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IOlaK mel amuelKe Jves Déloye Olivier IhL SciencesPo. | a ="! Les Presses | REFERENCES Fait politique Yes Déloye et Olivier tht LACTE DE VOTE Ce livre se veut une invitation 3 redécouvrir les savoirs et les Dratiques qui faconnent notre expérience du vate. Nen déplaise aux commentateurs de nos soirées électorales, 'élection rest pas seulement le moyen de faire valor une opinion, c'est aussi un ritvel social, une mise en scéne codifge en fonction de multiples enjou. Bulletin, scanner optique, carte électorale, une, machine & voter : notre rapport aux instruments de la vie électorale se métamorphose. De nouvelles interrogations sur la facon a'élire et de se faire dlire Emergent, et histoire matérielle de la démocratie représentative ‘ouvre 8 la réflexion de stimulantes pistes. Cet ouvrage de synthése sur la dimension matérielle et socio- historique des opérations lectorales rassemble les résultats de plusieurs enquétes menées depuis une quinzaine c'années. Une Histoire qui révéle les deéfis de Tacte de vote, entre technique et politique, mises en scéne et mobilisation, archaisme et modernité ‘Yes Déloye est professeur de science poltiqe Université Paris'-Panthéon: Sorbonne. Olivier Ih est protesseur de science palique IEP de Grenoble pore ea Le ee Messy Chapitre 4 / LINVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE ‘Comment passer d'une répartition en voix & une répartition en sigges? En apparence trés simple, cette opération a donné nais- sance depuis un sigcle & des formes d'expertise particuliérement sophistiquées!, Un savoir-faire dont Pambition théorique Tul valut presque aussit6t d’étre qualifié de « science électorale », Non sans malentendu. Liart de comptabiliser les suffrages exprimés s'est Gtabli, d’un cété, sur le rapport d'usage des élus et des autorités administratives attentifs 4 rendre prévisibles les modalités du décompte des voix, de autre, sur les rationalisations de juristes engagés dans l'étude comparative des procédures de vote, voire de journalistes spécialisés dans la prospective électorale. Une double logique dont la finalité était d’optimiser V'importance des soutiens lectoraux. Dés que le principe du suffrage universel a été ten 1. Ce dont témoigne une ltérature foisonnante. A défaut de fournir une liste exhaustive, on peut mentionner les études de H.F. Gosnell, Way Europe Votes, Chicago (il, The University of Chicago Press, 1930; G. Lachapelte, Les Régimes électoraux, Paris, Armand Colin, 1934; M. Duverger et al, Linfluence des systémes électoraux sur la vie politique, Paris, Armand Colin, 1950; ¥. Levy, Le Probléme des modes de serutin et le Fonction- nement de la démocratie, Paris, Marcel Riviére, 1956; P.Campbell, French Electoral Systems and Elections, 1789-1957, Londres, Faber, 1958; J. Cadart (dr), Les Modes de scrutin des ddix-huit pays libres de VEurope occidentale. Leurs résultats et leurs effets comparés. Flections nationales et_européennes, Paris, PUP, 1982; J.-M. Cofteret et C. Emer, Les Systemes élec= toraux, Paris, PUF, [4° éd. 1983}. Pour une synthése, voir P, Martin, Les Systemes @lectoraux et les modes de scrutin, Paris, Montchrestien, 2006 [3° éd.]. Signalons, enfin, deux périodiques anglo-sarons traitant réguliérement de cette ques- tion, Electoral Studies et West European Politics. 174 | Lactede vote pour irréversible, chaque groupement politique s'est efforcé den aménager Pexercice au mieux de ses attentes, Ce faisant, étude des systémes électoraux a connu un essor considérable?, Au point de posséder bient6t sa propre tradition de commentateurs autorisés et de controverses « fondatrices », de textes de référence et de néolo: gismes consacrés, que I'on songe ;plement a laffrontement des « expéistes » et des « arrondissementiers » & la fin du xix siécle, Plus intéressant: la constitution de cette « science » électorale a été rendue possible par un travail de formalisation engageant plu- sicurs présupposés implicites. Le premier d’entre eux est que les ‘modes de scrutin sont voué au statut d’instance supréme des utes électorales?, Cette position particuliére, en surplomb de activité de conquéte des suffrages, passe pour répondre a un besoin élé ‘mentaire: celui d'une autorégulation institutionnelle. Si l'on peut parler & ce propos de « codification é orale », c'est done en un s, au sens oii adopter un mode de scrutin revient & placer 2. Cette recrudescence des prédceupations électorales est attestée par la multiplication, au début du xX siécle, des théses de droit consacrées aur enjeur des modes de serutin, ainsi que par fa publication d'ouvrages pionniers (A. Siegfried, Tableau politique de la France de POuest sous la Troisiéme République, Paris, Armand Colin, 1913; P. Meuriot, a Population et les lois Alectorales en France de 1789 & nos jours, Paris, Berger: Levrault, 1916) qui forment la pointe émergée de foute une flo- raison de travaux signés dautewrs aujourd'hui oubliés comme J. Charbonnier, R. de la Grasseri, E. Villy. Surce moment inau- ‘ural de la « seience éleetorate », voir P. Favre, Nalssances de la science politique 1870-1914, Paris, Fayard, 1989, p. 51 et sun 3. Parmi les nombreuses formules qui témoignent de cette valeur référence celle de Royer-Colland demeure lune des plus instructives: « Une loi élecforale est une Constitution, Selon que cette loi est bonne ow mauvaise, es gouvernements dont elle est le ressort sont forts ou faibles »,cité dans Anonyme, Le Scratin arrondissement et sa politique, Paris, E, Dentu, 1884, p. 3 LINVENTION DELA REPRESENTATION PRoPoRTIONNeLLE | 175; Vaffrontement électoral sous le signe de la conformité & un « droit, objectif ». Deuxime présupposé: le systéme de répartition des mandats peut étre assimilé & une véritable « regle du jeu ». Ré constante des hommes politiques, cette expression est aus des figures synoptiques des travaux universitaires. Le mode de scrutin est une régle du jew parce qu'il encadre les anticipations des forces en présence, détermine Péchelle des ressources dont elles dis- posent, délimite par avance les différentes lignes d'action envisa~ geables?, Un tel lexique n'a rien d'une invention originale, Déja en Te procédé majoritaire a « un 1865, Emest Naville comparaiss: régime de maison de jeu, o8 un parti peut obtenir Ia totalité de la deputation avec de Vhabileté et de bonnes chances® », Reste que depuis lors, usage réitéré de l'analogie n'a pas réussi & émousser puissance de séduction. Mieux: le scheme ludique continue de stimposer lorsquill s‘agit de rendre compte du caractére ordonné mais aléatoire, conflictuel mais pacifié des opérations électorales", 4, Cestai-dire, pour reprendre ta définition weberienne, a un ensemble infailible de prescriptions juridiques susceptibles détre déduites ow appliquées & wimporte quelle situation. Voir 1M, Weber, Soctologie du droit, Paris, PUP, 1986, p. 43. 5, Lanalogie du jew est fondée, comme l'ndique F. G. Bailey ‘sur Phomologie qui se dégage des principales earactéristiques for- ‘elles des activités ludiques et poltiques: si une structure poli- tique peut s'apparenter @ un jeu c'est parce qu'elle « fonetionne ‘au sein de certaines limites établies par des régles reconnues. Celles-ci définissent les trophées, Indiquent comment les équipes peuvent se former et etre dirigées, distinguent les tactiques Iéga- Tes ef les tactiques Mégales, et désignent parfois un arbitre qui posséde P'autorité nécessaire pour faire observer les régles », dans F. G. Bailey, Les Régles du jeu politique, op. cit, p. 47. 6. E. Naville, La Patric et les Parts, discours sur la réforme Alectorale prononeé le 15 fevrier 1865, Genéve, 1865, p. 26. 7. Voir, par exemple, A. Breton et G. Galeotti, «Is Propor- tional Representation Always the Best Electoral Rule? », Public Finance, 40 (1), 1985, p. 1-16. 176 | Lactede vote Enfin, dernier point : chaque mode de scrutin se caractérise par des propriétés elles-mémes porteuses de références normatives: « jus- tice », « moralité »,« équité», « transparence », En dresser le tableau comparé: telle est finalement la tache que s’attribuent les « électo- ralistes », D’autant qu’en distribuant ses effets sur les comporte- ments des électeurs comme sur les strategies des candidats, les modes de scrutin n’ont rien d'un simple arrangement réglemen- taire, lls constituent une norme & part entiére, une norme pouvant 4 bon droit étre tenue pour un enjew fondamental de I’équilibre et de lidentité du systéme politique. Lambition des développements qui suivent est de prendre la mesure de ces fondements de la « science électoraliste », d’en analyser la pertinence, en s‘interrogeant pour cela sur la mise en ceuvre du concept trés controversé de « représentation proportionnelle »8, Longtemps présentée comme Midéal du systéme représentatif, cette technique n'a, on le sait, jamais pu en France remplacer durablement Je scrutin majoritaire, Une histoire qui pose avec force le probléme du pouvoir de régulation des modes de serutin, Croire cette question résolue reviendrait & s'exposer & un double risque: bien sir perdre Te sens de la solution qui Tui a été finalement apportée, mais aussi s‘aveugler sur le type de difficulté qui a pu lui donner naissance, Plutt que de retracer Phistoire d'un tel mode de représentation, depuis le x1x*sitcle®, voire depuis la Révolution francaise qui en 8. G. Le Beguec, « La représentation proportionnelte, Cent cans de controverses », Vingtiéme siécle, 9, janvier-mars 1986, p- 67-80, 9. Dans cette optique, voir R. Huard, « Arithmétique et poli fique: la représentation proportionnelle », Cahiers dhistoite de Hnstitut de recherches marxistes, 33, 1988, p. 7-29; ou B. Owen, « Aus origines de V'idée proportionnaliste », Pouvo 32, 1985, p. 15-30. Ft, dans une perspective européenne, LINVENTION DELA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE |_177 invente le principe, deux débats parlementaires ont été ret celui de 1885 qui a accompagné l'adoption du scratin de liste départemental!® et celui, cent ans plus tard, qui introduisit une représentation proportionnelle avec répartition des restes & la plus forte moyenne et un seuil de représentativité de 5 9". Si 1885 ‘marque la premiére véritable évocation de la proportionnelle dans Venceinte du Palais-Bourbon, la loi de 1985 a ceci, elle, d'intéres sant qu’elle consacre une transformation proprement endogéne du systéme électoral, une transformation indépendante de tout boule- versement extérieur au systeme politique lui-méme!?, Deux bornes historiques donc!? qui ne sont pas destinées & scander les étapes ‘A. Mac Laren Carstains, A Short History of Electoral Systems in Western Europe, Londres, Allen and Unwin, 1980. 10. La proposition Constans en faveur du scrutin de liste 4 deus tours fut dépasée sous le gouvernement de Jules Ferry en 1884, Bile obtint Vappui d'une tes large miajorité des grou pes républicains ainsi que d'une partie des. monarchistes Discutée du 19 au 25 mars 1885 4 la Chambre des député, lle fut adoptée le 8 juin. Or, c'est Foccasion de cete discussion ppariementaire que fut pour la premiére fois abordée 'éventuaité @'un sorutn proportionnel 11. H, Portelli, « Cohabitation et représentation proporton- nelle», Regards sur Mactualité, 139, mars 1988, p. 39-44 ; e A. Knapp, « Orderly Retreat: Mitterrand Chooses PR », Electoral Studies, 4 (3), décembre 1985, p. 255-260. 12. Lobservation des changements de mode de scrutin dans histoire politique fiangaise pousse & éablir un constat: « Un nouveau mode de seratin ne peut s‘imposerqu’a la faveur d'un bouleversement dont Vorigne est généralement extrieure au sys- tme politique », dans JIM, Cotterct, C. Emeri et P. Lalumigr, Lois dlectorales et inégalits de représentaton en France 1936- 1960, Pars, Armand Colin, 1960, p. 9 13. Entre ces deur dates, a « RP », comme Vappelfent les spécialistes, n'a cessé d'étre revendiguée. Dans sa thése de doctorat, J.-L. Chardon ne rléve pas moins de 31 projets de 178 | Lacie ae vore d'une généalogie mais avant tout & déplacer l'interrogation sur les modes de scrutin, D'attirer attention non sur leurs performances respectives mais sur les usages et les rapports de force dont ils font Vobjet. Car, sila « régle» dlectorale offre bel et bien une plus-value dans les confrontations politiques ~ et déja en déterminant le mode dagrégation des voix exprimées -, son efficacité dépend en dernier ressort des relations nouées entre les candidats eux-mémes. Le reconnaitre, c'est commencer & prendre des distances avec les rai- sonnements d’allure syllogistique qui prétendent rendre compte in abstracto des effets des modes de scrutin. Contrairement a ce qu'ac- eréditent les plaidoyers en faveur de la « proportionnelle », son autorité ne réside pas dans des considérants normatifs. Elle dépend bien plutot des attentes et des savoir-faire dont l'investissent ses utilisateurs, D’ou Pintérét de restituer un tel argumentaire & ses or!