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revue internationale des sciences ere rw les unesco REVUE, UNESCO VOL. Mt, 8° $y 1959 INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES TABLE DES MATIERES Prnwtne paxrie [Nowaoes i NowADHOWES #3 ZONE ARID Introduction, par J. Beraue. Ecologie du nomadisme pastor par Lawrence Krader (Quelques aspects du développement socio-économique et culture des nomades ea URSS, par A. Tursubayey et A. Potapov. Géegraphie politique et nomadiame en Anatoli, par Xavier de Planhol, Les Rédoins et lave tit Ta sédentarsation des Be een Arabie saoudite par A. S. Hela en Iaatl, par HV. Mubars. Ta aedcotaaton dex nomads dant es drt Occidental prec, par "A.M. Abou Zeid Les nomades du plateau somali, par Léo Silberman’ Tévolution et la sédentarsation des nomades sahariens, par Vincent Montell un. m1, Deveitae varie LoncAstaarios DANE 18 SCENGES FOCINLES; CHRONIQUER ET INFORMATIONS ‘Erupns ax cons er cmermes DE necuERcaEE Le développement économique au Beil: sxpects sociologiques généraux, par L.A. Costa Pinto Lilustitite of Research on Overseas Prograims, Univenité de Bar di Michigan, : Lilnstitut des sciences sociales de Yougeslavie, Belgrade! ilnstitut Giangiacomo Felrielli, Milan Docuxesm nes Narions Unixs ev cuRONIQUE mipiooRAPiEgLE Chronique Livres requ Twvomuarions mivenses ‘Réunion du Conseil international des sciences sociales, Pars, mars 1959. Le collague de Cagliari sr les facteurs cultuels du développement éeomo- ‘mique et socal, Caglsr, avril 1959, sot 519 sa 347 Be 5 375 38 599 65 on 66 67 629 648 652 637 658 Bourses études pour 1960-1961 du Population Council, New York eBillme nationale dea Repbiqu poplite ourmine pour Unesco. « Cahiers de vocislogie économique », Le Havre: ‘Le « Journal of Indtrial Relations », Sydney (Australi) «Archives eoropéennes de sociologie », Pa ‘< Revue distoire dela civilisation mondiale», Moscow, Publication des actes de la Conférence internationale aur le traitement ‘numérique de Vinformation it Gong interatonal des scenes astheopeloiqus et ethnoloaws, Paris, 1960 XVIe Congres international de prychologie, Bonn, 1960 TV, Connssronoance [La sociologie en Italic vue par un Américain : lettes du D* Bruno "Tent et de ME. Ammold M. Rose ONT COLLABORE AU PRESENT NUMERO A.M. Anou Zep, Université de Libye, Benghasi J. Bengus, College de France, Pars. L.A. Costa Pocto, Université du Bes, Rio de Janeico. ALS. Heras, ambasiadeur &'Arabie soudite au Soudan, Lawrence Kedors, American University, Washington. ‘Vincent Mowreit, Centre @eneeignement pratique se arabe moderne, Bikaya, HV. Monsas, Universite hebrasque, Jersalem. Xavier be Phanviot, Faculté des letres, Naney. ‘A. Poraroy, Université de Moscou. ‘Lo Sixmematary, Unive 663 664 a8 8 588 PREMIERE PARTIE NOMADES ET NOMADISMES EN ZONE ARIDE INTRODUCTION par J. Banque Le terme de «nomades », que les pays développés appliquent & des sociétés fore différentes de la leur, mais présentant entre elles une grande diversité, est fort ancien, Depuis la haute antiqh jamais perdu son incertitude, Hérodote, ce pire de Pethnographie, Pappliquait déja aux Ethfopiens du ‘desert. Bt les populations de Pactuel Maghreb, dont certaines frappaient observateurs méditerranéens par un régime d'économie et d’habitat qu'ils Jugeaient fort éloigné du leur, inspiraient au grec et au latin le doublet trou- bilant, et jusqu'ie) peu expliqué, de « Nomades » et « Numides », Sans doute ce rappel remonte-t-il trop loin pour rendre compte de la réalité actuelle fille du confit de la civilisation technicienne avec des données géo- ‘graphiques qui la contrarient — c'est-i-dire, en autres termes, dun affron- tement entre deux formes extrémes de la nature et de histoire. Mais il illustre des permanences auxquelles tient une honne part de loriginalité des formes sociales considérées, Et il a le mérite de faire resortir d'emblée Ia ificuleé d'une définition. Crest, par IA méme, circonscrire utilement le eadre de cette Gtude et les objects du projet de Unesco od elle s'insére. Quiest-ce Que Les NoMADES Ce qui a 4 considéré dans la phupart des études groupées ci-lessous, cest la ‘portion d'espace et d’hsmanité qui, de ce cote de PAtlantique aux contreforts ‘de Alta, de Ia Mauritanie an Turkestan, borne, vers le sud, le monde médi terranéen ot slave. Enorme amplitude de développement : ette zone s'étend, en largeus, ur prés d'un quart de la Tongitade ouest au 6o® degeé de longitude ext. Du nord au sud, une eifferen- ciation accusée s'ajoute aux dénivellations de Mnfluence maritime et aux dmuances dela fore, pour fare distinguer un certain nombre de régions dans Je detail desqueles nous ne pouvons entres. On se contentera de en trois grandes masts, coincidant pls ott moins avee des aires de Ge'song, de Fest 4 Vouest «la steppe transcaucavienne, habitat des éleveurs turcosmongol et » patrie dis cheval », avec les enclaves désolées de ’Oust- Our, de Ojail-Qoun et du Qara-Quom; ce que jappelleai les confins euraia- ques de Pantiquité médiverancenne + steppe séche de Iran, désert d’Arabi istré par la naisance de Vslam; enfin Te Sahara qui, entre I « Afeique Dlauche'» et le monde noir, étead ses immensités sur toute la largeur de Afrique, depuis aire of évoluent, sur 600 kilométres amplitude, les Réguibat mauritaniens,jusgu’a la rive torrde de la mer Rouge. Partout, dans cette large zone, la pluviométi, fable et Irréguite, reste sor fore au-desions du minimum exigé par Ia céréliculture en se, Celle-i wert aque exception géographique, bien gi’elle offre une grande importance Humaine Is oi es ponsbiltés naturelles ow arifcicles d'rrigaton rompent Prniformite du déstt ou de la steppe et arent en plantureuses explosions vvégéales, que nous appelons des oat, Lespace environnant ext voue & lee age intent Et le deplacement des troupeas, commande parla maigreur et Fépuitement rapide des pigus, se conjugue avec la mobile des poptlatont tliesmémes, De cette mobilté la forme extreme est appelée nomadisme elle txt supponée ne comporter ni habitat fixe ni construction en dur. Sanv doute, je Vat dit, n'estuee la queun extréme. Et la région méditer- ranéenne préscnte, sous Te nom de transhumance, des mécanisnes qu inte firent, sora range nord du dsr avec ke nontadisme, par transitions souvent peu discernable. Fautil qualifier de nomadim, dans le Sud marocain, In Inigration annuelle dex At Ati ? Et, dans le Sud algerien ob ranger —~ tran. hhumance ou nomadisme ? — les déplacements dt sud aut nord de groupes comme les Lacba ou les Said Ota ? Ceres, des images tranchécssllicitent, kn Pespéce, ia discrimination, Les genres de'vie montagnards des Chleubs dt HauteAdas ou des Imazighen du Moyen-Atlas s'appsllent,semble-i, que ‘comme un complément sausonner Ia « descente » ver Tes planes, Le crur de Fétablinement ext, pour les uns, dans lex valle & texrames, pour Is ates, sur les plateaux bokés + toute formes étrangtres la vocation. proprement Aésertique de leurs cousins de race, le Touareg. Lexstence de’ anges de péntrasion ene le monde méditerranéen et le monde désertique ale mérite Ton seulement dillustrer Fimprécsion du voeable, mais de fournr, en cor- rectits cette imprécision, Vidée de variations historques et vciaes, pls encore {que gtographiques et fconomiques, entre le nomadisme et la sdentarie ‘Cx variations dépendent, tres grande échelle, de celles du climat. Cet ainsi que le Sahara, pour ne prendre que cet exemple, acon, at coure di Gquaternaire, ex phates altentes d’exension et de nogresion, @humidite et de séchereste relatives, Il ext devséehé pendant Ia periode historique. Ila subi une décadence hydrologique. Des causes istorques peuvent aus Concoatir A es variations. L'appauvritement de Ia faune et de afore at ‘ins dans la zone prédsertque dx nord, ext directement lig la guerre, & Ia chime, & Texcis de pacnge ou méme & Vintennfeation de Ptablinement hhumain, Sila propagation de Arabes hialens, dst en ouest, 4 partir du sat sgcle @ td jugée —~ par Ton KhaldGn notamment ~~ responsable de la degradation dic maliew ot & supplant, jusqutau voisinage de lamer, ds formes plus ancicnnes de sédentartes, inversement, le