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Bruxelles, le 17 Avril 2020

Concerne : lutte contre le Covid-19 et développement de solutions technologiques de « tracking »


– les droits humains ne doivent pas devenir des victimes collatérales

Madame la Première Ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Il paraît évident, suite à la déclaration gouvernementale de ce 15 avril 2020 et à la feuille de route


européenne proposée pour encadrer la levée des mesures de confinement liées au Covid-19, que les
Etats européens, dont la Belgique, se préparent à avoir recours à des solutions technologiques dites
de « tracking » pour traiter la crise actuelle.

Engagés dans une démarche constructive, étant étendu que nous faisons face à une situation
exceptionnelle, nous sommes néanmoins convaincus de la nécessité de gérer la crise dans le respect
des droits humains fondamentaux. A cet égard, nous, Fédération internationale des droits humains,
Ligue des droits humains et Liga voor Mensenrechten, souhaitons pointer le caractère a priori excessif
et prématuré des projets de « tracking » visiblement à l’étude, au vu de l’état de la situation à l’heure
actuelle et des éléments dont nous disposons.

En effet, préalablement au recours à ces dispositifs attentatoires aux droits fondamentaux des
individus, l’ensemble des autres moyens de sortie de crise doivent être étudiés, détaillés, publiés et
clairement privilégiés. Il ne nous semble pas que cela soit le cas.

Si toutefois l’idée de recourir à ce type de moyens était arrêtée, préalablement à toute mise en œuvre,
nous souhaitons

• solliciter la constitution d’un groupe pluridisciplinaire d’expert.e.s,


• attirer l’attention du gouvernement sur certains principes fondamentaux
• et appeler à la réalisation d’une phase test, si le recours à des mesures de traçage ou de
surveillance devait être sérieusement envisagées.

Il s’avère en effet que l’expérience acquise depuis quelque mois dans d’autres Etats1 est de nature à
offrir quelques enseignements sur les conséquences néfastes qu’on déjà pu avoir un recours précipité
aux technologies de surveillances et de pistage. Ainsi,

• En Israël, l’élargissement des mesures d’exception préexistantes et le manque de précautions


sont dénoncés. On rapporte que ce sont les mesures établies à des fins particulières, telle la
lutte contre le terrorisme, qui sont aujourd’hui utilisées à d’autres fins2. En outre, et pour ce

1
Pour un apercu de celles-ci: Top10vpn; Covid-19 Digital Rights Tracker, https://www.top10vpn.com/news/surveillance/covid-
19-digital-rights-tracker/
2
Israel to use geolocation and ‘counter-terrorism’ surveillance to track coronavirus patients, 15 Mars 2020,
https://mondoweiss.net/2020/03/israel-to-use-geolocation-and-counter-terrorism-surveillance-to-track-coronavirus-patients/
• faire, il est fait appel à des entreprises réputées pour leurs violations des droits
fondamentaux3.
• Les doutes quant à la proportionnalité entourant les mesures prises, ainsi que les rapports
quant au manque de transparence ou aux dérives autoritaires nous reviennent de Chine,
d’Equateur, de Taiwan, de Colombie, etc4.
• En Corée du Sud, le défaut de précaution a conduit à mettre en danger la population et à
susciter des comportements de stigmatisation et de discrimination5.
• Dans un autre contexte épidémiologique, au Libéria, le manque d’analyse et de connaissance
du virus et de ses modalités de propagation, de même que le peu d’analyse du cadre légal et
logistique ont conduit à l’échec grave des mesures entreprises6.

Ainsi, de circonstances exceptionnelles en circonstances exceptionnelles, il est un risque non


négligeable de s’inscrire progressivement et durablement dans un modèle social non désiré. En outre
de nombreux impacts sont possibles, et doivent être en conséquence anticipés et examinés.