- gines empiriques, Il ne s'agit pas seulement de mettre au jour les conditions de formation d'un nouveau principe de légitimité étec- torale mais, plus largement, de comprendre comment se forgent certaines des normes dont la « science électorale » est tributaire. Une définition arithmétique de la morale La représentation proportionnelle renvoie & une définition idéa- liste de Varithmétique électorale, A la fin du xix* siécle, elle s'abrite derriére les vertus éclatantes du positivisme. Membre de I'Institut, publicain dreyfusard, Louis Havet est auteur d'une formule La logique est déja de la morale quand elle vise réforme proportionnaliste entre décembre 1873 et janvier 1910, Voir J.-L. Chardon, La Réforme électorale en France, these pour le doctorat de droit (Pars), Pars, A. Rousseau, 1910, p. 320-225. LEINVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 179) équité et qu'elle nous montre oit commence Ie bien d’autrui"*, » Le postulat est clair: les problémes politiques peuvent étre réglés par des procédés techniques, ceux que mettent au point logiciens et mathématiciens. Méme parti pris intellectuel, en 1885, pour 'amen- dement Courmeaux, déposé lors du débat sur l'adoption du scrutin de liste, Son objectif ? Permettre la « représentation proportionnelle des majorités tés » en s'inspirant de la « raison et du bon sens »: « La répartition des siéges doit étre faite au prorata des, totaux respectifs obtenus par chacune des listes. Voila énoneé du théoréme contre lequel la raison au moins ne peut pas protester #15, Si argument se heurte & l'ironie de la majorité de la Chambre’, i constitue le point d’ancrage d'une nouvelle maniére de concevoir le dénombrement des voix, En cette « belle époque » parlementaire, la proportionnelle promet beaucoup: de combattre abstention en vertu d’un calcul d'utilité élémentaire"”, de pacifier les campagnes et des mino 14, L. Havet, «La représentation proportonnelle», Revue politique et parlementaire, 69, 10 jullet 1911, p. 54. 15.40, Chamire des députés, 2 mars 1885, p. 617. 16, Le marquis de Roys s'en pri vivement a ceur qui « eoient que dans une démocrati, il est absolument essentct que les députés représentent autant que possible, dans une proportion aga, les éléments deta souveraineté nationale », Tes accusant au passage de « naveté »: annonciateurs «d'une espéce de pentecéte politique, & la suite de taquelle la Chambre sera radicalement transformée » (00, Chambre des députés, 22 mars 1885, p. 616). 17. «A Vabstentionniste, la RP. tera tout préterte et toute raison dere, car, surtout sites circonscriptions ont Y'ampleur requise, il n'y aura pas de nuance sérieuse d'epinion qui ne ‘uisse espérer un siége au moins », dans L. Havet, «La repré- sentation proportionnelle», at. cite, p. 57. P. Moreau reprend I aussi Fargument: «A quoi bon nous rendre au sertin, disent les membres de la minorité, la loi des majorités nous opprime et ‘nous supprime » (dans « Le vote obligatoire, principes et sanc- ‘ions », Revue politique et pariementair, janvier 1896, p. 126) 180 | Lacie de vore Alectorales!®, d’élever le niveau de I'« intelligence électorale » en réclamant un vote construit politiquement!® ou encore de diminuer la corruption et la fraude puisque le profit obtenu sera dispropor- tionné par rapport aux moyens employés”®, Autant d'attendus qui 18. Les conséquences du scrutin majoritaire sont, & en croire Emile de Girardin, des plus néfastes: « C'est In guerre civile, ‘avec cette différence qu’au liew d'employer des cartouches, ce sont des bulletins qu'on emplote; ce n'est pas la libertéélecto~ rale ». Or, avec la proportionnelle fa violence des luttes électo~ rales serait atténuée car « it n'y aura plus de vainqueur ni de vaincu », dans E. de Girardin, La Politique universelle. Décrets de l'avenir, Paris, Librairie nowvelle, 1855, p. 58. L. Vauthier a plus loin encore en affirmant quavee ce serutin « ce ne serait plus de la lutte mais de Vapostolat », dans L. Vauthier, Réforme des procédés électoraux par le vote cumulatif, Lettres & M, René Goblet, député de la Seine, Pars, Librairie nouvelle, 1896, p. 23. 19. La représentation proportionnelle forcerait les électeurs ‘comme les candidats «a se faire un programme, 4 analyser leurs idées, a réfléchird ce quls veutent, d se donner un idéal politi que *, dans R. Saleilles, « La représentation proportionnelle », Revue de droit public et de Ia science politique, 9 (8), mars avril 1898, p. 397. 20, La propasition de loi déposée en 1896 sur les bureaus de la Chambre des députés par J. Dansette et P. Le Gavrian affirme dans son expasé des motifs: « La représentation proportionnelle supprimerait @ pew prés complétement ce concours d’immora~ Tités renouvelées des pires époques de la Rome décadente, Pour cconquérir un siege de plus, il faudrait le plus souvent aéplacer tun niombre de voir si considérable qu'il y aurait disproportion manifeste entre le but & atteindre et Tes moyens mettre en euvre, On ne pourra plus modifier Vopinion dune maniere sen sible que par wne action lente et permanente sur les esprits, par la seule propagande qui honore les partis, la propagande des doctrines qui s‘adresse au intelligences, ef la propagande résul- tant des exemples de vertus civiques, qui s'adresse aur cars », 30, Documents parlementaires, séance du 25 juin 1896, annexe n® 1956. LUINVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 181 jent Vurgence d'une réforme volontiers apparet années de rationalisme triomphant, aux « révolutions » de Pimpri- merie ou de la machine & vapeur", Un raisonnement analogique Le choix d'une technique électorale passe & 'époque pour celui d'un instrument de maitrise des « passions populaires », Partisans et opposants du scrutin uninominal s‘affrontent d'abord pour savoir dans quelle mesure un tel procédé de vote peut tempérer la « viva~ ‘impression qui se manifeste nécessairement dans les él tions” », A en croire ces véritables alchimistes électoraux, la représent jon proportionnelle agirait comme une solution chi- mique, un dispositif susceptible d’édulcoret, dissiper, masquer, transformer les « déviances » électorales. C'est pourquoi cette tech: nique électorale a pu étre présentée comme « la plus nécessaire et la plus urgente des mesures de salubrité politique?®», Reméde & Vintervention bruyante et désordonnée des « foules él la représentation des minorités devait tempérer le « poids brutal torales* », 21. B, Leroy-Beaulieu, Traité théorique et pratique d’éeo- nome politique, fome 1, Paris, s. n. (2° éd. 1896], p. 378. 22, JM. Barthe, JO, Sénat, 20 mai 1885, p. 561. Aucune hésitation toutefois pour ce défenseur résolu des anciennes régles du jeu: « Lorsque sous lempire d'une de ces impressions violen~ tes, des élections ont lew par scrutin uninominal, elles. sont ccontenues, tempérées par Tes influences locales » (bid) 23, F. Faure, « La représentation proportionnelle et le nou- veaw ministére », Revue politique et parlementaire, 69, 10 juil- let 1911, p. 24, G, Le Bon, Psychologie des foules, Paris, PUF, 1983 [1° é. 1895], p, 107 et suiv. 182 | Lactede vore des masses, des intéréts et des appétits’s, Le recours & l'arbitrage de l'arithnmetique est destiné & résoudre un autre écucil: celui des distorsions numériques générées par Ie serutin d'arrondissement, Les proportionnalistes font de ce grief une piéce essentielle de leur revendication :s'l faut tel député d'un centre urbain dix fois plus de voix pour étre du que son collégue d'une circonscription rurale, la représentation parlementaire ne peut plus étre « 'image fidéle, la carte en relief des sentiments politiques du pays?® », Appuyé sur des chiffres éloquents”, 'argument sert de réquisitoire contre le scrutin majoritaire et aboutit & une contestation directe de la loi du grand nombre qui sert de fondement a Vidé double écueil, Parithmétique offre un reméde approprié, N'est-ce pas grice a Youtil mathématique qu’une relation de proportionnalité sera enfin établie entre l'attribution des siéges et la répartition des voix? «de majorite. Or, 3 25. Anonyme, Le Suffrage universel et la réforme électorale, Angers, Imprimerie P. Lachése, 1872, p. 10. 26. E. Flandin, « Scrutin de liste et représentation proportion- nelle s, Revue politique et parlementaire, 45, juillet 1905, p. 7. 27. Un seul exemple parmi les nombreux tableaur de chiffes qui émaillent tes études en faveur de la proportionnelie: en 1898, la Chanibre des députés ne « représente » en moyenne que 45,2 He des électeurs inserits et 59,6 % des votants, Prés de 40 % des votants ne disposent done d'aucun représentant atttré. Voir « Elections Iégislatives des 8 et 22 mai 1898 », Annuaire slatistique de la Prance, Paris, sn, 1898, p. 521 28, Sur ce postulat, voir Vouvrage de P. Favre, La Décision de majorté, Paris, Presses de Sciences Po, 1976, Pari les attaques les plus radieales contre ce postulat, celle de L. Blane illustre bien Ie rapport noué désormais entre vérité mathématique ef conviction politique: « Prowvez-mol, si vous Te pouvez, que la Iégitimité du ‘gouvernement direct de la majorté moins un par la minorité plus deur, repose sur autre chose que sur une présomption, celle de Vin~ ‘aillvlité du grand nombre; prouvez-moi que cette présomption ‘st un principe », dans 1, Blane, Questions d'aujourd'ui et de demain, Paris, E. Dentu, Premigve série «Politique», 1873, p. 117, INVENTION DE LA REPRESENTATION PROPoRONNELLE | 183 Que le vote sera enfin « relativement & Mopinion publique, ce que le chronométre est au temps, dont il donne la mesure avec une pré- cision rigourcuse ; ce que le baromette est & la température, dont il indique toutes les variations®®? » La séduction exe parla logique mathématique est manifeste Linvention de multiples systémes de caleul censés fournir les clés d'une stricte proportionnalité vient d'ailleurs en témoigner®. Le constat des inégalités de représentation suscitées par le systéme de vote majoritaire a constitué un p art pour de nombreuses recherches destinges & assurer une plus « juste » répartition des suf- frages. Ainsi, V'idée de proportionnalite s'est d'abord appliquée au vote ui-méme. Parmi les plus discutées de ces inventions, il faut signaler la technique du vote limité mise au point par Mackworth Praed en 1832: chaque électeur ne peut voter que pour un nombre de candi- dats inféricur & celui des députés & élire; ce qui permet une repre. sentation des minorités lectorales. UAméricain Thomas Gilpin proposa quant & lui, en 1844, le systéme du vote cumulatf: cette fois chaque électeur dispose dautant de voix quill y a de candidats en lice mais les répartit comme bon Jui semble, On peut également signaler le vote dit préférentiel propose par Adolphe Carnot en 1900. Ce syste permet & chaque lecteur de souligner ou de pointer une partie des noms des candidats présentés sur une méme liste déclarée, Des aménagements mineurs furent proposés a ces méthodes de calcul tel le quotient d’élimination du député frangais Charles Pernolet; il visait 4 écarter du partage les groupes qui n’avaient pas atteint un 29, E. de Givardin, La Politique universelle, op. cit, p. 56. 30, A la fin du xBe siécle, C. Hilty dénombre dans son étude sur la représentation des minorités pas moins de 28 systémes diggérents de représentation proportionnelle (Die Minorititen- vertretung, Politsches Jahrbuch der schweizerischen Eidgenos- senschaft, Berlin, s,m, 1892, p.14T et sui) 184 | vactede vote minimum de voix. Mais le principe directeur demeurait inchange. Les modifications suggérées ne concernaient que le poids relatif d'un bulletin que I'électeur avait la charge de fractionner en fonc- tion du nombre de prétendants, En revanche, une inflexion a idée méme de proportionnalité est introduite au cours de la seconde moitié du xix* siécle avec le sys téme du vote transférable de l'anglais John Lubbock et Pinvention du quotient électoral du genevois E, Naville, Dans le premier cas, Télecieur ne dispose que d'une voix mais il indique sur le bulletin, dans ordre de ses préférences, les noms des candidats auxquels il désire transfeérer sa voix si le mandataire choisi i pas besoin pour & ialement n'en a lu. Appliquée parle ministre danois Carl Andrae en 1865, cette formule présente Vavantage d re er toute déperdi- {ton des voix, en tout cas de celles apportées en sus de la majorité réclamée pour étre élu, Le systéme de E. Naville perfectionné par le belge Victor d'Hondt consiste Iui a diviser le chiffre électoral de chaque liste par 1, 2, 3, 4, ete, On range ensuite les quotients ainsi obtenus dans un ordre décroissant: les siéges sont alors distribués successivement aux plus forts quotients. Crest une méthode de cette nature qui a longtemps été appliquée en Belgique, Ces différents systémes poursuivent, on Te voit, un méme but: faire disparattre la notion de voix perdues", Quelle que soit sa forme, la revendication de « proportionnalité » raconte Ia quéte d'une organisation purement rationnelle du droit de suffrage. Elle exprime la recherche de régles fondées sur « la raison et Ia justice électorale™ », Mais a fascination exercée pat la 31. Sur ces techniques, voir P, Martin, Les Systemes électo- aux, op. cit. 32.8, de La Chapelle, «La représentation proportionnelte » Revue catholique des institutions et du droit, 10, [2° série 1893}, p. 43, LINVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTiONNELLE | 185 logique abstraite de larithmétique ne vaut pas & elle seule pour un gage de scientificité. Le mot lui-méme n'a pas toujours désigné ce que Iusage nous apprend désormais a y voir. Comme le note Jean- Marie-Amédée Paroutaud, V'adjectif « proportionnel » est emprunté au vocabulaire mathématique oit il revét une signification précise. Transférée dans le langage juridique, expression a perdu de sa rigueur initiale pour qualifier « tout systtme de représentation dans lequel une relation plus ou moins élastique existe entre la réparti- tion des voix et celle des sites», Llexamen des premiéres reven- dications de proportionnalité renforce ce constat dambiguit mettant en évidence les rivalités nouées autour de Ia definition méme de ce terme, Pour les uns, cette technique de représentation fut mise en avant comme un moyen dorganiser le suffrage universel sur une base abstraits qui défi- particulariste, Elle s'opposait parla aux princip nissent l'interprétation républicaine du vote: « Faire voter ensemble, péle-méle en confusion et diffusion, des agriculteurs, des ouvriers de tous les métiers, des commergants, des industriels, des artistes, des wants, des prétres [..] c'est agir contre le bon sens et contre toute vvérité » car la vraie base de I'éleetion, ce sont « les corporations et wrd, sans attaches, non pas un nombre d’hommes unis par le ha ssés, parqués en masses sans relations, sans liens communs, confuses par département», On ne saurait mieux exprimer le rejet des groupes éphéméres que rassemble périodiquement l'opération Alectorale, ces agrégats artificiels que dénoncera fimile Durkheim, 33. J-M.