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REGULATION BANCAIRE, REGULATION FINANCIERE Marie-Anne FRISON-ROCHE Professeur des Universités a Sciences Po Directeur de la Chaire Régulation 1. La régulation bancaire a pour objet la solidiré du systéme bancaire par l'imposition de régles sur ces opérateurs spécifiques que sont les banques et les établissements de crédit. De son cété, Ja régulation financiére a pour objet la protection des investisseurs agissant sur les marchés de titres financiers. Par la différence de leur objet, les régles celévent de branches du droit distinctes, droir bancaire et droit financier. L'on dispose de trés nombreuses érudes portant sur l'une ou l'autre, rarement entrelagant les deux perspectives. 2. Pourtant, non seulement !a pratique mais les textes eux-mémes les mettent en maillage, voire font se peccurer les deux corps de régles, & travers le souci et les méthodes de régulation'. On observe donc un décalage entre Lintimité des mécanismes bancaires et financiers, en eux-mémes et par les régles qui les régissent de facon croisée, de fagon mélée?, et Ia distinction maintenue dans le systéme juridique entre les deux branches du droir er entre les institutions?. 3. Cette situation tient au fait que le systéme juridique n’adopte pas la régulation comme mode de classement’, alors que, par exemple, le droir de la famille coincide avec les contours de la famille, le droit des contrats avec les 1. Vi pacex., Revue d'Economie Financitre, « Sécurité et réguiation financiéres », Moncchres- tien 2001. V. aussi Damy G., La confrontation de la régulation bancaire avec la régulation boursiére, Banque Stratégie, janv. 2006, p. 20-26. L’auteus escime que la régulacion bancaire prédomine, mais cela tient-il sans doue au fait qu'il examine principalement le cas des prises de contrdle entre banques. 2. V. par ex. Aonzo Ph. er Heem G., « La régulation du secteur bancaire et financier : quel mode d'organisarion ? Quel réle pour 'Erat ? » , RFEP, sepr. 2003, p. 135-162. 3. Vi infra n° 12. 4. Cest pourquoi des auteurs doutent de l'exisrence méme d'un droit de ta régulation. V. la position particulitrement nerte en ce sens de Gérard Marcou, « La notion juridique de régulation », AJDA, 2006, p. 347 s. Contra Frison-Roche M.~A., « La cégulation, objet d’une branche du droit », én Petites Afficher, « Droit de la régulacion : questions dacrualiré », n° spéc., 2003, p. 3-7. Etudes de droit pravé offertes 2 Paul Didver, Economica, 2008 174 Marie-Anne FRISON-ROCHE phénoménes de conctars, etc. Il en résulre une apparence de désordce, que l'on reproche abondamment 4 la régularion>. 4. Plucér que d’en parler en ces termes, il convient d’admettre la com- plexité que la cégularion, voire l'interrégulation, reflérenc. Ce simple énoncé montre que, pour une méme situation, par exemple un marché financier sur lequel les banques agissent comme intermédiaires, se développenr des régles ou se prennent des décisions qui soit sone étrangéres les unes aux aurres, soit sont conformes ou compatibles entse elles, soit sont contraires les unes aux autres, suivant qu’elles sont rarrachées au droit bancaire ou au droit financier. 5. Cette complexité tient parfois aux organisations économiques et finan- ciéres elles-mémes, ce qui est alors admissible car si les régles doivent refléter ta réalicé, la complexicé de l'une fair la nécessité de l'autre’. Mais cette complexité peur aussi résulrer du systéme juridique lui-méme, notamment Patce que celui-ci est consrruit sur la distinction du droic bancaire et du droit financier, faisant de ce fair difficilement le lien entre les deux, complexicé artificielle donc, et en cela critiquable puisque signe de défaillance du droit. 6. Mais les lacunes du systéme juridique méritent reproche plus encore que la complexité inutile. Il y a lacune soit parce qu'il n’existe pas de régle permettanc d’ordonner la conformicé des régles bancaires et des régles finan- ciéres des unes par rapport aux aucres, soit patce qu’il n’y a pas de régles pour résoudre leur contradiction. L’absence de solution pour résoudre la contradic- tion née d'une surabondance des régles ese une lacune. Pour parvenir 4 la résoudre, il faut donc que s’adapte le sysréme juridique et qu’y joue en son sein la doctrine, au sens oi celle-ci donne une fluidité interprétative aux régles’. 7. Le peu de souci que semble pourrane exprimer la doctrine jutidique sat linterfécence entte régulation bancaire et régulacion financiére® cient sans doure au fait que si les études s’affinenc sur chacune d'elles, ce qui est pat 5. Par ex., la critique formulée & cravers L'analyse institutionnelle et par le prisme de la carégoric des autorités administratives indépendantes, v. Decoopman, N. (dit), Le disordre des antorités administratrves indépendantes, L'exemple du secteur é:onomnique et financier, PUF, 2002. 6. Le Conseil consticurionnel fait expressément ce lien entre complexité de la réalicé et nécessité d'un droit complexe, pour en conclute d'ailleurs d’un deoic inutilement complexe est, dans sens, anticonstitutionnel puisque contraire au ptincipe posé par ailleurs d'intelligibilicé du droic (Cons. Const., décision 2005-530 DC du 29 décembre 2005 relative a la loi de finance 2006 ; considérants 76 et s). 7. Sur Vexplicitation théorique de ce rdle de la doctrine dans le systéme juridique, y. Luhmann N., « Le systéme juridique », in Archiver de Philosophie du droit, Le systime paridique, Sitey, et Jestaz Ph. et Jamin Ch., La doctrine, coll. « Méthodes du droit », Dalloz, 2004 ; sur un exemple pratique, notamment la transposition dans la régulation bancaire d'une solution née dans la régulation financiére, et vice-versa, pac le seul jeu du taisonnement doctrinal. 