiacés, codéine, codéthy-
IV Leucémie à mastocytes
line, procaïne, lidocaïne, polymyxine B, amphotéricine B, quinine, ré-
serpine, hydralazine, pentazocine, ATP, thiamine, interféron alpha*, Classification des formes de mastocytose systémique en groupes, révisée en
2001 ²⁷
dextran, mannitol, produits de contraste iodés.
IA Mastocytose indolente
A Instabilité hémodynamique
* Indiqué cependant dans certains cas. B Ulcère gastrique ou duodénal
C Malabsorption
16.B D Atteinte osseuse caractérisée en dehors de l’ostéoporose
E Hépato-splénomégalie
de cicatrisation et de fibrose, angiogenèse... En clinique, F Adénopathies
la libération de ces médiateurs est responsable des mani- IB Mastocytose indolente type smouldering
festations paroxystiques. Histologiquement, une fibrose II Mastocytose associée à une hémopathie
A Syndrome myéloprolifératif
d’importance variable est associée à l’infiltrat mastocytaire B Syndrome myélodysplasique
dans de nombreux organes dont la moelle (rôle du TGF-β). III Mastocytose agressive
Certains médiateurs préformés sont libérés lors de la dégra- IV Leucémie à mastocytes
nulation ²⁰. Il en est ainsi de l’histamine, de différents pro-
téoglycanes tels que l’héparine ou l’acide hyaluronique, d’en- Critères diagnostiques des mastocytoses (2001) d’après Valent et al. ²⁷
zymes (sérine-protéases notamment tryptase, carboxypep- Mastocytose cutanée :
Atteinte cutanée clinique (une des formes cliniques) avec histologie montrant un infil-
tidases, superoxyde-dismutase), de l’eosinophilic chemotac- trat mastocytaire
tic factor of anaphylaxis (ECFA) et du neutrophil chemotatic Mastocytose systémique :
factor (NCF). D’autres médiateurs dits néosynthétisés ne Critères majeurs : infiltrat dense multifocal de mastocytes (> 15 mastocytes agrégés)
sont formés qu’après activation du mastocyte : certains dé- détectés sur sections de biopsie médullaire et/ou sur sections d’autres organes atteints
rivés des lipides membranaires tels que le leucotriène B4 Critères mineurs :
a Présence de plus de 25 % de cellules fusiformes dans les sections de moelle ou
(puissant agent chimiotactique pour les polynucléaires neu-
d’organes extracutanés atteints ou plus de 25 % de mastocytes atypiques de l’ensemble
trophiles), le leucotriène C4 qui intervient dans la contrac- des mastocytes observés sur un étalement de moelle
tion et la perméabilité vasculaire, le platelet activating factor b Détection d’une mutation du codon 816 du c-kit dans la moelle ou les autres or-
(PAF) et la prostaglandine D2 (PGD2). Il en serait de même ganes extracutanés analysés
de certaines cytokines (IL-3, IL-4, IL-5, IL-6, GM-CSF et c Détection de mastocytes Kit+ exprimant CD2 et/ou CD25
TNF-α) dont la secrétion n’a été mise en évidence actuelle- d Tryptase sérique contrôlée > 20 ng/ml en dehors d’une autre hémopathie asso-
ciée.
ment que chez l’animal. Si un critère majeur et un critère mineur ou trois critères mineurs sont remplis, le diag-
La dégranulation des mastocytes peut résulter de deux mé- nostic de mastocytose systémique est retenu.
canismes distincts ²¹. Le mécanisme immunologique est
classiquement médié par les IgE, mais parfois également Classification des formes mastocytoses selon la WHO (2001)
par certaines fractions du complément (C3a, C4a, C5a), ou 1 Mastocytoses cutanées
par certaines lymphokines. Indépendamment de ce méca- a Mastocytose maculo-papuleuse
b Mastocytose diffuse
nisme, la dégranulation peut aussi être induite par divers c Malabsorption
stimulus non immunologiques (encadré 16.B) notamment ali- 2 Mastocytose systémique indolente
mentaires, médicamenteux, physiques, voire émotionnels. a Mastocytose type smouldering
Certaines substances telles que la substance neuropepti- b Mastocytose isolée sur biopsie médullaire
dique P et le composé 48/80 induisent une dégranulation 3 Mastocytose sytémique avec syndrome hématologique associée non mastocytaire
a Syndrome myéloprolifératif
sélective des mastocytes du tissu conjonctif et non des mas-
b Syndrome myélodysplasique
tocytes muqueux. 4 Mastocytose systémique agressive
5 Leucémie à mastocytes
Classification des mastocytoses Leucémie mastocytaire aleucémique
6 Sarcome mastocytaire
L’hétérogénéité des mastocytoses en fonction de leur ex- 7 Mastocytome extracutané
16.C

 GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor · IL interleukine · PAF platelet activating factor · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor
Manifestations cliniques non systémiques 16-5

tension et de leur pronostic explique les différentes ten- Manifestations paroxystiques


tatives de classification. La plus ancienne classification La plus évocatrice est le flush réalisant un accès subit de
est celle de Travis et al. en 1988 qui a été élaborée à rubéfaction généralisée ou limitée à la partie supérieure
partir de 58 cas de mastocytoses étudiés rétrospective- du corps par un mécanisme de vasodilatation (fig. 16.3). Cet
ment ². Une révision ultérieure établie par Metcalfe et érythème prurigineux dure en moyenne 15 à 30 minutes
al. ²² à l’issue d’un consensus a été proposée en 1991 avec des extrêmes allant de quelques minutes à plusieurs
(encadré 16.C). heures. D’autres signes sont volontiers associés : céphalées,
Le groupe I est celui des mastocytoses indolentes regrou- sensation ébrieuse, palpitations, hypotension pouvant al-
pant les formes systémiques bénignes. Ce sont les plus ler jusqu’à la syncope et au décès, dyspnée, précordialgies,
fréquentes (60 à 70 % des cas). Les lésions d’UP sont très nausées, vomissements, diarrhée, paresthésies, parfois pru-
fréquentes (90 %), et précèdent parfois de plusieurs années rit, urticaire et bronchospasme, plus rarement hyperten-
voire décennies la découverte d’une atteinte systémique. sion. Les flushs, malgré leur durée prolongée et l’absence
La survie à long terme n’est pas différente de celle de la de cyanose, sont parfois difficiles à distinguer des flushs
population générale. L’évolution vers un autre groupe plus du syndrome carcinoïde ²⁸. Les flushs surviennent spon-
agressif demeure exceptionnelle. Une nouvelle forme Ib ap- tanément ou sont déclenchés par divers facteurs ou sti-
pelée « smouldering » évoluant à bas bruit est proposée à un mulus (encadré 16.B). Ils sont liés à la libération d’histamine
sous-groupe en raison d’un profil évolutif particulier, mal- et d’agents vasodilatateurs (PGD2 ou ses métabolites). Ils
gré un infiltrat mastocytaire important, avec survie prolon- sont présent dans 30 % des cas d’UP et 50 % des atteintes
gée correspondant soit à une mastocytose systémique non systémiques. Parfois, le flush constitue la seule manifes-
diagnostiquée ancienne, soit au tout début d’une forme tation dermatologique de la maladie. L’évolution vers une
d’un groupe II ou IV. rosacée est possible par la chronicité des flushs (observa-
Le groupe II (20 à 35 %) correspond aux mastocytoses tion personnelle).
associées à une hémopathie autre que la leucémie masto-
cytaire, qui en conditionne le pronostic ²³,²⁴. Il s’agit de
mastocytoses associées à la leucémie aiguë myélocytaire
(LAM 0-1-2-4), aux syndromes myélodysplasiques, aux syn-
dromes myéloprolifératifs dont celui avec hyperéosinophi-
lie lié à la mutation FIP1L1-PDGFRa, à la leucémie myé-
loïde chronique, à la leucémie myélomonocytaire chronique,
au lymphome non hodgkinien.
Le groupe III correspond par exclusion des autres groupes,
aux mastocytoses agressives, qui comportent fréquem-
ment des adénopathies et une éosinophilie ²⁵ ; les signes
cutanés y sont inconstants. L’ostéoporose est considérée
par certains comme une forme agressive de MS. La sur-
vie moyenne est de 2 à 4 ans, le décès étant lié à une in-
filtration polyviscérale s’accompagnant volontiers d’une

Coll. D. Bessis
malabsorption sévère ou à l’apparition d’une hémopathie
associée.
Le groupe IV est représenté par les rares leucémies masto- Fig. 16.3 Flush du visage au cours d’une mastocytose de l’enfant
cytaires caractérisées par un taux de mastocytes circulants
et sur frottis médullaire > 20 % ²⁶. Les poussées congestives des lésions cutanées fixes, prin-
En 2001, un nouveau consensus ²⁷ a proposé de distinguer cipalement observées chez l’enfant, ont des facteurs dé-
par des arguments cliniques, cytologiques, histologiques clenchant similaires ; leur intensité est variable, parfois à
et immunohistochimiques, les mastocytoses cutanées des l’origine de lésions bulleuses.
différentes formes de MS (encadré 16.C). Des critères majeurs Un prurit généralisé accompagne volontiers les flushs et les
et mineurs ont été proposés dans ce sens par Valent et al. ²⁷ poussées congestives des lésions ; il est plus rarement per-
(encadré 16.C). manent. Il est présent dans 50 % des cas de mastocytoses
Une classification plus récente prend en compte la présence et s’amende avec l’ancienneté des lésions.
éventuelle de mutations du récepteur c-kit. Elle permet-
trait de cibler les indications des inhibiteurs de tyrosines Manifestations dermatologiques ²⁹
kinases ¹⁴. Une autre classification de la WHO a été propo- Elles sont variables en prévalence selon l’âge d’apparition
sée en 2001 et décrite dans l’encadré 16.C. avec des différences assez nettes entre l’enfant et l’adulte.
Ainsi le début de la maladie survient dans près de 55 % des
Manifestations cliniques non systémiques cas entre la naissance et l’âge de 2 ans et 65 % des cas avant
la puberté ³⁰,³¹. Chez l’enfant, le mastocytome solitaire ou
Elles sont secondaires à la libération des médiateurs mas- multiple est présent entre 10 % à 51 % des cas pédiatriques
tocytaires et/ou à l’infiltration des différents organes. chez le nourrisson entre 0 et 6 mois puis l’UP est la forme

 MS mastocytose systémique · UP urticaire pigmentaire


16-6 Mastocytoses

Coll. D. Bessis
Fig. 16.4 Urticaire pigmentaire de l’adulte

clinique la plus prévalente entre l’âge de 3-9 mois avec 65 %


des cas. Les formes de mastocytoses cutanées diffuses sont
rares (2 à 8 %), certaines sont congénitales ³²,³³.
L’UP, décrite par Nettleship in 1869 ³⁴, 8 ans avant la dé-
couverte du mastocyte par Ehrlich, est la forme la plus fré-
quente des cas pédiatriques et de l’adulte. Elle est la forme
clinique la plus reconnaissable. Survenant à tout âge, sur-
tout après 6 mois de vie et même chez le sujet âgé de plus de
60 ans, elle réalise une éruption relativement monomorphe
faite de macules ou maculo-papules non squameuses à bord
flous, présentant selon les malades une grande variabilité
dans la taille de chaque élément (1 mm à plus d’1 cm de dia-
mètre), leur nombre (moins de 10 à plusieurs centaines) et

Coll. D. Bessis
leur couleur allant du rouge violacé au brun-beige (fig. 16.4).
Les lésions de distribution, globalement symétriques mais
parfois groupées, prédominent sur le tronc (fig. 16.5), sou- Fig. 16.5 Urticaire pigmentaire au cours d’une mastocytose systémique
vent initialement sur les seins des femmes, pouvant at- de l’adulte. Renforcement des lésions brunâtres au niveau du pli
teindre les membres, mais plus rarement le visage, le scalp, sous-abdominal
les paumes et les plantes de pied ou les muqueuses. Leur
turgescence au décours d’une friction volontaire réalise le quemment décrites dans les UP pédiatriques (jusqu’à 60 %
signe pathognomonique de Darier ³⁵ (fig. 16.6), cependant des cas) sans pour autant en faire un pronostic péjoratif ³⁶
inconstant, à distinguer d’un simple dermographisme par- (fig. 16.8). Le caractère bulleux s’amende en 2 ou 3 ans avec
fois associé. Certaines particularités sont propres à l’âge l’absence habituelle de cicatrices mais parfois des lésions
de survenue. Ainsi chez l’enfant, les lésions sont volontiers post-pigmentaires. Le signe de Darier peut aussi déclen-
de grande taille, ovalaires, de teinte brun clair, légèrement cher une bulle avec hémorragie possible. Chez l’adulte, les
saillantes, donnant chez certains enfants un aspect tigré ou lésions sont plus souvent petites, nombreuses, planes, de
« peau de léopard » (fig. 16.7). Des formes bulleuses sont fré- teinte plus foncée. Les principaux symptômes de l’UP sont
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

A B
Fig. 16.6 Signe de Darier au cours d’un mastocytome de l’enfant. Le frottement de la lésion initiale (A) à l’aide d’une pointe mousse entraîne sa
turgescence (B)

 UP urticaire pigmentaire
Manifestations cliniques non systémiques 16-7

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 16.7 Urticaire pigmentaire de l’enfant : aspect « peau de léopard » Fig. 16.9 Télangiectasies profuses, groupées en une large plaque
médio-dorsale et scapulaire au cours d’une mastocytose télangiectasique
le prurit allant de 33 à 46 % des cas ³⁷,³⁸, aggravé par le grat-
tage et les excoriations. Ces symptômes tentent à régresser tronc, essentiellement chez l’adulte ³⁹ (fig. 16.9).
avec l’âge des lésions. La pigmentation est liée à l’excès de Les mastocytoses papulo-nodulaires comprennent trois va-
dépôt de mélanine dans le derme moyen. riétés : xanthélasmoïde, multinodulaire globuleuse, mas-
La forme télangiectasique ou telangiectasia macularis erup- tocytome, toutes observées essentiellement lors de la pre-
tiva perstans (TMEP) est plus trompeuse du fait de la pré- mière enfance.
dominance des lésions télangiectasiques, de la discrétion La variété de mastocytose xanthélasmoïde, habituellement
de la pigmentation et de l’absence du signe de Darier. Les présente dès la naissance, se résume à un petit nombre
lésions, à type de macules télangiectasiques à bordure floue, d’éléments en placards ovalaires d’aspect xanthomateux
sont localisées principalement sur la partie supérieure du (fig. 16.10). Le signe de Darier est inconstant alors que les
poussées congestives des placards, souvent bulleuses, sont
particulièrement fréquentes ainsi que les flushs ⁴⁰,⁴¹. Cette
variété persiste volontiers plus tardivement que les autres
formes pédiatriques.

Coll. Dr J. Mazereeuw-Hautier, Toulouse

Fig. 16.10 Mastocytose xanthélasmoïde : macules brunâtres du cou


disposées selon les lignes de tension cutanée

La mastocytose multinodulaire globuleuse est le plus sou-


vent multinodulaire ⁴². Elle forme alors une éruption gé-
néralisée avec de multiples éléments saillants en nodules
hémisphériques de surface lisse, de teinte pâle allant du
Coll. D. Bessis

rose au jaune et parfois au blanc nacré (fig. 16.11). Cette der-


nière teinte explique la dénomination d’« urticaria depig-
mentosa » parfois donné à cette forme. Avec le temps, les
Fig. 16.8 Mastocytose bulleuse de l’enfant associant des plaques nodules se décolorent, s’affaissent, donnant l’aspect d’une
érythémateuses surmontées de bulles du dos et un dermographisme du peau de grain de raisin vidé ou passant à un stade macu-
haut du tronc leux.
16-8 Mastocytoses

jaunâtres font évoquer la forme « pseudo-xanthomateuse »


proche du xanthome et du pseudo-xanthome élastique. Le
prurit est parfois très intense, les bulles et les érosions post-
bulleuses sont fréquentes et parfois au premier plan. Le
diagnostique différentiel d’épidermolyse staphyloccocique
est évoqué lors de grands décollements. La forme érythro-
dermique est possible avec un pronostic vital engagé. Chez
l’adulte, l’aspect cutané est en peau d’orange ²⁹,⁴⁵, pachy-
dermique avec un aspect lichénifié, de consistance pâteuse.
d’aspect sclérodermiforme. Ailleurs, la forme érythroder-
mique est décrite comme habituellement non pigmentée.
L’association à une dermatoglyphie géante définit le tripe
palm syndrome ⁴⁶.
Les autres entités cliniques sont exceptionnelles :
− variété histiocytaire et vasculite de l’enfant ⁴⁷. Il s’agit
d’une entité clinicopathologique récente sur 3 cas mon-
trant un aspect clinique d’hystiocytose avec en histo-
logie une vasculite associée à un infiltrat histiocytaire
qui, après analyse histochimique, s’avère d’origine mas-
tocytaire ;
− variété à type d’intertrigo isolé des grands plis. Il
s’agit d’une atteinte de type UP apparaissant chez des
femmes âgées de plus de 70 ans, caractérisée par la dis-
tribution exclusive des lésions aux grands plis ⁴⁸ ;
− la mastocytose cutanée diffuse sans lésion permanente
reste une entité discutable avec 6 cas rapportés de pru-
rit et d’érythème en rapport avec une augmentation
Coll. D. Bessis

très importante des mastocytes dermiques dans cer-


taines formes pédiatriques et de l’adulte ⁴⁹ ;
Fig. 16.11 Mastocytose multinodulaire : petits nodules hémisphériques − le sarcome à mastocytes : exceptionnel sur la peau,
de surface lisse des épaules il constitue une localisation tumorale cutanée de no-
dules rouge violacé du tronc, d’évolution rapidement
Le mastocytome, exceptionnel chez l’adulte, est très fré- fatale par dissémination viscérale et transformation
quent chez le petit enfant avant 3 ans. Présent parfois dès habituelle en leucémie à mastocytes ⁵⁰.
la naissance dans près de 40 % des cas ⁴³, il représente la ma-
jorité des manifestations cutanées de mastocytose avant Anatomopathologie ⁵¹
l’âge de 3 mois. Il s’agit d’un nodule volontiers unique, hé-
misphérique, ferme, parfois lisse ou granité de couleur jau- L’examen anatomopathologique est bien souvent l’élément
nâtre rosé à brun (fig. 16.6), localisé aux extrémités, simu- clé du diagnostic de mastocytose en confirmant le diagnos-
lant un xanthogranulome, un mélanome de Spitz ou même tic clinique cutané ou en confirmant l’atteinte spécifique
un mélanome nodulaire et parfois des lésions de maltrai- d’organe dans le cadre d’une atteinte systémique.
tance ³³. Des poussées congestives sont habituellement rap- Les mastocytes sont observés dans la peau normale en pe-
portées par les parents et une bulle peut apparaître spon- tit nombre autour des vaisseaux du derme superficiel, des
tanément ou après traumatisme. Le signe de Darier est à follicules pileux et des nerfs ⁵². Leur nombre varie selon les
éviter pour ne pas déclencher une réaction générale par- zones du corps : ils sont plus nombreux sur le scrotum et les
fois sévère (flush, malaise). La régression spontanée de ce extrémités des membres ⁵³. La peau normale peut contenir
nodule est habituelle. Il faut rapprocher de cette forme la lo- jusqu’à 15 mastocytes/champ au fort grossissement (× 40)
calisation cutanée rarissime du sarcome à mastocytes avec mais de très nombreuses pathologies inflammatoires, no-
des nodules rouge violacé du tronc, d’évolution rapidement tamment chez l’enfant, peuvent augmenter leur nombre.
fatale. Les mastocytes expriment entre autres le CD 45, le CD 43,
La mastocytose cutanée diffuse est très rare (16 cas colligés le CD 68, et le CD 117 (c-kit), ce qui en fait autant de mar-
jusqu’en 2004 ³²), elle est observée chez l’enfant de moins queurs d’immunohistochimie. Les mastocytes dégranulent
de 3 ans, parfois de façon congénitale, plus rarement chez facilement au moindre traumatisme rendant leur identifi-
l’adulte ⁴⁴. Chez l’enfant, la peau y est volontiers jaunâtre, cation parfois difficile, voire impossible sur la morphologie
épaissie, de consistance pâteuse sur une grande partie du seule. Ils prennent des aspects ovalaires, fusiformes ou étoi-
corps. Du fait de papules bien visibles à jour frisant, l’as- lés, et sont alors impossibles à distinguer d’autres cellules
pect est granité, comme du cuir, avec une accentuation des du tissu conjonctif, en particulier des fibroblastes ou des
lésions dans les grands plis de flexion. Certaines papules macrophages.

 UP urticaire pigmentaire
Anatomopathologie 16-9

Les mastocytes sont présents dans les processus de cica- tielle. Cet aspect est assez peu spécifique et, pour peu que
trisation (plaies, chéloïdes), les inflammations chroniques les renseignements cliniques fournis soient insuffisants, le
et en particulier la dermatite atopique, le lichen, le psoria- diagnostic risque de ne pas être porté si on omet une colora-
sis, le prurigo, les infections parasitaires, l’érythème po- tion par le bleu de toluidine ou le Giemsa. On peut alors s’ai-
lymorphe... Ils sont nombreux dans le stroma des neurofi- der de petits signes indirects qui, bien que non spécifiques,
bromes, des hémangiomes, des carcinomes baso-cellulaires, doivent orienter vers une mastocytose à l’hématoxyline-
de tumeurs myxoïdes et bien d’autres. C’est leur nombre éosine :
prédominant qui permet de parler de mastocytose, sans − la présence d’éosinophiles ;
pour autant avoir de valeur seuil consensuelle. L’autre − une augmentation et une dilatation du nombre de vais-
grande difficulté est le risque de diagnostic par excès. Des seaux dans le derme superficiel ;
études quantitatives ont montré que le nombre des mas- − une fibrose du derme superficiel ;
tocytes cutanés dans ces lésions de mastocytose était mul- − une hyperpigmentation de la basale épidermique sus-
tiplié par 2 à 160 fois la normale. Ce nombre peut parfois jacente.
être plus élevé en nombre absolu que dans une UP. C’est Les colorations spéciales recommandées mettent en géné-
pourquoi il est préférable d’envisager leur nombre relatif ral en évidence les granulations pourpre caractéristiques
plutôt que de les quantifier et de ne poser un diagnostic de dans les cytoplasmes. Toutefois, lorsque les mastocytes
certitude que si la majorité des cellules inflammatoires de sont dégranulés, ces colorations peuvent être négatives.
l’infiltrat est composé de mastocytes. Quoiqu’il en soit le L’immunohistochimie peut alors être d’une grande aide, en
diagnostic sera toujours anatomoclinique. particulier le CD-117 (c-kit) (fig. 16.13), les mastocytes étant
Selon la forme clinique cutanée sont décrits différents les seules cellules du derme exprimant le c-kit (dans l’épi-
types d’atteinte histologiques. derme le c-kit marque les mélanocytes). Ce marquage sert
Ainsi, dans les manifestations cutanées paroxystiques, alors de témoin positif pour vérifier la qualité la technique.
liées à la libération de médiateurs mastocytaires, la biopsie Le marquage par la tryptase est parfois difficile d’interpré-
cutanée en peau apparemment saine peut mettre en évi- tation, car il est faible si les mastocytes sont dégranulés ou
dence une infiltration mastocytaire d’intensité en général à l’inverse présents dans d’autres cellules.
très modérée, voire minime. Le diagnostic repose alors sur
la caractère isolé de ces mastocytes alors qu’il n’existe au-
cune autre cellule inflammatoire. Les colorations spéciales
ou l’immunohistochimie ³ peuvent être d’une grande aide
dans cette situation montrant des mastocytes souvent étoi-
lés ou fusiformes autour des vaisseaux du derme superficiel,
ou dispersés dans le collagène au sein d’une peau d’appa-
rence normale.

Coll. Dr L. Durand, Montpellier


Fig. 16.13 Marquage immuno-histochimique des mastocytes par le
CD-117 (c-kit)
Coll. Dr L. Durand, Montpellier

Dans les formes bulleuses, le clivage se fait à un niveau


variable : sous-corné, intra-épidermique, surtout sous-épi-
dermique. La cavité contient des mastocytes. Le toit est
souvent nécrotique et œdémateux.
Dans les formes papulo-nodulaires, chez l’enfant, on voit
une infiltration cellulaire dermique marquée pouvant aussi
Fig. 16.12 Infiltrat mastocytaire dermique, prédominant en position atteindre la partie superficielle de l’hypoderme. L’infiltrat
périvasculaire, au cours d’une urticaire pigmentaire (v : vaisseau) est franc et monomorphe composé de cellules volumi-
neuses, ovalaires ou polyédriques par tassement les unes
Dans l’UP, l’infiltrat est d’intensité variable allant de rares contre les autres, à noyau arrondi et au cytoplasme éo-
cellules dispersées à de gros agrégats. Dans les formes sinophile. Il est souvent associé à des polynucléaires éo-
denses, les mastocytes sont plus grands, bien reconnais- sinophiles dispersés. Les cellules sont toujours positives
sables dès l’hématoxyline-éosine (fig. 16.12). Cependant, l’in- avec les colorations usuelles des mastocytes mettant en
filtrat est le plus souvent discret, constitué de cellules ova- évidence de très nombreuses granulations rouges intra-
laires ou fusiformes, volontiers localisées dans le derme cytoplasmiques et également extracytoplasmique. Le diag-
superficiel dans une topographie périvasculaire et intersti- nostic peut parfois se poser avec un xanthogranulome juvé-

 UP urticaire pigmentaire
16-10 Mastocytoses

nile dans sa forme non xanthomisée, une forme nodulaire Manifestations osseuses ⁵⁷
d’histiocytose langerhansienne ou un nævus de Spitz achro- Les localisations osseuses, en règle asymptomatiques, se
mique. Les colorations spéciales ou l’immunohistochimie manifestent surtout lors de complications : fractures des os
résolvent facilement le problème. Toutefois, il ne faut pas longs (jusqu’à 10 à 20 % des cas) ou tassements vertébraux
se contenter d’un anti-CD68, car il marquerait aussi bien (3 à 10 %). Les données tant cliniques que morphologiques
les mastocytes, les macrophages et les cellules de Lange- reposent sur des études de cas cliniques ou de séries de
rhans. faible ampleur et pratiquement toutes rétrospectives à l’ex-
Dans la forme télangiectasique de l’adulte (telangiectasia ception de l’étude récente de Armingaud et al. ⁵⁸, ce qui rend
macularis eruptiva perstans), les signes histologiques sont difficile l’appréciation de l’évolution dans le temps de ces
très subtils et sont représentés par une très discrète aug- patients. Dans notre expérience ⁵⁹, 50 % des 75 patients
mentation du nombre des mastocytes, d’allure en général avec atteinte systémique ont une atteinte radiologique ou
fusiforme, autour de vaisseaux dilatés dans le derme su- ostéodensitométrique. 36 % ont une ostéoporose densito-
perficiel. Les éosinophiles sont en général absents. Par métrique dont 17 % avec fractures, 8 % ont une ostéosclé-
conséquent, il s’agit de la forme dont le diagnostic his- rose.
tologique est le plus difficile, le nombre absolu de masto- Les anomalies radiologiques sont plus souvent diffuses
cytes pouvant être très faible. C’est là que la confrontation (85 % des cas) que focales pures (5 %) ou mixtes (10 %).
anatomoclinique prend son importance, et que l’on doit Les lésions diffuses sont soit condensantes prédominant
y penser systématiquement devant la présence de capil- sur le squelette axial, observées préférentiellement dans les
laires dilatés sur une biopsie discrètement inflammatoire mastocytoses agressives ou associées à une maladie héma-
du thorax et donc penser à demander une coloration spé- tologique avec infiltrat spécifique important et une fibrose
ciale. réticulinique, pouvant s’étendre aux os longs avec épaissis-
Dans la forme de mastocytose en plaque ou xanthélas- sement cortical ; soit déminéralisantes, plus fréquemment
moïde de l’enfant, l’infiltrat en mastocytes est franc et reconnues et souvent d’allure banale, évoquant une ostéo-
constitué de mastocytes ovalaires ou polyédriques facile- porose. Les lésions lytiques focalisées réalisent des lacunes
ment reconnaissables. Des formes cliniques à type de vascu- de taille variable, souvent cernées par un liseré condensé,
lite ont été récemment décrites ⁴⁷. Enfin le sarcome à mas- volontiers localisées sur la voûte crânienne et les os longs.
tocyte, exceptionnellement cutané, montre des atypies cy- Les lésions condensantes circonscrites sont de petites opa-
tonucléaires patentes de mastocytes immatures atypiques, cités denses, arrondies, métaphysaires ou diaphysaires, sié-
faisant évoquer l’origine néoplasique ⁵⁰. geant parfois au crâne ou au bassin. Les lésions diffuses et
Dans les MS, définie par l’infiltration par les mastocytes focales peuvent s’associer, réalisant des images évocatrices
d’un organe extracutané, diverses localisations viscérales de mastocytose. Ailleurs, l’aspect peut faire discuter une ma-
dont la moelle osseuse sont objectivées (cf. p. 16-11 : « Ma- ladie de Paget, des métastases, un myélome, un lymphome,
nifestations hématologiques »). une histiocytose, une fluorose, voire une ostéopétrose. Le
bilan phosphocalcique est normal et les anomalies scinti-
Manifestations systémiques graphiques sont présentes dans les formes condensantes ⁶⁰.
Par ailleurs, des formes d’ostéomalacie par diminution de
Elles concernent 10 % de l’ensemble des mastocytoses, 25 à l’absorption de vitamine D, notamment en cas d’atteinte
50 % des mastocytoses de l’adulte ⁵⁴ et 10 à 70 % des adultes digestive spécifique ont été rapportées.
avec UP ²⁹. Il est important de souligner d’emblée que les
manifestations systémiques ne sont pas nécessairement sy- Manifestations digestives et hépatiques ⁶¹
nonymes d’atteintes systémiques, qui, elles, sont définies Les douleurs abdominales sont les manifestations les plus
par une infiltration de mastocytes pathologiques dans les fréquentes, tantôt épigastriques calmées par les antiacides
tissus en dehors de la peau. Chez l’enfant, le caractère sys- ou les antagonistes de l’histamine et alors considérées
témique doit être évoqué en cas de mastocytose cutanée comme dyspeptiques, tantôt plus bas situées, dans la fosse
diffuse (80 % avec atteinte systémique). Chez l’adulte, la iliaque droite et insensibles à ces traitements. Les douleurs
forme cutanée clinique n’est pas prédictive du caractère dyspeptiques sont significativement associées à une hyper-
systémique, mais l’extension cutanée progressive doit me- sécrétion d’acide gastrique basale avec une secrétion gas-
ner à la recherche d’une atteinte systémique ⁵⁵. Les symp- trique acide maximale proche de la normale et, en endo-
tômes de dégranulation et les symptômes fonctionnels d’or- scopie, à la présence d’ulcères duodénaux ou de duodénite,
ganes peuvent conduire à la recherche d’un envahissement sans lien marqué avec l’histaminémie.
systémique, mais ils ne sont pas toujours présents, même La diarrhée est le plus souvent intermittente, accompa-
en cas d’envahissement ostéomédullaire prouvé. Chez l’en- gnant les flushs, rarement chronique, alors liée davantage
fant, un symptôme extracutané est plus souvent lié aux à une hypersecrétion gastrique acide qu’à une accélération
médiateurs qu’à une atteinte d’organe, il n’est pas prédictif du transit digestif, très inconstante, et/ou à une malabsorp-
d’une dissémination de la maladie. Enfin, 50 % des MS as- tion.
sociées à une maladie hématologique n’ont pas d’atteinte Histologiquement, il existe fréquemment une augmenta-
cutanée ⁵⁶, ce qui en fait un facteur de mauvais pronos- tion ² des mastocytes de la muqueuse et sous-muqueuse,
tic. et parfois une atrophie villositaire d’origine inconnue.

 MS mastocytose systémique · UP urticaire pigmentaire


Manifestations systémiques 16-11

Les fonctions pancréatiques sont normales ; les taux plas- pique avec des nodules regroupant mastocytes (d’aspects
matiques des principaux peptides gastro-intestinaux sont cytologiques variables), éosinophiles et lymphocytes (lé-
normaux (motiline, neurotensine, substance P) ou abais- sion MEL) est presque constante chez l’adulte, moins fré-
sés (gastrine, VIP). L’étude radiologique de l’intestin grêle quente chez l’enfant. L’évolution est parfois marquée par
montre parfois des anomalies de la motilité, un épaissis- l’apparition d’une myélofibrose marquée.
sement des plis, voire la présence de nodules multiples. Des anomalies de l’hémogramme s’observent dans plus de
L’endoscopie peut visualiser ces saillies nodulaires ainsi 50 % des formes systémiques. L’anémie est l’anomalie la
que des lésions d’allure urticarienne. Les hémorragies di- plus courante, généralement modérée, normochrome, nor-
gestives, rares, résultent de facteurs généraux, notamment mocytaire, avec réticulocytose basse, parfois macrocytaire.
thrombopénie, et de facteurs locaux variés : ulcère, gastrite, Plus fréquente en cas d’hémopathie associée, l’anémie peut
duodénite, hypertension portale, voire télangiectasies di- aussi être liée directement ou indirectement à la mastocy-
gestives. tose, notamment dans les formes agressives : saignement,
L’hépatomégalie, fréquente (50 %), est liée à la mastocytose hypersplénisme, malabsorption avec carence en fer et vita-
ou à une hémopathie associée ⁶². En règle asymptomatique, mines (B 9, B 12), voire infiltration médullaire. D’autres ano-
elle n’a pas de traduction biologique notable en dehors malies sont possibles, elles sont également plus souvent
d’une élévation des phosphatases alcalines, parfois d’ori- observées dans les formes agressives ou associées à une hé-
gine mixte hépatique et osseuse, et plus rarement des gam- mopathie : hyperleucocytose, hyperéosinophilie, leucopé-
maglutamyl transpeptidases. Ailleurs, il peut s’agir d’une nie, thrombopénie, monocytose, thrombocytose, basophi-
cholestase ictérique avec ou sans hypertension portale. His- lie, mastocytes circulants. L’éosinophilie semble liée pour
tologiquement existent une infiltration mastocytaire des certains à l’expression anormale d’un récepteur de tyrosine
espaces portes et/ou des travées sinusoïdales avec contin- kinase PDGFRa consécutive à une translocation cryptique
gent éosinophiles dans plus de la moitié des cas, et fréquem- entre le gène ubiquitaire FIP1L1 et PDGFRa. La protéine de
ment une fibrose portale, beaucoup plus rarement une cir- fusion FIP1L1-PDGFRa, a été décrite initialement dans les
rhose. Quelques observations d’hypertension portale sans syndromes hyperéosinophiliques idiopathiques ⁶⁶,⁶⁷. Pour
cirrhose ou d’ascite parfois exsudative ont été rapportées, les MS avec éosinophilie, ce qui représente 20 à 40 % des
et exceptionnellement une insuffisance hépatocellulaire ⁶³. cas dans la littérature, certains auteurs verraient volontiers
Des cas de cholangite sclérosante et de cholecystite à mas- la détection de FIP1L1-PDGFRa, au cours des MS, comme
tocytes ont été décrits ⁶⁴. le témoin d’une variante myéloproliférative des MS ⁶⁸. Ce-
pendant, dans notre expérience, sur 14 cas d’éosinophilie
Manifestations hématologiques ²⁴,²⁵ associée à une mastocytose, aucun n’avait la mutation de
Elles peuvent être en rapport avec la mastocytose ou avec FIP1L1-PDGFRa, mais la plupart des cas en présentaient
une éventuelle hémopathie associée. la mutation de c-kit D816V.
Une splénomégalie généralement asymptomatique et as- Diverses hémopathies (groupe II) ont été décrites en asso-
sociée à une hépatomégalie est souvent présente dans les ciation avec les MS : syndromes myéloprolifératifs (LMMC),
formes systémiques. Les aspects anatomopathologiques syndrome myélodysplasiques, leucémies aiguës non lym-
associent une infiltration mastocytaire et une fibrose trabé- phoblastiques LAM 0-1-2 et 4 ⁶⁹, plus rarement lymphomes
culaire d’importance très variables, une fréquente infiltra- malins non hodgkiniens de divers types, neutropénie chro-
tion éosinophilique et parfois des foyers d’hématopoïèse. nique, myélome ⁷⁰, dysglobulinémie mono- ou biclonale.
L’architecture splénique est généralement conservée avec Certaines anomalies cytogénétiques ont été décrites dans
présence d’un infiltrat mastocytaire périvasculaire de la les mastocytoses associées à une hémopathie myéloïde
pulpe blanche. Lorsque la fibrose est majeure, l’infiltrat (délétion chromosome 20q, monosomie 7, translocation
mastocytaire risque d’être méconnu en raison de sa discré- X8q2), mais aussi en leur absence. La fréquence de l’as-
tion. Une infiltration diffuse des pulpes blanche et rouge sociation mastocytose-hémopathie myéloïde est généra-
par des mastocytes atypiques ne s’observe que dans les lement interprétée comme témoignant d’une anomalie
mastocytoses leucémiques ou très agressives ²⁶. d’une cellule souche hématopoïétique commune, bien que
L’atteinte ganglionnaire périphérique ou profonde est puisse également être évoquée la filiation de deux phéno-
moins fréquente, notée surtout dans les formes agressives mènes : sécrétion par les mastocytes de facteurs stimulant
ou associées à une hémopathie (20 % des cas). L’infiltrat les autres lignées hématopoïétiques ou à l’inverse mastocy-
mastocytaire, de topographie volontiers paracorticale, s’ac- tose réactionnelle à la myélodysplasie.
compagne d’une prolifération vasculaire avec éosinophiles, Enfin, les leucémies à mastocytes (groupe IV) sont excep-
certains aspects pouvant prêter à confusion avec un lym- tionnelles, caractérisées par un pourcentage de mastocytes
phome T. Ailleurs, l’infiltrat envahit les follicules, voire l’en- circulants supérieur à 20 %. Ces mastocytes, morphologi-
semble du ganglion. quement atypiques (lobulation nucléaire, multinucléation,
L’atteinte médullaire, présente dans 90 % des formes systé- hypogranularité), sont parfois difficiles à identifier (ils sont
miques, revêt un intérêt diagnostique majeur. La présence pris pour des monocytes) et de diagnostic différentiel déli-
de quelques mastocytes isolés sur la biopsie n’a qu’une va- cat, notamment avec certaines leucémies myéloïdes chro-
leur limitée, puisqu’elle est également observée dans les niques transformées, notamment monoblastiques. L’infil-
mastocytoses réactionnelles ⁶⁵. L’atteinte histologique ty- tration médullaire, parfois accompagnée d’érythrophagocy-

 MS mastocytose systémique
16-12 Mastocytoses

tose, n’est pas toujours majeure et ne constituerait pas un Protocole initial et de suivi d’une mastocytose de l’adulte
critère distinctif entre les groupes III et IV ². Ces leucémies Première visite
à mastocytes sont remarquables par l’absence de lésions
Examen clinique, recherche du signe de Darier, ou dermographisme,
cutanées, la fréquence des ulcères digestifs et leur résis-
tance aux traitements : leur survie moyenne n’est que de score de prurit
5 mois ², elle est améliorée actuellement par l’utilisation de Biopsie cutanée (chez l’adulte) avec recherche de mutation c-kit
cladribine. En outre, les très rares sarcomes à mastocytes Réalisation d’un hémogramme, frottis sanguin, tryptase sérique
rapportés dans la littérature (plutôt muqueux) peuvent évo- • Pour les patients avec manifestations paroxystiques ou altération
luer en leucémie mastocytaire secondaire rejoignant le très de l’état général ou tryptase élevée :
mauvais pronostic de la forme primitive ⁵⁰. − Biopsie ostéomédullaire, scanner thoraco-abdominal, ostéo-
D’autres manifestations ont été décrites : neuropsychiques
densitométrie rachidienne, radiographies des os longs
(comitialité, polynévrite, anxiété, troubles mnésiques, dé-
pression proche de 10 %) ; respiratoires (dyspnée asthmati- − Évaluation de la qualité de vie (score QLCQ, SCORMA, score
forme ou asthme lors des flushs, infiltration mastocytaire AFIRMM...)
pulmonaire d’expression radiologique avec des images réti- • Pour les patients avec suspicion d’atteinte spécifique d’organe :
culaires ou des nodules pleins) ⁷¹ ; cardiaques (tachycardie − Endoscopie digestive avec biopsie, biopsie hépatique, scinti-
posturale ⁷², insuffisance cardiaque, trouble de conduction graphie médullaire
ou de la repolarisation par infiltration myocardique et péri-
cardique, arrêt cardiaque lors d’une anesthésie générale ⁷³ ;
Suivi régulier tous les 6 mois pour les patients avec atteinte
syndrome sec par infiltration mastocytaire des glandes sa-
livaires ; urinaires (cystite interstitielle, pollakiurie et in- systémique :
stabilité vésicale par infiltrat mastocytaire), augmentation Suivi de l’extension cutanée et des symptômes de dégranulation
d’infections. Dégradation de la qualité de vie. Autres atteintes d’organes
La qualité de vie (QLQ), à l’instar de l’urticaire chronique,
est altérée pour beaucoup de patients atteints de mastocy- Selon résultats : Suivi tous les 2-3 ans si stabilité avec densitomé-
toses qui ont des symptômes parfois disparates, dans une
trie, échographie abdominale, tryptase, biopsie ostéomédullaire, hé-
pathologie rare ⁷⁴. Un score QLQ établi par l’AFIRMM en
France permet d’objectiver ce handicap. Il est en cours de mogramme
validation afin de mieux cibler les patients qui nécessite-
raient l’entrée dans une thérapeutique protocolaire. 16.D