-A. Paroutaud, « Quelques considerations théori- ques sur la représentation proportionnelle », Revue frangaise de science politique, 13 (3), septembre 1963, p. 656, 34, Anonyme, Le Suffrage universel basé sur les corpora- tions, Paris, Coutant, 1875, p. 2. 35, Le sociologue préférait@ ces rassemblements les colleges 186 | Lecte devote En revanche, le « bon gouvernement » n'est autre que celui suscep- tible de refléter avec exactitude les intéréts sectoriels ou fonction nels de la société, Lidée de représentativité de Assemblée se fonde dans ce cas sur I'homothétie réalisée entre les caractéristiques des ‘mandataires et celles des mandants, Pour d'autres, att contraire, le vote doit étre « proportionné » & Ja qualité sociale de I’éecteur. Comme dans les conseils d'adminis- tration oi chaque actionnaire vote d’aprés le nombre de titres qu'il a mandat & représenter, chaque citoyen doit disposer d'un ou plu- sieurs bulletins attribués & partir de garanties « de capacité et di telligence” », Comme I'écrt le marquis d'Espinay Saint-Luc: « Pour que le suffrage universel soit juste et sage, il faut que les droits politiques soient proportionnels aux charges, c'est-A-dire qu'un fer- ier par exemple doit pouvoir déposer dans lurne un nombre de bulletins proportionné au nombre de gens qu'il emploie® », Enfin, certains appliquent I'adjectif au vote des députés cux-mémes, éla- borant les bases d'un vote plural. Chaque mandataire vote non plus avec un bulletin individuel, mais avec le chiffre de voix obtenues lors de son élection, de sorte qu'il bénéficie « dans les résolutions Alectorau établis sur un « groupe constitué, cohérent, perma- nent », Voir E, Durkheim, Lecons de sociologic, Paris, PUE, 1969 [2° éd.], p. 124-125. 26, Ce systéme d’attribution des voit repose sur un raisonne- ‘ment simple: « La France est wne grande soctété financiére avec uu budget annuel de 4 milliarts dont chaque éleeteur posséde aw moins une action », dans Anonyme, Etude d'un nouveau mode de réalisation du suffrage universel, La représentation véelle, Paris, Imprimerie L. Girard, s. d., p. 6. 37. Anonyme, Suflrage universe de Pavenir, Paris, . Dentu, 1875, p. 12. 38. Marquis d'Espinay Saint-Lue, Conserit et souversin, Romorantin, Imprimerie A. Standachar, 1908, p. 59. INVENTION DELA REPRESENTATION PRoPoRTIONNELLE | 187 de la Chambre d'une part exactement proportionnelle & sa valeur représentative™ », Selon les finalités poursuivies, la notion de pro- portionnalité s‘applique & des domaines trés différents. Dans tous les cas cependant, elle apparente la logique & la morale, en masquant sous des oripeaux de scientificité de simples nécessités politiques. ‘Aussi, n’est-il guére approprié de lui demander, pas plus ¢’ailleurs aire, d’étre um concept de histoire des qu’au scrutin dit major modes de scrutin quand elle ne représente, ati mieux, que le ressort 4'un mouvement pour la contester. Le miroir de la représentation Parmi les figures rhétoriques chéres aux partisans de la « pro- re doit étre réservée au théme du portionnelle », une place particu « miroir » ou de la « carte réduite ». La « vérité » de 1a représenta tion s'établit ici dans Vidée d'une réplique fiddle de la structure du comps électoral, Aussi le schéme de la photographie ou de la carto- graphic tient-il un réle décisif, « Les Etats sont pour la nation ce aqu’est une carte réduite pour son étendue physiques soit en partic, soit en grand, la copie doit toujours avoir les mémes proportions que original »: citation sans cesse reprise, la formule de Honoré de mesure Mirabeau rencontra une postérité grandissante au fur e aque sinstitutionnalisait le mouvement en faveur de la proportion- nelle, Elle donna lieu toutefois de multiples variations, tantét pour revendiquer une représentation des intéréts et des corpora tions, tantét pour réclamer la prise en compte de l'ensemble des voix exprimées, Pour Raoul de la Grasserie, V'Assemblée legislative 9, P, Lacombe, « Questions pratiques. Le vote libre », Revue de métaphysique et de morale, 6, novembre 1898, p. 787. 188 | Locte de vote devait étre le « calque du pays seulement & une échelle réduite'y, ‘Méme exigence pour cet ancien parlementaire qui évoque a ce propos une « réduction photographique de la nation » ou pour Anatole Prévost-Paradol qui situe classiquement « I'idéal du gou- vernement représentatif» dans I'existence d'un Parlement « miroir dela nation.» En revanche, pour le professeur d'histoire du dr Raymond Saleilles: « Les Assemblées politiques doivent étre [..] tune image rédufte du corps électoral elles doivent en reproduire la carte politique", » L’Assemblée des mandataires ne doit refléter que Ja physionomie du groupe des mandants pour étre considérée comme représentative : «La loi devrait méme etre faite de telle maniére que, chaque fois, il sortt des elections une Chambre reproduisant le pays Politique, avec la derniére fidétité, de méme que l'image exacte d'une personne sort d'un bon appareil photographique®. » Deux conceptions antagonistes done derriére la métaphore de la carte ou du cliché photographique: d'une part, lide d'une rédue- tion en petit des structures économiques et sociales de la nation ; autre part, une projection fidéle de la ventilation des opinions du comps électoral. L'opposition se trouve posée de fagon concrite lors du débat sur l'adoption du scrutin de liste départemental en 1885: fallait-il choisir pour base électorale la population tout entire ow 40. R, de la Grasserie, ¢ De Ia transformation du suffrage tuniversel amorphe en suffrage universel organique », Revue Internationale de sociologie, avril 1896, p. 280 41. Anonyme, Le Scrutin d'arrondissement et le serutin de liste, Paris, Librairie nowvelle, 1881, p. 25; A. Prévost-Paradol, La France nouvelle, présenté par P. Guiral, Paris, Editions Garnier, 1981 [1° éd. 1865}, p. 180. 42. R. Saleilles, « La représentation proportionnelle », a cite, p. 223, “ _ 43, P. Lacombe, « Le vote libre», Revue de mét ; +, Revue de métaphysique et dde morale, novembre 1898, p, 777. me LINVENTION DEA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 189 Je seul corps des électeurs inscrits? Reste que dans les deux cas, un méme présupposé domine. ['opération de délégation située au coeur de la fiction juridique de la représentation est congue comme rele- vant d'un probleme de réduction géométrique. L'enjeu des discus- autour du régime de la proportionnelle ilon de mesure susceptible de fonder en sions passionnées ouverte consiste alors a trouver raison cette réduction, Les progrés de la cartographic comme tech- nique d’objectivation des classements politiques fournissent des ‘éléments de comparaison immédiats car réputés scientifiques. Aussi, fluence-t-elle langement les réponses apportées & cette question. Comme le souligne le politologue FE, Naville: « La représentation doit étre proportionnelle mais elle est réduite. Pour I'établir, il faut savoir quelle est ce qu'on appelle, dans la langue des géometres, échelle de réduction, Une carte est image réduite d'un pays. Pour connaitre le degré de la réduction, il faut savoir combien un centi- ys est métre sur la carte représente de centimetres sur le terr Vamorce de la théorie du quotient électoral™. On le constate: pour se prévaloir de la force du nombre, rie n'importe plus que de déterminer les conditions de recensement des voix, de forger l'apparcillage technique & partir duquel il sera possible de produire et de mettre en forme les résultats de l'élection, Le chiffre du vote n'existe pas sur Ie mode spontané d'une colle tion opinions autonomes. Il suppose pour étre intelligible la mobi- lisation d'outils de représentation spécifiques, Or, chacun d'eux se pare des qualités que les professionnels de Ia politique considérent comme indispensables & leur propre appropriation de la valeur des 44, E, Naville, Le fond du sac. Lettre sur la question électorale adressée @ un membre du grand Conseil de Geneve, cité par N. Saripolas, La Démocratie et la représentation proportionnel these pour le doctorat de droit (Paris), Paris, Arthur Rousseau, 1899, p. 499. 190 | Lectede vote suffrages. Autant dire qu'on ne connait pas le chiflre du vote, on ne fait que s'en emparer, c'est ele reconnattre, cela en caution nnant les procédures d'agrégation qui ont fait exister sous le mode qui est désormais le sien, Une science idéaliste du politique Face au scrutin majoritaire accusé de donner « une image infiddle du pays politique? », d'étre un « miroir brisé » oft la France ne pour. rat pas reconnaitre « sa propre image», Ie scrutin proportionnel consacre une triple exigence: de « transparence », d' exactitude » et de « fidélité» I s‘appuie sur une téléologie censée s'imposer par son seul caractére d'évidence : celle qui veut que les progris de la repré- sentation se mesurent a Pasymptote du rapport des voix requis pour Vobtention de chaque sitge. usage de ce que Charles Benoist n'hésite pas a appeler la « science proportionnelle » participe ainsi d'un projet trés ambiticux: celui de convertir la politique en objet de science, Ainsi des eriantes inégalités de représentation dont est responsable le serutin d'arrondissement*”, Si argument est présent 45, P.G. La Chesnais, «La représentation proportionnelte en France », Revue politique et parlementaire, 38, octobre 1903, P46, 46. L. Gambetta, JO, Débats de ta Chambre des députts, stance du 19 mai 1881 47. Ces inégaités découlent & la fois de Varbitraire du décou- age des circonscriptions et du fondement majoritaire du sys ‘teme représentatif. Elles ont particultérement été déuoncées sous le Sccond Empire, dun moment oi Vopposition républicaine privée de Ia légitimité du suffrage universel s'est retranchéee dans la contestation du systéme en place, D’oii 'appel de A. Prévost-Paradol d «ouvir les yeur sur une injustice que Vha~ bitude nous a rendue familigre, mais qui n'en est pas moins un INVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 191 dés apparition des procédures de consultation populaire®, il prend une ampleur inédite avec le développement des statistiques électo- rales dans la seconde moitié du x1 sigcle. Quill suffise de parcourir les tableaux élaborés par la Société pour l'étude de Ta représenta- le rapport entre la naissance des premi ation des voix et la revendication du scrutin ion proportionnelle: techniques d’object proportionnel y est flagrant, Louvrage met notamment sous les yeux du lecteur les cartes statistiques de Turquan qui représentent Ie pourcentage des voix obtenues par les élus de la Chambre par rapport au total des inserits dans leur circonscription. Or, en 1881 comme dailleurs en 1885, ce chiffre ne dépasse pas 45 90: un xésultat qui, pour les proportionnalistes, signait l’échec du scrutin de ie majoritaire: « En voyant la France liste comme variante du sys passer d'un des systémes & l'autre sans obtenir rien de satisfaisant, on assiste au spectacle d'un malade qui se tourne et se retourne dans des traits les plus fdcheus du systéme représentaifgénéralement en usage »: le fait qu'il uffsed un part de posséder« a moitié plus un des suffrages pour réduire @ néant les votes de Pautre Inoitié et priver ainsi cette autre moitié de toute représentation dans le Parlement national », dans A. Prévost-Paradol, La France nowvelle, op. cit, p. 180. “48, Par exemple, chez Tab Sieyts, dee de proportionnalté Aécoule directement du principe d’égaité mathématique au fonde- iment de lt citoyenneté: « Je me figure, remarque-til, la Tol aw centre d'un globe immense: tous ls citoyens sans exception sont 4 la meme distance sur la crconfrence et n'y ocupent que des places égales », 1 s'ensult que la représenttion d'un cltoyen « ne peut pas étre ne faction dela representation d'un autre. Ce dri. est un; tous Vetercent également», dans Abbe Stes, Qu’est-ce que le Terstat? Précéé de essai sur les privileges (ition augmen- tée par vingt-ros notes de Vabbé Morell), Pars, 1822, p. 100 449, M, Vernes (dir), La Représentaton proportionnelle. Etu- des de legislation et de statistique compantes publiges sous les auspices de la Société pour Teude de la RP, Pars, s. m 1888. 