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LE STATUT THEORIQUE DE L'INTRADUISIBLE sonterve ‘ci-le sens pour. Ie rapport cntre la traduction et eriginal ume camparaison Te fera saivr. De méme que la tangente ne touche le cercle que de fagon fugitive et en un seul pointet que c'est ce:cont Ae point, qui hui nssigne Ja tot-celon laquelle lle pournit a Vinfii sa marche en ligne droite, ainsi la traduction touche Moriginal de fagon fugitive et seulament en un point infiniment petit du sens, pour suivre ensuite sa marche la plus propre, selon ls lol de fide dans la liberté di mouvement Iangagter. La vraie signification de cette beng, sans ta nommer ila fonder, Rudolf Panmwite a caraciérisée dans des développements que contient sa Cri de 4 cule cpeune et qui, mis & part les reflexions de Goethe ddans ses notes pour Je Divor, pourraient bien étre le meilleur de ce qu’on a publié en Allemagne comme contribution a la théorie de Jn traduction. Voiei ce qu’éerit Panmwitz «Nos versions, méme les meilleures, partent d'un faux principe, elles veulent germanisr fe sarserit, le grec, anglais, amu lieu de sanscriive. dhelléniser, dangiciser Vallemand, Elles ont beaucoup plus de respect pour lee ueages de leur propre Jangue que pour lesprit de Meuvee éwangére. [.] erreur fondamentale du traducteur ext de conserver état contingent de sa propre langue au lea de fa soumetie 3 Ia motion violente de la langue étrangére. Surtout lorsqu'l waduit dune langue tés dloignée, il lui faut remomer aux lémentsulimes du langage méme, li od s¢ rejoignent mot, image, son; i lui faut élargir et approfoudir sa propre langue sgrice & la langue étrangére: on n'imagine pas & quel point lt chose est possible; jusgu’a quel degre une langue peut se wwansformer; de langue & langue, il n'y a guére plus de distance que de dialecte a dialect, mais cela non point quand on les prend trop a a Jégére, bien plutét quand on les prend assez au séricut.» Dans quelle mesure une traduction peut correspondre & essence de cette forme; Ia traductbiité de Moriginal le déte minera objectiemem. Moins Te langage de Foriginal a de valeur et de dignité plas i est communication, moins la traduction peut y trouver son compte, jusgu' ce que Ia totale prétlominance de:ce sens, bien loin dre le levier . Illa traduit on, plus exactement, il la retraduit pour, entre autres mais en part t Chouragui: «Allons! Descendons! Gonfondons levres, /Thomme n’entendra plus la lévre de son prochai terre, ».« Embabelons leur langue pas la “traduire “comme Ta toute la terre. / Ts cess pluralié des langues, incompr 55 | Le statut théorique de Vintraduisible de batir la ville, / Sur quoi il clame son nom : Babel, Confusi YHWH confond la lévre de toute la terre, / ct de la YHWH les dlsperse sur la face de toute Is Pourquoi remonter ainsi au déhuge ? On sait bien que Babel est le nom biblique, mythig wensibles les unes aux autres, et on attend Pentecdte, ou la co tion. Crest que Ia seéne est primitive a beaucoup plus d'un tite dés qu'on préte attention auxa és dulteste et aux dispositifs de ses traduetions, - une ceuvre est de haute qualité, plus elle reste, mémey Pls fugit contact avee son sens, susceptible tradi: Cola ne va eriginaux, Des tral bles, non parce que le sens péserait sur ells frand poids, mais parce quil les affecte de £450 trop fugitive. A cet équrd, comme de tout aure pa cesentil, les tadactions, de Holderin, surtout tragédies de Sophacle, représentem une conf tome tie Lizemonie cre bs angus y et qe Te sens est touche par le vent du Langan thane dune harpe.Golieane. Cer traduction achérypes de leur forme : avec les vires versions: plus achevées, des mémes textes, leur rapport archéypes & modéles, comme le monte Ino catre les traductions de la trisieme Pvthiue de B Tolderin et par Borchardt Et c'est’ précsmene cles sont exposes plus que d'autres & Fiemense Gx Je dépan, guctte tome traduction: que les B langage # diargi et si dominé retombem ee sraductear dans le silence. Sex rnductions de lex demires orivees de Helderin. Tee sere dTabime en abime, ju’ squer de se perce d fees sams fond di langage. Mais ily a un point goranst pourant acu texte, hors du texte sae 2 cessé d@te i ligne de partage pour le flo dw pour le Dot de la evéation, Lio le texte, im fans Ventremise dom sen dans la iterated reléve de ln vité ou de In doctine. i} ost Simplement inttadusble. Par egard noo plos cer tras sculememe pour kr Iangues. En ce de Ia de la waduedon une confiance tellement imac aucune terion, comme font. dans le teste aes révdlaion, dang celui, sows la forme ne ven nine, unibvent-nécexcairement lineralite et tin degre queleongue, toutes les grandes ev plas hawt point UEeriure ssinte, contennent leur srdvetion viruelle. La version intaling sacrt ext le modile ou Tidéal de toute waduet WV: 55; 68; 118. lle s'appela du nom de Babel . / YHWH les disperse de ti sur i Le STATUT THEORIQUE DE LinTraDUIsiALE [58] Drabord, comme Je demande Jacques