Diagnostic ²⁷ être proposé dans certains centres de recherche et devrait


entrer dans le bilan systématique sur prélèvement médul-
Le diagnostic se pose très différemment selon que le ta- laire ou sur biopsie cutanée en peau lésée. Cette recherche
bleau clinique comporte ou non des lésions cutanées et aurait un intérêt plus thérapeutique que pronostique. Une
des manifestations cliniques d’organe évoquant une forme démarche est proposée dans l’encadré 16.D selon Hartmann
systémique. et al. ⁷⁵.
En présence d’une mastocytose cutanée apparemment iso- Le diagnostic biologique repose sur le dosage de marqueurs
lée confirmée histologiquement, aucun bilan paraclinique mastocytaires biochimiques et immunologiques : on ob-
n’est justifié chez l’enfant en dehors de la forme cutanée serve une augmentation de l’histaminémie et de l’histami-
diffuse, alors qu’une numération-formule sanguine, un bi- nurie, des métabolites urinaires de la prostaglandine PGD2,
lan hépatique, un dosage de tryptase sérique, des radiogra- de la tryptase plasmatique ⁷⁶ et d’un métabolite urinaire
phies du squelette et une ostéodensitométrie sont systéma- de l’histamine, l’acide méthyl-4-imidazole acétique ⁷⁷. L’in-
tiquement pratiquées chez l’adulte. L’existence d’anomalies térêt de ces dosages est limité en raison de possibles faux
hématologiques, radiologiques ou densitométriques, alors positifs (en cas d’allergie) ou faux négatifs (en cas de mas-
évocatrices du caractère systémique, conduit à pratiquer tocytoses non sécrétantes). Le dosage de l’histamine pose
une biopsie ostéomédullaire. des problèmes de technique (la spectrométrie de masse,
Pour les MS, la principale étape diagnostique est d’en évo- méthode précise et fiable étant peu disponible) et d’inter-
quer l’éventualité, même si aucun signe clinique n’est spéci- prétation des résultats, l’histamine sanguine ou urinaire
fique. L’étape ultérieure de confirmation histologique est n’étant pas toujours d’origine mastocytaire (dégranulation
de difficulté variable suivant le tableau clinique. Chez l’en- des basophiles lors du prélèvement sanguin, synthèse bac-
fant, seule une mastocytose cutanée diffuse ou des anoma- térienne à partir de l’histidine en cas d’infection urinaire,
lies d’organes ou des anomalies hématologiques doivent influence de l’alimentation sur l’histaminurie). L’élévation
conduire à des explorations complémentaires. Chez l’adulte, de l’histaminémie est surtout marquée en cas d’hémopa-
la peau est systématiquement biopsiée, même en l’absence thie associée. L’importance de l’infiltration viscérale semble
de lésion évocatrice, du fait de la possibilité de formes infil- corrélée non à l’histaminurie mais au taux urinaire d’acide
tratives significatives inapparentes cliniquement. Le diag- methyl-4-imidazole acétique, principal métabolite urinaire
nostic de la mutation du protooncogène c-kit D816V peut de l’histamine, mais dont le dosage par chromatographie

 MS mastocytose systémique
Traitement des mastocytoses 16-13

HPLC est abandonné en raison de difficultés techniques. Précautions générales


L’étude du métabolisme de la PGD2, reflété par l’élimina- Certaines précautions sont conseillées afin d’éviter les
tion urinaire de son principal métabolite le PGEM, n’est pas crises mastocytaires ou, plus grave encore, le choc anaphy-
encore de pratique courante. L’hyperproduction chronique lactoïde. Ces précautions ne sont ni strictes, ni exhaus-
d’histamine et de PGD2 étant majorée lors de l’activation tives et doivent s’adapter au cas par cas. Les manifesta-
mastocytaire, il est conseillé de pratiquer 2 recueils d’urine, tions graves anaphylactoïdes étant plus fréquentes mais
l’un dans les 2 heures qui suivent le flush, l’autre entre pas exclusivement chez les patients adultes avec atteinte
la seconde et la quatrième heure. La tryptase, molécule systémique, une attention particulière doit être portée à
comprenant 2 chaînes alpha (protryptase) et bêta, est ac- ces facteurs. Ainsi, il est utile de supprimer les facteurs dé-
tuellement le marqueur mastocytaire excrété dont le taux granulants des mastocytes (encadré 16.B ⁸³) comme certains
semble corrélé à l’importance de l’infiltrat mastocytaire ⁷⁸. aliments et médicaments, les exercices physiques intenses
C’est un marqueur sensible et relativement spécifique qui et les variations thermiques brutales. L’utilisation à portée
est corrélé aux différents types d’atteintes mastocytaires ⁷⁶. de main d’un kit d’adrénaline type Anapen, auto-injectable,
Une augmentation transitoire de la bêta tryptase s’observe qui se conserve à température ambiante doit être proposé
en cas de choc anaphylactique quelle que soit son origine à tout patient présentant une forme systémique de la mala-
mais aussi de façon permanente en cas de syndrome myé- die. L’utilisation des produits de contraste iodés doit être
loprolifératif associé ⁷⁹. Ainsi la valeur prédictive d’atteinte limitée et une prémédication antiallergique est recomman-
systémique serait de 50 % en cas de taux compris entre dée. L’IRM peut être préférée à la tomodensitométrie dans
25-75 ng/ml et de presque 100 % si le taux est supérieur l’exploration abdominale. Les interventions chirurgicales
à 75 ng/ml. Récemment, il a été montré que les MS s’ac- programmées tant chez l’adulte que chez l’enfant néces-
compagnent d’une augmentation du taux sérique du c-kit sitent des précautions anesthésiques actuellement bien co-
soluble et de CD25 (récepteur à l’IL-2). En outre, le niveau difiées, avec prémédication adéquate, choix des substances
de ces 2 marqueurs semble être corrélé à la sévérité de la sans curare et sans dérivés morphiniques, monitorage soi-
maladie et à l’infiltration médullaire par les mastocytes gneux visant à traiter précocement toute hypotension. Le
anormaux ⁸⁰. port d’une carte mentionnant le diagnostic de mastocytose
Quoiqu’il en soit, le diagnostic de mastocytose est avant ainsi que le médecin référent est utile en cas de chirurgie
tout clinique et histocytologique. En effet, lors d’une sus- urgente, afin de limiter les risques anesthésiques.
picion de mastocytose de l’adulte, un examen histologique
du tissu impliqué et un examen morphologique des cel- Traitement symptomatique
lules des tissus (le plus souvent, biopsie de peau et de En l’absence de traitement curatif, la thérapeutique est
moelle osseuse), confirment le diagnostic. Il est assez clas- essentiellement symptomatique et adaptée à chaque cas,
sique d’avoir recours à la coloration au bleu de toluidine même si un certain consensus est appliqué ⁶¹,⁸³.
ou à des réactions histochimiques simples comme celle Les anti-histaminiques anti-H1 (hydroxyzine, mizolastine,
de la chloroacétate-estérase, bien que celles-ci soient peu loratadine...), souvent associés aux anti-H2 (ranitidine, fa-
usitées. Le typage par immunocytochimie avec un anti- motidine, cimétidine), sont les traitements clés utilisés de
corps monoclonal anti-tryptase ou anti-CD117 est devenu première intention pour bloquer via les récepteurs mas-
de pratique courante ⁸¹. Enfin, il apparaît que les masto- tocytaires, la libération des médiateurs. Les anti-H1, de
cytes médullaires anormaux, analysés par cytométrie en préférence non sédatifs, agissent sur les flushs et le prurit,
flux, expriment de façon concomitante les marqueurs CD2 l’effet des anti-H2 est plus net sur les manifestations gastro-
et CD25, contrairement aux mastocytes normaux ⁸². Cela duodénales types (ulcère, gastrite) que sur la diarrhée. Ils
pourrait constituer une nouvelle méthode de diagnostic peuvent être associés pour potentialiser leurs effets notam-
des MS et de mise en évidence de l’infiltration médullaire ment sur les flushs et les troubles digestifs. Le kétotiféne
par des mastocytes anormaux. semble efficace sur le prurit ⁸⁴.
Le chromoglycate de sodium oral (en ampoule à boire),
Traitement des mastocytoses ⁸³ stabilisant de membrane du mastocyte, a une activité sur
les manifestations digestives à la dose de 800 mg/j chez
Le traitement des mastocytoses vise d’une part à limiter l’adulte, et de 400 mg/j chez l’enfant. Il a également une
les symptômes en rapport avec la libération des médiateurs activité sur le prurit. Les inhibiteurs des leukotriènes (Mon-
mastocytaires et d’autre part à réduire l’infiltration spéci- télukast) sont également proposés pour le prurit et les pous-
fique du ou des organes atteints. Il varie selon le caractère sées vasomotrices ⁸⁵ et notamment en cas de cystite inter-
cutané ou systémique de la maladie. Dans tous les cas, des stitielle ⁸⁶.
précautions sont à observer pour ces patients, dès la pre- L’adjonction de l’aspirine, visant à inhiber la synthèse des
mière consultation confirmant le diagnostic. Enfin, si le prostaglandines, est parfois utile après échec des traite-
terme curatif n’est pas encore admis pour la majorité des ments précédents, notamment en cas d’hypotensions ré-
traitements qui ne modifient habituellement pas le cours pétées. Le risque de déclenchement d’une dégranulation
de la maladie, une nouvelle approche moléculaire de la mala- mastocytaire (5 %) parfois mortelle justifie d’instaurer ce
die, impliquant les inhibiteurs de tyrosine kinase, pourrait traitement en milieu hospitalier en commençant par des
approcher cet objectif. doses minimes. Une salicylémie supérieure à 15 mg/dl est

 IL interleukine · MS mastocytose systémique


16-14 Mastocytoses

nécessaire au contrôle des symptômes, l’emploi des fortes cité sur l’UP lorsqu’ils sont appliqués sous occlusion et de
posologies étant cependant limité par l’intolérance gastro- façon prolongée ⁷⁵,⁹⁰.
duodénale. L’utilisation d’un inhibiteur de la pompe à pro- Le laser vasculaire ou la lampe flash pourraient être utilisés
tons peut être proposée dans ce cas comme dans celui d’une pour traiter les télangiectasies de TMEP ⁹¹. Le laser Yag a
efficacité partielle des anti-H2. permis pour un patient de traiter une UP, mais il n’existe
L’adrénaline en perfusion (4 μg/min) est indiquée en cas de pas de série rapportée ⁹².
malaise sévère avec hypotension ou choc anaphylactoïde. Chez l’enfant En raison de multiples formes cliniques
La corticothérapie générale n’a qu’un effet suspensif ; ses cutanées, les traitements utilisés sont divers, mais ils sont
risques osseux potentiels sont évidents sur ce terrain. La aussi plus transitoires compte tenu de la régression spon-
prednisone est utilisée à la dose initiale de 1 mg/kg/jour tanée de la maladie dans près de 50 % des cas. Ainsi, les
en cas de malabsorption ou d’ascite, puis ramenée à une antihistaminiques sédatifs type hydroxyzine sont privilé-
posologie d’entretien beaucoup plus modeste. Les bolus giés le soir en cas de prurit.
de méthylprednisolone ne seraient pas plus actifs. La Dans le mastocytome isolé, l’emploi de dermocorticoïdes
corticothérapie à délitement entérale type budésonide forts et sous occlusion donne de bons résulats ⁷⁵. Le
(Entocort) peut être proposée dans les atteintes diges- bénéfice-risque doit être considéré cependant pour éviter
tives infiltratives avec une bonne efficacité, tout en li- un freinage hypothalamo-hypophysaire délétère. En cas de
mitant les effets secondaires d’une corticotérapie géné- mastocytome associé à des manifestations vasomotrices
rale. sévères, la chirurgie peut être le traitement de second choix.
Les bisphophonates sont utilisés par voie intraveineuse Dans les formes bulleuses, la prévention des infections bac-
en cas de fractures ostéoporotiques récentes et doulou- tériennes et les soins locaux s’associent à la coprescription
reuses ⁸⁷. L’alendronate per os ou le risédronate monoso- d’antihistamiques H1 et H2. Dans certaines formes sévères,
dique avec supplémentation calcique sont prescrits en des corticoïdes intraveineux et des antihistaminiques ont
cas d’ostéoporose confirmée par densitométrie (Tscore < été efficaces en association ³¹. Dans la forme cutanée dif-
− 2,5 DS). Ils préviendraient un événement fracturaire fu- fuse, la puvathérapie a été efficace dans près de 5 cas ⁹³,⁹⁴,
tur en augmentant la densité minérale osseuse de façon la balnéopuvathérapie dans un cas ⁹⁵.
significative ⁵⁹. Ailleurs, un supplément en vitamine D et Traitements immunomodulateurs et cytoréducteurs
calcium suffit en cas d’ostéopénie. Enfin, une carence vita- Les traitements à visée immunomodulatrices ou cytoré-
minique liée à une malabsorption digestive doit être recher- ductrices ont été proposés de façon empirique étant donné
chée et traitée. la rareté des formes de MS, l’hétérogénéité biologique et
D’autres substances ont été essayées dans des cas isolés l’absence de critère simple d’évaluation de la réponse théra-
d’atteinte d’organe : inhibiteur du PAF, inhibiteur de l’his- peutique ⁶⁸. Ils s’adressent principalement aux formes sys-
tidine décarboxylase, terbutaline, nifédipine. témiques de mastocytoses (agressives ou associées à une
Une anastomose porto-cave en cas d’ascite réfractaire est hémopathie). Ces traitements ont des effets secondaires
parfois justifiée. et pour la plupart un pouvoir mutagène qui doit nous ame-
ner à les prescrire avec circonspection, avec une exigence
Traitements dermatologiques diagnostique indiscutable. Les principales substances qui
Des traitements spécifiquement dermatologiques sont jus- ont montré un intérêt certain sont l’interféron α, le 2-chlo-
tifiés par les symptômes fonctionnels (prurit, flush) ou rodesoxyadénosine (cladribine/2-Cda).
cliniques (infiltration, bulles) mais également par les consé- L’interféron alpha est souvent considéré comme une sub-
quences cosmétiques de la maladie. stance de première ligne dans les MS agressive avec ou
Chez l’adulte La puvathérapie est un traitement clas- sans atteinte hématologique sous-jacente. Plusieurs publi-
sique des mastocytoses cutanées, surtout dans la forme cations ont rapporté son efficacité par diminution non
d’UP. Elle n’est pas efficace dans la TMEP. Selon les auteurs, seulement du relargage des médiateurs mastocytaires ⁹⁶
ce traitement diminue l’étendue des lésions d’UP et du pru- mais également de l’infiltration spécifique ⁹⁷. Cependant,
rit en limitant le signe Darier spontané pour une durée l’effet antiprolifératif est modéré, les rechutes sont fré-
de 5 à 8 mois ⁸⁸. Pour d’autres, l’effet est plus limité sur la quentes dans les mois qui suivent l’arrêt du traitement
réduction des lésions avec néanmoins un effet cosmétique et la tolérance est médiocre (dépression, troubles neuro-
obtenu par bronzage. La balnéopuvathérapie est pour tous psychiques). Ainsi, il apparaît surtout que l’interféron al-
les auteurs inefficace. De plus, ce traitement est temporaire pha doit être proposé pour la forme de MS indolente type
avec un risque carcinogène à long terme non quantifié mais smoldering ou encore à celle associée à des chocs anaphylac-
à prendre en considération. toïdes répétés ou encore à celle agressive du groupe III ⁹⁸.
L’UVA1-thérapie est efficace dans l’étude de Gobello et al. ⁸⁹. La cladribine, analogue des bases puriques, habituellement
Sans diminuer le nombre de lésions cliniques elle diminue utilisée dans la leucémie à tricholeucocytes ou l’histiocy-
le nombre de mastocytes du derme en améliorant à 6 mois tose langerhansienne grave, a récemment apporté des résul-
le prurit et la QDV. L’UVBthérapie pourrait être efficace sur tats encourageants dans les MS. Ainsi, Kluin-Nelemans et
le prurit, mais aucune observation n’a été rapportée. al. ⁹⁹ ont traité 9 patients (0,10 mg/j/kg de J1 à J5, une cure
Les dermocorticoïdes ont peu de place chez l’adulte contrai- toute les 4 à 8 semaines, 6 cures) et ont obtenu dans toutes
rement à l’enfant, bien que certains ont montré une effica- les formes de MS une réponse partielle avec disparition

 MS mastocytose systémique · PAF platelet activating factor · UP urticaire pigmentaire


Pronostic 16-15

des signes cliniques et effondrement de la tryptase, une ré- les PBMC ¹¹⁰, les MS sans mutation de c-kit et plus encore
gression nette de l’infiltration médullaire (9 cas sur 10) et avec mutation du gène de fusion précité et éosinophilie
cutanée (7 cas sur 7) en mastocytes. La meilleure réponse chronique peuvent être efficacement traitées par l’imati-
en médiane était de 6 mois. Cependant, une toxicité héma- nib mésylate ¹¹¹. Cette constatation renvoie à l’idée d’un
tologique parfois sévère était présente dans 30 % des cas. dépistage moléculaire du statut c-kit systématique et du
Une étude de 33 patients, réalisée en France, a montré une transcrit de fusion FIP1L1-PDGFRa en cas d’éosinophilie
réponse majeure (régression d’infiltration d’organe, dont associée de tout patient avec mastocytose. D’autres inhi-
la peau) pour 24 patients avec MS, dans un délai de 4 mois biteurs des tyrosines kinases et particulièrement ceux du
et pour une durée de 16 mois ¹⁰⁰. Les 4 patients avec syn- c-kit muté en D816V sont candidats au développement ¹¹².
drome myéloprolifératif associé n’ont pas eu de réponse Ainsi le PKC412, l’AMN107, l’AP23464 et l’AP23848 sont
au traitement. Ces résultats confirment l’intérêt de cette efficaces in vitro ¹¹³-¹¹⁵. Le SU11248 est également un can-
substance dans les MS du groupe I smoldering et III. Une didat pour l’inhibition du c-kit sauvage ou muté avec résis-
observation ¹⁰¹ rapporte une efficacité sans rechute à 1 an tance à l’imatinib mésylate ¹¹⁶. De même le BMS-354825,
du groupe IV en échec de l’interféron, après 4 cures de la cla- inhibiteur de Src/ABL semble efficace in vitro sur le c-kit
dribine espacée chacune de 6 mois. Enfin une observation muté en D816V ¹¹⁷.
rapporte l’effet spectaculaire du 2-Cda sur une mastocytose
cutanée diffuse pure chez un adulte de 74 ans ¹⁰². Autres traitements
Dans les mastocytoses associées aux hémopathies du D’autres voies de blocage de l’activation du c-kit muté, la
groupe II, parfois découvertes de façon concomitante, la voie AKTmTOR par la rapamycine et celle de NF-kappa-
réponse au traitement dépend du pronostic de la mala- B ¹¹⁸ par des inhibiteurs spécifiques sont explorées dans un
die sous-jacente. Les chimiothérapies sont habituellement but thérapeutique. Ainsi, le 17-AAG, dérivé d’un antibio-
inefficaces sur la mastocytose associée ²². La réponse des tique ansamycine déstabilise HSP-90, partenaire d’autres
lymphomes type hodgkinien ou non avec MS est variable, kinases importantes en oncogenèse, entraîne une diminu-
celle des leucémies aiguës non lymphoblastiques mauvaise tion in vitro et ex vivo de l’activité de kit et des molécules de
sauf rare exception. En raison des effets secondaires de signalisation AKT et STAT3. Cet effet est observé par mo-
la chimiothérapie, le traitement des hémopathies moins dification de la stabilité et de l’expression à la membrane
agressives se limite souvent aux transfusions d’hématies de c-kit aussi bien sur les mastocytes mutés ou non pour
et de plaquettes. La splénectomie peut se discuter dans les le c-kit en 816 ¹¹⁹. D’autres molécules pourraient être pro-
groupes II et III devant l’association d’une splénomégalie posées : le thalidomide, l’acide tout trans-rétinoique (blo-
avec hypersplénisme et cytopénies marquées ; elle corri- cage de la maturation et prolifération des cellules kit dé-
gerait la thrombopénie et améliorerait la tolérance de la pendantes ¹²⁰, les anticorps monoclonaux anti-CD25 (dacli-
chimiothérapie ¹⁰³. L’influence du traitement de l’hémopa- zumab zenapax, évalués dans les leucémies CD25 + ¹²¹), le
thie sur l’évolution de la mastocytose est inconstante. La béxarotène (rétinoïde de synthèse) associé au denileukin
greffe de moelle est utile pour traiter l’atteinte hématolo- diftitox (IL-2 couplée à la toxine diphtérique), les anticorps
gique du groupe II mais est inefficace pour faire régresser monoclonaux anti-CD2.
la mastocytose associée ¹⁰⁴.
Dans le groupe IV, il n’y a pas de consensus sur un proto- Pronostic
cole thérapeutique : l’association cyclophosphamide, vin-
cristine et prednisone est parfois efficace ²⁶. La cladribine Chez l’enfant, le pronostic vital est rarement menacé sauf
permettrait une rémission partielle de quelques mois ¹⁰¹. dans certaines formes de mastocytose cutanée diffuse,
alors que chez l’adulte, il est essentiellement conditionné
Inhibiteurs des tyrosines kinases à l’existence d’une maladie hématologique sous-jacente as-
Depuis l’avènement du mésilate d’imatinib (Glivec) dans sociée, c’est-à-dire à l’appartenance aux groupes II ou IV.
la leucémie myéloïde chronique dont il a transformé le pro- De plus, une forme indolente de type I évolue exception-
nostic ¹⁰⁵,¹⁰⁶, l’utilisation des inhibiteurs de tyrosine kinase nellement vers une forme II ou III. Chez l’enfant, la mas-
dont le Glivec a été proposée pour le traitement des MS. tocytose est résolutive dans 50 % des cas à l’adolescence ;
À ce jour, il apparaît pour certains que ce traitement est chez l’adulte, la chronicité est la règle avec quelques cas
inefficace lorsque le patient possède la mutation D816V spontanément régressifs possibles. Une étude de 2002 a
du c-kit ⁶⁸ dans la moelle et/ou la peau, comme cela avait montré une régression de 10 % sur 106 UP de l’adulte en
été suggérer par Zermati et al. ¹⁰⁷ et Ma et al. ¹⁰⁸ in vitro. En 10 ans minimum de suivi ¹²².
effet, cette mutation modifie la conformation du récepteur, Peu d’études sur le pronostic sont disponibles dans la litté-
et empêche cette molécule de se lier à la poche fixant l’ATP. rature. L’étude prospective de Lawrence et al. puis celle de
Néanmoins une étude de phase I/II sur 10 patients dont 8 Sperr et al. ²⁵,¹²³ ont identifiés des critères initiaux de mau-
avec mutation D816V a montré que le Glivec était efficace vais pronostic vital. En analyse monofactorielle, ces critères
cliniquement et histologiquement chez 6 des patients dont sont cliniques : survenue tardive > 50 ans, absence d’at-
5 porteurs de la mutation D816V ¹⁰⁹. En revanche, à l’instar teinte cutanée, présence d’une hépato-splénomégalie, et
du traitement proposé dans les syndromes hyperéosinophi- biologiques : anémie, thrombopénie, hyperlymphocytose,
liques avec présence de la mutation FIP1L1-PDGFRa dans élévation des LDH ou des phosphatases alcalines sériques,

 MS mastocytose systémique · UP urticaire pigmentaire


16-16 Mastocytoses

infiltration mastocytaire médullaire élevée en pourcentage, calines sont apparues comme des marqueurs de mauvais
anomalies qualitatives des hématies ou des leucocytes cir- pronostic.
culants. En analyse multifactorielle, seuls demeurent l’âge
tardif > 50 ans au début des symptômes et l’élévation des Conclusion
LDH. Ces critères sont probablement plus rigoureux que
ceux établis préalablement en analyse multifactorielle par Si les mastocytoses sont aujourd’hui mieux reconnues en
Travis et al. ²⁴ dans une étude rétrospective : âge, sexe mas- France, car recensées notamment grâce à une association
culin, anémie, néoplasie associée et présence de mastocytes (AFIRMM), leur prise en charge demeure du cas par cas. Si
médullaires avec lobulation nucléaire. L’étude de Horny et la stratégie diagnostique reste classique, la stratégie théra-
al. ¹²⁴ a montré un taux de survie de 75 % à 5 ans pour le peutique est en pleine mutation, depuis la prise en compte
stade I versus 17 % et 0 % respectivement pour les stades II- du statut moléculaire du récepteur c-kit des mastocytes
III et IV ⁶⁸. L’étude de Pardanani et al. ¹²⁵ avait pour objectif des patients. Cette information moléculaire est essentielle
d’étudier les corrélations anatomocliniques et d’identifier et guide le projet thérapeutique qui doit tenir compte du
des marqueurs pronostiques biologiques et anatomopatho- stade de la maladie et de la qualité de vie du patient. Ainsi,
logiques chez des patients atteints de MS sans atteinte hé- de nouvelles molécules devraient être proposées dans les
matologique sous-jacente. Sur 40 patients adultes étudiés, années à venir, ciblant les voies physiopathologiques explo-
l’importance de l’infiltrat mastocytaire, l’existence d’un in- rées par la recherche sur les mastocytes et mastocytoses.
filtrat éosinophile, et l’augmentation des phosphatases al-

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Barete S. Mastocytoses. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des
connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 16.1-16.19.
17
Sarcoïdose
Didier Bessis, Pascale Huet

Manifestations cutanées non spécifiques 17-1 Manifestations systémiques extracutanées 17-8


Érythème noueux 17-1 Évolution, pronostic et relation entre les manifestations
Autres lésions cutanées non spécifiques 17-2 cutanées et l’atteinte systémique 17-9
Manifestations cutanées spécifiques 17-2 Évolution et pronostic 17-9
Généralités 17-2 Relation entre les manifestations cutanées spécifiques et
Lésions papuleuses ou sarcoïdes à petits nodules 17-3 l’atteinte systémique 17-9
Lésions nodulaires ou sarcoïdes à gros nodules 17-3 Bilan diagnostique initial d’une sarcoïdose cutanée
Sarcoïdes en plaques 17-4 17-9
Sarcoïdes sur cicatrice ou « scar sarcoidosis » 17-4 Traitement de la sarcoïdose cutanée 17-10
Sarcoïdes hypodermiques de Darier-Roussy 17-4 Traitements locaux 17-10
Autres formes cliniques 17-5 Traitements généraux 17-10
Formes topographiques 17-6 Indications thérapeutiques 17-11
Anatomopathologie cutanée 17-7 Références 17-11

L a sarcoïdose, ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann


est une granulomatose diffuse pouvant toucher n’im-
porte quel organe. Les manifestations cutanées, multiples,
Érythème noueux (EN) ¹-³
Principale manifestation cutanée non spécifique de sarcoï-
dose, il constitue, avec l’infection streptococcique, l’une
polymorphes et fréquentes, occupent une place privilé- des causes les plus fréquentes d’érythème noueux. L’his-
giée parmi les atteintes de cette affection. Facilement tologie est non spécifique, marquée par une hypodermite
biopsiables, elles permettent une orientation étiologique septale sans vascularite avec un infiltrat composé de po-
rapide. Leur fréquence est estimée entre 20 et 35 % se- lynucléaires neutrophiles au début de l’évolution, puis de
lon les séries de la littérature et vient immédiatement lymphocytes et d’histiocytes secondairement. Sa fréquence
après celle des localisations intrathoraciques et ganglion- est variable selon les séries, estimée de 5 à 25 % des cas.
naires. Elles constituent l’unique manifestation de la ma- Ces différences de fréquence sont probablement dues à des
ladie dans 25 % des cas. La prédominance féminine est biais de recrutement selon les services de médecine, selon
plus nette que pour les autres manifestations de l’affec- les pays d’origine (fréquence plus élevée en Angleterre et
tion (deux tiers des cas) et les formes familiales sont Scandinavie, plus rare aux États-Unis) et les groupes eth-
rares. niques (rare chez les sujets à peau dite noire, en particulier
Les manifestations cutanées se divisent en atteintes cu- originaires des Antilles). L’EN inaugure la maladie dans
tanées non spécifiques représentées essentiellement par 15 % des cas. À l’inverse, environ 20 à 25 % des cas d’éry-
l’érythème noueux et en atteintes cutanées spécifiques ou thème noueux sont associés à une sarcoïdose. L’érythème
sarcoïdes, comportant à l’histologie des granulomes tuber- noueux sarcoïdosique touche électivement la femme jeune
culoïdes non caséeux. (en moyenne âgée de 30 ans contre 48 ans pour les sar-
coïdes), à peau dite blanche (90 %) avec une recrudescence
Manifestations cutanées non spécifiques saisonnière (printemps et automne).
Sur le plan clinique, l’EN sarcoïdosique ne présente aucune
Elles se définissent par l’absence d’infiltrat granuloma- particularité par rapport aux formes relevant d’autres étio-
teux tuberculoïde à l’histologie. Dans la majorité des cas, logies. Il réalise des nodules érythémateux sous-cutanés,
elles surviennent à la phase aiguë de la maladie. Elles gué- fermes, douloureux, siégeant le plus souvent en regard
rissent habituellement en quelques mois sans séquelle, des crêtes tibiales près des genoux (fig. 17.1), mais parfois
tout comme les localisations pulmonaires qui les accom- aussi au niveau des mollets, des cuisses, des fesses et plus
pagnent fréquemment. rarement sur les membres supérieurs. Dans le cadre de
17-2 Sarcoïdose

la sarcoïdose, l’érythème noueux est d’apparition brutale.


Dans 75 % des cas, il s’associe à la présence : 1o d’adé-
nopathies médiastinales bilatérales, de révélation parfois
retardée de quelques semaines. Celles-ci s’accompagnent
d’une infiltration réticulo-micronodulaire du parenchyme
pulmonaire, diffuse ou localisée (27 %), souvent retardée
de quelques mois mais jamais isolée ; 2o d’une hyper-
thermie entre 38◦ et 40◦ C (84 %), d’une pharyngite (60 %)
et d’un syndrome pseudo-grippal ; 3o de polyarthalgies
(70 %), volontiers migratrices, qui précèdent ou sont conco-
mitantes de l’érythème noueux ; 4o d’une uvéite aiguë ;
5o d’une anergie tuberculinique et 6o d’un syndrome

Coll. D. Bessis
inflammatoire (44 %). L’ensemble du tableau réalise le syn-
drome de Löfgren, révélateur de l’affection dans 20 % des
cas.
Fig. 17.2 Sarcoïdes à petits nodules : papules et nodules
hémisphériques rouge brunâtre de surface lisse

socié à la présence d’un corps étranger. Parmi les signes


extracutanés associés à l’érythème noueux, il faut souli-
gner la présence possible d’adénopathies périphériques,
d’atteintes oculaire et cardiaque et de localisation hépato-
splénique.
L’EN accompagne les formes aiguës de sarcoïdose. Il ré-
gresse spontanément dans 90 % des cas en passant par les
stades de la biligénie locale en 2 à 3 semaines en moyenne.
Il peut évoluer par poussées successives dans 10 % des cas
survenant habituellement dans les trois premiers mois, ra-
rement au-delà d’un an. Les adénopathies médiastinales
régressent spontanément dans environ 80 % des cas. Les
sarcoïdoses aiguës s’accompagnant d’EN sont en général
de meilleur pronostic que celles sans EN.

Autres lésions cutanées non spécifiques


Elles sont exceptionnelles qu’il s’agisse d’érythème poly-
morphe ⁵, d’hippocratisme digital ⁶, de prurigo ², de vascu-
larite ² ou de calcifications secondaires à l’hypercalcémie ⁷.

Manifestations cutanées spécifiques


Généralités
Leur fréquence est très variable selon les séries et les pays
d’origine, s’échelonnant de 9 % à 35 %. Elles s’observent à
tout âge avec un pic de fréquence au cours de la cinquième
décennie. Elles touchent préférentiellement les sujets à
Coll. D. Bessis

peau dite noire, surtout aux États-Unis, chez lesquels l’at-


teinte est plus sévère. Elles sont plus souvent observées au
Fig. 17.1 Érythème noueux : nodules érythémateux profonds des faces cours des sarcoïdoses chroniques qu’elles peuvent révéler.
antérieures de jambes Multiples et polymorphes, elles se caractérisent histologi-
quement par la présence d’un granulome tuberculoïde non
L’examen soigneux des genoux à la recherche de lésions caséeux, très évocateur du diagnostic, mais non pathog-
cutanées granulomateuses spécifiques papuleuses ou de nomonique. D’aspect parfois trompeur, elles possèdent
sarcoïdes sur cicatrice doit être systématique ⁴. Celles-ci néammoins des caractéristiques cliniques communes per-
se caractérisent par de petites papules rouge-brun, grou- mettant leur reconnaissance avant leur confirmation histo-
pées, bilatérales parfois disposées de façon linéaire évo- logique :
quant une réaction isomorphe de Koebner ou une origine − l’infiltration : les lésions sont fermes, enchâssées dans
post-traumatique. L’examen histologique objective un in- le derme ou l’hypoderme, non inflammatoires et non
filtrat granulomateux de type sarcoïdosique, parfois as- œdémateuses ;
Manifestations cutanées spécifiques 17-3

Coll. D. Bessis
Fig. 17.3 Sarcoïdes à petits nodules de l’avant-bras

− la couleur : elle varie du jaune ocre au violet foncé bru-


nissant avec le temps ;
− l’absence de signes fonctionnels : les éléments sont in-
dolores et non prurigineux ;
− l’absence de modification de l’épiderme en dehors par-
fois d’une discrète desquamation ;
− l’absence de topographie élective même si l’atteinte du

Coll. D. Bessis
visage (pourtour du nez et des paupières) est particuliè-
rement fréquente (50 %) et évocatrice ;
− la vitropression : elle fait disparaître l’érythème et ap- Fig. 17.5 Sarcoïdes à gros nodules du visage : nodules saillants
paraître des grains jaunâtres, séparés les uns des autres brunâtres de surface lisse
et semblables aux lupomes : c’est l’aspect lupoïde qui
suggère la présence d’infiltrats tuberculoïdes à l’histo- sur cicatrice et leur niveau d’envahissement dermique ou
logie ; hypodermique.
− l’évolution chronique : après des mois ou des années
d’extension périphérique avec guérison centrale (aspect Lésions papuleuses ou sarcoïdes à petits nodules
annulaire), les lésions spécifiques finissent par dispa- Très fréquentes, elles réalisent de petites élevures hémi-
raître en laissant parfois une cicatrice achromique ou sphériques bien limitées (fig. 17.2, fig. 17.3, fig. 17.4), de 2 à
pigmentée ; 5 mm de diamètre, de nombre variable (quelques-unes
− l’histologie : elle n’est pas spécifique mais fortement à plusieurs centaines). Elles sont rose jaunâtre initiale-
évocatrice avec la présence d’un granulome tubercu- ment, violacées ou rouge brunâtre par la suite, fermes, in-
loïde non caséeux infiltrant le derme et parfois l’hy- filtrées, enchâssées dans le derme, indolores, de surface
poderme. lisse, lupoïdes à la vitropression, isolées ou confluentes
Les lésions cutanées spécifiques sont multiples et d’aspect formant des plaques érythémateuses annulaires ou liché-
très varié. Elles se classent en quatre principales formes noïdes. Leur disposition est symétrique en particulier sur
selon leur morphologie, leur topographie en peau saine ou le visage (paupières, pourtour nasal), la région occipitale,
le cou, les faces d’extension des membres, les extrémités,
la poitrine et les épaules, plus rarement le tronc et les mu-
queuses. L’évolution se fait progressivement en quelques
semaines, après plusieurs poussées initiales, vers la stabi-
lisation des lésions pendant des mois ou des années. Puis
elles régressent en laissant parfois une cicatrice dépigmen-
tée. L’ulcération est exceptionnelle.
Les diagnostics différentiels sont nombreux : lupus éry-
thémateux, rosacée, granulome annulaire, lichen plan,
syphilides, verrues planes, tuberculides, adénomes séba-
cés...
Coll. D. Bessis

Lésions nodulaires ou sarcoïdes à gros nodules


Elles constituent la manifestation cutanée spécifique la
plus fréquente. Il s’agit de nodules hémisphériques très
Fig. 17.4 Sarcoïdes à petits nodules de la nuque saillants de un à plusieurs centimètres de diamètre, viola-
17-4 Sarcoïdose

cés ou brunâtres, bien limités, fermes, indolores, de surface


lisse, lupoïdes à la vitropression. Ils sont peu nombreux (ne
dépassant pas la dizaine), isolés ou confluents en lésions ir-
régulières circinées à centre déprimé (sarcoïdes annulaires),
siégeant volontiers sur le visage (fig. 17.5), le tronc et la ra-
cine des membres. Ils évoluent très lentement, pour dispa-
raître en 10 à 20 ans en laissant des cicatrices.
Le diagnostic différentiel se pose avec une lèpre tubercu-
loïde, un lupus vulgaire, une leishmaniose cutanée lupoïde,
une mycobactériose atypique ou une syphilis tertiaire.
L’angiolupoïde de Brocq-Pautrier, forme rare de sarcoïde à
gros nodules, se rencontre surtout chez la femme. C’est un
placard nodulaire isolé, arrondi ou ovalaire, bien limité, par-
couru d’un important réseau de télangiectasies, qui masque
l’aspect lupoïde à la vitropression. Il siège au niveau de
l’angle interne de l’œil, des sillons nasogéniens ou de la
joue (fig. 17.6). Son évolution est lente sans tendance à la
régression spontanée.

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier


Fig. 17.7 Sarcoïdes en plaque : plaque tuméfiée et infiltrée résultant de
la confluence de sarcoïdes

Sarcoïdes sur cicatrice ou « scar sarcoidosis »


Leur fréquence de survenue est estimée à 5 %. Elles se dé-
veloppent au niveau de cicatrices, en général anciennes
Coll. D. Bessis

(20 ans d’évolution en moyenne) et quiescentes, habituelle-


ment localisées sur les genoux. Elles touchent préférentiel-
Fig. 17.6 Angiolupoïde de Brocq-Pautrier : placard nodulaire isolé lement la femme (60 %), d’âge moyen de 45 ans. Il s’agit de
angiomateux de la joue cicatrices post-traumatiques ou chirurgicales, le plus sou-
vent de points de ponction veineuse, de tatouages, de cica-
Sarcoïdes en plaques trices de zona ou de radiodermite. Les cicatrices deviennent
Il s’agit de plaques tuméfiées, infiltrées, d’aspect serpigi- inflammatoires, augmentent de volume, s’infiltrent et s’in-
neux, de couleur lie de vin, mesurant plusieurs centimètres durent prenant une allure pseudo-chéloïdienne (fig. 17.10,
de diamètre et résultant de la confluence des sarcoïdes. fig. 17.11). Elles ne sont pas prurigineuses et la vitropression
Leur surface légèrement squameuse et sillonnée de capil- peut mettre en évidence des grains lupoïdes. Elles s’accom-
laires peut présenter des nodules superposés. Elles appa- pagnent habituellement d’autres lésions sarcoïdiennes en
raissent lupoïdes à la vitropression. Elles se localisent sur peau saine.
les membres (fig. 17.7), les épaules, les hanches et les fesses.
Leur évolution est lente vers l’atrophie cicatricielle, pig- Sarcoïdes hypodermiques de Darier-Roussy ⁸
mentée ou achromique, voire l’ulcération. Le lupus pernio Elles sont observées dans 2 % des sarcoïdoses systémiques
(lupus-engelures) est une forme particulière touchant avec et représentent près de 12 % des lésions cutanées spéci-
prédilection les femmes. Il est formé de larges nodules ou fiques. Elles touchent surtout la femme, au cours de la cin-
de plaques, infiltrés, bleu violacé, chroniques, localisés sur quième ou sixième décennie. Elles réalisent des nodules
le visage (fig. 17.8, fig. 17.9) ou les extrémités avec déformation froids, indolores, bien circonscrits, peu nombreux, fermes
fréquente des ongles et des doigts. Son évolution est tenace et aphlegmasiques, sans signe à la vitropression, se dévelop-
et se fait vers une atrophie cicatricielle et pigmentée. pant sous une peau de couleur peau normale, adhérant au
Manifestations cutanées spécifiques 17-5

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier


Fig. 17.8 Lupus pernio : larges nodules et plaques annulaires du visage

plan sous-jacent et prenant souvent l’aspect de formations


pseudo-tumorales (fig. 17.12). Elles se localisent avec prédi-
lection sur les extrémités des membres où une disposition

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier


linéaire est parfois observée, plus rarement sur le tronc
et le visage. Seul l’examen histologique permet de faire le
diagnostic et de les différencier des autres causes de panni-
culite tels que des nodules secondaires à une tuberculose,
une lèpre ou des métastases cutanées... Elles constituent
la manifestation cutanée initiale de la sarcoïdose dans plus
d’un cas sur deux et ne sont pas un facteur de mauvais pro- Fig. 17.9 Lupus pernio de l’oreille
nostic en cas d’atteinte systémique associée. La rémission
spontanée ou sous traitement en cas de forme systémique
est habituelle.