192 | Lactede vore son lit sans trouver une bonne place, C'est que la racine du mal subsiste, et cette racine du mal est un principe faux dont aucun ‘mode d'application ne saurait détruire la funeste influence’, » Chez Henri Avenel, lintérét pour la collecte et interprétation des données Alectorales débouche sur une conclusion similaire: « Le nombre des ‘voix représentées par les élus n'arrive jamais & la moitié des électeurs [pres des trois cinquiémes du corps électoral ne sont pas repré~ sentés a la Chambre, » Ce constat ne restera pas lettre morte, Il sera largement utilisé par les groupes radicaux et socialistes afin @'aceroitre une présence parlementaire minorée par le serutin majo- spéculations autour du nombre de voix serviront alors, ‘a montré Michel Offerlé, de ressource politique pour imposer de nouveaux principes de classement’ Mais d'autres enjeux caractérisent cette attention nouvelle portée au calcul de répartition des voix. Le recours systématique ‘aux instruments de représentation que forment la cartographie™ ou les méthodes graphiques (courbes, diagrammes, tableaux de don- xées, etc.) contribua & plusicurs évolutions. D'abord, & modifier la 50. E. Naville,« La démocratie, les systemes électorau et la représentation proportionnelie », Revue politique et parlemen- taire, 9 (27), juller 1896, p. 488, 51, Leétude d’Henri Avenel repose ~ c'est une premiére - sur étude de ta proportion des voir non représentées depuis 1881, classées par département, ainst que sur un tableau de la propor- tion des voir républicaines pour cent suffrages exprimés de 1876 4 1893. Voir H, Avenel, Comment vote la France. Dix-hult ans de suffrage universe, Paris, Libraries Imprimeries réunies, 1894, 52. M. Offeré, «Le nombre de voir. Eleteurs, partis et électorat socialiste ci la fin dw xx siécle en France », ar. cité, p. 5-21. 53, Des instruments dont A. Garrigow a souligné le réle éterminant dans la constitution d'un « savoir sur opinion électovale ». Voir A. Garrigou, « Invention et usages de la carte Alectorale », art. cite LINVENTION OF LA REPRESENTATION PROPoRTIONNELLE | 193, perception de 'acte électoral, La mise sur pied dans la plupart des pays européens d'une Direction nationale des statistiques a favor le développement des exercices de simulation et renouvelé les conditions d’étude des différents procédes de vote. La généralisation de cette approche quantitative a eu pour conséquence de boule- verser les conceptions traditionnelles du vote: de la consécration d'un rapport d'allégeance, le bulletin de vote se transformait en unité de compte autonome, s‘offrant du méme coup & des compa- raisons & travers le temps et l'espace. Dés ce moment, étaient posés les jalons de ce qui allait devenir une discipline autonome: la socio- torale*, En retour, ce mouvement facilita la revendication, Contre I'emprise logie ék d'une prise en compte de toutes les voix exprimees Jjusque-Ia incontestée du principe de majorité, les partisans de la proportionnelle pouvaient exiger un décompte individuel des votes. Dow une autre évolution, cette fois dans la maniére de définir le dépot du bulletin dans Pure. Le geste ne valait plus par sa finalité 54, Parmi les nombreuses publications qui autonomisent cette discipline, il faut signaler: pour Vitalie, M. Schanzer, + Sull’ordinamento del potere legislativo,e sulle elezioni poli- fiche nei principali stati d'Europa; appunti di legislazione e statistica comparata », Bulletin de l'institut international de sta- tistique, 7, 1693, p. 68 et suiv.; pour TAngleterre, Sir4J. Lubbock, « Analysis of English Elections », Proportional Representation Review, septembre 1895, p. 56 et sult; pour 'Espagne, N. Amani, «Estudios sobre procedimiento electoral», Biblioteca juridica de autores espanoles, 18, 1885, p. 180 ct sult; et pour 'Allemagne, Von L. Viereck, Statistsche Tafel der sozialistischen Wahlen (1867-1881), Munich, 1884. Des méthodes statistiques qui vier front renforcer les critiques du processus de délégation poli tique: elles permettront a R. Finhauser affirmer que le suffrage égal et universel pour l'élection du Reichstag, du fait des inégalités engendrées par le procédé majoritaie, n'existe en fait que « sur le papier », dans « Proportionalwahl », Zeitschrift fir die gesammie Staatswissenschaf, 54, 1898, p. 720. 194 | Late de vote ~ obtenir la victoire d'un candidat ~ mais par sa valeur ~ la néces- site de prendre en compte une voix désireuse de « s'exprimer », Francisque Sarcey révéle ce qu'est désormais la grande frustration de I'eélecteur moderne »: « Non, parbleu! Je ne serais pas faché @exercer mon dix-millioni¢me de souveraineté, en déposant mon bulletin dans la boite & suffrages. Mais je souhaiterais qu'il pesdt au ‘moins la valeur d'un dix-millioniéme ; et les choses sont arrangées de sorte qu'il ne pase rien du tout®®. » Lidée aboutira méme chez certains & définir un indice de satisfaction des voix trés inspiré des enseignements utilitaristes. Pour Georges Picot, 'un des plus fer- vents défenseurs de la cause proportionnaliste: « Plus une Assem- biée représentera de voix satisfaites et plus elle sera puissante dans Je pays » car c'est « un péril extréme pour un peuple que, au lende. main des élections, la somme des voix satisfaites de leur choix soit inférieure au nombre des voix mécontentes® », Lapplication de la regle proportionnelle ne concernait pas seu- lement la répartition des voix, Elle impliquait 4 Vorigine une refor- mulation compléte des technologies électorales en vigueur. Ainsi, pour éviter que les bulletins des jeunes électeurs « annulent les bul- letins des vétérans ou des hommes d’age mar », Ferdinand Appy proposait un systéme fort simple Les bulletins doivent étre puis: santés ou renforeés proportionnellement au bon sens, a V'age et la raison des individus qui les déposent dans I'urne », Quatre caté- Hories d’dlecteurs étaient distinguées, auxquelles correspondaient Jes qualificatifs de « premiére sagesse », « tr8s sages », « sages », ‘moins sages » en méme temps qu'un coefficient électoral de 1 & 4, Chaque bulletin se voyait done affecté d'une note particuliére qui 55, Annales politiques et litéraires du 25 juin 1893. 56, Seances et travaux de Académie des sciences morales et politiques, fevvier 1289, p. 65. LUINVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 195) s‘élevait en fonction de 'age « privilege du bon sens et de la sagesse » ; ce qui multipliait d’autant la valeur numérique du suf également aux abstentions. Lavan- frage. Le systéme s'appliqu tage? Augmenter le nombre de voix émises afin de renforcer Vautorité de la majorité et de « faire sortir ta sagesse de T'urne », hmétique », Grace a ces « moyens pratiques bien justifiés par Va ceux de la repartition proportionnelle des abstentions et des coef ficients de sagesse, le suffrage universel allait enfin pouvoir devenir «Je grand moteur de la machine gouvernementale »*” ‘Autre procédure de vote proportionnel ; celle mise au point par cet inventeur soucieux q’appliquer au domaine du politique la « méthode investigation scientifique propre au régime républi- cain», Aprés avoir défini une centaine de citconscriptions fournis- sant chacune pour un méme nombre d’électeurs cing sieges au Parlement, auteur proposait un systéme de « vote pour des idées » Lidlecteur ayant cing questions principales & résoudre recevrait cing bulletins de vote de couleur différente : rouge (question poli- tique), rose (question sociale), bleue (question religieuse), jaune (question militaire), verte (question économique). Fourni par les municipalités en méme temps que la carte d’électeur, chaque bul- letin était & son tour subdivisé en cinq coupons représentant une large gamme de prises de position, Le votant devait détacher de cchacun des cing bulletins celui des coupons qui marquait sa prél rence, I ui était demandé ensuite de déposer les cing coupons de son choix chacun dans une ume particulitre désignée par la couleur du coupon Iui-méme. Ce mode de scrutin, allié aux systtmes dits de » et de « votation proportionnelle » « représentation des minorit permettait de doter les circonscriptions de cing députés « dont la mission sera de représenter chacun une idée différente, de maniére 57, F. Appy, Pou la France, op. cit, p. 44 et suiv. 196 | Lacte de vote que pour chacune des cing questions & résoudre toutes les idées soient représentées, selon la part d'influence proportionnelle attri~ buee par le suffrage universel #8, 1 wudace des systémes de vote proposés par les premiers proportionna démontrer. Li es n'est done plus & in de se contenter d'infléchir le mode de ealeul des voix, ces demiers souhaitaient renouveler en profondeur la procé- dure du vote. Aussi, ne faut-il pas s'étonner si les controverses autour de la proportionnelle portent & la fois sur les formes de la délégation parlementaire, la conception de I'acte de vote ou la nature de la division du travail politique, Les débats suscités par le trait ement comptable des votes avaient encore pour objet la défi- nition méme de la représentation politique. Les ruses de la mesure Si Varithmétique fut sollicitée pour définir et classer les 0 forales, c'est aussi par qu'elle conférait & cette opéra- tion conflictuelle les traits d'une simple résolution mathématique. Elle prétait son autorité scientifique & ceux qui s'ingéniaient pour- tant & en retirer un usage éroitement politique. En ce temps inau- gural, les formes du débat sont révélatrices. Pour nombre de réformateurs, la croisade en faveur du scratin proportionnel s'en~ tendait comme une lutte ouverte contre la « métaphysique » du suf= frage universel®, Elle était censée ouvrir la voie & une approche 58. Anonyme, Votons pour des idées, Projet de réforme du suffrage universel, Paris, Société francaise d'imprimerie et de librairie, 1904, p. 9. 59, Pour T Ferneuil, Venjeu de la réforme du mode de serutin n'est autre que de « faire passer les idées politiques de la phase métaphysique d la phase positive », dans « Compte rendu du = LeINveNTION De LA REPRESENTATION PROPoRTIONNeELLE | 197 purement expérimentale du politique, Accusé de tronquer l'expres- sion de ta citoyennet és Péquivalent des sujets d’Ancien Régime®, le scrutin majoritaire était du coup concu en faisant des minori comme un legs du passé. Au contraie, la représentation proportion- nelle promettait de mener la logique du suffrage universel jusqu’a son terme, en la faisant reposer, non sur des dogmes abstraits comme Ia régle de dévolution majoritaire des véritable protocole scientifique. Les effets attendus d'une tlle réforme ne pouvaient étre que bénéfiques. Outre qu'elle consolidait égalité des voix'', cette méthode de calcul la valeur morale de évitait la « dilution des voix’ » qu'opére le scrutin majoritaire. La livre de E. d’Eichthal, Sowveraineté du peuple et gouverne= ‘ment », Revue politique et parlementaire, 9, 25 juillet 1896, p. 174, Sur ce point, voir aussi A. Besson, Essai sur la repné= sentation proportionnelle de la majorité et des minorités, Dijon, Jobard, 1897, p. 50 et suiv, 60. E, d'Fichithal, Souveraineté du peuple et gouvernement, Paris, Bibliotheque d'histoire contemporaine, 1895, p. 210. 61. Un lien déja esquissé par Thouret dans son rapport au Comité de constitution, dans la séance du 29 septembre 1789, A Viedéat aéquilire des circonseriptions administratives ow des charges financiéres propagé par les nouvelles élites politiques devait répondre une égalité proportionnelte des droits civiques ‘La justice et la stabilité dépendent de Iétablissement de I’éga lité proportionnelte dans la représentation, d'un ordre fite ct simple dans les élections » (Le Moniteur Universel duu 29 sep tembre 1789). 