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LES RELATIONS ENTRE L’IMMUNITE DE JURIDICTION DE L’ETAT ET LES IMMUNITES DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES (a propos du projet de Convention du Conseil de Europe sur l'immunité des Etats) par Jean J.A. SALMON Professeur A Université de Bruxelles Associé de Institut de droit international PREMIERE PARTIE ANALYSE DES CONVENTIONS DE VIENNE SUR LES RELATIONS DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES A. LA CONVENTION SUR LES RELATIONS DIPLOMATIQUES DU 18 AVRIL 1961 Les articles 22 4 40 de Ja Convention expriment dans le detail le régime des priviléges et immunités des missions diplomatiques et de Jeurs membres, Ce régime s'analyse comme une série d'exceptions au droit commun, aux régles générales selon lesquelles les étrangers sont soumis a la puissance publique de Y'Etat sur le territoire duguel ils résident, comme une série de limitations @ la compétence territoriale de I'Htat accré- ditaire. Mais gui est bénéficiaire de ces exceptions ? Dans la mesure of les textes de la Convention de Vienne se rapportent a I’« Etat accré- ditant » ou a la « mission » (ainsi aux articles 22, 23, 24, 27 et 28), il ne fait pas de doute que le bénéficiaire de l'exemption est Etat accréditant. Qu'en est-il, au contraire, lorsque les textes de la Convention de Vienne se référent au « chef de mission » ou bien aux « membres de la mission » ou aux « membres du personnel de la mission » ou encore aux « membres du personnel diplomatique » ou encore a l'< agent diplomatique », aux « membres du personnel administratif et tech- nique », aux « membres du personnel de service » ou aux « domestiques privés >? Ces différentes expressions, dont |a définition est donnée 4 l'article premier de la Convention de Vienne, ont en commun qu’elles recou- vrent des personnes. Or, en quelle qualité ces personnes sont-elles protégées ? Poser cette question, c'est revenir a I'éternelle question du fonde- ment des privileges et immunités. On sait qu’a cet égard, différentes theories se sont partagé depuis des siécles les faveurs de la doctrine, théorie de lextra-tersitorialité, théorie du caractére représentatif, théo- rie de 'intérét de Ja fonction. Ces trois théories ont eu une certaine importance pratique car elles ont, tour A tour, influé sur la doctrine et la jurisprudence. La Conven- tion de Vienne ne s'est cependant référée nettement & aucune d’elles, 6 si ce n'est au quatriéme alinéa de son préambule oi elle a fait allusion a la fois a la théorie de l'intérét de la fonction et au critére du caractére représentatif en déclarant : « Convaincus que le but desdits privileges et immunités est non pas d’avantager des individus mais d'assurer Taccomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentant des Etats >. Une analyse des privileges et immunités personnels permet de grouper ceux-ci sous les rubriques suivantes : wiolabilité de la personne (article 24 de la Convention) ; — inviolabilité de la demeure et des biens de I'agent diplomatique (article 30) ; ~ immunité de juridiction pénale (article 31) et civile (articles 31 et 32); — immunité d'exécution (article 31, alinéa 3 et article 32, alinéa 4) : — immunité fiscale et douaniére (articles 34, 35 et 36) ; -~ exemption des dispositions trouvant Jeur source dans Ja législation sociale de I'Etat accréditaire ou relatives aux prestations person- nelles (articles 33 et 35). Ces différents privileges et immunités sont accordés sans que la Convention de Vienne distingue selon que I'action de I'agent diploma- tigue qui fait l'objet d'une exemption ou d’une immunité ait un carac~ tere officiel ou privé. En ce sens, on peut considérer que les privileges et immunités, dans le cadre de la Convention de Vienne, sont essentiel- Jement des priviléges et immunités accordés ratione personae. Il ne fait pas de doute, cependant, que les actes de I'agent diploma- tique qui font I'objet de privileges ou d'immunités peuvent étre des actes revétant un caractére officiel comme des actes ayant un caractére putement privé. Prenons quelques exemples : Limmunité de juridiction pénale peut couvrir, en fait, des activités officielles qualifiées par I'Etat aceréditaire de délits d’espionnage, comme elle peut couvrir des crimes ou des délits commis a titre personnel par agent diplomatique. De méme, limmunité de juridiction civile peut s‘appliquer aux actes accomplis dans I'exercice des fonctions comme aux actes strictement privés, Qu’on se rappelle quelques arréts fondamentaux : deux de la Cour de cassation francaise et l'autre de la Cour de cassation belge. Tout d'abord un arrét de a Cour de cassation francaise du 19 jan- vier 1891 dans J'affaire « Errembault de Dudzeele »*, La cassation Clunet, 1891, p. 137, fut prononcée dans l'intérét de la loi sur requéte du Garde des Sceaux, Un jugement du tribunal de la Seine avait condamné le défendeur, un diplomate belge, a payer une somme déterminée a son propriétaire, Ce jugement fut cassé malgré le caractére purement privé de I'acte sur seule base de la qualité de diplomate de M. Exrembault de Dudzeele, Immunité ratione personae donc. Meme solution dans un acrét plus récent, du 22 avril 1958, dans Yaffaire « Epoux x... c. Soc, centrale de construction »? oft la Cour de cassation francaise estime que la Cour de Paris a violg le décret du 13 ventése an II en rejetant limmunité motif pris que « si l'idée essentielle de Timmunité de juridiction, qui est de donner aux repré- sentants des Etats étrangers toute l'indépendance nécessaire pour Texercice de leur mission diplomatique, permet d'étendre ce privilége aux épouses de ces représentants, il serait toutefois abusif que la qualité de femme d'un agent diplomatique ait pour effet de permettre a celle-ci de repousser toute réclamation relative a des dettes person- nelles, contractées antérieurement au mariage et sans aucun rapport avec les fonctions de son mari >. Autre arzét célébre, celui de la Cour de cassation belge, du 24 mai 1897, dans I'affaire « Raif-Bey » +, L'attaché militaire de la légation de Turquie a Bruxelles avait demandé a un vétérinaire de soigner son chien, Les honoraires di vétérinaire étant restés impayés, le juge de paix de Bruxelles condamna le diplomate a payer les soins donnés, Sut la demande du Ministére de la Justice, le Procureur général prés ta Cour de cassation requit cassation du jugement et lobtint avec pour seul fondement la qualité d’ageat diplomatique de I'assigné, Encore une fois I'immunité fut considérée ratione personae. Les mémes principes s'appliquent en ce qui concere 1'immunité ‘exécution. La Convention de Vienne n'a pas suivi une autre voie et, dans la plupart de ses dispositions, elle a présenté les immunités comme des immunités ratione personae, couvrant la personne, quelle que soit ta nature de l'acte, privée ou officielle, Cette protection recouvre d’ailleurs entiérement la protection qui eut été accordée si I’immunité avait éé considérée ratione materiae *, 4 Dalloz, 1958, J., p. 632, note Ph. Malaurie: AFD, 1958, chronique de jurisprudence, p. 770. 4 Pas, 1897, I, p. 198. © V. Dinstein, ¥., « Diplomatic Immunity from Jurisdiction Ratione Materiae >, LCLQ. janvier 1966, p. 79. Dans son commentaire de Vaffaire « Epoux x... ¢ Sos, centrale de construc- tion », précitée, Ph. Malaurie souligne que < Vindivisibilité de T'immunité signifie 78 Le caractére ratione materiae de certaines dispositions de la Con- vention de Vienne réapparait d'ailleurs dans certains cas, lorsque Vimmunité diplomatique ratione personae s‘eflace. Ainsi ~ Varticle 39, paragraphe 2, de la Convention prévoit que I'immunité subsiste a l'expiration des fonctions d'une personne bénéficiant des priviléges et immunités, en ce qui concerne les actes accomplis par cette personne dans U'exercice de ses fonctions comme membre de la mission ; — ou encore article 37, paragraphes 2 et 3 qui limite aux actes accomplis dans Uexercice des fonctions, l'immunité de juridiction des membres du personnel administratif et technique de la mission ainsi que des membres de leur famille et des membres du personnel de service de la mission qui ne sont pas ressortissants de l'Etat accréditaire ou n'y ont pas leur résidence permanente ; — Varticle 38, paragraphe I~, relatif a I'agent diplomatique gui a la nationalité de I'Etat accréditaire ou y a sa résidence permanente, hui accorde I'immunité de juridiction et I'inviolabilité pour les actes officiels accomplis dans Fexercice de ses fonctions, Liimmunité ratione materiae apparait enfin en pleine clarté lors- quiil s'agit de l'immunite de juridiction des consuls ainsi que nous aurons le Ipisir de lexpliquer plus loin. Or cette notion d'immunité ratione materiae a une importance particuliére pour notre propos. En effet, on peut considérer que lorsque Timmunité est accordée ratione materiae, c'est-A-dire pour un acte accompli par un agent diplomatique en qualité officielle ou dans Texercice de ses fonctions — bien que pas nécessaitement pendant Texercice de ses fonctions — c’est que cet acte a un caractére officiel. En d'autres mots, il s'agira d'un acte accompli pour le compte de I'Etat aceréditant et qui sera généralement considéré comme lui étant imputable, Dans tous ces cas, si limmunite est accordée a l'agent diplomatique, C'est parce que lacte qu'il a accompli, il I'a posé en tant qu'agent de dabord que pour protéger T'accomplissement d'une « mission » diplomatique, il faut accorder une protection privilégige a la < personne 9 qul lexerce ; elle sigaifie aussi que F'individa se confond ici avec sa mission parce que ses actes sont tous accomplis pour elle ». Sur Ia notion d'immunité pour les actes accomplis dans Vexercice des fonctions officielles, voyex aussi : Haoy, M., Modern Diplomatic Law. 1968, Manchester University Press, pp. 64-67 et Van Pasitus, € In the Borderland between the Act of State Doctrine and Questions of Jurisdictional Immunities », 1C.LQ., 1964, p. 1193, 79 I'Etat, en tant gu'organe de cet Etat, étant & cette occasion son bras ow sa bouche. On s’apercoit dés lors que pour cette catégorie d'actes couverts par I'immunité diplomatique ratione materiae, lorsque le droit international protége I'agent diplomatique, c'est non point la personne de cet agent qu'il protege, mais bien {Etat accréditant. L'immunité de Tagent diplomatique disparait en fait derriére 'immunité de I'Etat. Crest bien ainsi que l’envisage une partie de la jurisprudence qui, dans des cas de ce genre, estime qu'il s’agit d'une question non dimmunité consulaire ou diplomatique, mais bien d'immunité d’Etat. Ainsi, dans J'affaire « Ministre de I'Education publique du Portugal c, consorts di Vittorio »*, le tribunal civil de Casablanca rendit, le 10 mars 1955, un jugement A propos d'une assignation du ministre de "Education publique du Portugal, représenté par le consul du Portugal @ Casablanca, relativement a la location d'une villa pour I'usage d’école et d'habitation pour T'instituteur enseignant dans cette école, Le tribunal n'envisagea pas du tout Jimmunité de juridiction du consul, mais sim- plement celle de I'Etat portugais qu’il repoussa d'ailleurs en lespéce sur base de la théorie de facte de gestion. Dans le méme sens, I'affaire « Castiglioni c, République populaire fedérale de Yougoslavie », tribunal de Rome, 28 janvier 19527, oa le ministre de Yougoslavie 4 Rome avait été assigné en méme temps que le chef d’Etat yougostave, au seul titre de représentant de cet Etat & Toccasion d'une relation de droit privé n'ayant rien & voir avec Vambassade. On peut ranger ce type d'actes officiels accomplis par les agents diplomatiques ou consulaires dans Ja catégorie des actes de représen- tation judiciaire de U'Etat, la mission n'étant pour le reste pas impliquée dans I'instance. Dans un second type d’affaire, dont fut saisi le tribunal de grande instance de la Seine, réf, du 17 janvier 1964, « Caisse industrielle d'assurance mutuelle ¢. consul général de la République argentine »* il s'agissait d'un acte officiel 4 propos duquel le consulat était impliqué puisqu'il convenait de déterminer si le nouveau propriétaire de Tim- © RODIP., 1955, pp. 534-538; AFD, 1956, chronique Kiss, p. 785. 