Derri construite et déconstruite »! ? Réponse, via par exemple plus d'une en tout eas, Car Babel est un nom propre, qui, en assyrien, signifi « porte de Dieu » (Baby- fone done, ow « ville sainte » ; si bien que, dit Voltaire: dans sou Dictionnaire philosphique, « Les Anciens donnaient ce nom toutes leurs capitales 9). Ma be hebrew bilbel veut dite « conlondre » le nom propre Babel peut, ou plutét doit, par calembour étre entendu eonme « confusions. Num propre done ; puis jeu de mots qui, d'une par, implique éponymie et étymologic, et qui, autre po tionne quientre deus langues, jouant sur la supposition de: la différence dles langues aw sein d'un seul ¢ méme teste pour relier des siguifications sams cela hétérogenes, avee Mhébrew pour dire la vévité du Vernaculaire. A tous ces titres, l'intraduisible se présente dans la scene primitive comme immédiatement accroché aux signifiants, au corps des langues (ces « levres » litérales de Chouraqui), et il est bel et bien le personnage principal de cette premiére mise en scéne, La dilférence des wraductions, qui traduisent aussi lear embaras, en est un tres siir symptime, Fautil, pour rendre un verbe hébrew courant, forcer en inventant un nouveau aot frangais : « embabe- Jer (Meschonnic) ? Ou faucil gloser le nom propre : « Bavel, Confusion » (Chouraqi)? Lintraduisible nest pas ce quion ne traduit pas, mais plutdit ce que, traducteur aprés trmductcur, on ne cesse pas de traduire, en liant dans le choix d'une traduction, conformément i Vamplitude de Vermmucin grec, Vinterprétation & une épiphanie esthétique, a une visibilié dans la langue, Le texte-souree est un origi nal unique (du moins & I'établissement philologique prés, qui compre d'autant plus que le texte est plus difficile, plus idiosyncrasique) ; mais il devient, aprés ses multiples traductions dans une méme langue, sans parler des craductions en langues différentes et de leurs interferences, le géomeétral fictif, voire inconsistant, le point de fuite de toutes ses versions, stratégiquement liées pour se corriger et se supplé- menter Ics unes les autres, L'intraduisible implique, avec T'inflation des traductions: enichainées, une emprise maximale de la philologic, de herméncutique, de Vart du traductcur-et, par la, de toutes les histoires, celle des idées comme celle du godt. Force est de constater cn tout cas qu'avee Babel Diew «impose et interdit @ la fois ka raduc- tion »*; car si toute la terre sevenait, via ta traduetion, & quelque chose comme «langue une, paroles une (verset 1; ef, «si le peuple est un et Ia kingue une pour eux tous », verset 6), Dien n'aurait plus r qu’a frapper encore. Autrement dit: dés Ia scéne primitive, la traduction est de Pordre dui double bind, et la forme privative de I’ « in-traduisible » est d’emblée logée, avec la différence des langues elle-méme, au ceceur de ta traduction, ans quelle kingue Ia tour de Babel fut le commieintaire de Mescl Lintraduisible comme chitinent ou comme chance? —~ Pourtant, Uhistoire ne sarréte pas li, Car ' Vépisods de Babel est aussi, ow en méme temps, susceptible d'une tout autre évaluation : Diew a-t urement ct simplement « puni » les hommes qui voulaient se rapprocher de tui, ou bien, flix culpa, leur atl, beaucoup plus génércusement, «répondu »? Chitiment ou chance, défaut A rémunérer ou ouver- F ture & explorer et richesse & exploiter? Une tradition complexe, amorcée chez saint Augustin et dont le fort courant traverse tout le protestantisme allemand, n'a cessé de se démarquer de Vidéologie punitive pour réfléchir a la positivite du rapport entre les langues, les visions du monde, les cultures, les nations, ‘et forger les concepaualités et les imaginaires afferents & I’ wesprit» ou au « génie » des langues et des peuples. Historiquement,:son premier moment dVintensité est le passage aux vernaculaires, quand, en concurrence avec le latin, s'alfirment par exemple le « vulgaire » de Dante 00, en'liaison avce la traduc- tion de ta Bible, Vallemand de Luther. Mais le courant existe dés que le non-rapport déterminant la philosophic, logos grec (langue-langage-raison de ceux qui pensent et parlent) / barbares et barbaric fidiolectes de ceux qui out en partage Ie borborygme et le bla-bla-bla}, le cécle & Pévaluation comparée dau moins deux langues. De fait, pour reprendre les termes de KarOxto Appel, lhumaniste linguise tique européen se fonde sur « 'idéologiec de fa langue chez orateur romain, lorsqu’un Cicéron, la différence de Sénéque ou de Lucréce, propose face au grec une premiére « défense et Mlustration » du etrias somo (nous dirions : langue « maternelle»), capable de concurrencer victorieusement, jusque dans son domaine d'excellence qu'est la philosophie, Ia langue grecque, plus ancienne et plus illustre, mais commensurable : « Le seul mérite qui permettait & la Gréce vaincue de nous vaincre lui a été arraché ou 4 (out le moins a été partagé avec nous. »? Je propose de saisir Vapologie