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les exigences et le style. Elle n'est cependant pas facile & mettre en qeuvre, Avant d’aller plus loin, il me parait nécessaire de réfléchir au statut de cette difficulté, qui est 4 vrai dire une difficulté & produire de l'expression. Nous savons, de I’aveu méme de Husserl, que la phénoménolo- sie est une discipline « descriptive ». Sans doute voulait-il par 18 distinguer 1a teneur des connaissances que peut engendrer 1a phénoménologie de celles des « sciences exactes », dont les canons de rigueur sont strictement défi- nis, et les énoneés ~ en droit, du moins ~ universellement \érifinbles selon ces canons. Par exemple, on pourrait ici se rappeler V' invitation de Leibniz : «calculemus » (« caleulons »). Oui, et nous verrons bien si au bout des opérations nous. sommes toujours d’accord. S'il y a désaccord, c’est que un de nous, et peut-étre chacun de nous, aura commis quelque négligence dans lusage des régles, ou en aura introduit subrepticement d’autres qui ne conviennent pas au cas considéré, Or, dans la discipline phénoménolo- eique, il ne saurait étre question de « calculer». J’avoue ‘cependant n’avoir jamais été persuadé du caractére radical de Ia distinction proposée par Husserl entre (pour faire bref) rigueur « phénoménologique » et rigueur « mathéma- tique ». Par ailleurs, je ne suis pas certain qu’il l’ait enue lui-méme pour absolument radicale. Il arive parfois que Jes mots lui manquent dans la langue naturelle pour expri- ‘mer les connexions intentionnelles que lui propose le ‘champ qu'il explique. C’est alors, sinon les concepts, du moins le langage élaboré par la pratique des mathéma- tiques qui lui offre les modes d’expression qu’il imagine cconvenir (voir la fagon dont il a enrichi et compliqué les diagrammes propres a représenter la constitution de la «conscience intime du temps »). Je dois méme dire davantage : il me semble, selon I'ex- M44 [La PEAU DES MOTs périence que j’ai pu acquérir des démarches husserliennes, ‘que jamais il n'a renoncé dans son travail proprement phé nomiénologique & Vidéal d’intelligibilité qui anime le tra. vail de la raison mathématique. A tel point ~ si l'on se fie aux conversations de Husserl et de ses collaborateurs les plus proches rapportées par Dorion Caims ~ que, pour lui, acces au « transcendantal » exige de la part du phénomé. nologue une posture de mathématicien : « Il faut lire les ‘Méditations cartésiennes comme on lirait un texte de ‘mathématique. » Etil ajoutait méme que « la phénoméno- logie devrait éte plus rigoureuse que les mathématiques » Cela, il Ia déclaré a ses collaborateurs au moment ob s'est posée la question de remanier et d'enrichir le texte de 1927 qu'il considérait comme I’annonce de son Hauprwerk, son travail fondamental. Sauf que les Méditations cartésiennes ne sont pas un texte de mathématique ~ ou, en tout cas, ne peuvent pas éire considérées comme tel au premier chef. Bien sir Et, quel que soit le degré de généralité qu’on lui accorde, il est douteux que l'on puisse construire un sys- ‘téme formel ~disons, pour faire simple, un « analogue » du calcul des prédicats du premier ordre — & partir duquel on pourrait poser d'une manitre sensée la question de la «

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