7 LLR,, vol. 19, 1952, case n° 43, p. 203, Voyez encore, Tribunal de Rome du 30 janvier 1955, affaire < La Mercantile Royaume de Gréce » : il s'agissait d'un contrat de fourniture de ferraille, sigaé au nom de I'Etat grec avec une firme italienne, par lambassadeur de Gréce dans les focaux de ambassade a Rome. Aucun autre contact n'était a relever avec la mission diplomatique. Seule, la question de Timmunité de Etat fut soulevée (pas celle da diplomate) et dailleurs rejetée, 'acte étant consldéré jure gestionés (ILR., vol. 22, 1955, p. 240). © RGDIP., 1964, pp. 1011-1013; AFD.L, 1965, p, 970. 80 meuble oit était installé le consulat général de la République argentine pouvait résilier le bail de l'appartement ainsi occupé. Le demandeur soutenait que le consul précédent, M. Mendez, avait pris I'appartement a bail en son nom personnel, Le tribunal insista tout d’abord sur le fait qu'il « existe une double immunité de juridiction, d'une part, en faveur des Etats étrangers et, d'autre part, en faveur de leurs agents diplomatiques accrédités en France ». « Attendu que les agents consulaires de tous grades ne bénéficient pas de limmunite personnelle reconnue aux agents diplomatiques ; qu'ils sont en conséquence justiciables des tribunaux francais ... pour les obligations contractées en leur propre et privé nom ; » Attendu que, par contre, del'immunité de juridiction reconnue aux Etats étrangers, applicable au moins & tous les actes qu'ils accomplis- sent dans I'exercice de leur souveraineté, il résulte que les tribunaux frangais ne sauraient, sans excéder leurs pouvoirs, par méconnaissance de Ja délimitation internationale des souverainetés, exercer aucun pou- voir juridictionnel soit sur un consul pour faits accomplis ou actes passés dans I'exercice de ses fonctions, soit sur un consulat gui consti- tue un service public de I'Etat étranger ; » Attendu que pour I'application de cette derniére conséquence de Timmunité, le juge frangais doit considérer tout d’abord Ja personnalité dela partie qui est attraite devant lui : que lorsqu'un agent consulaire est assigné en son propre et privé nom, le juge doit rechercher au fond si la nature et l'objet de la demande se rattachent aux fonctions du défendeur, mais que lorsque Ja demande est dirigée contre Etat étranger ou contre !'un de ses organes, notamment contre un consulat, il doit, en thése générale, reconnaitre que ledit défendeur n'est pas justiciable des tribunaux francais ; > Attendw qu'en I'espéce, il est nécessaire et suffisant de constater que la Caisse demanderesse a assigné devant Nous, non Mendez ow ses héritiers ou représentants, mais le consul général de la République argentine Paris, sans méme indication du nom de cet agent d'un Etat étranger, ou du lien de droit privé qui pourrait exister entre Jui et Mendez, si ce dernier devait étre considéré comme ayant contracté en son nom personnel ; » Attendu que l'immunité de juridiction doit étre en principe seconnue a I'Btat étranger considéré, et, par suite, au consulat général qui constitue l'un des organismes d’exercice de sa souveraineté. » Il résulte des termes de cette décision qu'une action relative a la location d'un consulat est donc considérée comme mettant en appli- 81 cation les principes de l'immunité de I'Etat plus que ceux de I'immunité constlaite ou diptomatique*. Méme solution dans J'affaire « Immunités des Etats étrangers & Yoccasion de contrats privés », Cour supréme d'Autriche, affaires civiles, du 5 janvier 1920, Un ambassadeur étranger avait conclu en Autriche un contrat relatif a 1'exécution de travaux divers dans l'hotel diplomatique. Ces travaux étant demeurés impayés, une action civile fut engagée contre I'Etat représenté par I'ambassadeur et non contre Tambassadeur a titre personnel, La Cour situa la question sur le plan de Timmunité de |'Etat qu'elle refusa d'ailleurs de consacrer en Vespace, car il s‘agissait d'un acte iure gestionis *. On peut encore citer W'affaire « X. ¢, Consul général des Etats- Unis d'Amérique >, Cour de Batavia, Indes néeclandaises, 17 mars 1936 #. En septembre 1928, le consul général des Etats-Unis 4 Batavia avait engagé le demandeur comme traducteur au consulat général mais mit fin a ses fonctions aprés quelgues années, Le demandeur engagea une action contre le consul général en sa qualité de représentant des Etats-Unis d'Amérique au service desquels le demandeur s’estimait entré & la suite du contrat de droit privé passé avec le consul général. La Cour de Batavia considéra que I'action était engagée contre les Etats-Unis eux-mémes et que ceux-ci bénéficiaient de limmunité de juridiction, . S'agissant de responsabilité pour accident de roulage, on peut citer Yaffaire « Réclamation contre une ambassade étrangére », Cour supréme de la République populaire de Croatie, 30 aoft 1956 **, Le demandeur avait été renversé par un véhicule appaztenant a la mission militaire d'une ambassade étrangére a Belgrade. Il assigna I'ambassade. La Cour estima qu'une ambassade étrangére n’était pas une personne juridique et ne pouvait donc étre attraite en justice : le défendeur réel * Dans le méme sens < Robine ¢. Consul de Grande-Bretagne », Cour d'appel de Bordeaux, 3 novembre 1950, RC.DLP., vol. 40, 1951, p. 307; « Laforest c. Oifice commercial de !Ambassade @Espagne », Cour d'appel de Paris du 5 juin 3959, Gaz. Pal,, 15-16 octobre 1959; AF.D.I,, 1960, p. 1004, Ba sens inverse — application en ce_cas de Vimmunité consulaire — voyer Cour de cassation froncaise, 20 novembre 1958, affaire « de Simon . Pasquier > Bull, civil, 1958, 1V, 2” 1230, p. 941 et A.D, 1960, p. 1023, Certaines décisions enfin semblent se baser sur les deux immunités a la fots + « affaire des locaux consulaires en Gréce », Cour d'Athénes, 1931, A.DIL.C, vol. 6, 1931-1932, case n° 187, p. 338, 10 ADILC., vol. 1 (1919-1922), case n° 79, p, 118. 33 En sens contraire < Soc. Vivai industriali Roma c, Legazione dell Arabia Saudita », Tribunal de Rome, 20 novembre 1953, Riv. Dir. Int., 1955, pp. 80-84, 32 ADLLC,, vol, 8, 1935-1937, case n° 187, p. 399. 35 LLR., vol. 23, 1956, p. 431. 82 dans I'affaire était par conséquent I'Etat étranger que l'ambassade représentait. Elle déclara ce qui suit : « In the present case the defendant is a foreign Embassy in the Federal People’s Republic of Yugoslavia and consequently a diplo- matic representative of a foreign State, However embassies and other diplomatic agents in our country cannot be regarded as juridical persons, They have no jus standi in judicio, Embassies and other diplomatic agencies are only representatives of foreign States, and only such foreign States (not their representatives) may be parties in juridical proceedings... Therefore, in the present cases the real defendant is not the Embassy of the foreign State, it is the foreign State which the Embassy represents... > Thence, ... the claim was wrongly brought against the Embassy of the foreign State instead of being brought against the foreign State itself... » Toute la jurisprudence que nous venons d'évoquer estime donc que Jorsqu’ une action est dirigée contre des agents diplomatiques a l'occa- sion d’actes accomplis dans Vexercice de Jeurs fonctions, l'immunité qui Jes protége est non point celle des agents diplomatiques, mais bien celle de I'Etat. Cette jurisprudence se situe cependant avant I'entrée en vigueur des Conventions de Vienne de 1961 et 1963, Ces derniéres sont-elles susceptibles de la modifier ? Pour répondre a cette question, il convient dexaminer un peu plus en détails le processus de limmunité de juri- diction et de limmunité d'exécution de I'agent diplomatique selon les dispositions de Ja Convention de Vienne de 1961. Immunité de juridiction : immunité devant Jes instances criminelles est absolue, En revanche, I'immunité de juridiction devant les instances civiles est sujette 4 certaines restrictions, Mais l'une et l'autre immunité sont susceptibles d’étre levées : c'est ce qu'on appelle la renonciation & Timmunité ou la levée d’immunité, a) L’immunité de juridiction pénale est absolue : c'est ce que dis- pose l'article 31 de la Convention : « L'agent diplomatique jouit de Timmunite de Ja juridiction pénale de "Etat accréditaite. » Aucune exception n'est prévue. b) Liimmunité de jucidiction civile, Toujours selon Varticle 31, Tagent diplomatique « jouit également de 'immunité de sa juridiction civile et administrative, sauf s'il s‘agit : — d'une action réelle concernant un immeuble privé, situé sur le territoire de I'Etat accréditaire, 2 moins que !'agent diplomatique 83 ne te posséde pour le compte de I'Etat accréditant aux fins de la mission ; ~ d'une action concernant une succession, dans laquelle agent diplomatique figure comme exécuteur testamentaire, administrateur, héritier ou. légataire, a titre privé et non pas au nom de I'Etat accréditant ; — d'une action concemant une profession libérale ou une activité commerciale, quelle qu'elle soit, exercée par l'agent diplomatique dans VEtat accréditaire en dehors de ses fonctions officielles >. ‘On s‘apergoit que Jes trois situations dans lesquelles une exception été apportée au principe de I'immunité de juridiction des agents diplo- matiques, sont des cas oi action en justice concerne une activité pri de Nagent diplomatique. L'hypothése oi cette action concernerait une activité en rapport avec ses fonctions officielles a été expressément exclue, C'est, en effet, dans ce dernier cas, que Fimmunité de juridiction qui serait ainsi mise en cause, serait celle de l'agent diplomatique non en tant que‘ personne privée mais bien en tant que représentant I'Etat accréditant. Lest important de noter que les auteurs de la Convention de Vienne n'ont jamais dit que lorsqu’il s'agizait d'actes accomplis par les diplo- mates dans l’exercice des fonctions, les régles applicables devant gouverner Ja compétence éventuelle des juridictions de I'Etat accrédi- taire devraient étre celles relatives a I'immunite de [Etat Ils ont complétement ignoré le probleme de J'immunité de I’Etat, tout en dis- posant clairement que dans le méme cas (actes accomplis dans l'exer- cice des fonctions) 'immunité diplomatique pouvait étre invoquée. ¢) La renonciation 4 Vimmunité de juridiction, L'immunité de juri- diction, qu'elle soit civile ou pénale, est susceptible de faire l'objet d'une renonciation. Selon l'article 32 de la Convention de Vienne, seul {'Btat accréditant peut renoncer a limmunité de juridiction des agents diplo- matiques et des personnes qui bénéficient de l'immunite en vertu de article 37. Le paragraphe 2 de l'article 32 ajoute que « Ja renonciation doit toujours étre expresse ». d) L'immunité d'exécution : ee est prévue par l'article 31, alinéa 3, de la Convention : « aucune mesure d'exécution ne peut étre prise a Yegard de agent diplomatique, sauf dans les cas prévus aux alinéas a, b.et c du paragraphe 1° du présent article et pourvu gue l'exécution puisse se faire sans gu’il soit porté atteinte 4 Vinviolabilité de sa per- sonne ou de sa demeure ». L’exception prévue concerne les trois cas ptécis que nous avons vus plus haut of limmunité de. juridiction n'existe pas non plas. jy a donc un parallélisme complet entre limmu- 84 nité de juridiction et 'immunité d’exécution, Toute renonciation & Vimmunité d'exécution exige une renonciation distincte (article 32, alinéa 4), Il découle de tout ce qui précéde que la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques a établi un régime d'immunité absolue en ce qui concerne a) I'Etat accréditant ou sa-mission diplomatique ; b)) agent diplomatique, notamment lorsqu'il accomplit des actes ratione materiae. Ce régime ne céde que devant une renonciation expresse émanant de I'Etat accréditant, B. LA CONVENTION SUR LES RELATIONS CONSULAIRES DU 24 AVRIL 1963 On peut étre plus bref pour ce qui est de la Convention sur les relations constlaires. Celle-ci, en effet, confirmant sur ce point les régles du droit international coutumier “, a consacré le principe selon Jequel les fonctionnaires et employés consulaires n'échappent a Ja juridiction des autorités judiciaires et administratives de I'Etat de sési- dence que « pour les actes accomplis dans I'exercice des fonctions consulaires » (article 43, § 1). Un amendement britannique a cependant limité J'application de Timmunité de juridiction en Mexcluant en cas de certaines actions civiles : celles résultant d'un contrat passé par un fonctionnaire consu- Jaite ou un employé consulaire « qu'il n’a pas conclu expressément ou implicitement en tant que mandataire de I'Etat d'envot » ainsi que celles intentées par un tiers pour un dommage résultant d'un accident causé par un véhicule, un navire ou un aéronef (article 43, § 2). Les fonctionnaires consulaires « qui sont ressortissants ou résidents permanents de !'Etat de résidence » ne bénéficient de Vimmunite de juridiction que pour les « actes officiels accomplis dans l'exercice de leurs fonctions » (article 71)). La renonciation a Timmunité de juridiction doit émaner de YEtat d'envoi et étre expresse. On peut donc conclure de ce bref et partiel examen de la Conven- tion sur les relations consulaires qu'elle consacre Je principe de l'immu- nité ratione materiae avec des exceptions. 