de Babel, a un moment tard et pariculiérement virulent de cette histoire, & travers un arte de Troubetzkoy, l'un des fondateurs, avec Jakobson, de tour un pan de {a linguistique modeme. Dans « La Tour de Babel ct la confusion des langues », il interpréte Babel comme la.menace, aussi bien encore & venir, d'une culture universelle homogéne, impersonnelic ct pauvre, qui [58] Le srarur THéORIQUE DE.LINTRADUISIBLE tend & substituer Vintémationalisme de Ia logique, de la technique et des intéréts matériels & la dis des langues’et des cultures nationales <9 > ; seules ces demiéres, qu'on groupera non seulemes: ‘«familles » généalogiques mais en «unions» géographiques’ susceptbles, de toutes Jes misités, sure ‘méme de former un « systéme orclonné, harmonicux, oi chaque parti, jusqu’a la plus infime, garde unique et édatante individualité », produisant quelque chose comme un: « filet irsé »' ininterra autant que divers. Liattude & Tégard de I plralisé des langues et le type @articalation entre singulers et uni dependent évidemment de cette difference d’évaluation, Si Vunicité-de langue est un paradis per enfants déchus doivent travaller & regagner un ersatz a la sucur de leur front : on se met en quéte d ‘langue parfaite », sous une forme on sous une autre’ ~ une langue naturelle, dé faite ou re en laboratoire, élue originaire ou intemationale selon les Epoques et les aspirations : "hébreu, le latin, le frangais, le sanscrit, lindo-curopéen, notre modeme anglo-amézicain ; ow bien tne langue iclle, encore & faire, sur un modéle logique, telle Ia « caractérisique universcle» de Leibniz, pscudo-linguistique, tel 'espéranto ; ou enfin une langue aussi absolue et magique, aussi « vraie » @ premiére, non pas a faire, mais @ entrevoir 4 tavers lentrelacs des différences complémentaires, attendre, messianique; avee un Benjamin’. Mais si au contraire la pluralité des langues, comme la & t€ des espéces, est un patrimoine de humanité, il faut répertorier, classer, analyser, comp s‘tonner, s*émerveller. Patir de. ow pectir du multiple. ~ Les qt sont considérables. Je voudrais en proposer une és grossére taxinomie qui mes, sans prétendre ni qu’elles soient tenables ni qu’elles aient été tenues autrement que tenda ment, méme par ocux dont jinvogue le nom. Il y va estenticllement du rapport entre mots et c dive ot langage. On peut caractériser, pour faire vite, les deux positions antithétiques comme «: logie » et « logologie » Avec Tontologie, on par de Tétre { womto-»). présence, phénoméne, monde, réalité obje tc. que le langage s'attache & dire ( « -logie » ). Telle est la conclusion de Socrate dans le Gintle:g Jjustesse des mots soit un fait de nature ou de convention, de toute maniére « ce n'est pas des mors faut partir (out’ ex onomatén), mais il faut apprendre et ehercher les choses & partir d'elles-mimes ( te nla, ex hain) bicn plutot que des mots » ($39 6). C'est & Taune de Municité, celle d'un mérme composé des mémes choses, voire des choses mémes, qu'on juge comme un défaut la pluraliz langues. Et si les choses mémes sont des idées, Municité simerpréte aussi comme celle de la humaine en son universalié Au minimum, cette pluralité est alors, dans une conception instrumentale de la langue. la ‘accidentelle de tn matigre signifiante, manipulée par de mythiques monathiws, face la cong idéale du signiGé et du referent : « Tous les forgerons n’opérent pas non plus sur Ie méme fer en 8 ‘quant pour le méme but Je méme instrument ferganon) ; néanmoins, tant qu'il Iai donnent la forme fide), méme si c'est un autre fer, Vinstrument est correct, qu'on le fabrique chez nous ou a les barbares (Crayle, 389 ¢- 390 aj. Mais, stot que la langue est considérée, non pas d'abord ‘un outl, mais comme le made propre du dévoilement de Peet de Touverture de homme au ma fon ne peut que mesurer Ia profondeur ou Yauthenticté dune langue 4 Taune de la donation hist et de la pensée fidéle : on provéde alors inévitablement & une hiérarchic ces langues. Il y une tenace ligne de pente, qui n'a cessé de fonctionner en faveur du grec et de 1 ‘Martin Heidegger est un des représentants contemporains les plus-dillciles & contourner : on peut que toute problématique de intraduisible est aujourd’hui hantée par Heidegger ; aussi convient-i arréter. 