8. V. cependant les travaux de Grégory Damy, nor. Agrémencs et contrdles des restructu- rarions des établissements de crédie, fasc. 185, JurisClasseur Banque — Crédit — Bourse, jany. 2006, n° 200 — 247. REGULATION BANCAIRE, REGULATION FINANCIERE 175, natuse un progrés, elles ne se déploienr souvenr que discipline par discipline, peu croisant les deux alors que la pratique les mer en maillage?. 8. Paul Didier, en hommage duquel cer arricle esc offerc, est un auceur qui se distingue entre autres choses dans la considéracion non seulement qu’il accorde 4 la pratique, l’amenanc 4 croiser diverses branches du droit, mais encore dans |'intégration qu’il opére de ja chéorie économique dans ses analyses juridiques®®, I"ensemble le conduisanr 4 se libécer des cloisonne- menrs entre branches du droit. La démarche est exemplaire. Nous allons donc tenrer de la suivre. 9. Mais les rapports étroits entre activités bancaites et activités financit- res, alors méme que les deux régulations n’ont pas 4 premiére vue le méme objer!', rendent lobservation difficile. Que le lecteur, et cout spécialement le destinataire particulier de cet article, me petmerte de faire ici deux écono- mies. La premiére, renvoyanct aux différents manuels, économie de récolement donc, porte sur la description dans la régularion bancaire er dans la régulation financitre des régles, organismes, personnages, instruments er poulies qui font s’opérer les surveillances, les sanctions, etc. 10, La seconde, économie de discussion, porte sur le raccachemenc de ces procédés et personnages 4 |'idée méme de régulation, au-dela des mécanismes de marché et des réglementations"?. L’objec de cer arricle est bien plutét de rendre hommage 4 Paul Didier, qui m’accueillir dans son équipe pédagogi- que avec coute la gentillesse et la délicatesse qu’on lui connait, cette contti- bution voulant aussi exprimer d’une fagon plus générale la reconnaissance que l’on peut éprouver a son égard d’avoir offert a la lecture des études ayant directement confronté les pratiques et les rhéories!?, c’est-a-dire renforcé le droit économique'*. 11. Cette confrontation entre régulation bancaire er régulation fnanciére s’opére tour d’abord en creux, en ce qu'elle n’a pas donné lieu en France 4 une fusion encte les deux régulaceurs, inicialemenc la Commission Bancaire et la Commission des Opérations de Bourse, alors méme que l’opportunité légis- 9. Sur une description de ce maillage, v. Ler banques entre droit et conomie, coll. « Droit et Economie », LGDJ, 2006. 10. « Théorie économique et droit des sociétés », in Mélanges A. Sayag, Droit ex vse des affaires, p. 227-241. Comme le montre Vintiulé, il s'agit davancage dans cet article de s‘inrerroger sur le droit des sociétés, pergu d’une fagon unifiée, c'est-d-dire sans cirer conséquence fondamencale de la distinccion dans la régulacion financitre enree sociérés cotées et sociétés non cotées, mais la méthode est bien la méme). LL. Ve sapra nL. 12. V. par ex. pour rendre compre de conceprions différences de ce que peur écre la ségularion et leurs conceptions différentes sur l'organisation économique, Frison-Roche M.-A., «Définition du droir de la régulacion économique », D, 2004, chron., p. 126-129. 13. V, parex., Didier D., « Théorie économique er droie des sociétés », préc. 14, Frison-Roche M.-A., «La recherche juridique en mariére économique », in Quelles perspectives pour la recherche jaridique, COM. « Droit et justice », PUF, 2007, p. 93-101. 176 Marie-Anae FRISON-ROCHE lative en était offerte 4 l'occasion de la mise en place de l'Autorité des Marchés Financiers par la loi du 3 janvier 2003 et aurait simplifé le systéme!>. Ensuite, le fait que la Grande-Bretagne y ait au contraire procédé par l’inscicution en 1998 de la Financial Securities Authority montre que cela était concevable. 12. Ainsi, la distinction entre les deux régulations d'une maniére inscicu- tionnelle, non pas qu'elle soit plus intéressante en soi mais parce qu'elle est plus visible, prenane en France la forme d’aucorités administratives indépen- dances!®, actescerait l’autonomie bienvenue des corps de régles. Symétrique- ment, si les régulations dépassent \'analogie, ont alors le méme objet, ou incerférenc crés forcement, alors un corps unifié de régles, ou encore V'institu- tion d'un seul régulateur serait la solution la plus adaptée, voire une évolu- tion nécessaire. 13. Quel ese l’enjeu chéorique et quel ese l’enjeu pratique de se poser une celle question ? Du poinr de vue théorique, tout d’abord, il s'agit de mesurer Je degré d’unicité du « droit de la cégulation », condition méme de son existence, existence qui est soit affirmée!’, soic contestée!, soit explicite- ment, soic implicitemenc!®. Ici il convient de déterminer si la régulation bancaire et la régulation financiére appartiennent ou non & un méme corps de régles qui auraienc pour premiére caractéristique commune de s'insérer dans un droit général de la régulation ec en seconde caractéristique de se rattacher chacun a des sicuations techniques, renvoyanc alors 4 deux droits spéciaux de la régulation, droic de la régulation bancaire, droit de la régulation financiére. 14. Ce souci théorique du classement et donc de la compréhension et donc de ce que l'on pourrait désigner comme « Jintelligence » de la matiére rejoint immédiatement |’enjeu pratique de la question 4 travers l’idée des principes direcceurs. Le droit de la régulation est-il A ce point unifié, voire constitue-t-il une branche du droit?