14 Voyer sur celles-ci Lux, L.T., Consular Lavo and Practice, Stevens, Londres, 1961. . 85 Pas de protection personnelle pour les consuls ; uniquement maté- rielle, pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Ten découle par conséquent que — d'une maniére plus nette encore que pour l'immunité de juridiction des diplomates ~ l'immunité de juridiction des consuls recoupe trés exactement le champ d'application de l'immunité de I'Etat d'envoi. Ici encore, les auteurs de la Convention n'ont pas estimé devoir préciser que les régles applicables aux affaires mettant en cause Yacte accompli par un consul dans l'exercice de ses fonctions, étaient celles relatives a I'immunité de I'Etat. Ils se sont contentés de dire que dans ces cas l'immunité consulaire pouvait étre soulevée. A ces régimes de Vienne, il convient maintenant d'opposer celui que prévoit Je projet de convention du Conseil de 1'Europe. 86 DEUXIEME PARTIE LE PROJET DE CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE SUR LIMMUNITE DES ETATS Le projet de texte de la convention que nous analysons dans Jes lignes gui suivent est celui qui a été élabore par le Comité d'experts du Conseil de Europe sur J‘immunité des Etats et qui te diffusé Je 15 décembre 1968 *. Le projet de texte de la convention a fondamentalement pour effet de déterminer les cas dans lesquels I'Etat étranger est censé avoir renoncé a son immunité de juridiction (article 2 et article 12) et ceux dans Jesquels il n'est plus admis a invoquer son immunité de juridiction devant un tribunal (articles 3 a 11). Le catalogue des cas qui se trouvent ainsi énumérés aux articles 3 a 11 correspond dans une large mesure aux actes qu'une certaine jurisprudence et la doctrine ont appelés les actes de gestion (jure gestionis) en opposition aux actes de souveraineté (jure imperit). Examinons maintenant ces deux groupes de dispositions de la convention au regard de activité des agents diplomatiques, A._DISPOSITIONS DETERMINANT LES CAS DANS LESQUELS UN ETAT ETRANGER NE PEUT INVOQUER LIMMUNITE, DE JURIDICTION 1, Les contrats Selon t'asticle 4, alinéa 1*", « un Etat étranger ne peut invoquer Yimmunité de jusidiction devant un tribunal si I'instance a trait 8 une obligation assumée par cot Etat aux termes d'un contrat et que cette obligation doit étre exécutée sur le territoire de I'Etat devant les tribunaux duquel l'instance est introduite », 28 Il porte ta cote EXP/ST.IMM (68) 12. Nous nous référerons également aux commentaires accompagnant le texte des dispositions adoptées en premlére lecture, & la huitiéme réunion du Comité d'experts (5.9 février 1968), document daté du 22 févrler 1968 et portant la cote EXP/ST. IMM (68) 2. 87 Cette disposition est susceptible de s‘appliquer a toute une série de contrats qui sont passés par les membres des missions diplomatiques et consulaires & titre officiel, 11 nest sans doute pas inutile de relever que ces contrats peuvent @tre rattachés plus ou moins étroitement a la vie de la mission. Une premiére catégorie de contrats est liée étroitement a I'établis- sement et a Ja vie courante de Ja mission, ainsi : ~ des contrats d'achat ou de location dimmeuble, qu'il s‘agisse de Yambassade ou de Jocaux diplomatiques annexes, des bureaux du consulat ou de la chancellerie et dans certains cas de la résidence du chef de poste — des contrats d'achat ou de location de meubles, véhicules officiels, mobilier et fournitures de bureau ; ~ des contrats d'entreprise, des contrats d'emprunt ou autres contrats divers relatifs & Ja construction, la transformation ou I'aménagement des locaux officiels mentionnés ci-avant, etc. Une seconde catégorie de contrats peuvent étre passés, par un membre de la mission en sa qualité officielle — il s‘agira le plus souvent du chef de poste — non plus pour les besoins de la mission mais comme représentant de I'Btat ‘accréditant : contrats d’empruat, d'achat de fournitures militaires ou de marchandises destinées & la revente dans I'Etat accréditant, contrats relatifs a T'exercice d'un monopole commercial d'Etat. Dans toutes ces espéces, le membre de la mission agit pour le compte et au nom de Etat accréditant comme aurait pu le faire tout autre représentant ad hoc autorisé sans que Yobjet du contrat soit en fait en liaison quelconque avec la vie: de la mission dans J'Etat accréditaire. Si on se place dans Je cadre de Ja Convention, il ne fait pas de doute qu'un agent diplomatique ou un fonctionnaire consulaire assignés & Toccasion de contrats de cette nature, peuvent exciper de leur immunité de jutidiction, Avant I'entrée en vigueur de la Convention de Vienne, les juris- prudences nationales ont réagi diversement dans des affaires de ce genre. Dans une affaire « Monnaie contre Caratheodory Effendi » ** of il Sragissait du paiement d’un solde de fournitures d'installation de chauffage faite au défendewr & un moment ot il était Ministre de Turquie & Bruxelles et agissait en cette qualité, mais oa T'action avait Civil Bruxelles, 13 mat 1903, J-7., 1903, colonne 764, 88 été intentée aprés que le Ministre, demeuré a Bruxelles en tant que simple particulier, eut perdu sa qualité officielle, le tribunal a considéré : ¢ que les fournitures dont s'agit ont été incontestablement commandées pour compte du gouvernement ottoman et en vue de permettre & celui-ct Texercice de son droit de représentation et de légation dans notre pays ; que seul ledi¢ gouvernement en tire profit; attendu que le défendeur ne pourrait donc étre tenu personnellement de ce chef ». Dans ce cas, Je tribunal a mis hors cause le diplomate non pas sur base de son immunité de juridiction — qu’a tort il estimait ne plus exister, les fonctions du diplomate ayant pris fin” — mais du fait que le défendeur réel était Etat dont ce diplomate avait antérieurement représenté les intéréts 4 Bruxelles. La distinction entre actes jure gestionis et actes jure imperii a parfois amené les juridictions nationales a se déclarer compétentes dans les espéces of, & leur avis, 'immunité diplomatique recouvrait un acte de I'Etat accompli jure gestionis. C'est ainsi que par un arrét de la Cour constitutionnelle de la République fédérale d’ Allemagne du 30 avril 1963, n'a pas ete accueilli Je moyen tiré de limmunité diplomatique dans un cas of un commer- cant avait attrait en justice une ambassade pour non-paiement d'une facture de répatation d'installation de chauffage. La Cour motiva sa décision en expliquant que l'immunité ne pouvait ére reconnue que si V'affaire plaidée avait un rapport direct et étroit avec un acte de puissance publique de I'ambassade et que les affaires purement com- merciales — ce qui était le cas en I'espéce — ne pouvaient étre recon- nues comme présentant un tel rapport *. Les contrats de location d’ambassades ou de consulats ont donné lieu @ une jurisprudence assez importante. En Belgique, quoique 1a jurisprudence applique la distinction entre les actes jure gestionis et les actes jure imperii, elle a considéré que la location d'un local pour [installation d'une ambassade revétait le caractére d'un acte de puissance publique (« Auguste Braive contre 1° le Gouvernement impérial ottoman: 2° Etienne Carathéodory Effendi » *). En I'espace, il semble qu'il s‘agissait d'obligations décou- Jant d'un contrat de bail et notamment de réparations locatives. 17 Sur cette question, voyez Sauwon, J., ¢ Les limites dans le temps de Timmunlté de jurldiction des agents diplomatiques », Travaux et conférences de la Faculté de Droit de YUniversité de Bruxelles, tome X, pp. 37-63, *® Entscheidungen des Burdesverfessungsgerichts, vol. 16, p. 27 ; N.J.W., vol. 16, p. 1732; ATLL, 1965, p. 654. Dans le méme sens, voyez I'affaire « Immunités des Etats étrangers & [occasion de contrats privés », précitée, supra, note 10, 1 Justice de paix de Bruxelles, 28 avri) 1902, Pas., 1902, III, p, 240. 89 De méme, en Italie, dans affaire < Angelini contre Gouvernement francais », Ia Commission arbitrale de Rome pour les questions de baux 4 loyers avait é€é saisie par un certain Angelini qui assigna le gouvernement francais en la personne de M. Batrére, ambassadeur, en vue d'obtenir le renouvellement d'un bail de certains locaux situés via Giulia qu’Angelini utilisait comme étables, Le gouvernement francais répondit que I'ambassade avait besoin de ces locaux pour y installer les bureaux du consulat, Le tribunal estima qu’a supposer prouvé ce fait — au sujet duguel il ordonna une enguéte — J'immunite diplomatique pouvait étre excipée, si le refus de I'ambassadeur de renouveler Je bail trouvait sa justification dans le droit d'exercer librement ses fonctions diplomatiques *. Dans une affaire « Beckman c. République populaire de Chine », la Cour supréme de Suéde, le 1* mars 1957 * eut @ se pencher sur les faits suivants : les demandeurs. Beckman assignaient la République populaire de Chine, estimant que Ja vente de certains immeubles situés a Stockholm, gui avait été faite, a la République populaire, par un admi- nistrateur chargé de gérer leurs biens, n'avait pas zecu leur consente- ment, L'ambassade de Ohine déclara qu'elle excipait de son immunité diplomatique et qu'elle ne comparaitrait pas en justice : les immeubles en question étant utilisés comme locaux de I'ambassade, La Cour supréme de Suéde déclara : « As the property in this case is used by the Republic for its Embassy in this country, and the Republic for this reason must be regarded as entitled to :plead immunity from the action brought by Carin and Ake Beckman, the Court upholds the ruling of the Court of Appeal. » Les juridictions nationales estiment cependant qu'il n'est pas porte atteinte 4 I'immunité diplomatique lorsque les locaux ne sont pas encore affectés aux services de I'ambassade de cet Etat ® ou ne le sont plus ®. 28 Décision du 29 juin 1921, ADJLE.C., vol. 1, 1919-1922, case n® 206, p. 289. 1 LLR., vol 24, 1957, p, 224. 