1a philosophic, c'est-A-dire en Toccurrence la philosophie occidentale, nait non pas tant en Ge quien grec. «La langue grecque ct elle scule est lags» : le privilége du gree tient & ce que, « dans le gree entendu d'une oreille. grecque, nous sommes directement en présence de la chose méme termes aristotéliciens, le « dire » (lege) y est un « montrer s, un «se montrer soi-méme » A partir (ate phainesthai’. Or cela ne tient pas & un investissement extrinséque de la langue par Ia phi mais a la langue clle-méme, qui philosophe «dZia en tant que langue et que configuration de <10>. Crest pourquoi le geste heidegeérien par excellence consiste a régresser par-dela la romaine « qui reprend les mots grees sans Vexpérience originelle correspondant a ee qu’ils seat se meure 4 Lécoute, par la médiation d'une étymologic oii s'expérimente « espritlangue (Spred Ia langue », de ces «sources», de ces « fontaines», que sont Jes mots grecs*. Tout mot grec ex fon) intraduigible p e'est mnéme Ii le eritére de Pauthenticié de Vexpérience grecque ~, LE STATUT THEORIOUE DE LINTRADUISIBLE '55] au sens de «se traduire devant», est cependant une expérience essenciclle qui se confond avec Texpérience de la pensée : « Traduire est ex-plication avec la langue érangére en sue de l'appropriation de sa propre langue» < 11 >. Ott Tom retrouve a la fois Puniversalité de espérience herméncutique, qui vaut, deja au niveau intralinguistique, pour chaque ceuvee, et Pélcetion historiale, voire la sélection historique, de corpus forts et de langues fortes, qui exigent qu’on s'y mest holderlinicnnes da retour au natal, la langue allemande et le peuple qui Grees» et par ki méme autrement que grees, ne répondent qu’au gree: « Ce earactére de profoneleur et de créativité philosophique de la langue grecqte, nous ne le retrouvons que dans notre langue alle- mande» < 10>. Ceute conception est si bien étayée par histoire de Ia philosophic telle quielle s'est écrite — ou telle qu’on lapprend ~ qu'on risque de l'épouser sans le vouloir, quand méme on soupgonne vertucuse- ‘ment que Ia domination philosophique du grec et de Pallemand n’est pas moins suspeete, ineorrecte, que Tabsence de grands philosophes femmes, On peut toujours la compliquer et intercaler, entre la source grecque et laccomplissement allemand, te latin du Moyen Age, Vtalicn de la Renaissance, te francais ct Tanglais classiques, comme dans le chefd'ceuvre de la Begrifictif, inspiration yadamé: icone, quest [Hisivsches Wonerbuc der Philosophie, édité par J. Ritter’: a la maniére d'une histoire uuniverselle hégélienne, c'est A chaque époque une langue qui porte lesprit vers son acheverent concep- tucl. Gependant les Iangues ne sont jamais It en tant que langues, mais seulement comme moment doctrinal d'une unique langue de la philosophic ; comme la préface en témoigne, la méthode est de fire indissolublement « Vhistoire du mot et du concept » (Foreort, VID. On comprend que Ia critique d’Hensi Meschounic touche juste, lorsquiil tente de montrer que, si Heidegger wethnicise la pensée du concept», c'est parce qu'il « confond le concept et le mot » et, dans le mot, Ia valeur avec le sens!, Mais, plus radicalement, c'est, se déprenant du ~ ou d'un ~ modéle grec, Vidée méme de langue+gos lige & Tontologie qu'il faut interroger : peut-on penser sur un autre mode Ja langue comme rapport au monde, s‘attacher autrement a Tidentité de chaque langue au sin des autres ? Avec la logologie, aur mépris des conseils cle Socrate, on part des mots et non des choses, o ‘encore on part des mots pour eux-mémes et nton en fonction de l'expérienee de Fétre dont ils moi- gnent. Le mot de « logologie » est quant 4 lui forgé par Novalis pour opposer, & « lerreur ridicule des Jour penser ; sous les traces plus ark fees que les gens qui se figurent parler pour les choses elles-mémes », le « propre » du langage « tout uniment occupe que de soianémen!', Je m'en sers ici pour dite que, partant ainsi des mots, on part da méme coup de la pluralité des langues et ce leurs differences : il n'y a plus un monde unique, donné ou se donnant, ni Phistorialité dun Jogos paradigmatique de toute vraie langue, mais une pluralité hétérogéne de mondes, effets de la pluralité des langues. Chaque monde est alors d’emblée un point d'arrivée plutdt qu'un point de dépare : « La pluralité des langues est loin de se réduire & la pluralité de désignations d'une chose ; elles sont différentes pers- pectives de cote mime chose et quand la chose n'est pas Vobjet des sens externes, on a affaire souvent & autant de choses, autrement fagonnées par chacun» <5 >. On voit bien, dans ce texte de Humboldt, comunent lrréductbilité des points de vue est a méme de produire, non pas une hiérarchie des langues indexée & la vérité de la chose ou a la donation de laure, sur le mode du gain ou de la perte, mais une érervivuriaisation » réciproque, qui requiert le comparatisme. Ec s'il y a un monde unique, on ne le trouve on droit qu’a la fin, cestacdire jamais: la diversité des langues est en elfet condition de la croissance » de la richesse du monde (autrement dit, Thumanité produit « toujours plus d'univers »'), for une langue, chaque langue, n'est pas elle-méme un Werk, unt ergon, un produit fini, mais essentielle. ment une Thatightt, une enegeia, une activité, unc etfectuation, une potentiate & Vouvre”. «¢Logys» et esprit des langues. ~ Cote immersion dans la pluralité des langues singuliéres, aux lieu et place de T'unicité du dags, ext, du point de vue qui nous occupe, inséparable d'un nouveau type de conception de la langue, essenticllement on grec. Il revient peut-étre a