progres de In céraliclture frhce au tracteur et au dpsferming a refoulé dans le Sue algeien, depuis Einquants ann lee genres devs He Ale tranahumance ot mnie sveir aaa confribué & Fepuisement du teroi, Lélevage du cameat, qui, elon Phypo- thise séduiante d'E-F- Gautier, a permis & partir du Bas Empire le noma- dismme guerrer grande ampitide, peut — le fait a été observe dans le Sud moaroetin — radner le paquis et nggraver Paid, aire de nomadisme que met en cause Pun des projets majeurs de Unesco correspond iets grosiérement, pour le haut moyen Age, ax arvere-pays de expansion ‘slumique: Celleciy initialement marquee’ par le genic arabe, send, de part et dlautre de la péninsule, vers les mondes berbére & ouest, noir aut sud-ouest, iranien & Pest, ture au nord-ouest. Elle rencontre partout, ‘au cours de cet ample mouvement, des populations nomades, Et, bien qu’atta- ‘chée A un idéal de culture citadine, commercante et ornée, elle remporte, ddans les morphologies tribales, jusqu’a nos jours, des suco’s de conversion. Marquée, non moins par le climat que par une histoire expansive, & I'éco- nomie mouvante, & contexte racial et A signe religicws, la zone qui nous intéresse semble devoir subir aujourd’bui des mutations d'un autre type, qui risquent dlagir avec une violence encore plus déciive sur les rapports entre homme et le milieu. Elle constitue, de Afrique occidentale a I"Asie centrale, la marge méridionale de pays en voie de rapide développement (U-RSS. Europe occidentale et nations plus ow moins participantes du méme dyna- rmisme). Le contraste violent qu'elle oppose, en fait de paysages, d’économic, de morurs et dame, 2 une zone dactivisme industriel et d'histoire accélérée, fait d'elle une sorte de défi lancé a la civilisation moderne. Ce défi 'acoentue méme du fait des dangers croissants que la rupture d'équilibre écologique, inhérente 4 la période contemporaine, fait courir non seulement & la zone cn cause, mais A ses voisins plus favorisés. Le désert et la steppe « répondent » & la valorisation de plus en plus pressante, 4 la démographie de plus en plus ascendante de leur bordure septentrionale, par ce quon pourrait appeler tune remontée dit désert et, en tout cas, par une décadence contagieuse des sols, auxquelles le monde industriel doit oppoter des techniques appropriées. Ge défi a &é porté & son comble, depuis Ia premiéze guerre mondiale et de fagon de plus en plus vehémente, par la découverte et Pexploitaton de plus cen plus intensive de champs pétralifées sur le pourtour du golfe Persigue, puis dane le Sahara et, tout deritrement encore, en Libye. Voici done Pune des matires les plus nécessaires A Ja vie moderne, offerte par la zone déser- Sique enjeu combien tentant pour la compédtion internationale, amorce de nouveaux changements gcologiques et rource de nouveaux problemes, dont le plus dramatique ext celui que pose Phabitant du désert. Comment varril réagin, ctateivdire, dans une premitre phase — mais juigu’’ quand se prolongera-tcelle ? — quelley mesures fautl prendre pour adapter A Vicruption du progrés technique ? La découverte des gisements pitroliers sera-telle la w revanche » de zones jusqu’ici déshéritées, grace au Drogrés constuctif dont elle peut fournir 4 ses habitants Foccasion en méme temps que les moyens ? Ou bien cette huimanité locale sera-telle sacrifié, ‘en fai, ax impitoyables exigences du plu fort? Il rgne, quant & cette seconde Guestion, unc incerinde, lige aux alas de Ia politique mondiale, que nous Ze saurions évoquer ici D'dpres.compétitions planctaires, d'une part, de ‘iolentesaffrmations nationale, autre part, se disputent Favenir de Uhabi- tant des steppes et des déserts, considésé, top souvent, comme Paccesoire Ihumain d'enjeux économiques’ On veut cependant expérer que le destin de cet homme sera mis entre ses propres mains et quc cest A lukméme, en déRe nitive, quil appartiendra de decider de quelle fagon et A quel prix il devra juste ses modes de vie et son étre méme aux néceaités, devenues irépres sibles, de Ia. modernisation. ‘Ge point de vue, tendant A lui rendre, dans toute la mesure du possible, VVarbitage de ses lendemains justifera le plan d'une etude qui eavisagera sucosssiverent ' le contemte éeologigue, parce qu'il condiionne, en grande partie encore, toute initiative; les valeurs inues de longs sicles'd'économie 593 pastorale et guerritre, parce qu’elles exercent une influence et continueront sans doute longtemps i déterminer beaucoup de comportements et de projets; puis les transformations qui, depuis une génération & peu prés, mais de plus en plus profondément, agissent sur une réalité jusque-ld soumisc & des constantes apparemment invincibles; enfin les perspectives qui s'ouvrent cette portion ehumanité dans la conjoncture actuelle du monde. Le contexte Heovocigi. Le nomadisme est an cas extréme d'adaptation d'une société humaine i Vinclémence du milieu 1. Les Touareg sont parfois cités, en ce sens, comme faisant pendant a d'autres populations, & Tadaptation aussi méritoire et paradoxale, les Eskimos, Chez les uns et les autres, Vendurance, la sensibiité faux signes ies plus ténus de Ja nature atteignent 2 une acuité souvent admi rable. Les Bédouins de PArabie ont ainsi, depuis de longs sigcles, frappé détonnement leurs voisins sédentaires et participent encore au prestige terri- fique qwexerce le désert :sobriété, souplesse nerveuse, toujours préte A bonclir, finesse des sens, ardeur du sentiment — de tees caractéristiques relevant, en défnitive, dune adéquation aut milieu beaucoup plus étroite que Mhabitant des cités ou des terroirs agricoles n'en serait capable. La méme chose, out ‘presque, pourrait étre dite du Kirghiz, et un témoignage romanesque du sigele dernier, Pune des Nowslles asiatiqus, lustre, & propos des Turkmenes, le méme contraste qui oppose, dans leur cas comme dans les précédents, le rnomade au sédentaire. II sfagisail, en Pespéce, des remuants Tekke, dont un potte a, de son edté, chante la jutte dans une épopée edlébre?, Cependant Pexactitude de cette adaptation ne va pas sans soumission A des impératifs que des systtmes moins archaiques ne ressentent pas asst immédiae tement. Ge serait exagérer que de dire que les sociét’s nomades n'exercent suy la nature aucune valorisation, Généralement, elles confient une agricul exception, parce que dépendant de Vhydraulique, aux habitants des oasis, ‘A ceux) elles tendent A imposer « protection » ot fraternité ». Dans certains eas, est une sorte de suzeraineté qu’elles exercent su les populations bordiéres. Bans le désert de la Chamiyé, de telles relations ont put etre décrites, ill n'y a guére qu'une ou deux générations, et dans le plus authentique détal, par des observateurs aussi pergants que Jaussen ou Musil 2. Un tel systéme interpose entre la production et la consommation, et presque entre le travail ct le droit, des relations humaines higrarchisées. La stzeraineté n’en est que Ia forme normalisée et la razeia la forme occasionnelle, forcément compromise par Pévolution des temps modernes et Pinstauration de pouvoirs centraux, mais encore combien attirante et prestigiewse.. Médiate et indirecte quant & agriculture, la société nomade se soude Gzroitement au miliew par In collecte, Elle pratique couramment utilisation de co que nous appelons les © nourritures de disette », car elle souffre d'une disette permanente. Liintérét ethnographique et Vinguitanc archaisme de cco régime sont également frappants. C'est ainsi que le: ‘Touareg ramatsent 1 goa. Rocha fle on ventana de cos eatatlons Gans Imam ond animal eeoeyeaoe + Tmt abt satire 5 Kone i en Aa ae 8 7, Are Dt, then en 504 toujours les graines de mainter plantes spontanges ou subspontanées : dru, rrokba, foie sauvage, cram-ran, lauit, chizomes et jeunes tiges du beri, ete. ‘insi fone également les Toubou, qui tient leur galette du fruit du dim. Naturellement, ces ressources sont complécées par celles quote le rene animal. Viadresse & la chasse fait, en Tran, Porgiell di noble Qashqal, Les ‘expéditions suscitent Vintérét passionné de fa wibu. et sont oceasion de toute line stratégie de