°, de sorte qu'il y développerait des principes directeurs. Ceux-ci seraient alors en pratique transposables d’une régulation spéciale a l'autre. 15. Gélard P,, Les autorités adminissratives indépendantes, un objet juridique indéterminé, Office Patlementaire d’évaluation legislative, juin 2006 16. V. Gélard, préc. Cela rend plus difficile l'obsecvacion ec la discussion car est au sein d'une catégorie générale et déja en elle-méme assez mal maicrisée, que le droit er Ja doctrine frangaise insérene et juxtaposent des autorirés proprement régulatrices ec des aurorités protecrrices de liberrés publiques, alors que la clarré du propos, avant méme la dispure, gagnerait & aller directemenc & la catégoric de « régulateurs ». 17. Feison-Roche M.-A., « Le droit de la cégulacion », D. 2001, Chron., p. 610-616. 18. Boy L., « Réflexions sur le «droit de la régulation » (A propos du texte de M.-A. Frison-Roche) », D. 2001, Chron., p. 3034. 19. En la méthode du classement, et donc de Ja cléture, dans le droit privé, ou daos le droit public. V. par ex. B. du Marais, Le droit public d: la régulation, coll. « Amphi », Presses de Sciences Po / Dalloz, 2004. 20. Frison-Reche M.-A., « La régulation, objet d'une branche du droir », in « Droir de la régulation : questions d'actualité », n? spéc. Petiter Affiches, p. 3-7, 3 nin 2003. REGULATION BANCAIRE, REGULATION FINANCIERE 177 15. Au-dela de la question institutionnelle d’un ou de deux régulateur(s) et pour ne prendre qu’un exemple, une solution jurisprudentielle ou un raisonnement né dans un des corps de régles et de décisions serait transposa- ble par le seul raisonnement dans l'autre corps de régles, parce que lié par des principes directeurs communs. Dans le cas contraire, une solution de régula- rion baneaire resteraic close dans celle-ci, tandis que la régulation financiére demeuterait pareillement repliée sur ses propres régles. 16. Le maincien de I'architecture frangaise batie sur deux régulateurs fonderait une celle solution subsranrielle. Mais le systéme francais inchangé ne conscitue qu’un indice d’adéquation. En effet, changer requiert davantage d‘arguments que ne pas changer puisqu’exigeant effort. Si l’on veut préter au législareur davantage de raisons?!, et du fait des opporrunicés successives d’adaptation que les changements dans les deux branches du droit ont offertes et qu'il n’a pas saisies, on peue considérer qu’il ne s‘agit donc pas d’un empéchemenct de conjoncrure mais bien d'une volonté de ne pas méler davancage les deux régulations. 17. Si l'on considére que |’évolurion du droit positif ou sa stabilité natt d'un raisonnement par ailleurs alimenté par les pratiques observées et les chéories élaborées, il convient de rechercher quels sont les points d’indiffé- rence ou d’incimicé que présencenct la régulation bancaire et la régulacion financiére l'une par rapport a l'autre. Pour cela, autane aller directemene vers deux notions done le droit n’a fait que s‘imprégner mais qu'on trouve directement dans les marchés er leur présentation théorique par d’aucres doctrines que celle du droit : la connaissance et la rationalicé. 18. Il en ressore que la part d’idencité propre n’empéche pas !’inrimité entre les deux régulacions. I] convient simplement de distinguer les mauvai- ses raisons, qui poussenc plurdt vers la distinction entre les deux régularions, des bonnes raisons, moins visibles, pour constater leur intimité. Cetre dualité prima facie confrontée 4 une intimicé mesurée entre régulation bancaire et régularion financiére, permet d’en cirer quelques conclusions. 19. A lire les cexces et les décisions, la régulation bancaire et la régulation financiére n'ont pas la méme sphére d’application, ni les mémes instructions deffecrivité, ce qui briserait au passage l'unicé du droit de la régulation, si Jon prétend non seulement dépasser la distinction usuellement faite entre « industrie de réseaux » et « marché financier » mais encore y intégrer la régulation bancaire. 21. Sut la notion de « bonnes raisons » ou de « fortes raisons », remplagane par une logique discursive la notion précédente plus imposante de Raison, v. d'une fagon générale Boudon R., Raison, bonnes raisons, PUF, 2003 ; v, aussi du méme auteur, Le juste et le vrai, Fayard, 1995, Ce qui est souvent présentée comme des obligations entravantes, comme la motivation, ov Vorganisation de procédures contradicroires devane des régulateurs gui ne sonc pas des juridictions, deviene une forme de rationalité qui renforce le pouvoir de celui qui s'y plie. 178 Marie-Anne FRISON-ROCHE 20. Ul serait tenrane de se contenter d'une monstration plucér que d'une démonstration. Elle prendrait la forme suivante : les banques seraient des entreprises me ressemblant 4 aucune aurre patce que créant de la monnaie scriprurale afin d'exercet leur profession de fousnisseur de crédit, la définirion jusrifianc interdiction d’exercer cette profession sans autorisation ératique er agrément. Mais d'une part le rapprochement des notions de monnaie, de citres et de marchandises, d’autre part l'ampleur de l'acrivité d’intermédia- tion, d’introduction en bourse, etc. des banques est telle que par leur activité, si ce nese par leur forme et la réglementation dont elles sone l’objer, elles tessemblent a des entreprises comme les autres?*. Dés lors, l’enfermement de ta régulation bancaire sur elle-méme est plus difficile 4 sourenir. 