Herder, du moins a un aspect de ce philosophe si emponé et dispucé, d'avoir produit la possiblité tés frappante dun modéle autre pour Ia langue et Manité d'une langue, et par ki méme, pour la traduction. I s'agit, comme plus tard avee Heidegger, de gree et d'allemand, de langue et de peuple. Mais le privilége de Vallemand herdérien ‘est immédiatement aux antipodes du privlége du logs. Pour faire, contre Vhégémonic du fraugais en ccote toute fin du NVUT s,, que la faiblesse de Vallemand devienne une force, il fut privilégier en effet sa fabilité, sa flexible, ton omni-capacité (« notre langue; elle peut étxe pour nous ce qu'est la min pour Vhomme imitateur d'art » <4 >), Cest-i-dire sa faculté d'imitation { « parce que nous sommes tard, mous avons imité»)" et son nomadisme (« nous avons nomadisé a travers le monde » } Vonerer, nom pas dans [etre et dans les choses, mais dans son rapport intime aux autres langues. Pour [88] Le STATUT THEORIQUE DE LNTRADUISIBLE tre feconde, pour éure « matemelle » done, la langue maternelle ne saurait rester vierge, dans une int ‘cence soi-disant originelle aux pauvres caprices: c'est la fEcondation, le métistage, Vmpureré, qui con tuont la véritable origine (une origine « origincllement enrichie », wypriglick beicer}. Dés lor, ‘waduction, pensée sur le registre d'une « transplantation », nest plus seconde mais, selon une exp de. Pierre Pénisson, «au moins aus originelle qe Torigine »! Gependant, en s'extirpant du logos grec, c'est & coup sir une certaine perception de I'allemand: des pratiques allemandes de traduction qu'on retrouve ici. La philosophie et la langue allemandes toujours eu conscience, via Lather et Wolff, d'@tre nées de la traduction < 15 >. Davantage, la ta Gon-transplantation, a condition d'tre pratiquée en grand, en masse, se présente comine constitutive Ja culture allemande. Schleiermacher en témoigne vigoureusement dans « Des différentes méthodes traduire »!, Tl valorise une des deux scules maniéres possibles de traduire : non pas, comme Jéréme, conduire Yauteur au lecteur (faire que Pauteur latin qu’on traduit en allemand écrive comme} allemand), mais au contraire déplacer le lecteur (fire que le lecteur allemand lise comne du latin’ faisant, il choisit de « maintenir étranger le ton de sa Jangue », de « présenter dans la langue mate Ja langue étrangére >. Or, pour qu'on puisse ne serait-ce qu'apprécier les étrangetés singuliéres, mode de traduire exige absolument une action en grand, la transplantation de littératures entiéres une langue, et n’a de sens et de valeur que pour un peuple qui se rend résolument incliné 4 s'apps Vétranger » ;c’est pourquoi il ne peut prospérer dans toutes les langues, ct caractérise » nous autres 4 mands»: « Une nécessitt interne, dans laquelle s'exprime clairement ime tiche authentique de peuple, nous 2 poussé 4 la traduction en masse,» Liunicité n'est plus celle de la source, mais levient, mating pot réenraciné ec métacaptation, celle du monde produit par la vocation d'un peu; transplante tout «dans un grand ensemble au centre et au ceeur de TEurope» <6 >. ‘On mesure ici toute la difficuké & changer de paradigme. Part de la traduction et non parole d'origine, partir de la pluralité des singularités comparables, faire plutat de histoire, géographie et, déja, de la linguistique, au lieu de l'ontologic, tout cela ne suffit sans doute pas défaire de Vencombrante problématique du génie des langues. Mon lypothése est qu'en échelle: langgue(s), fit stagner Ia problématique. Crest pourquot faimerais en changer, pa maniére plus décisive du singulier au plaricl, et repartir, comme Gorgias ou comme Ménon, de des intraduisbles. Qu’est-ce qui est intradulsible ? ‘Peut-on localiser differemes strates d’intraduisibles, et comprende les enjeux et les effets prise en compte? Les mémes testes peuvent souvent nous servir de guide. Linteaduisblew corps des langues» ou le registred ignifant et la valeur litéraleitiraixe. — Re premier cuscignement de Babel: il y a de lintraduisible du c6té de ce que la traduction, par d «transforme », & savoir le corps des langues, leur matiére sonore. «Un comps verbal ne se traduire ou transporter dans une autre tangue. Il est cela méme que la traduction laisse tomber. tomber le corps, tele est méme lénergic essemtielle de la traduction. »” On dira, scion la mouvante ct parfois presque homonyme qui traverse nos théories de la langue des Stoiciens & quiintraduisible est le signifiant, par difference avec le signifé, et par opposition au référent. conception lourdement ontologique, on supposera que le signifié, A chercher du cOté du penséc, du.concept (ce ion, cet « exprimable », que les étrangers n' « entendent » précisément fi méme de se réincarner & Videntique dans d'autres signifiants via la traduction ct que, de som réferent, chose du monde des hommes, demeure Iuisméme quelle que soit la langue. Mais toujours obligé de tempérer logologiquement cette description : puisque tout signe lie par signifié avec du signifiant, la musique de chaque langue, avec son usage inventif dans chaque peut que chiflrer & sa maniére, done infléchir, tempérer, universalité du concept {c'est tout le de Mallarmé qu’ii dire en frangais «une fleur», «musicalement se léve, idée méme et ‘Simplement, il y a des textes qui sont censés y perdre moins que d'autres : le philosophiques ‘ment, & loniversalité concepiuelle hien assise, par difference avec le poétique et le litéraire. De fait, Amine Berman, lorsquil cite dans son essai sur « La traduction et la lecre = de Derrida a Vappui d'une analyse critique de la traduction comme « impossibilite et Tincraduisible comme « valeur», montre comment cette « objection préjudicielle » faite & ta «conccme surtout la poésic » ; la tencur en intraduisibilite, effet du rapport entre son ct somme la garantie de la litteralité elle-méme: « Lintraduisibilité est Yun des modes a PPP PET ery Tre LE STATUT THEORIQUE DE LinTRADUIsIBLE [65] un texte» < 14 >. Od Lon revient & Ia Bible. Car ce qui est en jew est évidemment & chaque fois de ordre de la lettre, comme intangible & moins de tout perdre, On ne s'étonnera pias que Derrida et Berman soient comme aimantés par «La tiche da traducteur» de Walter Benjamin, qui fait de ta ‘, ot un texte ordinaire de Lacan, oii les parenthéses du traducteur sont remplacées par les italiques de Fauteur (ainsi L'Eiouedt: «Je commence par 'homophonie ~ d’oi Vorthographe dépend. Que dans la langue qui est Ia mienne, comme j'en ai joué plus haut, deur soit équivoque a d'ut, garde trace de ce jeu de lime par quoi faire deux deweensemble trouve sa limite A “fire deux” deux» < 12>). Dans cette Cratylie, qui prockune que l'éermologie n'est pas une science exacte, on est balloué du non-sens au coeur du sens, et Fon peut tout au plus reverser au compte da philosophique la réflexion sur les pratiques du signifiant, par différence avec ces pratiques mémes. Lacan le sait, qui poursuit : «Je tens que tous les coups sont IA permis pour la raison que quiconque étant & leur portée saps pouvoir s'y reconnaitre, ce sont cux qui nous jouent. Sauf a ce que les postes en fassent calcul et que le prychanalyste sen serve ki ot il convient. » Mais il fauc bien plutée interroger plus avant le sérieux et Pamplicude philosophiques du phéno- mine de Vhomonymie (méme mot, plusicurs définitons: le chien, constellation céleste et animal aboyant), dont "homophonie (mémes sons, plusieurs définitions : le vair de la pantoule fragile comme du vere) n'est qu’un cas extréme et une caricature modeme, En aristotdliciens. que nous sommes, nous admettons facileent qu'il y a moins de mots que de choses, et donc qu'une méme séquence de sons peut avoir plusieurs sens; ce serait la un simple accident du langage, qu'un philosophe doit semployer & dissiper en distinguant les définitions et en complétant fa langue. Pourtant, fe terrain est plus glissant quil n'y parait, On a en effet bien du mal & trouver, méme chez Aristote, un exemple homonyme qui demeure réellement apo tuihés, relevant du pur hasard: de fait, il nest pas difficile de déceler une «resemblance» entre le dessin de la constellation duu Chien et un chien, ou entre Ia clef et la clavicle {deis dans les deux cas). Si bien que les homonymes sont difficiles, voire impossibles, & dlstinguer des termes qui ont plusieurs sens (polls legomenon), mais dont la plurivocité non accidentelle renvoie & une scunité focale » (pos hen). Le mot « étre » en fournit le paradigme, lui qui veut dire a la fois « étre » au sens de copule (« Socrate es! mortel » ~ il et Pailleurs aussi petit et sur agora, etc, sclon toutes les caté- sories, « tre » au sens dexistence (« Pétre ext»), étre au sens véritatf («n'est-ce pas?» }, sans parler de ce que nous a présent avons bien du mal & comprendre,,«étre » au sens de puissance et e?acte, On peut en conclure, au choix, qu'il n'y a pas de vrais homonymes, ott que "homonymie ¢st partic consttu- tive d'une langue ~ en termes lncaniens: chaque langue est I’ «intégrale» de ses équivoques. La disonlance des résewes. — La traduction sert alors de révélateur. C'est elle qui permet de perce- voir comme étranges, comme étrangers, les Sens d'un mot les uns par rapport aux autres. On est aussi- [55] LE STATUT THEORIQUE DE L'INTRADUISIBLE 400: 10t reconduit & la difference entre approche ontologique et approche logologique ~ en occurrence ‘Heidegger et Benveniste: Is font 'un comme Fautre le miéme constat factucl, mais le premier consider: vun destin ‘ontologiqut, le second des identités et des discordances. Ainsi Heidegger: «Le fait que by » formation de la: grammaire occidentale soit due a la réflexion grecque sur la langue grecque donne a processus toute sa signification, Car cette langue est, avec Vallemande, au point de vue des possibile du penser, & Ia fois la plus puissante de toutes ct celle qui est le plus Ta langue de Vesprit. » Bt Benve- niste, considérant