mouvements enveloppants, oa @actions de spécialises, La chasse 4 Ia perdrix et & Foutarde inspite, chez ces nomades, Ia competition dex talents et Hnvention technologique’. Mais c'est A Televage qu'est demandé le concours principal + chameass cheval, boruf, moaton, chtvre, selon lee tibus, Elevage extensif vil en futi Liénorme consommation de temps qu'il entraine, du fast du gardiennage, di pacage et de continuels déplacements, Ie hixe de rentiments qu'il provogue, fe mots descriptifs qu'il implique, ont fini par former, avec la notion de noma disme, un tout nos yeu indisociable, Cependant Is lison de l'une & Pautre notion n'est qu’an trait historique et geographique, earacterstique de la 20ne ‘que nous etidions, et le nomadisme peut, ailleurs se presenter indGpendam ment de la vie pastorale, et vice vers. Quoi quil en soit, Ia symmbiote de homme et de Panimal est Sei totale, a tlle enseigue que, lorsqie le chamea vient a manquer, Ie nomade ae sédentarise. Le Bédouin a été defini pitto- resquement comme un « parasite du chameaut », Crest di chameaw qu'il vit par le laitage, et cest par lui quil excree, 8 la mesure d'immenses espaces, Sa tiple fonction économique de cransporteur et dassureur da désert, em rméme temps que de fourniscur de betes de hit et de boucherie. Un plein femploi aus caractériss de I'animal n/a. copendant pas pour canon un «travail » proprement dit, bien que la béte soit Pobjet d'un intérét soutena et de soins attentfs dela part de Phomme et soit pos lui une source d'émois Dostiques. Crest ainsi que les chameauix de Palmyre « portent le sel dans les Milles, la potasse a Alep; et l'on rapporte sur eux le ble et Morge des villes & Palmyre, on rapport les fruits da térehinthe au Bileas les traffes de la steppe ‘au moment oi ily a des truffes, on rapporte aussi sur eux Ie bois de constete- tion et de chauffage. Un pitte mene. paitre les chamenux dans le desert; quand ils sont revenus le soir, on leur donne leur pitance; e'est un pew de farine grositre, appelée harf, qu'on pétrit avec de Peau, et dont on fast une boule ronde, de la grosseur dine grenade. On la met dans la bouche du chameait et, quand on lui fait manger sa pitance, on Tui donne des dattes brisées 9 Pourtant, dans un tel ystéme, si « occupé » que soit homme par existence ct les besoits de la béte, il a'y & point de relation causale directe et resent entre son effort et la production. Le roupeat se développe par croit biologique. Si Tabreuvement et le paquis constituent le souci permanent du groupe, cet activité, responsable de deplacements & vaste amplitude, rete plus polique et stratégique qu’économique. Le nomade se borne & ménager au Foupeau, done & luirméme, ln disposition des airs, souvent fort éloignees, ob, selon les saison, mais plus encore selon les chances de précipitations il trouvera Pherbe ct Peat. 595 {Le nomade sinsére done dans un eyele biogéographique ot il vit de Panimal —celuicei vivane de la plante — et auque! il eontribue surtout en tant qu'admi- nistrateur de Tespace. Cet espace, demesire pat rapport aux habitudes des Gtés humaine ile «couvre », le «domine » ou le« conteile », comme novs dicions, plus quil ne Vexploite, En hiver, les Rovala @’Arabie parvienuent vers le Nord jusqueaux environs de Palmyre, dans le déser yrien. Mais, les pluies sone abondante, il arrive que la mémne raison les vole du cbté de Tayma, X'G00 kilometres plus au Sud. De Pest & Touest, Vamplitude de leur migration teint prés de goo Kilometres, Réputés une des iribus les plus pusants, ls ‘ne dépassent cependant pas l'effectif de 3 500 tentes. Et les immensités déser- tiques du Moyen-Orient ne sont parcourues que par quelque 750 000 noraades. ewe infimité de la présence fnumaine constitue Tun des teats les plus para: doxauux de la zone, In de eeu, en tout ca, par lesques elle oppose le pus lemment a ses’ pourtours, of Ia progresion. démographique, depuis ute Eénération, #est accrue au point de mettre en peril Pacquis des valorisations fes plus assdues. Un exemple de dénivellaon brusque entre le terroir des sécentaires et la seppe ou le désert ext fourni par le Fats qu, avec ses 200 000 lométres carrés, naurait que 200 000 oi 300 000 nomades, De-méme, le Sahara tout enter ne compterait pas plus de 1 joo 00 personnes, Encore ce chiffe inclutal les populations dex palmeraics et les abords du monde noir et ‘du monde maghrébin, Crest une hamanité moléculaire qui se déplace dans ‘es imensité. En 1997 encore, le Kazakstan, grand core cing fos et demic in France, ne compiait, malgré Findusralistion et Fappel de main-dceuvre quelle avait provequé, qu'un pew plas de si millions habitants, Ces rup- fces de la densité humaine, dans une pésiode d'accélératon démographique comme la nbtre, achévent de doter les zones de nomadisme d'une physiono partiuligre et de faire considérer par les volsine un tl systeme de vie comme Insoutenable. ‘Oui dit espace, en terme de déplacements a dos d'animal, voire de déplace- iments pédestres, dit temp, Iongues errances. E&, oes errances étantsubordon- es, malgré l’aléa terrible des précipitations, & certaines constantes clima- tiques, cet dire aussi rythme et régularté, Errances et migrations ilferent dle cadence dans Ie emp, comme d'amplitade dans Vespace, elon le groupe considéré, Crest ainsi que l'on dlstingue des nomades & migration saisonaiére, comme les Larbi du Sud algérin, ou les Baseri du Fats iranien, de grands omades & migration périodique, comme les cassiques Ahagear, ct des se rhomades bordies, qul font la tration avec les transhumants du pourtour méditerranéen, ‘Lorre & la fois spatial et emporel qui resort ains feappe par tes propor- tions gigantemues, on moins que par son archalame, qui semble resier & fos yeu quelques-unes des amples conjonctions de Pére néoithique. A qui le reporte sit la carte il pote les problémes les plus passionnants : des aires, es cycles de voices (comme les i rak-s iraniennes) se découvrent. Et l’on distingue, un bord A Pautre du Sahara par exemple, les plus curious altemances cthniques ou lexicographiques, eétranges chasic-crisés de sytemes, de feonceptions ou de mots! toutes chotes dont les ethnographesnront pas encore dccouvert le secret, mais qui proposent a leur zc, en est temps encore, des fais dout oterptaton Teh pester avancer noe connivance yénale Jes soci 506 \Narune er cuvrune. Aussi Iégére que soit V'emprise humaine sur ces espaces, elle nen suscite pas moins, entre les intéressés, une colossale floraison de droits, Certes, il faut y voir plutat des droits «d’usage » ou « de parcours », que de propriété, D’abord. parce qu'il existe une liaison « nacurelle » entre la propriété et la présence effec tive. Aux deux extrémités d'une gamme trés étendue de formes juridiqn ‘on trouve la parcelleirriguée dans oasis, étroitement appropride, parce qi tensivement travaillée, d'une part, et la zone désertique dont la disponibilité permanente, mais non Ia e mise en valeur lieu, la pleine propriété exige dans ses manifestations Vemploi de tech juridiques développées, comportant souvent des procédures écrites, comme dans le droit musulman ou dans les droits européens. Or, par la force des ‘choses, le nomade n'a ni la pratique, ni souvent Ia conscience de telles procé= ‘dures. Enfin, les pouvoirs centraux, ceux qui disposent du droit écrit, dressent les cartes et accréditent les définitions, ont toujours considéré que ces zones de parcours resortissaient soit & la domanialité publique, soit & la communauté. Tela été, en particulier, la porition du droit musulman, qui répute propriété de la una, cest-i-dire de la colleetivité musulmane, tout ce qui n'a pas fait Vobjet de vivification individuelle et, a fortiori, toutes les terres arides ou rocheuses — « terres mortes 2, comme il dit, Ce n'est pas ici le lieu d’examiner combien ces exigences de domanialité ont pose de problimes, chaque fois qu'elles se heurtaient & des poussées de valorisation agricole, ou simplement, 4 la densité du peuplement, Il en a 6té ainsi sur les bordures cultivables dit ‘désert, en particulier partout oi les exigences du parcours et Ia vacuité d’amples ‘spaces