Autres formes cliniques


De nombreuses autres lésions cutanées spécifiques sarcoï-
dosiques ont été décrites, soulignant le polymorphisme de
cette affection. Pour la plupart d’entre elles, le diagnostic
ne sera évoqué qu’après la mise en évidence histologique
de granulomes épithélioïdes, l’aspect clinique étant trop
atypique.
La survenue de lésions ulcérées au cours de la sarcoïdose
a été rapportée dans près d’une cinquantaine d’observa-
Coll. D. Bessis

tions ⁹,¹⁰. Elles touchent avec prédilection la femme et


le sujet à peau dite noire d’origine afro-américaine. Elles
peuvent se développer de novo ou compliquer secondaire- Fig. 17.10 Réactivation d’une ancienne cicatrice prenant une allure
ment des lésions spécifiques préexistantes. Elles sont tou- chéloïdienne au cours de sarcoïdes sur cicatrice
jours multiples et siègent le plus souvent sur les faces an-
térieures des tibias. Fréquemment indolores, elles sont de une vingtaine d’observations, mais est peut être sous-
taille et de profondeur variables, cernées d’un bourrelet estimée par méconnaissance de l’ichtyose considérée à
périphérique inflammatoire et centrées d’une croûte noi- tort comme une « banale » xérose. Il n’existe pas de pré-
râtre adhérente. Elles peuvent s’associer à une atteinte cu- dominance de sexe et l’âge moyen de survenue est de
tanée atrophique spécifique, cliniquement proche de la né- 48 ans chez l’homme et de 32 ans chez la femme. Les su-
crobiose lipoïdique. jets à peau dite noire sont électivement touchés. Les lé-
La forme ichtyosiforme de sarcoïdose ¹¹ a été décrite dans sions sont asymptomatiques et se développent élective-
17-6 Sarcoïdose

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 17.11 Sarcoïde sur cicatrice du genou gauche associée à des lésions Fig. 17.13 Alopécie cicatricielle sarcoïdosique
papuleuses spécifiques
tumorales ¹⁶, lichénoïdes ¹⁷, pustuleuses ¹⁸, photodéclen-
ment sur les jambes, en particulier les zones prétibiales, chée ¹⁹, hyperpigmentée ², à type de lymphœdème ²⁰ ou de
plus rarement sous une forme érythrodermique. Elle est prurigo ².
composée de squames polygonales, épaisses, larges et adhé-
rentes. De rares formes érythrodermiques ichtyosiformes Formes topographiques
ont été décrites. Dans près d’un cas sur deux il existe des
lésions cutanées spécifiques plus typiques associées. Une Les localisations unguéales sont rares, mais spécifiques
atteinte viscérale est constamment notée, survenant le par l’infiltration sarcoïdosique de la matrice responsable
plus souvent trois mois plus tard. Le diagnostic différen- d’ongles striés, fendillés et atrophiques ou bombés et épais-
tiel se pose avec les autres étiologies d’ichtyose acquise sis ²¹. Elles se voient surtout dans le cadre du lupus pernio
(néoplasique, inflammatoires, médicamenteuses, métabo- associé à une atteinte osseuse sous-jacente et rendent in-
liques...). dispensable la réalisation systématique de clichés radiogra-
La forme dépigmentante est une forme rare mais classique phiques des mains et des pieds devant toute dystrophie
rapportée dans une vingtaine d’observations ¹². Elle touche unguéale de nature indéterminée. Leur valeur pronostique
avec prédilection le sujet à peau dite noire. Elle peut être reste discutée, mais leur présence témoigne le plus souvent
localisée ou généralisée, mais siège préférentiellement sur d’une maladie évolutive avec atteinte multiviscérale (pul-
les membres inférieurs. Elle se caractérise par des macules monaire, oculaire).
hypopigmentées, d’emblée ou secondairement, souvent en- L’atteinte du cuir chevelu est rare (une trentaine d’obser-
tourées d’un halo hyperpigmenté. Le principal diagnostic vations) et s’observe surtout chez la femme à peau dite
différentiel se pose avec la lèpre d’autant que l’association noire ²². Elle se présente sous la forme de plaques alopé-
lèpre-sarcoïdose a déjà été rapportée. ciques atrophiques et cicatricielles circonscrites (fig. 17.13),
De façon exceptionnelle ont également été rapportées parfois squameuses, papuleuses ou infiltrées en bordure
d’autres manifestations cutanées atypiques dont certaines par des papules ou des nodules. Cette atteinte s’associe
« recoupent » des formes préalablement décrites et sont d’in- dans près de 90 % des cas à une atteinte viscérale, surtout
dividualisation discutable : formes érythrodermiques ¹³, thoracique, qu’elle peut précéder.
atrophiques ², psoriasiformes ¹⁴, verruqueuses ¹⁵, pseudo-
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 17.12 Sarcoïdes hypodermiques : volumineux nodules sous-cutanés


associés à des lésions papuleuses sarcoïdosiques spécifiques Fig. 17.14 Atteinte nodulaire sarcoïdosique du palais
Anatomopathologie cutanée 17-7

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Coll. D. Bessis
Fig. 17.15 Sarcoïdose cutanée : le derme est envahi sur toute sa hauteur par des granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires (hématoxyline-éosine
× 4) ; gros plan sur les granulomes sarcoïdosiques (hématoxyline-éosine × 25)

L’atteinte de la muqueuse orale n’est pas rare bien qu’une culaire pour les sarcoïdes à petits nodules et sur toute la
récente revue de la littérature ne collige que 47 cas documen- hauteur du derme et parfois l’hypoderme dans les formes
tés cliniquement et histologiquement ²³. Elle touche avec à gros nodules et en plaques. L’épiderme est intact ou dis-
prédilection la femme (sex-ratio F/H de 1,7), sans nette pré- crètement atrophique. Son centre est constitué de cellules
dilection ethnique, âgée en moyenne de 37 ans (5 à 72 ans). épithélioïdes abondantes groupées en amas et de cellules
La muqueuse buccale, les gencives et les lèvres sont préfé- géantes multinucléées contenant des inclusions cytoplas-
rentiellement atteintes. Les lésions sont le plus souvent miques. En périphérie, il existe une couronne lymphocy-
nodulaires (fig. 17.14) ou œdémateuses, plus rarement ulcé- taire avec quelques monocytes et éosinophiles. L’absence
rées ou à type de gingivite ou d’hyperplasique gingivale. de nécrose caséeuse est classique. Les nodules granuloma-
L’atteinte de la muqueuse endonarinaire est la plus souvent teux sont séparés les uns des autres par un tissu conjonctif
rapportée associée à un lupus pernio. Elle se manifeste d’aspect normal (fig. 17.15). La présence de corps étrangers
par des signes d’obstruction nasale et peut évoluer vers lors de l’examen microscopique en lumière polarisée ne
l’ulcération avec destruction du cartilage et des os propres constitue pas un critère d’exclusion au diagnostic de sarcoï-
du nez. Les atteintes bucco-pharyngées (langue, muqueuse dose et a été rapportée dans 22 % des patients souffrant
buccale, palais, amygdales) sont le plus souvent latentes. d’une sarcoïdose systémique avec atteinte cutanée spéci-
En revanche, l’atteinte génitale est exceptionnelle ²⁴. fique granulomateuse ²⁵.
En présence d’un granulome épithélioïde, il conviendra d’éli-
Anatomopathologie cutanée miner par des colorations spéciales une mycobactériose
(Ziehl), une leishmaniose (Giemsa), une mycose profonde
Quel que soit le tissu atteint, l’image histologique est iden- (PAS et Gomori-Grocott). De plus, des mises en culture sur
tique et représente l’élément indispensable au diagnostic. milieu spécialisé, un examen de la coupe en lumière polari-
La lésion histopathologique élémentaire, bien que non sée (microcristaux biréfringents en faveur d’un granulome
pathognomonique, demeure le granulome épithélioïde et silicotique), voire une PCR (polymerase chain reaction) pour
giganto-cellulaire. Le granulome sarcoïdosique siège dans la mise en évidence de génome de mycobactéries, peuvent
le derme papillaire et à la partie supérieure du derme réti- s’avérer nécessaires.
17-8 Sarcoïdose

Tableau 17.1 Principales manifestations systémiques extracutanées de la sarcoïdose


Localisations Fréquence Principales manifestations
Poumons > 90 % Image thoracique normale
Adénopathies médiastinales
Atteinte parenchymateuse non fibrosante
Atteinte fibro-emphysémateuse
Ganglions 30 % Adénopathies superficielles et/ou profondes
Œil 20-30 % Uvéites+++
Hypertrophie lacrymale et syndrome sec
Nodules palpébraux et conjonctivaux
Forme orbitaire et neuro-ophtalmique
Vascularites
Foie 20 % Hépatomégalie, augmentation des phosphatases alcalines
Glandes endocrines 17 % Hypercalcémie
Rarement diabète insipide, insuffisance antéhypophysaire
Rate 10-25 % Splénomégalie asymptomatique
Reins 3-23 % Forme spécifique : néphropathie interstitielle chronique
40 % (si Formes secondaires : lithiase, néphrocalcinose
ponction biopsie Forme glomérulaire : glomérulite extramembraneuse
rénale faite)
Moelle 17 % Anémie, leucopénie, thrombopénie
Os 10-15 % Dactylite sarcoïdosique, autres atteintes plus rares
Articulations 10 % Polyarthrite aiguë non spécifique (Löfgren)
Polyarthrite chronique spécifique, spondylodiscite, sacro-iliite
Estomac 10 % Épigastralgies, dyspepsie, syndrome sténosant
Système nerveux 5-10 % Nerfs crâniens (VII), polynévrite, convulsions
Cœur 20-30 % Myocarde : troubles du rythme, de conduction, insuffisance cardiaque congestive. Risque de syncope ou mort subite
Péricardites, endocardites
Glandes salivaires 5% Hyposialie
Plèvre 3% Pleurite, pneumothorax
Muscles Rare Souvent asymptomatique
Organes génitaux Exceptionnelle Épididymite
Intestin, œsophage, péritoine, pancréas Exceptionnelle Diarrhée (pseudo-Crohn), dysphagie, ascite, fibrose péritonéale

Manifestations systémiques extracutanées noueux, uvéite, arthralgies ou arthrites...). La confron-


tation des données de la tomodensitométrie thoracique
Les manifestation systémiques de la sarcoïdose regroupent de haute résolution coupes fines, millimétriques et des
des signes non spécifiques observés chez un tiers des pa- signes fonctionnels, généraux et physiques permet la clas-
tients à type de fièvre, asthénie, malaise, perte de poids sification en type de 0 à IV (tableau 17.2). Le terme de
et des atteintes spécifiques d’organe (tableau 17.1). La fré- « type » est préférable à celui de « stade », ce dernier im-
quence des atteintes viscérales est très variable suivant pliquant une évolutivité des lésions pulmonaires, certes
leur recherche systématique ou non, nécropsique ou non, fréquente, mais non constante. Il est classique de noter
et la mise en évidence éventuelle par biopsie d’une atteinte la discrétion relative des signes physiques en regard aux
granulomateuse spécifique. lésions pulmonaires radiologiques observées. Le retentis-
Les localisations médiastino-pulmonaires sont présentes sement fonctionnel est évalué par les épreuves fonction-
dans près de 90 % des cas. Rarement isolées (25 %), elles nelles respiratoires qui peuvent mettre en évidence un
conditionnent en grande partie le pronostic. Elles sont trouble ventilatoire restrictif avec ou sans trouble de la
asymptomatiques dans deux tiers des cas, révélées par diffusion du CO, plus rarement un trouble ventilatoire
une radiologie systématique. Elles peuvent être sympto- restrictif et des signes de distension au cours des formes
matiques soit à l’occasion de signes fonctionnels respira- évoluées. Les autres localisations endothoraciques bron-
toires non spécifiques (toux irritative non productive, dys- chique, pleurale, l’hypertension artérielle pulmonaire sont
pnée d’effort), soit par des signes généraux (asthénie fré- rares.
quente, fièvre et amaigrissement rares), soit par le biais Les principaux signes des autres manifestations systé-
de manifestations extrathoraciques diverses (érythème miques sont rappelées dans le tableau 17.1.
Bilan diagnostique initial d’une sarcoïdose cutanée 17-9

Tableau 17.2 Manifestations médiastino-pulmonaires de la sarcoïdose


Type Clinique Images radiologiques Fréquence
0 Absence de signe fonctionnel Image thoracique normale 5-10 %
Examen pulmonaire normal
I Signes fonctionnels limités (toux sèche) ou absents Adénopathies médiastinales isolées (prédominance hilaire et 50 %
Signes généraux limités (asthénie) ou absents interbronchique)
Examen clinique normal
II Signes fonctionnels limités (deux tiers des cas) : toux sèche ou productive, dyspnée Adénopathies et infiltration parenchymateuse sans fibrose 25 %
d’effort, douleurs thoraciques
Signes généraux : fièvre, asthénie, amaigrissement
Examen clinique normal
III Signes fonctionnels limités (deux tiers des cas) : toux sèche ou productive, dyspnée Infiltration parenchymateuse sans fibrose et sans adénopathie 15 %
d’effort, douleurs thoraciques
Signes généraux : fièvre, asthénie, amaigrissement
Examen clinique normal
IV Signes fonctionnels quasi constants : dyspnée, toux, hypersécrétion Signes de fibrose 5-10 %
Signes généraux : parfois altération de l’état général
Examen clinique normal ou râles crépitants (rare)

4 % en l’absence de lupus pernio), oculaire (37 %), pulmo-


Évolution, pronostic et relation entre naire (74 %), ganglionnaire (37 %), rénale et cardiaque. Une
les manifestations cutanées et l’atteinte association à une hypercalcémie et à une hyperglobuliné-
mie est également classique.
systémique ¹,² Les sarcoïdes sur cicatrice surviennent dans trois types de
situation : 1o dans 60 % des cas, elles se manifestent
Évolution et pronostic au cours de la phase active de la maladie (phase aiguë ou
L’atteinte cutanée de la sarcoïdose est le plus souvent bé- au décours d’un érythème noueux) ou à un stade plus tar-
nigne, mais elle est souvent chronique et résistante aux dif, accompagnant alors d’autres manifestations viscérales ;
traitements à l’exception du syndrome de Löfgren. Son pro- 2o dans 20 % des cas, elles apparaissent isolées ; dans 20 %
nostic dépend surtout des localisations viscérales associées des cas, elles précèdent la survenue d’une sarcoïdose systé-
qui sont estimées à 75 % des cas toutes formes cutanées mique ou sont contemporaines d’une rechute en particulier
confondues. oculaire. Leur évolution est le plus souvent parallèle à l’ac-
tivité de la maladie.
Relation entre les manifestations cutanées spécifiques et l’atteinte
systémique Bilan diagnostique initial d’une sarcoïdose
Les lésions cutanées spécifiques sarcoïdosiques restent iso- cutanée
lées dans 25 % des cas, mais doivent être différenciées
des réactions granulomateuses sarcoïdosiques secondaires. Il repose sur l’appréciation de 4 éléments :
Les sarcoïdes à petits nodules sont de bon pronostic puis- − authentification de la maladie sur une série de données
qu’elles restent le plus souvent isolées sans autre manifes- cliniques, radiologiques, biologiques, immunologiques
tation viscérale. et histopathologiques ;
Dans 75 % des cas, les sarcoïdes s’associent à des localisa- − bilan d’extension permettant d’orienter le pronostic et
tions extracutanées, le plus souvent sans corrélation avec le choix du traitement ;
leur extension : pulmonaires (70 %) d’évolution parallèle à − stade évolutif consistant à apprécier l’activité de la ma-
celle de l’atteinte cutanée ; ganglionnaires hilaires (27 %) ou ladie. Cette étape est essentielle pour poser l’indication
périphériques (30-70 %) ; oculaires (25-50 %) ; spléniques thérapeutique. La présence de manifestations inflam-
et/ou hépatiques (17 %) ; ostéo-articulaires (12 %) ; sali- matoires cliniques telles qu’un érythème noueux récent,
vaires (8 %) ; neurologiques (5-15 %). Elles se rencontrent une fièvre prolongée ou tout autre manifestation vis-
préférentiellement avec les lésions cutanées nodulaires (an- cérale récente ou s’aggravant permet d’authentifier à
giolupoïde), les sarcoïdes diffuses en placards (lupus per- l’évidence une maladie active et évolutive. À l’inverse,
nio) et les sarcoïdes sur cicatrice. l’absence de toute symptomatologie clinique peut aller
Le lupus pernio est caractérisé par une atteinte fréquente de pair avec une sarcoïdose active (par exemple lors de
des voies aériennes supérieures (54 % contre 6 % en l’ab- lésions pulmonaires découvertes par un examen radio-
sence de lupus pernio), osseuse sous la forme de kystes logique systématique) ;
sous-jacents aux lésions cutanées des doigts (43 % contre − caractère aigu ou chronique : les formes aiguës (syn-
17-10 Sarcoïdose

drome de Löfgren par exemple) ont une tendance à la raison de leur simplicité d’utilisation et leurs effets secon-
rémission spontanée au cours des deux premières an- daires limités. Cependant aucune étude conséquente ne per-
nées, une bonne réponse au traitement et un bon pro- met de chiffrer avec exactitude leur efficacité. De classe I
nostic. Les formes chroniques ont un début insidieux, (activité très forte) ou II (activité forte), ils sont utilisés
une évolution prolongée d’allure récidivante et un pro- sous une forme topique, avec ou sans pansement occlusif ²⁶.
nostic réservé en dépit du traitement, sauf en cas de Leur utilisation sous la forme d’injections intralésionnelles
lésions cutanées isolées. (acétonide de triamcinolone ; 5 à 10 mg/ml, une fois par
Le bilan initial à proposer doit comporter : mois) est rapportée comme efficace dans quelques obser-
− examen clinique complet ; vations de lupus pernio ou d’atteinte unguéale spécifique
− biopsie cutanée mettant en évidence le granulome tu- mais avec un risque d’atrophie cupuliforme.
berculoïde sans nécrose caséeuse, parfois complétée L’exérèse chirurgicale des sarcoïdes n’est habituellement
de colorations spécifiques (Ziehl) et de mise en culture pas recommandée en raison du risque ultérieur d’infiltra-
(milieu de Loewenstein) ; tion sarcoïdosique des cicatrices, surtout chez le sujet à
− intradermoréaction à la tuberculine à la recherche peau dite noire. Cependant la chirurgie a pu être proposée
d’une anergie tuberculinique ; dans le traitement de certaines lésions linguales et du lu-
− radiographie thoracique qui pourra être précisée par pus pernio, parfois suivie de récidives. Des greffes cutanées
la réalisation d’une tomodensitométrie pulmonaire ; (autogreffes, Apligraf) peuvent également être appliquées
(coupes millimétriques) à la recherche d’adénopathies pour combler les pertes de substance en cas de lésions cu-
hilaires ou médiastinales ou d’une atteinte parenchy- tanées ulcérées ²⁷.
mateuse ; L’intérêt de « nouvelles » thérapeutiques locales telles que
− épreuves fonctionnelles respiratoires avec mesure des le tacrolimus topique ²⁸, la phonophérèse (avec préparation
gaz du sang artériel et de la capacité de diffusion du hydrophile d’hydrocortisone à 5 %) ²⁹, le laser CO 2 ³⁰ ou à
CO ; colorant pulsé ³¹ reste anecdotique.
− examen ophtalmologique avec examen à la fente et re-
cherche d’un syndrome sec ; Traitements généraux
− électrocardiogramme à la recherche de trouble du La corticothérapie générale reste le traitement de choix
rythme et de la conduction ; des formes viscérales sévères de sarcoïdose (oculaire avec
− bilan biologique : numération-formule sanguine (re- risque de cécité, cardiaque, pulmonaire de stade II symp-
cherche de lymphopénie), électrophorèse des protéines tomatique ou III, neuroméningée, hypercalcémie) ³². En re-
(recherche d’une hypergammaglobulinémie polyclo- vanche, il n’existe pas d’indication à l’utiliser en première in-
nale), biologie inflammatoire, hépatique et rénale, bilan tention au cours d’atteintes cutanées isolées sauf si celles-ci
phosphocalcique sanguin et urinaire des 24 heures ; constituent un problème esthétique majeur, par leur aspect,
− dosage de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : leur multiplicité, leur localisation (visage), leur sévérité et
son élévation est inconstante (environ 1 cas sur 2), non leur évolutivité. Les modalités d’administration demeurent
spécifique (observée au cours d’autres granulomatoses) empiriques. La posologie habituelle est de 0,75 à 1 mg/kg/j
sans valeur pronostique, mais son suivi peut constituer durant 8 à 12 semaines suivie d’une décroissance progres-
un bon marqueur d’activité de la maladie. sive sur une période de 6 mois à 1 an. L’intérêt d’une dose
d’attaque moindre et à jours alternés (30 mg, 1 jour sur 2)
Traitement de la sarcoïdose cutanée n’a pas été établi. Le risque de rebond lors de la décrois-
sance nécessite parfois la prolongation du traitement à
Il est symptomatique et mal codifié en raison de divers fac- doses journalières faibles (5 à 10 mg).
teurs : absence d’étiologie connue, évolution capricieuse, Les antipaludéens de synthèse (APS) n’ont fait l’objet d’au-
par poussées, parfois spontanément régressive, insuffi- cune étude contrôlée en double-aveugle contre placebo dans
sance des études contrôlées. Le but du traitement est de pré- le traitement des formes cutanées de sarcoïdose. Cepen-
venir l’évolution et d’obtenir la régression des symptômes dant, il ressort des diverses études (ouvertes, séries rétros-
en ayant le minimum d’effets secondaires. L’évaluation thé- pectives et observations) qu’ils ont une action préventive
rapeutique sera effectuée en tenant compte du taux de ré- et curative sur les lésions cutanées chroniques cutanées et
ponses obtenu sous traitement et du taux de rechute à muqueuses ³³,³⁴. Ils sont indiqués dans trois circonstances
l’arrêt de ce dernier. Seuls les patients ayant une sarcoï- principales : 1o lésions chroniques affichantes à l’exclu-
dose évolutive et disséminée mettant en jeu le pronostic sion du lupus pernio classiquement plus sévère et résis-
fonctionnel ou ayant un retentissement esthétique sévère tant au traitement, et pour lequel une association APS-
justifient un traitement général. Les autres appellent une corticothérapie générale est souvent prescrite d’emblée ;
attitude plus nuancée ou abstentionniste. 2o contre-indication aux corticostéroïdes ; 3o traite-
ment d’épargne stéroïdienne. En revanche, leur action sur
Traitements locaux les manifestations extracutanées est imprévisible, nette-
Les dermocorticoïdes sont fréquemment utilisés dans le ment inférieure à celle de la corticothérapie générale, no-
cas de lésions cutanées localisées et constituent à ce titre tamment sur les localisations pulmonaires. Ils entraînent
un traitement d’appoint aux traitements systémiques en une diminution progressive de taille des lésions débutant

 APS antipaludéens de synthèse


Références 17-11

après 1 à 2 mois après leur introduction, pour aboutir à un des atteintes cutanées de la sarcoïdose, à des posologies
blanchiment en 6 mois environ avec une fréquente hyper- variant entre 50 et 200 mg/j ³⁵,⁴¹. Ses effets secondaires neu-
pigmentation résiduelle. L’effet est le plus souvent suspen- rologique, thrombotique et surtout tératogène en limitent
sif et ce, quelle que soit la durée du traitement. Les lésions néanmoins son utilisation et imposent une contraception
restent cependant sensibles à la reprise de l’antimalarique. efficace et une surveillance neurologique trimestrielle. Les
Les posologies parfois employées dans certaines études rétinoïdes (étrétinate, isotrétinoïne), l’allopurinol et plus
(chloroquine [Nivaquine] > 400 mg/j ; hydroxychloroquine récemment le mycophenolate mofetil, les esters d’acide fu-
[Plaquenil] : 500 à 1 000 mg/j) sont supérieures à celles clas- marique, les anti-TNF-α, la photothérapie UVA-1 ⁴² et la
siquement recommandées pour d’autres indications derma- photothérapie dynamique ⁴³ ont été testés ponctuellement
tologiques (chloroquine : 4 mg/kg/j ; hydroxychloroquine : mais leur place reste à définir dans l’arsenal thérapeutique
6,5 mg/kg/j) et adaptées au poids idéal afin d’éviter le risque de la sarcoïdose cutanée.
de rétinopathie irréversible. Une surveillance ophtalmolo-
gique semestrielle clinique, éventuellement associée à un Indications thérapeutiques
électrorétinogramme, permet d’éviter les complications, en En cas d’érythème noueux, aucun traitement spécifique
particulier la rétinopathie. n’est nécessaire car son évolution est spontanément favo-
Les traitements immunosuppresseurs sont réservés aux rable.
formes graves de sarcoïdose chronique, en cas de cortico- En cas de formes cutanées spécifiques, si l’atteinte cutanée
résistance, de contre-indication ou de mauvaise tolérance est isolée, modérée (sarcoïdes de petite taille et peu nom-
aux corticoïdes ³⁵-³⁷. Ils sont prescrits seuls ou en associa- breuses), l’abstention thérapeutique est la règle d’autant
tion avec ces derniers. Le méthotrexate semble être le plus que l’évolution est capricieuse et la rémission spontanée
actif dans cette indication. La dose utilisée varie selon les possible. On pourra cependant recourir à un traitement
auteurs de 10 à 22,5 mg en une prise unique par semaine local par corticothérapie topique, voire intralésionnelle. En
administrée par voie orale ou intramusculaire ³⁸,³⁹. À cette cas d’échec et de désir thérapeutique, les antipaludéens de
posologie, la tolérance hématologique est bonne et les ef- synthèse sont indiqués.
fets secondaires réduits à la toxicité hépatique (fibrose) Si l’atteinte cutanée est isolée, majeure et profuse, un trai-
et pulmonaire (pneumonie d’hypersensibilité). Un effet tement général s’impose d’emblée pour éviter l’évolution
d’épargne cortisonique a également été démontré. cicatricielle locale, disgracieuse et inesthétique. Les APS
Les autres immunosuppresseurs cyclophosphamide, aza- seront proposés de première intention pendant une du-
thioprine, chloraminophène, ciclosporine ont été utilisés rée de 2 ans, mais les résultats sont inconstants et les
dans quelques observations ponctuelles et l’absence de récidives fréquentes. En cas d’échec après 3 mois d’anti-
grandes séries ne permet pas de conclure à leur intérêt for- paludéens de synthèse, une corticothérapie générale est
mel. Le chlorambucil n’a pas été évalué dans le traitement indiquée surtout en cas de préjudice esthétique majeur.
des lésions cutanées ³⁶,³⁷. Son intérêt reste cependant limité par l’apparition d’une
Les autres traitements sont multiples et leur efficacité n’est cortico-dépendance à des doses incompatibles avec un
rapportée que par des études de petites séries ouvertes traitement prolongé, ou par la survenue de troubles mé-
ou d’observations ponctuelles. Les tétracyclines ont été taboliques qui imposent souvent l’arrêt du médicament
évaluées à partir d’une étude ouverte portant sur douze au prix d’une récidive des lésions. Le méthotrexate à
patients atteints de sarcoïdose cutanée chronique et résis- faibles doses semble offrir des garanties d’innocuité suf-
tant aux antipaludéens de synthèse, traités par minocycline fisantes pour être prescrit de manière prolongée sous ré-
(200 mg/j) ⁴⁰. Une réponse clinique a été observée chez dix serve d’une surveillance hépatique régulière. Le thalido-
malades, complète dans huit cas et partielle dans deux cas, mide pourrait également constituer une alternative thé-
avec un recul moyen de près de 2 ans. Un cas d’hypersensi- rapeutique sous réserve du strict respect de ses contre-
bilité médicamenteuse a été rapporté dans cette étude. La indications.
doxycyline a montré une efficacité chez les malades ayant Si l’atteinte cutanée est associée à une atteinte viscérale met-
présenté une rechute après l’arrêt de la minocycline. Ces tant en jeu le pronostic vital ou fonctionnel, la corticothéra-
résultats n’ont cependant pas été confirmés depuis. La tha- pie générale est indiquée de première intention remplacée
lidomide a fait l’objet de plusieurs études prospectives non ou associée aux immunosuppresseurs (méthotrexate, cyclo-
randomisées soulignant son efficacité dans le traitement phosphamide) en cas d’échec.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D, Huet P. Sarcoïdose. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques
des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 17.1-17.12.
18
Toxidermies avec manifestations systémiques
Annick Barbaud

Principales toxidermies avec manifestations systémiques Prise en charge des toxidermies graves 18-11
18-1 Conduite à tenir 18-11
Exanthème maculo-papuleux 18-1 Conseils aux patients ayant eu une toxidermie 18-11
Urticaire aiguë, angio-œdème et anaphylaxie 18-2 Place du bilan dermato-allergologique dans l’exploration
Pustulose exanthématique aiguë généralisée 18-4 des toxidermies 18-12
Vasculites médicamenteuses 18-5 Test in vitro 18-12
Érythème pigmenté fixe 18-5 Tests cutanés (tests épicutanés, prick-tests, intradermoréaction)
Syndrome DRESS ou syndrome d’hypersensibilité 18-12
médicamenteuse 18-7 Test de réintroduction du médicament (test de provocation
Nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Lyell et orale) 18-13
syndrome de Stevens-Johnson) 18-8 Références 18-14

lergique avec manifestations systémiques chez l’immuno-


L es toxidermies sont définies comme les complications
cutanéo-muqueuses secondaires à l’administration par
voie entérale, intraveineuse, sous-cutanée ou intramus-
compétent seront abordées au cours de ce chapitre. Les
maladies auto-immunes induites par les médicaments (lu-
culaire de médicaments. Elles constituent l’une des com- pus érythémateux, dermatomyosite, sclérodermies, pem-
plications iatrogéniques les plus courantes en termes de phigus...) sont envisagées séparément dans les chapitres
morbidité et de mortalité. Elles affectent 2 à 3 % des pa- correspondant à l’affection primitive.
tients hospitalisés ¹. Les plus fréquentes sont l’exanthème
maculo-papuleux et l’urticaire dont les évolutions sont
presque toujours favorables. À l’opposé, les formes graves Principales toxidermies avec manifestations
de toxidermie et susceptibles de mettre en jeu le pro- systémiques
nostic vital sont rares (2 à 5 %) ¹,². Elles sont représen-
tées par l’anaphylaxie, les vasculites médicamenteuses, la Exanthème maculo-papuleux (EMP)
pustulose exanthématique aiguë généralisée, le syndrome Il s’agit de la toxidermie la plus fréquente (30 %). L’EMP est
DRESS/syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse et composé de macules et/ou de papules érythémateuses, peu
la nécrolyse épidermique toxique (syndromes de Stevens- ou non prurigineuses, parfois purpuriques aux membres in-
Johnson et de Lyell). férieurs ⁴,⁵. L’association de différents types de lésions rend
De façon schématique, un médicament peut être respon- compte du caractère classiquement polymorphe de l’érup-
sable d’une éruption cutanée soit par un effet pharmacolo- tion (morbiliforme en petites plaques, scarlatiniforme en
gique (histamino-libération non spécifique, déclenchement larges plaques, roséoliforme) considéré comme un argu-
ou excacerbation d’une dermatose commune, interférence ment mineur en faveur du diagnostic. L’éruption débute le
avec certains métabolismes, interférence médicamenteuse), plus souvent aux coudes, aux genoux et au tronc (fig. 18.1)
soit par un mécanisme immunoallergique (tableau 18.1). Les puis diffuse à l’ensemble du tégument en 3 à 5 jours. Elle
toxidermies d’origine immuno-allergique font intervenir peut être accentuée dans les grands plis (exanthème flexu-
les réactions immunologiques de type I à IV de la classi- ral) ou être associée à une atteinte viscérale sous-jacente,
fication de Gell et Coombs ³. Certaines réactions sont in- surtout hépatique. La recherche systématique de signes de
triquées et rendent compte de toxidermies difficilement gravité associés est indispensable et conditionne la prise
classables sur le plan physiopathologique telles que la né- en charge médicale ⁶ (tableau 18.2).
crolyse épidermique toxique et l’érythème pigmenté fixe. L’EMP survient en moyenne 7 à 21 jours lors de la pre-
Elles ont un caractère inattendu, imprévisible et touchent mière prise du médicament responsable et 1 à 10 jours
peu de patients. Seules les toxidermies d’origine immunoal- lors d’une réintroduction de ce même médicament ⁴,⁵. Il ré-

 EMP exanthème maculo-papuleux


18-2 Toxidermies avec manifestations systémiques

Tableau 18.2 Signes de gravité devant un exanthème maculo-papuleux


Signes cliniques Conduite à tenir
Extension à plus de 60 % de la surface cutanée 
Surveillance si un seul signe
Fièvre > 38,5 ◦ C
Hospitalisation si signes associés
Adénopathies
Hépatosplénomégalie Hospitalisation
Œdème ferme du visage, fixe, prédominant aux
Hospitalisation
paupières
Érosions muqueuses ou génitales Hospitalisation
Bulles Hospitalisation

Coll. D. Bessis
Décollements cutanés spontanés ou induits
Hospitalisation
(signe de Nikolsky)
Présence d’un purpura Hospitalisation
Fig. 18.1 Exanthème maculo-papuleux du tronc
Présence de pustules amicrobiennes Hospitalisation
gresse en une dizaine de jours après l’arrêt du médicament
causal, marqué par une fine desquamation secondaire. Les d’ampicilline.
médicaments les plus fréquemment imputés sont regrou- L’EMP induit par les médicaments est dû à une hypersen-
pés dans l’encadré 18.A. L’examen histologique cutané est peu sibilité cellulaire retardée à un médicament en rapport à
spécifique, mettant le plus souvent en évidence un infiltrat une réponse cellulaire T polyclonale, majoritairement de
lympho-histiocytaire et éosinophilique périvasculaire asso- type CD8 + cytotoxique ⁷,⁸. La nature exacte de l’antigène
cié à des degrés variables à une vacuolisation de la basale, reconnu par ces lymphocytes T ainsi que le mode de pré-
des nécroses kératinocytaires et une exocytose lymphocy- sentation ne sont pas connus. Les tests épicutanés et intra-
taire. dermiques (IDR) peuvent aider au diagnostic étiologique
Les diagnostics différentiels sont nombreux, dominés par chez les patients ayant présenté un EMP. Parmi 61 patients
les éruptions d’origine infectieuse virale ou toxinique. Chez ayant un EMP avec une imputabilité vraisemblable ou très
l’enfant, l’EMP médicamenteux pose le problème particu- vraisemblable d’un médicament dans la survenue de cet
lier du diagnostic différentiel avec une éruption virale ou accident, 33 (54 %) des patients avaient un test épicutané
une intolérance transitoire à un médicament au décours positif avec le médicament responsable tandis que seuls 2
d’une infection virale. Ce dernier mécanisme, assez mal sur 32 (6 %) des patients ayant une urticaire avaient des
connu, est pourtant probablement en cause dans la plu- tests positifs ⁹,¹⁰.
part des éruptions observées chez l’enfant après la prise
d’antibiotiques ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens Urticaire aiguë, angio-œdème et anaphylaxie
au cours d’une infection de la sphère ORL. Il s’agit d’une L’origine médicamenteuse de l’urticaire rend compte de
éruption de mécanisme voisin de celui que l’on observe au 10 à 20 % des étiologies d’urticaires aiguës de l’adulte selon
cours du « rash » de la mononucléose infectieuse après prise les séries. Il s’agit de la deuxième étiologie de toxidermie
(20 %). Elle est difficile à affirmer lorsque le traitement
Tableau 18.1 Principaux mécanismes immunoallergiques des a été prescrit pour une étiologie infectieuse, en particu-
toxidermies lier lors de la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens
Type I Production d’IgE spécifique Urticaire
Immédiate Liaison IgE surface des mastocytes — Angio-œdème
basophiles Choc anaphylactique
Médicaments fréquemment imputés au cours d’EMP
Liaison médicament-IgE surface Abacavir
Activation mastocytes et basophiles —
dégranulation
Allopurinol
Libération histamine et molécules Aminopénicillines
pro-inflammatoires Anticonvulsivants
Type II Cytotoxicité anticorps dépendante Pemphigus induits Céphalosporines
Type III Dépôts de complexes immuns circulants Vasculites médicamenteuses
Cytokines
sur paroi des vaisseaux cutanés
D-pénicillamine
Type IV Présentation antigène-complexe majeur Exanthème maculo-papuleux
Retardée d’histocompatibilité type II aux cellules Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
de Langerhans et aux lymphocytes T Névirapine
du derme
Phénothiazines
À médiation Mécanismes mal connus, en partie Syndrome DRESS
cellulaire hypersensibilité retardée de type IV Érythème pigmenté fixe Sels d’or
(autres que IV) avec activation de lymphocytes T Syndrome de Stevens-Johnson Sulfamides antibactériens
cytotoxiques ou libérant de l’IL-8 Nécrolyse épidermique toxique
18.A

 EMP exanthème maculo-papuleux · IL interleukine


Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-3

ou d’antibiotiques. L’aspect clinique n’est pas discrimina- pharmacologique non allergique (ou pseudo-allergique) :
tif : plaques érythémateuses, œdémateuses, confluentes en histaminolibération non spécifique (codéïne) ; blocage
carte de géographie (fig. 18.2), mobiles et fugaces et accom- d’une activité enzymatique (cyclo-oxygénase pour les anti-
pagnées de prurit. L’angio-œdème correspond à un œdème inflammatoires non stéroïdiens, bradykinines pour les inhi-
du derme profond et de l’hypoderme responsable d’une biteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine). Dans
sensation de tension. Il touche les régions cutanées très dis- ces cas, les tests immunoallergiques (prick-tests, intrader-
tensibles par l’œdème (visage, organes génitaux) (fig. 18.3) moréactions) sont inutiles, mais il faut savoir conseiller en
et peut engager le pronostic vital en cas de diffusion à la pratique courante le patient qui développe ces accidents
muqueuse oropharyngée. L’anaphylaxie est d’origine médi- iatrogènes.
camenteuse dans près de 20 % des cas et est alors associée Les intolérances aux anti-inflammatoires non stéroï-
quasi constamment à l’urticaire ou à l’angio-œdème. Ces diens (AINS) surviennent chez des sujets urticariens chro-
signes cliniques associent par ordre de fréquence décrois- niques ou non. Quel que soit l’anti-inflammatoire non sélec-
sante : dyspnée avec bronchospasme et/ou obstruction la- tif d’anti-cyclo-oxygénase 2 (anti-Cox 2) pris, le patient dé-
ryngée, chute de la tension artérielle pouvant aller jusqu’au veloppe une urticaire, un angio-œdème et ou un asthme ¹².
collapsus, troubles digestifs (vomissements, diarrhée mo- Cette intolérance aux AINS peut s’accompagner d’une poly-
trice) et céphalées. pose naso-sinusienne dans le cadre de la triade de Fernand-
Widal. Chez ces patients, le blocage de la Cox 1 par les
AINS favorise la transformation de l’acide arachidonique
par la voie métabolique de la 5-lipoxygénase aboutissant à
une synthèse importante de leucotriènes, à l’origine d’un
asthme et/ou d’une urticaire. Cette intolérance aux AINS ré-
cidivera quelle que soit la classe d’AINS utilisée, y compris
l’aspirine. Les anti-Cox 2 spécifiques (celecoxib) sont bien
tolérés mais la tolérance des AINS anti-Cox 2 non stricte-
ment spécifiques comme le méloxicam doit être contrôlée
en milieu hospitalier car elle est inconstante ¹²,¹³. Chez ces
patients, les tests sont inutiles et il faut déconseiller tous
les AINS non strictement sélectifs de Cox 2.
Les urticaires profondes récidivantes dues aux inhibi-
Coll. D. Bessis

teurs de l’enzyme de conversion (IEC) surviennent chez


0,1 à 0,5 % des patients traités ¹⁴,¹⁵. Ce sont des angio-
Fig. 18.2 Plaques érythémateuses, œdémateuses à centre clair de œdèmes récidivants, parfois associés à un asthme ou à une
l’abdomen : urticaire marginée détresse respiratoire mettant en jeu le pronostic vital. Leur
délai de survenue est variable de 24 h à 7 ans après la mise
en route du traitement. Ils pourraient favoriser l’expres-
sion d’une allergie alimentaire associée. Ils seraient plus
fréquents chez les sujets à peau noire. Leur récidive peut
survenir en cas de substitution par un « sartan » (antago-
niste de l’angiotensine II) ¹⁶. Les IEC bloquent l’enzyme de
conversion et l’aminopeptidase P à l’origine d’une accumu-
lation de bradykinines responsables des manifestations ¹⁵.
Coll. Dr N. Raison-Peyron, Montpellier

Les urticaires au bupropion (Zyban) peuvent être dues


à une stimulation du système nerveux central avec un ef-
fet sympathomimétique indirect par augmentation d’his-
taminémie ou à un effet central sur le métabolisme de la
sérotonine ¹⁷.
Les œdèmes palpébraux induits par le tadalafil (Cialis)
pourraient être pris à tort pour des angio-œdèmes. Ils
Fig. 18.3 Angio-œdème de la lèvre inférieure semblent en fait être dus à l’inhibition de la phosphodies-
térase de type 5 ¹⁸.
Les médicaments les plus fréquemment en cause ¹¹ sont Les urticaires médicamenteuses sont parfois dues à une
indiqués dans l’encadré 18.B. Le délai d’apparition le plus ca- hypersensibilité immédiate médiée par des immunoglo-
ractéristique entre la prise médicamenteuse et l’apparition bulines E (IgE) spécifiques antimédicaments (anaphylaxie
des lésions cutanées est de quelques heures, parfois de vraie). En l’absence d’investigations complémentaires, la ré-
quelques minutes. introduction des médicaments suspects est formellement
La plupart des urticaires médicamenteuses (probablement contre-indiquée puisqu’ils peuvent induire une libération
plus de 90 %) ne sont pas liées à une réaction allergique d’histamine plus importante et déclencher une urticaire
vraie par présence d’IgE spécifiques mais à un mécanisme plus sévère, voire un choc anaphylactique. La recherche

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens


18-4 Toxidermies avec manifestations systémiques

Médicaments impliqués dans les urticaires, angio-œdèmes et anaphylaxie


ACTH Produits de contraste iodés
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (anti COX-1) Substances macromoléculaires
Anesthésiques généraux Morphine
Anticorps monoclonaux recombinants (biothérapies) Néomercazole
Aspirine Néomycine
Bêtalactamines (ampicilline, amoxicilline, cefaclor) Pénicillines
Chymotrypsine Sulfate de protamine
Codéine Quinine
Colistine Sérums
Curare et dérivés Thiamine
Immunoglobulines intraveineuses Vancomycine
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I
18.B

d’IgE circulantes spécifiques est possible pour un nombre tites pustules (moins de 5 mm de diamètre), non follicu-
très limité de médicaments comme certaines bêtalacta- laires, stériles développées sur des placards rouge vif éten-
mines, les insulines (leur présence est non spécifique d’une dus, œdémateux prédominant sur le tronc (fig. 18.4) et dans
hypersensibilité) et les curares. Les tests réalisés sous sur- les plis axillaires et inguinaux. La coalescence des pustules
veillance hospitalière dans des centres spécialisés com- s’accompagne parfois d’un décollement superficiel pouvant
prenant des prick-tests et des intradermoréactions (IDR) préter confusion avec celui de la nécrolyse épidermique
peuvent donner des réactions positives immédiates. toxique (fig. 18.5). L’éruption s’accompagne de sensations
Par ailleurs, de nombreuses urticaires sont dues à une into- de brûlures, de prurit et parfois d’une atteinte muqueuse
lérance à un médicament sans hypersensibilité spécifique érosive buccale ou linguale. Une fièvre élevée à 39-40 ◦ C
d’allergène ¹⁹. Il s’agit d’urticaires qui peuvent se dévelop- associée à des frissons est constante ainsi qu’une hyperleu-
per chez des patients urticariens chroniques ou non après cocytose à polynucléaires neutrophiles. Il existe dans près
prise de médicaments (bêtalactamines, AINS, opiacés...), d’un tiers des cas un antécédent de psoriasis pouvant faire
et dont les tests cutanés médicamenteux et/ou la recherche discuter une poussée pustuleuse diffuse de psoriasis (forme
d’IgE spécifiques sont négatifs. de Von Zumbusch). L’examen histologique met en évidence
des pustules intraépidermiques et/ou sous-cornées, le plus
Pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) souvent multiloculaires (fig. 18.6) parfois associée à une né-
La PEAG a été individualisée par Beylot et al. ²⁰ en 1980. crose focale des kératinocytes, un œdème du derme papil-
Elle est d’origine médicamenteuse dans plus de 90 % des laire. De façon très inconstante peut être observé une vas-
cas mais une étiologie infectieuse (coxsackie, échovirus, cy- culite et/ou un infiltrat périvasculaire comportant des éosi-
tomégalovirus), toxique (mercure) ou alimentaire est pos- nophiles. Les atteintes extracutanées sont rares, marquées
sible. Elle se caractérise par le développement rapide en par un risque d’insuffisance rénale fonctionnelle par déshy-
quelques heures ou jours d’un semis d’innombrables pe- dratation, une cytolyse hépatique modérée et des adénopa-
thies périphériques.
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 18.4 Pustulose exanthématique aiguë généralisée : semis de


petites pustules non folliculaires sur un placard rouge vif de l’abdomen Fig. 18.5 Pseudo-Lyell par coalescence des pustules au cours d’une
et des plis inguinaux pustulose exanthématique aiguë généralisée

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · PEAG pustulose exanthématique aiguë généralisée


Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-5

Principaux médicaments imputés au cours de la PEAG crolides (encadré 18.C) ²²,²⁶.