23 Tribunal civil de la Seine (Ch, du Conseil), 30 octobre 1929, affaire « Suéde ©. Petrococchino >, Clunet, 1932, pp. 945-946 : « Attendu ... que ce n'est point acquisition d'un immeuble per un Etat étranger qui crée, ipso Facto, au profit de cet immeuble fe bénéfice de Vexterritorialité, mais seulement ~ lorsquielle a été réalisée — affectation ducit immeuble aux services de l'ambassade de cet Etat. » 28 Cour d'appel dAthénes, n° 1690/1949, « Affaire de Ja légation de Roumanie en Grice », RH.D1L), 1950, p. 331. « Les teibunaux grees sont compétents pour connaitre de V'affaire en litige qui concerne un différend de droit privé (jure gestionis). Oa ne saurait soutenir Ia thése ‘coatraire, motif pris du fait que, si la requéte en instance était regue, son exécution 90 En revanche, en Suisse, Je Tribunal fédéral estima par une décision du 10 février 1960 dans Iaffaire « République arabe unie c, dame X », que le contrat de location d'une ambassade était un acte jure gestionis et que l'immunité de juridiction de I'tat ne pouvait pas étre opposée *. L'examen des quelques décisions précitées montre combien la juris- prudence est anarchique dans cette question qui tombe dans Ja zone frontiére de l'immunité de I'Etat et de Timmunité diplomatique, Invo- quant tantot l'une, tant6t l'autre, y voyant tantét un acte jitre gestionis tantét un acte jure imperti, elle permet, dans la plus grande confusion, Je choix des solutions les plus contradictoires, Quoi qu'il en soit de cette jurisprudence, il est clair que les textes actuels de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 mettent Jes missions diplomatiques a l'abri d'actions en justice relatives a de tels contrats, que l'on prenne pour base Iimmunité personnelle des agents diplomatiques (article 31) ou l'inviolabilite des locaux de la mission (article 22). En ce gui concerne la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, on aboutit a des conclusions analogues gue I’on prenne pour base I'immunité fonctionnelle des fonctionnaices consulaires qui jouissent de I'immunité de juridiction « pour les actes accomplis dans I'exercice des fonctions consulaires » (article 43, § 1°) pourvu que Je contrat ait été < conclu expressément ou implicitement en tant que mandataire de I'Etat d’envoi » (article 43, § 2a) ou I'inviola- bilité des locaux consulaires (article 31). La location effectuée dans ces conditions de bureaux consulaires sera sans discussion couverte ** mais quid de la location d'une résidence ou d'un domicile privé ? aurait pour conséquence nécessaire expulsion du Ministre de Roumanle des locaux Joués et, par suite, violation de limmunité diplomatique... Les relations diplomatiques entre la Roumanie et la Grice ont été rompues depuis le 4 juillet 1941 et aucun ‘membre du personnel de la légation de Roumanie ne réside dans ce pays en cette ‘qualité, la représentation et protection des intéréts Roumains en Gréce ayant été confige & un autre Etat. » % Sommaire dans AJ.L.L., 1961, pp. 167-171; extraits dans Ia chronique de Pierre Lauive, Clunet, 1961, p, $58. Solution simitsire dans I'affaire « Perrucchetti v, Puig y Cassauro », Cour de Rome, 6 juin 1928, Riv. Dic. Int., 1928, pp, 521-527 ADILG, vol, 4, 1927-1928, p. 366. % Une décision considérant que Js location d'un consulat est un_acte privé du consul — comme cela fut, a notre sens erronément, soutenu par la Cour de justice de Porto Alegre au Brésil, le 9 noverabre 1955, dans l'affaire < Ciro Ferreira Aquino , Nestor P, Aristicabal, consul d’Argentine > (LL.R., vol. 22, 1955, p. 556) — parait désormais injustifiable au moins pour les Etats parties 4 la Convention de Vienne de 1963. Cette décision est dalleurs isolée, voyer les affaires citées supra, notes 8 et 9. 91 La Cour de Paris, avant la Convention de Vienne de 1963, a estimé qu'une opération locative d'ordre privé n'était pas couverte par J'immu- nité de juridiction, « qu'il est constant, en effet, que dans les locaux échangés par les parties ne se trouvent ni le consulat, ni ses archives, ni ses services, mais seulement dans l'un d’eux ce que... (le consul) ... a dit étre... « son domicile privé » (19 juin 1965, Affaire « Konstantis c. Société Immeuble de la rue de Civry et Issakides ») *. La solution paraitrait devoir ére inverse si les locaux destinés & Yusage privé du consul étaient acquis par I'Etat d’envoi lui-méme pour une telle destination. Ainsi en a décidé Ja Cour de Colmar, par un arrét du 7 mai 1958, dans l'affaire « Kroely c. Gouvernement de S.M. britannique > 7 : « La location par un gouvernement étranget de locaux d'habitation qu'il met a Ja disposition de son consul pour servir de logement privé se rattache au fonctionnement d’un service public de {Etat étranger, et bénéficie de Iimmunité juridictionnelle reconnue en France aux Etats étrangers en vertu du principe de l'indépendance desdits Etats. » Le patagraphe 2 de Varticle 4 du projet du Conseil de Europe prévoit qu'un Etat étranger ne pourra invoquer l'immunité de juridic- tion devant un tribunal « si linstance a trait a une obligation assumée par cet Etat aux termes d'un contrat de travail, méme non écrit, conclit entre un Etat et une personne physique et qui doit étre exécuté sur fe territoire de ¥Etat devant les tribunaux duquel instance est introduite », Cette disposition ne fait pas de distinction selon que le droit applicable a ce contrat est celui de I'Etat d'accueil ou celui de IBtat d'envoi ou encore selon la nationalité du titulaire du contrat. On peut s‘en étonner, Quoi qu'il en soit cette disposition est susceptible de s‘appliquer & certains contrats de travail, entre une ambassade et une partie de son personnel. A cété d'agents reccutés statutaicement, chaque ministére des Affaires étrang@zes recrute sous contrat d'emploi ou de travail des agents pour les besoins des postes diplomatiques et consulaires, C'est ainsi qu’en juin 1967, pour la Belgique, on comptait 1.393 agents de 2 A.F.DL., 1966, p, 883, Postérieurement le dénommé Konstantis devint mem- bre de In délégation permanente de la Gréce a [O.T.A.N., pouvant bénéficier des privileges et immunités dipfometiques, Te tribunal de grande instance de la Seine, Je 31 mal 1966, « Immeuble de Ia rue de Civry c, Issakidés et Konstantis » (AP.D.L, 1967, p. 852) déclaca : < Attendu que la Convention de Vienne (de 1961) sur laquelle doit se fonder la solution du litige ne permet pas d'opérer la distinction que voudralt établir la société demanderesse entre les actes exécutés par I'agent diploma- ligue dans f'exercice de sa mission et ceux quill accomplit dans son intérét par. tlculier... > 2 Dalloz, 1959, Sommaires, p. 43, AFD, 1959, p. 849. 92 cette nature au titre de prospecteurs commerciaux, employés de chan- cellerie, dactylographes, sténodactylographes, secrétaires, messagers, huissiers, gens de métiec et de service, etc. Un bon tiers d'entre eux étaient de nationalité belge, les autres de nationalité étrangére. Les droits et obligations de chague agent de nationalité belge sont définis dans son contrat, en conformité avec la Iégislation belge sur le contrat de travail ou Je contrat d'emploi. Quant aux étrangers, c'est la Joi ow Ja coutume locale qui leur est appliguée *, La doctrine comme Ja jurisprudence invitent 4 une certaine prudence en cette matiére, Les relations de service entre un Etat et ses agents soulévent des problémes délicats a la fois quant au droit applicable et quant la juridiction compétente. On se référera a cet égasd aux écrits de Niboyet qui estime qu'en ces matiéres il y a incompétence des tribunaux "*, de Sir Hersh Lauter- pacht® et de J.B, Lalive* ainsi qu’a plusieurs décisions de juris- prudence ** relatives il est vrai, semble-t-il, & des relations d'emploi (sous contrat ou sous statut). Ces décisions si elles émanent de juri- dictions acceptant Ia distinction actes jure gestionis et actes jure imperii, concluent & Tincompétence lorsqu'il s'agit de juger un acte gouvernemental posé par un Etat étranger dans 1a nomination ou la révocation d'un agent, Ainsi dans I’affaire « Boshart c, Etat indépendant du Congo », le tribunal de Bruxelles déclara, le 5 février 1898 + ® Voyer SALMON, J., « La pratique du pouvoir exécutif et le contrale des Chambres législatives en matiere de relations internationales (1965-1967) », n° 289, RBDI, 1969/1, 2 ¢ Immunité de juridietion et incompétence d’attribution », RCDLP., 1950, pp. 139-153, 29 ¢ The Problem of Jurisdictional Immunities of Foreign States », BLY.BL.. 1951, vol. XXVIIL, p. 238 2. 3 ¢ Limmunité de juridiction des Htats et des organisations Internationales », RCADI., 1953, I, vol. 84, pp. 262 et 285. #2 ¢ X. ¢ Consul général des Etats-Unis d’Amérique +, Cour de Batavia, 17 mars 1936, precite. ¢ De Decker c. République fédérale des Btats-Lnis d’Amérique », Cour d'appel de Léopoldville, 29 mai 1956, Pas., 1957, II, p. 55 et LLR., vol. 23, 1956, p, 209, < De Bock ¢, I'Etat indépendant du Congo », Cour dappel de Bruxelles, 1* juillet 1891, Pas., 1891, Il, p. 419 ; Clanet, 1893, p. 224. Epoux Perevosischikoff - Germeau c. Etat da Canada », Civ, Anvers, 10 ecto- bre 1934, Pas., 1936, III, 37. « Représentation commerciale de IULR.SS. c. Sakharoff 2, Cour de Paris, 30 novembre 1933, R.C.DIP., 1936, p. 175. € Tani ¢, Délégation commerciale russe >, Foro italfano, 71, 1948, 1, p. 855, eité par LALvE, op. eit. p. 262, 95 © Attendu qu'il est manifeste qu'un Etat, lorsqu'il engage ou démissionne des fonctionnaites, n'agit point comme personne civile traitant sur un pied d'égalité contractuelle, mais se comporte comme pouvoir public dans l'exercice de sa souveraineté politique ®, » Tout sécemment encore Finn Seyersted mettait en lumiére l'incom- pétence ratione materiae des tribunaux éteangers dans les affaires reie- vant de la compétence organique (organic jurisdiction) des Etats. Quoi qu’ih en soit de cette prise de position de la doctrine et de la jurisprudence, il convient de relever que le paragraphe 2 de l'article 4 du projet du Conseil de !'Europe qui peut a I’évidence s'appliquer & des personnes employées sous contrat de travail dans les ambassades et consulats, qu'il s'agisse de personnel de service de Ia mission, de person- nel administratif et technique de la mission ou de domestiques privés de membres de la mission, est susceptible d’entrer en conflit avec les Conventions de Vienne stipulant I'immunité de juridiction des agents diplomatiques et fonctionnaires consulaires, 2. Droits réels Selon l'article 8 du projet de convention du Conseil de Europe : « Un Etat étranger ne peut invoquer Vimmunité de juridiction devant un tribunal ; a) Si ses droits sur un immeuble ou usage qu'il fait d'un inmeuble font Pobjet d'une contestation. b) Si laction est relative a une obligation a laquelle i] est assujetti, soit en sa qualité de titulaire d'un droit sur un immeuble, soit en raison de l'usage de ce dernier, et que t'immeuble est situé sur le territoire de V'Btat du for. » Ici encore on voit que c'est un article susceptible de s'appliquer essentiellement aux hotels diplomatigues, aux chancelleries et résidences de chefs des missions sur lesquels I'Etat accréditant a acquis des droits réels, Une décision du 30 octobre 1962 de la Cour constitutionnelle allemande en fait foi *. #9 Pas., 1898, III. p. 305. 54 Finn Sevenstep, « Jurisdiction over Organs and Officials of States, the Holy See and Intergovernmental Organizations », £.C.LQ., 1965, pp. 33-82 et 493.527. %© ¢ Vereinigte Kaliwerke Salzdethurth A.G. . République de Yougoslavie >, (@ BUM 1/60; Entscheidungen des Bundesverfassungsgerichts, vol. 15, p. 25: Neue juristische Wochenscheift, 1963, vol. 16, p. 435; AJ-lJu, 1965, p. 653). La Cour estime qu'une modification du titre de propriété de Timmeuble utilisé comme ambas- sade niaffecte pas l'exercice des fonctions diplomatiques, 94 La Convention de Vienne protége sans conteste les agents diplo- matiques contre toute action réelle concernant un immeuble situé sur Je territoire de I'Etat accréditaire lorsque cet immeuble est possédé pour le compte de I'Etat acoréditant aux fins de la mission (article 31, paragraphe 1*", a) de la Convention de 1961), La Cour constitution- nelle allemande, dans une décision précitée ** du 30 avril 1963, a toute- fois prétendu que cette disposition ne se référait qu’a Vimmunité per- sonnelle du diplomate qui devait étre distinguée de 1'immunité de I'Etat. Ce point de vue, pour les raisons que nous exposerons dans la troisiéme partie de cet article, ne nous parait pas acceptable. 3. Successions et donations Selon article 9 du projet de convention du Conseil de I'Europe : «un Etat étranger ne peut invoguer I'immunité de juridiction devant un tribunal si l'instance porte sur des biens mobiliers ou immobiliers vacants ou dépendants d'une succession ou d'une donation ». Ici encore, on se souviendra que 1a Convention de Vienne de 1961 en son article 31, paragraphe 1*, b, n'excluait Ja juridiction civile ou administrative de I'Etat accréditaire que lorsqu'll s'agissait d'une action « concernant une succession dans laquelle l'agent diplomatique figure comme exécuteur testamentaire, administrateur, héritier ou légataire, A titre privé et non pas au nom de I'Etat accréditant », Or c'est bien au nom de I'Etat accréditant que I'agent diplomatique peut étre amené dans J'exercice de ses fonctions apparaitre dans une succession en, particulier lorsqu’il exerce des fonctions consulaires (article 3, paragraphe 2 de Ja Convention de Vienne de 1961) ®. Quant aux consuls, on se souviendra que T’atticle 5 de la Conven- tion de Vienne de 1963, qui énumare les différentes fonctions consu- laires, dispose en son paragraphe g) que les consuls peuvent « Sauve- garder les intéréts des ressortissants, personnes physiques et morales, de I'Etat d'envoi, dans les successions sur Je territoire de Etat de xésidence, conformément aux lois et réglements de I'Etat de résidence ». En 1899, Je tribunal correctionnel de Jp Seine, dans une affaire « Christidis contre consorts Verissi >, se trouva devant le probleme suivant : Christidis, deuxiéme secrétaire de la légation de Gréce, rem- * Voyer supra, note 18. 