21.1] faudrait alors analyser le rapport entre régulation bancaire et régu- lation financiére sur le mode de Ja « contamination », qui opére comme un étau. Par un premier mouvement, les banques agissent comme les autres opétateurs avec des instruments financiers qui sone de plus en plus interchan- geables ; par un second mouvement, elles se comportent comme les autres sociétés commerciales, émettent des citres qu’elles offrent a la cotation, entrent au capital des entreprises de marchés financiers dont elles sone elles-mémes les principaux inrermédiaires, se dévorent entee elles 4 travers des offres publiques, etc. Les régulations se rapprochent alors en dehors de voloncés législatives ou politiques mais pat les objets eux-mémes. Mais ces observations, en dehors méme du fait qu’eiles sont en sens contraire, ne valent pas démonstration. 22.11 convient davancage de mesurer [4 of la régulation bancaire et a régulation financiére sont indifférences l'une a l'autre, voire ob elles divergent Vune par rapport a l’aucre. I, ~ LES MAUVAISES RAISONS DE DISTINGUER REGULATION BANCAIRE ET REGULATION FINANCIERE 23. La ptemiére impression est précisément que régulation bancaire et régularion financiére sone distinctes parce qu’elles ne reléveraient pas de la méme perspective, le régulaceur bancaire ayanc la charge objective de la solidicé d'un systéme, tandis que le cégulareur financier serait « l'arbitre » des opéraceurs agissant sur les marchés, protégeant priorirairement un intéréc légirime : celui de l'investisseur. Certe distinction n'est pas si aisée ni si solide, De la méme fagon, on affirme volontiers que la régulation bancaire se fair dans la disctérion, voire dans le secret, alors que la régulation financiére met ef son coeur l'information. La aussi, la présencation par cer opposé€ 1A est excessive, 22. Paseté O., « Les banques : des modes de gouvernance pas tout & fait comme les autres », in Les bangues entre le droit et &onomue, ptéc., p. 305-311. REGULATION BANCAIRE, REGULATION FINANCIERE 179 — L’opposition excessive entre protection de l’apporteur de fonds et protection du systéme 24, La distinction de Vobjeccif et du subjeccif est familigre au droit. On affirme que longtemps elle discingua le droit public, gatdien objectif de la légalité, la personne n’étant elle-méme qu’agent de la légalité, vision indiflé- rence aux libertés publiques et alors méme qu’en droit privé, elle n'avair souci que de son intérét personnel par exemple en agissant en justice, randis que le droit privé n’avair pour objec que la protection des prérogatives égoistes, comme le droit de propriété, et la balance des intététs entre des parties dans des litiges judiciaires limicées @ leur volonté grace au principe disposiif. 25. Cette présenration ne fur jamais que déformation et ne mérite plus cour au plus que la qualification de « tendance », cat le droit public a le souci des personnes comme le droit privé recéle les mécanismes de réalisation objectif du droit?*. Pourtanr, l'imporrance que l’on accorde 4 la distinction a une influence directe sur notre sujet. 26. En effet, il esr usuel d’affirmer que la protection du systéme bancaire reléve d’une perspective objective, comme le révéle l'ampleur de la céglemen- tation, le caracrére ex ante de beaucoup de mécanismes, !’inserrion des déci- sions dans le droir public et sous le contréle du Conseil d’Erar en France plutét que dans le droit commun et la connaissance que pourrait en avoir ce juge ordinaire qu’est le juge judiciaite. Syméttiquement, on soutient, le régulateur en premiet”4, que la régulation financiére exprime un souci de protéger une personne en particulier, 4 savoir l'investisseur?’, dans un rdle général darbicrage. Si cela est exact, alors le couple Objectif / Subjectif suffiraic 4 fonder la distinction des deux régulations. 27. Mais la distinction est de moins en moins perceptible. En effer, la protection des dépositaires se renforce, en elle-méme, par souci de ceux-ci, au-dela du tisque de la faillite des banques. De la méme facon, le cégulareuc financier, lorsqu’il assure l'injection dans le marché financier de l'information perrinente et de son bon partage, travaille 4 la prospérité objective de la place. Dvailleurs, si la régulation financiéte avaic pour objectif premier la prorection des investisseurs, on comprend mal la distinction de plus en plus forte entre sociérés cotées et sociérés non-corées, au point que les régles qui régissent les unes et les autres sone devenues écrangéres les unes aux autres?®. Le régulareur 23. Sur Ja démonseration ures générale qui en a écé faire, v. H. Motulsky, Principes d'une réalisation méshodique du droit privé, Las théorie des déments ginérateurs des droits subjectifs, Sirey, 1948, reprine Dalloz, 2002. 24. Prada M., « Les nouveaux acreurs de ta régulacion : démembrement ou renouvellement de Etat ? », n° spéc., Pesites Affiches, 2000, p. 12-16. 25. Parachekova I, Le powvoar des investisseurs dans les socétés eotées, coll. « Droit er Economie », LGDJ, 2005. 26, Ftison-Roche M.-A., « La distinction des sociérés corées et des sociérés non corées », iz Mélange: AEDBF-France, Banque Editeur, 1997, p. 189-199 ; Boizard M., La distinction 180 Marie-Anne FRISON-ROCHE financier a conc aussi en charge objective le bon fonctionnement du marché financier. 28. et de dimension subjective, qui ne les distinguent done pas nectement, ec qui, présences dans chacune, juscifieraienc plurér leur rapprochement. insi, les deux régulations ont leur part égale de dimension objective 29. Passons & une autre opposirion usuelle, celle entre ta connaissance et le secret, non pas qu'elle n’exisre en rien mais elle est la aussi trop fragile pour conscruice une distinction entre régulacion bancaire ec régulation financiére. 