Dans ce contexte, les recommandations se multiplient7 et la société civile du monde entier appelle à
la prudence et à la réflexion. Les doutes sont en effet pléthore quand à la nécessité et l’efficacité des
mesures de traçage et de surveillance proposées, tandis que la possibilité d’impacts disproportionnés
sur les droits fondamentaux est dénoncée8. Tant l’application ou la technologie utilisée que l’usage

3
Mass Surveillance in Age of Covid 19: Israel and the Occupied Palestinian Territory, Mars 25
https://www.cambridge.org/core/blog/2020/03/25/mass-surveillance-in-the-age-of-covid-19-israel-and-the-occupied-palestinian-
territory/
4
In Coronavirus Fight, China Gives Citizens a Color Code, With Red Flags,
https://www.nytimes.com/2020/03/01/business/china-coronavirus-surveillance.html ; Access Now, Recommendations on
privacy and data protection in the fight against COVID-19, Mars 2020,
https://www.accessnow.org/cms/assets/uploads/2020/03/Access-Now-recommendations-on-Covid-and-data-protection-and-
privacy.pdf#h.gffujbnki8na Derechos Digitales, Civil society from Latin America and the Caribbean demands to respect human
rights when governments deploy digital technologies to fight against COVID-19, 19 mars 2020,
https://www.derechosdigitales.org/14301/civil-society-from-latin-america-and-the-caribbean-demands-to-respect-human-rights-
when-governments-deploy-digital-technologies-to-fight-against-covid-19/
5
'More scary than coronavirus': South Korea's health alerts expose private lives, 6 Mars 2020,
https://www.theguardian.com/world/2020/mar/06/more-scary-than-coronavirus-south-koreas-health-alerts-expose-private-lives
South Korea is reporting intimate details of COVID-19 cases: has it helped?, 18 Mars 2020,
https://www.nature.com/articles/d41586-020-00740-y ; Access Now, Recommendations on privacy and data protection in the
fight against COVID-19, Mars 2020, https://www.accessnow.org/cms/assets/uploads/2020/03/Access-Now-recommendations-
on-Covid-and-data-protection-and-privacy.pdf#h.gffujbnki8na
6
https://cis-india.org/papers/ebola-a-big-data-disaster
7
European Union, Joint European Roadmap towards lifting COVID-19 containment measures, 15 March 2020
https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/communication_-
_a_european_roadmap_to_lifting_coronavirus_containment_measures_0.pdf Recommendation of 8 April 2020 on a common
Union toolbox for the use of technology and data to combat and exit from the COVID-19 crisis, in particular concerning mobile
applications and the use of anonymised mobility data(C(2020) 2296 final); ; European Data Protection Supervisor, The EDPS
quick-guide to necessity and proportionality, https://edps.europa.eu/sites/edp/files/publication/20-01-
28_edps_quickguide_en.pdf ; European Data Protection Supervisor, letter to the European Commission, monitoring spread of
Covid-19, https://edps.europa.eu/sites/edp/files/publication/20-03-25_edps_comments_concerning_covid-
19_monitoring_of_spread_en.pdf ; Hogan Lovells, Receuil des différentes positions et recommendations émises par les autorité
nationales de protection des données dans les différents Etats membres de l’Union européenne, 16 Mars 2020
https://www.hldataprotection.com/files/2020/03/Coronavirus-and-Data-Protection-Guidance-by-DPAs-Hogan-Lovells-1.pdf ;
Rapporteurs sépciaux de l’ONU, COVID-19: Les États ne devraient pas abuser des mesures d'urgence pour supprimer les
droits de l'homme, 16 Mars 2020,
https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25668&LangID=Ehttps://www.ohchr.org/EN/NewsEv
ents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25722&LangID=E ; Haut commissaire aux droits de l’homme, Coronavirus: les droits
humains doivent être au premier plan des réponses, déclare Bachelet, 6 Mars 2020 ; Déclaration conjointe sur le droit à la
protection de données dans le contexte de la pandémie à COVID-19 par Alessandra Pierucci, Présidente du Comité de la
Convention 108 et Jean-Philippe Walter, Commissaire à la protection des données du Conseil de l’Europe, 30 Mars 2020,
https://www.coe.int/fr/web/data-protection/statement-by-alessandra-pierucci-and-jean-philippe-walter; European Data Protection
Board, Statement by the EDPB Chair on the processing of personal data in the context of the COVID-19 outbreak, 16 Mars
2020, https://edpb.europa.eu/news/news/2020/statement-edpb-chair-processing-personal-data-context-covid-19-outbreak_nl ;
8
La quadrature du Net, Nos arguments pour rejeter le StopCOVID, 14 Avril 2020, https://www.laquadrature.net/2020/04/14/nos-
arguments-pour-rejeter-stopcovid/ KUL individuals, Contact tracing tools for pandemics, Factors that should shape the
decision-making to deploy contact tracing apps for pandemic containment measures, https://rega.kuleuven.be/if/tracing-tools-
for-pandemics Factors that should shape the decision-making to deploy contact tracing apps for pandemic containment
qui en est fait et la stratégie sanitaire globale dans laquelle elle s’inscrit doivent respecter et protéger
les droits humains.