37 Une situation un peu particule se présente cependant, en outre, en droit belge oit un agent diplomatique peut représenter ITEtat belge dans une succession en deshérence. 38 18 fevrier 1899, Clunet, 1899, p. 369. 95 plissant les fonctions de consul, avait été chargé és qualités de liquider une succession d'un sujet helléne, le sieur Verissi pére, Les consorts Verissi demandérent des comptes a Christidis, puis l'assignérent pour abus de confiance par exploit du 28 novembre 1898. Or, depuis le 3 aofit 1898, Christidis, déplacé par son gouvernement avait emis le service dont il était chargé 4 son successeur et continuait de résider en France a titre privé. Le tribunal déclara ce qui suit : « Attendu qu'il s'agissait pour le tribunal d'apprécier l'opération d’un consul agissant dans I'exercice de ses fonctions de consul...,.de contrdler Jes comptes de ce consul et d’apprécier les honoraires qui peuvent lui étre dus: que Je tribunal est incompétent pour juger les actes qu'un consul étranger a accomplis dans la limite de ses attributions a l'égard d'un de ses nationaux... Par ces motifs, se déclare incompétent, » On voit donc qu'ici encore le projet de Strasbourg recouvre des situations identiques a celles prévues par les Conventions de Vienne de 1961 et 1963. 4, Responsabilité pour accident de rowlage Lianticle 10 du projet du Comité d'experts sur Yimmunité des Etats prévoit ce qui suit : « Un Etat étranger ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal s'il s'agit d'une action en réparation du dommage causé sur Je territoire de I'Etat du for, 4 une personne ou & des biens par un véhicule automoteur qui appartient audit Etat étranger ou qui circule pour son compte, » Dans son commentaire du 22 février 1968, le secrétariat du Conseil de l'Europe ne se fait pas faute de relever ce qui suit s'agissant des voitures diplomatiques et consulaires : « Lorsque les voitures de cos catégories appartiennent a I'Etat ou circulent pour son compte, les dispositions du présent article leur sont applicables. > On voit d’ailleurs mal, en dehors du personnel de la mission diplo- matique, a qui pourrait s‘appliquer cet article 10 puisque article 19 du méme projet exclut son application pour les forces armées se trou- vant sur Je territoire d'un autre Etat. Larticle 10 du projet recouvre @ son tour une situation déja régie par la Convention de Vienne de 1961. Certes, avant la mise en vigueur de cette Convention, des doutes étaient possibles. C'est ainsi que par un arrét du 10 février 1961 de T'Oberster Gerichtshof en Autriche, la théorie de l'acte jure gestionis fut appliquée a « T'exploitation de voitures automobiles par un Etat étranger et la participation de celles-ci a la circulation ». 96 Chargé de retirer le courrier officiel, le chauffeur d'une voiture automobile appartenant a I'ambassade des Etats-Unis avait causé un accident de circulation, La Cour supréme, aprés avoir confirmé son arrét du 10 mai 1950 dans l'affaire « Dralle », suivant lequel les Etats étrangers relevent de la juridiction autrichienne pour leurs actes jure gestions, examina la question de savoir si l'on était en présence d'un tel acte ou d'un acte de souveraineté. La Cour estima qu'il fallait considérer !’acte lui-méme et non pas son but. La détention et I'exploi- tation de voitures automobiles par un Etat étranger et la participation de celles-ci a la circulation rentraient, de lavis de 1a Cour, dans la sphere de 'activité de droit privé de I'Etat intéressé, Il importait peu que la voiture efit ste en Iespéce un moyen d’exercice de la souverai- neté, & savoir le retrait du courrier officiel de l'ambassade. La Cour décida, en conséquence, que les tribunaux autrichiens étaient compé- tents pour condamner I'ambassade des Etats-Unis & Vienne & réparer Je dommage causé par l'accident *, Sur cette question des actions en responsabilité découlant des acci- dents de roulage, la Convention de Vienne de 1961 a pris nettement position en n’acceptant pas cette exception a l'article 31 relatif a Tim- munité de juridiction des agents diplomatiques. Les Pays-Bas avaient introduit un amendement tendant a ajouter a la fin du parageaphe 1* de cet article Ja disposition suivante : « L'immunité de juridiction civile, dans la mesure oi elle concerne une action en dommages et intéréts relative a un accident de la circu- lation survenu dans I'Etat accréditaire et dans lequel l'agent diploma- tigue est impliqué, est sujette & la condition que cette action peut étre intentée directement contre une compagnie d’assurances devant un tribunal de I'Etat accréditaire. » Cet amendement fut rejeté par 37 voix contre 9 (dont celle de la Belgique) et 25 abstentions. Ce résultat amena Israél a proposer une résolution de la Confé- rence relative aux réclamations privées. Cette résolution qui fut adoptée par la Conférence Je 14 avril 1961 « Recommande que I'Etat accrédi- tant renonce a Y'immunité des membres de la mission diplomatique en ce qui concerne les actions civiles intentées par des personnes dans Etat accréditaire lorsqu'il peut Je faire sans que cela entrave I'accom- plissement des fonctions de la mission, et que, lorsqu'il ne renonce pas a Timmunité, I'Etat accréditaire applique tous ses efforts & obtenir un réglement équitable du litige. » 39 Jue. Blatter, 1962, pp. 43-45. Contra, voyex Cour supréme de Croatie, 30 aoat 1956, Affaire de « la réclamation contre une ambassade étrangére », LL.R., vol. 23, 1956, p. 431. 97 Comme on le voit, elle ne laisse aucun doute sur le point de savoir si les agents diplomatiques sont couverts par 'immunité de. juridiction pour les accidents de roulage. La solution adoptée sur ce point — il importe de Je souligner car c'est la seule fois que nous aurons 4 le noter — est totalement diffé- rente en matiére d'immunité de juridiction des fonctionnaires et employés consulaires. Il résulte en effet de J'article 43 de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 que l'immunité de juridiction pour Jes actes accomplis dans Texercice des fonctions consulaires ne s'applique pas en cas d'action civile : « b) Intentée par un tiens pour un dommage résultant d'un accident causé dans I'Etat de résidence par un véhicule, un mavire ou un aéronef. » Conclusions Il découle done de ce qui précéde que plusieurs des articles du projet de convention sur Yimmunité des Etats sont de nature a s'ap- pliquer directement a I'activité des agents diplomatiques et a interdire a l'Etat d'invoguer son immunité dans ces cas. Dés lors, chaque fois que activité des agents diplomatiques sera de nature officielle et en relation avec l'objet des articles de la convention sur l'immunité des Etats que nous venons d'examiner, on se trouvera devant un probléme de choix du traité a appliquer. B. DISPOSITIONS DETERMINANT LES CAS DANS LESQUELS UN ETAT ETRANGER EST CENSE AVOIR RENONCE A LIMMUNITE DE JURIDICTION Le projet du Comité d'experts sur J'immunité des Etats prévoit deux cas de renonciation implicite a Yimmunité de juridiction selon que I'Etat soit demandeur ou défendeur. 1° Cas de I'Etat demandeur Larticle 2, paragraphe 1*, stipule que : « Etat demandeur ou intervenant volontairement devant un tribunal d'un autre Etat se soumet, pour la procédure ainsi engagée, a la juridiction des tribunaux de cet Etat... ». 98 Cette conception de !a renoneiation a J'immunité de juridiction est étrangére a la Convention de Vienne de 1961. Cette derniére, on 'a vu plus haut, dispose que la renonciation doit toujours étre expresse, d'une patt, émaner de I'Etat accréditant, d’autre part, Memes conclu- sions s‘agissant de la Convention de Vienne de 1963 (atticle 45). Le systéme de Vienne exclut la possibilité de considérer comme valable une instance introduite par un agent diplomatique si elle n'est pas autorisée expressément par I'Etat accréditant, Certes, avant la mise en vigueur de la Convention de Vienne, Ja jurisprudence de plusieurs pays estimait que le fait pour un diplomate d'engager une procédure civile dans 1'Etat accréditaire pouvait étre considéré comme un cas de renonciation expresse 4 son immunité*, Cette jurisprudence était tout a fait discutable : il n'y avait pas 1a renonciation par I'Etat accréditant a l'immunité : quant & la volonté qui était manifestée, tout au plus pouvait-on dire qu’elle était implicite, d'une part ; elle n’avait aucun caractére exprés, elle ne s‘exprimait pas d'une manitre directe, d'autre part L’école italienne et, entre autres, M. Giuliano, professeur a 'Uni- versité de Milan, ont soutenu, a Ja suite d'un certain nombre de déci- sions italiennes que l'on avait tort de parler d'immunité de juridiction et de renonciation & Timmunits lorsque le diplomate lui-méme est demandeur*, Selon eux, la norme internationale qui exempte les représentants diplomatiques de la juridiction civile tendrait uniquement a les protéger en tant que défendeur et n'aurait pas du tout pour objet de les empécher de se porter demandeur pour la sauvegarde de leurs droits, Cette distinction intelligente et subtile ne semble cependant pas avoir é€é acceptée par la Convention de Vienne, Selon celle-ci, un agent diplomatique demandeur bénéficie de limmunits de juridiction. Ceci découle notamment du texte de l'article 32, alinéa 3, qui dit : « Si un agent diplomatique ou une personne bénéficiant de l'immunité de juridiction en vertu de J'atticle 37 engage une procédure, il n'est phis recevable 4 invoquer I'immunité de juridiction a l'égard de toute demande reconventionnelle directement lige a la demande principale, > Il découle donc de ce qui précéde que la régle établie a Yarticle 2 du projet de convention sur l'immunité des Etats est en contradiction avec la Convention de Vienne de 1961 lorsque l'action menée par un diplomate demandeur a trait a ses fonctions officielles, 49 Voyez notamment Vaffaire « Nazare Aga c. Galezovsky », Pavis, 2 mat 1912, DP. 1916, 1, p. 66. #1 GIULIANO, M., « Les relations et immunités diplomatiques », RC.A.DII,, 1960, tome I, vol. 100, 99 Les mémes conclusions sont valables pour les consuls (voyez notam- ment Varticle 45 de la Convention de 1963). 2° Cas de l'Etat défendeur L’article 12, paragraphe 2, du projet de convention sur l'immunité des Etats prévoit ce qui suit : « Un Etat étranger ‘est censé avoir renoncé & l'immunité de juri- diction si, devant un tribunal, i) procéde au fond avant d'invoguer son immunité ou si, n'ayant pu qu’ultérieurement prendre connaissance des faits sur lesquels il aurait pu fonder Yimmunité, il ne s‘en est pas prévalu aussitét que possible. » S'agissant des agents diplomatiques, la jurisprudence était certai- nement divisée sur ce point. Dans I'affaire « The Republic of Bolivia exploration », en 1913, les tribunaux anglais estimérent que Jorsqu’un diplomate avait comparu et pris un certain nombre de conclusions, i} ne lui était plus permis d'invoquer son immunité afin d'arréter le cours de Ja procedure au préjudice des demandeurs et de ses co-défendeurs qui avaient engagé des frais en se basant sur sa renonciation apparente“*, Il y a pourtant des décisions ou des pratiques en sens contraire. C'est ainsi gu’en France, il existe une jurisprudence qui permet de revendiquer l'immu- nité de juridiction en tout état de cause, Le 8 mars 1886, le tribunal civil de la Seine, dans J'affaire « Duval contre de Maussabré >, rejeta Ja demande introduite contre le Ministre de Monaco a Paris qui, aprés avoir déposé les conclusions sur le fond revendiquait limmunité diplo- matique : « Attendu qu'il importe peu que de Maussabré ait tout d'abord conclu au fond, que les immunités diplomatiques sont d’ordre public et que les exceptions basées sur l'application du principe d'exterritorialité peuvent étre invoguées en tout état de cause *, » La compétence qui découle du caractére d'ordre public de I'immunité de juridiction peut étre invoquée en tout état de cause (voyez tribunal civil de la Seine, affaire « époux Castanheita Da Neves contre époux Rondeau »“'), méme aprés conclusion au fond (affaire « Dessus contre Ricoy » #), et pour la premiére fois en appel (affaire « Pappenheim »“*), 4 Satow, E., Guide to Diplomatic Practice, § 332. + Clunet, 1886, p. 592. # Tribunal civil de la Seine, 25 avril 1907, RDLP.D-PL., 1908, p. 153. 4° Tribunal civil de la Seine, 23 mars 1907, Dal. pée., 1907, Hl, p, 281 et note Pours. 49 Paris, 21 aott 1941, Sizey, 1841, 2. p, 592. 