étaient de plus en plus impatiemment menacées par de nouvelles cexigences dexploitation individuelle, fondées sur Ie progrés technique, du fait, notamment, de extension de 'hydraulique. Il y aurait, en la matiore, des paralléles instruct & établir entre [histoire législative des terres collectives au Maghreb et celle de la tenure miri au Moyen-Orient, Par ses implications avec la colonisation dans le premier cas, avec la tenure fEodale dans le second, ‘ce probleme des terres revét la plus grande importance, alimente de nom- breuses revendications et donne lieu, selon les pays, A un réformisme terrien plus ow moins révolutionnaire. Ul s'est posé aussi, sous dautres formes, en ‘Transcauc Cependant, ccs incidences, pour intimement liées quelles soient & histoire sociale de ces contrées et & leur dynamisme le plus actuel, ne sauraient détour- ner Pattention des solutions que le systéme propre des nomades avait trouvées au probléme. Les immenses espaces du désert ou de la steppe n'étaient jamais ‘considérds comme res mulius. Les droits de pacage des tribus s'articulaient les luns aux autres avec une précision que des conflits guerriers continuels ne ten= daient qu’a reviser, mais non point A détruire. Le vieux terme de « mous vance %, cestacdire de dépendance, avait, caractéristiquement, été restauré entre les deux guerres, A propos des région’ de la Chamiyé qui ressortisaient Atel on tel groupe. Que ces droits ténus mais consistants s'energastent A des cen- taines, parfois & des milliers de kilométres de distance, voili encore Pun des aspects di nomadisme les plus surprenants pour le sédentaire ou pout 'obser- vateur étranger. ‘De si pris, en effet, que la société nomade tiene & son environnement, elle cstloin d'étre une société « naturelle », en ce sens qu'elle répond aux contraintes ‘et aux suggestions du contexte écologique par tout un échafaudage de mceurs, 5°7 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES institutions et d'idées — par une culture, en un mot. Bt Von dirait méme, & certains égards, que la complexité de cette culture est la rangon de la précarité, voire méme de Parchaisme des liens techniques et économiques qui Ia rat- {achent 2 son milieu. Lorsque l'on qualife de « simple » la vie des Bédouins, comme le font souvent les Arabes, il faut done se defier des présomptions témé- raires qu'une telle épithéte pourrait stimuler. Simple, elle Pest & coup str par Pindifférenciation économique, le retard technique. Mais sirement pas par la Tangue, qui recéle, dans le cas de 'arabe notamment, les plus prestigieuses richesses, ni par son art, qui, sous la forme poétique, exerce encore sur des sociétés plus développées des influences durables, ni par architecture sociale. Celle-ci apparait étagée, savante et complexe au Sahara, Les Touareg, par leurs masurs gucrritres, leurs séances poctiques, Tarchaisme de leur langue et organisation de clases higrarchisée en nobles, vaseaux et « captife », n'ont pas ‘manqué, depuis un sécle, de fournir 4 la recherche scientifique comme & Pisa gination le plus excitant des aliments, Liinfimité de leurs effectifs accentue tencore ce caractéve paradoxal de la vie au désert, Comme les Touareg, les ‘Toubou (ou Teda) et les Maures affirment une originalité ethoographique qui semble presque étze en raison inverse de leur nombre. C’est peut-tre chez les Maures que les stratifications sociales les plus raflinées se laisent encore obser= ver. Un auteur pensan ne distingue pas moins de quatre « classes » cher les nomades du Fars : dans Ia « baw classe » sont relégués artisans, tiganes, réfigiés, ete., asser roitement séparés des autres classes, pat les moeurs ‘matrimoniales notammen ‘Si Ton ajoute A ces traits Porganisation complexe des oasis, leur division fen quarters, en clases, en parts, et que l'on évoque la chronique ancienne de déplacements pastoraux et «aventures guerriétes qui sousient encore, malgré ‘une évolution de plus en plus menagante, Vorgueil de beaucoup de ces hommes, ‘on conclura que l'exception géographique et le paradoxe humain ont constitué ec maintenu, en dar contraste avec Pévolution sociale des temps modernes, ‘mais non sas richesse humaine, une authentique « civilisation du desert » Beaucoup de ces qualifications atribuées par nous aux nomades, o aux Bédouins, participent en effet des traits méme oly nous avons cherché leur definition : cet aspect Pexception pac rapport & L'eceuméne, de cas Timite, de paradoxc, et, pour tout dire, de menace, Mais prenons garde qu’elles manent toutes de sociétés séentaires, citadines, respectueuses autant que Dénéficiaires de écrit — profondément différentes par 1A de ce qu’elles ‘qualifient ainsi, et peut-étre malaisément eapables de sortir de leur propre sys- éme pour en comprendre un autre, qui leur est tellement étranger. Ces oppor sitions se sont méme accusées, du fait que presque toutes les sociétés nomades, dans la zone ainsi considérée, sont musulmanes. Elles ont véct toute leur hise toire sous le regard de la cité islamique, qui était érigée, en grande partic, ‘contre leurs idéaux, Lantithése entre les deux types est méme si forte qu'elle ‘abolt les nuances intermédiaires. Il ext significatif que, dans toute la civilisae tion arabe, Ia citadinité ait é# opposée aut bédouinisme, la hadéra & la blilya, ‘cc dernier terme englobant des réalités sociologiques aussi dissemblables que Ja bourgade campagnarde et la tribu nomade. C'est ainsi que le grand penseur médival, Iba Khaldiin, dont Pacuvre est pourtant obsédée par les ravages que a poussée des nomades hilaliens opére sur les structures villageoises du Maghreb 508 ‘almohade, qualifie de « Bédouins » la fois ces pasteurs aux longues errances ct les populations montagnardes du Haut-Adlas. S'agit-l la d'une posit périmée ? Nullement, si nous en eroyons des travaux tout & fait contempo- rains oi est faite & peu prés la méme assimilation, ‘Abbas al-Azzawi, lettré irakien, a écrit plusieurs tomes fort nourris sur les tribus de son pays. On le sent, bien que citadin, fort attaché aux Bédouins « Quiconque a goité la nourriture des Bédouine ne pourra au grand jamais Sen évader. » Et i céldbre cette vie de paix, de doucenr, de eaveur (Jadhidha), cette vie printaniére de repos et d'abondance. N'est-ce pas un peu idéaliser 3 Is'en apergoit aussitot et ajoute, en incidente : «si ce n°est, on ne peut le nier, que cette vie est parfois troublée (muchazwaba ai!ydnax), par des malheurs, ar dev ali par des dps semble ere nye Bede de cote paix quiindiquait le premier membre de la phrase en écrivant « que cest {ine continulte de querelles, de discusione; jamais la dispute ney tlt, et jamais Yon n’échappe a Teffet des malheurs. Mais — ajoute-il philosophi ‘quement — quelle est la vie citadine qui soit exempte de ces maux? » En réalité, si nous poussons plus loin I'analyse de cette pensée, nous nowt apercevons que, pour cet Arabe, le Bédouin n'est pas seulement le bon sauvage de notre xvii sidcle, ce héros philosophique du Supplement au soyage de Bougain- ville, mais un viewx noble princier, héritier d'antiques valeurs, que nous appel- lerions peut-dtre valeurs « abrahamiques », II n'est méme pas seulement cela, ‘ais encore autre chose : il est en état de révolution permanente. Et, au fond, crest peut-étre IA ce que lui demandent les héritiers de civilisations eitadines pplus apaisées, plus fatiguées aussi, bien qu’elles-mémes ne soient pas exemptes de querelles ni de controverses. Elles demandent au Bédouin le renouvellee ‘ment, le jaillisement perpétuel. ‘Quoi u'll en soit, dans son troisiéme volume consaeré aux campagnes, alvArziw?, sl évoque la distinction entre le bourg et la twibu, déclare «Crest simplement une question de milieu géographique. La vie campagnarde re entre le bédouinisme et le tamadd, la citadinité, » Remarque dans un ouvrage rempli de notations les plus riches Le bédouinisme, dont le nomadisme n'est done, aux yeux des intéressé, ‘qu'un degré extréme, n'a pas cesé de s'imposer, en raison de ses ambivalences ames : privilége de poésie et de chevalerie, mais jgnorance, pénurie et sou- vent impiété, immoralité, C'est dans