la langue ewe qui présente, au lieu de «étre», cing verbes distinets que rica, #] ‘morphologic ni syntaxe, ne rapproche entre cux, saul pour nous: «Tout ce qu'on veut montrer ici ‘que Ia structure linguistique sdu_gree prédisposait la notion d’éure & une vocation: philosophic) A\Voppost la langue ewe ne nous offre qu'une notion étroite, des emplois particularisés. Nous nf) saurions dire-quelle place tient I’“étre” dans la métaphysique ewe, mais a frior la notion doit s'arti “tout autremient: 5 «Eire aitentif & ta polysémie des termes (bollabkis legommon) ne revient pas simplement a épl icher les sacceptions isolées des mots, mais cela exprime Ia tendance radicale a rendre accessbl Vobjectivité signifiée ellesméme ct disponible la source qui motive les différentes maniéres de fier, écrit encore Heidegger. C'est bien de cela quill s'agit : om peut privlégier la convergence, ‘fxant son regard sur Punicté de la source ct de Vobjet; ou, au contraire, choisir de se mouvoir Ja pluralité, en confrontant des réseaux de sens non superposables : tout ce que Ia traduction fait ap rare sous forme d'écarts et de sutures, de glissements et de swuts. La diffrence accent cntre ct plaralité vaut pour les micro-systémes que sont les mots, comme pour les réseaux dans lesquels wentrent, Soit le mot wre lags; tout ses sens coulent sans doute Pune méme source (legit, « cucl | rassembler » = la « pose recucllante »/®"; mais cette « unité» ne se Inisse saisir dans les autres la que, précisément, comme un jeu de mots: rato-oratic, comple-onte, aus, er, ror legenligen-lesen, Dans une seule cuvre d'un seul auteur, metionsle De anine @’Arisote, on doit. le rendre tantot p forme ow définition ( ele legs de Time est d’étre le lgos du corps m), par discours, langage, raison («| legos est le propre de l'homme »’, par moyen-terme, proportion mathématique («la sensation est legos de qualites opposées »): celui qui aime a traduire a le choix entre « ressourcer » et se réjouir Ja force de la langue, ow aw contraire, explorer les éearts ct repérer, a contre-courant, les opératia ineffectnées que la langue a simplement permis de lisser™. Il y a la sans doute deux modalités lecture ~ droit fl de I'un et de la coappartenance, rebousse-poil du multiple et de 'bétérogéne ~ di texte, d'une ccuvre, de ta philosophic ct de son histoire + metions qu’avec la seconde méthod agographic et la cartographie aient une chance autre qu'incantatoire de prendre le pas sur histo ‘Quelgue usage qu'on en fass, je propose de généraliscr et de résumer la discordan: a aide de Schleiermacher: «lei fic. en philosophic authentique] plus que dans n’ domaine, chaque langue contient [..] un systéme de concepts qui. précisément parce qu'ls se touch Stunissent et se complétent dans la méme langue, forment un tout cont les différentes parties ne pondent & aucune de celles du systéme des autres langues, & l'exception, et encore, de Dieu et de IB Je premier substantifet le premicr verbe. Car méme Pabsolument universe, bien qu'il se trouve hore domaine de la particularité, est éclairé et coloré par la langue » <7 >. Et dillustrer le propos pa riflexions récentes d'um des plus lucides traducteurs frangais de Hegel, ois Yon retrouve, en intradu snassif, les Frondztver et e-double registre, latin et germanique, dont joue le philosophe <15 >. Des combinatoires,’ ow de ta: knguistique, — Ml suffira A partic d'ici d'indiquer les autres intraductibilite, chacune ouvrant sur un immense domaine. ‘On dendra sans ppeine le diagnostic de non-superposabilité & ensemble des combin ppropres a une langue, Le niveau d'analyse est kt structure de la langue, depuis les modalités def tion des mots et de fabrication. des néologismes (par exemple le fonctionnement des préverbes ef possbiltés de composition), le statut grammatical des mots (la substantivation, le participe, le géra leur arrangement dans une phrase (la syntaxe, Uordre des mots, sa réglementation plus ou moins selon notamment Vesistence de déclinaisons), jusqu’a Varrangement des phrases entre elles (paratas liaison, avec proliferation de particules, dé mots vides). On entre ici de maniére décisi 5 mime si les catégorie ct les instruments élaborés par les linguistes ne cessent cl@tre captés par Ie sophes souccus de mone par provision qu'il y va dinstrumens aus changés de pilsopieg grammuaire elleméme, Je voudrais faire une remarque, aussi peu péremptoise que possible. Ge quvon appellers {ie Wite\ie“lesical et le-syotaxique ne sout pas des teritoires distincts, mais de simples déc 1005 LE STATUT THEORIQUE DE LinTRADUISIBLE [56] “Tettre du latin: « Marie pl Panalyse, comme tout & Theure la matiére phonique et la signification. Le rapport entre syntaxe et sémamique de «étre» sulfirait & en témoigner. I est particuliérement intéressant de tenter de comprendre, pour une opération donnée, par exemple la négation, comment sont imbriqués les traits différentiels de chaque langue, dont la