100 ou en cassation (affaire « Esrembault de Dudzeele » *"). Les tribunaux saisis doivent se déclarer d'office incompétents. Le caractére d'ordre public de Mimmunité de juri des agents diplomatiques a encore été rappelé par la chambre criminelle de la Cour de cassation francaise le 26 février 1937 dans Vaffaire « Defallois contre Piatokoff et autres »**, Quoi gu’il en soit de la jurisprudence, depuis la mise en vigueur de Ja Convention de Vienne de 1961, les dispositions que nous avons analysées plus haut ne Jaissent aucun doute, l'immunité ne peut pas @tre implicite; on ne peut présumer la renonciation ; la renonciation doit étre expresse et émaner de I'Etat. Tei encore donc, le régime prévu par le Comité d'experts sur \immunité des Btats différe de celui qui a été admis a la Convention de Vienne de 1961 comme de celui de la Convention de Vienne de 1963. 41 Cassation Francaise, 19 janvier 1891, Clunet, 1891. p. 137. “ RCDLP. 1937, p. 700. 10! TROISIEME PARTIE PROBLEMES RELATIFS A LA COMPATIBILITE DES CONVENTIONS DE VIENNE ET DU PROJET DE CONVENTION SUR LIMMUNITE DES ETATS Aprés avoir examiné dans les deux sections qui précédent le régime de Vienne et de Strasbourg et essayé de déterminer quels étaient leurs points de contact, il convient maintenant d'essayer de déterminer guelle sera la nature de ce contact. S'agit-il de conflit, d'incom- patibilité ? Le rapport de ta huititme séunion du Comité d’experts sur Vimmunité des Etats daté du 22 mars 1968 (EXP/ST. IMM. (68) 3) Ipisse entrevoir que le Comité s'est posé la question, Nous trouvons en effet ceci au paragraphe 56 du rapport : « 56, Un expert a falt observer qu‘en ce qui conceme I'utii- ssatlon, en général, des immeubles des ambassades et des activités diplomatiques, s'il deverait possible de poursuivre non le diplomate mais Etat dans tous ces cas, toute Timmunité diplomatique serait sapée. La majorité du Comité 2 estimé, au contraire que les questions immunité des Etats et d'immunité diplomatique étafent distinctes et devaient étre traitées comme telles, Si chaque tentative pour rédulre Timmunité des Etats se heurte a la crainte quelle affecte indirecte- ‘ment T'immunité diplomatique, les graves problémes et injustices ‘que provoque la premitre dans la vie quotidienne ne pourraieat pas ‘tre résolus et le Comité n’exécuterait pas son mandat, Des progeés ne peuvent étre accomplis dans ces travaux que si l'on tient pour acquis que Ia convention n'a pas d'effet direct sur Timmunite diplomatique (voir article 20, a et b) et que son effet indirect est impossible & prévolr tant que les tribunaux et la pratique des Btats nauront pas indiqué, sur la base de la Convention de Vienne, et de Ia Convention de Strasbourg, Ia portée et Tétendue respectives de Iimmunité diplomatique et de Vimmuntté des Etats. > Le point de vue du Comité d'experts se refléte en effet dans le texte de l'article 20 (dans son état au 15 décembre 1968), Ce texte se lit comme suit : ¢ Aucune disposition de la présente convention ne dott porter attelate : > a) aux autres accords jnternationaux en vigueur entre les Etats parties a ces accords »b) aux regles générales da droit internationa} relatives aux Immunités et privileges diplomatiques et coasulalres, > 102 En examinant ce texte a la lumitre de explication donnée, on peut se poser la question de savoir si le Comité ne minimise pas trop Je droit international coutumier ou conventionnel relatif aux immunités et priviléges diplomatiques et consulaires ? Ou, a J'inverse, Marticle 20 étant destiné a assurer Je respect de ces régles coutumiéres ou conven- tionnelles, si le Comité se rend compte gue son projet s'en trouvera minimisé, verra son champ d'action limité. Il convient donc d’essayer de déterminer avec précision quels sont les zones possibles de recouvrement des deux conventions, les faits auxquels les deux conventions pourraient s'appliquer simultanément, A. S'AGISSANT DES DISPOSITIONS DU PROJET DE STRASBOURG DETERMINANT LES CAS DANS LESQUELS UN ETAT ETRANGER EST CENSE AVOIR RENONCE A SON IMMUNITE, DE JURIDICTION {articles 2 et 12 du projet) On peut ici étre fort bref, On se trouvera devant un cas d’application simultanée des deux conventions lorsque l'agent diplomatique apparaitra dans une instance, soit comme demandeur, soit comme défendeur a l'occasion de n'importe quel acte de nature officielle, Par application, soit de l'article 2, para- graphe 1", soit de l'article 12, paragraphe 2, I'action de cet agent diplomatique peut étre considérée comme une renonciation par I'Btat étranger a limmunité de juridiction. En revanche, selon la Convention de 1961, ces situations, nous l'avons vu plus haut, ne sont pas de nature & constituer une renonciation valable 4 J'immunité de juridiction du diplomate. B, SAGISSANT DES DISPOSITIONS DU PROJET DE STRASBOURG DETERMINANT LES CAS DANS LESQUELS UN ETAT ETRANGER NE PEUT INVOQUER LTMMUNITE DE JURIDICTION (articles 4 & 10 du projet) Pour que les deux régimes puissent s'appliquer simultanément, il nous ‘parait nécessaire que Jes faits de la cause réunissent les trois conditions suivantes + a) Il faut tout d’abord que l'instance porte sur + 1. Des droits ou obligations assumés par des agents diplomatiques agissant en leur qualité officielle, ou encore d'actes ou de situations 103 découlant de leurs fonctions. Autrement dit, i s'agit de faits ou de situations couverts par I'immunité de juridiction ratione materiae ou, comme certains l'ont dit, par J'immunité de I'Etat. En effet, si ces actes sont accomplis a titre privé, 'immunité ratione personae sera seule susceptible de s'appliquer et aucun conflit n'est possible, 2. Des droits ou obligations appartenant aux termes des Conven- tions de Vienne a l'« Etat accréditant », I'« Etat d’envoi » ou « Ja mission », b) Il faut ensuite que les droits ou obligations sur lesquels porte Tinstance soient des droits ou obligations au sujet desquels le projet du Conseil de l'Europe a prévu que I'Etat accréditant ne peut invoquer son immunité de juridiction ; en d'autres termes, ce doit étre un cas d'application des articles 4 8 10 du projet. A supposer que l'instance porte sur un refus de passeport, par exemple, le projet de Strasbourg ne serait pas d’application et aucun conflit ne serait par conséquent possible, c) Il faut enfin que I'agent diplomatique ou la mission soient impliqués dans T'instance. Mais comment ? Crest ici que se trouve le nceud de Ja question, Plusieurs situations doivent étre distinguées : Premiére hypothése Liagent diplomatique est assigné < en son propre et privé nom > parce qu'il est partie a T'instance. C’est hui qui gagnera le procés ou sera condamné. Cette situation est claire, limmunité diplomatique s'y applique sans Je moindre hésitation, Deusxiéme hypothése Liagent diplomatique recoit I'assignation comme mandataire ad litem et par conséquent figure dans instance en qualité de représen- tant de Etat aceréditant qui seul est partie défenderesse a instance. Cette situation de représentation est courante et tombe dans les fonctions normales d'un chef de mission. La Convention de Vienne de 1961 n’a-t-elle pas rappelé en son article 3 que Jes fonctions d'une mission diplomatique consistent notamment & + « a) Représenter I'Etat accréditant auprés de I'Etat accrédi- taire »? 104 Il y a cependant une difference fondamentale entre la représen- tation de caractére général prévue par cet article et un mandat ad litem, La question présente deux aspects. Si I'Etat accréditant intente une action sur le territoire de I'Etat accréditaire, on s‘accorde a reconnaitre que le chef de la mission a mandat pour Je représenter, Ainsi dang Yaffaire « Republic of China v. Chuka Newspaper Co. Ltd, et al » la Cour de district de Tokyo déclara, le 23 décembre 1955 : « Where a State brings an action in a foreign court its customary representative is its foreign envoy unless a special representative is designated for that purpose **. » Mais l'inverse est-il vrai? Si on veut assigner I'Btat accréditant sur le territoire de I'Rtat accréditaire, Je chef de mission a-t-il obliga- toirement qualité pour te représenter? Les rares décisions de jurisprudence qui ont apercu Ja question se sont jusgu’ici prononcées en ce sens : le tribunal de Rome notamment dans une décision rendue le 28 janvier 1952 dans l'affaire « Castiglioni c: République populaire fédérale de Yougoslavie » **, L'assignation était dirigée contre la République de Yougoslavie a Belgrade, en la personne du Président de Ja République représenté en Italje par un ministre plénipotentiaire et fut adressée tant au Président de la République yougoslave par le canal du ministére italien des Affaires étrangeres gu’au ministre de Yougoslavie a Rome. La République yougoslave refusa de comparaitre, Le tribunal examinant si l'assignation du ministre était correcte déclata ceci (tra- duction anglaise de I'International Law Reports) : « Tt As, oa the other hand, in general terms a more open question whether the diplomatic agent of a forelgn State may properly be treated as representing the latter in the contexts of private law and procedure, In the instant case this question does 4 LLR,, vol. 23, 1956, p. 210. Voyez aussi « Caja Nacional de Ahorro Postal ©. Legaciin de Polonia >, Cour supréme d’Argentiae, 29 septembre 1952, Clunet, 1954, p. 228. 0 LR. vol. 19, 1952, p, 203, Voyez aussi implicitement : « De Roover ¢, Etat belge », tribunal civil d’Anvers, 2 février 1920, Pas., 1920, Ilf, 93: « Un chef escadron (Frésouls) n'a pas qualité pour représenter I'Btat francais, ai le ministre de la guerre de la République; ...le commandant Frésouls n'est que le chef d'un organisme destiné & ravitailler les troupes frangaises et n'est investi d'aucune délé- gation pour représenter I'Etat frangals auprés du gouvernement belge. » Dans Taffaire « Hellenic Lines Ltd v. South Vietnam and Embassy of South Vietnam, commercial division, (ULS. Dist. Ct, SD.NY., I décembre 1967, AJ.LL., 1968, p. 783; 275 F. Supp., 860), la cour de district n'a pas envisagé Yimmunité de 'am- hassade de manitre distincte, Elle n'a tralté que de limmunité de VEtat du Sud ‘Vietnam, 105 not really atise because, as has been seen, process was served not ‘only on the Yugoslav diplomatic representative in Rome but also directly upon the chief representative of the Yugolav State, that is to say, the President of the Federal Government. But it is perhaps desirable nevertheless to deal with it shortly. > Tt has always been accepted that a diplomatic agent repre- sents his State vis-a-vis the Government of the State to which he fs accredited, that he has charge of the public and private interests Of his State, and that he may protect the rights of nationals of the latter State, But writers have not considered fo any great extent the capacity of such an agent to represent his State, or the Government thereof, in transactions of a private law character, oF to sepresent the latter in proceedings in which it becomes involved as a result of such transactions. ... Such an agent is the offictal representative of one State within the territory of another. ... >... As the plaintiff has averred, diplomatic agents have very often entered into relations of a private law character, principally contracts, as agents for the States which accredit them. ‘They have appeared in sults without any special authorization and have indeed often, in thelr capacity as organs of the States to which they belong, themselves authorized other persons to act for then in such matters. The Yugoslav Minister has only recently done an act of ‘this character, as appears from the testimony of the Land Registrar, Correspondingly, proceedings have been brought on the basis of relations of a private law character against foreign States via the diplomatic representatives of the latter without any question of procedural capacity or effective joinder of parties being raised, distinct from a question as to the existence of any jurisdiction at all over the foreign State concemed. > Un agent diplomatique ne peut-il pas cependant invoquer son immunité de juridiction dans ce cas ? Le tribunal de Rome dit non : 106 << This view of things does not, moreover, involve any conflict ‘with the rules governing the Immunities of diplomatic agents, nor with the essentials of diplomatic privileges, For it is clear that the receiving State concedes the customary immunities