Les études réalisées, recommandations et arguments avancés doivent en conséquence être


soigneusement pris en considération. Parmi ceux-ci figurent :

Légalité, nécessité, proportionnalité et non-discrimination

Les mesures doivent respecter les droits fondamentaux. Elles doivent être coulée dans une loi, doivent
être nécessaires et proportionnées. Des voies de recours doivent être assurées.

En soumettant les individus à un suivi constant et ininterrompu et, le cas échéant permettant son
identification, les technologies de surveillance ont nécessairement un impact tant sur la vie privée que
sur le bien être et le comportement général des individus. L’impact potentiel sur les droits et libertés
peut être important. L’examen de la nécessité et de la proportionnalité doit en conséquence s’opérer
tant au regard des principes de protection de la vie privée qu’au regard des autres droits fondamentaux
(les libertés d'association, de réunion, de pensée et d’expression, le droit à la sécurité, le droit à la
santé et le droit à la non-discrimination).

L’objectif poursuivi (la ou les raison(s) concrète(s) pour lesquelles l’application est proposée) doit être
clairement défini et s’inscrire comme l’un seulement des éléments essentiels d’une stratégie globale
de sortie de crise, qui doit être complète et cohérente. Il s’agit de s’assurer que la mesure est
nécessaire, un élément essentiel d’une stratégie de lutte contre la mortalité. La mesure de traçage doit
être plus efficace que tout autre moyen qui serait pourtant moins invasif et également susceptible de
contribuer à contingenter le taux de morbidité. S’il existe d’autres procédés, même non
technologiques, pour atteindre des résultats similaires, les procédés moins invasifs doivent
nécessairement être préférés. Des solutions moins invasives doivent ainsi nécessairement être
proposées, étudiées, analysées, discutées (recrutements pour procéder aux enquêtes relatives aux
historiques de contacts, par exemple). L’ampleur des données partagées ou recueillies ne peuvent
dépasser les mesures liées au seul COVID9. La mesure doit être clairement limitée dans le temps, les
critères préétablis et la nécessité de son maintien doit faire l’objet d’un ré-examen régulier. Selon le
type de traçage (géolocalisation, bluetooth, etc.) et les méthodes d’alerte (alerte contact en temps
réel, historique de contact en cas d’infection avérée, etc.), les implications sont différentes, tant en
termes d’efficacité ou de potentiel s’agissant de traiter la congestion hospitalière et le taux de
morbidité, qu’en termes d’impacts potentiels sur les droits humains.

De nombreux paramètres devront être pris en compte, qu’ils soient ou non liés à la technologie
(disponibilité des tests, contamination asymptomatique, contamination sans contacts interpersonnels