non-superposabilité de langue a langue fait intraductibilité. Ainsi, ‘on ne peut pas ne pas mettre en rapport les problémes posés par la distinction entre privation et néga- tion (en gree ouden, comme si Ton entendait rem, « cquelque chose », dans le francais « rien » ; par opposi tion & méden, ce qui n'a rien voir ni avec ce qu’on attend ni avee quelque chose, plut6t comme nada}, négation factuelle ct négation prohibitive (ou et mé), fa combinatoire qui préside & la formation des mots négatifs et les possbilités de coupe (dd, « rien », qui se déchiflre méd’he, « pas méme un» ~ mais sur quoi Démocrite forge par fausse coupe son famews den, un « quelque chose » qui serait moins que rien), le rapport entre négation verbale et négation nominale, négation simple et négation composée, les calculs de renforcement ou dannulation, etc. A la croisée de chaque spéecification se levent des textes en langue, qui se laissent ow non chiffier «naturellement » dans une autre. Pour prendre un exemple simple, le célabre texte de POdpssée ott Ulysse déclare au Cyclope s'appeler Outis, « Personne», fonc~ tonne particuliérement mal en frangats, ot le «ne» dit explétif oblige a faire la difference entre «Personne [ie. celui qui sappelle «Personne »] me tue», et «Personne (@ savoir: nul} ne me tue» ~ sans parler Gvidermment du jeu de mots sur més, « personne » (prohibit et « ruse » (la célebre métis des Grecs dont Ulysse est incarnation). On trouvera cixjoint, a la croisée des problémes du « est » et de Ta «négation », le fragment IT de Parménide et quelques tentatives de traduction, of la non- superposabilité de langue & langue s'étale et s‘incarne' en choix interprétatife® < 2> ~ et Von admecra volontiers avee Schleiermacher qu’aux plus littérales, «les maftres [..] lancent un sourire compatissant et disent quis ne comprendraient pas son allemand [ou son frangais, ou son anglais] laborieus sls ne conmaissaient pas leur gree >", Des enaces &b des styles, on de Pherménetique. — Avec ces. exemples, nous avons pénitré en méme temps dans la demiére strate Cintraduisibilité, celle qui reléve de Vherméneutique stro sense. Le niveau analyse est celui d'une oeuvre et son genre, d'un autcur et son style. Il y va non seulement de hist de Ia langue, mais de la spécificté de Feeuvre, des comparants qu'elle se donne, des réscaus singuliers qwele erée: choix dun genre, d'une adresse, exotérique ou ésotérique, d'un niveau de langue, d'un style, d'un rapport 4 la wadition, modéles, références, palimpyestes, innovations, ete. Tout auteur (c'est 12 sans doute le premier, voire le seul, principe de Pherméncutique), en méme temps qu'il éerit dans une langue, fabrique sa langue : « lest son organe et elle est le sien»; si bien que Mintraduisible ex, cette c Vordre du « chaque ». asisterai seulement sur Timportance du temps, La langue est un « étre historique » ; Cest pour- ‘quoi «le traducteur des ceuvtes scientifiques », comme dit Schleiermacher désignant la philosophic ct datant par lit son texte, doit observer « quels mots, quelles constructions se montrenc Ia dans le premier éclat de la nouveauté » < 8 > ; mais comment rendre « aujourd'hui », par un mot « ancien et usé », un mot «nouveau », qui date du temps de Voriginal ? Lié a la question du niveau de langue, tel est le probléme méme de Luther lorsqu'il revendique, pour défaire la sclérose inverse, le droit de traduire la ine de grice» par: «chére Marie », en se reportant au temps et la tendresse du salut de ange", Somme toute ~ et est ce dont témoigne notre dernier extrait qui traite ‘non seulement la langue, mais a traduction comane une enemeia ~, face aus difficultés « insurmontables » {que toutes les sortes de génies, propres a la langue, & Poeuvre ou a auteur, dressent devant la possbilité de traduire, il n'y aque du cas. La philosophic, on l'accorde volontiers, est situer entre science et littérature, entre mathéme ct poéme. Elle s’écrit en langue(s) selon plusieurs chefs tenaces. /) La philosophie se fait en oeuvre: elle hérite et elle innove, son idiome transforme la langue. 2) (De) la philosophic travaille sur la question de Ja langue, prend sa langue comme objet. 3) De ln conceptualité philosophique, du philosophéine, est produit lors dtr passage d'une langue i autre, aus grands moments de traduction, de ‘réflexion sur la traduetion, dappropriation et de recréation terminologiques. 4) Du philosophéme est produit lorsque les distorsions entve les langues, la non-superposabilié, sont pris comme objet. Chacun de ces chefs est ié & Vinteaduisibilité, comme symptdme et/ou comme théme. Il y a une maniére analytique de les négliger et dasscoir en vérité cette négligence volontaire ; une maniére heidegeérienne den isoler une partie. de Pexploiter historialement et d'asseoir en donation cette exploitation, Reste, me semble-cil, une manire 4 trouver, plus taxinomique, géographique, et peut-

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