2. — L’opposition excessive entre la connaissance et le secret 30. Le marché financier est avane tout un mécanisme d’informarion, c'est en cela qu'il ceprésente l’exemple pur de macché?’, représenté comme une énocme machine & calculer, image qui rejoinr de plus en plus la réalité en raison de l'informarisation des marchés. A l'inverse, comme !a sociologie juridique le souligne?®, la régulation bancaire se fair porte close, dans les antichambres des satons des banques centrales, avec la politesse, la fermeté et la négociation diplomatiques que reflétent les maniéres des régulateurs ban- caires. 31. A Vinverse, le régulaceur financier déploie son activité pour diffuser sur le marché une information fiable et exhaustive, validée par son sein, opéranc une fonction proche de l'exequatur. A ce civee, le régulateur financier exerce un office analogue de celui confié en droir des sociétés au commissaire aux comptes, ce qui justifie le conrrdle que le premier execce sur le second??. 32. Mais l’opposition ainsi faite encre connaissance er secret est crompeuse en elle-méme. En effet, la régulation financiére se fair en écroite collaboracion entre le régulateur public, les entreprises de marché et les acreurs principaux, dans la phase anrérieure 4 l’adoption des texces, 4 travers des consultations de place, mécanisme public mais qui peut prendre aussi des modalités plus de la socidsé conde ot de La socsésé non-cotée comme summa divisio du droit des suittés, These Pacis il, 2002. 27. V. parex., Boissieu Ch, de, « Comparabilieé économique entre systéme concurrentiel de biens et services ec syscéme boursier et Gnanciee », 2m Petites Affiches, n° spéc., « Droit boursier ec droit de la concurrence », 21 juillet 1999, p. 5-7. 28. Robert J.-H., « Scarut et séle des professionnels dans les procédures collecrives en Angleterre », in Le statue ot Le rile des professionnels dans les procédures collectives dant differents pays d'Europe (Allemagne, Angleterre, Belgique, Espagne, France, [talte), Laboratoire de sociologie juridique, Paris I, 1992, dacty\. 29, Puisque le commissaice aux compres cercifie les compres, il diffuse I'informarion la plus ptécieuse qni soit pour le marché financier, a savoir la fiabilieé des informations comptables, informations sous-jacenres, ce qui justifie que le eégulateur en charge de Vinrégriré du marché financier puisse condamner ce professionnel pour diffusion de fausse informarion au marché, sans qu'un texre spécia) lui air confécé un cel pouvoir. V. Pans, 8 mars 2000, KPMG (décision n° 199915862) REGULATION BANCAIRE, REGULATION FINANCIERE 181 informelles et plus discrétes. Ce que l’on désigne comme la co-régulation a sa part de secret et d’arrangement??, 33. En outre, l’opposition entre connaissance et secret est erronée dans les termes utilisés. En effet, il ne convient pas d’opposer la connaissance et le sectet, car le premier terme concerne la détention d’une information, sans préciser l'usage qui en est fair pat son bénéficiaire tandis que le second vise la rétention d’une informacion détenue par son bénéficiaire. Donec, il y a tou- jours dans les régulacions bancaire et financiére Venjeu de la détention d'information, simplement dans le premier cas l'information esc le plus souvent retenue (pour éviter un effet de panique) tandis que dans les deux Y'information a vocation 4 étre rétrocédé au marché. Le premier temps est identique, 4 savoir la collation de l'information le régulateur ayant pour fonction de luttet contre l’asymétrie d'information. 34. Certes, & parcic de ce point commun essentiel, le cégulateur bancaire en quelque sorte garde pour fui l'information, fagon propre de procéger les déposicaires et le systéme bancaire en empéchante I’effet d’affolement, tandis que le régulateur financier diffuse l'information, fagon propre de proréger les invescisseurs ec le systéme financier en permettant la juste cotation des entreprises. Mais le nerf de la guerre est commun: l'information. C'est autour d’elle, et des concepts qui cournent aucour d’elle, que cégulation bancaire ec régulation fnanciére non seulement s’ajustent mais encore sont interdépendantes et fusionnent parfois. Cette importance faite 4 l’informa- tion est plus force ici que dans le droit tradicionnel, dans lequel pat exemple la chéorie des vices du consentement sen soucie, parce que l'information est indissociable de la rationalité que les conceptions financiéres y ont attachée. II. — LES CONCEPTS COMMUNS D’UNE UNICITE ENTRE REGULATION BANCAIRE ET REGULATION FINANCIERE 35. Ainsi se dégagent les principes qui sont non seulement communs aux deux régulations, rationalité et information, mais encore qui sone direcceurs de l'un et de l'autre. L’incimité se fait donc par les concepts. Elle s’opére également par le fait que les banques agissent sur les places financiéres, soit pour elles-mémes soit pour le compte de tiers. [1 ne convient pourtant pas d’en conclure que les deux cégulations doivent se fondre, c'est commettre l'erreur logique de la confusion, mais l’incerrégulation s’impose. Sa pratique grandissance est un indice de cette nécessiré. 30. Rejoignane alors la igure du concrat. V. Rochfeld J., « Droie des contrats, loi, régula- cion, autorégulation er corégulacion. Commentaire de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans {'économie numérique », Revwe des contratr, 2004/4, p. 915-920. 