and privileges, ‘which of course Include immunity from jurisdiction in general and from civil Jurlediction in particular, motives of international courtesy apart, in order to ensure respect for the status of a foreign envoy ‘within its territory and to facilitate the due discharge of his unetions, It is for this reason that writers maintain that these icamau- nities attach to the envoy personally and not merely to bim qua an organ of the sending State, and that they are available in pro- ceedings in which he is personally involved rather than in those arising out of the exercice of his official functions. Diplomatic immunity from civil jurisdiction, if it ts to conform to its object and nature, must be limited, in the view of this school of writers, to proceedings in which the envoy concerned is joined as defendant in his persosal capacity. Where the action arises out of his activities qua an organ of the sending State it has nothing to do with his personal capacity, to which the immunity attaches, but is directed against the foreign State concerned. And in an action of thls sort the question is no longer one of diplomatic immunities but the quite different one of the extent to which one State may assume civil jurisdiction over another. and in consequence over an organ of that other, namely, a diplomatic envoy. > Applying this indisputable principle here, it must be con cluded that If the rules as to diplomatic immunities do not debar a diplomatic agent from acting a en organ of his State even ia a matter of a private Iaw character, they do aot, either, prevent his being Joined as a defendant in proceedings arising out of a matter of a private law character in which that State is involved, > Meme raisonnement a peu de chose prés, du tribunal civil de la Seine dans l'affaire « Crédit foncier d' Algérie et de Tunisie v. Restrepo et département d’Antiquia » ® : fon > Attendu que Restrepo, chargé d'affaires de fa République de Colombie & Paris, ne saurait se prévaloir dans Ia présente instance de Vimmuaité de Jurkdiction attachée & la quale d'agent diploma- tique ; que ce a’est pas, en effet, en son nom personnel qu'il est asstgné, nl comme représentant de la République de Colombie, mais, fen tant que mandataire d'un département colombien, lequel métant pas Etat souverain, peut étre valablement cité devant les tribunaux francais conformément a T'article 14 du Code civil. » : Le substitut Lyon-Caen I'y avait d’ailleurs engagé en exposant ce gui suit pour prouver que J'hypothése de I'immunité de juridiction ne jouait pas + > Sur quo! repose-telle? On a voulu assurer aux agents diplomatiques une pleine liberté d'action, une indépendance absolue pour s'acquitter de leur mission, empécher que T'ntervention inoppor- ‘tune, maladcoite, tracassitre des autorités ou des créanciers du pays ‘quills habitent putsse mettre en péril cette indépendance ou com- promettre les intéréts de I'Btat étranger, » Et alors on déclare que, par déroyation a l'article 14 du Code civil, ces agents ne peuvent étre assignés, en matiére personnelle et rmobiliére, devant les tribunoux frangais, Mais cela suppose quills sont personnellement assignés, que le litige les concerne personnelle- ment, que leurs propres intéréts sont en cause, > Toujours agent est personnellement assigné en qualité offi- cielle ow privée. » Estece le cas ici? = Déciston du 11 décembre 1922, Clunet, 1923, p. 858. 107 » Nullement, Qui, en effet, est personnellement assigné? Le Gouvernement d'Antioguia. » M, Restrepo n'est de ce dernier que le représentant, le man- dataire ad litem, et figure dans instance en cette seule qualté. Non seulement il n'est pas Tobjet de ‘assignation, mals & vrai dite, il nest pas assigné du tout : il est seulement chargé de recevoir assignation et de la transmettre & son mandant, et d'attendre ses instructions. Cela est si vrai, que ce n'est pas contre lui que Ja condaronation est demandée, ni qu’elle sera éventuellement pro- roneée, nl exécutée. Dow > En d'autres termes, Vagent ext couvert par deux sortes ‘immunités + » 1* Limmuntté diplomatique proprement dite, 'exemption de Juridiction, 2'l est personnellement assigné : M. Restrepo rest pas assigné personnellement ; Timmunité ne joue pas @ son profit: > 2 Limmunité de Etat, liacompétence des tribunaux fran- sais, pour connattre des actions dirigées contre I'Btat, quand c'est YEtat qui eat intéressé et assigné et que agent diplomatique est appelé & le représenter. Ici, ce n’est pas TEtat de Colombie qui fait Yobjet de lassignation: c'est un département, gul n'a pas droit 8 cette protection, réservée aux Etats souverains. » Secrétaire de légation de I'Etat de Colombie, il ne peut se prévaloir de limmunité de juridiction qui garantit cet Btat, puisque ‘ce n’est pas cet Etat qui est dans T'nstance ; ni, d’autre part, invo- quer Fimmunité diplomatique qui le couvre personnellement, puisque ses intéréts propres ne sont pas en jeu et que la demande n'est pas Introduite contre Iui personnellement, > Ces démonstrations sont indéniabtement brillantes, Toute la ques- tion est cependant de savoir si la conception de l'immunité de jusidiction des agents diplomatiques gu’elles sous-tendent est compatible avec la Convention de Vienne de 1961, Le raisonnement du tribunal civil de la Seine (ou en tout cas du substitut Lyon-Caen) et celui du tribunal de Rome, sont tous deux fondés sur l'idée que le diplomate ne serait protégé par son immunité diplomatique que pour son activité personnelle; pour le reste, lorsqu’il s'agit de ses activités officielles, il serait protégé par l'immunité de I'Etat, Nous avons vu plus haut que cette conception n'est pas celle de la Convention de Vienne, Liimmunité diplomatique que cette convention prévoit est une immunité @ la fois ratione personae et materiae, cou veant l'ensemble des activités, officielles ou non, accomplies par les agents diplomatiques; sur le tertitoire de "Etat accréditaire, Le but des priviléges et immunités « est non pas d’avantager des individus mais d'assurer I'accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentant des Etats » (Préam- 108, bule, 4* alinéa) ; I'Etat accréditaire a {'obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin d’empécher que la paix de Ja mission soit troublée (article 22, § 2) ; « I'Etat accréditaire accorde toutes faci- lités pour I'accomplissement des fonctions de Ja mission » (article 25). Nous ne pensons pas que ces dispositions seraient observées si on pouvait forcer le chef de mission a recevoir une assignation pour le compte de son Etat. Enfin il est une dernidre raison pour Jaguelle on ne peut accepter la thése défendue par les deux jugements ci-dessus, Si on devait retenir cette thése, toutes les immunités ratione materiae des missions et de leurs membres qui ne sont pas couvertes par I'immunité jure imperii de Etat accréditant pourraient étre toumnées, Tous les actes accomplis par les diplomates a titre officiel mais dans la zone des actes jure gestionis de \Etat accréditant pourtaient etre déférés aux juges de I'Etat accréditaire sans que J'immunite de juridiction de l'agent diplomatique puisse étre invoquée. Un diplomate invoquerait-il son immunité dans une instance rela- tive a um accident de roulage d'un véhicule de Ja mission ou relative @ la Jocation des locaux officiels de 1a mission? Qu’a cela ne tiene, on assignerait 1'Etat accréditant, représenté sur place par l'agent diplomatique, et le tour serait joué. Un tel tour de passe-passe est inacceptable, Le but fondamental et traditionnel des privileges et immunités diplomatiques est ne impediatur legatio, empécher que Jes juridictions de I'Etat accréditaire n‘intervien- nent dans Tadministration ou Je fonctionnement de la mission qu’ convient au contraire de faciliter. Comme on Ia vu plus haut, lorsque les auteurs de la Convention de Vienne n'ont plus voulu dans certaines circonstances accorder aux membres ou anciens membres de la mission la totalité du privilege de juridiction que représente Fimmunité ratione personae, ils ont alors en tout cas toujours maintenu I'immunité ratione materiae, Vimmunité pour actes de la fonction. Comme le dit H.F. Van Panhuys : « The minimum immunity that can be granted is the immunity ratione materiae, This minimum means that the receiving State may not, in any case, interfere with matters relating to the operation of the foreign diplomatic mission "*. > Si sous prétexte que les actes officiels mettent en cause I'immunité de I'Etat, on peut assigner celui-ci, on vide de son sens la partie la plus essentielle de Vimmunité de juridiction des agents diplomatiques. 8 « In the Borderland between the Act of State Doctrine and Questions of Jurisdictional Immunities », .C.L,Q., 1964, p. 1205, 109 Crest ce qu’a fort bien mis en lumiére le tribunal de Rome dans une décision du 24 mars 1953 dans faffaire « Lagos c, Baggianini » ® dont voici quelques extraits en anglais tirés de International Law Reports : « There is a theory — evolved as a consequence of the restrictive tendency which exists and has been applied in the deci- sions of some inferior courts — which holds that the problem of diplomatic immunity can be rightly examined only in relation to ‘acts performed extra officium ; immunity in respect of official acts is connected with the general question of exempting foreign States from jurisdiction in respect of acts performed by their organs jure imperii. According to that theory, it is not the person of the diplo- ‘matic agent which Is to be taken into consideration, but the foretgn ‘State represented by him. ... > Such a theory, which links together the question of exempting foreign States from jurisdiction and the question of jurisdictional immunity of diplomatic agents in respect of their official acts, does not appear to be acceptable, on account of the substantial difference {n the persons who would benefit from the privilege. In fact, one of the parties to the legal proceedings is, as far as the first problem is concerned, a foreign State, and. in the case of the second problem, always a diplomatic ageat, If we now consider the difference in the ‘evolution of the two institutions in both international and municipal practice, we will see that the identification of the two problems ‘would lead us to anomalous consequences connected with the historical development of the rules governing immunity. » Adverting to this theory of ideatification of the two institu- tions, we observe the fact that the intemnational custom, generally accepted in the past, under which States were under an obligation to recognize each other's immunity from jurisdiction, is, in the light of recent judicial decisions and of the legislative acts of many States, tending to disappear or to be confined within very restricted Jimits. From this, we are driven to the conclusion that if the above- mentioned identification Is correct, diplomatic immunity from juris- diction would also disappear or would be restricted to very narrow limits. » Troisiéme hypothése Liagent diplomatique peut enfin étre impliqué dans I'instance ~ encore qu'il n'y soit attrait ni a titre personnel, ni a titre de repré- sentant de I'Etat — parce qu’il forme l'objet de cette instance, Reprenant les exemples cités ci-dessus de I'accident de rowlage d'un véhicule de fa mission ou de location des bureaux officiels de la mission, peut-on accepter que I'Btat accréditant soit assigné, représenté "* LLR, vol. 22, 1955, p. 532; Riv. Dir, Int, 1954, p. 111, 110 sur place non plus par I'agent diplomatique mais par un représentant ad hoc? Serait-ce encore un moyen de tourner J'immunité du diplomate et de troubler la tranquillité de la mission, du fait que l'objet de Tinstance serait l'activité officielle de I'agent diplomatique ? La question est plus délicate. On se souviendra que dans l'affaire « Restrepo > examinée ci-dessus, le substitut Lyon-Caen avait lui-méme insisté sur le fait qu'en I'espéce Restrepo n'était « pas l'objet de l'assi- gnation » *, Tout sera probablement question d'espéce et i} parait difficile de généraliser, Voyons tout d'abord I'exemple de I'accident de roulage. La distinc- tion entre I'Etat et le diplomate peut se prévaloir d'un précédent faisant une distinction analogue dans Je droit interne : il est généralement admis que Ja qualité de diplomate n'interdit pas U'action directe