162, expression est empruntée 4 C. Davidson, « The Voting Rights Act: A Brief History », dans B. Grofiman et C. Davidson (eds), Controversies in Minority Voting. The Voting Rights Act in Perspective, Washington (D.C), The Brookings Institution, 1992, p. 24, Les auteurs de cet ouvrage montrent notamment importance de, la représentation proportionnelle pour ta ques~ ton des droits civiques des minorités. Le contexte culturel pro- pre @ la société américaine rend cependant ce genre de revendi- cation plus facilement exprinable. En autorisant Uaffirmation 198 | Loctede wore 2 représentation proportionnelle se voyait également eréditée de lutter contre abstention et la violence électorale®. Autant de raisons qui expliquent le suecés d'une telle revendication, En ces années oft se constitue wn marché politique national et concurrentiel, ce projet vvenait conforter un idéal de symeétre et de justice, En revanche, fer- mement attachés aux prébendes du scrutin majoritaire, les parle ‘mentaires s'y sont longtemps refusés. La lutte politique ayant liew entre des forces opposées non dans, mais sur les institutions, chaque nouvelle majorité républicaine se gardait d'autoriser une représen- tation des minorités proportionnelle & leur influence. En tout eas, Ja preuve en est faite: les relations nouvelles suscitées par le mou ‘vement proportionnaliste entre les champs universitaire et politique ont rien d'ancedotique. Si les scientifiques de la fin du xn siéele investirent en rangs serrés le domaine des études électorales®, des particularismes au sein de l'espace public, la société amé~ ricaine fait classiquement du vote lexpression Iégitime des alle geances identitaires. C'est au contraire dans un contexte culturel fortement marqué par ta tradition «jacobine » que les défenseurs dea RP. doivent mener leur combat. D'oit la nécessité pour les « erpéistes » frangais de reformuler au préalable les attendus de Phéritage révolutionnaire, 63. E, Macquart, La Moralité des élections et ta représenta- tion proportionnelle, Paris, Publication de la Ligue pour ta Représentation Proportionnelle, 1904, p. 28. 64. A. Fouillée en fait la remarque: « Pour que la représen- tation proportionnelte soit applicable, il faut qu'il w'eriste guére dans un pays que des partis constitutionnels. Mais en France, la lutte est presque toujours entre ceur qui admettent la constitu- tion et ceux qui veulent la renverser 2, dans A. Fouillée, La Propriété sociale et la démocratie, Paris, F, Alcan, 1884, p. 187. 65, De G. Moch H. Poincaré, M. Equer, C. Mannheim ou E, Picard, la liste est longue des mathématiciens ou des logiciens dont la RP. a suscité a curiosité. Sur cette fascination politique, voir F. Lépine, La Représentation proportionnelle, Le problame ct sa solution, Reims, Matot-Braine, 1911, p. 65. LINVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 199 est pour une raison précise. Présentée comme un instrument de rationalisation, la représentation proportionnelle promettait de réconcilier la logique arithmétique avec le verdict subjectif des suf- frages. Comment s‘étonner si la logique de ce savoir n'exprimait en occurrence que des impératifS politiques? La possibilité de son succés restait liée au fait de se déployer & T'intérieur du systéme représentatif, non contre lui ou hors de lui, entrée en jeu d'une régle électorale introduction d'une nouvelle regle électorale ne manque jamais de soulever les plus vives controverses, Quelle que soit son ampleur, «lle provoque immanquablement des réactions passionnées, notam- ‘ment de la part de ceux dont la situation dépend étroitement de ancienne configuration électorale®®, Congu comme un mécanisme régulateur, le mode de scrutin n’est-il pas réputé peser sur le rap- port de force établi entre les parties prenantes? De fait, le systéme de vote détermine largement les « coups » que les acteurs peuvent mettre en oeuvre les profits quits peuvent escompter, les ressources {quils peuvent mobiliser. Aussi sa codification constitue-t-elle l'un des ‘temps forts de toute compétition politique. Une pareille formalisation 66, D'autant que les plus lucides des observateurs n'avaient pas manqué de souligner la nouveauté d'un fel mode de serutin dans le conterte francais: « L'introduction prochaine dans ta foi lectorale du systeme des listes concurrentes exclusives avec représentation proportionnelte serait une véritable importation. Rien, dans les habitudes du serutin uninominal, ne nous y ache- ‘mine, Tout serait @ changer: V'organisation des partis, le mode de désignation des candidats, Vacte matériel du vote », dans P.G, La Chesnais, « La représentation proportionnelle », art. cite, p. 61. 2001 Locte de vote peut étre définie comme t lle d'une véritable grammaire de la plus value électorale, Sur ce yersant de Vopération électorale, il ne s'agit plus de rendre explicites des régles de conduite individuelles ~ ce 4qu’appelait en revanche I'adoption des principes du suffrage ind luel, sérialisé et secret. L'objectif est d'organiser le traitement comptable des voix exprimées, d’adjoindre un surplus de valeur & tout ou partie des suffrages collectés. En somme, de fixer le contenu des procédures a la faveur desquelles les préférences indi- viduelles pourront étre agrégées en un verdict s'imposant & tous. Les enjeux parlementaires de ta réforme Du point de vue de ceux que Max Weber désigne comme les « agents politiquement actifs », plusieurs raisons contribuent a dra- matiser une telle séquence politique. En rompant avec les habi- tudes liges & lancienne loi ectorale, 1a nouvelle régle apparait Asbo comme un vale set dans Tnconm, Ls te qe ccurent lieu a Ja Chambre des députes du 19 au 25 mars 1885 autour de Vinstitution d'un serutin de liste départemental le montrent. Le différend portait moins sur le principe de la réforme que sur ses 'modalités d'application. Pour ses opposants, le projet avait surtout Vinconvénient de lancer les parlementaires « dans une aventure dont l'issue est difficile & prévoir®’s, de leur faire braver « cette chance périlleuse que représente un mode de scrutin nouveau®® », 67. M. Courmeau, JO, Chambre des députés, 20 m me éputés, 20 mars 1805, 68. M, Achard, 10, Chambre des députés, 20 mars 1086 P. 591. Au Sénat également, la remarque fut souvent reprise: pour Jean-Marcel Barth, la réforme poussait lecteur d+ voter dans Vobscurité et au hasard», JO, Sénat, 20 mai 1885, p. 563, LINVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 201 absence de précédent, limprévisibilité du lendemain, le manque de repéres sont décrits en des termes qui traduisent le désarrol soudain de ces représentants, Pour l'un d’eux, avec le serutin de liste, Pélec- ulera « au sein des brouillards », Perspective effrayante jon se dé que celle «la moitié au moins des noms qui surgissent sortent de certains dessous dont I'électeur ignore jusqu’a Mexistence® », Lek teur mais aussi ct surtout I’élu, La proportionnelie départementale discutée en avril 1985 fut, & son tour, présentée comme « terrible- rent compliquée »: « Mais qui sera notre député? A qui devrons- demanda Yun des ténors de Popposition”, nous nous adresser? »s Iest vrai que le changement de mode de scrutin affecte direc- ‘tement l'emprise électorale du mandataire: c'est la seconde raison de Pimportance attachée au changement des lois électorales. Toute innovation électorale bouleverse les bases de la notoriété locale en modifiant l'économie du systéme d’échanges et de loyautés qui la soutenait, Parce qu'il menace Mefficacité de ce qu'avec David Easton, on peut appeler ses « réservoirs de soutiens diffus!! », cest- soit s‘ancre a-dire tout un jeu de transactions et de reconnaissance directement la légitimité locale de l'élu, le scrutin proportionnel prive les députés des assurances du précédent. Il est alors facile aux tenants de Vancienne réglementation de brandir la menace des defections & venir. Lors du vote de la représentation proportionnelle, en avril 1985, un parlementaire du Rassemblement pour la Répu- blique (RPR) utilisa argument: « Combien reviendront sur ces 69. M. Courmeaus, JO, Chambre des députés, 20 mars 1885, p. 598. 70. J.-P. Fuchs, JO, Assemblée nationale, 25 avril 1985, pal, 71. D, Easton, «A Re-assessment of the Concept of Political Support », British Journal of Political Science, 5, octobre 1975, 35-457. 202 Wacte devote banes parmi ceux qui ayant bien servi dans V'infanterie socialiste [..J devront céder la place aux caciques du parti protégés contre le verdict populaire?”2, » Déterminer les formes de la régle électorale me soulve pas seu- lement une question de compatibilité avec les intéréts en présence, Une telle opération permet également de mettre au jour les sys- ‘temes d'interprétation qui donnent sa cohérence au principe de la délégation. De dévoiler les dispositions qui conditionnent le sens méme du concept de représentation. A la fin du x1x*siécle, la préoc- cupation majeure consiste a opposer & V'agitation de la rue le calme rassurant des opérations du vote, a substituer au répertoire de la violence celui, pacifique, qui détermine le recueillement des voix, Crest le sens prété au rituel du vote: « On se compte désormais pour election au lieu de se compter pour le combat”, » Fait signifi- catif: es liens entre I'élu et Vélecteur sont appréhendés & travers le vocabulaire de la « machine », Comme si, dans la pens des élites politiques, la mécanique du vote avait pour mission premitre de domestiquer opinion publique. Pour Eugéne Aubry-Vitet, la repré- sentation n'est rien d'autre que « la soupape de sireté pour les fer- mentations sociales qui, bouillonnant dans l'ombre et comprimées, Peuvent faire sauter la machine, mais qui s'évaporent et s'évanouis- sent & V'air libre et au contact du bon sens public? s Un siécle plus tard, le débat a changé de vocabulaire, Plus cir- conspect, il s’exprime au travers d’une opposition sur les fonctions @une loi électorale. Pour le rapporteur du texte de loi sur la repré- sentation proportionnelle, un mode de scrutin doit répondre & deux 72. 30, Assemblée nationale, 26 avril 1985, p. 466. 73, La liber électorale du 17 février 1870, Sur cette domes- fication de la violence, voir le chapitre ® du présent owvrage 74. B. Aubry-Vitet, « Le suffrage universel dans Vavenir », Revue des Deux Mondes, mai 1870, p. 56, LINVENTION DE.LAREPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 203 objectifs: «Donner une image aussi fidéle que possible de la volonté «du comps electoral et créer les conditions pour qu'un gouvernement soit convenablement gouverné”®, » Une maniére de voir récusée par le représentant du RPR, Jacques Toubon, Un mode de serutin n’au- rait qu'une seule fonction : « Organiser, dans des conditions démocra tiques, la délégation du pouvoir du peuple ses représentants ». Bt ‘ajouter que la «science» électorale navait ici pas voix au chapitre «La photographie, la mesure des tendances, tout cela nexiste pas: avee la démocratie”®, » c'est pour les politologues; cela n’a rien & voi Représenter, oui, mais quoi? Dertiére ces conflits d'interprétation se profile toujours la méme opposition paradigmatique: celle qui porte sur la théorie du suf- frage. D'un cOté les groupes attachés au serutin arrondissement développent une conception de la représentation comme sanction majoritaire d'une lutte politique ott le vainqueur accede au statut de mandataire exclusif de 1a circonscription. C'est l'application de adage anglais: the first past the post. Pour les proportionnalistes, cen revanche, c'est une erreur d’appliquer & Ia représentation le prin- 1¢ de la majorité qui est celui des décisions, Le but des élections est de refléter au plus prés, non pas un teritore ow une commu- nauté démographique, mais une diversité d’opinions. Il s‘agit @'abord de traduire au Parlement un rapport de forces entre des voix itent d’étre prises en compte, En contrepoint de cette qui toutes m : exigence, on trouve I'idée que I'acte du vote exprime des convictions plutét qu'un attachement idéologiques fondées en conscienc: 75, 30, Assemblée nationale, séance du 25 avril 1985, p. 424 76. Wid, p. 425. Lacte de vote affectif ou matériel & la personne du mandataite. De ce glissement dans la perception du vote découle une interprétation radicalement divergente des fondements du mandat représentatif, Pour Me Freppel, la logique du scrutin d'arrondissement est claire: le député est le représentant exclusif de sa citconscription et de son départe- ment; son indépendance, que vient conforter son statut social, le prémunit de toute exigence de représentativite””. Les élites parle- ‘mentaires ont avant tout un réle de médiation, En revanche, pour Eugene Spiiller, une telle conception n'est qu’« une des traces de la persistance du vieil esprit monarchique ». Ce que lenceinte du Par- Iement doit contenir, ce n'est pas tant « des députés, ni méme une députation de la nation, c'est-a-dire un choix e’hommes pris dans a nation » mais « la représentation complete, exacte, vraie de la nation’® », Le mandataire doit revétir un réle de porte-parole:: sa fache est de défendre les intéréts de ceux qui se reconnaissent en lui, Pour autant, son mode de recrutement nest pas lié 4 une confi- guration locale particuliére. Contre le systéme oi la souveraineté est « attachée au sol, a la glébe, & une portion d'ailleurs arbitraire du territoire national” », les proportionnalistes vantent les mérites de listes nationales confectionnées dans un souci de fidélité sociale ct démographique. Contre la curée des places et des faveurs d'un «député darrondissement présenté comme tyrannique et corompu", 7.30, Chambre des dps, 24 mars ms. pms, 24 mars 1885, p21 eZ dtonme, Le Sein darondsenent sen