182 Manie-Anne FRISON-ROCHE 1. - L'intimité entre régulation bancaire et régulation financiére par le jeu de principes directeurs communs : rationalité et information 36. La réguiation se pense a partir de l’objer concret sur lequel elle porce et cire sa substance de l'effer que son maillage de régles, de décisions, de comporcements et de messages*!, vise a produire. La régulation est inseru- mentale, c'est ce qui suscite si souvent critique ; elle ese céléologique, c'est ce qui la tire toujours du cécé de la logique et non pas du normacif>?. 37. Or, le marché bancaire comme le macché financier fonceionnenc sur Vinformation33. Les tégulateurs ont en chatge de gardec les marchés des crises et de maincenir I’égalicé entre les opérateurs. Pour cela, le régulateur collecte les informations, ce qui justifie que les deux régulateurs disposent tout 4 la fois des moyens ex amfe pour que les opérateurs leur apportent les informa- tions pertinentes et des moyens ex post pour sanctionner le secre d’informa- tion que les opéraceurs se seraient gardé pour eux. Le régulateur est, dans les deux cas, a la fois plus puissance et plus répressif, que l’administrareur ou le juge ordinaire. 38. En outre, Je posculat de la rationalicé esr commun : |’investisseur et le préteur ajustene leur comportement 4 leur utilité grice aux informations dont ils disposent. Ainsi, la notion de volonté n’a qu'un réle secondaire, remplacée par la rationalité>4, puisque le banquier et l’invesrisseur ne peu- yenr pas ne pas vouloir la satisfaction de leur foncrion d’utilité, fonction commune puisqu’il s’agit de réaliser des profits. 39. Ainsi, la rationalicé commune aux opérateurs soumis a régularion est Ja voloncé du profit produir par fe maniement de la monnaie er des titres, par Vactivieé bancaire et financiére qui tourne aurour d’une norion non direcre- 31. Lanotion de « message » pouvait inclure les précédentes formes d’expressions, méme si la densité juridique varie grandemenr entre elles. C'est pourquoi la régularion financitre fait une si grande place & la thétorique (v. Frison-Roche M.-A., « Esquisse d'une sociologie du dtoic boursier », in Sociologie du droit économique, U Année sociologique, 1999, 49, 0° 2, PUR, p. 457 1 494), 32. Crest pourquoi, malgeé de nombreuses prises de positions en ce sens, rien n'est plus Gloigné de la « régulacion » que la « réglemenration », parce que celle-ci ese 'expres- sion du normatif : le réglement esr du droir posé sur un objer grace a La puissance juridique de son aureur, la régulation esr un message de densité normarive tres diverse mais qui rtouve son pouvoir dans la réception qu'on en fait et de l'efficacité qu'on y atrache par l'évaluation, En cela, la régularion est proche des chéories des « acces de langages » et de l'ascription, c'est-i-dire la déclaration faite acrion. V. par ex. Amselek B, Théorie des acses de langage, Sthique et droit, PUF, 1986. 33. Vi infra n” 33. 34. Sur le développement de la distinction enere Je consentement er la volonté, distinction consrruite par ce décour de {a rationalieé relle que 1a théorie écouomique I'a construite, v, Frison-Roche M.-A., « Esquisse d'une sociologie du droie boussier », ix Socialogie die droit économique , L. Année sociologique, 1999, 49, n° 2, p. 457 4 494. REGULATION BANCAIRE, REGULATION FINANCIERE 183 ment appréhendée par le droit ; la spéculation*®. Prenons deux exemples de cette racionalicé, non pas dans sa face ordinaire et licite, qui laisse le droit au repos, mais sous sa forme violente saisie par la sanction. 40. Le premier exemple reléve des conflits d’intéréts. Dans le droit ordi- naire, le conflic d’intéréts est ignoré ou considéré comme dominé par "homme moral, qui ucilisera son pouvoir pour assurer la fonction confiée. S'en détourner est anormal. Si l'on se référe au poscular de rarionalité, on assumera la normalité de préférer son intérét propre a celui d’aurrui — normalité qui vaur présomption. Le second exemple reléve de l'usage et du parrage des informarions profirables, L’homme tationnel qui tient une infor- marion ptivilégiée en cire profic sur le marché sans partager l’aubaine. 41. Tirée suc le terrain du droit de la cégulation, cela produit 4 la fois de ce qui est pergu comme des « présomptions de culpabilité », mais qui ne sont que des présomptions de rationalité. On comprend bien les critiques que suscite le droit de la régularion lorsqu’il est appréhendé a travers les carégo- ries tradirionnelles du droit. Notamment, comment concevoir des présomp- tions de comportements, alors qu'on les exclut pour les crimes de sang, comporrements plus graves pour la société er qui mériceraient donc davan- tage cet allégement de charge de preuve ? 42. Cette incompréhension tient au fait que le critére esr ici déplacé : il ne s'agit pas de partir d'un crirére de gravité, justifianc alors le relachement de la régle pour accroitre la perspective de la crise, mais d'une premiére présomp- tion de rationalicé, attitude rationnelle dont on va déduire le comportement constitutif du manquement. On peut certes critiquer la mise en ceuvee d’une telle présomption et poser qu’elle ne doit pas recouvrir les critéres précédents de culpabilité. 1] ne s’agit ici que de souligner que la présomption active dans la régulation bancaire et la régulacion financiére est celle de fa rationaliré et non celle de la culpabiliré**. 2. — L’intimicé entre régulation bancaire et régulation financiére par le réle des banques, « opérateurs cruciaux » des marchés financiers 43. Une autre dimension de l'intimité entre régulation bancaire et régu- jarion financiéte, sans doute sa premiére cause, tient au fait que les banques et 35. Grillet-Ponton, D., « La spéculation en droit privé », D., 1990, Chron., p. 157. 