contre la compagnie d’assurances qui assure sa responsabilité civile en matiére d'accidents de roulage, Le tribunal civil de Chinon, le 27 juillet 1931, puis la Cour d’appel Orléans, le 28 décembre 1932, dans l'affaire « Changeur c. Hargréa- ves et Pani » "* ont tous deux décidé que l'action était recevable contre Yassureur méme en J'absence du diplomate assuré. La Cour a notamment déclaré : « Attendu gue la loi du 28 mai 1913 exige seulement pour que Yassuré puisse trlompher dans sa demande, gue Tassureur se soft seconau ou ait été reconnu judiciairement débiteur ; qu'elle ne pose aucune autre condition ; que sans doute pour établir la responsabilité de Tassureur il est nécessaire d'établir Ja responsabilité de Tassuré, auteur de f'accident; mais qu’aucun texte de loi ne s'oppose & ce ‘que cette preuve soit faite en dehors de sa présence... i > Que Tabsence de Poni (le diplomate) ne présente aucun inconvénient sériewx puisque les astureurs peuvent faire valoir contre Ia victime tous les moyens dont ils disposent contre l'assuré et aussi fous les moyens de défense dont dispose celui-ci. » Le tribunal civil de la Seine, le 5 janvier 1957, dans l'affaire « Société des Etablissements Letbowitz c. de Leseleuc. as qual. » estime cependant que si a victime d'un accident peut agir directement contre l'assureur de I'auteur responsable pour réclamer Je montant de Tindemnité a laquelle elle a droit, encore faut-il que l'assuré ait été mis en cause ou ait été a tout le moins informé de la procédure enga- M4 Décision précitée, Clunet, 1923, p. 864 ™ RCDAIP., 1931, p. 668, note Niboyet. °® Gaz, Pal, 1-3 mai 1957; A.F.D.I., 1958, p. 769, it gée. Or J'immunité diplomatique s'oppose A cette mise en cause et T'iinformation est question d'espéce. La Cour d'appel de Bruxelles, pour sa part, n’insiste pas sur la mise en cause qu'elle n’estime pas indispensable, 4 Atendu gue lorsqu'll s agit, comme en Vespéce, d'un accident ans lequel est impliquée une personne couverte par Yimmunité diplomatique, instance mue & Ta requéte de la personne lésée & charge de assureur donne liew a un débat hors de le présence du bénéficiaire de Timmunité, o& sont examinés leo faits pouvant entrainer des obligations dans le chef de T'assureur; que le diplomate mest pos appelé & la cause et ne pourrait I'étre eu égard 8 $2 qualité,» Pagssons a notre second exemple, celui des difficultés pouvant naitre a Toccasion d'un contrat de location de limmeuble ou se trouvent les bureaux officiels de Ja mission, Que le chef de la mission soit ou non présent a l'instance, il est clair que J'action en justice portant sur cet objet est de nature A perturber trés sérieusement I'activité de la mission, On se rappellera en outre ce que nous avons dit dans Ja premiere partie de ce rapport (page 2) sur les immunités diplomatiques dont Je bénéficiaire est I'« Etat accréditant » ou « la mission » (articles 8, 22, 23, 24, 27 et 28). L'inviolabilité des archives et documents de la mission, par exemple (article 24) est un privilege de 1'Etat accréditant gui doit pouvoir étre revendiqué en toute occurrence que Ie chef de mission soit ou non présent a I'instance ; les archives et les documents de la mission ne peuvent faire l'objet d'une action en justice, L'immu- nité diplomatique — méme si I'Rtat accréditant en est le réel titulaire ~ doit pouvoir étre invoquée en tout état de cause. a Il découle de tout ce gui précéde que pour qu'il y ait application simultanée des articles du projet de Strasbourg et des Conventions de Vienne de 1961 ou 1963, trois conditions sont nécessaires et suffi- santes + ot Aprét du 10 janvier 1964, « ‘The London and Lancashire Insurance Cy Ltd ¢. Toussaint, Poncelet et consorts Jacobs >, Pas., 1964, II, pp. 157 et suiv.; R.BDL, 1966, p. 558. ‘Sur la question de « L'immunité devant le droit pénal, en particulier en ce qui concerne les infractions aux régles de la circulation >, voyez H.G, Scuamuns, dons Le droit pénal international (hommages Jacob Maovten van Bemmelen), Leiden, Brill, 1965, p. 174, 12 — activité du diplomate, du consul ou de la mission couverte par Timmunité ratione materiae ; — application des articles 4 a 10 du projet de Strasbourg ; — implication de I'agent ou de la mission comme partie ou comme représentant d’une partie a I'instance ou comme objet de T'instance. Les exemples que nous avons donnés montrent que la zone d’appli- cation simultanée est relativement étendue et que le Comité d’experts semble en avoir minimisé I'importance, Le Comité s'est en outre mépris, sur le contenu de !'immunité diplomatique dont il entend assurer a protection par l'article 20 en estimant, dans certains cas que nous avons relevés plus haut, que les dispositions de la Convention de Strasbourg seraient applicables aux missions diplomatiques. En fait, sauf bonne volonté de I'Etat accréditant et décision de sa part de lever Fimmunité diplomatique, il faut considérer que I'immunité diplomatique, coutumiere et conventionnelle, fait obstacle a I'applica- tion du projet de Strasbourg dans tous les cas d’antinomie, Il ne pourrait en étre autrement que si les négociateurs de la Con- vention de Strasbourg décidaient de remplacer l'article 20 par un article donnant la prééminence & celje-ci, disposition gui n'aurait de. valeur qu'entre Etats parties aux deux conventions et ne pourrait, bien entendu, @tre opposable aux tiers. Si Jon souhaite que méme les activités des agents diplomatiques, pourvu gu’elles soient accomplies par eux dans T'exercice de leurs fonctions ou a titre officiel, tombent sous le coup de la Convention sur T'immunité des Etats, il faut bien se dire que l'on va se trouver devant {a situation paradoxale suivante : V'agent diplomatique ne serait plus protégé lorsqu'il invoque I'immunité de jutidiction ratione materiae, c'est-a-dire un moment oi !'immunité se justifie le plus pour l'exercice paisible et efficace de la mission. Au contraire, lorsqu’il s'agitait d'actes purement privés, n'ayant aucun rapport avec I'exercice de ses fonctions, méme sils ont été accomplis pendant |'exercice de ses fonctions, agent diplomatique continuerait a bénéficier de la plus parfaite impu- nit! Il-y aurait la une situation susceptible de rendre rapidement le reste d'immunité des agents diplomatiques assez indéfendable, Pour notre part, nous estimons qu'il ne convient pas de porter atteinte aux immunités diplomatiques par le biais d'une convention Jimitant Timmunité de juridiction de Etat, Nous rejoignons sur ce point Jes auteurs qui se sont faits les apétres de la limitation de Himmunité des Etats, Ainsi Sir Hersh Lauterpacht, dans son article précité, prévoyait le maintien de Timmunité de jutidiction de I'Etat dans quelques cas 113 exceptionnels notamment « les principes de droit international en matiére d'immunités diplomatiques >. Jean-Flavien Lalive, dans son cours a La Haye, en 1953, se mon- trait également favorable A une limitation drastique de limmunité de juridiction de Etat. Il souhaitait que puisse étre établie la régle : « L’Etat étranger ne jouit de I'immunité juridictionnelle que pour certains actes dits de puissance publique *. » Or pari ceux-ei, i rangeait «d) Les actes relatifs a l'activite diplomatique de I'Etat; de la sorte, le domaine des immunités diplomatiques au sens étroit ne serait pas affecté: par exemple, une action judiciaire relative a un immeuble ‘occupé par la mission diplomatique de I'Etat étranger serait déclarée irrecevable . » Philippe Cahier, enfin, aprés avoir noté la tendance actuelle & restreindre de plus en plus J'immunité de juridiction des Etats expose ce qui suit : en > Il résulte de cette analyse que, dans tous Jes Etats qui font tune distinction entre les actes jae imperii et jure gestions, les actes contractuels ou extracontractuels d'une mission diplomatique pous- alent étre sanctionnés par les tribunaux locaux, Une telle solution ne nous parait pas satisfaisante et la légalité de cette mesure mous semble douteuse. Bien que les actes d'une mission diplomatique solent Imputables 3 Etat accréditaire, il semble que dans ce domaine la mission mérite un traitement différent de celul de Etat qu'elle représente. En effet le fondement de Timmunité de juridiction de 1a zlssion diplomatique ne doit plus se rechercher dans Ie principe de Tégalité et de indépendance des Etats, mais dans la nécessité de Tui permettre d'exercer librement ses fonctions. {1 en eésulte que Ja protection de la mission doit étre reaforeée par rapport a celle de TEtat. Si tel n’étalt pas fe cas, on aboutiralt & ce résultat absurde ‘que le droit diplomatique accorderait, comme nous le verrons, une 4% Article cité, BY B.LL., 1951, p. 238, Il ajoutait (p. 239) + < Admittedly, the exception to be conceied in connexion with diplomatic immunities is one of accomo- dation, calculated to soften the impact of a somewhat drastic innovation, rather than of principle. Courts of some countries have not hesitated, in appropriate cases, to assume Jurisdiction over foreign States even when the subject-matter of the action had some relation to diplomatic activities. It is probable that, in modern conditions, the entice principle of diplomatic imraunity may calt for reconsideration, However, improvements ia the content of international law are not made easier by being attempted simultaneously in various directions, » Les limitations de I'immonité diplo- tmatigue supposées par l'éminent auteur n‘ont cependant pas été consacrées par Ja Convention de Vienne sinon sur trois points d'importance évidemment marginale. © Op. cit, p. 285. 00 Thidem, p. 286. 14 immunité de juridiction civile tris vaste aux agents diplomatiques, pout la nier a la mission qui est bien plus importante que les agents. » Test vrai que on pourrait objecter & ce raisonnement gu’ est tout aussi absurde diaccorder @ la mission un traitement plus favorable qu’a I'Etat dont elle est organ; toutefois cette objection ne nous paralt pas fondée. En effet la politique commerciale d'un Etat est, par certains c6tés, moins importante : si un Etat dresse trop d'obstacles & un autre Etat, ce demier pourra par exemple faire du commerce avec un troisidme. Bien plus, un procts nlempéche pas A proprement parler des rapports commerciaux car il a des ‘conséquences moins graves. Par contre une mission diplomatique, et est la raison sur laquelle repose tout le systéme des privileges diplomatiques, doit pouvoir exercer en toute liberté ses fonctions ; alle doit étre a I'abri de toutes tracasseries de VEtat accréditaire car elle agit de maniére permanente sur le territoire de celui, 323 fonctions sont délicates et importantes et c'est delle que dependent fen grande partie les relations entre les deux Etats. I! ne faut pas ‘que des procts aménent des tensions entre eux ou qu'lls contribuent 8 slurs une atmoaphe ql do the au contra teow proper Ades relations pacifiques. En réalité, des nécessités impérieuses de fonctions et dindépendance justfient, pour la mission diplomatique, tun régime d'immonités plus absols que celui des Etats, » Il ajoute encore : « I est tres regrettable que In Conférence de Vienne uait pas considéré Ja question de Yimmunité de juridiction de 1a mission. ‘Tout en comprenant les motifs qui Yont inspirée, & savoir que la question rentrait dans Timmunité de Juridiction des Etats, probleme dont la Commission du droit international doit s‘occuper, il aurait mieux valu prévoir un article dans le cadre de la codification dtu droit diplomatique, ce qui aurait évité des conflits futurs, En absence d'une telle réglementation, nous pensons gue la solution correcte est d’accorder aux missions diplomatiques une immunité de juridiction absolue *, » Nous partageons cette maniére de voir. ote Quoi qu'il, en soit, on admettra sans doute qu'il y a Ja une matiére qui préte a réflexions, susceptible d’étre réglée de diverses maniéres. Quelles que soient les solutions a retenir — et pour notre part nous avons indiqué nos préférences — chacun sera conscient qu'il convient de peser les conséquences avant de s'orienter dans une voie définitive. © Le droit diplomatique contemporain, Droz, Geneve, 1962, pp. 238-239 ; voyez aussi Cantar, Philippe et Lae, Luke T, : « Vienna Conventions oa Diplomatic and ‘Consular Relations >, Infecnatfonat Conciliation, January, 1969, n° 571, pp, 27-28, 115

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