liste, Paris, Librairie nouvelle, 1881, p. 4. ee stn de 80 cranspropasent de ce due Ceransenent wn ort san reson: «Mate dupe us pe i St comme une aan a centred ties sed Space pate es mndes mouwemons fe tesa touches covets gu se heute an masses fat tet dsormas ess, anonyme Le Sra Sanoadacet LLINVENTION OF LA REPRESENTATION PRoPoRTIONNELLE | 205) ils posent la supériorité dassociations nationales, disposant d'une direction centralisée et d'un programme détermine, C'est ainsi que Ja campagne menée autour de la représentation proportionnelle s'est accompagnée d'un important travail de réflexion sur la consti- tution d'entreprises partisanes & I'échelle nationale. Pour P. G. La «] quelque chose Chesnais: « Une telle organisation centrale serait de moralement trés supérieur aux comités électoraux qu'elle rem- placerait. Si méme il se formait seulement des associations dépar- tementales, ce serait déja un progr, grace a la séparation des partis et a la publicité nécessairement plus grande de leur action locale un peu étendue®?, » Lors de la mise en place de la loi électorale de 1919, le méme argument sera repris par Félix Combe: « En poussant les partis et les électeurs & se concentrer, elle [la RP] tend a les disci- pliner. [..] La constitution de partis fortement organisés, que Ta R, P. suppose, élévera leurs programmes au niveau d'intéréts plus géné- aux. Ily aura done des deux eétés une tendance & voir plus haut et plus Join que les clochers du département®?,» On comprend que les premitres organisations partisanes afent trouvé un intérét évident, du fait de leur marginalité parlementaire, & se prévaloir de regrou- pements en voix, que ce soit sur un plan départemental ou national, Le développement des partis politiques modemes et la montée en puissance du théme de la proportionnelle participaient tous deux litique, Paris, E. Dentu, 1884, p. 12. A inverse, le su au serutin de liste est présenté comme « plus libre vis~ d-vis de ces lecteurs, il n'est plus leur commissionnaire, il peut avoir en vue les intéréts généraux », dans J.-L, Chardon, La Réforme électorale, op. cit, p. 18. 481, P.G, La Chesnais, « La représentation proportionnelle en France », art cité, p. 50. 82. F. Combe, La Lol électorale du 12 juillet 1919, these ‘pour le doctorat de droit (Toulouse), Toulouse, E, H. Guitard, 1921, p. 30-31. 2061 Lacte devote d'une conception nouvelle de la délégation, issue d'une | sens méme de la représentation, Tableau 1 : La construction normative des logiques représentatives du suffrage Toe de représentation | Type de mandataize | Teor de Ta representa Egalité arithmétique du spol dectomevoix | Vote de convition Programe structure & | réehete nationale par une [ rene | Role de porte-parole Indépentance vis-a-vis de toute base terttoriale ‘mais subordination & |_ ds iméréts sectores ou rogrammatiques - Recrutement & domi- nante nationale Serutin proportionnel Le vainqueur représente |- Réle de médiateur |_ toutes les voix exprimées:|— Principe di "the frst past the post», ~ Principe defficacité gouvernementale - Vote de deference sent identification a territoriale Recrutement & domi ante locale Sources: tableau dlaboré pares auteurs 1 faut en convenir: si les ten convenir: si les procédés par lesquels les préférences eeu sont agrégées en une décision collective, le fourmil- fement des subjectivités individuelles transmué en une volonté homogéne, font Vobjet de tant d'attention, c'est qu’ils permetient de ae tune cohérence proprement politique au chiffre du vote, En les modalités d’obtention des trophées électoraux, ils sanc- vétiton légitime, Ces procédés de dénombrement constituent Ie lutte sur le LeIWENTION DF LA REPRESENTATION PRoPoRTIONNELLE | 207 sanction d'une concurrence qui s’exerce aussi bien @ l'intérieur quentre les partis eux-mémes, De méme, la position occupée sur rréchiquier politique dépend du contenu et de l'autorité de ces tech- \grégation. C'est la raison pour laquelle, sur la foi de cette ues triple présomption de logique, d’ordre et d'impersonnalit, les inter- actions produites dans le cadre d'un systéme électoral ont pu étre apparentées aux actions de joueurs soumis a un principe commun de jeu. Reste & savoir si une telle approche peut organiser une com- préhension véritable des formes d'interdépendance qui relient les acteurs d'une compétition organisée par le vote. Prolongeant la sus picion de Ludwig Wittgenstein A l'égard des jeux conceptuels, ‘Maxime Chastaing nous a appris que « jouer dans une situation n'est pas jouer dans une autre »: derrire les lettres duu méme mot, les réa~ ités peuvent s'averer trés différentes, voire contradictoires™. Cest pourquoi, il importe d’apprécier maintenant le domaine de validité de l'analogie. La logique d'une pratique Si importance politique des techniques de dénombrement des ‘voix est évidente, en quel sens peut-on parler ici d’une « régle du jeu»? expression, a Pévidence, n’a pas la limpidité sémantique que ui conférent tant de décarations empressées. Lors des discussions de 1985, 'analogie a été employée prés d'une vingtaine de fois mais en des sens toujours trés différents. Ainsi, pour Jean-Paul Fuchs, le it 'instituer: « Une loi qui doit permettre au projet socialiste ét 83. M. Chastaing, « Jouer n'est pas jouer », Journal de psy- chologie normale et pathologique, 3, juillet-septembre 1959, 1. 303-326, 2081 Lactede vote président de la République de rester maitre du jeu » (25 avril). Tandis que pour Claude Labbé: « Changer le mode de scrutin », c'est « changer la régle du jeu »; ce qui a pour but de « donner a lex ‘treme droite [.] a possibilité de jouer un réle d’arbitrage, qui pour- rait peut-étre favoriser [le] jeu [des socialistes] » (26 avril). Si la notion générique de régle désigne a la fois un modéle d'action et Vautorité d'une norme acceptée, un principe conventionnel et l'ob- servance requise par une ligne de conduite™, celle de « régle du Jeu» recouvre en matiére électorale au moins quatre cara essentielles. ictéristiques Le sens de la régle Lidée de régle du jeu électoral recouvre, en premier lieu, des méca- inclusion et exclusion, Elle délimite les conditions d’entrée et de remplacement au sein d'un environnement politique particulier En ce sens, son action aboutit & poser des frontiéres, & assigner des limites a un site de confrontations accessible seulement & certaines catégories d'acteurs, Cet attribut est perceptible lors des débats qui accompagnent chaque remise en cause du scrutin majoritaire, C'est ainsi que Introduction de la représentation proportionnelle suscita la crainte de René Haby de voir s'x ouvrir » inddment le cercle des représentants autorisés: Dans chaque département, les “Listes” 84, Surcetndtermiation terme sr Bla Movels and Metaphors: Sues n langage sd Phuong, New Yo 1, Come Unters ree Tae oe GOR Hogan N Hee,«omonees The Seca a Ad Rule Stems» Law and Secety Reon 5 970, p oo te Pourane nficion ur ppc tee ace one pollu, tlrrteaman lgmye Seeat gee Frets de Scenes Po Dale Shp 468 ces LINVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTONNELLE | 209 vont se multiplier. Pour ne parler que de 'opposition au gouverne- ‘ment actuel, on verra, & cété de candidats du RPR et de PUDF, non nels ow des syndicalistes tentés par la politique ~ voyez ce qui s'est passé pour les élections européennes ~ et pourquoi pas, des vedettes 5 intéressées par le loto publicitaire des élections ~ voyez était pas Coluche aux é nouvelle ; & la fin du siécle précédent, 1a représentation propor- tionnelle se voyait accusée des mémes maux. Selon ses détracteurs, remplir le Parlement de « dréles, d’hommes a lubies », és de Assemblée aux représentants des « marchands de a, elle al ouvrir Pact parapluies », des « ivrognes » ou des « chiffonniers La régle du jeu détermine, en second lieu, toute une série de conventions plus ou moins opérationnelles, vouées & expliciter les conditions précises du déroulement de la compétition, Celles-ci n'ont pas 'extériorité de dispositifs neutres et intangibles. Parce jes du systéme d'action des joueurs quills tissent les ma énoncés prescriptifs font objet d'apres conti de la majorité gouvemmementale, C'est ainsi que le Parti communiste frangais (PCF), au moment de la discussion de Ia loi de 1985, déposa plusieurs amendements pour modifier le systéme de répartition des il des 5 % limitant l'acces & Tobtention sy compris au sein restes ou supprimer I dun sige. Le principe de la plus forte moyenne favorisant les grands partis, il proposa de lui substituer une méthode trés sophis- tiquée consistant en lattribution de siéges complémentaires au plan 85, JO, Assemblée nationale, 25 avril 1985, p. 396. 86. D'oit des mesures techniques visant a ne représenter que les minorités réputées « sérieuses », voir J.-P. Laffitte, La Réforme électorale, La représentation proportionnelle, Paris, Calmann-Lévy, 1897, p. 24 et suiv. BIO! Lactede wore national”, De méme, fe Mouvement des promis & perdre nombre de ses élus du retenu par le gouvernement, dé tadicaux de gauche fait sur la base des totaux de regroupeme: dats des listes départementales®®, Enfin, troisiéme dimensi lension associée & fond ler des sentiments de loyaute réciproque velles dispositions d'un caractére d'imperson: ent étre reconnues nalité tel quelles puis- Par lensemble des parties que les estimations des chances ‘quilibrées. La compétition comme I'a montré Frederik George Bailey, présuppose un tutte dans le res- en déséquilibrant trop Vaceé : , 1p Vacceés aux positions pouvoir, la loi électorale peut perdre tout crédi, vo nee et_acceptées Prenantes. Il s'agit de faire en sorte de gain ne soient pas a priori trop électorale, accord entre les joueurs érit pect des régles, Or, i : sult a call nationale es ge attrib dans es deparomentssan clasped Bee drat ano psc ses complements deat dee a cx Sontion de Yimpotance de leur eal devon ea sees ct prs cectssenet qe se lit a ge ton des sige. Le prostd fet faleent reponse Net gowenienen a mate omtaredime decton dee des europcnts, le manta list «echt ten og eure que alist atonal supprinece as Jae, milste de 2* stance du 25 avril 1985, anannmnie 2. 98 Sur cet ementenent den pub 1 SH amcenen defends pbguemet pre ep Hory, IO, 2¢ séance du 25 avril 1985, p. 423, mu © ale, Cela fait partie des techniques de dramatisation propres & tout “idée de régle du jeu: en entourant les nous LINVENTION DELA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 211 it des forces politiques qui devaient lappliquer. Si, avec la rou- sation des échanges pariementaires, ces situations sont devenues “extrémement rares, elles continuent néanmoins d'exister a titre de jnenace. Pour l'opposition, il est ainsi coutumier de dénoncer le «monopole des avantages » auquel aboutit chaque réforme électo- ble a été fran st le caractére ‘débat législatif. En annongant que la ligne du to ‘chie, que lexistence du jeu est mise en péril, impartial de la régle qui est mis & mal et du coup la confiance que les électeurs peuvent lui accorder: « Certes, lance par exemple jues ou non, souhaitent ‘Adrien Zeller, tous les pouvoirs démocr que les régles du jeu qui les régissent ne les défavorisent pas, c'est humain [...) mais lorsque la prétendue recherche de la justice ren~ ui qui dit vouloir V'instaurer, on eur de la communauté natio- contre & ce point les intéréis de peut s‘inquiéter pour lintérét supe nale®,» De méme, l'appel & la réciprocité des chances (+ Donnez- nous les mémes chances! », s'exclame C, Labbé avant la mise aux voix de l'ensemble du projet de loi): il montre que la reconnais- ssance de la régle s'ancre d’abord dans les possibilités de rétribution qu'elle offre aux joueurs. La manitre dont la régle s"impose & chacun, dont chacun se sent obligé de s'y conformer, dépend ainsi des attentes que sa configuration suscite et emprisonne tout la fois, Cest de 18 dailleurs que découle son caractére d'extériorité que les joueurs contribuent & produire les effets de la régle électorale appro- e du dehors. (en anticipant sur ses résultats ou en profilant des strat priées), celle-ci se donne toujours & voir comme imposi Elle se présente comme une source indépendante d’arbitrage et de 89, 30, I*séance du 25 avril 1985, p. 403. Voir aussi le dis ‘cours de B. Charles pour le MRG, p. 405. 90. JO, 13 juin 1985, p. 1679. 