36. Cela ne joue d’ailleurs que sur les charges de preuve ec sur les objets de preuve. Cela signifie que le comportemenr constaté d’un comportement bancaire et financier est rapporté dans un premier temps 4 la présomption de vouloir le profit, par l'exploitarion d'une information ou d'une position, et qu’il renverse la charge de preuve, l'objet de preuve devenane alors non pas la moralité ou l'innocence de la personne poursuivie mais la démonstrarion comme quoi elle n’a pas usé de cette informarion ou de certe position. Ce déplacement d'objer de preuve explique la procéduralisation des comportements économiques, notamment des décisions des mandataires sociaux, qui doivenr préconsci- ruer une telle démonstration. 184 Marie-Anne FRISON-ROCHE écablissements de crédit tiennent un rdle majeur sur les marchés financiers, soit la mise sur le marché de leurs propres titres, soit par la gestion de leur portefeuille, soit pat la gestion pour compte de riers. Les marchés financiers riennent sur les banques. 44, Dés lors, coure ceise bancaire consticue un risque financier majeur et coure crise financiére constirue un risque bancaite considérable?”. Cela ne reléve méme plus de ls passerelle mais bien de la porosité, d’un voile de tulle encre l'un et l'autre. 45. Ainsi, les banques sone les « opéraceurs cruciaux » des marchés finan- ciers** ; elles en sont des opétateurs mais cristallisenr en leur sein a la fois des pouvoirs et des faiblesses, qui justifent que ta tégulation leur accorde sans contradiction plus de puissance et plus de devoir, l'ensemble convergeant vers un contréle er des exigences accrues 4 leur encontre, aussi bien de |’inrérieur, dans la régularion bancaire, que de l’exrérieur, dans la régularion financiére. 46. Le statur d’ « opérateurs cruciaux », sracut sicuant l’intéressé entre le tégulateur er l'opérareur, que doit recevoir les banques en mariére financiére explique noramment l'internalisation de la surveillance, voire de la répres- sion, lorsque la solidité du systéme esr en cause, soit par des artaques faites & la fiabilité du crédit er l'éliminacion des auteurs d'impayés, soit par la criminalité systémique dont le blanchiment est le plus net exemple. 47. Parce que les banques sont des opérateurs cruciaux, porteuses de prospériré cout autane que d’effondrement, les deux régulations, celle de Vincétieur par la régulation bancaire, et celle de l'extérieur par ta régulacion financiére doivent étce les plus proches possibles. 48. On souligne souvent que la régulacion bancaire porte sur la srructure intetne de |’établissemenr, tandis que la régulation financiére porte sur son comporrement, ce qui présente la simplicité de distinguer les régulations par ce critére spatial : dedans / dehors. En effet, la régulation financiére craitant les informations, leur bonne tenue, leur intégrité, les puisent 4 l’intérieur méme des opérateurs. II suffic d’évoquer le stacut er le rdle des analystes financiers au sein des banques, la tendance les y extirper ou A les y cantonner pout acret l’absence d’inadéquation encre ces oppositions. 49. Dés lors, cette porosité conduit 4 revoir certaines régles, done la solidité faiblic au fur et A mesure que la régulation prend prise dans le droit teaditionnel. Ainsi, le secret bancaire recule d’aucant plus que l’informarion financiéte est requise. Plus le régulateur bancaite est amené a interférer avec des opérateurs de marchés entre banques, notamment des prises de contréle hosriles, plus if devient une aurorité de marché, le conduisant nécessairement 37. Spindler P., Contréle det activités bancaires et risques financiers, Economica, 1998 ; Boissicu Ch. de, « L’arriculation encre régularion et crise dans le secteur bancaire er financier », in Droit et Economie de la Régulation, vol. 3, Les risques de régulation, Presses de Sciences Po / Dalloz, 2005, pp. 19-27. 38. Sur la notion méme d’ « opérateur crucial », v. Frison-Roche M.-A., « Proposition pour une norion : l'opérareur crucial », D. 2006, p. 1895-1900. REGULATION BANCAIRE, REGULATION FINANCIERE 185 au principe d'information, voice de transparence*?. La préservation des mar- chés financiers cout autant que la surveillance des établissements requiert cette information. 50. De la méme facon, la régulacion se contractuatisanr entre le réguiateut et son secteur, le secret peut étre une condition de réussite dans leur rapport, soit ptéalablement a un accord, soit méme dans celui-ci. Ainsi, le secret s'insinue a juste citre dans la régulation financiére, et ce d’autant plus si l’on considéte que le régulateur financier a en chatge la prospériré de la place financiére nationale qu'il gouverne avec d'autres, face a des places financiétes étrangéres en concurrence. 51. La notion de « famille », ou de cercle fermé 4 tout le moins, aisémenr appliqué a la vie bancaire, s’inverse aujourd'hui, avec des places financiétes qui luccene pour attirer les investisseurs, ce dont le régulaceur narional devienc le hérauc, tandis que le monde bancaite est fortement internationa- lisé#, ne serair-ce que par les fusions transfrontaliéres en la maciére. 3. — Les limites de l’interférence et la référence proposée 4 l’intérrégulation 52. Mais il fauc évicer les appréciations extrémes. De la méme facon que la porosité entre régulation bancaire ec tégulation financiére a souvent été sous-esrimée sans doure 4 cause de la séparation académique entre droit bancaire, comme extension du droic du crédit, et droit financier, comme extension du droit des sociétés, porosité que le droit de la régulation met au contraire en lumiére, la distinction demeure. 