ce contexte, dit alors de la Jéhiliva (si Ton veat : eDeT'ignorance », bien que cette traduction soit contestée), qu’éclate la révélation prophétique, qui domine aujourd'hui la pensée et la sensibilité de TTislam, sans qu’on puisse dire que les valeurs bédouines y aient perdu, corrélae tivement, leur attrait. Aussi stil rare de trouver, méme aujourd'hui, sous tne plume orientale, une étude des populations de cette zone qui ne confonde ‘extensiverent la rusticité, la morphologie tribale et le nomadisme pastoral & plus ou moins grande amplitude, et qui, d'autre part, ne laise paraitre a la fois Vintérét ct la réprobation envers les marurs bedouines et envers des pra- tiques coutumitres ignorées ou blamées par l'orthodoxie * ‘Liane de ces pratiques tient de tés prés 4 la forme tribale. Cest le droit prioritaire du cousin paternel sur la « file de loncle », bint al-anm®. Ce droit se retrouve dans le Fars ianien. Dans certains coins de la Chimiyé, Ie privie ENES(Gse es canegesnonats Abe Jade ol Raw, Abd a Jl a Tabi te. 5 ASSoms Pie mewn anasto ost eh ss tase A ra i en ‘he ee pn autem tenet mobi Poss 509 lige est consacré par un droit de veto, toute infraction & ce droit entrainant une ‘compensation en bétail et peut-ttre méme le meurtre. La plupart des litiges sont pols devant dey arr Bn Irak comme on Syste domaine dun droit coutus lier auux nomades, a longtemps été respecté par les legolaions centraits et par Pexere edu droit religieux chart"a, Cette situation exception n'a été supprimée par la loi que demnisrement en Trak et en Syrie, Cestebedire pas mal de temps aprés Paccés de ces pays & Mindépendance. C' dire quielle affirmait une vitalité opiniatre. Ces mesures récentes ont dail- leurs coincidé avec des réformes agraires : la question dit statut des nomades Sidentifiait,& beaucoup d'égards, avec celle des latifundia et dt féodalisme ter- ren. Celui-ci tient & la fois a d'impericuses moeurs agnatiques, encore imbues dun nomadisme patriarcal, et a la rédentarisation qui transforme en droits Tonciers le privilege dur noble, en accaparement la protection et, par Ia, durcit, Jjusqu’’ les rendre intolérables, les antiques rapports de clientéle, On voit les implications multiples qui, & une époque de modernisation impatiente, associent, aux yeux de opinion publique, le nomadisme a Pexploitation du pauvre par le riche et aux persistances d'un passé de plus en plus refoulé, De telles simplifications peuvent ére scientifiquement inexactes : elles n'en ont ‘pas moins une grande valeur de sentiment. Et l'on stexplique que la cessation du nomadisme 'identifie, pour beaucoup, avec Paceés & Phistoire moderne, & Ia démocratie et & T'édifcation économique. Les TRANSFORMATIONS DU NOMADISNE, urement soumis & la nature et aux circonstances, le nomadisme ne subsiste que par le concours de facteurs dont certains, procédant des conditions géo- raphiques, ne se modifient qu’a la longue, mais dont d'autres, tenant & Péco- omic, & la technologie et la politique, ont considérablement varié de mémoire d’homme et varient de plus en plus rapidement depuis la seconde guerre mondiale. D'oit une dégradation du systime, désordonnée et anar- chique dans la mesure oi elle n’obéit & aucun plan raisonné. L'humanité du désert et de la steppe est alors exposée & Ia déeadence sociale, ou méme, au pis, 4 la disparition. Dans quelle mesure ce systéme survit & la disparition d'un ow plusicurs de ses facteurs, cest ce que permettra de déterminer un examen, [Util rapide, des « cas » de plus en plus nombreux dont notre expé- rience s'est onrichie pendant le dernier siécle. Carle phénoméne n’est pas neuf. ‘Avant qu'il fat question de politique délibérée de sédentarisation, voire méme et surtout détude et d'analyse, la pression de histoire modeme avait commencé a jouer contre les nomades et cette pression déborde encore de beaucoup le cadre de toute action étatique délibérée, On doit done dis deux phases, ou plutot deux types, selon qu'il sagit de conséquences indirectes autres faits, ox que Hévolution est systématiquement poursuivi. L’ancienneté relative de la présence européenne en Afrique du Nord permet de ranger dans la premitre catégorie quantité de caractérstiques de cette région. Le désert a inquiété d'emblée les pouvoirs nouveaux. D'abord parce que extension du semi-nomadisme se prolongeait, vers 1830, jusqu'aux approches du littoral. Puis, parce qu’une vision romantique des ehote’ induisait 2 établir une hative équation entre arabisme, bédouinisme et nomadisme. En quoi 'on ne faisait ailleurs que suivre usage indigene, qui étend démesuré- 510 ‘ment vers le nord application du terme de «Sahara x, Tout & Pinverse, les progrés de administration ont eu pour efit d'étendre de plus en plus vers le sud un régime pew propice aux déplacements seulement saisonnicrs des tribus. L’Algerie a été repensée en termes de vie départementale et commtc nale. Et, bien que la eréation de « territoires du Sud », distinets de la zone administration civle, ait, au début du sigcle, réservé des modalitésspéciales pour ce qui concerne le désert, Pextension progressive du pouvoir central n'a pas été sans réduire les initiatives propres aux tribus nomades. Désormais astreintes & respecter des limites, & payer Vimpét, elles se conformaient peu & peu a des institutions incompatibles avec la spontanéité belliqueuse des anciens temps. L'important ouvrage d’Auguste Bemard et Lacroix Evolution tu nomadisme enregistrait, dts avant la premitre guerre mondiale, les signes une transformation continuelle des ares et des rythmes sociaux dans Algérie du Nord. Il s'est produit la, grice ausi au développement du vignoble, un phenoméne inverse et syméirique, dirait-on, de ce qui était passé dans le hhaut moyen age, lors de expansion des Bédouins Beni Hilal dest en ouest, & travers tout le Maghreb, [Les marges septenttrionales du nomadisme et du semienomadisme sont done profondément rongées vers le nord. Le systbme résiste plus opinidtrement vers Je sud. En 1882, Péchec de la mission Flatters, mettant en évidence le le des Touareg, inflige & toute pénétration un coup darrét pour une période qui durera une vingtaine d’années. Mais méme ensuite, apres qu'a été brisée la combativité des Ahaggar, le défi du milieu, auquel ne pouvaient repondre les ‘moyens du temps, interdit, pendant longtemps, une intervention plus pro- noneée. Le spécialiste des études sahariennes M. Capot-Rey Ta noté le pouvoir central a longtemps borné son action & aasurer, contre tous pillages ‘ou rezemns, la sécurité des routes caravaniéres et des arriéres méridionaux du ‘Maghreb, Cette situation se prolonge, avec des a-coups divers, jusque aprés Ja premiére guerre mondiale. A ce moment Ia généralisation des transports automobiles et, déja, de Vavion dote le modernisme de nouveaux moyens. Da la sécurité Wordre purement militaire, que s'étaient longtemps bornés A asurer les Francais, avait porté un coup sércux A V'architecture des tribus robles, dont elle détruisait, avee e rdle guerrier, Mime des principales fonctions économiques : celle dassureurs des transports désertiques et de suzerains des “Tandis que ces évolutions se poursuivaient au cerur du domaine saharien, dans sa bordure nord, Pexpansion des cultures céeéalitres, réduisant d'autant, par exemple au Serso, le paquis estival des éleveury, illustrat, par des condlits Violents, Fopposition des deux systémes ', De dificiles réglementations ont alors 6té nécessaires pour concilier, autant que possible, les intéréts en présence. Mais le confit révelait, comme expérimentalement, Pantinomie et, en tout ‘as, Fantipathie qui oppose lun a Pautre les deux régimes et, plus encore peut-étre, & quel point le développement historique, avee son cortege de valori- sation, de peuplement et de droit écrit, crée 'incompatibilités A ancien ordre du monde, fitil réduit & la formule mitigée et dé A demi vaincue, de la transhumance. Sans doute Ia présence de Ia colonisation sur les hauts plateaux algériens conféraitelle au conflit un aspect politique, ethnique et culturel. Mais Ie {Var orem: enon ser, Le mma eatin ens em lis, ou phésoméne en sol «pus reproduie lao il était pas question allgtnea Trot a chme se pam integral entre naonau Als la sdentaintion es tus ruber nur es bordureseritale et evedenale du Dein egypic, tt sriout celle des Hovara dan le Sai, aca laise subsater, entre ancient homes ct viewr sedennirey es rivals vielles puro Qu sete of Gem m Dili probleme distegraton pour le Wgilncur moderne de ce proms qu prend,an rele geacrele, part pour le sedenae, Il sedate ct Ene de tancen ‘monde, fame fae te gente magia la nonchalance Fmpulsivts fe promptade la vengeae et enfs'un toprit decomps Imaal vn Fouvent entra fa taince et le vcloppeoent en Spat tavonal"s, Ge genre de waits west pas partculet aun Nomen seas ei Cat wrt que le mot gl designe le republique soe: ter estas ta lat Sarateshique pour noite prop, signe, par ev Tiourdey, det rigands weve awentuert oi we errant a favorable 3 Pew etgoreu! pardeularame, en tout oa, vane doute 4 ln conpiration du tradlonalatar avec invasabilte Gu Sontotie nature), i et tl quil nese face que sow ln prenon de force aur pulses pout fore a modes Parieletaent, ox coment erence dun pouvar fr atratiee dla grande ile Er cesainl que sue toute es bordure deeiques du Moyen Oren, Ins fuctations du numacume tadusent is phases de enforcement ou Palla bimerent du powolr cena ‘ne le facet technique onmpire avec le fciurpolique ct avec le plac const ds tes cenoruen, 2 toutes ey condivons ger Teun four sttirorer Ie eyatsme nomad. Lefondrement du pouolr ottoman, pecdant in premiice guare mondial ct le parage ou Moyer Ora, notamment du? Graomitfertle en tats elimi et sabnan, cca par oh Flimpact de Teconomie’ secidenale “tout cela cmprometat aus ben Ia tmoblite que ative beliquease cle le cegsomigue de re, Leste lon du tansport automobile, dant cera cs dune rapt de dope fement acres ls inclinat 4 Yabsentéhmne, pendant que le pita dome h Frgrcultere aplasitleige, al Ton peu dv, da troupeny verve chap et dele tens ver la maison Dan ut) mauveinen a len des ors Ge trsniioa, Bt ce mouvement ne alten Pesce) que smobrncr, dant ie region du moyen Buprate par exemple, une tansrmadon comtenece , le refoulement des Tavy et des Rwalla vers le nord et le nord-est avait implanté les Agaydat sur le moyen Euphrate. Dans angle de terres compris entre ce fleive et son affluent, le Balik, les « mou- tonniers » ow Chawaya devenaient de plus en plus décidément agriculteurs, La Djezirch recuellait toutes sortes éléments disparate, iss des convul= sions «une histoire violente. Et, juste avant la seconde guerre mondiale, uune gamme étendue de cas de sédentarisation s'oflrait ainsi observa. ‘Un autre facteur de transformation résidait dans lappel des grands travaux : ‘construction de voies ferrées — comme celle qui traverse le Sinai, ou celle qui relie la valiée du Nit A la mer Rouge, ow encore comme la ligne de Médine — creutement du canal de Suez. En Afrique da Nord, lintensfication du trafic ndereavonle dur rier 295, Sut! cur pia fa bnew ces sagpl tice a Rete lianas Le Mane wan Rope 3 eae Shade ocr tus a 52 portusire, de Pexploitation minitre (comme a Kenadsa ou Bow Arf), enfin, Et surtout de nor jours, Pappel des champs pétrolieres, sui bien sur fe pour tour du golfe Perique quia Sabra, ont fait sortr, par dizanes de ml des Nomades du cycle anteicur, pour en faire des cuvrier, peu pew fixes 'proximité de Teur lieu de traval. La mutation humaine txt ii rappante, parce quil n'y a pas simplement, comme dans les cas préoédenis, éehange ent feux typer traditionnels — 'eveur se transformant en agrieultear =~ rmals Siccaxion d'individes & des modes de groupement, de vie etde mentalié aust étrangers a cadre original que soumis au jew d'infuences excédant large iment ia zone consideree, Cat la révolution industrielle, sous ses formes les plis explosives, qui agit maintenant directement sur les habitants da Usert Ti ne faudrait portant pas soutestimer une autre forme de mutation qui, pour rester sar Ie plan agricole, nen comporte par moins, en puissance, Ie Inéme passage de Fextenaif & Vintensif et du monde patriareal & cela de Ia quantile, Les grands travaue hydrauliques, épassant Inisiative individuele, Proctdene presque toujours dune initative étatique + tlle Pirsigation de Ia Walle du Ni, quan systime d'emmagasinage et de canalisation a progresi= vement en Egypte, depuis un pew plus dun demisitele, afranchie des tervi- tides de Tinondation periodigue. Liagrculture iriguée sortait ainsi Pun systime passivement lie aux caprices du fleuve, pour devenir scientifique, olontaire e, avant la lettre, planifie. C'étai, pour le fella, une promotion 4 pac vers Tavenit, Et la promotion sera’ plus violene encore lorsqil agira de transformer des Geveurs en hydraulciens, Le centre de grave Economique de nombremes populations du Moyen-Orient a done commence Ste deplacer de Télevage archaique ver Ia culture modernise. Et cette pros Tuotion west accompagnée de transformations prychologiques ct sociale uc Tron devine plutit quo ne lx analyse, mais dnt on mesure Fincidence color sale élan qui porte actullement tous le gouvernements orients a Tealisaton de projets tels que ceux du haut bartage du Nil ou de Prrgation des plaines de PEuphrate et du Tigre. Str tin plan économiquement ples modeste, parce quvimpliquant une grande dispersion géographique et une relative pénurie de moyens modernes, fe situe Tteuvre hydeaulque du rot “Abd ‘al Aziz al Saud, qui singeniaie ¥ sxer des groupes compacts de ss partians Binds dans des territoies ecu pérés sur le daere, Cette opération, dite ira, pr allsion sans oute& Vintal- favion dx Prophéte & Médine, conatieue xn aspect imprévw =~ mats combien captivant — de leuvre de cette monarchie qurune vue romantique un pet rapide conidérerait comme eitentiellement lige au bédowinime, ‘Tout su Contraie, est une reaction contre la. vie bédouine, traditionnellement ‘entachée iréligion ou daviite, qu a engage leveverewahabite av policer ‘4s ens étymologique dit terme ~~ e'estadire, toutes proportions werdées,& ser — le plus posible de ses adepies. Outre les objecis de elite politique ex amelioration économique qu'il vsait ing, il avait en vue Finsturation d'un aystme de vie plur propice 3 la mise en régle rituelle ct Ala préservaion une authentic ‘A Vopposite de tels desseins, par le contenu, mais se proposant également @innover une structure économique en fonction d'une idéologic, se situe Vexpétience soviétique en Asie centrale. Le pouvoir politique a’ entrepris concurremment Ia socialisation et la sédentarisation des nomades. Le livre de 313 Kachkarov et Koroskine , classique en Ia matiére, repose sur une information atant des années 1927 & 1990. Il ne s'agit done que des tout premiers débuts une action qui allait se réveler des plus insistantes. Ses effets colossaux ont, pour Pune a moins des républiques transcaucasiennes, alimenté, en pour ‘out en contre, des controverses qui ne nous intéressent pas ici soit, Panalyse des chercheurssoviétiques avait, dés le début, dstingueé le point faible du complexe nomadique : Ia faiblesse du lien unissant Vhomme au rilieu, L'levaye extensf, soumis aux hasards de 'errance, de la pluviométrie, du eroit biologique et méme de la violence, exposait constamment la teibu Ala menace dit djou! (Epizootie massive), en cas de pénutic de piturage. “Toutes sortes de techniques ont ds lors été expésimentées «pourmieux tromper le désere » + traitements pédologiques, introduction de variétés nouvelles, mutation délibérée des complexes exisiant entre plantes et animaux et, de proche en proche, entre le milieu et homme. De fagon trés attendue, ces variations technologiques, d'une part, soc économique, d'autre part, ont entrainé un changement de plus en plus radical des morphologies humaines. La formation du clan, autrefois dominante, a fait place la famille conjugale qui, malgré certaines survivances du type ancien, saligne de plus en plus sur ia modernité *, La sédentarisation avec Alevage intensif, stabulation, cultures systématiques de fourrages, Pemporte dans Poption sovigtique® sur un nomadiame auquel on imputait les disgraces ddu passé et du présent, et aussi, dans une certaine