Pristinamycine La réalisation de patch-tests avec une lecture tardive à
Amoxicilline 48 heures a un intérêt clairement établi. Ainsi Wolkenstein
et al. ²⁵ ont montré que ces tests étaient positifs chez la moi-
Hydroxychloroquine
tié (7/14) des patients atteints de PEAG. Un test négatif ne
Amoxicilline + acide clavulanique permet cependant pas d’exclure la responsabilité du médica-
Ampicilline ment. En revanche, la réintroduction orale est déconseillée
Diltiazem en raison de la sévérité potentielle de cette dermatose.
Cotrimoxazole Outre l’arrêt immédiat de toute médication pouvant être en
Terbinafine cause, le traitement repose sur une hydratation abondante
et des soins cutanés afin de prévenir un risque d’infection
Carbamazépine
cutanée. Il n’existe pas de consensus sur l’utilité et l’inno-
Spiramycine cuité éventuelles des corticoïdes par voie orale ou locale
Spiramycine + métronidazole dans le traitement de cette affection.
18.C
Vasculites médicamenteuses (cf. chap. 6, « Vasculites cutanées et
Le délai de survenue entre la prise du médicament respon-
cutanéo-systémiques »)
sable et le début de l’éruption est bref (quelques heures à
2 jours) ou plus long (15 à 21 jours) ²⁰-²⁵. Cette variation de Les vasculites médicamenteuses sont le plus souvent dues
délais s’explique probablement par une sensibilisation préa- à des dépôts vasculaires de complexes immuns circulants.
lable (délai court) ou non. L’éruption régresse rapidement, La présentation clinique commune est un purpura vascu-
moins de 15 jours après l’arrêt du médicament responsable, laire prédominant aux membres inférieurs parfois associé
sans traitement spécifique et au prix d’une desquamation à des bulles hémorragiques et/ou à des lésions pseudo-
superficielle. Les médicaments incriminés sont le plus sou- urticariennes. L’association à des polyarthralgies, des at-
vent des antibiotiques tels que les β-lactamines et les ma- teintes rénales avec protéinurie ou hématurie associée, di-
gestives ou d’autres organes est fréquente. L’histologie cu-
tanée met en évidence une vascularite leucocytoclasique
et/ou nécrosante, parfois avec un infiltrat lymphocytaire.
Biologiquement, des complexes immuns circulants, une
consommation du complément et la présence d’anticorps
anticytoplasme des neutrophiles (ANCA) peuvent être ob-
servés. La réadministration du médicament responsable
est formellement contre-indiquée. Les médicaments en
cause sont très variés : antibiotiques, AINS, sérothérapies,
vaccination antigrippale... Il n’existe aucun test in vivo ou
in vitro capable de reproduire ces mécanismes.

Érythème pigmenté fixe (EPF)


Il se définit comme un exanthème « fixe » en raison de
la récurrence des lésions cutanées sur le même site en
cas de réintroduction médicamenteuse. L’EPF est presque
constamment d’origine médicamenteuse, mais des lésions
cutanées similaires sont décrites après exposition aux ul-
traviolets (UVA et/ou UVB) ou après certaines prises ali-
mentaires ²⁷,²⁸. Rare en France, l’EPF est plus fréquemment
rapporté dans les pays scandinaves et en Inde. Il débute
brutalement par un prurit et des sensations de brûlures
localisées. Il se compose de quelques plaques (1 à 10 en
moyenne) arrondies ou ovalaires bien limitées, érythéma-
Coll. Dr L. Durand, Montpellier

teuses ou rouge violacé, parfois bulleuses en leur centre


(fig. 18.7). Elles sont souvent disposées symétriquement sur
le tronc ou les membres. L’atteinte des muqueuses génitale
ou labiale est fréquente (fig. 18.8). Certaines formes diffuses
et bulleuses peuvent évoquer une nécrolyse épidermique
toxique (fig. 18.9). Les signes systémiques sont rares et d’in-
Fig. 18.6 Pustulose exanthématique aiguë généralisée : pustule tensité variable allant du malaise à une prostation sévère
spongiforme sous-cornée (PS) et infiltrat mixte lymphocytaire et lors de chaque poussée. La présence d’une fièvre élevée, de
neutrophilique périvasculaire (V) du derme nausées, de diarrhée, de douleurs abdominales, d’une uré-

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · EPF érythème pigmenté fixe · PEAG pustulose exanthématique aiguë généralisée
18-6 Toxidermies avec manifestations systémiques

Coll. D. Bessis
Fig. 18.9 Pseudo-Lyell au cours d’une forme diffuse et bulleuse
d’érythème pigmenté fixe

lésions peuvent également augmenter en taille ou en inten-


sité de pigmentation. Quelques observations d’érythème
fixe de sémiologie identique à l’EPF mais sans pigmenta-
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier tion résiduelle ont été rapportées sous le terme d’érythème
non pigmenté fixe. Histologiquement l’EPF est caractérisé
à la phase aiguë par une vacuolisation des cellules basales
avec parfois une nécrose kératinocytaire, un œdème der-
mique et un infiltrat lympho-histiocytaire périvasculaire.
La pigmentation observée cliniquement est liée à une incon-
tinence pigmentaire avec présence de dépôts de mélanine
Fig. 18.7 Macules ovalaires rouge violacé multiples caractéristiques de et de mélanophages dans la partie superficielle du derme
l’érythème pigmenté fixe (fig. 18.10).
L’EPF est dû à une réaction localisée de cytotoxicité de cel-
trite ou d’une conjonctivite est rarement rapportée ²⁸. À lules T-CD8 positives, entraînant une activation et une
l’arrêt du médicament inducteur, l’EPF guérit en laissant souffrance des kératinocytes qui expriment la molécule
une pigmentation sur le site préalablement atteint. d’adhésion intercellulaire ICAM-1 (CD54). L’absence fré-
Lorsque le médicament inducteur est réintroduit, les lé- quente de généralisation des lésions pourrait être liée à
sions cutanées apparaissent en quelques heures à 2 jours une régulation immunitaire assurée par des cellules T ex-
(en moyenne 2 heures) sur les sites pigmentés préalable- primant le CD4.
ment atteints, conférant une teinte violacée au centre de Les tests épicutanés et en particulier les patch-tests peu-
la lésion. La liste des principaux médicaments incriminés vent être intéressants pour explorer les EPF, s’ils sont réali-
est indiquée dans l’encadré 18.D. En cas de réexposition répé- sés sur les sites pigmentés séquellaires ²⁹.
tée, de nouvelles localisations peuvent se surajouter et les

Coll. Dr L. Durand, Montpellier


Coll. D. Bessis

Fig. 18.10 Érythème pigmenté fixe : nombreuses nécroses


kératinocytaires éosinophiles (NK), associées à une vacuolisation basale
Fig. 18.8 Atteinte de la lèvre supérieure au cours d’un érythème épidermique (VB). Infiltrat inflammatoire polymorphe du derme papillaire
pigmenté fixe et présence de quelques mélanophages dermiques (M)

 EPF érythème pigmenté fixe


Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-7

Principaux médicaments incriminés dans l’EPF


Analgésiques
Paracétamol
Phénylbutazone
Piroxicam
Acide méfémanique

Anticonvulsivants (carbamazépine) et barbituriques

Coll. Pr A. Barbaud, Nancy


Antibiotiques
Tétracyclines
Amoxicilline
Rifampicine Fig. 18.11 Exanthème maculeux coalescent au cours d’un syndrome
Triméthoprime-sulfaméthoxazole DRESS induit par la carbamazépine
18.D
corrélation entre la gravité de l’atteinte cutanée et le degré
Syndrome DRESS (« Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic de sévérité de l’atteinte viscérale ³¹. De plus, une atteinte vis-
cérale peut se développer jusqu’à 1 mois après le début de la
Symptoms ») ou syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse
réaction cutanée. L’atteinte hépatique est la plus fréquente,
(SHM) marquée par une hépatomégalie inconstante, parfois asso-
Individualisé par Bocquet en 1996, le syndrome DRESS se ciée à une splénomégalie et à une cytolyse hépatique (80 %)
définit comme une réaction médicamenteuse grave et fé- modérée à sévère (hépatite granulomateuse ou nécrosante
brile, touchant la peau et au moins un viscère, associé à fulminante). Une cholestase anictérique avec élévation des
la présence d’une hyperéosinophilie parfois majeure et/ou phosphatases alcalines et des γ-GT est fréquemment as-
d’un syndrome mononucléosique avec des lymphocytes sociée. Sur le plan hématologique, une polyadénopathie
activés hyperbasophiles ³⁰. L’acronyme DRESS est d’uti- bilatérale et symétrique est présente dans 30 à 80 % des
lisation préférable à la terminologie d’« hypersensibilité cas. Histologiquement, il s’agit le plus souvent d’une hyper-
médicamenteuse », peu spécifique et source de confusion plasie lymphoïde bénigne, mais la présence de lymphocytes
puisque pouvant s’appliquer à toute réaction médicamen- atypiques ou d’aspect histologique évoquant un pseudolym-
teuse idiosyncrasique en rapport avec la classification de
Gell et Coombs ³¹,³². Le syndrome DRESS est rare. Son in-
Médicaments incriminés dans le syndrome DRESS
cidence avec des médicaments « à haut risque » tels que
les anticomitiaux a été estimée de 1/1 000 à 1/10 000. Un Anticonvulsivants
antécédent personnel ou familial de syndrome DRESS ou Phénytoïne
une ascendance africaine constituent des facteurs de risque. Phénobarbital
Les signes initiaux sont marqués par des pics fébriles éle- Carbamazépine
vés entre 38 et 40 ◦ C, un malaise parfois associé à une
Lamotrigine
pharyngite et des adénopathies cervicales. L’éruption cuta-
née est présente dans 90 % des cas, à type d’exanthème Gabapentine
maculeux et papuleux prurigineux rouge, étendu, symé- Sulfamides
trique (fig. 18.11). La présence de pustules folliculaires ou Dapsone
non est parfois notée. Un œdème facial, en particulier péri- Sulfasalazine
orbitaire, persistant est présent dans un cas sur deux, ren- Salazopyrine
dant le patient parfois méconnaissable. L’évolution est mar- Sulfamides antibactériens
quée par la confluence des lésions cutanées en nappes œdé-
Allopurinol
mateuses, voire en une érythrodermie (plus de 50 %). L’at-
teinte muqueuse est rare (10 %) et le plus souvent limitée, Minocycline
à type de chéilite, de conjonctivite ou d’érosions aphtoïdes Autres
buccales ou génitales. Histologiquement, l’atteinte cutanée Antirétroviraux
est marquée par un infiltrat lymphocytaire périvasculaire Inhibiteurs calciques
dermique non spécifique avec présence inconstante d’éosi- Terbinafine
nophiles. Un épidermotropisme et la présence de nécroses
Méthyldopa
kératinocytaires sont parfois notés.
La possibilité d’atteinte viscérale associée au cours du Anti-inflammatoires non stéroïdiens
DRESS est variable tant pour le nombre d’organes atteints Captopril
que pour le degré de sévérité de l’atteinte. Il n’existe pas de 18.E

 EPF érythème pigmenté fixe


18-8 Toxidermies avec manifestations systémiques

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 18.12 Lésions érythémateuses en cocarde du dos des doigts Fig. 18.13 Nécrolyse épidermique toxique : décollement cutané en
caractéristiques de l’érythème polymorphe « linge mouillé » diffus du dos

phome ou de lymphome est observée dans de rares cas (en Nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Lyell et syndrome de
particulier avec les hydantoïnes) et à l’origine d’une confu-
Stevens-Johnson)
sion nosologique initiale avec le « pseudolymphome mé-
dicamenteux ». L’éosinophilie sanguine est présente dans Le syndrome de Lyell (SL) et le syndrome de Stevens-
70 à 80 % des cas, le plus souvent comprise entre 2 000 et Johnson (SSJ) sont des toxidermies graves qui constituent
5 000 éosinophiles par mm3 et s’associe dans 50 à 60 % des des urgences médicales. Ces deux affections associent, à
cas à un syndrome mononucléosique avec hyperlymphocy- des degrés divers, des décollements cutanés plus ou moins
tose atypique (lymphocytes activés basophiles). L’atteinte étendus et des érosions muqueuses avec des risques séquel-
rénale est variable, pouvant aller d’une hématurie et/ou laires sévères.
d’une protéinurie modérée et/ou d’une leucocyturie asep- Il est clairement admis, depuis 1993, à partir d’études sé-
tique à une insuffisance rénale aiguë justifiant une épura- miologiques multicentriques ³⁸,³⁹ que le SL et le SSJ consti-
tion extrarénale en urgence. D’autres atteintes viscérales tuent les expressions cliniques plus ou moins sévères d’une
ont également été décrites : colique, pulmonaire (pneumo- même affection, la nécrolyse épidermique toxique (NET)
nies interstitielles à éosinophiles), pancréatique, cardiaque et diffèrent cliniquement de l’érythème polymorphe. L’éry-
(péricardite, myocardite), méningo-encéphalique et articu- thème polymorphe bulleux ou non, avec ou sans atteinte
laire et musculaire ³⁰,³¹. muqueuse, se caractérise par ³⁹-⁴¹ :
Le délai de survenue après l’introduction médicamenteuse − un décollement cutané inférieur à 10 % de la surface
est de 2 à 6 semaines (en moyenne 4 semaines). Les prin- corporelle ;
cipaux médicaments incriminés (encadré 18.E) sont les anti- − des lésions en cocarde ou en cible typiques, de moins
comitiaux, les sulfamides, l’allopurinol et la minocycline. de 3 cm de diamètre, à contours bien limités et compo-
L’intérêt des tests épicutanés dans l’exploration étiologique sées d’au moins 3 zones concentriques, dont 2 anneaux
du syndrome DRESS est mal documenté ³³. autour d’un disque central, un des anneaux étant un
La physiopathologie du syndrome DRESS fait intervenir œdème palpable plus pâle que le centre de la lésion ;
une réponse oligoclonale spécifique de lymphocytes T acti- de lésions en cocarde atypiques, mais en relief et pal-
vés, sécrétant de l’IL-5. Les rechutes cutanéo-viscérales ob- pables ;
servées plusieurs semaines après l’arrêt du médicament in- − une localisation symétrique et acrale, prédominant à la
ducteur seraient liées à la réactivation d’une infection par le face dorsale des mains et sur les faces d’extension des
virus du groupe herpès de type 6 (HHV-6) ³⁴,³⁵. La carbama- extrémités (fig. 18.12) ;
zépine pourrait également entraîner des perturbations im- − une évolution bénigne (quasi-absence de mortalité et
munologiques propices à la réactivation d’HHV-6 ³⁶. Pour faible morbidité) et d’une origine le plus souvent virale
certains auteurs, cette réactivation d’HHV-6 ou d’autres (herpès récidivant, infections à mycoplasmes).
virus favoriserait l’hypersensibilité cellulaire T oligoclonale L’incidence de la NET est rare, estimée en France entre 1 à
au médicament en cause dans le DRESS ³⁷. 1,3 cas par million d’habitants et par an. Aucune tranche
Le syndrome DRESS est potentiellement grave avec une d’âge n’est épargnée et il n’existe pas de nette prédilection
mortalité estimée à 10 %, rapportée surtout en cas d’at- de sexe. Elle survient avec prédilection chez le malade im-
teinte hépatique. À l’arrêt du traitement inducteur, il munodéprimé (infection VIH, allogreffe, corticothérapie
guérit en 10 à 15 jours mais la corticothérapie générale générale au long cours).
(entre 0,5 et 1 mg/kg/j) peut être proposée en cas d’at- L’éruption débute une à trois semaines (moyenne 10 à
teinte viscérale menaçante. Cependant, le risque de cortico- 12 jours) après l’introduction du médicament inducteur.
dépendance et de retard de guérison, peut-être par l’émer- Elle peut débuter plusieurs jours après l’arrêt du médica-
gence d’une infection virale par HHV-6 ou d’autres virus, ment en cas de demie-vie longue, mais ce risque est négli-
reste mal évalué. geable si le traitement est pris depuis plus de 2 mois. L’érup-

 IL interleukine · NET nécrolyse épidermique toxique · SL syndrome de Lyell · SSJ syndrome de Stevens-Johnson
Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-9

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 18.14 Signe de Nikolsky : décollement épidermique provoqué par Fig. 18.15 Atteinte érosive, croûteuse et hémorragique des muqueuses
le frottement cutané labiales et nasale au cours du syndrome de Stevens-Johnson

tion est initialement maculo-papuleuse, douloureuse avec


sensation de brûlures et localisée avec prédilection sur le
visage et la partie haute du tronc. Elle diffuse rapidement
en 2 à 3 jours (parfois quelques heures) à l’ensemble du
tégument (fig. 18.13), s’associant parfois à des lésions en
pseudo-cocardes, et prédomine sur le tronc et la racine
des membres. Les lésions sont rapidement le siège de vé-
sicules confluentes et de décollements épidermiques en
« linge mouillé » avec un signe de Nikolsky présent (décol-
lement provoqué par le frottement cutané en peau saine)
(fig. 18.14) ⁴²,⁴³. La totalité du tégument peut être touchée.
L’évaluation de l’étendue des zones épidermiques décollées
s’exprime en pourcentage de surface corporelle atteinte. De
façon arbitraire, le SSJ touche moins de 10 % de la surface
corporelle, le SL plus de 30 % et le syndrome de chevauche-
ment SSJ-SL entre 10 et 30 % ⁴². L’atteinte muqueuse as-
sociée est quasi constante, précédant les lésions cutanées
dans un tiers des cas. Les localisations muqueuses sont
Coll. D. Bessis

par ordre décroissant oro-pharyngées, oculaires, génitales


et anales (fig. 18.15, fig. 18.16). Elles sont algiques et respon-
sables de lésions croûteuses labiales avec hypersialorrhée
et troubles de l’alimentation, de photophobie avec risque Fig. 18.16 Atteinte génitale érosive au cours du syndrome de
de kératite et de cicatrices conjonctivales et cornéennes Stevens-Johnson
définitives (près d’un cas sur deux) et de brûlures miction-
nelles ⁴⁴. Les manifestations systémiques associent une al- lium trachéo-bronchique peut toucher près d’un malade
tération de l’état général constante avec asthénie et anxiété, sur quatre. Elle débute de façon concomittante au début
une douleur cutanée et une fièvre élevée. Des troubles de de l’éruption cutanée et se manifeste par une dyspnée, une
la thermorégulation, des pertes liquidiennes avec désordre hypoxémie sévère et une toux productive non purulente ⁴⁴.
hydroélectrolytique, un risque de surinfection cutanée à L’évolution est fréquemment péjorative par œdème pulmo-
staphylocoque doré constituent des risques classiques liés naire lésionnel et défaillance respiratoire. Une atteinte di-
à la destruction étendue de l’épiderme. Une atteinte spé- gestive également spécifique par nécrose de l’épithélium di-
cifique respiratoire marquée par une nécrose de l’épithé- gestif, responsable d’érosions ou d’ulcérations muqueuses

 SL syndrome de Lyell · SSJ syndrome de Stevens-Johnson


18-10 Toxidermies avec manifestations systémiques

Principaux médicaments impliqués au cours de la NET


Sulfamides antibactériens
Antibiotiques
Céphalosporines
Quinolones
Aminopénicillines
Tétracyclines

Coll. Dr L. Durand, Montpellier


Macrolides
Antifungiques imidazolés
Anticonvulsivants
Phénobarbital
Phénytoïne
Fig. 18.17 Nécrolyse épidermique toxique : nécrose éosinophile Acide valproïque
confluente (N) de la majorité de l’épiderme, sans modification de la couche Carbamazépine
cornée. Clivage de l’épiderme par rapport au derme en un seul bloc (bulle Lamotrigine
sous-épidermique) et infiltrat inflammatoire discret du derme superficiel Anti-inflammatoires non stéroïdiens (oxicam)
Allopurinol
parfois sévères, peut être à l’origine de diarrhées diffuses
de mauvais pronostic ⁴⁴. Les anomalies hématologiques Névirapine
sont quasi constantes à type d’anémie arégénérative et Corticoïdes
de lymphopénie, parfois de neutropénie (30 %) considérée 18.F
comme un facteur de mauvais pronostic et de thrombopé-
nie (15 %) ¹. L’absence d’éosinophilie est habituelle. Une Mycoplasma pneumoniae est suspectée.
cytolyse hépatique franche et une élévation non spécifique La physiopathologie de la NET est mal connue, associant
des enzymes pancréatiques est observée dans 30 % des cas. des mécanismes immunologiques à une toxicité directe du
La biopsie cutanée doit être systématique et met en évi- médicament favorisée par des anomalies du métabolisme
dence une nécrose de la totalité de l’épiderme, détachée médicamenteux d’origine génétique ou virale. Elles abou-
d’un derme peu altéré (fig. 18.17). tissent au développement d’une destruction kératinocy-
Malgré les mesures de réanimation qui ont amélioré le pro- taire par apoptose ⁴⁸,⁴⁹. L’apoptose est caractérisée par une
nostic, le décès peut survenir dans 30 % des cas, le plus sou- fragmentation de l’ADN, entraînant la mort cellulaire. Un
vent par surinfection. La guérison est lente en environ 4 se- effet prédisposant des maladies auto-immunes comme le lu-
maines. La cicatrisation peut s’accompagner de troubles pus érythémateux aigu disséminé et de certains groupages
pigmentaires tardifs (hypo- et hyperpigmentation) et de HLA a aussi été évoqué ⁴⁵.
séquelles muqueuses oculaires (40 %).
Le diagnostic différentiel se pose avec l’épidermolyse sta- Que faire en cas de toxidermie?
phylococcique (syndrome SSS), exceptionnelle chez l’adulte  Examiner le patient.
et épargnant presque constamment les muqueuses, l’EPF
 Décrire la toxidermie et si possible la photographier.
bulleux généralisé et la PEAG.
Dès que le diagnostic de NET est évoqué, le patient doit  Rechercher des signes de gravité.
être hospitalisé en urgence et transféré dans une unité de  Établir un schéma chronologique de toutes les prises médicamen-
soins intensifs ou dans un centre spécialisé dans la prise teuses.
en charge des grands brûlés. Une correction des pertes hy-  Interrompre tous les médicaments imputables, les remplacer par
driques et protéiques doit être faite par voie intraveineuse. d’autres d’une classe chimique différente si le traitement s’avère
Si le bénéfice d’une corticothérapie générale en phase pré- indispensable.
coce n’a pas été démontré, leur effet délétère a par contre
 Remettre au patient une lettre précisant toutes les classes médi-
été prouvé s’ils sont introduits tardivement ⁴⁵. La thalido-
mide, le cyclophosphamide, la ciclosporine A ou les plasma- camenteuses interdites jusqu’à un éventuel bilan ultérieur.
phérèses n’ont pas fait preuve d’efficacité sur de grandes  Dire au patient de ne pas jeter les médicaments suspects mais de
séries de patients ⁴⁵. Les résultats obtenus avec les immuno- les conserver jusqu’au bilan ultérieur.
globulines intraveineuses sont très variables d’une étude à  Programmer si c’est possible et si c’est nécessaire un bilan dermato-
l’autre ⁴⁶. allergologique dans un centre spécialisé pour les tests cutanés
Plus d’une centaine de médicaments ont été incriminés
médicamenteux, dans les 6 mois qui suivent.
dans la survenue de la NET ⁴⁷. Les principaux médicaments
à risque élevé sont indiqués dans l’encadré 18.F. Dans 5 à 10 %  Déclarer tout accident iatrogène grave ou inattendu au centre ré-
des cas, aucune prise médicamenteuse n’est notée à l’in- gional de pharmacovigilance.
terrogatoire et une étiologie infectieuse en particulier à 18.G

 EPF érythème pigmenté fixe · NET nécrolyse épidermique toxique · PEAG pustulose exanthématique aiguë généralisée
Prise en charge des toxidermies graves 18-11

Prise en charge des toxidermies graves Tableau 18.3 Chronologies évocatrices dans les toxidermies

Conduite à tenir Délai d’apparition


Délai de disparition après
Sémiologie après début de prise
Quel que soit le type de toxidermie, la prise en charge re- du médicament
arrêt du médicament
pose sur les grandes étapes indiquées dans l’encadré 18.G ⁴,⁵⁰. Urticaire, œdème de Quincke quelques min à 24 h quelques h à quelques j
1. Le conseil n’est pas donné par téléphone, tout patient
Vasculite 1 à 10 j 2 à 3 semaines
ayant une toxidermie doit être examiné. Il est néces-
Exanthème maculopapuleux 24 h à 10 j 4 à 10 j
saire de décrire la toxidermie et si possible d’en faire
Pustulose exanthématique 24 h à 10 j 4 à 15 j
une photographie.
aiguë généralisée
2. Il faut immédiatement faire un examen clinique à la
Nécrolyse épidermique 48 h à 20 j 3 à 4 semaines
recherche des signes de gravité de cet accident iatro- toxique
gène. Devant une urticaire, un antihistaminique est ad-
Érythème pigmenté fixe 24 h à 4 j 1 semaine, mais
ministré. En cas d’angio-œdème, d’asthme ou de chute pigmentation persistante
tensionnelle associés, une hospitalisation est indispen- Syndrome DRESS quelques j à 6 semaines plusieurs semaines
sable avec, si nécessaire, mise en route du traitement
de choc anaphylactique (adrénaline par voie intramus-
culaire). Il ne faut pas éliminer la responsabilité d’un médica-
Devant une éruption érythémateuse maculeuse, les ment parce qu’il avait été rapporté antérieurement. Le
signes de gravité sont à rechercher (tableau 18.2) : exten- plus souvent une toxidermie ne survient pas lors de la
sion à plus de 60 % de la surface cutanée, fièvre > première prescription de la molécule mais lors de prises
38,5 ◦ C, adénopathies ⁶. Si un seul de ces signes est pré- ultérieures. La sensibilisation survient lors d’une prise,
sent, une surveillance clinique est préconisée. Si plu- mais la révélation de la sensibilisation, ici la toxidermie,
sieurs signes sont associés, une hospitalisation est sou- se produit lors d’une prise ultérieure.
haitable. Djien et al. ⁶ ont montré que la durée d’hospita- 5. Une déclaration auprès du Centre régional de pharmaco-
lisation est augmentée de façon significative s’il existe vigilance doit être faite en cas de toxidermie grave ou
une éosinophilie supérieure à 500 éléments par mm3 d’un effet secondaire méconnu (non signalé dans la
ou si la surface cutanée atteinte est de plus de 60 %. monographie Vidal).
Une hospitalisation sera systématiquement envisagée 6. Il faut donner immédiatement des consignes écrites
si l’examen clinique met en évidence une hépatospléno- au patient vis-à-vis des classes médicamenteuses sus-
mégalie, un œdème ferme du visage, fixe, prédominant pectes qui sont contre-indiquées jusqu’à la poursuite
aux paupières, des érosions muqueuses ou génitales, du bilan. En général, il est conseillé de supprimer toutes
des bulles et/ou des décollements cutanés spontanés, les classes auxquelles appartiennent les médicaments
un signe de Nikolsky ou un purpura. En l’absence de suspectés d’être inducteurs de l’accident iatrogène.
signe de gravité, devant un EMP, on peut recomman- 7. Il faut rappeler au patient de conserver le ou les médi-
der de réaliser une numération-formule sanguine, un caments responsables car ils pourront être utiles si des
dosage des transaminases, des phosphatases alcalines, investigations complémentaires sont réalisées ultérieu-
de l’urée et de la créatinine et une bandelette urinaire. rement. Ils permettront par ailleurs de savoir précisé-
3. Il est indispensable de réaliser un schéma chronolo- ment quelle forme commercialisée, quel générique ont
gique de toutes les prises médicamenteuses. Sur ce été pris lors de la toxidermie.
schéma, tous les médicaments pris dans les semaines 8. Il faut si possible programmer dans les 6 mois qui
qui précèdent l’éruption seront strictement reportés suivent un bilan dermato-allergologique pour aboutir
avec leur date de début et d’arrêt de prescription en re- à des conseils précis pour le patient vis-à-vis des molé-
cherchant systématiquement les prises oubliées d’antal- cules contre-indiquées de façon définitive et de celles
giques, les traitements antigrippaux, les hypnotiques... qui pourront être prises en remplacement.
4. Il faut interrompre tous les médicaments qui peuvent
être imputables dans le déclenchement de la toxidermie Conseils aux patients ayant eu une toxidermie
(tableau 18.3). Le retard d’interruption du médicament Une lettre détaillée doit être adressée à tous les soignants
responsable entraîne une gravité accrue de la toxider- susceptibles de suivre le patient. Un double de ce courrier
mie ⁴⁵. est remis au patient ⁴,⁵⁰. Une carte d’allergie médicamen-
Il ne faut pas essayer de deviner quel médicament teuse peut également être rédigée. Sur ce document final
parmi plusieurs a déclenché l’éruption mais faire la doivent figurer la nature de l’accident observé, le ou les
liste de toutes les thérapeutiques prises, y compris les noms des molécules suspectes contre-indiquées chez ce
médicaments usuels ou supposés être sans effet secon- patient. S’ils ont été réalisés, les résultats des tests médi-
daire comme les suppositoires, collutoires, pastilles camenteux doivent y figurer. Les molécules qui peuvent
pour maux de gorge, collyres, solutions nasales, aéro- donner des allergies croisées au sein de la même classe thé-
sols, les antalgiques, les hypnotiques, les traitements rapeutique doivent être listées avec leurs dénominations
hormonaux, les antigrippaux, l’homéopathie, la phyto- communes internationales (DCI) et jamais sous leurs noms
thérapie et les infusions. commerciaux (tableau 18.4).

 EMP exanthème maculo-papuleux


18-12 Toxidermies avec manifestations systémiques

En effet, la remise d’une liste d’éviction comportant les − en cas de besoin d’antalgique : AINS d’autres classes,
noms commerciaux des médicaments interdits sera dès paracétamol, opiacés ;
le lendemain rendue caduque par la sortie d’un nouveau − en cas de besoin d’antipyrétique : paracétamol.
générique. Il faut éduquer le patient à ne jamais faire d’auto-
médication, à toujours montrer son courrier ou sa carte d’al-
lergie et lui expliquer la dangerosité de la reprise d’un mé- Place du bilan dermato-allergologique dans
dicament suspect (encadré 18.H). Il faut avoir à l’esprit qu’un l’exploration des toxidermies
même médicament avec un nom chimique ou une DCI iden-
tique, sous différents noms commerciaux, quelle que soit Test in vitro
la forme utilisée (comprimé, sirop, topique cutané, collyre, Ils comportent les tests de prolifération lymphocytaire, de
aérosol...) pourra déclencher une réaction chez des patients dégranulation des basophiles humains, les tests de libéra-
sensibilisés à ce médicament. tion d’histamine et de libération des leucotriènes. À l’heure
En revanche, pour éviter toute prise intempestive d’un mé- actuelle, aucun de ces tests n’a été validé dans l’exploration
dicament dangereux pour le patient, il est fondamental de des toxidermies. Leur sensibilité est faible et leur spécifi-
lui fournir une liste positive. La liste positive comporte des cité n’est pas déterminée. En dehors des chocs anaphylac-
molécules qui pourront être prises en remplacement de tiques aux anesthésiques généraux où la recherche d’IgE
celles qui ont été interdites. Par exemple, pour un patient spécifiques peut être intéressante, il n’existe aucun test in
ayant une sensibilisation aux pénicillines, la liste positive vitro pouvant être utilisé à titre diagnostique pour explorer
comprendra : une toxidermie.
− le nom d’un médicament en DCI dont on s’est assuré
par une réintroduction de la tolérance, appartenant au Tests cutanés (tests épicutanés, prick-tests, intradermoréaction)
même groupe chimique (les bêtalactamines) ou à une Ils relèvent encore du domaine de la recherche clinique
autre classe (céphalosporine de troisième génération) ; et doivent être réalisés dans des services de dermato-
− le nom de tous les groupes chimiques appartenant à la allergologie spécialisés ⁹,⁵¹. Le bilan est effectué, si possible,
famille des antibiotiques comme par exemple les macro- 6 semaines à 6 mois après la disparition de la toxidermie
lides, les cyclines, les synergistines, les quinolones, à et après l’arrêt d’une corticothérapie générale ou locale et
condition que le patient n’ait bien sûr pas d’antécédents des antihistaminiques. Le médicament peut être testé sous
évocateurs de polysensibilisation. sa forme commercialisée et/ou son principe actif et ses
Pour certaines classes, il faudra aussi envisager des solu- excipients.
tions de remplacement dans différentes indications du mé- On débute par des tests épicutanés (patch-tests) qui sont
dicament. Par exemple pour une hypersensibilité à l’ibu- lus à 20 min, 48 h, 96 h et, en cas de négativité, à une se-
profène, on pourra être amené à contre-indiquer les AINS maine. Au cours des urticaires, ces tests sont peu utiles et
arylcarboxyliques mais à autoriser : ne sont pas obligatoires. S’ils sont réalisés, ils doivent l’être
− en cas de besoin d’anti-inflammatoire : AINS d’autres en diluant les molécules et en surveillant le patient dans
classes (oxicams, acide acétylsalicylique, acide niflu- les 20 premières minutes car des réactions urticariennes
mique...), corticoïdes ; étendues et des chocs anaphylactiques ont été décrits au

Tableau 18.4 Définitions pour comprendre la classification des


médicaments Conseils aux patients ayant eu une toxidermie
Un médicament  L’auto-médication est interdite.
Exemple 1 Exemple 2
appartient :  Avoir le double du courrier médical récapitulatif sur lequel figure
à une famille thérapeutique antibiotique anti-inflammatoire le type de toxidermie, les investigations faites et la liste des classes
comprenant des groupes bêta-lactamines anti-inflammatoires non de médicaments interdits.
chimiques stéroïdiens
 Faire noter cette information sur le carnet de santé.
comprenant des classes pénicillines A arylpropioniques dérivés de
(parentés chimiques, l’acide carboxylique  Porter toujours avec soi une carte d’allergie médicamenteuse à
allergies croisées fréquentes) placer entre ses papiers d’identité et sa carte de Sécurité sociale
comprenant des molécules amoxicilline kétoprofène (carte Vitale).
avec leur nom chimique :
 Avoir la liste des classes de médicaments interdits, les noms des
dénomination commune
internationale (DCI) médicaments étant notés en dénomination commune internatio-
vendu sous différents noms existe sous plus de 20 noms existe en comprimé, nale (DCI).
commerciaux (dont les différents, seule ou en injectable en gel : Profenid,  Avoir une liste positive de médicaments autorisés qui pourront
génériques) et sous association : Clamoxyl, Ketum gel
différentes formes Hiconcil, Augmentin
remplacer les classes interdites.
galéniques (comprimés,  Penser à signaler son hypersensibilité médicamenteuse à tout
injectables, topiques cutanés, nouveau médecin et dentiste.
gels, collyres...)
18.H

 AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens


Place du bilan dermato-allergologique dans l’exploration des toxidermies 18-13

décours de ces tests faits chez des sujets qui avaient eu des Test de réintroduction du médicament (test de provocation orale
chocs anaphylactiques aux bêta-lactamines, aminosides, di-
[TPO])
clofénac ³³. On réalise ensuite des prick-tests, dilués en cas
d’urticaire, avec le médicament pur dans les autres cas, lus Il est formellement interdit dans le SSJ ou la NET, le
à 20 min et 24 h. En cas de négativité des prick-tests en syndrome DRESS et les vasculites. Il peut être proposé
lecture à 20 min, des intradermoréactions (IDR) sont réa- dans certains EPF et s’effectue à doses progressivement
lisées sous surveillance hospitalière avec les médicaments croissantes du médicament et sous surveillance. Dans
existant sous une forme stérile et/ou injectable, préparées tous les autres cas, il doit être discuté soigneusement.
avec des dilutions progressives 10−4 , 10−3 , 10−2 , 10−1 L’attitude est différente selon que le médicament a une
et pures par rapport aux concentrations utilisées en thé- faible ou une forte imputabilité dans le déclenchement
rapeutiques, injectées progressivement toutes les 30 min. de la toxidermie. Lorsqu’un médicament a une faible im-
Selon les centres, elles sont effectuées sur la face externe putabilité et si les tests sont négatifs, une réadministra-
du bras, le dos ou l’avant-bras. Les IDR ne sont pas effec- tion du médicament progressive sous surveillance peut
tuées en cas de NET, de vasculite ou de syndrome DRESS. être faite. Lorsqu’une urticaire par intolérance médicamen-
Les lectures sont effectuées à 30 min, 24 h, 1 semaine en teuse est suspectée, le TPO peut être réalisé avec une
cas de négativité. Les prick-tests et surtout les IDR doivent stricte surveillance hospitalière. Lorsqu’un médicament
être réalisés dans des centres expérimentés dans les inves- a une imputabilité vraisemblable, que les tests sont po-
tigations des accidents médicamenteux car ils peuvent in- sitifs, le TPO est éthiquement indéfendable. Lorsque le
duire une rechute de la toxidermie initiale, surtout avec les médicament a une imputabilité vraisemblable, que les
IDR. tests sont négatifs, en l’absence de signes viscéraux as-
La sensibilité de ces tests est en cours d’évaluation. À par- sociés à la toxidermie initiale, deux attitudes peuvent
tir d’une population large de sujets ayant eu une suspicion être discutées avec le patient : soit de réaliser un TPO ⁵⁴,
de toxidermie, 165 patients ont été sélectionnés car ils soit de contre-indiquer définitivement le médicament
avaient tous une imputabilité vraisemblable ou très vrai- mais en associant cet interdit à la recherche et à l’admi-
semblable d’un seul médicament (plus de 70 médicaments nistration sous surveillance d’une molécule de remplace-
étaient en cause) dans leur survenue. Parmi 119 patients ment.
ayant eu des tests épicutanés et si négatifs des prick-tests Il faut mettre à part le problème des EMP et des urticaires
et des IDR, 72 % avaient un test positif ⁹,¹⁰,⁵¹. Un test cu- survenant au décours d’un traitement par bêtalactamines
tané médicamenteux négatif n’exclut pas la responsabilité chez l’enfant. Ponvert et al. ⁵⁵ ont montré chez 325 enfants
d’un médicament dans la survenue d’une toxidermie. La ayant présenté une éruption — 25 % d’entre eux ayant un
sensibilité de ces tests dépend du type sémiologique de « rash » sans sémiologie précise décrite — après prise de bê-
toxidermie observée. Les tests épicutanés, les IDR lues talactamines que les prick-tests et les IDR étaient positifs
de façon retardée et même les prick tests lus de façon dans 7,4 % des cas et que les tests de provocation orale chez
retardée sont intéressants dans l’exploration des toxider- des enfants qui avaient des tests cutanés négatifs étaient po-
mies suivantes : EMP, érythrodermie, PEAG, syndrome sitifs dans 15/325 cas (4,6 %). Au total, seulement 12 % des
DRESS (avec de faibles concentration du médicament), enfants étaient réellement allergiques aux bêtalactamines.
EPF. Chez un enfant, il est préférable de faire la réintroduction
Les prick-tests sont utilisés pour l’exploration des urti- d’un médicament suspect sous surveillance hospitalière.
caires mais ils peuvent aussi être positifs de façon re- Dans les toxidermies sans signe de gravité, il peut être utile
tardée dans certains cas d’EMP ⁵². Les IDR sont intéres- de faire des introductions de médicaments de remplace-
santes pour l’exploration des urticaires, angio-œdème et ment. Il s’agit de molécules appartenant à la même classe
choc anaphylactique. La sensibilité des tests cutanés dé- que celle qui a déclenché l’accident, mais avec une structure
pend également du médicament en cause. Leur spécifi- chimique différente, pour éviter au maximum des réactions
cité est en cours de détermination. En effet, ils peuvent allergiques croisées. Des tests cutanés sont réalisés avec
être faussement positifs ⁵² : IDR réalisées avec de trop cette molécule de remplacement puis, si ces tests sont néga-
fortes concentrations de médicament, tests épicutanés réa- tifs, une introduction à doses progressivement croissantes,
lisés avec des médicaments contenant du lauryl sulfate sous surveillance hospitalière de la molécule est faite dans
de sodium dans leur formulation, avec la colchicine ⁵² ou un centre spécialisé dans la prise en charge des accidents
le célécoxib testé pur ⁵³. Lorsqu’un test réalisé avec un immuno-allergiques médicamenteux. Il sera ainsi possible
des médicaments suspectés est positif, le médicament et de contre-indiquer un certain nombre de molécules d’une
les molécules de la même classe pouvant donner des al- classe suspecte mais de trouver une solution de remplace-
lergies croisées sont contre-indiqués chez le patient. Les ment au sein de la même classe thérapeutique. Romano et
autres médicaments pris lors de l’éruption peuvent alors al. ⁵⁶ ont récemment montré que, chez des patients ayant
être réintroduits sous surveillance. Lorsque les tests cu- une allergie immédiate aux bêtalactamines, les sujets ayant
tanés sont négatifs, l’attitude doit être adaptée au type des tests cutanés négatifs aux céphalosporines avaient une
de toxidermie, au médicament en cause et à l’âge du pa- bonne tolérance lors du TPO avec ces molécules de rempla-
tient. cement.