measures; Liga vor Menserechten, Een app in de strijd tegen corona? Alleen met respect voor privacy, 05 Avril 2020,
https://mensenrechten.be/nieuwsberichten/een-app-in-de-strijd-tegen-corona-alleen-met-respect-voor-privacy; CEPS, Will
privacy be one of the victims of COVID-19?, 23 Mars 2020, https://www.ceps.eu/will-privacy-be-one-of-the-victims-of-covid-19/;
aux pays bas : http://allai.nl/wp-content/uploads/2020/04/Online-versie-Brief-Minister-President-Rutte-Ministers-De-Jonge-Van-
Rijn-Grapperhaus-de-heer-Sijbesma-inzake-COVID-19-tracking-en-tracing-en-gezondheidsapps.pdf; Déclaration conjointe de la
société civileLe recours aux technologies de surveillance numérique pour combattre la pandémie doit se faire dans le
respectdes droits humains, 2 Avril 2020 https://www.amnesty.org/download/Documents/POL3020812020FRENCH.pdf ;
CREDOF, L’utilisation des données personnelles dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, un risque pour les
droits et libertés ? Avril 2020, https://journals.openedition.org/revdh/9059 EDRI, EDRi calls for fundamental rights-based
responses to COVID-19, 20 Mars 2020 https://edri.org/covid19-edri-coronavirus-fundamentalrights/ ; La ligue des droits de
l’homme, france, https://www.ldh-france.org/la-crise-sanitaire-ne-justifie-pas-dimposer-les-technologies-de-surveillance/
9
Ainsi, dans des application de traçage, le flux de données (qui couvre tous les contacts enregistrés par l’application, que les
individus soient ou non porteur) est plus important que l’historique qui mérite d’être fait pour remonter l’historique des seuls
individus porteurs.
(par les surfaces), instabilité et inexactitude des technologies, échantillon minimal nécessaire de
personnes acceptant de partager ses données, etc.). Les faux positifs et négatifs doivent être identifiés
et inclus dans l’étude, de même que l’impact des comportements et vécus individuels sur la fiabilité
des données et l’efficacité des mesures (sentiment de sécurité, stress accru, stratégie d’évitement,
stigmatisation, diffamation, entre autres exemples). L'inefficacité et le manque de fiabilité peuvent
entraîner un risque accru de contamination. Si l’efficacité de la mesure (et donc sa nécessité) dépend
de la mise en place de certaines conditions, elles devront être assurées avant que ne soit prise la
décision quant à la surveillance (capacité hospitalière, dépistage, accès aux médicaments et matériel
de protection, maintien de principes de distanciation sociale, mesure additionnelles destinées à
assurer l’accès aux soins sur un pied d’égalité sans laisser se développer des poches de contamination
(migrant.e.s, détenu.e.s, personnes sans abris, personnes en maisons de repos ou en centre
paramédicaux, etc).

Consentement

Le consentement est requis. Il doit être libre et informé.

Pour que le consentement puisse être pleinement libre et pour que la mesure ne soit pas
discriminatoire, l’application ne peut pas donner lieu à un avantage personnel quelconque qui serait
de nature à forcer le consentement (ex : accès au dépistage dès lors que l’application a identifié un
contact douteux, dépistage qui n’est pas accessible de la même manière pour les personnes n’utilisant
pas l’application, etc.). La mesure ne peut non plus donner accès à un avantage qui romprait avec le
principe de l’égalité pour tous devant l’accès au soin (ex : prise en compte de la fracture numérique).

Le consentement doit être libre en tout temps. En conséquence, les applications doivent
régulièrement rappeler à l'utilisateur qu'elles sont « activées ». Elles doivent en outre être facilement
désactivées et pouvoir être facilement et définitivement supprimées. Les individus doivent pouvoir
connaître en tout temps les données qui sont conservées et pouvoir renoncer à utiliser les outils
proposés autant que requérir que ses données soient effacées.

Afin que le consentement puisse être informé, les conditions attachées aux éventuelles applications
doivent être intelligibles et disponibles en format téléchargeable. Un FAQ accessible et didactique doit
être mis en place. Une voie rapide et accessible doit être mise en place pour répondre aux questions.

Accès à l’information, transparence, devoir de vigilance et voies de recours

La transparence et l’accès à l’information doivent être respectés tout au long de la procédure de


décision et d’implémentation. Il s’agit de droits fondamentaux qui doivent être garantis pour eux
même, outre qu’ils contribuent au caractère libre et éclairé du consentement.

Les analyses d’impacts, résultats de la phase de test et évaluations des conditions de nécessité et de
proportionnalité doivent être disponibles. De même, les spécifications techniques et, le cas échéant,
le code source. Les conditions contractuelles entre les autorités et le(s) partenaire(s) privé (s) doivent
être publiées, les voies de recours et responsabilités clairement définies.

Aucun contrat ne doit être passé avec des entreprises ou acteurs impliqués dans des violations des
droits humains ou ne disposant pas d’une politique efficace relative à son devoir de vigilance en
matière de droits fondamentaux10. Un contrat spécifique doit préciser les mesures de vigilance

10
Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme,
https://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf Les principes directeurs de l’OCDE à
l’intention des entreprises multinationals, http://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/2011102-fr.pdf
requises et un rapport régulier doit être exigé sur les mesures prises pour identifier, prévenir et réparer
les éventuelles violations des droits humains qui surviendraient. Un résumé de ce rapport doit être mis
à disposition du public. Une interdiction doit impérativement leur être faite d’une réutilisation,
transmission ou d’une vente des données.