mesure, résisiances et Aéviations, CPest le Kazakstan qui, avec ses populations Kirghiz et kazak, constitué le prineipal champ d'action. Les immenses perturbations qui sen sont suivies dans l'économie traditionnelie, quant a Vinnportance du cheptel et a Vefctif méme des popelations, sont largement contrebalancées, atx yeux des auteurs soviiques, par les progrés considérables accomplis par cette république, autrefoisarrérét, dans d'autres domaines : production, industriali- sation, instruction. On trouvera ci-dessous Vexpesé de ces progrés Sur un plan naturellement moins ample, et avec des objectify moins radi- ‘eaux, d'autres eforts sont accomplis, & différents endroits de la zone déser- tique, pour sédentariser les nomades. On pourrait citer les efforts déployes dans le Sud algérien pour augmenter les ressources hydrauliques (vallée ‘du Guir), Vexpérience irakienne de Dujayla, qui s'accompagne des méthodiques d'édueation de base, les réalisations égyptiennes sur lesquelles Je n’insnte pas (on trouvera ci-dessous Vexposé pertinent parle D¥ Abou Zeid), Ja transformation trés avancée de la Djezirh syrienne en grenier & ble, etc En Tran, le régime de Reza Shah (:926-1941) s'est efforeé d'accentucr la sédentarisation des Qashaai et des Khamsé, dda commeneée depuis la fin ddu xax* sigcle, Depuis 1950, les Baseri achétent des terres, quils font cultiver ppar des paysans. La dissociation entre une propriété domaniale ou seigneu- fale que représente sur place le Kad-Khodd ct Vusulruit semble encore étre ta rege dans certains villages du Fars et fourit mate au mouvement de xéformiame agraire. Dans tous ces cas, si disemblables que soient le contexte politique et humain, 2 Kite i anna igs CN mde ti 939 2 EY SaceSaouow «Bt ot mee etry de egos eo emariesde FURS, ‘een jam apo pasta an wit, ot les moyens employés, les succés ou les insuccés rencontrés, il est bien clair que la sédentarisation des nomades, qui constitue, d'une part, leur réaction spontanée aux contagions de Ia civilisation moderne, représente, d'autre part, pour plusicurs des gouverncments intéressés, un objectif d’autant plus stimu Tant qu'il apparait, aux yeux de beaucoup, inévitable autant que souhaitable. Conforme au sens de Whistoire, il apparait, de sureroit, nécessaire Vinté- ration de pays récemment émancipés, oit les diversités de murs, nulle part plus prononeées que dans le eas extréme des nomades et des montagnards, font considérées comme ayant alimenté des politiques hostiles & Punification morale da pays. Le sort des nomades en tant que tes, déja compromis par Mévolution des choses et, plus encore, de nos jours, par une action systématique, est-il done désespérd et analyse confirme-tlle le verdict que, devant tant de faits onver- gents, opinion générale parait bien en passe de prononcer contre eux ? PEnspgonves Et oPTONS, La gamme déja considérable d’expériences tant spontanées que dirigées, tant naturelles quartifccles, qu'il est maintenant possible dallégucr dans une étude sur lévolution du nomadisme, nous permet-elle de déegager, sur des bases suffsamment fermes, des conchsions quant & l'avenir probable, dune part souhaitable, d'aute part (car il n'y a'pas forcement coincidence entre es deux points de vue), des nomades ? Tee type nows ext sufisamment conn par Ia ittératare ethnologique dont il a ad Pun des suets prvilgics depuis pris d'un siecle : Maures, Toubou, ‘Touareg, Arabes nomades du Maghreb et du Moyen-Orient,nomades iat niens, populations centrasiatiques enfin, nous disposons sor ce type de vie teaditionnelle et, quelques égards,réiduele, ine documentation impor tante, Cellei reste touteois plus descriptive qu’analytique, Sur le paradone sthnographique que represent, semble, In coutume ds mariage peti Fentiel entre cousins agnatiques, now en sommes réduite 4 la conjectare. Nous ‘oyons mal e lien entre Cancien et le nea a moment ol une sorité nomad passe A Phistoriite, ob elle abandonne une conception cyclique et une pra- fique conserestice pour tendre vers des techniques nouvelle et concevoir time durée cumalative, en quelque sorte, ested qui ait ua sens, jugé bon fou mauvais, Ge passage eital Walleurs posible en dehors de la sédentaie Sation? Il faut bien dire que. nous nfavons lidesns gure de documents posits, sur quoi fonder une réponse. Des chroniques emanant de groupes fRomades ont Et chet Ia découverte et tadites; elles présentent, sans doute, pour notre propos autant d'ntéret que ls inventairey si preciex @alleus, fe coutumes ef de littérature folkloriques. Elles illstent, en effet parm témoignage du dedans, une realité ou seulement une capacte ROR LOSeTRSy EGS pt tio wna Da J Got, Sal arc nd svt AnvUs INTERNATIONALE DEE serzNcED socrALeE phique récemment publié par le Ministére du développement}, 5 000 des Bédouins qui vivent dans la région considérée seraient installés dans trois villages, de 1 500 & 2 009 habitants chacun. Or Teffectif moyen d’une triba ‘est legerement inféricur 4 cot chiffres; et, bien que l'expérience ait montré ‘que plusieurs clans peuvent vivre assez paisiblement dans un méme village, ‘on peut se demander s'il est possible — ou souhaitable — de réunir dans un méme village nouveau des éléments de plus d'une tribu. ‘Quai qu'il en soit, il arrive maintenant en Tsraél qu'une famille bédouine rmanifeste le désir de se construire une maison, I est donc devenu urgent de planifier en détail Porganisation agricole et sociale des villages ot les Bédouins sont appelés & s'établir; car e'est seulement ainsi que Yon pourra donner des Conseils judiciews & ceux qui voudraient deja se fixer. Il est évident que cette che ne pourra étre menée A bien que suivant des plans la fois vastes et précis de développement économique et de répartition démographique. Les Autorités ieraéliennes competentes soccupent d'éaborer de tels plans et accor- dent attention voulue aux besoins des populations bédouines et au probléme de leur sédentarisation. rors no nbvevrrewen conouaon+ Total Kowa tah webu baer hte, Than Rowe LA SEDENTARISATION DES NOMADES DANS LE DESERT OCCIDENTAL D’iGYPTE par A.M, Agou Zen (On sintérese beaucoup, depuis quelques années, ant en Pgypte qu’ P'érane fgg, question de Ia denarii des omadey du Wert Occidental 1e. Divers organises (comme (asitue du desert, au Caiee, et les puements de soaogie et danthropsagie stale des univers tay ticnnes) ct certains départements ministérels (comme celui de Vierigation ddu désert, qui fait partie du Ministére des travaux publics) ont associé leurs ‘efforts pour eudier la situation économique et sociale des tus semi-nomades tla possbilité de remplacer par de nouvelles communautés agricotessélen- aires les groupes nomades et semi-nomades actuels dont Iéeonomie ext fondée sur P'levage, notamment celui dw mouton. Nous voudsions examiner britvement, dans le présent article, les principaux projet de sédentarisation quenvisagent les autoriés égyptiennes, les modifications que ces projets semblent devoie apporter & la vie économique et aux modes dexistence dee populations interests, et les répercusions quis pourront fnalement avoit ar toute la structure sociale des tribus seminomades, ‘Sans que cet projets y soient pour rien, on observe cher ees populations ‘notamment parmi a jeune génération, une tendance de plus en plus nette & fbandonner le mode de vie traditionnel pour une existence sédentaire. L'évo- lution des conditions sociales a genéralement pour effet de renforcer cctte tendance, Llextréme dureté ot insgeurté de la vie nomad, enti¢rement la ‘merci des pluies, et la multiplicacion des contacts sociaux et culturels vee les populations urbaines du Delta sont les causes principales de cette évolution fociale; elles contribuent a enforcer une tendance apparemment naturelle ‘ct spontanée 4 la sédentarisation. Ainsi une grave sécheresse —~ phénoméne frequent dans le désert occidental — qui aflame et fait pérr une grande partie ddu cheptel, pousse les hommes & chercher un moyen denistence plus stable ecphw sir que le nomadisme. De méme, Porvanisation d'un enseignement ‘moderne et Pouverture d'écoles dans les'prineipaux villages ont beaveoup