 EMP exanthème maculo-papuleux · EPF érythème pigmenté fixe · NET nécrolyse épidermique toxique · PEAG pustulose exanthématique aiguë généralisée · SSJ syndrome de Stevens-Johnson
18-14 Toxidermies avec manifestations systémiques

La valeur prédictive négative des tests cutanés médicamen- en simple aveugle étaient positifs ⁵⁶. Parmi 106 réintroduc-
teux n’est à ce jour pas déterminée. Chez 898 patients tions de médicaments dans des toxidermies avec imputa-
ayant une suspicion d’allergie immédiate médicamenteuse bilité et sémiologie connues, 14 (13,2 %) étaient positives
et des tests cutanés négatifs, 241/1 372 (17,6 %) des TPO (Barbaud A, Watton J., communication personnelle).

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Barbaud A. Toxidermies avec manifestations systémiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 :
Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 18.1-18.15.
19
Maladies systémiques à expression cutanée
chez les sujets ayant la peau dite noire
Antoine Mahé, Fatimata Ly

Lupus érythémateux 19-2 Dermatomyosite 19-4


Lupus érythémateux disséminé 19-2 Vasculites 19-5
Lupus érythémateux chronique 19-2 Sarcoïdose 19-5
Lupus érythémateux subaigu 19-3 Références 19-6
Sclérodermie systémique 19-3

L es particularités médicales des sujets ayant une peau


fortement pigmentée, dite noire, sont de deux ordres ¹ :
d’une part, la pigmentation, primaire préexistante ou se-
ligner que, dans la grande majorité des situations, il n’y a
aucune différence d’expression d’un désordre pathologique
selon l’appartenance ethnique ou le degré de pigmentation
condaire à un processus pathologique, peut être à l’origine cutanée, les originalités médicales qui sont liées (avec une
de modifications de l’aspect de certaines lésions élémen- physiopathologie plus ou moins élucidée) à ces paramètres
taires par rapport à ce qui est observé sur peau peu pig- nous semblent de façon peu contestable utiles à connaître,
mentée dite blanche ; il en résulte des particularités sémio- tout particulièrement aujourd’hui où les brassages de popu-
logiques, plus ou moins marquées, cependant méconnues lation font que tout praticien est susceptible d’être sollicité
par certains praticiens du fait de la description largement par des sujets ayant une « peau noire », quel que soit son
prépondérante dans la littérature médicale (pour ne pas lieu géographique d’exercice.
dire exclusive dans de nombreux ouvrages) de la sémiologie La fréquence relative des maladies auto-immunes chez les
sur peau blanche. D’autre part, certaines affections, à ex- sujets d’ascendance africaine est un sujet débattu. En effet,
pression cutanée plus ou moins importante, apparaissent les données épidémiologiques disponibles ont pu suggérer
statistiquement plus fréquentes, ou plus rares, ou bien se que cette catégorie d’affection était plus rare en Afrique
caractérisent par une plus (ou moins) grande sévérité, ou située au sud du Sahara, et au contraire remarquablement
par des particularités d’un autre ordre, chez les sujets ayant fréquente dans les pays développés chez les descendants
une peau intensément pigmentée par rapport à ceux ayant de sujets africains transplantés, chez qui ces affections
la peau claire, que cela soit une conséquence directe de la seraient en outre volontiers plus sévères que chez les su-
pigmentation cutanée (c’est le cas par exemple pour les pa- jets d’ascendance européenne ³. Des théories complexes,
thologies induites par la lumière, qui sont beaucoup plus faisant intervenir une capacité à développer une réaction
rares sur peau dite noire), ou dû à des facteurs d’autre na- auto-immune variant en fonction, d’une part, du patri-
ture, constitutionnels ou acquis, sans que souvent il soit moine génétique, et d’autre part, d’agressions infectieuses
possible de faire la part de ces différentes éventualités ; de l’environnement, ont été avancées pour expliquer ces
nous trouvons commode, à la suite d’autres auteurs ², de discordances ³,⁴. En fait, il n’est pas exclu que les données
regrouper ce type de particularités sous l’intitulé ethnique, statistiques, souvent purement hospitalières, à l’origine
terme dont l’imprécision, soulignée à juste titre, permet de ces interprétations, ne soient sujettes à d’importants
du moins de ne pas préjuger des rôles physiopathologiques biais de recrutement, à une méconnaissance courante du
sous-jacents respectifs de facteurs génétiques, environne- diagnostic de maladie auto-immune étant par exemple à at-
mentaux, comportementaux, ou socio-économiques. tendre dans un contexte de pays en développement. De
Cette problématique concerne tous les aspects de la pra- même, y compris dans les pays du Nord, la gravité par-
tique dermatologique, aussi bien les affections purement ticulière de plusieurs affections pourrait n’être que le re-
cutanées que celles n’intéressant ce tégument qu’accessoi- flet d’un retard à la consultation d’une population globa-
rement. Quoi qu’il en soit, et même si nous souhaitons sou- lement défavorisée. En pratique, il nous semble surtout
19-2 Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire

Coll. Dr A. Mahé, Libreville, Gabon


Fig. 19.2 Aspect de « lupus-lichen » chez une patiente ayant appliqué
des produits à base d’hydroquinone de façon prolongée. Ce type de
lésion régresse plus ou moins rapidement à l’arrêt de la pratique de
dépigmentation

États-Unis chez les « Hispaniques », sont susceptibles d’être


expliquées au moins en partie par des caractéristiques socio-
économiques différentes de celles de la population cauca-
sienne, notamment en terme d’accès aux soins, thématique
faisant l’objet d’investigations croissantes, ainsi que par un
biais de recrutement hospitalier, les Africains-Américains
Coll. Dr A. Mahé, Libreville, Gabon

ayant par exemple tendance à consulter plus souvent dans


les structures hospitalières publiques que privées.
Par ailleurs, un profil clinico-immunologique particulier
du lupus a été suggéré sur ce terrain : rareté d’une photo-
sensibilité manifeste et d’ulcérations buccales, fréquence
plus élevée de lésions discoïdes, de manifestations séreuses
et psychotiques, ainsi que la présence d’anticorps anti-Sm
Fig. 19.1 Lupus érythémateux chronique « vitiligoïde ». Un examen et anti-RNP ⁷. Sur le plan sémiologique cutané, l’éruption
clinique superficiel aurait pu conclure à un vitiligo, mais il existe un du visage en « loup » est indiscutablement plus rare, ou
érythème inflammatoire violacé, une hyperchromie « jonctionnelle » tout au moins plus difficile à identifier en cas de pigmen-
périphérique et de discrètes modifications de surface tation cutanée importante. En l’absence de données objec-
tives publiées sur le sujet, le fait que la photosensibilité
important de savoir évoquer une maladie auto-immune in- lupique soit moins manifeste que lorsqu’il s’agit de sujets
dépendamment de l’origine d’un patient, en faisant notam- ayant une peau claire ne préjuge pas de l’influence éven-
ment preuve de scepticisme vis-à-vis de données anciennes tuelle d’expositions solaires intempestives sur l’évolutivité
faisant état d’un caractère plus ou moins exceptionnel de générale de la maladie ; par conséquent, il nous semble
telle ou telle entité au sein de certains groupes ethniques. raisonnable de conseiller ici des mesures de protection so-
Sans préjuger de ses mécanismes, la notion de gravité par- laire analogues à celles proposées aux sujets ayant la peau
ticulière de certaines affections sur terrain « africain » est claire.
à retenir, à condition de ne pas en faire une règle abso-
lue. Lupus érythémateux chronique
La sémiologie classique sur peau claire (érythème, atrophie,
Lupus érythémateux hyperkératose) est enrichie sur peau dite noire de troubles
pigmentaires, qui sont constants mais de type variable. L’as-
Lupus érythémateux disséminé pect le plus fréquent, et le plus évocateur, consiste en une
Aux États-Unis, l’incidence du lupus érythémateux dis- dépigmentation achromique uniforme ; une forme dite viti-
séminé est considérée comme étant plus élevée chez les ligoïde, où l’achromie est au premier plan du tableau et
Africains-Américains par rapport aux « Caucasiens », la ma- les autres signes dermatologiques sont d’expression mi-
ladie ayant de plus tendance sur ce terrain à survenir à un nime, pouvant simuler un vitiligo, a été décrite ⁸ (fig. 19.1).
âge plus jeune et à exprimer une plus grande sévérité, avec Une hyperpigmentation intense, « jonctionnelle », par in-
notamment une atteinte rénale plus fréquente et un décès continence pigmentaire secondaire à la dégénérescence
survenant plus souvent en cours d’évolution ⁵. À Londres, liquéfiante de cellules de la couche basale de l’épiderme,
l’incidence du lupus a été rapportée comme environ quatre est également possible. Selon la prépondérance de l’une
fois plus élevée chez les Afro-Caribéens et les sujets ori- ou l’autre de ces lésions élémentaires dyschromiques, les
ginaires d’Afrique de l’Ouest par rapport aux Européens ⁶. aspects réalisés peuvent être relativement polymorphes,
Certaines de ces différences, parfois également notées aux mais le diagnostic reste en règle aisé. Un diagnostic diffé-
Sclérodermie systémique 19-3

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Coll. Dr A. Mahé, Libreville, Gabon

Fig. 19.4 Achromie mouchetée profuse caractéristique de sclérodermie


systémique

Fig. 19.3 Lupus érythémateux subaigu. L’hyperchromie est intense, Sclérodermie systémique
étendue, et dépasse apparemment largement les zones actuellement
inflammatoires Sur le plan épidémiologique, les données de la littérature
nord-américaine sont en faveur d’une plus grande inci-
rentiel supplémentaire sur peau pigmentée est représenté dence et d’un début à un plus jeune âge, ainsi que d’une
par les éruptions du visage décrites sous l’intitulé de « lupus- atteinte cutanée plus diffuse, chez les Africains-Américains
lichen », secondaires à l’emploi de produits dépigmentants par rapport aux « Caucasiens » ⁹ ; une origine africaine a
à base d’hydroquinone (fig. 19.2), ainsi que par le lichen ac- été également rapportée comme constituant un facteur de
tinique. risque pour une atteinte pulmonaire spécifique ¹⁰ ; les anti-
corps anticentromère sont considérés comme plus rares sur
Lupus érythémateux subaigu ce terrain, contrairement aux anti-topo I, anti-fibrillarin,
Le tableau clinique est ici marqué par la fréquence de et anti-RNP qui seraient plus fréquents ⁹. En France, la sclé-
troubles pigmentaires à type d’hyperchromie jonctionnelle, rodermie systémique serait plus fréquente chez les sujets
laquelle peut donner l’impression d’être disproportionnée d’origine non européenne ¹¹. Outre un possible biais de re-
par rapport à l’importance visible du phénomène inflam- crutement hospitalier, pouvant également expliquer en par-
matoire érythémateux à son origine (fig. 19.3). Par ailleurs, tie la gravité relative des formes observées chez les sujets
les aspects décrits au cours de la « dermatose cendrée », en- d’origine africaine, la rareté apparente des formes locali-
tité décrite curieusement uniquement en Amérique latine, sées à type de « CREST syndrome » sur ce terrain pourrait
nous semblent parfois proches de ceux du lupus subaigu ; être liée à la plus grande difficulté de reconnaître un syn-
en l’absence d’explorations immunologiques poussées dans drome de Raynaud (de plus moins fréquent dans les pays
certaines séries de « dermatose cendrée », il est possible chauds) chez les sujets ayant une pigmentation cutanée
qu’une partie des observations rapportées comme telles intense ; sur ce terrain, le diagnostic ne peut en effet être le
corresponde en fait à des cas de lupus subaigu, affection plus souvent qu’un diagnostic d’interrogatoire (recherche
qui nous semble en constituer tout au moins un diagnostic d’une douleur des extrémités digitales au froid), l’inspec-
différentiel important. tion ne mettant en règle pas en évidence les modifications
19-4 Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire

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Fig. 19.5 Œdème périorbitaire au cours d’une dermatomyosite ; l’aspect
« lilacé » fait défaut

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Fig. 19.7 Vascularite. Le purpura est peu visible, relégué au second plan
Fig. 19.6 Poïkilodermatomyosite de la sémiologie par des lésions nécrotiques secondaires

colorimétriques observées typiquement sur peau claire. La fait également présente sur peau dite blanche mais inappa-
capillaroscopie est également ici d’un faible apport. rente par défaut de contraste.
Sur le plan sémiologique, une particularité fondamentale Une variante dite nodulaire de sclérodermie systémique,
de la sclérodermie systémique sur peau dite noire est consti- caractérisée par la survenue de lésions d’allure chéloï-
tué par la présence très fréquente de zones de dépigmen- dienne multiples simultanément à des manifestations sys-
tation mouchetée (fig. 19.4). Les principales localisations témiques propres à la maladie sclérodermique, a été décrite
de cette dépigmentation très évocatrice, qui ne se super- de façon apparemment élective chez des sujets ayant des
posent pas obligatoirement à des zones de sclérose cuta- origines africaines ¹².
née, sont la face antérieure du thorax, la conque de l’oreille,
l’angle interne des paupières, et certaines zones intéres- Dermatomyosite
sées par la sclérose comme les avant-bras. Il existe parfois
également des zones de dépigmentation uniforme de pe- Les symptômes cutanés de la dermatomyosite sont plus
tite taille au niveau des doigts. L’achromie peut permettre difficiles à évaluer sur peau fortement pigmentée que sur
d’identifier des télangiectasies associées, autre signe évo- peau claire, du fait d’une composante érythémateuse pré-
cateur de la maladie qui est sinon difficile à mettre en évi- pondérante qui devient peu visible : l’érythème « lilacé »
dence du fait de la pigmentation. La dépigmentation peut des paupières est remplacé par une hyperpigmentation dis-
être affichante et susciter une demande thérapeutique spé- crète, ou fait défaut (fig. 19.5) ; l’érythème péri-unguéal n’est
cifique, mais ne semble malheureusement sensible à au- pas ou peu visible. Au cours d’une observation de derma-
cun traitement, symptomatique ou de fond ; une régres- tomyosite chez une Jamaïcaine, les signes cutanés se résu-
sion spontanée partielle est toutefois possible. Il n’y a pas maient à une hyperpigmentation du dos des mains et de
d’explication connue à la fréquence de survenue de cette la région périorbitaire, s’accompagnant de fissures des cuti-
manifestation dyschromique si particulière sur peau dite cules unguéales ¹³. Au contraire, les papules de Gottron ont
noire, qui contraste avec son apparente absence sur peau souvent un aspect achromique facilitant leur mise en évi-
claire ; nous suggérons que c’est la pigmentation physio- dence. Un aspect poïkilodermique est également aisé à iden-
logique des peaux dites noires qui révélerait une forme tifier (fig. 19.6). Des troubles dyschromiques vitiligoïdes fo-
particulière d’achromie respectant les orifices pilaires, en caux sont parfois observés, ainsi que, rarement des aspects
Sarcoïdose 19-5

d’achromie mouchetée voisins de ceux observés au cours que sur peau dite blanche, le purpura n’étant franchement
de la sclérodermie ; nous souhaitons récuser toutefois la visible que sur peau relativement claire. Souvent, des as-
notion selon laquelle les sclérodermies sur peau dite noire pects secondaires, nécrotiques ou bulleux, sont en fait au
seraient majoritairement des sclérodermatomyosites : si premier plan de la symptomatologie (fig. 19.7).
cette éventualité existe, elle est, dans notre expérience, lar- Les symptômes de la périartérite noueuse sont en règle
gement minoritaire par rapport aux cas de sclérodermie facilement appréciables. C’est sur un autre plan qu’il nous
systémique (ou de dermatomyosite) « purs ». semble important d’insister : chez les sujets originaires
de zones endémiques pour la lèpre, l’érythème noueux lé-
Vasculites preux, parfois révélateur, réalise un tableau général et cu-
tané qui peut simuler de près une périartérite noueuse :
En France, la prévalence des vasculites systémiques graves efflorescence de nodules dermiques avec lésions histolo-
chez l’adulte a été rapportée comme étant plus élevée giques de vascularite nécrosante des petits et des moyens
chez les sujets d’origine européenne par rapport aux non- vaisseaux, neuropathies périphériques aiguës, arthrites, et
Européens ¹⁴. En Angleterre au contraire, la maladie de Ka- fièvre, sont en effet possibles au cours des deux entités.
wasaki et d’autres formes de vasculites ont été rapportées
comme étant plus fréquentes chez les enfants originaires Sarcoïdose
d’Inde ¹⁵ ; un ratio analogue a été rapporté aux États-Unis
chez les sujets originaires du Pacifique et d’Asie ¹⁶. En ce qui La fréquence particulière de la sarcoïdose chez les sujets
concerne la maladie de Behçet, celle-ci semble très inhabi- d’origine antillaise est une notion bien connue. À ce propos,
tuelle chez les sujets originaires d’Afrique sub-saharienne, il convient d’éviter à notre avis deux erreurs qui seraient :
sans doute du fait de la rareté relative dans cette population 1o d’étendre cette prédisposition, effectivement flagrante
des allèles HLA connus comme étant fortement associés à mais qui ne concerne qu’un groupe de population bien dé-
cette maladie. fini, à d’autres groupes ayant un degré de pigmentation si-
Sur le plan sémiologique, l’identification du purpura infiltré milaire, notamment celui des Africains sub-sahariens chez
typique des vasculites leucocytoclasiques est plus difficile qui aucune donnée n’a en fait documenté une telle prédis-
position. Rappelons au contraire que la sarcoïdose est une
affection considérée comme rare en Afrique, même si la mé-
connaissance de nombreux cas, susceptibles d’être confon-

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Fig. 19.9 Aspect de Facial Afro-Carribean Childhood Eruption (FACE)


chez une Africaine âgée de 14 ans. Les lésions, qui étaient satellites d’une
application de corticoïdes locaux, ont régressé complètement après un
Fig. 19.8 Sarcoïdose hypochromique profuse traitement oral par cyclines de quelques semaines
19-6 Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire

dus avec une tuberculose ou, pour ce qui est des formes sarcoïdose est l’entité décrite sous le nom de Facial Afro-
dermatologiques, une lèpre, ne peut être exclue ; 2o d’at- Caribbean Childhood Eruption (FACE) ¹⁸. Cette maladie est
tribuer toute manifestation médicale inhabituelle surve- caractérisée par la survenue, chez des enfants originaires
nant chez un patient originaire des Antilles, surtout si elle de la région Caraïbe mais aussi d’Afrique, de papules plus
est histologiquement granulomateuse, à une sarcoïdose. ou moins inflammatoires du visage prédominant dans
Nous ne détaillerons pas l’ensemble des manifestations la région médio-faciale, au niveau péribuccal et périocu-
dermatologiques possibles de la sarcoïdose sur peau dite laire notamment, avec atteinte possible et évocatrice des
noire, dont le polymorphisme a été souligné à de multiples paupières (fig. 19.9). L’histologie, qui à notre avis n’est
reprises ¹⁷. Un aspect sur lequel il nous semble cependant pas habituellement requise du fait de l’aspect assez ca-
important d’insister concerne les formes hypochromiques ractéristique du tableau clinique, mettrait en évidence
de cette affection, non exceptionnelles et volontiers trom- un granulome épithélioïde banal. Une régression est pos-
peuses. Il peut s’agir d’une hypochromie accompagnant sible sous traitement oral par cyclines, classe médicamen-
des lésions papuleuses par ailleurs typiques, par exemple teuse qui en représente le traitement de choix, ou, en
à leur périphérie, mais aussi de formes purement macu- cas de contre-indication, macrolides. La physiopatholo-
leuses (fig. 19.8). La sarcoïdose nous semble ainsi constituer gie de cette affection rare, qui semble proche de cas dé-
un diagnostic à savoir évoquer facilement devant une hypo- crits chez des enfants ayant la peau claire sous les in-
chromie sur peau dite noire, tout particulièrement lorsqu’il titulés de « dermatite périorale granulomateuse de Gia-
s’agit de lésions disséminées, au même titre qu’une lèpre, notti », ou de « dermatite périorificielle papuleuse », ou
un mycosis fongoïde hypochromique, ou un vitiligo minor. de certaines rosacées, est assez mystérieuse ; on retrouve
Par ailleurs, une affection granulomateuse à prépondé- dans certains cas une application intempestive de corti-
rance ethnique qui ne doit pas être confondue avec la coïdes.

1 Mahé A. Dermatologie sur peau noire. Doin, racial and socioeconomic influences. Arch Intern 14 Mahr A, Guillevin L, Poissonnet M, Ayme
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Mahé A, Ly F. Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds,
Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 19.1-19.6.
20
Capillaroscopie péri-unguéale
Jean-Jacques Morand

Étude du réseau vasculaire péri-unguéal 20-1 Références 20-6


Principales anomalies capillaroscopiques péri-unguéales
observées en médecine interne 20-3

L a capillaroscopie péri-unguéale est une méthode


simple, non invasive, assez rapide, reproductible et de
coût modeste, permettant d’évaluer in vivo la microcircu-
lation digitale. Elle permet de dépister précocement une
sclérodermie et constitue de ce fait un examen d’explora-
tion des acrosyndromes vasculaires.
Le choix de ce site d’examen s’explique par l’horizontali-
sation des capillaires en arrière de la cuticule unguéale ;
la technique la plus usitée demeure l’analyse en microsco-
pie optique (avec un grossissement allant de 10 à 50 fois)
par technique d’épi-illumination de l’épiderme grâce à un
éclairage puissant par lumière froide et après application
d’une goutte de vaseline liquide ou d’huile sur la peau. La vi-
déomicroscopie facilite, grâce à des caméras miniaturisées
avec éclairage incorporé et optique grossissante, l’étude des
zones plus difficiles d’accès et notamment des orteils. La
numérisation des images permet le stockage des données,
leur comparaison et l’analyse qualitative et quantitative,
assistée par ordinateur, des anomalies capillaires. La capil-
laroscopie du « médecin aux mains nues » est réalisée grâce
au dermatoscope.
L’élément fondamental d’analyse est la boucle capillaire
Coll. Pr J.-J. Morand, Toulon

(pour près de la moitié en épingle à cheveux chez le su-


jet normal) avec une branche afférente artérielle de 8 à
10 μm et une branche efférente veineuse plus épaisse de
10 à 14 μm (fig. 20.1).

Étude du réseau vasculaire péri-unguéal Fig. 20.1 Représentation schématique de la boucle capillaire

Elle doit être rigoureuse et porter sur l’ensemble des doigts d’un certain « pattern » ou la vision d’une anomalie perti-
(les auriculaires étant souvent les plus préservés, les pouces nente.
étant difficiles à examiner et volontiers traumatisés ; une Les dystrophies capillaires attirent ainsi le regard ; cer-
légère flexion du doigt diminue les reflets lumineux ; il faut taines sont toujours pathologiques comme le mégacapil-
se méfier des artéfacts liés à la compression du doigt par le laire (fig. 20.2) qui correspond à un capillaire dilaté de
manipulateur) et suivre un plan précis (encadré 20.A) même diamètre supérieur à 50 μm (habituellement autour de
si l’expérience montre qu’une observation globale et rapide 100 μm) et de faible longueur (100 à 300 μm) ; d’autres
parfois même à faible grossissement, permet l’évocation ne le sont qu’en fonction de leur nombre (fig. 20.3). Il existe
20-2 Capillaroscopie péri-unguéale
Recueil des données en capillaroscopie péri-unguéale
 Mensurations
− Densité du réseau capillaire : 9 à 13 anses / mm.
− Nombre de rangées : 1 à 3, parallèles entre elles et à l’axe du doigt.
− Longueur = 200 à 400 μm.
− Diamètre afférent = 8 à 10 μm, diamètre efférent = 10 à 14 μm, pour les capillaires typiques en « épingles à cheveux ».
− Nombre et superficie des zones avasculaires = 0.
 Morphologie capillaire
− Aspect (sinuosités, variations de calibre) : les branches d’une boucle capillaire peuvent se croiser une à deux fois donnant une sinuosité en
anneau ou en huit.
− Mode de ramification : la seule ramification observable chez le sujet normal est la confluence de 2 ou 3 branches efférentes ou « candélabre
veinulaire ».
 Fonctionnement capillaire
− Flux sanguin : continu avec des variations de vitesse ou intermittent avec des arrêts sans périodicité régulière.
− Vitesse  0,7 mm / seconde (branche afférente > efférente).
− Couleur : rouge vif normalement (coloration plus foncée, violine en cas de stase).
− Aspect (fonction de la vitesse du flux) : homogène (granulaire en cas de ralentissement, discontinu en cas d’agrégation érythrocytaire).
− Vasolabilité (estimation des variations de régime d’écoulement du sang sur une minute).
 Veinules sous-papillaires
− Visibilité (fonction de l’épaisseur de la couche cornée péri-unguéale) : diminuée chez le travailleur manuel ou le sujet pigmenté, augmentée en
cas d’atrophie cutanée, chez l’enfant et le vieillard ; chez le sujet normal, les veinules sont à peine visibles.
− Aspect : normalement en « candélabre » ou en « palissade », de couleur sombre bleutée, de diamètre = 20 à 35 μm.
 Tissus péricapillaires
− Couleur de fond et transparence (fonction de la pigmentation épidermique et de la réplétion sanguine des vaisseaux sous-papillaires) : norma-
lement rose clair, transparent, avec des contours de capillaires (en fait des colonnes de globules rouges) bien nets.
− En cas d’œdème (inflammatoire ou de stase), les contours de la papille dermique sont soulignés, formant un halo clair autour de la boucle
capillaire.
− En cas d’hémorragie, on observe un croissant rouge orangé au-dessus de la boucle capillaire qui régresse selon les couleurs de la biligénie.
17.A

des sinuosités capillaires physiologiques (fig. 20.4) et des tor- type d’écoulement des érythrocytes qui se déforment dans
tuosités capillaires (en « tire-bouchon » ou en « feuille de la lumière capillaire et qu’on voit cheminer : on obtient
fougère ») (fig. 20.5) qui sont pathologiques lorsque leur pro- ainsi une approche dynamique. Le sludge résulte soit d’un
portion dépasse 10 % des vaisseaux. ralentissement du flux avec un aspect granulaire ou discon-
De même l’existence de zones avasculaires (plage déserte tinu, soit d’une agrégation érythrocytaire liée à une dyslipi-
= moins de 2 anses par millimètre) est anormale. On dé- démie, une dysglobulinémie, un syndrome inflammatoire
nombre en moyenne une douzaine d’anses capillaires par ou des altérations cellulaires ; la stase est parfois majeure
millimètre selon une disposition parallèle répartie en deux lors de dystrophie capillaire sévère pouvant aboutir à un mi-
ou trois rangées ; parfois, en raison d’une certaine atro- crothrombus. La vasolabilité est la variabilité de vitesse du
phie cutanée (polyarthrite rhumatoïde) ou bien d’une stase flux sanguin qui peut être estimée grossièrement en fixant
(myocardiopathie) le réseau profond notamment veinu- son attention sur quelques capillaires durant une minute.
laire (plexus sous-papillaire) est plus visible et l’on observe Le test au froid (immersion de la main dans une eau com-
des images en candélabre. L’aspect en « banc de poissons » prise entre 10 et 15 ◦ C) n’est pas obligatoire lorsque la des-
n’est pas non plus spécifique mais se retrouve plus vo- cription du phénomène de Raynaud est typique ; il sera
lontiers lors de micro-angiopathie diabétique. L’observa- d’autant plus prudent que le malade décrit des phénomènes
tion du lit capillaire et de sa périphérie permet d’obser- d’urticaire ou de malaise après exposition au froid ou à l’eau
ver des microhémorragies généralement en « volutes de ou qu’il présente des lésions acrales à type d’engelures ou
fumée » (fig. 20.6), se transformant par phénomène de biligé- de purpura nécrotique. Le test est caractéristique lorsqu’il
nie en pigments brunâtres qui migrent vers le rebord épider- associe une syncope digitale distale cliniquement visible
mique ; elles résultent d’une extravasation érythrocytaire et une extinction capillaire à la capillaroscopie (en effet,
fréquente lors de vasculite, et ne doivent pas être confon- elle ne visualise pas la paroi des capillaires mais les éry-
dues avec des pétéchies traumatiques. On peut noter aussi throcytes qui en moulent la lumière et, de ce fait, seuls les
un flou du fond ou un halo clair lors d’inflammation. L’ana- capillaires fonctionnels sont visibles) ; parfois, on observe
lyse plus fine au fort grossissement (× 100) objective le seulement une raréfaction des boucles d’aspect grêle, un
Principales anomalies capillaroscopiques péri-unguéales observées en médecine interne 20-3

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis
Fig. 20.2 Mégacapillaires : ils sont toujours pathologiques et s’observent surtout dans la dermatomyosite, souvent lors de sclérodermie et lors de
syndrome de Sharp, parfois lors de lupus

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Coll. D. Bessis
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Coll. Pr J.-J. Morand, Toulon

Fig. 20.4 Sinuosités physiologiques à type de caducée ou de huit


$BQJMMBJSFHÏBOU 1FMPUPO
pie demeure un exercice dont la valeur prédictive est limitée
.JDSPDBQJMMBJSF
en soi. En revanche, elle constitue souvent un argument
Fig. 20.3 Représentation schématique des dystrophies capillaires supplémentaire pour poser un diagnostic (sclérodermie : at-
teinte capillaire quasi systématique ; fasciite de Shulmann :
ralentissement du flux, voire une stagnation complète sur absence d’atteinte capillaire), classifier une maladie de sys-
certaines anses et une pâleur du fond. tème (syndrome de Sharp par exemple) ou motiver une
surveillance évolutive. Ainsi c’est la synthèse des résultats
de l’anamnèse, de l’examen clinique, de la capillaroscopie et
Principales anomalies capillaroscopiques parfois d’autres explorations surtout biologiques (notam-
péri-unguéales observées en médecine interne ment anticorps antinucléaires, anti-Scl70 ou anticentro-
mères), qui permet de distinguer la maladie de Raynaud du
Le recueil de l’ensemble de ces données (mensurations et phénomène de Raynaud secondaire.
morphologie des capillaires, analyse du flux et des tissus En somme, la capillaroscopie est un examen fondamental
péricapillaires) permet de s’orienter vers telle ou telle af- dans la démarche diagnostique initiale d’un acrosyndrome
fection (tableau 20.1). Il est parfois plus difficile d’affirmer la vasculaire. Elle est plus pertinente lors de phénomène de
normalité que d’objectiver une pathologie ; la capillarosco- Raynaud. L’acrocyanose est surtout un diagnostic clinique,
20-4 Capillaroscopie péri-unguéale

Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Fig. 20.7 Dystrophie capillaire ectasiante

la tablette unguéale et toute manifestation syndromique


Fig. 20.5 Tortuosités capillaires avec aspect en feuille de fougère faisant suspecter une maladie de système notamment lors
de suspicion de sclérodermie, de dermatomyosite, de lupus
la capillaroscopie retrouvant une stase capillaro-veinulaire ou de syndrome frontière.
responsable de la cyanose ; la fréquente association à une Le phénomène de Raynaud constitue un des principaux
authentique maladie de Raynaud en rend l’interprétation symptômes révélateurs de la sclérodermie : la dystrophie
plus délicate. L’érythermalgie est facilement évoquée sur capillaire ectasiante (fig. 20.7) et raréfiante en est caractéris-
l’anamnèse ; la capillaroscopie retrouve en crise une dilata- tique ; elle ne peut concerner initialement que quelques
tion des capillaires, un fond érythémateux et un flux éry- doigts et elle évolue au cours du temps, les mégacapillaires
throcytaire accéléré. pouvant laisser place à des néovaisseaux ou à des plages
La capillaroscopie sera réalisée assez systématiquement désertes.
devant des engelures récurrentes et sévères, des doigts bou- Il existe néanmoins une population de malades pour la-
dinés avec arthralgies, un livédo a fortiori racemosa ou des quelle il est impossible d’affirmer la normalité ou bien de
télangiectasies multiples, une urticaire chronique ou un poser un diagnostic d’affection : ils présentent des capil-
purpura vasculaire, d’autant plus s’ils surviennent après laires dilatés sans mégacapillaire vrai, diverses dystrophies
exposition au froid, des hémorragies en flammèches sous de proportion variable et/ou des microhémorragies avec
Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 20.6 Les microhémorragies capillaires migrent en « volutes de fumées » et leur coloration se modifie selon la biligénie
Principales anomalies capillaroscopiques péri-unguéales observées en médecine interne 20-5

Tableau 20.1 Principales anomalies capillaroscopiques en médecine interne


Capillaroscopie Mensurations Morphologie capillaire Fonctionnement capillaire Veinules sous-papillaires Tissus péricapillaires
péri-unguéale
Acrocyanose Densité normale, dilatation Boucles sinueuses Flux lent volontiers Veinules plus souvent Fond pourpre, transparent,
asymétrique des cyaniques granulaire (= sludge), visibles, cyaniques et gouttelettes de sueur ++,
2 branches, ∅ efférent > vasolabilité nulle dilatées ± hémorragies, œdème
30-40 μm
Acrorighose ↓ densité (< 8/mm), Boucles grêles Flux granulaire, Veinules ± visibles Fond pâle
↓∅ vasolabilité ++
Érythermalgie Densité N, ∅ variable, Capillaires ramifiés ; Flux granulaire, Veinules ± visibles Flou ouaté ± halos, fond
longueur ↑ remplissage massif en vasolabilité ++ érythémateux en crise
crise
Maladie de Raynaud Densité N ou discrète Absence de mégacapillaire Extinction capillaire après Veinules ± visibles Fond pâle. Absence
idiopathique réduction du nombre des et de capillaire régressif. exposition au froid et d’exsudat
anses (mais toujours Anses fines fréquentes. diminution de la réaction
> 7/mm), Absence de plage déserte d’hyperhémie
∅ et longueur N post-critique ;
vasolabilité ++
Sclérodermie (SclS) stade I Densité N ou discrète Anomalies modérées, Stase localisée Veinules ± visibles Flou ouaté ± œdème
(phénomène de Raynaud) réduction, disséminées et distales : péricapillaire
∅ N ou ↑ modérée, dystrophie anévrismale du
↓ longueur sommet de la boucle,
anses courtes et ouvertes
en U
SclS stade 2 ↓ densité (< 8/mm), Mégacapillaires, capillaires Flux granulaire, Veinules ± visibles Flou ouaté ± nacré, ±
(microtélangiectasie) ↑ ∅ des 2 branches régressifs rares vasolabilité nulle halos, hémorragie,
(> 50 μm), ↓ longueur thrombose
SclS stade 3 ↓ densité (< 6/mm), Mégacapillaires Flux inhomogène, assez Veinules ± visibles Flou nacré, pâleur, ±
(acrosclérose) ∅ > 100 μm monstrueux plus sombre sur certaines dépôts pigmentaires,
Zones avasculaires nombreux + capillaires boucles, vasolabilité nulle halos, hémorragie,
> 500 μm régressifs ± capillaires thrombose
ramifiés
SclS stade 4 ↓ densité (< 3/mm), Raréfaction des Flux sombre, Veinules ± visibles Flou nacré intense,
(scléro-atrophie, ischémie) ∅ variable mégacapillaires et des vasolabilité nulle pâleur ++, dépôts
Zones avasculaires +++ capillaires régressifs pigmentaires
Dermatomyosite ↓ densité (< 8/mm), ∅ Mégacapillaires, ± Flux rouge vif Veinules ± visibles Fond transparent et
variable souvent ↑, pas capillaires régressifs + (hyperhémie), ± coloré, souvent halos
de zone avasculaire capillaires ramifiés en granulaire, papillaires marqués,
feuilles de fougères et en vasolabilité nulle fréquentes hémorragies
peloton glomérulaire
Lupus érythémateux Densité N, ∅ variable, Polymorphe : capillaires Flux sombre très Veinules visibles parfois Fond coloré, légèrement
disséminé longueur ↑ ramifiés, parfois capillaires granulaire à discontinu ; de disposition anarchique flou, halos plus
dilatés sur les 2 branches, vitesses d’écoulement très hémorragies
tortuosités en variables, vasolabilité
« tire-bouchon » +++
Polyarthrite rhumatoïde ↓ densité (< 10/mm), Capillaires ramifiés en Flux coloré granulaire, Veinules visibles souvent Fond net sans halo, très
∅ variable, longueur ↓ réseaux, en créneaux, en rapide, vasolabilité ++ de disposition anarchique pâle ± hémorragies
bouquets courts, en
feuilles de fougères
Syndrome de Sharp Densité, ∅ et longueur Polymorphe, regroupant Flux ± cyanique Veinules ± visibles Fond coloré ± flou ouaté,
variables des signes de SS, DM, ± granulaire, ± halos, ± hémorragies
LED, PR : mégacapillaires vasolabilité +++
ou anses ouvertes en U,
en « corne de cerf » +
capillaires ramifiés
Vascularites Densité, ∅ et longueur Capillaires ramifiés en Flux ± sombre Veinules ± visibles Halos + hémorragies ±
variables réseaux, en bouquets, en ± granulaire, thrombose
« feuille de fougère » vasolabilité ++
Maladie de Buerger Densité ↓, ∅ afférent ↓, Capillaires grêles Flux de couleur normale Veinules ± visibles Fond pâle, ± flou sans
longueur↑ rectilignes ; phénomène granulaire, vasolabilité ++ halo, gouttelettes de sueur
d’extinction après
inhalation de fumée de
tabac
Polyglobulie Densité, ∅ et longueur ↑ Capillaires sinueux épaissis Flux lent, rouge un peu Veinules visibles, dilatées Fond bien coloré sans
sombre, vasolabilité + et sombres halo, hémorragies
∅ : diamètre ↑ : augmentation ↓ : diminution
20-6 Capillaroscopie péri-unguéale

sludge (fig. 20.8) alors que l’examen clinique et les explora-


tions biologiques ne permettent pas d’identifier telle ou
telle maladie. Il importe alors d’assurer un suivi prolongé
et de renouveler les examens en fonction de l’évolution.
En conclusion, la place de la capillaroscopie dans la straté-
gie diagnostique des acrosyndromes vasculaires se situe
juste après l’anamnèse et l’examen clinique ; d’ailleurs, elle
peut se faire dans le même temps grâce à un dermato-
scope. En cas d’acrosyndrome au froid typique de maladie
de Raynaud, si la capillaroscopie est sans anomalie majeure,
qu’elle objective ou non une extinction au froid, il est in-

Coll. D. Bessis
utile de poursuivre les investigations (hormis peut-être la
recherche d’anticorps antinucléaires). Si l’interrogatoire
et l’examen comportent des atypies, quel que soit le résul-
tat de la capillaroscopie a fortiori si elle est anormale, il Fig. 20.8 Migration discontinue des érythrocytes lors de sludge
faut poursuivre les investigations biologiques et radiolo-
giques. Lorsque la capillaroscopie objective une dystrophie
capillaire ectasiante et/ou raréfiante, même en l’absence
d’auto-immunité biologique (anti-Scl70, anti-centromères,
anti-RoSSA), il faut assurer un suivi et répéter les examens.