212 | Laete devote régulation, D’ot une illusion d'optique souvent reconduite: une ‘elle régle passe pour dicter des modeéles de conduite, alors qu'elle ne fait en toute rigueur qu’étre investie par des anticipations et des calculs déterminés par la structure du systéme partisan lui-méme, Enfin, demitre caractéristique de la notion de régle du jeu: sa cohérence normative, Bien qu'elle ait les traits une prescription Juridique, la regle alectorale ne suffit pas @ fonder un sentiment obligation. Elle ne dispose d'un crédit veritable qu’adossée @ un systeme de légitimation appropriée. En somme, si la perception de ce quill convient de faire ne reléve pas que de la seule obéissance!, Dioit la nécessité de construire des justifications de principe. Trois types d'arguments se conjuguent toujours dans l'apologie des modes de scrutin. ‘Tout d’abord, la référence & des porte-parole prestigieux ou & des épisodes historiques servant de caution habilitante, Une évolution significative s'est opérée & cet égard entre 1885 et 1985, A la mytho- logie révolutionnaire et, plus généralement, aux référents historiques se sont substituées les cautions scientifiques de la politologie uni- versitaire, Alors que les parlementaires de la fin du xn sigcle émail- laient leurs plaidoyers de citations d'auteurs révolutionnaires ou scrutaient les « legons » des précédents régimes, ceux de 1985 font appel & deux sortes de ressources argumentatives, D'un cété, les 91, Sur ce réle de la norme « eivique », voir Varticle de R. Lane, « The Tense Citizen and the Casual Patriot: Role Confu- sion in American Politics » Journal of Politics, 7, 1965, p. 735- 760. L'auteur y montre notamment que 'accomplissement du devoir électoral dépend de Vappropriation de ta definition libé= vale du «bon eitoyen »: les ouvriers interrogées pour les besoins de lenquéte se montrent tous fiers de pouvoir disposer de leur vote (principe de liberté), de le savoir égal aux autres (principe a'égalité) et de s'en savoir le propriétaire exclusif (principe de ‘possession individuelle) [INVENTION DE LA REPRESENTATION paoPoRTIONNELLE | 213 déclarations du général de Gaulle et de ses proches collaborateurs, ge autre, les formules de grandes figures de la science politique: de Maurice Duverger & Georges Burdeau ou Francois Goguel. La figure du « fondateur de 1a Cinguiéme République » fut ainsi la proie de vives empoignades. Chaque groupe s‘appuya sur des décla~ rations contradictoires du Grand Homme en matigre de mode de ~ scrutin®2, Dans ces conflits de mémoire, une autre tactique fut fre ‘quemment utilisée: celle qui consistait & rappeler des prises de posi- tion antérieures des parties prenantes, des prises de position soigneusement décontextualisées afin de susciter Ie trouble chez Tadversaire. Les propos de Frangois Mitterrand sous Te régime de la ‘Quatritme République en faveur du serutin majoritaire ont, par ‘exemple, conmt un large succés sur les bancs de l'opposition. Ce qui ‘montre, une fois encore, que la légitimité du projet de loi n'est pas fixée & 'avance. Elle se construit au jour le jour dans les échanges politiques qui accompagnent son adoption légistative, Second type de justification : celui qui consiste & démontrer la supériorité intrinséque de tel ou tel mode de scrutin. Evidemment, pour la représentation proportionnelle, ses qualités sont d'autant plus faciles & exposer que 'expérience n'a pu les mettre a I'épreuve de rendre le suffrage plus « juste », plus « égal », plus « simple », plus « équitable »°, Les propriétés attribuées au 92, Comme J. Foyer, rappelant é Vordre le rapporteur de a loi: « Ninvoquez done pas Uautorité et le patronage du général de Gaulle au moment of vous allez détruire sur ce point, comme vous Paver deja fit sur d'autres, Peeuvre qu'il a accomplie pour le plus ‘grand profit de la République! », 10, 13 juin 1985, p. 1670. 93, Mlustration parmi d'autres de cette tendance @ natura- liser les propriétés des modes de scrutin: le ministre de I'nté rieur, P, ore, s'exclamant au cours du débat législatif de 198: «La veprésentation proportionnelle rend le suffrage plus égal ! 214 | vaste devote LINVENTION DE.LA REPRESENTATION PROPoRTIONNELLE | 215) : rutin sont construlfes, moins & partir d'une logiqy inteme, quien fonction des défauts imputés au systéme rival, Sq doute est-ce ce qui explique la réversibilité de la plupart des ar ments mobilisés & travers le temps en faveur de tel ou tel syste Leur extréme vulnérabilité saute, en effet, aux yeux dés quion, stefforce d'en reconstruire ‘histoire “ Ala fin du xix* sidcle, : mode d “exercer au profit de majorités compactes et unies*, Il serait faux ‘eroire que les débats organisés en 1985 ont échappé & ces formu- tions pseudo-explicatives. La proportionnelle ya tantdt été accusée de «faire quitter & la France le groupe des grandes puissances démo- © eratiques {pour Ia faire] entrer dans le groupe des pays moyens™ », “tant6t gratifiée de « lutter contre abstentionnisme et lesprit de © émission » en accordant « ta voix de 'alecteur, quel que soit l'en- = droit oi lle s‘exprime, l'attention qu’elle mérite, puisque celle-ci ne subit ni altération, ni déviation et échappe au jeu des combines »””. “Aussi, plutOt que de croire, surla foi d'un évolutionnisme sommaire, a Vaffinement progressif de concepts arrivés au terme de leur matu- ration scientifique, il faut prendre acte de l'extréme versatilité de toute axiomatique en favcur de tel ou tel mode de scutin. Que ce lorsque l'un se voit crédité d'une « souplesse » mieux adaptée autre taxé 1a représentation proportionnelie était A ! ionnelle était réputée briser les coalitions électorales en permettant & chaque parti dde marcher sous son propre drapeau. Loin de diluer les majorités parlementaires, comme on enseigne aujourd hui, la représentation Proportionnelle passait pour un reméde & la multiplication de grows ements indisciplinés, une parade contre les divisions incessantes et Vinstabilité du Parlement®*, Grace & action conjuguée du quotient lectoral, de Vapparentement et du quorum, l'action des partis allait ‘une société en mutation ou en reconstruction®® » ow de « systéme censitaire du point de vue social», la logique, l'in- térét, idéal y entretiennent des rapports pour le moins tourmenté Enfin, troisigme et dernier type de justification: celui qui consiste pour chaque entreprise partisane & établir des relations de Personne ne peut le contester ~ d'ailleurs personne ne Va contesté », 30, I°séance du 24 avril 1985, p. 357, 94. Pour F. Lépine, «la RP. ne se borne pas & déterminer la vraie majorité dans la nation et au Parlement, et & lui donner te pou Ee acon tal core abit. ea Gite fe jeu dese es surprises serie mao innit nde ie: ar Fern mate re jet ela major ne varie quedequcques ages dune ei, lane Pant Assre deter le et Jae 5 ple tee nee st et methodem dans La Reproenson pope fomele op yp. sel pls tar, Te mene seme Posse nrpiondenratnce ae net chin ime nde batoation de Tassel» (0. abe 0 scan d 26 cul 1905,» $66) es onde nee ue tare ete atte surf tion de Ta tle orld sca proportion: Apts avd largenent ene dea BPs signatirent on reouracmentattade cae 1909 ©1198. tne dsapprobaion ul a consequence dee Conran dsomat asl eaten fafe Op sion pb, Pt Gallina 98, 95, Pour R, Saleilles, qui reprend une idée alors trés répandue, «le systeme majoritaire aboutit au gouvernement des ‘minorités », pre, tandis que «le gouvernement est aux mains de minorités, la majorité vraie est exclue pour avoir voulu elle- iméme etclure les minorltés », dans R. Saleilles, La Représenta- tion proportionnelle, op. cit, p. 395. 96. V. Giscard d'Estaing, 30, Assemblée nationale, 2° séance du 24 avril 1985, p. 368. 97. E. Moutoussamy, JO, Assemblée nationale, 2° séance du 24 quril 1985, p. 394. 98, B. Charles, 30, Assemblée nationale, 1* séance du 25 aril 1985, p. 404. 199, G. Ducoloné, 30, séance du 13 juin 1985, p. 1678. 216 | Lectede vote LEINVENTION DE LA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 217 causalité, attribution ou d'équivalence entre les caractéristiques proche lu de P'électeur, en ce sens que chaque lecteur trou formelles d'une régle électorale ct sa portée politique. a tians son département un élu en qui il aura confiance et qui me Les effets escomptés de la proportionnelle sont bien conm eras du autre bord poguel™ », Les prions occasions donner la prééminence au débat d'idées plutdt qu'au conflit de p les débats parlementaires n’offrent pas plus de garantie: elles wyérent souvent indémontrables. Pour P'Union pour Ia démocratie ngaise (UDF), la proportionnetie supprime « la valeur dissuasive {a dissolution [qui] deviendra quasi iréelle», elle neutralise « les ous du parlementarisme contenus dans Varticle 49 de la Consti- tion » et ouvre la Voie « A une nouvelle oligarchie partisane»! plutdt qu’a ses activités locales ; corriger les inégalités de représen- tation; favoriser expression de toutes les opinions, etc. Reste a savoir dans quelle mesure ces relations relevent du veew politique ou de la loi sociologique"®. Méme si certains affirment haut et fort que « le serutin dit de représentation proportionnelle a des consé- quences logiques, inéluctables!», force est de constater qu'il est difficile de tomber d'accord sur leur contenu, Si pour les tins, ce systme « rompt le lien entre I'l et Mélecteur!®? », pour d'autres i le - contraindre « les parlementaires & cumuler les mandats et & mani- "fester plus d'intérét pour les problémes locaux que pour les grands sroblémes nationaux"®s, On dira que si de tels arguments satisfont qussi peu au souci de cohérence, c'est qu'ils ne sont pas destinés & _ ('interprétation savante. Que leur logique est celle d’une pratique. IL ~ jeur faut venir au secours des jugements de valeur dont la régle va des effets des lois électorales. Aprés avoir procédé & Veramen ~ faire objet. Convaincre les votants des effets bénéfiques attaches syenatigue des eur des ection lst ente 1945, A telle ou telle procedure. Reste qu’en ouvrant les manuels univer- furnoue quele sipescuenne degeda eae sities consacrés aux modes de serutin, on ne sort pas convainca en téte des Sufiages etprimés se retroue dans fous les se {que la structure conceptuelle de ce jeu d'imputations causales soit tenes élestoraurs la proportionsle ain de conteire ce plus rigoureuse. Tout se passe au contraire comme si, jamais enclose ne srt prance tue Dare parte Hen dans un ensemble d’énoncés vérifiables ct définitifs, la définition de des «trois lois de M. Duverger»} ae a aa eauel ae la regle électorale dépendait avant tout des circonstances politiques n'y parait au premier abord: c'est ainsi que le bipartisme ne dans lesquelles elle s'est constituée ou modifiée. On touche avec cette remarque & la limite principale du schéme ludique en matiére de mode de scrutin, Lemploi d'un tel vocabulaire, 100. C'est l'un des principaur intéréts de Vouvre ip is de Vowvrage elas- sigue de D, We Rae (The Political Consequences of Electoral aws, New Haven (Conn), Yale University Press, 1967) que de. roblématiser certaines relations tenues pour évidentes & propos serait pas empiriquement corréé, selon D. W. Rae, avee la pré- sence d'un scrutin & la majorité simple, En revanche, la variable « taille des circonscriptions » semble plus discriminante sous ce rapport: plus celle-ci s'aceroit, plus Véventail politique des sitges et des suffages gagne en représentativite. 101. M, Debré, 30, 2° séance du 25 avril 1905, p. 417, eae p. 269. 102. V. Giscard d'Estaing, JO, 2° séance du Ae i, 24 avril 1985, 104. Ch. Millon, JO, 1 séance du 25 avril 1985, p. 387. 105. J. Proves, JO, 2° séance du 25 avril 1985, p. 408. 218 | Leetede vote pour fécond quill soit dans certaines situations, ne va pas sans sou- lever de redoutables difficultés, Passons vite sur le fait qu’a tel ou tcl moment la régle du décompte des voix puisse étre amendée ou remplacée au détriment de certains joueurs ou sans leur accord explicite. Aprés tout, il est des jeux oit l'enjeu constitue la régle du jeu elle-méme'®, Quelle place, en revanche, y attribuer aux citoyens, ces drdles de joueurs dont les études sur la participation montrent qu’ils sont marqués au mieux par de tres grandes inéga- lités d'information’, au pire par une passivité généralisée!*? leurs d'un jeu organisé au sens d'un livret dune pice de théatre, oi chacun s‘aeqt erait du role prescrit par le scé- io'™, ou plus modestement d'une coprésence certes ordonnée mais au sein de laquelle chacun conserve la maitrise de son réle? Dire que la confrontation électorale est une activité organisée par un syste de régles définissant des con: @échec est un fait simple a établir. Mais est-ce la la seule utilité de Vanalogie? Ce serait oublier qu'elle est utilisée tantot A titre dexorcisme verbal, tant6t pour réveiller une expérience familiére comme celle de la « rencontre sportive!™®», Partant, Vanalogie risque 106, F. G. Bailey envisage néanmoins te cas comme une limite théorique a la politique concue comme un jeu, Les Régles, op. cit, p. 14, 107. D. Gaxie, Le Cens caché, Inégalités culturelles et ségré- gation politique, Pars, Sewil, 1978. 108. C. Pateman, Participation and Democratic Theory, Lonéres, Oxford University Press, 1970, 109. Cette représentation de Vordee insttutionnel comme « assemblage d'actions programmées » est défendue par P. Berger et T. Luckmann dans La Construction sociale de la réalité, Pari Méridiens Klincksieck, 1986, p. 105, 10, Crest Te sens de ta formule de Jacques Chirac: « On ne change pas la régle du jew la fin d'une partie quand on a perdu » (express du 22 mars 1985). En adossant sa condamnation du LINVENTION DELA REPRESENTATION PROPORTIONNELLE | 219 denfermer lanalyse dans les fausses evidences du sens aa Une régle du jeu, cette technique de répartition des voix qui n’es! ni interprétée, ni mise en ceuvre de Ia méme maniére selon les conjonctures politiques, alors pourtant que son énoncé juridique demeure, lui, formellement inchangé!'