53. En effec, les banques continuent 4 étre spécifiques et l'activité de crédit leur demeurent propres. De la méme facon, la monnaie et les titres ne sont pas devenus un seul et méme oucil. Mais la perspective de tégulation fait ressortir une intimité dont le droit ne révéle pas assez \'existence. Si l’on estime que le droit doit cefléter au mieux les contours de l’objet sur lequel il potte, au besoin pour bien le cenir, le conrrdler, le maitriser*', alors le droit esr en inadéquation. 54. On peut en tirer des conséquences radicales, comme la fusion des tégulateurs, ou plucét linterrégulation, c’est-a-dire la mise en interférence 39. Damy G., « Erude sue la eégulacion bancaire : le passage d'une obscurité critiquable & la transpareuce », Bangue & Droit, nov. 2005, p. 29-44, Yauteue considérant Vaffaire BNP {Société Géndrale/Paribas comme érane le rournant de cerre évolution. 40. «Les nouvelles frontigces de la régularion bancaire », Dossier Banque magazine, macs 2003, p. 21-33. 41. Conceprion instrumenrale du droir, crés nere dans le droit économique, et qui n'impli- que pas pour autant la vassalisation du droic a !’économie (v. nor. Farjat G., « La notion de droit économique », in Archives de Philosophie du Droit, t. 27, Droit et Eeonomie, Sirey, 1992, p. 27-62 186 Marie-Anne FRISON-ROCHE des institutions er des régles*?. Le processus Lamfallusy est exemplaire de cela*?, La mise en réseau des régulaceurs non seulement de facon verticale & tfavers noramment des réseaux internafionaux de régulareurs d'un méme secteur, bancaire d’une parr, financiers d’autre part, mais encore de fagon horizontale 4 travers des réseaux entre régulateurs de secteurs interdépen- dants et intimes, doit aussi s’organiser. 55. Cette interrégulation peut prendre un mode procédural, par des demandes réciproques d’avis, voire par des émissions de doctrines communes, soft Law encore peu pratiquée et qui pourrait pourcant éclairer les opérareurs et metrre en lumiére convergences et contradictions, conduisant alors Jes régulateurs 4 davancage veiller & la cohérence externe 56, Cette cohérence des institutions, régles et décisions juridiques, qui reléve d'une nécessité générale inhérente & Lidge méme d’ordre*, prend ici une nouvelle force parce que le droit de la régulation se dégage directement des objets sur Sesquels il porte. Puisque les mécanismes bancaires et financiers sont mélés, puisque les banques sont les opérateurs cruciaux des marchés financiers, alors les droits spéciaux de la régulation bancaire et de la régula- tion financiére doivent étre, si ce n'est fusionnés, @ cout le moins cohérents Tun par rappore 4 l’'aurre. 57. En outre, on a démontré 4 propos des obligarions d’un contractant vis-a-vis de l’aucre l’existence d’un devoir de cohérence dans son comporte- menr4>, proche de fa notion anglo-nord-américaine d’estoppel. Sa violation engendre la responsabilité de la partie au contrat. Puisqu’on évoque souvent fa figuce du contrat dans la corégulation bancaire et financiére*, on pourrait aussi estimer que les personnes « impliquées », parce que leurs intéréts sont en cause, qu’il s’agisse des banques et érablissements de crédit, des opéra- teurs, des émetreurs de tirre, des dépositaites ou des investisseurs one un droit concret 4 ne pas subir des contradictions entre les deux régulations. 58. L’existence de ce « droir a la cohérence »4” entre régulation bancaire et régulation financiére serait un juste milieu entre I’affirmarion fausse d'une indifférence entre deux régulations en réalité interdépendanees, et la tenta- tion d’un amalgame alors que, nouée aucour de principes communs, les deux 42. Frison-Roche M.-A.., « L’hypothise de l'interrégulation », préc. 43. Demarigny FR, « Régulateurs ec cégulés dans [a consreuction des normes financiéres eusopéeanes », in Droit ¢ Economie de la Régulation, vol. 1, Les régulations économiques : légitimité et efficacité, Presses de Sciences Po / Dalloz, 2004, p. 22-24 44, Santi Romano, L’ordre juridique, Dalloz, 2* édicion, 2002. 45. Fages B., Le comportement du contrastant, PUAM, 1997. 46. Ler engagements dans les systimes de régulation, préc. 47. Surla notion de « droir 3 », v. d'nne fagon générale, Cohen D., « Le droit 8... », in Mél. E Terré, Liavenir du drost, Dalloz-PUE-Edicions du jutis-classeur, 1999. Appliqué 4 la matiére bancaire, cela engendre un « droit au service universel bancaire », donr le = deoic au compte bancaire » est an exemple. Appliqué a la mariére financiére, cela engendre un « droic la liquidieé », done le « deoit de sorcie » que les offtes publiques obligacoires notammenc concrétisent. REGULATION BANCAIRE, REGULATION FINANCIERE 187 régulations conservent leur spécificité. Le manque de cohérence entre les deux régulaceurs pourrait engaget la responsabilité de l'Etat, puisqu’il est garanc de l’ordre juridique et du bon exercice par les régulateurs que ceux-ci font de leurs pouvoirs. Une telle conception auraic l’avantage d’insérer dans les systémes de régulation, 4 céré du principe de légalité**, notion verricale er hiérarchique, cette exigence de cohérence, notion horizontale et rationnelle. 48. Tuor Th., « La sauvegarde et 'adapracion de la hiérarchie des normes en maritre de régulation », i Droit et Economie de la Régulation, vol. 2, Régles et pouvoirs dans les systées de régularion, Presses de Sciences Po/Dalloz, 2004, p. 74-76.

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