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dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 20.1-20.6.
21
Dermatopathologie et maladies systémiques
Janine Wechsler

Généralités sur la biopsie cutanée 21-1 Dépôts anormaux 21-7


Mode de prélèvement 21-1 Lésions granulomateuses 21-7
Choix de la lésion à prélever 21-1 Dermatoses neutrophiliques 21-9
Renseignements cliniques 21-1 Dermatoses éosinophiliques 21-9
Fixation de la biopsie 21-2 Vasculites 21-10
Colorations et immunomarquages 21-2 Lexique des termes utilisés en pathologie inflammatoire
Congélation 21-2 cutanée 21-11
Principaux aspects histopathologiques observés dans Épiderme 21-11
les maladies systémiques 21-3 Derme 21-12
Lésions de la jonction dermo-épidermique 21-3 Hypoderme 21-12
Infiltrats lymphocytaires sans vasculite 21-5 Références 21-12
Scléroses inflammatoires 21-6

Renseignements cliniques
Généralités sur la biopsie cutanée
Toute biopsie doit être adressée avec des renseignements
Mode de prélèvement cliniques aussi précis que possible : siège de la lésion biop-
C’est un geste simple réalisé sous anesthésie locale, par siée, répartition, aspect des lésions cutanées en cas d’érup-
injection hypodermique de lidocaïne à 1 % avec ou sans tion, éventuelle association à une atteinte muqueuse, an-
adrénaline. L’adrénaline diminue le saignement mais est cienneté et délai d’apparition des lésions, mode d’évolution
contre-indiquée dans les zones à vascularisation terminale (régressive ou fixe), signes généraux, signes extracutanés,
(doigts, nez, verge). Chez l’enfant, une crème anesthésiante âge, sexe, ethnie, anomalies biologiques. Préciser le mo-
peut être utilisée avant l’injection mais elle entraîne des ment de la biopsie par rapport à l’histoire d’une dermatose
artéfacts qui peuvent gêner l’interprétation histologique. est capital. Ainsi, une même lésion peut s’observer au cours
La biopsie à l’aide d’un trocart calibré (ou punch) est plus d’une dermatose présente depuis plusieurs années, ou de-
facile à faire et donne des résultats plus reproductibles que puis quelques jours seulement. Les conclusions ne seront
la biopsie au bistouri. De nombreuses techniques peuvent évidemment pas les mêmes. Par ailleurs, le clinicien doit
être réalisées à partir d’une seule biopsie si sa taille est informer le pathologiste d’un traitement susceptible de mo-
suffisante : 4 mm en moyenne, exceptionnellement 2 mm difier les lésions : les corticoïdes provoquent une atrophie
sur le visage ou chez le petit enfant. Après fixation, il épidermique, des altérations de la trame élastique et colla-
faut se rappeler que les tissus se rétractent et que la quan- gène, des télangiectasies dont il faut tenir compte lors de
tité utilisable est toujours inférieure à la quantité préle- l’interprétation. Lorsque les lésions sont multiples et diffé-
vée. rentes, il y a intérêt à faire plusieurs biopsies en informant
le pathologiste de l’aspect clinique correspondant.
Choix de la lésion à prélever Des hypothèses diagnostiques peuvent être proposées par
Toute lésion cutanée ou muqueuse peut être prélevée le clinicien mais elles ne doivent pas remplacer les infor-
mais le choix de la lésion est capital. Il faut biopsier des mations indispensables au raisonnement du pathologiste.
lésions représentatives de la dermatose, récentes ou en Aucune lésion histologique n’étant spécifique d’une seule
pleine évolution car elles se modifient avec le temps et maladie, le diagnostic résulte de la confrontation anatomo-
peuvent devenir moins typiques du fait d’une régression clinique. Après discussion, la complémentarité des don-
partielle ou de phénomènes intercurrents (grattage, surin- nées cliniques et histologiques aboutit, dans le meilleur
fection). des cas, à un seul diagnostic, mais parfois seule l’évolution
permet de trancher entre 2 ou 3 hypothèses.
21-2 Dermatopathologie et maladies systémiques

Tableau 21.1 Principales colorations Tableau 21.2 Principaux anticorps utilisés pour
histochimiques identifier les cellules des infiltrats cutanés
Type de réactif, Anticorps Cellules détectées
Structure identifiée
nom de la coloration CD45, antileucocyte commun Leucocytes
Hemalun, Hematéine Noyaux CD2, CD3, CD5, CD7 Lymphocytes T
Éosine, érythrosine Cytoplasmes CD4 Lymphocytes T-helper
Safran Collagène CD8 Lymphocytes T-suppresseurs
Orcéine Fibres élastiques CD20, CD79a Lymphocytes B
Bleu Alcian Mucine CD68 Macrophages, monocytes
Bleu de toluidine Mac 387
Bleu Astra
PS100 Cellules de Langerhans
Fer colloïdal
CD1a
Mucicarmin
Antimyéloperoxydase Polynucléaires, myélocytes
Giemsa Mastocytes
Bleu de toluidine CD117 (C-kit) Mastocytes
Rouge Congo Substance amyloïde
Thioflavine T
Violet de Paris
les distinguer des lymphomes et des localisations des hé-
mopathies. Dans le tableau 21.2, sont listés les principaux an-
Fontana Mélanine
ticorps et les cellules qu’ils identifient. Des virus peuvent
Perls Hémosidérine
être détectés par immunohistochimie, notamment Herpès-
Von Kossa Calcium
Varicelle-Zona, Herpès virus 8, cytomégalovirus...
PAS (Periodic-Acid-Shiff) Glycogène, mucus
Gomori-Grocott Champignons Congélation
PAS
Immunofluorescence cutanée directe La technique la
Gram Germes plus utilisée est l’immunofluorescence directe par incuba-
Ziehl
Warthin-Starry
tion des coupes congelées avec des anticorps (anti-IgG, anti-
IgA, anti-IgM, anti-C 3) couplés à un marqueur fluorescent.
Le résultat s’observe en lumière UV. La même technique
Fixation de la biopsie pourrait être utilisée avec une méthode de révélation enzy-
Le fixateur le plus courant est le formol dilué à 10 %, si matique permettant l’examen des coupes en lumière pho-
possible tamponné avec une solution de sérum salé NaCl tonique, mais elle est un peu plus longue et donc moins
isotonique). Il permet une assez bonne morphologie et utilisée. Théoriquement, la recherche d’immunoglobulines
les immunomarquages réalisables sur coupes incluses en et de complément pourrait se faire sur coupes fixées et in-
paraffine. Il conserve en outre les acides nucléiques qui cluses en paraffine, mais cette technique est moins sensible
peuvent faire l’objet de techniques de biologie moléculaire. du fait de l’altération des dépôts extracellulaires d’immuno-
D’autres fixateurs, comme l’AFA (mélange Alcool-Formol- globulines par la fixation.
Acide acétique) incolore comme le formol, le liquide de Avant la congélation, il est conseillé de déposer la biopsie
Bouin jaune permettent une meilleure morphologie mais cutanée par sa face inférieure sur un petit carré de bristol
altèrent les acides nucléiques, les rendant impropres à la puis de l’introduire dans un tube de plastique sec. Le tube
plupart des techniques de biologie moléculaire. fermé est immergé dans l’azote liquide. Si le lieu du prélève-
ment est à moins d’une heure du laboratoire, il est possible
Colorations et immunomarquages de transmettre la biopsie fraîche posée sur une compresse
Colorations Après inclusion en paraffine, la coloration imbibée de sérum physiologique dans un flacon bien fermé
standard est bichromique (Hémalun-Éosine = HE) ou pour éviter la dessication du prélèvement. Si le laboratoire
trichromique (Hémalun-Éosine-Safran = HES). Des colo- est plus éloigné, la biopsie peut être conservée 3 à 4 jours
rations spéciales sont éventellement demandées par le à température ambiante dans le liquide de Michel ¹ avant
pathologiste selon l’aspect initial. Elles mettent en évi- la congélation, ce qui permet l’envoi postal.
dence des structures, des pigments, des micro-organismes Dans le cadre des maladies systémiques, l’indication ma-
(tableau 21.1). La recherche de graisses ne peut se faire que jeure de cet examen est le lupus érythémateux. En peau
sur un prélèvement congelé, le xylène nécessaire au dépa- lésée, on note une spécificité de 87 % pour le lupus systé-
raffinage dissous les graisses. mique et une sensibilité de 93 % ². La positivité se traduit
Immunomarquages Grâce à l’amélioration de la qualité par la présence d’une bande granuleuse continue ou « lupus
des anticorps du commerce, ils peuvent être appliqués sur band test », le long de la basale épidermique et des follicules
coupes de paraffine qui permettent une meilleure morpho- pileux. Le dépôt d’IgG est le plus spécifique. Il peut s’accom-
logie que les coupes congelées. Dans le domaine de la pa- pagner d’IgM, d’IgA et de complément. Des faux-positifs
thologie inflammatoire, l’indication principale est l’identi- sont vus avec l’IgM notamment dans la rosacée, les lucites.
fication des infiltrats cutanés. Elle est indispensable pour En peau saine exposée, l’intérêt de l’immunofluorescence

 UV ultraviolets
Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques 21-3

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Fig. 21.1 Lichen plan : découpage de la basale épidermique par un Fig. 21.2 Lupus érythémateux : vacuolisation de la couche basale (VCB)
infiltrat lymphocytaire (IL), présence de corps hyalins (CH), hypergranulose par nécrose des kératinocytes (NK), atrophie du corps muqueux (CM),
(HG), hyperkératose (HK) orthokératosique (coloration HES) épaississement hyalin de la zone sous-basale, infiltrat lymphocytaire (IL)

est moindre car il n’est positif que dans 50 à 60 % des cas. mies — ne seront pas traitées ici car elles ont été décrites
En peau saine non photo-exposée, l’immunofluorescence dans les chapitres correspondants.
directe est utile au diagnostic de lupus mais ne permet pas
de distinguer le lupus cutané du lupus systémique ³. Lésions de la jonction dermo-épidermique
Dans les vasculites, l’immunofluorescence directe montre Ces lésions sont dites « lichénoïdes » car elles ont pour mo-
des dépôts d’immunoglobulines et de complément dans dèle le lichen plan. Leur point commun est la nécrose, va-
les parois vasculaires. Son intérêt est limité. En effet, il cuolaire ou apoptotique. Elle intéresse principalement les
confirme seulement l’aspect clinique et histologique, il ne cellules de la basale épidermique. Il s’y associe une exocy-
renseigne pas sur la cause de la vasculite. De plus, cet exa- tose de lymphocytes souvent disposés autour des cellules
men peut être faussement négatif en raison de la dispa- en nécrose, réalisant des images dites de « satellite cell necro-
rition des complexes immuns au bout de quelques jours sis ». L’infiltrat est d’importance variable, tantôt horizontal
d’évolution. La présence d’IgA sur les vaisseaux est consi- sous-basal, tantôt périvasculaire.
dérée comme évocatrice de purpura rhumatoïde ⁴. Lichen plan Cette dermatose papuleuse, habituellement
Techniques de biologie moléculaire La recherche de sans cause précise, peut toutefois accompagner d’autres
clone lymphocytaire et d’antigènes infectieux par PCR se affections : hépatopathies ⁵, maladies auto-immunes. Dans
fait habituellement sur prélèvements congelés. Cependant, le lichen plan, les lésions de la basale s’accompagnent de
certaines techniques peuvent se réaliser sur paraffine de modifications épidermiques (fig. 21.1) : hypergranulose, hy-
même que la détection de certains agents infectieux, bacté- peracanthose, découpage de la basale en arcades, signes
rien ou viral par PCR ou hybridation in situ (virus d’Epstein- que l’on ne voit habituellement pas dans le lupus et les
Barr par la sonde Eber, papillomas virus humains). autres maladies systémiques comportant des lésions de la
jonction dermo-épidermique.
Lupus érythémateux Les lésions lichénoïdes s’observent
Principaux aspects histopathologiques dans toutes les formes de lupus. La nécrose est plus vacuo-
observés dans les maladies systémiques laire qu’apoptotique. L’épiderme est atrophique, il n’y a pas
d’hypergranulose. On note souvent un épaississement irré-
Des lésions très différentes peuvent se voir dans une même gulier de la zone sous-basale épidermique qui a un aspect
maladie et, inversement, une même lésion peut être com- hyalin (fig. 21.2). Dans le lupus chronique, l’hyperkératose
mune à plusieurs maladies. Le compte rendu est une inter- est nette, les ostiums pilaires sont dilatés avec présence de
prétation et non un résultat biologique. Il nécessite une bouchons cornés. Les infiltrats ont tendance à se prolonger
étroite collaboration entre le clinicien et le pathologiste. le long des poils aboutissant à une destruction des gaines
Le résultat de l’examen en dépend. L’interprétation du pa- pilaires (fig. 21.3). Ces modifications sont beaucoup moins
thologiste aboutit le plus souvent à décrire un tableau his- nettes dans le lupus aigu. L’immunofluorescence directe
tologique qui fait envisager plusieurs hypothèses. Ce sont en montrant un dépôt d’immunoglobulines, notamment
ces tableaux que nous évoquerons ici pour aider le clini- d’IgG, sous la forme d’une bande finement granuleuse sous-
cien à comprendre les problèmes diagnostiques qu’ils sou- basale (fig. 21.4) et péripilaire, est une bonne aide au diag-
lèvent. nostic notamment dans les alopécies cicatricielles car l’exa-
Certaines lésions dont la traduction histopathologique est men est négatif dans le lichen plan qui est la deuxième
univoque — c’est le cas des amyloses et des paraprotéiné- cause d’alopécie ⁶,⁷. Le lupus peut provoquer des lésions
21-4 Dermatopathologie et maladies systémiques

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Fig. 21.3 Lupus érythémateux : infiltrats lymphocytaires, follicules
pileux atrophiques, dilatation d’un ostium pilaire avec bouchon corné Fig. 21.5 Lupus érythémateux bulleux : bulle sous-épidermique à
toit intact, accumulation de polynucléaires dans le clivage témoignant
muqueuses qu’il est difficile de distinguer de celles du li- de l’association à une maladie bulleuse auto-immune de la jonction
chen plan ⁸. dermo-épidermique
Le lupus érythémateux bulleux est rare. Des bulles sous-
épidermiques dues à l’intensité des nécroses kératinocy- dermo-épidermique est prédictive de dermatomyosite dans
taires peuvent entraîner des tableaux proches d’une épi- 93,5 % des cas ¹¹.
dermolyse toxique ⁹. Ces lésions sont spécifiques du lupus. Réaction du greffon contre l’hôte Dans les formes ai-
D’autres lésions bulleuses sont en rapport avec l’associa- guës, les lésions de la basale contrastent avec la discrétion
tion du lupus à une maladie bulleuse de la jonction dermoé- de l’infiltrat lymphocytaire (fig. 21.7). Toutefois, aucun des
pidermique (fig. 21.5) : pemphigoïde bulleuse, épidermolyse paramètres histologiques — la dyskératose, l’apoptose, les
bulleuse acquise, dermatite herpétiforme, dermatose à IgA images de satellite cell necrosis, la vacuolisation des cellules
linéaire. Elles ne sont pas spécifiques du lupus ¹⁰. Le type de la basale — ne permet de distinguer la réaction du gref-
de maladie bulleuse associée est identifié par les examens fon contre l’hôte des autres dermatoses pouvant survenir
en immunofluorescence. sur ce terrain (viroses, toxidermies, effets de la chimiothé-
Dermatomyosite Les lésions de la basale ne peuvent rapie) ¹². Deux formes s’observent dans la forme chronique
pas être différenciées de celles du lupus (fig. 21.6). La ten- de la réaction du greffon contre l’hôte : la forme lichénoïde,
dance atrophique de l’épiderme est moins nette que dans identique au lichen plan banal, et la forme sclérodermique.
le lupus, On note un œdème et des télangiectasies dans Cette dernière se distingue d’une sclérodermie banale par
le derme superficiel, mais les lésions sont parfois très dis- la présence constante de lésions du derme superficiel : infil-
crètes et la biopsie peut même avoir un aspect presque trat inflammatoire, incontinence pigmentaire, altérations
normal. En immunofluorescence directe, l’absence de « lu- nécrotiques de la jonction dermoépidermique ¹³,¹⁴.
pus band test » associée à la présence de dépôts de la frac- Toxidermies Les aspects lichénoïdes sont fréquents ¹⁵
tion C5-b9 du complément sur les vaisseaux et la jonction (fig. 21.8). La nécrose se traduit par des kératinocytes
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A B
Fig. 21.4 Lupus érythémateux : bande lupique sur la basale épidermique (A) et sur une basale pilaire (B) avec anti-IgG (immunofluorescence cutanée)
Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques 21-5

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Fig. 21.6 Dermatomyosite : altérations vacuolaires (V) de la basale
épidermique, au-dessus d’un derme discrètement inflammatoire et
œdémateux Fig. 21.8 Toxidermie : exocytose lymphocytaire (L) autour de cellules
nécrosées de la couche basale épidermique (NK), infiltrat du derme
apoptotiques étagés dans le corps muqueux. On peut papillaire
noter quelques polynucléaires notamment éosinophiles.
L’œdème du derme papillaire peut être important. peux (fig. 21.10). Le diagnostic différentiel de la panniculite
lupique est le lymphome sous-cutané T à type de pannicu-
Infiltrats lymphocytaires sans vasculite lite dont l’évolution peut être chronique par poussées réci-
Les infiltrats périvasculaires sont les plus fréquents. Ils divantes : le diagnostic de lymphome repose sur la mise en
sont composés d’une prédominance de lymphocytes T. De évidence d’une population lymphoïde atypique de phéno-
nombreuses pathologies sont à évoquer. Lorsque les infil- type T cytotoxique, le plus souvent CD8 positive.
trats lymphocytaires sont isolés, il est impossible de faire Les lésions des doigts et des orteils à type d’engelures se
un diagnostic précis. Ce sont les signes d’accompagnement traduisent par des infiltrats lymphocytaires périvasculaires
qui peuvent orienter le diagnostic. denses (fig. 21.11). Ils s’accompagnent d’une bande lupique
Lupus érythémateux Le lupus tumidus se caractérise en immunofluorescence cutanée. Ces formes habituelle-
par des infiltrats lymphocytaires dermiques qui peuvent ment associées à un lupus facial peuvent évoluer vers un
être denses et profonds (fig. 21.9). Les lésions épidermiques lupus systémique ¹⁶.
sont souvent discrètes, voire absentes, l’immunofluores- Autres pathologies Toutes les maladies systémiques, in-
cence peut être négative. Un aide au diagnostic est appor- flammatoires ou infectieuses, peuvent prendre l’aspect d’in-
tée par la présence d’infiltrats péripilaires avec atrophie filtrats lymphocytaires périvasculaires sans autre particula-
des poils ⁶. On évoquera le lupus si les infiltrats lymphocy- rité. Il est donc impossible de les énumérer toutes ici. Parmi
taires s’accompagnent de dépôts de mucine, s’ils s’étendent les diagnostics le plus souvent discutés en dermatologie
à l’hypoderme. La panniculite lupique est caractérisée par citons :
des foyers de nécrose lobulaire et par la présence de folli-
cules lymphoïdes disposés à la périphérie des lobules adi-
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Fig. 21.7 Réaction aiguë du greffon contre l’hôte : corps cellulaires Fig. 21.9 Lupus érythémateux tumidus : infiltrats lymphocytaires
apoptotiques (CN) dans la couche basale avec images de « satellite cell dermiques denses et profonds atteignant l’hypoderme, discrète atrophie
necrosis » (L), discret infiltrat inflammatoire épidermique
21-6 Dermatopathologie et maladies systémiques

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Fig. 21.10 Lupus érythémateux : panniculite avec follicules


lymphocytaires (FL)

− l’infiltration bénigne de Jessner et Kanoff : les infiltrats


sont monotones, à prédominance CD3(+), CD8(+) ¹⁷.

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Il n’y a pas de lésion épidermique, toutefois cette en-
tité dont la nosologie est discutée, pourrait être une
variante de lupus érythémateux ;
− les hyperplasies lymphocytaires : elles peuvent être en
rapport avec un agent infectieux notamment Borrelia
burgdorferi ¹⁸. Elles sont nodulaires ou diffuses, plus sou- Fig. 21.11 Lupus-engelures : infiltrat lichénoïde associé à des infiltrats
vent que purement périvasculaires. Les infiltrats lym- profonds longeant et infiltrant les vaisseaux
phocytaires sont mixtes B et T, avec une prédominance
de lymphocytes T. Ils sont associés à des plasmocytes,
des macrophages et parfois des éosinophiles ;
− la rosacée au stade papuleux non pustuleux : les infil-
trats sont mixtes et péripilaires. À la différence du lupus
tumidus, ils comportent une quantité variable de poly-
nucléaires et de macrophages parfois épithélioïdes ;
− les lucites polymorphes à la lumière ¹⁹ : les infiltrats
lymphocytaires s’accompagnent en règle de spongiose
ou de nécrose épidermique.

Scléroses inflammatoires
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Sclérodermie La sclérose débute dans le derme profond


respectant au début le derme superficiel (fig. 21.12). L’hypo-
derme devient également scléreux, ce qui est responsable
de l’infiltration perçue cliniquement. L’épiderme est d’épais-
seur normale et n’est atrophique que tardivement.
Les infiltrats lymphocytaires sont observés dans le derme Fig. 21.12 Sclérodermie (morphée) : épaississement scléreux du derme,
profond à la périphérie de la plaque de sclérodermie. Ils peu cellulaire, avec horizontalisation des fibres de collagène, atrophie
ont tendance à s’horizontaliser. Les plasmocytes sont fré- annexielle, infiltrat lymphocytaire soulignant la périphérie de la plaque,
quents, des éosinophiles peuvent être présents. Dans la respect du derme superficiel et de l’épiderme
sclérodermie profonde, on peut voir une atteinte du fascia
sous-cutané rendant le diagnostic difficile avec une fasciite. difficiles à distinguer d’une sclérodermie. Il existe un en-
Fasciites L’inflammation est périvasculaire (fig. 21.13). semble de syndromes sclérodermiformes dont la pathogé-
Elle atteint les fascias et respecte le muscle. Les éosino- nie présente des caractères communs ²⁰.
philes sont en nombre variable. Les lésions sont parfois Syndromes sclérodermiformes Certaines affections se
Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques 21-7

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Fig. 21.13 Fasciite : épaississement scléreux du fascia aux dépens du Fig. 21.14 Fibrose néphrogénique : hyperplasie fibroblastique diffuse
tissu adipeux, infiltrats lymphocytaires avec présence de quelques follicules du derme avec fibrose
(F)
adipocytaire. Des calcifications des vaisseaux ou calciphy-
manifestent par une fibrose cutanée qui peut simuler une laxie peuvent se voir dans le cadre d’un hyperparathyroï-
sclérodermie ²¹. Elles comprennent entre autres le syn- disme ou d’une insuffisance rénale ²⁹.
drome éosinophilique avec myalgies ²² et les états scléro- Les surcharges lipidiques extracellulaires sont habituelle-
dermiformes induits par diverses substances toxiques et ment contingentes (nécrobiose lipoïdique, xanthogranu-
médicamenteuses ²³, des infections comme la borréliose ²⁰, lome nécrobiotique), certaines surcharges intracellulaires
la réaction chronique du greffon contre l’hôte ²⁴ et le syn- peuvent révéler des maladies héréditaires dysmétaboliques,
drome de POEMS ²⁵. comme la maladie de Fabry, où l’on trouve en microscopie
Fibrose néphrogénique Cette entité a été récemment dé- électronique des inclusions glycolipidiques dans les cellules
crite chez les malades dialysés ou greffés rénaux ²⁶,²⁷. Elle se endothéliales ³⁰. La maladie de Lafora se traduit par des in-
traduit par une infiltration fibroblastique diffuse du derme clusions spécifiques localisées dans les glandes sudorales
de cellularité modérée associée à une augmentation du col- eccrines et apocrines en peau axillaire ³¹,³². Un dépôt hyalin
lagène (fig. 21.14). Elle s’accompagne d’une surcharge en mu- PAS-positif épaissit la paroi des petits vaisseaux dans la
cine et peut donc poser un problème diagnostique avec le microangiopathie diabétique et dans les porphyries.
scléromyxœdème dont la traduction clinique est également
faite de plaques indurées survenant au cours d’une maladie Lésions granulomateuses
systémique ²⁸. On désigne habituellement par granulome un infiltrat
riche en macrophages. Ces macrophages sont tantôt épi-
Dépôts anormaux thélioïdes avec ou sans cellule géante, tantôt composés
Des surcharges ou des dépôts de substances anormales d’une prédominance de cellules géantes multinucléées à
peuvent être en rapport avec une maladie systémique. corps étrangers. Le granulome peut être aussi polymorphe
Parmi les dépôts les plus fréquents, citons l’amylose étu- regroupant des macrophages mêlés à des polynucléaires,
diée dans un autre chapitre, les mucines, les calcifications. des lymphocytes, des plasmocytes. Il est alors proche du
Les mucines sont tantôt secondaires à des lésions inflam- granulome pyogénique ou bourgeon charnu qui est la consé-
matoires diverses (lupus érythémateux, dermatomyosite, quence d’une agression, le plus souvent par un agent infec-
sclérodermie, granulome annulaire...), tantôt primaires, tieux.
comme dans le scléromyxœdème (mucinose papuleuse) et Ces lésions font discuter un cadre très large d’affections qui
le myxœdème prétibial. Sa mise en évidence est la clé du peuvent être inflammatoires ou infectieuses. La présence
diagnostic. La mucine est une substance diffuse, optique- ou l’absence de nécrose et de lésions associées, notamment
ment vide en technique standard, elle est colorée par le épidermiques ou annexielles, orientent le diagnostic. Des
bleu Alcian et le bleu de toluidine. Elle peut s’accompagner colorations spéciales sont systématiquement faites à la re-
d’une hyperplasie des fibroblastes dermiques. cherche d’un agent infectieux : PAS, Grocott, Ziehl. L’asso-
Un autre type de dépôt est la calcification. Tout foyer de né- ciation à une vasculite ne permet pas d’éliminer une infec-
crose cellulaire, toute altération dégénérative du collagène tion.
ou de la substance fondamentale, toute hémorragie tissu- Sarcoïdose Les lésions se résument à des granulomes
laire peut secondairement se calcifier. Ainsi on constate des épithélioïdes bien limités avec ou sans cellule géante, sans
calcifications sous-cutanées dans les panniculites du lupus nécrose caséeuse ni vasculite (fig. 21.15).
ou de la dermatomyosite. Les calcifications sont alors le Certaines maladies purement dermatologiques peuvent po-
témoin de troubles locaux et le plus souvent d’une nécrose ser un problème diagnostique, notamment le lichen nitidus
21-8 Dermatopathologie et maladies systémiques

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Fig. 21.15 Sarcoïdose : granulomes épithélioïdes nodulaires, Fig. 21.17 Granulomatose de Wegener : foyers de nécrose basophile
bien limités avec cellules multinucléées, sans nécrose. Petit infiltrat contenant une poussière nucléaire bleuâtre, infiltrats polymorphes
lymphocytaire périphérique contenant des amas macrophagiques mal limités

qui se traduit par un infiltrat épithélioïde très haut situé inflammatoires, notamment des plasmocytes, sont sou-
dans une papille dermique. Le granulome annulaire se tra- vent présents. La topographie périsudorale et périnerveuse
duit par une infiltration macrophagique faite de cellules est en faveur de la maladie de Hansen. La coloration de
qui sont le plus souvent isolées avec peu de cellules géantes Ziehl montre la présence de bacilles dans la forme lépro-
multinucléées (fig. 21.16). Toutefois, il existe une variante mateuse, mais elle est négative dans la forme tubercu-
épithélioïde qui peut poser des problèmes diagnostiques loïde qui pose un problème difficile, voire insoluble, avec
avec une sarcoïdose. la sarcoïdose. La syphilis secondaire peut se traduire par
Parmi les lésions cutanées associées à une maladie de Crohn, des infiltrats épithélioïdes. L’association à une lésion liché-
les lésions granulomateuses ne peuvent pas être différen- noïde, la présence de plasmocytes sont une aide au diagnos-
ciées d’une sarcoïdose ³³. tic.
Les lymphomes T primitifs et secondaires cutanés peuvent La leishmaniose se reconnaît par la présence de corps de
également présenter des granulomes identiques à ceux Leishman dans les macrophages, ils sont facilement trou-
d’une sarcoïdose ³⁴. Ces lésions sont particulièrement diffi- vés dans les formes disséminées ou systémiques, notam-
ciles à distinguer d’une authentique sarcoïdose, car la po- ment chez les immunodéprimés. En revanche, ils peuvent
pulation lymphomateuse est composée de lymphocytes de être très rares dans les formes chroniques.
taille petite à moyenne. Le diagnostic repose sur la pré- Granulomes tuberculoïdes Dans la tuberculose, les my-
sence de lymphocytes T atypiques, d’un épidermotropisme, cobactérioses atypiques, la maladie des griffures de chat,
et d’un clone T cutané majoritaire. les granulomes sont polymorphes avec des plasmocytes
Infections granulomateuses sans nécrose caséeuse Cer- et des polynucléaires. Ils s’accompagnent inconstamment
taines infections comme la leishmaniose, la syphilis, la ma-
ladie de Hansen peuvent se traduire par des granulomes
sans nécrose. Outre les macrophages, d’autres éléments
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Fig. 21.16 Granulome annulaire : infiltrat macrophagique réticulé Fig. 21.18 Xanthogranulome nécrobiotique : nécrobiose extensive avec
entouré de quelques manchons lymphocytaires périvasculaires granulomes macrophagiques gigantocellulaires et sclérose
Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques 21-9

clasie (fig. 21.20). L’infiltrat est en règle monotone ; toutefois,


il peut être intriqué avec un nombre variable de cellules
mononucléées d’aspect histiocytaire correspondant à des
cellules myéloïdes immatures qu’il ne faut pas confondre
avec une localisation de leucémie ³⁸.
Pyoderma gangrenosum L’épiderme est hyperplasique
et pustuleux. L’infiltrat s’étend plus profondément que
dans le syndrome de Sweet. Sur une biopsie superficielle
et de petite taille, le diagnostic différentiel est parfois diffi-
cile, voire impossible, avec un syndrome de Sweet ou une
infection suppurée. La variante superficielle est particuliè-
rement trompeuse car l’infiltrat comporte des granulomes
épithélioïdes qui orientent vers une mycobactériose ³⁹.

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Dermatoses éosinophiliques
Des infiltrats riches en éosinophiles s’observent dans le
derme. Ils sont périvasculaires ou diffus. Il n’y a pas de
vasculite. On peut observer des dépôts acidophiles figurés
Fig. 21.19 Dermatite interstitielle granulomateuse : infiltrats dits « en flammèches » dus à la dégradation de la substance
macrophagiques entourant des fibres de collagène dégénératif. Présence fondamentale et du collagène par la dégranulation des éosi-
de quelques éosinophiles dispersés dans le derme voisin nophiles. Dans un second temps, les dépôts sont entourés
par une réaction macrophagique avec cellules géantes.
de nécrose caséeuse. On note des lésions épidermiques : Urticaire Les lésions histologiques ne sont pas spéci-
hyperplasie, ulcération. fiques. Elles associent un œdème du derme moyen, plus
Granulomes avec nécrobiose ou collagénolyse La nécro- difficile à voir que celui du derme papillaire, des infiltrats
biose est un aspect dégénératif de derme et de la trame polymorphes périvasculaires et interstitiels comportant
collagène qui accompagne certains granulomes comme le un nombre variable de lymphocytes, neutrophiles et éosi-
granulome annulaire, la nécrobiose lipoïdique, lésions es- nophiles (fig. 21.21). Une distribution interstitielle des éosi-
sentiellement cutanées exceptionnellement associées à des nophiles est évocatrice. Les infiltrats sont plus denses dans
affections systémiques et d’autres qui sont des manifesta- la forme chronique que dans la forme aiguë.
tions cutanées de maladies systémiques comme la granu- Vasculite urticarienne Elle associe une vasculite leuco-
lomatose de Wegener (fig. 21.17), la vasculite rhumatoïde, le cytoclasique et des lésions d’urticaire. La vasculite affecte
syndrome de Churg et Strauss, les nodules rhumatoïdes, le les petits vaisseaux du plexus dermique.
xanthogranulome nécrobiotique (fig. 21.18). Ce dernier peut Syndromes hyperéosinophiliques La présence de poly-
révéler une gammapathie monoclonale ³⁵. nucléaires éosinophiles est fréquente et banale dans la peau.
La dermatite interstitielle granulomateuse appartient à Dans certaines affections, l’infiltration d’éosinophiles est le
un spectre lésionnel qui comprend des infiltrats neutrophi- signe essentiel. La dégranulation des éosinophiles entraîne
liques palissadiques et granulomateux ³⁶. L’image la plus ca- la libération de protéine basique majeure qui entraîne une
ractéristique est une infiltration réticulée du derme moyen
et profond par des macrophages qui entourent des fibres de
collagène dégénératives (fig. 21.19). Dans les formes initiales,
l’infiltrat peut comporter des polynucléaires neutrophiles
picnotiques qui le rapprochent d’une dermatose neutro-
ŽEÒNFQBQJMMBJSF
philique. Ces lésions accompagnent en règle une maladie
systémique ³⁷.

Dermatoses neutrophiliques
Elles sont formées d’une infiltration à polynucléaires neu-
trophiles leucocytoclasiques dont le noyau a un aspect pous-
1/
siéreux. On note un important œdème superficiel. Les in-
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filtrats sont diffus. Ils n’ont pas une prédominance périvas-


culaire comme c’est le cas dans les vasculites ou dans les
lésions inflammatoires banales. Les lésions épidermiques
sont variables. On peut noter des pustules.
Syndrome de Sweet
L’épiderme est soulevé par un œdème papillaire prébulleux, Fig. 21.20 Syndrome de Sweet : infiltrat diffus de polynucléaires
il peut être vésiculeux, voire pustuleux. Le derme est oc- neutrophiles (PN) leucocytoclasiques, séparé de l’hypoderme par un
cupé par un infiltrat diffus à polynucléaires avec leucocyto- œdème papillaire. L’épiderme est normal

 PN polynucléaire neutrophile
21-10 Dermatopathologie et maladies systémiques

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Fig. 21.21 Urticaire : discrète infiltration de polynucléaires éosinophiles Fig. 21.23 Vasculite leucocytoclasique : thrombose d’un capillaire
et neutrophiles entre les fibres de collagène terminal, nécrose fibrinoïde débordant le vaisseau, leucocytoclasie

dénaturation du collagène. Celle-ci se traduit par des fi- Vasculites


gures en flammèches (fig. 21.22) que l’on voit non seulement Le derme ne renferme que des vaisseaux de petit calibre
dans la cellulite de Wells mais aussi dans n’importe quelle (capillaires, veinules post-capillaires, artérioles). L’atteinte
lésion cutanée riche en éosinophiles. des artères de moyen calibre nécessite une biopsie profonde
L’association des éosinophiles à une vasculite leucocytocla- intéressant l’hypoderme.
sique définit la vasculite à éosinophiles. Cette dernière se Vasculite leucocytoclasique La vasculite cutanée se tra-
voit dans des affections variées, notamment la maladie de duit par un infiltrat des parois des petits vaisseaux du
Churg et Strauss, dont les lésions siègent sur les artères de derme, une leucocytoclasie, une nécrose fibrinoïde vascu-
moyen calibre, mais peuvent s’associer à une vasculite des laire et extravasculaire (fig. 21.23). L’infiltrat est habituelle-
petits vaisseaux et à des granulomes nécrosants hyperer- ment fait de polynucléaires en leucocytoclasie. Mais un
giques riches en éosinophiles ⁴⁰. Ces trois types de lésions infiltrat à prédominance lymphocytaire peut se voir notam-
peuvent être vus séparément sur des biopsies cutanées ité- ment au cours de l’évolution d’une vasculite (fig. 21.24).
ratives ou simultanées. La « pseudofolliculite », observée dans la maladie de Behçet,
Les autres lésions riches en éosinophiles ont été décrites est due à une vasculite leucocytoclasique sans folliculite.
dans le chapitre des dermatoses éosinophiliques : l’hyper- PAN et artérites apparentées Le diagnostic de PAN ne
plasie angiolymphoïde, le granulome facial de Lever, les pourra être évoqué que si la biopsie a emporté de l’hypo-
folliculites à éosinophiles... derme où se trouvent les artères de moyen calibre. Les lé-
sions étant focales, il faut faire des niveaux multiples pour
ne pas les méconnaître. Le principal diagnostic différentiel
est l’embolie de cholestérol dont la recherche repose égale-
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Fig. 21.22 Phénomène de Wells : dégranulation de polynucléaires


éosinophiles avec nécrobiose acidophile, présence d’une figure « en Fig. 21.24 Vasculite leucocytoclasique : thrombose d’une veinule avec
flammèche » caractéristique du phénomène nécrose fibrinoïde pariétale. L’infiltrat est ici à prédominance lymphocytaire

 PAN périartérite noueuse


Lexique des principaux termes utilisés en pathologie inflammatoire cutanée 21-11

ment sur l’examen de niveaux multiples. Un ou plusieurs Corps muqueux de Malpighi


vaisseaux sont oblitérés par des cristaux reconnaissables Partie moyenne et différenciée de l’épiderme. Le corps
par leur forme lancéolée (fig. 21.25). Habituellement, il n’y a muqueux est composé des cellules malpighiennes, cel-
pas de réaction inflammatoire. Toutefois, on peut voir une lules reliées par des desmosomes.
thrombose ou une cellule géante au contact des cristaux. La Crêtes épidermiques
recherche de dépôt graisseux est déconseillée dans l’hypo- Expansions épidermiques situées entre les papilles der-
derme en raison du bruit de fond causé par les adipocytes. miques et formant le relief dentelé de la basale épider-
mique.
Dyskératose
Kératinisation prématurée d’un kératinocyte isolé.
Épidermotropisme
Migration intra-épidermique de cellules atypiques. Ce
signe est décrit dans les lymphomes épidermotropes.
Exocytose
Migration intra-épidermique de cellules de morpho-
logie normale (lymphocytes, macrophages, polynu-
$$
cléaires...).
$$ Exosérose

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Présence de sérosité entre les cellules du corps mu-
queux, ce qui provoque un étirement des desmosomes.
Hypergranulose
Épaissement par pluristratification de la couche granu-
leuse. Ce signe est plus difficile à apprécier aux mains
Fig. 21.25 Embolie de cholestérol : oblitération de la lumière d’une et aux pieds où l’on note une granuleuse plus épaisse
petite artère hypodermique par des cristaux de cholestérol dont on ne voit qu’ailleurs.
ici que les empreintes (CC) laissées après dissolution du cholestérol Hyperkératose
Épaississement de la couche cornée. Ce signe est plus
Vasculites nécrosantes et granulomateuses La maladie difficile à apprécier aux mains et aux pieds où l’on note
de Wegener se traduit par une vasculite associée à des gra- une couche cornée plus épaisse qu’ailleurs.
nulomes avec parfois nécrose extensive qui ressemble beau- Hyperpigmentation
coup à une mycobactériose. Les granulomes et la vasculite Augmentation de la pigmentation mélanique.
peuvent être dissociés. Le granulome est riche en neutro- Mélanose
philes (maladie de Wegener) ou en éosinophiles (maladie de Augmentation de la pigmentation mélanique due soit à
Churg et Strauss). Il s’accompagne de plages de nécrobiose. une hyperpigmentation des kératinocytes basaux, soit
La recherche de germes par examen direct, cultures, PCR à des dépôts mélaniques dans le derme superficiel, sé-
est indispensable. En effet, la négativité des colorations quelles de nécrose épidermique.
spéciales, trop peu sensibles, ne permet pas d’éliminer une Nécrose cellulaire
infection. Mort cellulaire par apoptose : la cellule se transforme
en un corps globuleux, acidophile et anucléé.
Mort cellulaire par vacuolisation
Lexique des principaux termes utilisés en Le cytoplasme est clair et vide. Le noyau est picnotique
pathologie inflammatoire cutanée ou non visible.
Nécrose caséeuse
Épiderme Plages acidophiles, homogènes, acellulaires contenant
Acanthose, hyperacanthose des débris de polynucléaires dans les zones périphé-
Augmentation de l’épaisseur du corps muqueux. riques et dans les lésions débutantes.
Acantholyse Papillomatose
Dissociation des cellules épidemiques par rupture des Exagération du relief de la basale par allongement des
desmosomes. crêtes épidermiques.
Apoptose Parakératose
Voir nécrose. Persistance de noyaux dans la couche cornée par accé-
Ballonisation lération du processus de kératinisation. Elle s’accom-
Gonflement et clarification cytoplasmique, forme d’al- pagne de la disparition de la granuleuse, couche de cel-
tération observée dans certaines infections virales. lules contenant des grains de kératohyaline, située nor-
Basale épidermique malement sous la couche cornée.
Couche génératrice de l’épiderme. Pustule
Cavité intra-épidermique contenant des polynucléaires
altérés.
21-12 Dermatopathologie et maladies systémiques