? Une régle du jeu, cette e en cause par la simple voie convention susceptible d’étre remis , legislative, cete disposition juridique, non pas exterme au champ politique qu’elle aurait pour tache de réguler, mais atout ct enjeu des stratégies qui y ont cours"? Plutat une ressource structurante, un mn dont l'intensité et 1a cohérence sont @ mécanisme d'objectivat ‘e contrainte partisane » (est appelée contrainte « les obligations de 2201 recede vote Lemvvention A nepaésentanion propornionnette | 221 chercher du c6té du systéme partisan (traditions appa jin deo tours expat consider Faunce des nota Interdépendance des stratégies d'action, modes de recrutement dea droite modérée. Au lieu de cela, la machine ¢: lites) ou de l'environnement institutionnel (+ rationalisation parlementarisme, role de la fonction présidentielle, ete mest que de se pencher sur le sort de ces projets de Pour en étre définitivement assure, Ceux-ci ont presque te contredit les intentions intiales qui les avaient animés. Qui de rappeler Jes élections de février 1871 (scrutin de liste multiple ‘ é dans le cadre départemental): au lieu de favoriser les format ustices des circonscriptions découpées en 1958. pees deja bien organisées de ta gauche républicaine, elles ont amené rhe compre ente 26600 1#70H0 voal, elles pouvoir une majorité monarchiste.Celle-ci, soucieuse de péren iégiaient& excts les zones rurales les plus dépeuplées. Vavantage acquis, décida contre toute attente de revenir au se ‘uninominal cher au Second Empire, pensant asseoir pour tou © yLnvest pas jusqu’a la derniére réforme électorale qui n'ait pro- it son lot de surprises et de déconvenues. Annoncée par le pré- nt F, Mitterrand en janvier 1985 (il s'agissait d« instiller une de proportionnelle »), elle était censée mettre un terme aux ‘it confirmé I'inadéquation croissante du scrutin majoritaire, sur- ten phase de déclin de la populaité gouvemementale, Ce qi mnongait une assemblée & ce point hostile au président quil ris- quait etre contraint abréyer son mandat, Dans ce contexte, la “décision fut prise d’organiser le méme jour une double Section bonapartistes. Méme déconvenue en 1919, avec un scrutin de liste "legislative et régionale au scrutin proportionnel de ea sare: ‘départementale intégrant un élément plus net encore de propor- ental sans panachae, ni vote préféretil, Les ss - nits tionnelte: ce sont ses intiateurs socialistes et radicaux qui en furent de type allemand (double bulletin, tantot broortone 3 ate les premiéres victimes, En aotit 1945, le général de Gaulle, pour - majoritaire) ‘ont probablement été envisages dans rc me men mois combattre le localisme de la République défunte, institua de nou- ‘de 1985, Les simulations des services du ministé le pile eau [a teprésentation proportionnelle, Six mois plus tard il devra fn cependant conan es ater vei ne fn quitter Ie pouvoir, poussé hors de l'aréne politique par ce « régime plus classique: elle de la proportonnelte spree x acum des partis » qu’il avait contribué a remettre en selle, En revenant ‘seul bulletin, un systéme présenté comme « miew? “ a oon aux affaires en 1958, il prit cette ise'3, Reste que la encore ins qui allaient en profiter. A leur tour, les répu- blicains voulurent consolider leur audience dans le pays au lend main de l'épisode du Tonkin. Mais le scrutin de liste départementa de 1885 devait avant tout conforter les positions monarchistes e fait et cause pour le scrutin Vote par le Parlement et déclaré conforme par le Conseil consti- tutionnel, ce terte reprenait Vessentiel des arguments formulés ar les contempteurs de la proportionnelle, un an plus tat. éflexion autour 113, G. Le Gall, «La loi electorate: débats et réflerion d'une réforme », Revue politique et parlementaire, 919, sep tembre-octobre 1985, p. 27-34. 2221 Vacte devote dlectorale a offert des chances de sigge aux grands comme aux Petits partis (voire aux courants de chaque structure partisane ‘encourages & counir, tels les mouvements bamtiste et rocardien, sous leur propre drapeau), elle n'a nullement supprim€ les inégalités de représentation, Tout juste les a-t-elle redistribuées selon d'autres critéres. C'est ainsi que le RPR et 'UDF ont été crédités de 291 sieges (soit la majorité plus deux) pour un total de 45 9 des voix exprimées. De fagon générale, les partis de gouvernement (PS-RPR- UDF) ont obtenu 84 Mb des sites pour 72 % des voix. En revanche, le ratio qui mesure fa prise en compte parlementaire des voix (db des siéges sur 4b des voix) se montre beaucoup plus défavorable pour les organisations comme le PCF, le Front national (EN), les divers droite et Pextréme gauche, En fait, la nouvelle régle électorale instituée en 1985 a eu pour conséquence de prémunir les partis de la majorité gouvernementale de l'effet amplificateur de l'ancien mode de scrutin, Btait-ce sa fina- lilé initiale? Beaucoup Vont supposé sans évidemment pouvoir le démontrer, En absence de possibilité de comparaison directe avec {a situation de 1981 (du fait notamment du probleme des transferts du second tour), il reste difficile de tirer des enseignements de ce quaurait été ‘application du scrutin majoritaire. Toutefois, il est clair que le principe de proportionnalité ~ objectif déclaré du nou: ‘eau scrutin ~ n’a été, lui, qu'imparfaitement mis en couvre (voir le tableau 2). On peut invoquer 4 ce propos des raisons techniques: les élé- ments de correction majoritaire institués (cadre départemental, seuil de 5 %, répartition des restes & Ja plus forte moyenne) ont incontestablement joué un rdle, Mais cela ne fait que repousser le robléme car il faut alors expliquer leur présence dans un scrutin ui s‘affichait comme proportionnel. Certes, i est loisible de consta~ ter que la représentation proportionnelle a donné au président de la LiNvENTION DE LA REPRESENTATION PRoPORTIONNELLE | 223 Tableau 2: Répartition partisane des voix et des siéges aprés les élections législatives de 1981 au scrutin uninominal majoritaire a deux tours cotal | % sieges! 9% de bull. | Nombre | 9» du t de vote au | de sidges | des sieges | 9» de voix 1 tour Extreme gauche 12 0 PCr 16. 9 38,4 589 PS et alligs cologistes 1 ° UDF 2u7 RPR 21,2 Extréme droite 03 100 1,00 Sources: tableau aboré par les teu. — oe République une Assemblée avec laquelle il pouvait cobabiter, avele a limité la déroute électorale annoneée quelques mois plus t6t, voire méme facilité la réelection de 1988, Mais, Ie schtme moyen-fin es les catégories de 'habileté manceuvritre ne disent rien sur les effet attestés de la réforme de 1985 (voir le tableau 3). ; ‘Ainsi, la décision 'apptiquer la proportionnelle & des circons- cripions réduites a about, en dépit de toutes les profesions de i contraires, & accentuer la logique majoritaire du scrutin'"*, 114, Cst ce qui faisalt rive @ Bon «Le seratin mao tare est wn sratin proportinnel qui se déoule dans des unites territoriales qui n’éisent qu'un député. Plus on se rapproche 224 Lacte devote Tableau 3 : Répartition partisane des voix et des siéges aprés les élections législatives de mars 1986 au serutin proportionnel de liste départemental Nombre % [Nombre] 9% | % de voix | de voix | de siéges| de sityes|de siéges inode vole Extréme gauche] 427753] 1,53 . 7 - PCF 2740972 | 9,78 35, 6,06 | 0,621 SIMRO ere2is7| aoa | 207 | a500 | 1156 Union de a ve soos | 020 03s | 1750 MRG | MG wee) | 7784) 038 | 2 | 095 | opm Divers gauche | 2n7t77| 10n | 5 | o@7 | oss Eeologistes/Verty 340138 | 1,21 al - Ragionaies | 0045/00 | - ; eR me BPR epartey | 22979/ iar | 77 | aaa | a90 UDF | Wer cepareey| 239002 sar | 52 | 98 | 106 ROR-UDE (liste | ROR-UDE Hise | Gor7aor| 2146 | var | 25.08 | 07 Divers droite 1094336 | 3,90 14 2,43 | 0,623 Total RPR + UDI Total RP UDF 1g 03 986 | aaa | an | so4a | aur28 iN 275336) 965 | 35 | 606 | oa ute 7 - if. _extréme droite a - Total aaoso67a| 100 | 577 | 100 | 100 Sources: tableau labore par es auteurs, LINVENTION DELA REPRESENTATION paopoRTIONNELLE | 225 raison en est simple: plus le nombre de siéges dans chaque dépar- tement s‘avére faible, moins Ja « justice distributive » attendue de Ja proportionnelle peut se confirmer, Or, prés des deux tiers des départements métropolitains disposaient d'une dotation en sieges inférieure & cing (vingt-quatre devaient méme se contenter d’élire deux ou trois députés). Du coup, les petits partis ne pouvaient guere bénéficier des avantages théoriques de la proportionnelle!®. Surtout si Yon sait que les grands partis avaient explicitement appeler & « voter utile » en faisant croire eux aussi & la dispersion des suffrages impliquée par la proportionnelle. En réactivant les réflexes du vote majoritaire («Il faudra tout de suite se rassembler comme on avait habitude de le faire au second tour, au tour déci- sif », langa Pierre Mauroy, en contradiction compléte avec les attendus de la nouvelle loi électorale!"9, Ia réforme renouait avec Ia logique censitaire des scrutins du passé, Elle révélait au grand jour un hiatus entre les valeurs proportionnelles et la régulation tablement la pression des inégalitaire & laquelle conduisait iné grandes structures partisanes. En définitive, une double difficulté mérite d’étre relevée au coeur de la «science » électorale, D'une part, la confusion toujours ¢ politique: renaissante entre relation statistique et détermi cette situation, plus effet majoritaire sera important », dans « Rétrosimulations proportionnalistes », Pouvoirs, 32, 1985, p. 141, Sur cette question, voir aussi J. Loosemore et V. Hanby, «The Theoretical Limits of Maximum Distorsion », British Journal of Political Science, 1, 1971, p. 467-477, 115, Sur les fausses évidences du déterminisme proportion naliste, volr plus gévéralement le débat ouvert entre G. Landeyret, Q. L. Quade et A. Lijphart dans le Journal of Democracy, 2 (3), 6 1991, p. 30-49, 116. P. Mauroy, « Les quatre originalités du seruin », Revue politique et parlementaire, 921, janvier 1986, p. 12. 2261 Lacte devote elle s‘affirme surtout en raison de lenjeu idéologique qui caracté rise chaque bouleversement électoral; d’autre part, la dualité interne de la notion de « régle du jeu », écartelée entre le domaine de la norme sociale et celui de la prescription instrumentale: elle rend vulnérable, notamment par la reconduction des taxinomies ‘en vigueur chez. les dlites politiques, toute prétention & une connaissance veritable", De telles discordances (entre corrélation et cause, régles normatives et régles d'usage) ne sont assurément Pas une caractéristique de la « science du vote ». Reste que dans ce cas, la dissociation entre les lignes d'action prévues et les compor- tements effectifs s‘avére considérable, Probablement parce qu'a inverse de ce qu'enseigne la théorie des jeux, les régles n'y sont pas en méme temps des normes collectives, c’est-a-dire des conventions porteuses de valeurs sociales et morales!®, Si ce cconstat posséde un quelconque degre de pertinence, de l'eau serait apportée au moulin de ceux qui pensent que la politique releve moins, en définitive, d'une compétition Iudique (« le jeu polit que ») que d'un combat codifié et normalisé, ce que dans Pesprit de Carl von Clausewitz on pourrait appeler « Ia poursuite de la guerre par d'autres moyens », 117, Pour une présentation systématique de cette relation entre systéme de parts et systémes électoraus, voir M, $, Shu- ‘gar, « Electoral Reform in Systems of Proportional Representa~ tion », European Journal of Political Research, 21, 1992, P. 207-224, 118. Sur cette distinction, voir F. A. Isanibert « Durkheim et 1a sociologie des normes », dans F. Chazel et J. Commaille (dir ‘Normes juridiques et régulation sociale, Paris, LGDI, 1991, p. 57, compte " - Girconscriptions et la conjoncture politique Chapitre 5 / Des voix PAS COMME LES AUTRES! Le vote dit « blanc et mul » recouvre des voix bien mystérieuses. en croire les rates définitions du phénoméne i serait synonyme ‘erreurs de manipulation?, d’opinions velléttatres, voire d'une indifférence au débat politique?. L’explication parait cependant i fragile. Pourquoi ces votants ne se contentent-ils pas de s' abstr ‘puisque le vote n'est pas obligatoire en France? Comment pare fe, par ailleurs, de 'inégale distribution de ces votes selon Tes |A vrai dire, peu de comportements électoraux ont autant été délaissés par les politistes et les historiens. Ce désintérét a méme “de quoi étonner lorsqu’on le met en relation avec Ja littérature vs ns ence pour ns suet es con't Buns Bra et A Cog, on Be siti ens oon de espe. is rent ites fe ate nce “ee ae Pataa note asl gue «dns ote operation ttt, cite moe eee lt peta se strains nor oe Cos st Oe mr a, xo rt sr npn sore foes de seas nets aris dos tre, 1903 eet me an Nowe beso he toa sess fe us Po, 1s oe wt indo Los Estetomnae See ce Ps Pras eee P18 3-22 “Poly lan amare emaepee ss 15h Peseta tes see oben ttt salt opt ot te ements rpprtcmar ps at ons sti ree sl a dire « non valables, car non conformes & la loi » vol. Il, p. 1573).

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