Sécurité des données, vie privée et autres droits fondamentaux

Pour correctement veiller au respect de la vie privée des individus, il faut prendre en considération
non seulement l’application dont il est question mais également la manière dont elle s’intègre dans un
environnement plus large de partage de données.

Le cryptage des données et l'anonymat doivent être garantis, la ré-identification doit être rendue
techniquement impossible (voir par exemple l’absence d’anonymat garanti dans les techniques de
triangulation ou signal GSP11). Toutes les affirmations selon lesquelles les données sont anonymes
doivent se fonder sur des éléments probants et être étayées par des renseignements suffisants quant
à la manière dont l’anonymat est préservé. Seules les données et métadonnées minimales et dans la
seule mesure nécessaire au fonctionnement des applications doivent être recueillies (ex : contact-
durée). Les données qui ne sont plus nécessaires doivent être immédiatement supprimées.

Les données doivent être stockées et cryptées sur le téléphone. Aucun recoupement des données
collectées ne doit être autorisé avec d'autres données (publiques ou non publiques). Le partage de
données avec des tiers doit être interdit.

Une évaluation des risques sur les autres droits fondamentaux doit être réalisée, spécifiquement la
protection contre les atteintes aux libertés d’association, de réunion, d’expression, la protection
contre les atteintes à la sécurité, les violations portées au droit du travail, les atteintes à la non-
discrimination et la réalisation des droits économiques et sociaux (accès aux soins, au logement, à
l’alimentation, à l’emploi, etc.).

Enfin une évaluation des risques indirects doit être opérée. Ainsi par exemple du risque d’un
changement de comportement social qui rende la population davantage vulnérable à l’avenir aux
ingérences dans sa vie privée, une accumulation excessive de données aux mains de certains acteurs
privés (Apple, Google, etc.), la diversification des activités ou relations d’affaires de ces acteurs avec
d’autres acteurs et secteurs économiques dont résulterait un impact potentiel en matière d’accès aux
droits économiques et sociaux (assurances, emploi, etc.).

Expertise et évaluation/suivi

Un groupe transdisciplinaire d’expert.e.s et de praticien.ne.s doit être constitué. Il doit comprendre à


tout le moins des épidémiologistes, du personnel hospitalier, des médecins, spécialiste de la santé
mentale, spécialiste de l’éthique, sociologues, développeurs, informaticiens, juristes (en droits
humains, droit public et droit privé).

Ce groupe doit participer à l’analyse des conditions de nécessité, proportionnalité et d’efficacité de


la mesure. Il doit pouvoir suivre la phase de test et suivre également la mise en œuvre pendant toute
sa durée s’il est finalement décidé d’y avoir recours.

Une phase de test doit être réalisée pour mesurer l’efficacité, la fiabilité et l’impact de la proposition,
tant dans ses dimensions technologiques que sociales (comportement individuels et impacts
sociétaux) et logistiques (pression sur l'infrastructure "sous-jacente"). La transparence doit être

11
https://www.nytimes.com/interactive/2019/12/20/opinion/location-data-national-security.html
assurée dans le suivi des résultats et, dans l’hypothèse où les résultats ne sont pas ceux espérés, la
possibilité de ne pas avoir recours à cette application doit à nouveau être envisagée.

* *

Dans l’état actuel des choses, notamment au vu de l’impossibilité de mise en place d’un dépistage
massif de la population, le recours à ces solutions de traçage nous semble ne pas pouvoir respecter les
principes fondamentaux qui justifient une telle atteinte aux droits fondamentaux des individus. A ce
titre, de tels outils ne devraient pas être développés ni adoptés.

Si les autorités devaient néanmoins choisir cette voie, faute de procéder à une analyse approfondie
sur base des critères développés ci-dessus et de prendre les précautions précitées, une décision de
traçage pourrait non seulement se révéler contraire aux droits fondamentaux mais également nous
conduire de manière inconsidérée vers un modèle social non désiré et non maîtrisé.

En vous remerciant pour l’attention que vous voudrez porter à cette lettre, nous vous prions de croire,
Madame la Première Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, à l’expression de nos sentiments
les meilleurs.

Kati Verstrepen
Olivia Venet
Gaëlle Dusepulchre

Pour les organisations suivantes :

Ligue des droits humains


Fédération Internationale pour les droits humains

Liga voor Mensenrechten

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