Spongiose nostic est discuté selon leur composition, leur topogra-


Synonyme d’exosérose. Elle peut aboutir à la formation phie, les signes associés notamment épidermiques.
de vésicule Leucocytoclasie
Vésicule, bulle Fragmentation des polynucléaires, qui ont un aspect
Cavité intra-épidermique ou sous-épidermique conte- poussiéreux.
nant de la sérosité claire et des éléments inflamma- Mucine
toires en nombre variable. Substance claire formée de mucopolysaccharides dans
le derme ou les follicules pileux. La mucinose est l’accu-
Derme mulation de mucine.
Calciphylaxie Mélanophages
Calcification des parois vasculaires observée dans l’in- Macrophages contenant de la mélanine.
suffisance rénale, l’hyperparathyroïdisme. Nécrobiose
Calcinose Aspect dégénératif de la substance fondamentale et de
Dépôts extracellulaires de calcium. la trame conjonctive.
Élastose Nécrose ou dépôt fibrinoïde
Augmentation et accumulation de fibres élastiques Dépôt extracellulaire ressemblant à de la fibrine.
épaissies. La première cause est la photo-exposition. Œdème
Fibrose, sclérose Accumulation extracellulaire de sérosité dans le derme.
Ces deux termes sont synonymes. Ils désignent une Papille dermique
augmentation de la trame conjonctive. Expansion du derme entre deux crêtes épidermiques.
Granulomes Elle est centrée par un capillaire terminal.
Accumulation de macrophages dans le derme. Ces ma- Picnose
crophages forment parfois des amas épithélioïdes avec Altération du noyau qui devient dense, homogène et
ou sans cellule géante. Ils peuvent s’associer à d’autres ponctiforme.
cellules inflammatoires : lymphocytes, plasmocytes, po-
lynucléaires... et forment alors des granulomes poly- Hypoderme
morphes. Adipocyte
Incontinence pigmentaire Cellule spécifique de l’hypoderme.
Présence de mélanine libre ou contenue dans des ma- Lobule adipeux
crophages du derme superficiel. Elle s’accumule après Ensemble d’adipocytes entouré de cloisons conjonctivo-
nécrose des kératinocytes basaux. Ce phénomène est vasculaires.
habituel dans les séquelles des lésions lichénoïdes. Cloison interlobulaire
Infiltrats Travées de tissu conjonctif séparant les lobules adipeux
Amas de cellules inflammatoires dans le derme. Le diag- et contenant les vaisseaux.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Wechsler J. Dermatopathologie et maladies systémiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 :
Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 21.1-21.13.
Figures
1.1 Lupus érythémateux aigu : érythème et œdème du front et des joues respectant les sillons naso-géniens 1-2
1.2 Lupus érythémateux aigu du décolleté 1-2
1.3 Lupus érythémateux aigu du dos des mains : atteinte papuleuse et érythémateuse en regard des zones articulaires
et interarticulaires 1-4
1.4 Lupus érythémateux aigu muqueux buccal : érosion du palais 1-4
1.5 Lupus érythémateux aigu muqueux buccal : érosion de la face interne de la joue 1-4
1.6 Lupus érythémateux aigu labial 1-4
1.7 Lupus érythémateux subaigu : macules érythémateuses et annulaires du thorax et du cou en regard des zones
photo-exposées 1-5
1.8 Gros plan sur des macules annulaires de lupus érythémateux subaigu 1-5
1.9 Lupus érythémateux subaigu bulleux à type de pseudo-érythème polymorphe 1-5
1.10 Lupus érythémateux subaigu : macules et papules érythémateuses et squameuses psoriasiformes de la partie su-
périeure du dos 1-5
1.11 Lupus érythémateux subaigu : macules dépigmentées vitiligineuses et lésions actives psoriasiformes 1-6
1.12 Lupus discoïde du visage et du cou : macules érythémateuses, squameuses et atrophiques 1-6
1.13 Lupus discoïde étendu du visage en « ailes de papillon » 1-7
1.14 Lupus discoïde du scalp responsable d’une large alopécie cicatricielle 1-7
1.15 Lupus discoïde des paumes 1-8
1.16 Lupus discoïde de la face interne de joue : lésion leucokératosique d’allure pseudolichénienne 1-8
1.17 Lupus tumidus : plaque papuleuse et œdémateuse sans squames ni atrophie cicatricielle 1-8
1.18 Lupus-engelures 1-8
1.19 Lupus érythémateux profond de la face externe d’un bras : nodules érythémateux et lipoatrophie cicatricielle 1-9
1.20 Lésions histologiques caractéristiques de lupus érythémateux : hyperkératose épidermique, lésions de dégénéres-
cence des kératinocytes basaux, épaississement de la membrane basale, œdème et infiltrat lymphocytaire périvas-
culaire 1-10
1.21 Livédo de type racemosa (mailles non fermées) 1-13
1.22 Hémorragies filiformes (en flammèches) sous-unguéales 1-14
1.23 Lupus bulleux : vésicules et bulles groupées en bouquet du dos de la main 1-15
1.24 Mucinose papuleuse au cours du lupus systémique : lésions papuleuses couleur peau normale du bras 1-15
1.25 Anétodermie du bras au cours d’un lupus érythémateux systémique : lésions maculeuses et papuleuses couleur
peau normale, « frippée » en surface 1-16
1.26 Pustulose amicrobienne du pli inguinal : multiples pustulettes parsemées sur une large macule érythémateuse et
brunâtre mal limitée 1-16

2.1 Psoriasis cutané et unguéal des doigts associé à une atteinte rhumatismale inflammatoire des articulations inter-
phalangiennes distales 2-2
2.2 Déformation des doigts au cours d’une polyarthrite psoriasique 2-2
2.3 Onycho-pachydermo-périostite psoriasique 2-2
2.4 Lésions élémentaires du psoriasis : macules érythémateuses et squameuses, arrondies et polycycliques à limites
nettes, tranchées, par rapport à la peau saine 2-3
2.5 Psoriasis vulgaire ostréacé : épaisse couche squameuse et kératosique 2-3
2.6 Psoriasis en plaques du dos 2-3
2.7 Atteinte de la conque et du conduit auditif externe, classique au cours du psoriasis 2-4
2.8 Intertrigo psoriasique (psoriasis inversé) du pli abdominal 2-4
XIV Table des figures

2.9 Psoriasis du scalp : large plaque érythémateuse et squameuse traversée par les cheveux 2-4
2.10 Psoriasis de l’ongle : dépressions ponctuées cupuliformes (pitting) de la tablette unguéale 2-4
2.11 Onycholyse distale séparée de la partie saine de la tablette unguéale par une tache ovalaire (« tache d’huile »)
2-5
2.12 Anneaux leucokératosiques au cours d’une atteinte linguale psoriasique 2-5
2.13 Acrodermatite pustuleuse d’Hallopeau : pustules et squames jaunâtres des extrémités en « doigts de gant » 2-5
2.14 Destruction des tablettes unguéales remplacées par une hyperkératose et une atrophie cutanée au cours d’une
forme chronique d’acrodermatite d’Hallopeau 2-6
2.15 Placards érythémateux recouverts de petites pustules et de larges squames au cours du psoriasis pustuleux géné-
ralisé 2-6
2.16 Érythème généralisé recouvert de larges squames au cours d’une érythrodermie psoriasique 2-6
2.17 Image histologique caractéristique du psoriasis : association d’une hyperkératose parakératosique, d’une acan-
those et d’une papillomatose dermique avec infiltrat lymphocytaire modéré des papilles 2-7
2.18 Pityriasis rosé de Gibert 2-7
2.19 Eczématides achromiantes du dos 2-8
2.20 Lésions érythémateuses et squameuses des sillons nasogéniens et des sourcils au cours de la dermatite sébor-
rhéique 2-8
2.21 Chaîne pathogénique du psoriasis 2-9
2.22 Proposition d’unification clinique et histologique des principales manifestations cutanées de la polyarthrite rhu-
matoïde 2-12
2.23 Nodules rhumatoïdes de la face d’extension de l’avant-bras 2-13
2.24 Nodules rhumatoïdes en regard des surfaces articulaires du dos de la main 2-13
2.25 Granulomes annulaires profonds 2-14
2.26 Histologie du nodule rhumatoïde : nécrose fibrinoïde entourée d’une bordure d’histiocytes disposés en palissade
2-14
2.27 Vasculite rhumatoïde : large ulcération cutanée creusante de la face externe de jambe 2-15
2.28 Micro-infarctus digital péri-unguéal au cours de la polyarthrite rhumatoïde 2-15
2.29 Dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite : lésions cutanées caractéristiques érythémateuses et pal-
pables disposées en bandes latérothoraciques et axillaires 2-16
2.30 Dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite : lésions annulaires et confluentes du dos 2-17
2.31 Papules érythémateuses du coude à type de papules rhumatoïdes au cours d’une dermite interstitielle granuloma-
teuse avec arthrite dans le cadre d’une polyarthrite rhumatoïde 2-17
2.32 Acné conglobata compliquée d’une atteinte rhumatismale axiale 2-18
2.33 Balanite circinée psoriasiforme au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis 2-19
2.34 Kératodermie plantaire constituées de papules kératosiques et érythémateuses au cours d’une arthrite réaction-
nelle à Chlamydia trachomatis 2-19
2.35 Érosion du palais au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis 2-20
2.36 Pustule hémorragique sous-unguéale au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis 2-20
2.37 Éruption érythémateuse maculeuse, confluente au cours d’une maladie de Still de l’adulte. Le caractère parfois
linéaire des lésions témoigne d’un phénomène de Koebner 2-20
2.38 Tuméfactions nodulaires « perlées » périunguéales au cours d’une réticulo-histiocytose multicentrique 2-21
2.39 Tophi chroniques de l’olécrane 2-21
2.40 Tophi chroniques du dos d’une main en regard des jointures articulaires 2-21

3.1 Phase syncopale au cours du syndrome de Raynaud 3-1


3.2 Sclérodactylie : phase initiale œdémateuse 3-2
3.3 Sclérodactylie évoluée : flexion permanente et rétractile des doigts 3-2
3.4 Calcinoses multiples en regard des tendons extenseurs 3-2
3.5 Plis radiaires de la lèvre supérieure au cours du syndrome CREST 3-3
3.6 Forme engainante et diffuse de sclérodermie systémique 3-3
3.7 Lésions histologiques caractéristiques de sclérose cutanée au cours de ScS : atrophie épidermique, infiltrat inflam-
matoire périvasculaire, horizontalisation des fibres collagènes 3-4
3.8 Télangiectasies au cours du syndrome CREST 3-4
3.9 Tomodensitométrie d’une pneumopathie fibrosante chronique au cours de la ScS : images linéaires réticulaires in-
tralobulaires et en « rayons de miel » (régions postérieures) 3-4
3.10 Morphée en plaque : sclérose cutanée centrale cernée d’un anneau périphérique rose mauve 3-9
3.11 White spot disease : multiples petites macules porcelainées de la partie antérieure du thorax 3-9
Table des figures XV

3.12 Atrophodermie de Pasini Piérini : macules pigmentées discrètement atrophiques médiodorsales et lombaires
3-10
3.13 Sclérodermie linéaire du bras : bande pigmentée scléroatrophique à disposition linéaire suivant les lignes de Bla-
schko 3-10
3.14 Sclérodermie en « coup de sabre » : bande scléreuse et atrophique en « gouttière » du front avec alopécie partielle
du sourcil 3-11
3.15 Fasciite de Shulman : œdème inflammatoire des jambes, d’évolution ascendante 3-11

4.1 Papules diffuses et coalescentes au cours du lichen myxœdémateux ; la disposition linéaire sur la face du cou est
caractéristique 4-2
4.2 Dermopathie fibrosante néphrogénique 4-3
4.3 Œdème induré de la partie haute du dos discrètement inflammatoire au cours du sclérœdème de Buschke 4-4
4.4 Syndrome POEMS : large macule hyperpigmentée de la face externe d’une cuisse 4-5
4.5 Syndrome POEMS : état sclérodermiforme des doigts et leuconychie proximale des tablettes inguéales 4-5
4.6 Syndrome POEMS : lipoatrophie faciale associée à une hypertrichose 4-6
4.7 Syndrome POEMS : multiples angiomes cutanés gloméruloïdes d’âge et de taille différents, reposant sur une large
macule pigmentée de la face externe d’une cuisse 4-6
4.8 Placard induré jaunâtre du membre inférieur au cours d’une réaction cutanée chronique du greffon contre l’hôte
sclérodermiforme 4-7
4.9 Multiples macules dépigmentées et atrophiques de type « white spot disease » au cours de la réaction cutanée chro-
nique du greffon contre l’hôte sclérodermiforme 4-7
4.10 Œdème diffus, inflammatoire et induré des membres inférieurs au cours d’une fasciite liée à une réaction cutanée
chronique du greffon contre l’hôte chronique 4-8
4.11 Fasciite des membres inférieurs induite par la gemcitabine 4-8
4.12 Placard sclérodermiforme lombo-fessier après injection intramusculaire de vitamine K 1 4-9
4.13 Guêtre sclérodermiforme au cours de la lipodermatosclérose 4-9
4.14 Lésions sclérodermiformes de type morphée au cours d’une porphyrie cutanée tardive 4-10
4.15 Syndrome sclérodermiforme des mains chez le patient diabétique 4-10
4.16 Hémiatrophie faciale gauche au cours du syndrome de Parry-Romberg 4-11
4.17 Œdème et épaississement palmaire au cours d’une fasciite palmaire-arthrite 4-11
4.18 Sclérodermie d’Huriez : sclérodactylie et atrophie des éminences thénard et hypothénard 4-12
4.19 Stries longitudinales et hypoplasie de la tablette de l’ongle 4-12

5.1 Érythème œdémateux, rosé et finement squameux des paupières, caractéristique de la dermatomyosite 5-2
5.2 Signe de Gottron de la dermatomyosite : macules rouge violine du dos des mains, disposées en bandes en regard
des tendons extenseurs se renforçant en regard des articulations interphalangiennes et métacarpophalangiennes
5-3
5.3 Papules de Gottron au cours d’une dermatomyosite juvénile. Ces papules à caractère atrophique, déprimées en leur
centre et de couleur blanc porcelainé sont disposées en regard des faces articulaires d’extension du dos des mains
5-3
5.4 Atteinte comparative des mains au cours de la dermatomyosite et du lupus érythémateux. À l’opposé de la dermato-
myosite, les lésions cutanées lupiques prédominent sur les zones interarticulaires dorsales ou palmaires des doigts
et sur les pulpes 5-5
5.5 Érythème en « V » préthoracique au cours de la dermatomyosite 5-5
5.6 Érythème diffus du dos et des épaules (signe du châle) au cours de la dermatomyosite 5-6
5.7 Macules érythémateuses de disposition linéaire (érythème flagellé) de la racine du membre supérieur : un signe
très spécifique, rare mais sous-estimé au cours de la dermatomyosite 5-6
5.8 Large macule rouge violine, squameuse avec renforcement folliculaire, de la face externe de la cuisse au cours de la
dermatomyosite (holster sign) 5-7
5.9 Poïkilodermie (association d’une atrophie cutanée avec télangiectasies et troubles pigmentaires) de la face anté-
rieure du décolleté au cours de la dermatomyosite 5-7
5.10 Lésions histologiques de la dermatomyosite : hyperkératose, atrophie épidermique avec vacuolisation de l’assise
basale, infiltrat inflammatoire périvasculaire et dilatation des capillaires 5-7
5.11 Érythème péri-unguéal lié à la présence de mégacapillaires, visibles à l’œil nu, au cours de la dermatomyosite
5-8
5.12 Spicules hyperkératosiques du flanc diffuses, en nappe, au cours de la dermatomyosite de type Wong 5-8
5.13 Hyperkératose fissuraire des faces latérales des doigts (« main mécanique ») au cours d’un syndrome des antisyn-
thétases chez une femme de 55 ans 5-8
XVI Table des figures

5.14 Macules hyperpigmentées et scléreuses au cours d’une mucinose secondaire à une dermatomyosite amyopathique
évoluant depuis une dizaine d’années 5-9
5.15 Calcinose cutanée profonde et musculaire compliquant une dermatomyosite de l’adulte 5-9
5.16 Hypertrichose localisée sous-patellaire au cours d’une dermatomyosite chez un garçon de 9 ans 5-10
5.17 Nécroses et érosions cutanées au cours d’une dermatomyosite révélant un carcinome broncho-pulmonaire chez
un homme de 80 ans 5-11
5.18 Lésions érythémateuses et atrophiques du dos des mains à type de pseudodermatomyosite au cours d’un traite-
ment au long cours par l’hydroxyurée 5-11

6.1 Mécanismes physiopathogéniques simplifiés des vasculites cutanées 6-2


6.2 Vasculite leucocytoclasique 6-3
6.3 Purpura pétéchial infiltré déclive au cours d’une vasculite cutanée 6-4
6.4 Papules pseudo-urticariennes au cours d’une vasculite cutanée 6-4
6.5 Livédo ramifié au cours d’une périartérite noueuse 6-5
6.6 Vascularite cutanée. Papules purpuriques et lésions nécrotiques superficielles bulleuses 6-5
6.7 Vascularite nécrotique au cours d’un purpura rhumatoïde : plaques noirâtres bordées d’un liseré purpurique 6-5
6.8 Ulcérations torpides à type de pyoderma gangrenosum au cours d’une granulomatose de Wegener 6-6
6.9 Purpura rhumatoïde : purpura maculo-papuleux déclive des membres inférieurs 6-12
6.10 Purpura rhumatoïde : atteinte extensive purpurique pétéchiale du tronc 6-12
6.11 Purpura rhumatoïde : éruption polymorphe associant simultanément des lésions cutanées d’âge différent à type
de plaques purpuriques, nécrose cutanée, ulcérations post-nécrotiques et plaques pigmentées 6-12
6.12 Œdème aigu hémorragique du nourrisson : lésions purpuriques, hémorragiques du visage et des membres supé-
rieurs 6-14
6.13 Purpura cryoglobulinémique : association très évocatrice d’un purpura déclive et d’une dermite ocre ramifiée bi-
latérale séquellaire 6-14
6.14 Lésions papuleuses urticariennes fixes et symétriques des membres inférieurs au cours d’une vasculite urtica-
rienne de Mac Duffie 6-17
6.15 Livédo ramifié et inflammatoire au cours d’une périartérite noueuse 6-19
6.16 Ulcération cutanée de jambe cernée d’un halo purpurique et d’un livédo au cours d’une périartérite noueuse 6-19
6.17 Nécrose fibrinoïde et destruction de la paroi d’une artériole au cours de la PAN 6-20
6.18 Nodules cutanés profonds du visage et des extrémités au cours d’une angéite de Churg et Strauss 6-21
6.19 Purpura papuleux du membre inférieur au cours d’une maladie de Wegener 6-23
6.20 Lésions papuleuses et nécrotiques des genoux au cours d’une maladie de Wegener 6-24
6.21 Ulcérations cutanées du front au cours d’une maladie de Wegener 6-24
6.22 Ulcération jugale au cours d’une maladie de Wegener 6-24
6.23 Gingivite hyperplasique framboisée au cours d’une maladie de Wegener 6-25
6.24 Anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (type cytoplasmique) 6-25
6.25 Lésions maculeuses atrophiques et pigmentées temporales séquellaires d’une atteinte cutanée au cours d’une ma-
ladie de Horton 6-26
6.26 Nécrose massive linguale au cours d’une maladie de Horton 6-27
6.27 Nodules cutanés érythémateux des jambes au cours d’une artérite de Takayasu 6-28
6.28 Ulcérations cutanées des faces antérieures des cuisses au cours d’une artérite de Takayasu 6-28
6.29 Nécrose digitale pulpaire et érythrocyanose pulpaire du troisième doigt gauche révélant une maladie de Buerger
6-29
6.30 Artériographie au cours d’une maladie de Buerger : multiples obstructions distales des artères digitales 6-30

7.1 Ulcérations larges, à bords nets, au fond « beurre frais » ou grisâtre, entourées d’un halo inflammatoire situées sur
le bord latéral de la langue au cours d’une maladie de Behçet 7-2
7.2 Aphtose labiale inférieure, de forme linéaire, au cours d’une maladie de Behçet 7-2
7.3 Ulcérations à l’emporte-pièce nécrotique et à fond fibrineux du scrotum au cours d’une maladie de Behçet 7-2
7.4 Ulcérations aphtoïdes vulvaires au cours d’une maladie de Behçet 7-3
7.5 Pseudo-folliculite et aphtose péri-anale au cours d’une maladie de Behçet 7-3
7.6 Pseudo-folliculite de maladie de Behçet : papules, vésicules et pustules non folliculaires de la partie haute du thorax
et du cou 7-4
7.7 Nodules disposés linéairement sur les membres inférieurs caractérisant des thromboses veineuses superficielles au
cours d’une maladie de Behçet 7-4
7.8 Atteinte oculaire angiographique au cours d’une maladie de Behçet : papillite modérée, périphlébites des gros troncs
rétiniens, vasculite diffuse à prédominance veineuse, œdème maculaire cystoïde chronique et hyalite modérée 7-4
Table des figures XVII

7.9 Ulcération linguale étendue induite par la prise de nicorandil 7-6

8.1 Langue dépapillée au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren 8-2


8.2 Érythème annulaire proche du lupus subaigu annulaire au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif 8-3
8.3 Pathogénie du syndrome de Gougerot-Sjögren 8-4
8.4 Lésions histologiques au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren : destruction partielle des acini remplacés par du
tissu adipeux et infiltrat inflammatoire lymphocytaire glandulaire 8-5
8.5 Arbre décisionnel diagnostique du syndrome de Gougerot-Sjögren 8-7

9.1 Conjonctivite, glossite et chéilite au cours d’une maladie de Kawasaki 9-2


9.2 Érythème plantaire au cours d’une maladie de Kawasaki de l’adulte 9-2
9.3 Érythème du pli interfessier associé à une fine desquamation périphérique : un signe évocateur de maladie de Ka-
wasaki 9-2
9.4 Atteinte palmaire au cours d’une maladie de Kawasaki de l’adulte 9-4
9.5 Échocardiographie bidimensionnelle : volumineuse dilatation de l’artère coronaire au cours d’une maladie de Ka-
wasaki du nourrisson 9-5
9.6 Anévrismes coronariens compliquant tardivement une maladie de Kawasaki de l’adulte 9-5
9.7 Diagnostic des formes incomplètes de maladie de Kawasaki 9-7

10.1 Tuméfaction inflammatoire du pavillon de l’oreille, respectant le lobule non cartilagineux au cours d’une poly-
chondrite chronique atrophiante 10-2
10.2 Tuméfaction nasale inflammatoire au cours d’une polychondrite chronique atrophiante 10-2
10.3 Aspect en « selle » du nez au cours d’une polychondrite chronique atrophiante 10-3
10.4 Multiples nodules érythémateux du tronc au cours d’une vascularite nodulaire d’une polychondrite chronique
atrophiante 10-4
10.5 Épisclérite au cours d’une polychondrite chronique atrophiante 10-4
10.6 Atteinte histologique cartilagineuse : infiltration lymphoplasmocytaire de la substance fondamentale du cartilage
10-5

11.1 Physiopathologie des fièvres périodiques. Organisation globale de la réponse des polynucléaires et des macro-
phages aux stimuli pro-inflammatoires 11-2
11.2 Placards urticariens au cours d’une maladie périodique 11-3
11.3 Pseudo-érysipèle au cours d’une maladie périodique 11-4
11.4 Érosions aphtoïdes palatines au cours d’un syndrome hyper-IgD 11-5
11.5 Urticaire diffuse et fixe du tronc au cours d’un syndrome de Muckle et Wells 11-6
11.6 Éruption urticarienne au cours d’un syndrome CINCA 11-7
11.7 Hypertrophie de la rotule au cours d’un syndrome CINCA 11-7
11.8 Atteinte osseuse rotulienne au cours d’un syndrome CINCA 11-7

12.1 Classification anatomoclinique et pathogénique des paraprotéinémies 12-2


12.2 Plaques et nodules infiltrés périmalléolaires chez un sujet avec un plasmocytome cutané, sans signe de myélome
12-3
12.3 Nodules cutanés témoignant d’une atteinte cutanée de maladie de Waldenström 12-3
12.4 Nodule cutané ulcéré témoignant d’un envahissement par contiguïté à partir d’un foyer osseux au cours du myé-
lome 12-3
12.5 Angiome gloméruloïde au cours d’un syndrome POEMS. Il s’agit d’une prolifération endovasculaire reproduisant
le dessin d’un glomérule rénal. Les dépôts amorphes intra-luminaux correspondent à des dépôts de l’immunoglo-
buline monoclonale 12-4
12.6 Acrocyanose et papules urticariennes fixes disposées linéairement en regard de trajets veineux superficiels au
cours d’une cryoglobulinémie mixte 12-5
12.7 Livédo racémeux des membres inférieurs au cours d’une cryoglobulinémie polyclonale de type mixte 12-5
12.8 Nécrose cutanée distale d’un orteil et livédo au cours d’une cryoglobulinémie mixte liée à une hépatite virale chro-
nique C 12-6
12.9 Livédo à évolution purpurique (« purpura rétiforme ») et nécrotique au cours d’une cryoglobulinémie monoclonale.
Noter également les lésions purpuriques stellaires. Le purpura rétiforme et le purpura stellaire traduisent presque
toujours une vasculopathie thrombosante évolutive et imposent donc une prise en charge immédiate 12-6
12.10 Macules et plaques roses à peine surélevées au cours d’un syndrome de Schnitzler 12-7
12.11 Plaque rouge violacé, lisse, luisante, aux bords émoussés mais nets au cours d’un syndrome AESOP 12-8
XVIII Table des figures

12.12 Papules jaunes confluentes en plaques et en nodules, de localisation périorbitaire, au cours du xanthogranulome
nécrobiotique 12-9
12.13 Spicules kératosiques chroniques du visage sans étiologie mise en évidence 12-9

13.1 Purpura ecchymotique des paupières au cours d’une amylose AL 13-2


13.2 Purpura des faces latérales du cou au cours d’une amylose AL 13-3
13.3 Purpura pétéchial disposé sous une forme striée linéaire d’un pli de l’abdomen au cours d’une amylose AL 13-3
13.4 Amylose maculeuse pigmentée : hyperpigmentation de la couche basale épidermique, hyperplasie des papilles der-
miques contenant des dépôts amyloïdes colorés par le cristal violet 13-3
13.5 Papules lisses, brillantes, cireuses des paupières au cours d’une amylose AL 13-4
13.6 Lésions pseudo-condylomateuses anales au cours d’une amylose AL 13-4
13.7 Alopécie modérée et localisée avec purpura ecchymotique du scalp au cours d’une amylose AL 13-4
13.8 Amylose unguéale : striation longitudinale, atrophie et anonychie partielle 13-5
13.9 Macroglossie au cours d’une amylose AL 13-5
13.10 Papules brunes groupées des faces d’extension des avant-bras au cours d’une amylose papuleuse 13-6
13.11 Gros plan sur les lésions cutanées d’amylose papuleuse 13-6
13.12 Plaques brunâtres mal limitées du dos au cours d’une amylose maculeuse 13-6
13.13 Amylose biphasique associant des lésions papuleuses et maculeuses amyloïdes 13-7

14.1 Corrélation entre les principales dermatoses neutrophiliques et la profondeur cutanée de l’infiltrat neutrophilique
14-2
14.2 Pathogénie des dermatoses neutrophiliques 14-3
14.3 Syndrome de Sweet : aspect typique de papules et de plaques surélevées au relief irrégulier, « montagneux » 14-3
14.4 Syndrome de Sweet : caractère circiné de certaines plaques (aspect de guérison centrale) 14-4
14.5 Localisation classique de syndrome de Sweet sur la partie haute du tronc et le cou 14-4
14.6 Syndrome de Sweet du visage associé à une conjonctivite 14-4
14.7 Lésions histologiques du syndrome de Sweet : infiltrat dermique massif de neutrophiles et œdème du derme su-
perficiel 14-4
14.8 Syndrome de Sweet bulleux au cours d’un lymphome splénique 14-5
14.9 Vasculite pustuleuse (dermatose neutrophilique) du dos des mains 14-6
14.10 Pyoderma gangrenosum débutant : ulcération profonde à bords décollés et violacés 14-7
14.11 Pyoderma gangrenosum : vaste ulcération profonde nécrotique et fibrineuse entourée d’un bourrelet d’extension
violacé et purulent (clapiers pustuleux) entouré d’un halo d’œdème et d’érythème 14-7
14.12 Cicatrice atrophique et cribiforme de pyoderma gangrenosum 14-8
14.13 Pyoderma malin : variante agressive de pyoderma du cou 14-8
14.14 Pyoderma gangrenosum pustuleux caractérisé par des pustules non folliculaires à base érythémateuse inflam-
matoire 14-9
14.15 Pyoderma gangrenosum bulleux au cours d’une anémie réfractaire avec excès de blastes 14-9
14.16 Pyoderma superficiel végétant : les lésions cutanées initialement pustuleuses prennent un caractère chronique
végétant 14-9
14.17 Pustulose sous-cornée : pustule plate cernée d’une base inflammatoire 14-10
14.18 Pustulose sous-cornée : multiples petites pustules désséchées sur une base érythémateuse groupées en formation
annulaire sur le tronc 14-10
14.19 Hidradénite neutrophilique eccrine au cours d’un traitement par cytostatiques : plaques érythémateuses du vi-
sage prédominant sur la région périorbitaire et le front 14-11
14.20 Hidradénite neutrophilique eccrine lors d’une infection VIH 14-11
14.21 Hidradénite eccrine neutrophilique plantaire : nodules érythémateux plantaires évocateurs d’un érythème
noueux 14-12
14.22 Erythema elevatum diutinum : papules et nodules des faces d’extension des articulations des mains 14-12
14.23 Abcès aseptiques neutrophiliques : nodules cutanés profonds et fistulisés des jambes au cours d’une maladie de
Crohn 14-13
14.24 Nodule liquidien pseudo-kystique et aseptique (confirmation par ponction-biopsie) correspondant à la localisa-
tion spécifique neutrophilique hépatique d’un pyoderma gangrenosum 14-13

15.1 Physiopathologie générale des dermatoses à éosinophiles : le polynucléaire éosinophile produit et secrète divers
médiateurs à l’origine de relations cellulaires avec les mastocytes (activation réciproque), les cellules endothéliales
(action proangiogène) et les fibroblastes (effet profibrosant) 15-2
Table des figures XIX

15.2 Papules et pustules disséminées du visage et du cou au cours d’une folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji
15-3
15.3 Atteinte des épaules et de la nuque chez le même malade 15-3
15.4 Lésions papuleuses et pustuleuses inflammatoires de la face antérieure du tronc au cours d’une folliculite pustu-
leuse chez un patient VIH 15-3
15.5 Atteinte pustuleuse du scalp au cours d’une folliculite pustuleuse à éosinophiles de l’enfant 15-4
15.6 Atteinte pustuleuse du tronc : une localisation cutanée atypique de folliculite pustuleuse à éosinophiles de l’enfant
15-4
15.7 Plaque inflammatoire annulaire de la face postérieure du membre supérieur au cours d’une cellulite à éosinophiles
15-5
15.8 Papules et nodules prébulleux du dos des mains au cours d’une cellulite à éosinophiles 15-5
15.9 Érythème annulaire à éosinophiles, une variante clinique de la cellulite à éosinophiles 15-5
15.10 Infiltrat dermique à prédominance de polynucléaires éosinophiles (à fort grossissement, image en « flammèches »)
15-6
15.11 Papulo-nodule angiomateux du scalp au cours d’une hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie 15-6
15.12 Nodules brunâtres, d’aspect peau d’orange, d’une joue au cours du granulome facial éosinophilique de Lever 15-7
15.13 Ulcérations du bord lingual au cours d’un ulcère éosinophilique des muqueuses 15-8
15.14 Exanthème maculo-papuleux inflammatoire du tronc au cours d’un syndrome hyperéosinophilique primitif
15-9
15.15 Érosions muqueuses palatines au cours d’un syndrome hyperéosinophilique primitif 15-9

16.1 Aspect ultrastructural du mastocyte 16-2


16.2 Ontogenèse du mastocyte 16-3
16.3 Flush du visage au cours d’une mastocytose de l’enfant 16-5
16.4 Urticaire pigmentaire de l’adulte 16-6
16.6 Signe de Darier au cours d’un mastocytome de l’enfant. Le frottement de la lésion initiale à l’aide d’une pointe
mousse entraîne sa turgescence 16-6
16.5 Urticaire pigmentaire au cours d’une mastocytose systémique de l’adulte. Renforcement des lésions brunâtres au
niveau du pli sous-abdominal 16-6
16.7 Urticaire pigmentaire de l’enfant : aspect « peau de léopard » 16-7
16.8 Mastocytose bulleuse de l’enfant associant des plaques érythémateuses surmontées de bulles du dos et un dermo-
graphisme du haut du tronc 16-7
16.9 Télangiectasies profuses, groupées en une large plaque médio-dorsale et scapulaire au cours d’une mastocytose
télangiectasique 16-7
16.10 Mastocytose xanthélasmoïde : macules brunâtres du cou disposées selon les lignes de tension cutanée 16-7
16.11 Mastocytose multinodulaire : petits nodules hémisphériques de surface lisse des épaules 16-8
16.12 Infiltrat mastocytaire dermique, prédominant en position périvasculaire, au cours d’une urticaire pigmentaire
16-9
16.13 Marquage immuno-histochimique des mastocytes par le CD-117 (c-kit) 16-9

17.1 Érythème noueux : nodules érythémateux profonds des faces antérieures de jambes 17-2
17.2 Sarcoïdes à petits nodules : papules et nodules hémisphériques rouge brunâtre de surface lisse 17-2
17.3 Sarcoïdes à petits nodules de l’avant-bras 17-3
17.4 Sarcoïdes à petits nodules de la nuque 17-3
17.5 Sarcoïdes à gros nodules du visage : nodules saillants brunâtres de surface lisse 17-3
17.6 Angiolupoïde de Brocq-Pautrier : placard nodulaire isolé angiomateux de la joue 17-4
17.7 Sarcoïdes en plaque : plaque tuméfiée et infiltrée résultant de la confluence de sarcoïdes 17-4
17.8 Lupus pernio : larges nodules et plaques annulaires du visage 17-5
17.9 Lupus pernio de l’oreille 17-5
17.10 Réactivation d’une ancienne cicatrice prenant une allure chéloïdienne au cours de sarcoïdes sur cicatrice 17-5
17.11 Sarcoïde sur cicatrice du genou gauche associée à des lésions papuleuses spécifiques 17-6
17.12 Sarcoïdes hypodermiques : volumineux nodules sous-cutanés associés à des lésions papuleuses sarcoïdosiques
spécifiques 17-6
17.13 Alopécie cicatricielle sarcoïdosique 17-6
17.14 Atteinte nodulaire sarcoïdosique du palais 17-6
17.15 Sarcoïdose cutanée : le derme est envahi sur toute sa hauteur par des granulomes épithélioïdes et gigantocellu-
laires ; gros plan sur les granulomes sarcoïdosiques 17-7
XX Table des figures

18.1 Exanthème maculo-papuleux du tronc 18-2


18.2 Plaques érythémateuses, œdémateuses à centre clair de l’abdomen : urticaire marginée 18-3
18.3 Angio-œdème de la lèvre inférieure 18-3
18.4 Pustulose exanthématique aiguë généralisée : semis de petites pustules non folliculaires sur un placard rouge vif
de l’abdomen et des plis inguinaux 18-4
18.5 Pseudo-Lyell par coalescence des pustules au cours d’une pustulose exanthématique aiguë généralisée 18-4
18.6 Pustulose exanthématique aiguë généralisée : pustule spongiforme sous-cornée et infiltrat mixte lymphocytaire
et neutrophilique périvasculaire du derme 18-5
18.7 Macules ovalaires rouge violacé multiples caractéristiques de l’érythème pigmenté fixe 18-6
18.8 Atteinte de la lèvre supérieure au cours d’un érythème pigmenté fixe 18-6
18.9 Pseudo-Lyell au cours d’une forme diffuse et bulleuse d’érythème pigmenté fixe 18-6
18.10 Érythème pigmenté fixe : nombreuses nécroses kératinocytaires éosinophiles, associées à une vacuolisation ba-
sale épidermique. Infiltrat inflammatoire polymorphe du derme papillaire et présence de quelques mélanophages
dermiques 18-6
18.11 Exanthème maculeux coalescent au cours d’un syndrome DRESS induit par la carbamazépine 18-7
18.12 Lésions érythémateuses en cocarde du dos des doigts caractéristiques de l’érythème polymorphe 18-8
18.13 Nécrolyse épidermique toxique : décollement cutané en « linge mouillé » diffus du dos 18-8
18.14 Signe de Nikolsky : décollement épidermique provoqué par le frottement cutané 18-9
18.15 Atteinte érosive, croûteuse et hémorragique des muqueuses labiales et nasale au cours du syndrome de Stevens-
Johnson 18-9
18.16 Atteinte génitale érosive au cours du syndrome de Stevens-Johnson 18-9
18.17 Nécrolyse épidermique toxique : nécrose éosinophile confluente de la majorité de l’épiderme, sans modification
de la couche cornée. Clivage de l’épiderme par rapport au derme en un seul bloc (bulle sous-épidermique) et
infiltrat inflammatoire discret du derme superficiel 18-10

19.1 Lupus érythémateux chronique « vitiligoïde ». Un examen clinique superficiel aurait pu conclure à un vitiligo, mais
il existe un érythème inflammatoire violacé, une hyperchromie « jonctionnelle » périphérique et de discrètes mo-
difications de surface 19-2
19.2 Aspect de « lupus-lichen » chez une patiente ayant appliqué des produits à base d’hydroquinone de façon prolongée.
Ce type de lésion régresse plus ou moins rapidement à l’arrêt de la pratique de dépigmentation 19-2
19.3 Lupus érythémateux subaigu. L’hyperchromie est intense, étendue, et dépasse apparemment largement les zones
actuellement inflammatoires 19-3
19.4 Achromie mouchetée profuse caractéristique de sclérodermie systémique 19-3
19.5 Œdème périorbitaire au cours d’une dermatomyosite ; l’aspect « lilacé » fait défaut 19-4
19.6 Poïkilodermatomyosite 19-4
19.7 Vascularite. Le purpura est peu visible, relégué au second plan de la sémiologie par des lésions nécrotiques secon-
daires 19-4
19.8 Sarcoïdose hypochromique profuse 19-5
19.9 Aspect de Facial Afro-Carribean Childhood Eruption (FACE) chez une Africaine âgée de 14 ans. Les lésions, qui
étaient satellites d’une application de corticoïdes locaux, ont régressé complètement après un traitement oral
par cyclines de quelques semaines 19-5

20.1 Représentation schématique de la boucle capillaire 20-1


20.2 Mégacapillaires : ils sont toujours pathologiques et s’observent surtout dans la dermatomyosite, souvent lors de
sclérodermie et lors de syndrome de Sharp, parfois lors de lupus 20-3
20.3 Représentation schématique des dystrophies capillaires 20-3
20.4 Sinuosités physiologiques à type de caducée ou de huit 20-3
20.5 Tortuosités capillaires avec aspect en feuille de fougère 20-4
20.6 Les microhémorragies capillaires migrent en « volutes de fumées » et leur coloration se modifie selon la biligénie
20-4
20.7 Dystrophie capillaire ectasiante 20-4
20.8 Migration discontinue des érythrocytes lors de sludge 20-6

21.1 Lichen plan : découpage de la basale épidermique par un infiltrat lymphocytaire, présence de corps hyalins, hyper-
granulose, hyperkératose orthokératosique 21-3
21.2 Lupus érythémateux : vacuolisation de la couche basale par nécrose des kératinocytes, atrophie du corps muqueux,
épaississement hyalin de la zone sous-basale, infiltrat lymphocytaire 21-3
Table des figures XXI

21.3 Lupus érythémateux : infiltrats lymphocytaires, follicules pileux atrophiques, dilatation d’un ostium pilaire avec
bouchon corné 21-4
21.4 Lupus érythémateux : bande lupique sur la basale épidermique et sur une basale pilaire avec anti-IgG (immuno-
fluorescence cutanée) 21-4
21.5 Lupus érythémateux bulleux : bulle sous-épidermique à toit intact, accumulation de polynucléaires dans le clivage
témoignant de l’association à une maladie bulleuse auto-immune de la jonction dermo-épidermique 21-4
21.6 Dermatomyosite : altérations vacuolaires de la basale épidermique, au-dessus d’un derme discrètement inflam-
matoire et œdémateux 21-5
21.7 Réaction aiguë du greffon contre l’hôte : corps cellulaires apoptotiques dans la couche basale avec images de « satel-
lite cell necrosis », discret infiltrat inflammatoire 21-5
21.8 Toxidermie : exocytose lymphocytaire autour de cellules nécrosées de la couche basale épidermique, infiltrat du
derme papillaire 21-5
21.9 Lupus érythémateux tumidus : infiltrats lymphocytaires dermiques denses et profonds atteignant l’hypoderme,
discrète atrophie épidermique 21-5
21.10 Lupus érythémateux : panniculite avec follicules lymphocytaires 21-6
21.11 Lupus-engelures : infiltrat lichénoïde associé à des infiltrats profonds longeant et infiltrant les vaisseaux 21-6
21.12 Sclérodermie (morphée) : épaississement scléreux du derme, peu cellulaire, avec horizontalisation des fibres de
collagène, atrophie annexielle, infiltrat lymphocytaire soulignant la périphérie de la plaque, respect du derme
superficiel et de l’épiderme 21-6
21.13 Fasciite : épaississement scléreux du fascia aux dépens du tissu adipeux, infiltrats lymphocytaires avec présence
de quelques follicules 21-7
21.14 Fibrose néphrogénique : hyperplasie fibroblastique diffuse du derme avec fibrose 21-7
21.15 Sarcoïdose : granulomes épithélioïdes nodulaires, bien limités avec cellules multinucléées, sans nécrose. Petit
infiltrat lymphocytaire périphérique 21-8
21.16 Granulome annulaire : infiltrat macrophagique réticulé entouré de quelques manchons lymphocytaires périvas-
culaires 21-8
21.17 Granulomatose de Wegener : foyers de nécrose basophile contenant une poussière nucléaire bleuâtre, infiltrats
polymorphes contenant des amas macrophagiques mal limités 21-8
21.18 Xanthogranulome nécrobiotique : nécrobiose extensive avec granulomes macrophagiques gigantocellulaires et
sclérose 21-8
21.19 Dermatite interstitielle granulomateuse : infiltrats macrophagiques entourant des fibres de collagène dégénéra-
tif. Présence de quelques éosinophiles dispersés dans le derme voisin 21-9
21.20 Syndrome de Sweet : infiltrat diffus de polynucléaires neutrophiles leucocytoclasiques, séparé de l’hypoderme
par un œdème papillaire. L’épiderme est normal 21-9
21.21 Urticaire : discrète infiltration de polynucléaires éosinophiles et neutrophiles entre les fibres de collagène 21-10
21.22 Phénomène de Wells : dégranulation de polynucléaires éosinophiles avec nécrobiose acidophile, présence d’une
figure « en flammèche » caractéristique du phénomène 21-10
21.23 Vasculite leucocytoclasique : thrombose d’un capillaire terminal, nécrose fibrinoïde débordant le vaisseau, leuco-
cytoclasie 21-10
21.24 Vasculite leucocytoclasique : thrombose d’une veinule avec nécrose fibrinoïde pariétale. L’infiltrat est ici à prédo-
minance lymphocytaire 21-10
21.25 Embolie de cholestérol : oblitération de la lumière d’une petite artère hypodermique par des cristaux de choles-
térol dont on ne voit ici que les empreintes laissées après dissolution du cholestérol 21-11
Tableaux
1.1 Principales manifestations dermatologiques observées au cours des lupus 1-2
1.2 Gènes en dehors du complexe majeur d’histocompatibilité potentiellement impliqués à l’origine d’une susceptibilité
aux lupus cutanés ou à la production d’anticorps anti-Ro/SS-A 1-3