ontribué & modifier Métat d'esprit des populations, en dépréciant les valeurs traditionnelles de la civilisation nomade. La construction d'une voie ferrée et Tfamélioration des autzes moyens de transport et de communication ont favor rs le relations avec le Delta, notamment avec Alexandrie, Auwi le nombre des jeunes gens qu! émigrent dans cevte vile pour y trouver un emplol rému éré s'accrotil d'année en année, En méme temps, les échanges commercaiix avec le Delta se muldiplient. De nombreux centres commerciaix (comme ELffammam, ElDaba's et Marsa Matrouh) sont apparus le Tong de la vole ferrée, aux gates principales; le plus important est peuttre El-Hammam, le plus grand marché 4 bestiaux du. désert Occidental. Der « indigenes » ont Duvert de petits magasins d'alimentation, cafés et restaurants dans ces centres, 573 ainsi que dans les bourgades et les villes, notamment A Marsa Matrouh, sid ge des autorits locales. La seconde guerre mondiale a accéléré cette evolution: sociale, Les hommes qui ont été employés comme manceuvres pat les différentes armées combattantes se sont habitués & avoir un emploi rémunéré et touches ine ~~ chowes qui leur étaient autrefois pratiquement inconawes, Aki fin des hostilités, il leur a été difficile de retourner & leur ancienne vie nomade privations et A son inséeurité. Certains ont pif émigrer dans le Delta; les autres ont décidé de se fixer dans les villages et dans les villes du désert, pour y travailler comme domestiques ou comme mance- vvres, ow pour entrer au service de Padministration locale, dans les écoles, les hopitaux, etc. La plupart des jeunes hommes préferent aujourd hui saivre leur ‘exemple, si bien que la vie sédentaire ne cewe de gagner da terrain aux dépens ‘dus nomadisme pastoral ‘Cependant, quel que soit leur réle dans le processus de sédentarisation des nomades, cet facteurs sortent des limites de la présente étude. Nous nous ‘occuperons seulement ici des plans et programmes qui visent directement 2 fixer les tribys nomades et semi-nomades. Mais nous donnerons auparavant tun bref apergu du pays. Le lecteur pourra ainsi se faire une idée precise du cadre général et situer les projets dans leur contexte — ensemble de la vie sociale; il sera mieux & méme de saisir la raison d'etre des divers projets et 'apprécier les répercussions qu’ils pourront avoir sur la situation sociale. I _Les géographes divsent généralement le désert Occidental en trois grandes régions, dant chacune a ses caractére propre: au nord, une bande de terres Fétend le long dela ote, sur goo kilometres, de Pouestd’Alexandrie a fon tiére egypto-hbyenne; cette région, appelée Dera Bahari, comprend surtout des terres cultivéesfertls; ea Iangeur, qui ext de 20 & go kilometres, diminue progrestivement vers louest, au point de devenir presque nulle a’ Solloum, pres de la feontie; 8) au sud de cette bande cdtiere verdoyante tend un haut plateau ereusé d’un certain nombre de dépressions, dont la plus impor- tante est la dépresion de Katara; e) la teosigme région — Ia plus me hale ~~ est un vrai désert aride, Ea zone littoral ext la seule qui soit vraiment habtée et cultivés les posi bis de culture cant presque alles alles, Crest autour de tet points eau et de ses puits art&iens que se rassemblent, au cours de Ia saison séche, tes tibus et les groupes de pasteury dispersés des régions méridionales, of Peau devient ues rare ‘Dans le nord et le long de Ia ce, le climat est mé it est du type subtropieal sec. La saizon stche est dordinaire és chaude, son ‘caractére torre saccenttant vers le sui; la saison mide, qui dure génerale- nent de novembre A mars, est douce, notamment dans le nord. Les préipitac ms sont tte capriciewes, elles varient beaucoup d'une année A Pautre e ‘Pun Hew & Vautre. Dans Pensembl, it pleut davantage dans le nord que dans Je id, od les ples sont tés ares. La'pluie peut surveni ers brusquement; elle provoque alors des crues torrenteles qui eraportent les habitation, es colts et les betes. Cela ext partculitrement frequent dans la région de Sollourn. Diaprés le recensement de 1947 i y avait dans le désere Occidental 68.16) Aedovins, dont 23 444 seulement — soit moins dela moité — vivaient princi palement de Télevages Ie reste de la population sadonnait A diverss autres 374 ‘occupations, comme agriculture, la péche, la taille des pierres, le com- merce, etc.; quelle que soit, cependant, sa principale activité le Bédouin pos- Stde généralement tn certain nombre de moutons, qu'il confie Aun berger professionnel, sil n'a pas le temps de s'en oceuper lui-méme. Il s'ensuit que Toute la population vintérewe directement a Pelevage. Le cheptel — cest- Jes moutons — constitue la forme de richesse principale et la plus appré tige ; Jes valeurs pastorales comptent done encore pour beaucoup, malgré attrait évident qu'exercent d'autres formes dactvité. En revanche, le noma- disme pur nest plus guére pratiqué que dans lectréme sud du pays, par ‘quelques petits groupes d’éleveurs de chameaux. Dans leur immense majorité, les eleveurs sont dane des éleveurs de moutons, dont les mouvements ant beaucoup moins d’amplitude que ceux des vrais nomades. Is ont des liewx de résidence permanents, oi il se retirent lorsque a saison du pacage est finie ct ot ils pratiquent Fagriculture, quills considérent comme une occupation secondaire et complémentaire. Ta plupart des habitants du désert Occidental appartiennent aux tribus des Aoulad Ali, qui vinrent autrefois de Libye. Certaines tribus moins impor- tantes et moins nombrewses, comme celles de Morabitines, vivent en « cients » Ges puissants Aoulad Ali, La répartition des terres correspond, dans une cet taine mesure, aux subdivisions tibales, les piturages et les bonnes terres arables de la bande septentrionale étant répartis de fagon trés précise entre les tribus et les lignages. Un homme ne peut utiliser un piturage ni, & plus forte raison, cultiver une terre que Ton sait appartenir 4 tune auwre tribu que la Slenne, ou A un autre lignage, sauf sous certaines conditions, et seulement aprés avoir obtenu la permission des propriétaires. Cela ne signifi toutefois ‘pas que les tribus et les Hignages soient localisés, Car, malgré la tendance natu- elle des gens apparentés & se grouper et A vivre les uns auprés des autres, Tes membres d'une méme fraction de twibu peuvent étre tréx dispersés; en revanche, les habitants d’um méme liew, surtout prés de la cOte, appartiennent sgénéralement & différentes tribus. Tl arrive méanmoins qu'en’ un méme lies lune tribu soit plus fortement représentée que toutes les autres. Naturellement, le probléme de Peau est le plus important de tous ceux qui se posent A la population. L’absence d'eau superficiell, la brieveté de la saison hhumide, la faiblesse des précipitations et la pauvreté des ressources souterraines dans la majeure partic du désert, mais surtout & T'intérieur, imposent des Timites rigoureuses aux activités humaines. Si lon excepte les quelques puits artésiens de la région litorale du nord, la popalation ne dispose guére que de ‘des pluies, sur lequelles on ne peut pas compter, & cause de leur irrégue 'Bn outre, une urande partie de Peau de pluie se perd par infiltration dans le sable et par évaporation, La situation est encore aggravée par le fait ‘que les puits producti ne donnent pas tous de l'eau potable, ni méme utili- sable pour Virrigation des cultures, L'eau de nombreux puits artésiens contient fen effet en distolution un pourcentage élevé de sels et ne peut servir qu'aux besoins domestiques. Certaines expériences se poursuivent actuellement a Ras-el-Hikma et a Fouka, pour déterminer si cctte cau saline pourrait servir a Srriguer les paturages. ‘Les deux principales occupations complémentaires — esta-dire Pélevage cot la culture de Vorge — soufirent gravement de cette pénurie d'eau. La largeur de la bande de terre arable paralléle i la cate varie selon les lieux et @une année & l'autre, suivant Pimportance des prévipitations. Les bonnes lannées, elle peut atteindre de to & 20 kilometres; mais les mauvaises années, 375

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