2.1 Manifestations cliniques de la vasculite rhumatoïde 2-15

4.1 Principales manifestations systémiques extracutanées du scléromyxœdème 4-2

5.1 Caractéristiques cliniques du syndrome des antisynthétases 5-5


5.2 Principaux anticorps associés aux myopathies inflammatoires 5-12

9.1 Diagnostics différentiels de la maladie de Kawasaki 9-5


9.2 Comparaison des principales manifestations cliniques et paracliniques des maladies de Kawasaki de l’adulte et de
l’enfant 9-8

13.1 Classification des amyloses avec expression cutanée 13-2

17.1 Principales manifestations systémiques extracutanées de la sarcoïdose 17-8


17.2 Manifestations médiastino-pulmonaires de la sarcoïdose 17-9

18.1 Principaux mécanismes immunoallergiques des toxidermies 18-2


18.2 Signes de gravité devant un exanthème maculo-papuleux 18-2
18.3 Chronologies évocatrices dans les toxidermies 18-11
18.4 Définitions pour comprendre la classification des médicaments 18-12

20.1 Principales anomalies capillaroscopiques en médecine interne 20-5

21.1 Principales colorations histochimiques 21-2


21.2 Principaux anticorps utilisés pour identifier les cellules des infiltrats cutanés 21-2
Encadrés
1.A Médicaments inducteurs de lupus érythémateux subaigu 1-3
1.B Critères de classification du lupus érythémateux aigu disséminé 1-11
1.C Surveillance d’un traitement au long cours par APS 1-12

3.A Critères diagnostiques de la ScS selon l’ARA 3-6


3.B Examens complémentaires utiles en cas de ScS 3-6
3.C Classification des sclérodermies cutanées localisées 3-8
3.D Manifestations systémiques associées à la Sc localisée 3-11

4.A Critères diagnostiques du syndrome POEMS 4-4


4.B Médicaments, toxiques et syndrome sclérodermiforme 4-8
4.C Principales génodermatoses sclérodermiformes 4-11

5.A Classification des myopathies inflammatoires primitives 5-2


5.B Critères diagnostiques de la dermatomyosite 5-2
5.C Manifestations cutanées de la dermatomyosite 5-4

6.A Éléments de classement des vasculites 6-6


6.B Classification des vasculites selon Fauci 6-7
6.C Classification des vasculites selon Jorizzo 6-7
6.D Classification des vasculites (Chapell Hill) 6-8
6.E Causes des vasculites et classification pragmatique 6-8
6.F Médicaments pouvant induire des vasculites 6-10
6.G Médicaments pouvant induire des vasculites avec ANCA 6-11
6.H Critères diagnostiques du purpura rhumatoïde selon l’ARA 6-13
6.I Maladies associées à la production de cryoglobuline 6-15
6.J Critères diagnostiques de la PAN selon l’ARA 6-19
6.K Critères diagnostiques de l’ACS selon l’ARA 6-22
6.L Critères diagnostiques de la GW selon l’ARA 6-25
6.M Critères diagnostiques de la MH selon l’ARA 6-27

7.A Critères diagnostiques du Study Group for Behçet Disease 7-2

8.A Critères consensuels européens et américains du SGS 8-6

9.A Superantigènes 9-3


9.B Critères diagnostiques de la maladie de Kawasaki 9-3

10.A Critères de Michet de la polychondrite chronique atrophiante 10-1

12.A Signes cutanés évocateurs d’une paraprotéinémie 12-1


12.B Dermatoses associées à une paraprotéinémie 12-2
12.C Affections cutanées et dépôts extravasculaires d’Ig 12-2
12.D Critères diagnostiques du syndrome de Schnitzler 12-6
XXVI Table des encadrés

13.A Signes cutanés et muqueux de l’amylose systémique AL 13-2

14.A Principales affections ou substances associées au syndrome de Sweet 14-5


14.B Critères cliniques du syndrome de Sweet classique et médicamenteux 14-6
14.C Critères diagnostiques du PG 14-7
14.D Diagnostics différentiels du pyoderma gangrenosum 14-8

16.A Histo-enzymologie et immunohistochimie des mastocytes 16-2


16.B Facteurs pouvant favoriser la dégranulation mastocytaire 16-4
16.C Classifications et critères diagnostiques des mastocytoses 16-4
16.D Protocole initial et de suivi d’une mastocytose de l’adulte 16-12

18.A Médicaments fréquemment imputés au cours d’EMP 18-2


18.B Médicaments impliqués dans les urticaires, angio-œdèmes et anaphylaxie 18-4
18.C Principaux médicaments imputés au cours de la PEAG 18-5
18.D Principaux médicaments incriminés dans l’EPF 18-7
18.E Médicaments incriminés dans le syndrome DRESS 18-7
18.F Principaux médicaments impliqués au cours de la nécrolyse épidermique toxique 18-10
18.G Que faire en cas de toxidermie ? 18-10
18.H Conseils aux patients ayant eu une toxidermie 18-12

20.A Recueil des données en capillaroscopie péri-unguéale 20-2


Index
a et critères diagnostiques 7-2
Acné conglobata 2-19 et folliculite 7-3
Acrodermatite d’Hallopeau 2-5 et pathogénie 7-7
Acrogeria 4-13 et traitement 7-8
Acrosyndromes 1-13 Besnier-Boeck-Schaumann (maladie de) 17-1
AESOP (syndrome) 12-7 Buerger (maladie de) 6-29
Allen (manœuvre d’) 3-1 Buschke (sclérœdème de) 4-4
Amylose cutanée 13-1
A ApoA1 13-8 c
AGel 13-8 Calcinose 3-3
apolipoprotéinique A1 13-8 Capillaroscopie péri-unguéale 20-1
ATTR 13-8 Cheiroarthropathie diabétique 4-10
à bêta-2-microglobuline 13-6 Churg et Strauss
et classification 13-1 angéite de 6-21
et dépôts amyloïdes 13-7 granulome de 2-17, 6-4, 6-22
finlandaise 13-8 CINCA (syndrome) 11-7
des hémodialysés 13-6 CREST (syndrome) 3-3
héréditaire 13-7 Crow-Fukase (syndrome de) 4-5
immunoglobulinique 13-2 Cryoglobulinémies
maculeuse 13-7 mixtes essentielles (syndrome de Meltzer et Franklin)
nodulaire primitive 13-5 6-16
papuleuse 13-7 et paraprotéinémies 12-3
portugaise 13-8 et vasculite 6-13
secondaire 13-5
Anaphylaxie 18-2 d
Anétodermie 1-16 Darier-Roussy (sarcoïdes hypodermiques de) 17-4
Angio-œdème Darier (signe de) 16-6
cyclique de Gleich 15-10 Dermatite granulomateuse interstitielle avec arthrite
médicamenteux 18-2 2-16
Antipaludéens de synthèse 1-12 Dermatomyosite 5-1
Antisynthétases (syndrome des) 5-5 amyopathique 5-10
Aphtose et auto-anticorps 5-11
et diagnostics différentiels 7-6 et cancers 5-10
et maladie de Behçet 7-1 et critères diagnostiques 5-1
Artérite de Takayasu 6-28 et histologie 5-3, 21-4
Arthrites réactionnelles 2-19 juvénile 5-10
et kératodermie palmoplantaire de Vidal et Jacquet médicamenteuse 5-11
2-19 et pathogénie 5-11
et syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter 2-19 et peau dite noire 19-4
et syndrome des antisynthétases 5-5
b et traitement 5-13
Barber (psoriasis pustuleux palmoplantaire de) 2-5 de Wong 5-5
Behçet (maladie de) 7-1 Dermatose cendrée 19-3
et aphtose 7-1
XXVIII Index

Dermatoses éosinophiliques 15-1 Fièvre familiale méditerranéenne 11-3


et angio-œdème cyclique de Gleich 15-10 Fièvres périodiques 11-1
et cellulite à éosinophiles 15-5 et fièvre familiale méditerranéenne 11-3
et érythème annulaire 15-5 et mutation de gène CIAS1 11-5
et folliculites à éosinophiles 15-2 et neutropénie cyclique 11-7
et granulome facial de Lever 15-7 et pathogénie 11-1
et hémopathie 15-10 et syndrome auto-immun au froid 11-6
et histologie 21-9 et syndrome CINCA 11-7
et hyperplasie angio-lymphoïde 15-6 et syndrome FAPA 11-5
et maladie de Kimura 15-6 et syndrome hyper-IgD 11-5
et pathogénie 15-1 et syndrome de Muckle et Wells 11-6
et syndrome EPPER 15-10 et syndrome NOMID 11-7
et syndrome hyperéosinophilique primitif 15-8 et syndrome PAPA 11-8
et syndrome NERDS 15-10 et syndrome PFAPA 11-5
et syndrome de Wells 15-5 et syndrome TRAPS 11-4
et ulcère éosinophilique des muqueuses 15-7 et urticaire au froid familiale 11-6
et vasculites à éosinophiles 15-10 Folliculite
Dermatoses neutrophiliques 14-1 à éosinophiles 15-2
et abcès aseptiques neutrophiliques 14-13 et maladie de Behçet 7-3
et dermatose neutrophilique rhumatoïde 14-6 d’Ofuji 15-2
du dos des mains 14-6 Fuite capillaire (syndrome de) 12-7
et erythema elevatum diutinum 14-12
et hidradénite neutrophilique eccrine 14-11 g
et histologie 21-9 Gleich (angio-œdème cyclique avec hyperéosinophilie
et maladie neutrophilique 14-1 de) 15-10
et pathogénie 14-2 Gottron (signe de) 5-2
et pemphigus à IgA 14-11 Gougerot-Sjögren (syndrome de) 8-1
et polyarthrite rhumatoïde 2-16 et critères diagnostiques 8-5
et pustulose des connectivites 14-13 et érythème annulaire 8-2
et pustulose à IgA intraépidermique 14-11 et histologie 8-5
et pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson et lymphome 8-6
14-10 et pathogénie 8-4
et pyoderma gangrenosum 14-7 et traitement 8-7
et syndrome PAPA 14-13 Goutte 2-22
et syndrome de Sweet 14-2 Granulomatose de Wegener 6-23
et vasculite pustuleuse du dos des mains 14-6 Granulome
Dermopathie fibrosante néphrogénique 4-2 de Churg et Strauss 2-17, 6-4, 6-22
DRESS (syndrome) 18-7 et histologie 21-7
de Lever (éosinophilique) 15-7
e sarcoïdosique 17-7
EPPER (syndrome) 15-10
Erythema elevatum diutinum 14-12 h
Érythème annulaire Hallopeau (acrodermatite d’) 2-5
à éosinophiles 15-5 Hémiatrophie faciale de Parry-Romberg 3-10, 4-10
et syndrome de Gougerot-Sjögren 8-2 Hidradénite neutrophilique eccrine
Érythème noueux 17-1 et hémopathies 14-11
Érythème pigmenté fixe 18-5 plantaire idiopathique 14-12
Érythème polymorphe 18-8 Horton (maladie de) 6-26
Huriez (scléroatrophie d’) 4-13
f Hutchinson-Gilford (syndrome de) 4-12
FACE (syndrome) 19-6 Hyper-IgD (syndrome) 11-5
FAPA (syndrome) 11-5 Hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie 15-6
Fasciite palmaire-arthrite 4-11
Fasciite k
à éosinophiles 3-10 Kaposi-Irgang (maladie de) 1-9
de Shulman 3-10, 21-6 Kawasaki (maladie de) 9-1
Fibrose systémique néphrogénique 4-2 de l’adulte 9-6
Fiessinger-Leroy-Reiter (syndrome de) 2-19 et critères diagnostiques 9-3
Index XXIX

et diagnostic différentiel 9-4 de Kawasaki 9-1


et formes incomplètes 9-6 de Kimura 15-6
pathogénie 9-2 périodique 11-3
et superantigènes 9-2 de Still 2-20
et traitement 9-8 de Waldenström 12-5
Kératodermie palmoplantaire de Vidal et Jacquet 2-19 Mastocytose 16-1
Kimura (maladie de) 15-6 et c-kit 16-2
et classification 16-4
l cutanée diffuse 16-8
Lever (granulome facial éosinophilique de) 15-7 et flush 16-5
Lichen plan 21-3 et histologie 16-8
Lipodermatosclérose 4-9 et mastocytome 16-5, 16-7
Livédo multinodulaire 16-7
et lupus érythémateux 1-13 et pathogénie 16-3
Löfgren (syndrome de) 17-2 et signe de Darier 16-6
Lupus érythémateux 1-1 télangiectasique 16-7
et acrosyndromes 1-13 et traitement 16-13
aigu 1-5 et urticaire pigmentaire 16-6
et anétodermie 1-16 xanthélasmoïde 16-7
et antipaludéens de synthèse 1-12 Meltzer et Franklin (syndrome de) 6-16
bulleux 1-15 Mucinose
chronique 1-6 et lichen myxœdémateux 4-1
et critères diagnostiques 1-10 et lupus érythémateux 1-15
et dermatose cendrée 19-3 et sclérœdème de Buschke 4-4
disséminé 1-10 et scléromyxœdème 4-1
et génétique 1-2 Muckle et Wells (syndrome de) 11-6
et hémorragies sous-unguéales 1-14
et histologie 1-9, 21-3, 21-5 n
et immunofluorescence directe 1-10 Nécrolyse épidermique toxique 18-8
et livédo 1-13 NERDS (syndrome) 15-10
lupus-engelures 1-8 Neutropénie cyclique 11-7
médicamenteux 1-3 Nikolsky (signe de) 18-9
et mucinose 1-15 NOMID (syndrome) 11-7
néonatal 1-11
et œdème de Quincke 1-14 o
et peau dite noire 19-2 Œdème aigu hémorragique du nourrisson 6-13
et physiopathologie 1-4 Œdème de Quincke 1-14
profond 1-9 Ofuji (folliculite d’) 15-2
et pustulose amicrobienne des plis 1-16 Onycho-pachydermo-périostite psoriasique 2-2
subaigu 1-6
et syndrome de Rowell 1-6 p
et thalidomide 1-12 Panniculite lupique 1-9
et traitement 1-11 PAPA (syndrome) 11-8, 14-13
tumidus 1-7 Paraprotéinémies 12-1
et ulcères de jambes 1-14 et angiomes gloméruloïdes 12-4
et urticaire 1-14 et cryoglobulinémies 12-3
Lupus pernio 17-4 et maladie de Waldenström 12-5
Lyell (syndrome de) 18-8 et pathogénie 12-1
et plasmocytome 12-7
m et spicules kératosiques 12-9
Mac Duffie (vasculite urticarienne de) 6-16 et syndrome AESOP 12-7
MAGIC (syndrome) 10-5 et syndrome de fuite capillaire 12-7
Maladie et syndrome POEMS 12-7
de Behçet 7-1 et syndrome de Schnitzler 12-5
de Besnier-Boeck-Schaumann 17-1 et xanthogranulome nécrobiotique 12-8
de Buerger 6-29 Parry-Romberg (hémiatrophie faciale de) 3-10, 4-10
de Horton 6-26 Pemphigus à IgA 14-11
de Kaposi-Irgang 1-9 Périartérite noueuse 6-18
XXX Index

PFAPA (syndrome) 11-5 et sclérodermie 4-7


Phénomène de Raynaud 3-1 Réticulo-histiocytose multicentrique 2-22
Pierini Pasini (atrophodermie idiopathique de) 3-9 Rhumatisme fibroblastique 2-21
Plasmocytome 12-7 Rowell (syndrome de) 1-6
POEMS (syndrome) 4-5, 12-7
Polyangéite microscopique 6-20 s
Polyarthrite rhumatoïde 2-13 SAPHO (syndrome) 2-19
et dermatite granulomateuse interstitielle avec ar- Sarcoïdose 17-1
thrite 2-16 et cicatrice 17-4
et dermatose neutrophilique rhumatoïde 2-16 et érythème noueux 17-1
et nodules rhumatoïdes 2-13 et histologie 17-7
et noduloses rhumatoïdes 2-13 et lupus pernio 17-4
et papules rhumatoïdes 2-17 et peau dite noire 19-5
et vasculite rhumatoïde 2-14 et sarcoïdes 17-3
Polychondrite chronique atrophiante 10-1 et sarcoïdes hypodermiques de Darier-Roussy 17-4
et critères diagnostiques 10-1 et syndrome de Löfgren 17-2
et histologie 10-6 et traitement 17-10
et myélodysplasies 10-5 Schnitzler (syndrome de) 6-18, 12-5
et pathogénie 10-6 Schönlein-Henoch (purpura de) 6-11
et syndrome MAGIC 10-5 Scléroatrophie d’Huriez 4-13
et traitement 10-6 Sclérodermie systémique 3-1
Porphyrie cutanée tardive 4-9 et calcinose 3-3
Progeria et critères diagnostiques 3-6
de l’adulte 4-12 et grossesse 3-6
de Hutchinson-Gilford 4-12 et histologie 3-2, 21-6
Psoriasis 2-1 et hypertension artérielle pulmonaire 3-4
et acrodermatite d’Hallopeau 2-5 et manœuvre d’Allen 3-1
érythrodermique 2-6 et pathogénie 3-6
et génétique 2-8 et peau dite noire 19-3
et histologie 2-7 et phénomène de Raynaud 3-1
et infections 2-8 et pneumopathie interstitielle 3-3
médicamenteux 2-7 professionnelle 3-8
et onycho-pachydermo-périostite 2-2 et sclérose cutanée 3-2
pustuleux généralisé 2-6 et syndrome CREST 3-3
pustuleux palmoplantaire 2-5 et traitement 3-7
et rhumatisme 2-1 Sclérodermies cutanées 3-8
et traitement 2-10 et atrophodermie idiopathique de Pierini Pasini 3-9
vulgaire 2-3 en bande 3-9
Purpura en « coup de sabre » 3-10
rhumatoïde 6-11 et fasciite à éosinophiles 3-10
de Schönlein-Henoch 6-11 et fasciite de Shulman 3-10
Pustulose en goutte 3-9
amicrobienne des plis 1-16, 14-13 et hémiatrophie faciale de Parry-Romberg 3-10
des connectivites 14-13 et morphée 3-9
exanthématique aiguë généralisée 18-4 et traitement 3-11
à IgA intraépidermique 14-11 Sclérœdème de Buschke 4-4
palmoplantaire arthropathique 2-18 Scléromyxœdème et syndromes sclérodermiformes 4-1
palmoplantaire psoriasique 2-5 Sharp (syndrome de) 3-8
sous-cornée de Sneddon-Wilkinson 14-10 Shulman (fasciite de) 3-10, 21-6
Pyoderma gangrenosum 14-7 Signe
de Darier 16-6
q de Nikolsky 18-9
Quincke (œdème de) 1-14 Sneddon-Wilkinson (pustulose sous-cornée de) 14-10
Sonozaki (syndrome de) 2-18
r Spicules kératosiques 12-9
Raynaud (phénomène de) 3-1 Stevens-Johnson (syndrome de) 18-8
Réaction chronique du greffon contre l’hôte Still (maladie de) 2-20
et histologie 21-4
Index XXXI

Sweet (syndrome de) 14-2 et réaction chronique du greffon contre l’hôte 4-7
et cancers 14-4 et scléroatrophie d’Huriez 4-13
médicamenteux 14-5 et sclérœdème de Buschke 4-4
Syndrome et scléromyxœdème 4-1
AESOP 12-7 et syndrome carcinoïde 4-9
des antisynthétases 5-5 et syndrome de Hutchinson-Gilford 4-12
carcinoïde 4-9 et syndrome POEMS 4-5
CINCA 11-7 et syndrome de Texier 4-8
CREST 3-3 et syndrome de Werner 4-12
de Crow-Fukase 4-5 toxiques 4-8
DRESS 18-7
EPPER 15-10 t
FACE 19-6 Takatsuki (syndrome de) 4-5
FAPA 11-5 Takayasu (artérite de) 6-28
de Fiessinger-Leroy-Reiter 2-19 Telangiectasia macularis eruptiva perstans 16-7
de fuite capillaire 12-7 Texier (syndrome de) 4-8
de Gougerot-Sjögren 8-1 Thalidomide 1-12
de Hutchinson-Gilford 4-12 Thromboangéite oblitérante 6-29
hyper-IgD 11-5 Tophi (goutte) 2-22
hyperéosinophilique primitif 15-8 Toxidermies 18-1
d’hypersensibilité médicamenteuse 18-7 et anaphylaxie 18-2
de Löfgren 17-2 et angio-œdème 18-2
de Lyell 18-8 et érythème pigmenté fixe 18-5
MAGIC 10-5 et érythème polymorphe 18-8
de Meltzer et Franklin 6-16 et exanthème maculo-papuleux 18-1
de Muckle et Wells 11-6 et histologie 21-4
NERDS 15-10 et nécrolyse épidermique toxique 18-8
NOMID 11-7 et pustulose exanthématique aiguë généralisée 18-4
PAPA 11-8, 14-13 et signe de Nikolsky 18-9
PFAPA 11-5 et syndrome DRESS 18-7
POEMS 4-5, 12-7 et syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse
de Rowell 1-6 18-7
SAPHO 2-19 et syndrome de Lyell 18-8
de Schnitzler 6-18, 12-5 et syndrome de Stevens-Johnson 18-8
de Sharp 3-8 et tests allergologiques 18-12
de Sonozaki 2-18 et traitement 18-11
de Stevens-Johnson 18-8 et urticaire aiguë 18-2
de Sweet 14-2 et vasculites médicamenteuses 18-5
de Takatsuki 4-5 TRAPS (syndrome) 11-4
de Texier 4-8
TRAPS 11-4 u
de Wells 15-5 Ulcère
de Werner 4-12 éosinophilique des muqueuses 15-7
Syndromes sclérodermiformes 4-1 et lupus érythémateux 1-14
et acrodermatite chronique atrophiante 4-10 Urticaire
et acrogeria 4-13 au froid familiale 11-6
et amylose 4-7 et lupus érythémateux 1-14
et cheiroarthropathie diabétique 4-10 médicamenteuse 18-2
et dermopathie fibrosante néphrogénique 4-2 pigmentaire 16-6
et fasciite palmaire-arthrite 4-11
et fibrose systémique néphrogénique 4-2 v
et hémiatrophie de Parry-Romberg 4-10 Vasculite 6-1
et lichen myxœdémateux 4-1 alimentaire 6-9
et lipodermatosclérose 4-9 et angéite de Churg et Strauss 6-21
médicamenteux 4-8 et artérite de Takayasu 6-28
et mucinose 4-1, 4-4 et classification 6-7
et porphyrie cutanée tardive 4-9 de contact 6-9
et progeria 4-12 et cryoglobulinémies mixtes 6-13
XXXII Index

à éosinophiles 15-10 Vidal et Jacquet (kératodermie palmoplantaire de)


et granulomatose de Wegener 6-23 2-19
et histologie 6-2, 21-10 Von Zumbusch (psoriasis pustuleux généralisé de) 2-6
infectieuse 6-11
et maladie de Buerger 6-29 w
et maladie de Horton 6-26 Waldenström (maladie de) 12-2, 12-5
médicamenteuse 6-9, 18-5 et macroglobulinémie 4-4
et œdème aigu hémorragique du nourrisson 6-13 Waldenström
et pathogénie 6-1 purpura hyperglobulinémique de 6-7
et peau dite noire 19-5 Wegener (granulomatose de) 6-23
et périartérite noueuse 6-18 Wells (syndrome de) 15-5
et polyangéite microscopique 6-20 Werner (syndrome de) 4-12
et purpura rhumatoïde 6-11 White spot disease 3-9
rhumatoïde 2-14 Wong (dermatomyosite de) 5-5
et syndrome de Schnitzler 6-18
et thromboangéite oblitérante 6-29 x
urticarienne de Mac Duffie 6-16 Xanthogranulome nécrobiotique 12-8
Table des matières
Préface
Avant-propos

1 Lupus érythémateux
Camille Francès
Lésions lupiques 1-1
Nosologie, épidémiologie et facteurs de risque 1-1
Physiopathologie 1-4
Aspects cliniques 1-5
Aspects histologiques 1-9
Lupus cutanés et lupus érythémateux disséminé 1-10
Autres associations 1-11
Lupus néonatal 1-11
Traitement des lupus cutanés 1-11
Lésions vasculaires 1-13
Acrosyndromes 1-13
Livédo 1-13
Ulcères de jambes 1-14
Urticaire et œdème de Quincke 1-14
Hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales 1-14
Nécroses cutanées extensives 1-14
Autres lésions vasculaires 1-14
Manifestations non lupiques et non vasculaires 1-14
Lucite idiopathique 1-14
Alopécie 1-15
Lupus bulleux 1-15
Mucinose papuleuse 1-15
Anétodermie 1-16
Calcifications 1-16
Pustulose amicrobienne des plis 1-16
Références 1-16
2 Affections rhumatismales inflammatoires
Didier Bessis, Jean-Jacques Guilhou
Psoriasis 2-1
Rhumatisme psoriasique 2-1
Psoriasis cutané 2-3
Pathogénie 2-8
Traitement 2-10
Polyarthrite rhumatoïde 2-13
Nodules et nodulose rhumatoïdes 2-13
Vasculite rhumatoïde 2-14
Dermatose neutrophilique rhumatoïde 2-16
XXXIV Table des matières

Dermatite granulomateuse interstitielle avec arthrite 2-16


Autres signes cutanés 2-17
Pustulose palmoplantaire arthropathique, rhumatisme acnéique et syndrome SAPHO 2-18
Pustulose palmoplantaire arthropathique 2-18
Acné conglobata 2-19
Syndrome SAPHO 2-19
Arthrites réactionnelles 2-19
Maladie de Still de l’adulte 2-20
Rhumatisme fibroblastique 2-21
Réticulo-histiocytose multicentrique 2-22
Goutte 2-22
Références 2-22
3 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées
Philippe Humbert, Ève Puzenat
Sclérodermie systémique 3-1
Phénomène de Raynaud 3-1
Sclérose cutanée 3-2
Autres signes dermatologiques 3-2
Manifestations pulmonaires 3-3
Manifestations digestives 3-5
Atteinte rénale 3-5
Autres manifestations viscérales 3-5
Grossesse 3-6
Évolution 3-6
Diagnostic positif et explorations complémentaires 3-6
Mécanismes physiopathogéniques 3-6
Traitement 3-7
Sclérodermies d’origine professionnelle 3-8
Syndrome de Sharp 3-8
Sclérodermies cutanées 3-8
Sclérodermies cutanées en plaque 3-9
Sclérodermie cutanée bulleuse 3-9
Sclérodermies cutanées en bande 3-9
Sclérodermies profondes 3-10
Bilan d’une sclérodermie cutanée localisée 3-10
Évolution et traitement 3-11
Références 3-12
4 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques
Didier Bessis
Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-1
Scléromyxœdème 4-1
Dermopathie fibrosante néphrogénique (fibrose systémique néphrogénique) 4-2
Sclérœdème de Buschke 4-4
Syndrome POEMS 4-5
Amylose primitive 4-7
Réaction chronique du greffon contre l’hôte 4-7
Syndromes sclérodermiformes médicamenteux et toxiques 4-8
Syndromes sclérodermiformes localisés 4-8
Syndromes sclérodermiformes iatrogènes 4-8
Lipodermatosclérose 4-9
Syndrome carcinoïde 4-9
Porphyrie cutanée tardive 4-9
Syndromes sclérodermiformes des mains 4-9
États pseudosclérodermiformes par induration et/ou atrophie cutanée 4-10
Acrodermatite chronique atrophiante 4-10
Hémiatrophie de Parry-Romberg 4-10
Fasciite palmaire-arthrite 4-11
Table des matières XXXV

Génodermatoses sclérodermiformes 4-11


Syndromes de vieillissement prématuré 4-12
Scléroatrophie d’Huriez 4-13
Références 4-13
5 Dermatomyosite
Camille Francès
Épidémiologie — Critères diagnostiques 5-1
Classifications des lésions cutanées 5-1
Lésions cutanées spécifiques de dermatomyosite 5-2
Clinique 5-2
Anatomopathologie 5-3
Traitement 5-4
Lésions vasculaires 5-4
Autres lésions cutanées 5-4
Manifestations musculaires 5-6
Clinique 5-6
Biologie et autres examens complémentaires 5-7
Autres manifestations 5-8
Manifestations articulaires 5-8
Manifestations cardiaques 5-9
Manifestations pulmonaires 5-9
Autres manifestations cliniques 5-10
Formes cliniques 5-10
Dermatomyosites amyopathiques 5-10
Dermatomyosites juvéniles 5-10
Dermatomyosite et cancers 5-10
Dermatomyosites associées à d’autres maladies auto-immunes 5-11
Dermatomyosite et médicaments 5-11
Auto-anticorps 5-11
Physiopathogénie 5-11
Pronostic 5-12
Traitement 5-13
Corticothérapie générale 5-13
Immunosuppresseurs 5-13
Immunoglobulines intraveineuses 5-13
Traitements symptomatiques 5-13
Références 5-14
6 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques
Marie-Sylvie Doutre, Camille Francès
Physiopathologie 6-1
Manifestations cutanées 6-2
Aspects histologiques 6-2
Aspects cliniques 6-4
Corrélations anatomocliniques 6-5
Stratégie diagnostique 6-6
Classification 6-7
Classification et nomenclature 6-7
Nomenclature 6-8
Vasculites de contact, alimentaires, médicamenteuses et infectieuses 6-9
Vasculites de contact 6-9
Vasculites d’origine alimentaire 6-9
Vasculites médicamenteuses 6-9
Vasculites infectieuses 6-11
Purpura rhumatoïde 6-11
Œdème aigu hémorragique du nourrisson 6-13
Cryoglobulinémies mixtes 6-13
Vasculite urticarienne de Mac Duffie 6-16
XXXVI Table des matières

Périartérite noueuse 6-18


Polyangéite microscopique 6-20
Angéite de Churg et Strauss 6-21
Granulomatose de Wegener 6-23
Maladie de Horton 6-26
Artérite de Takayasu 6-28
Thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger 6-29
Références 6-30
7 Maladie de Behçet
Serge Boulinguez
Manifestations dermatologiques 7-1
Aphtose buccale 7-1
Aphtose génitale 7-2
Autres localisations d’aphtose 7-3
Pseudo-folliculite 7-3
Nodules dermo-hypodermiques 7-3
Nodules acnéiformes 7-4
Pathergie cutanée 7-4
Autres lésions cutanéo-muqueuses 7-4
Manifestations viscérales 7-4
Ophtalmologiques 7-4
Neurologiques 7-4
Rhumatologiques 7-5
Vasculaires 7-5
Cardiaques 7-5
Pleuro-pulmonaires 7-5
Digestives 7-5
Urologiques et rénales 7-5
Fièvre chronique 7-5
Diagnostic positif 7-5
Diagnotics différentiels 7-6
Aphtose buccale récidivante 7-6
Aphtose complexe 7-7
Aphtose génitale 7-7
Physiopathologie 7-7
Traitement 7-8
Atteinte cutanéo-muqueuse et/ou articulaire sans atteinte viscérale 7-8
Atteinte viscérale 7-8
Autres molécules utilisées 7-8
Nouvelles molécules 7-9
Évolution et pronostic 7-9
Références 7-9
8 Syndrome de Gougerot-Sjögren
Loïc Vaillant, Sophie Le Dû
Manifestations cliniques 8-1
Atteinte buccale 8-1
Atteinte oculaire 8-2
Signes cutanés 8-2
Manifestations articulaires et musculaires 8-3
Manifestations viscérales 8-3
Physiopathologie 8-4
Événement déclenchant 8-4
Réactions inflammatoires et immunitaires 8-5
Mécanisme des lésions 8-5
Diagnostic 8-5
Pronostic et évolution 8-6
Mortalité 8-6
Table des matières XXXVII

Lymphome 8-6
Traitement 8-7
Traitement de fond 8-7
Traitements symptomatiques du syndrome sec 8-7
Traitement des manifestations extraglandulaires non viscérales 8-8
Références 8-8
9 Maladie de Kawasaki
Pascal Sève, Christiane Broussolle
Épidémiologie 9-1
Pathogénie et étiologie 9-2
Diagnostic positif 9-3
Fièvre 9-3
Conjonctivite 9-3
Modifications bucco-pharyngées 9-3
Exanthème 9-3
Atteinte des extrémités 9-4
Adénopathies cervicales 9-4
Diagnostic différentiel 9-4
Manifestations cardiovasculaires 9-4
Autres manifestations cliniques 9-5
Manifestations digestives 9-5
Manifestations douloureuses des membres 9-6
Manifestations neurologiques 9-6
Manifestations rares 9-6
Signes biologiques 9-6
Maladie de Kawasaki incomplète 9-6
Maladie de Kawasaki de l’adulte 9-6
Traitement 9-8
Aspirine 9-8
Immunoglobulines 9-8
Références 9-9
10 Polychondrite chronique atrophiante
Michel Rybojad
Tableau clinique 10-1
Chondrites 10-1
Manifestations dermatologiques 10-2
Autres manifestations extrachondritiques 10-3
Associations, nosologie et diagnostic positif 10-5
Associations et problèmes nosologiques 10-5
Diagnostic positif 10-5
Pathogénie 10-6
Évolution 10-6
Traitement 10-6
Références 10-7
11 Fièvres périodiques
Olivier Dereure
Généralités. Physiopathologie 11-1
Fièvre familiale méditerranéenne (maladie périodique) 11-3
Syndrome TRAPS 11-4
Syndrome hyper-IgD 11-5
Syndrome FAPA ou PFAPA 11-5
Fièvres périodiques avec mutation du gène CIAS1 11-5
Syndrome de Muckle et Wells 11-6
Urticaire au froid familiale ou syndrome auto-immun au froid 11-6
Syndrome CINCA 11-7
Neutropénie cyclique 11-7
XXXVIII Table des matières

Syndrome PAPA 11-8


Références 11-8
12 Paraprotéinémies
Dan Lipsker
Signes cutanés et dermatoses associées
à une paraprotéinémie 12-1
Classification anatomoclinique et pathogénique 12-1
Infiltration cutanée lymphoplasmocytaire et
dépôts extravasculaires d’immunoglobulines 12-2
Dépôts intravasculaires d’immunoglobulines et
cryoglobulinémies 12-3
Activité particulière de l’immunoglobuline monoclonale 12-5
Sécrétion de cytokines et inflammation de contiguïté 12-7
Syndrome AESOP 12-7
Syndrome POEMS 12-7
Mécanismes indéterminés 12-7
Syndrome de fuite capillaire 12-7
Xanthogranulome nécrobiotique 12-8
Spicules kératosiques 12-9
Références 12-9
13 Amyloses cutanées
Philippe Modiano
Classification des amyloses à expression cutanée 13-1
Amyloses systémiques acquises 13-2
Amyloses immunoglobuliniques AL 13-2
Manifestations systémiques 13-4
Traitement des amyloses immunoglobuliniques 13-5
Amyloses cutanées secondaires ou réactionnelles 13-5
Amylose à bêta-2-microglobuline des hémodialysés 13-6
Amyloses cutanées primitives localisées 13-6
Amylose papuleuse 13-7
Amylose maculeuse 13-7
Formes rares 13-7
Traitement 13-7
Dépôts amyloïdes 13-7
Amyloses héréditaires 13-7
Amyloses cutanées familiales isolées 13-7
Manifestations cutanées des amyloses systémiques héréditaires 13-7
Amylose A ApoA1 (apolipoprotéine A1) 13-8
Amylose ATTR (type portugais) 13-8
Amylose AGel (type finlandais) 13-8
Références 13-8
14 Dermatoses neutrophiliques
Didier Bessis
Concept de maladie neutrophilique 14-1
Pathogénie des dermatoses neutrophiliques 14-2
Syndrome de Sweet 14-2
Clinique 14-2
Biologie 14-2
Anatomopathologie 14-3
Étiologies 14-4
Variantes cliniques 14-6
Traitement 14-6
Pyoderma gangrenosum 14-7
Clinique et histologie 14-7
Étiologies 14-9
Table des matières XXXIX

Traitement 14-10
Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson 14-10
Clinique et histologie 14-10
Étiologies 14-10
Diagnotic différentiel 14-11
Pustulose à IgA intraépidermique ou pemphigus à IgA 14-11
Traitement 14-11
Hidradénite neutrophilique eccrine 14-11
Clinique et histologie 14-11
Étiologies 14-12
Diagnostic différentiel 14-12
Erythema elevatum diutinum 14-12
Autres dermatoses neutrophiliques 14-13
Abcès aseptiques neutrophiliques 14-13
Pustulose des connectivites 14-13
Syndrome PAPA 14-13
Manifestations extracutanées 14-13
Références 14-14
15 Dermatoses éosinophiliques
Olivier Dereure
Physiopathologie générale des dermatoses à éosinophiles 15-1
Folliculites à éosinophiles 15-2
Folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji 15-2
Folliculite pustuleuse à éosinophiles des patients VIH 15-4
Folliculite pustuleuse à éosinophiles du scalp de l’enfant 15-4
Cellulite à éosinophiles (syndrome de Wells) 15-5
Hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie et maladie de Kimura 15-6
Granulome facial éosinophilique de Lever 15-7
Ulcère éosinophilique des muqueuses 15-7
Syndrome hyperéosinophilique primitif 15-8
Angio-œdème cyclique avec hyperéosinophilie de Gleich 15-10
Vasculite à éosinophiles 15-10
Divers 15-10
Syndrome EPPER (Eosinophilic polymorphic Pruritic Eruption of Radiotherapy) 15-10
Dermatose éosinophilique des syndromes myélo- et lymphoprolifératifs 15-10
Syndrome NERDS (Nodules Eosinophilia Rheumatism Dermatitis Swelling) 15-10
Références 15-11
16 Mastocytoses
Stéphane Barete
Aspects fondamentaux 16-1
Le mastocyte 16-1
Ontogenèse 16-2
Le protooncogène c-kit 16-2
L’activité biologique du récepteur c-kit muté 16-2
Physiopathologie 16-3
Les mutations décrites chez l’homme 16-3
Médiateurs et fonctions du mastocyte 16-3
Classification des mastocytoses 16-4
Manifestations cliniques non systémiques 16-5
Manifestations paroxystiques 16-5
Manifestations dermatologiques 16-5
Anatomopathologie 16-8
Manifestations systémiques 16-10
Manifestations osseuses 16-10
Manifestations digestives et hépatiques 16-10
Manifestations hématologiques 16-11
Diagnostic 16-12
XL Table des matières

Traitement des mastocytoses 16-13


Précautions générales 16-13
Traitement symptomatique 16-13
Traitements dermatologiques 16-14
Inhibiteurs des tyrosines kinases 16-15
Autres traitements 16-15
Pronostic 16-15
Conclusion 16-16
Références 16-16
17 Sarcoïdose
Didier Bessis, Pascale Huet
Manifestations cutanées non spécifiques 17-1
Érythème noueux 17-1
Autres lésions cutanées non spécifiques 17-2
Manifestations cutanées spécifiques 17-2
Généralités 17-2
Lésions papuleuses ou sarcoïdes à petits nodules 17-3
Lésions nodulaires ou sarcoïdes à gros nodules 17-3
Sarcoïdes en plaques 17-4
Sarcoïdes sur cicatrice ou « scar sarcoidosis » 17-4
Sarcoïdes hypodermiques de Darier-Roussy 17-4
Autres formes cliniques 17-5
Formes topographiques 17-6
Anatomopathologie cutanée 17-7
Manifestations systémiques extracutanées 17-8
Évolution, pronostic et relation entre les manifestations cutanées et l’atteinte systémique 17-9
Évolution et pronostic 17-9
Relation entre les manifestations cutanées spécifiques et l’atteinte systémique 17-9
Bilan diagnostique initial d’une sarcoïdose cutanée 17-9
Traitement de la sarcoïdose cutanée 17-10
Traitements locaux 17-10
Traitements généraux 17-10
Indications thérapeutiques 17-11
Références 17-11
18 Toxidermies avec manifestations systémiques
Annick Barbaud
Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-1
Exanthème maculo-papuleux 18-1
Urticaire aiguë, angio-œdème et anaphylaxie 18-2
Pustulose exanthématique aiguë généralisée 18-4
Vasculites médicamenteuses 18-5
Érythème pigmenté fixe 18-5
Syndrome DRESS ou syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse 18-7
Nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Lyell et syndrome de Stevens-Johnson) 18-8
Prise en charge des toxidermies graves 18-11
Conduite à tenir 18-11
Conseils aux patients ayant eu une toxidermie 18-11
Place du bilan dermato-allergologique dans l’exploration des toxidermies 18-12
Test in vitro 18-12
Tests cutanés (tests épicutanés, prick-tests, intradermoréaction) 18-12
Test de réintroduction du médicament (test de provocation orale) 18-13
Références 18-14
19 Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire
Antoine Mahé, Fatimata Ly
Lupus érythémateux 19-2
Lupus érythémateux disséminé 19-2
Lupus érythémateux chronique 19-2
Lupus érythémateux subaigu 19-3
Sclérodermie systémique 19-3
Dermatomyosite 19-4
Vasculites 19-5
Sarcoïdose 19-5
Références 19-6
20 Capillaroscopie péri-unguéale
Jean-Jacques Morand
Étude du réseau vasculaire péri-unguéal 20-1
Principales anomalies capillaroscopiques péri-unguéales observées en médecine interne 20-3
Références 20-6
21 Dermatopathologie et maladies systémiques
Janine Wechsler
Généralités sur la biopsie cutanée 21-1
Mode de prélèvement 21-1
Choix de la lésion à prélever 21-1
Renseignements cliniques 21-1
Fixation de la biopsie 21-2
Colorations et immunomarquages 21-2
Congélation 21-2
Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques 21-3
Lésions de la jonction dermo-épidermique 21-3
Infiltrats lymphocytaires sans vasculite 21-5
Scléroses inflammatoires 21-6
Dépôts anormaux 21-7
Lésions granulomateuses 21-7
Dermatoses neutrophiliques 21-9
Dermatoses éosinophiliques 21-9
Vasculites 21-10
Lexique des termes utilisés en pathologie inflammatoire cutanée 21-11
Épiderme 21-11
Derme 21-12
Hypoderme 21-12
Références 21-12

Table des figures


Liste des tableaux
Table des encadrés
Index
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Dépôt légal : novembre 2006 - N° d’imprimeur : 610040
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