JEAN EUSTACHA FRANCHI LA PORTE
Lorsque nous avons lu en mai 81 dans les Cahiers ces « fragments d’un scénario aban-
donné », surtitrés, comme pour éclairer davantage ce champ de ruines, Peine perdue, et
surmontés encore d’une photo de l’auteur nu, couché, le dos tourné, sur un drap blanc,
nous n’avons pas su y voir ce qui s’y annoncait ainsi, et qui rétrospectivement nous
parait si indubitable. Nous n’avons pas su voir dans ces « fragments » les appréts réels.
un tombeau et que le gisant s’y était déja réellement placé Iui-méme, déja le dos tourné
Ala vie. Nous n’avons pas su lire le verdict sans appel que Jean Eustache avait sans doute
déja prononcé contre Iui-méme, et nous n’avons fait qu’effleurer de I’ceil et de la pensée
ces phrases lumineuses, pourtant, atroces dans leur tranquillizé méme, dans cet accent
dindifférence qui était sa marque d’auteur, son sceau d’artisie :
« J’ai souvent souhaité un nouveau réveil, pour renaitre, tout ressentir 4 nouveau, les
Joies, les peines et tout et tout. Je crois aujourd’hui ce réveil trop grand ou trop dange-
Feux pour I’homme que je suis. Cette porte vers la félicité qui me visite dans mes réves
peut je crois n’étre que celle de la mort. »
Cet accent d’indifférence, le faible sourire et le regard pale, non pas éteint mais voilé,
de Jean Eustache, cachaient donc a peine une mélancolie sans fond et devenue sans
issue. Son dernier vrai film tournait autour d’un trou, d’un trou auquel le monde avait
i par se réduire. Je soupconne, dans la mise en scéne longuement marie, j’imagine, de
son suicide, dans les diverses répétitions de celui-ci, dans son indifférence toujours plus
profonde, dans le délabrement toujours accru de son apparence depuis son accident (il
s’était brisé les jambes il y a un an par défenestration), qu'il y avait (comme dans ses
ims) un secret et intraitable défi. Il accusait silencieusement les vivants.
« Le matin je me réveille, comme tout le monde, mais ca je n’en suis pas sfir (que tout
Te monde se réveille). »
Et encore :
« Et sans me pousser beaucoup, je pourrai dire que je ne sais peut-étre pas non plus ce
que c'est de vivre. Vivre tout court. Est-ce la méme chose que vivre seul ? Vivre seul,
cela, je crois que je sais ce que c'est et c’est pourquoi je ne ’ai jamais supporté. Saut
avant. Mais avant je ne me posais pas la question. Et je ne vivgis pas seul, mais ¢a je ne
le savais pas. Je ne I’ai su que plus tard. Mais il était trop tard, et on ne m’avait pas mis
en garde. »
Iest possible qu’il ait été porté depuis toujours, depuis ses premires Mauvaises fré-
quentations (c'est le titre de son premier film), vers ce moment nu oit il apparait qu'il est
« trop tard », ot ’on ne peut plus qu’évoquer un « avant » qui ne reviendra plus. Mai
Nous, qui nous levons le matin en nous assurant plus ou moins que nous sommes éveil-
Iés, nous qui pourtant ne savons pas non plus « ce que c'est de vivre », tant que nous ne
croirons pas trop le savoir, nous continuerons de voir et de revoir les films solitaires de
Jean Eustache, nous nous reporterons a ce miroir noir ol, entre La Maman et la putain,
se crucifie ce garcon, ce Hamlet pale de la Closerie.
Pascal BonitzerFragment 1
Te wile n'avait peu-tre pa changé, mais
tou ait different, Pourtant cela nese vovat
pas de Fatropor. Nien haut, quelques ins
fanisavant- Pendant $annéss, dans a cham-
‘oe & Pars, avai tout gard inact dans ma
Imémoire, Il me sulfisait de fermer les yeu
our revoir ce que je vous revoir. J'avais
‘ompost des numéros de telephone de plu
Seu quartets, North Hollywood, West
‘wood, Bel-Air, queues autres, Je connassls
Tes masons, les endroitso tlt post le
‘hone, entendas Ia sonnere et sans avo &
foujoursfermer les yeu, e voyals ls colines
Holywood, Wishite Bld, Cuesta:Way, la
‘maison rose. Quand la personne que applas
‘écrochait le Wlephone, je pouvals & peu de
‘choses pris savoir of alle cal assise, ce qu'elle
{vat devant les yous. Dire que cela me ast
rever de ma chambre, au cinguiéme eage d'un
‘il immeuble sur cour & Pais serait exagie
Cela nemo faisat pas ve. Mais savas que
tela exalt, qu'il fast sell quand je ne
Powis pas dormir a nit, et es paroles que
Jestendas me fasaeat penser que je sera
Toujours le bievent si Je retournas lbas
“Mais es années aaien passé et je n'avais pas
fnuetenu damites par correspondance, je
‘ers pas beacoup, je lephone plut tals
{Ces cher, On se décourage. Pls 'avals perdu
ton caret adresses et de tléphones de L.A,
fede fous ls USA. Je ne me souvenals ave
es numero que je eonnalsais par cur. Ce
‘était pas beaucoup. A Tacropor personne
te nattendat, je avais pas ews inde
‘ure avan de quiter Paris. essays 8 nou
‘ea de Pappler mas sans pus de suet. Le
tour a efi, je me souvenais de certains
‘home, de certaines aeses mals je pensais ave
ing anes taentderoules, elles atone
psa sur ol eal Wavaient alles pas tans
Forme les ates.
(Qui appeler 7 Prende un taxi? Pour od ?
Te pensais me faire déposer dans un motel
modes Jusqu'a demain. Je verais bien
Voir quoi? Avant de s'endormir, lire, Pout:
‘quod ears que jee Ie fais pas & Paris. Soe
ti Aller prendre un verre chez Joe Allen. J'y
Aide bons sowenis. Cet idiot. Au bar fy a
trop de monde. Je peux mg faire srr un
terre et Ie véler mals jen comprends tou-
jours pas un mot d'anglas. Nimporte qui
peut me dre nimpore quo, je prends mon air
fe pls béte pour bafuiler que je ne com
pends sen. Iva fallorrenrer au mote Et
main’? Lover une voiture, y mete ma
walle, et apis. Je ne suis pas venu ih pour
{efuze ma vie ily a longtemps qu je nespire
pus rin (rien de meus) alleus. Je suis
enw cause du souveni,tralner, aller chez
Dan Tanas, au café « Le Figaro'», peu de
hanes d'y rncontrer des gens qui sont
‘ens vec mol sy venalent sans doute pour
Ine faire voit (me fare voir Tendo). Cher
her dans ma mémoite quelgu'an & que
‘auras pas pensé. Je n'y arcve pas. Je suls
Atandonné dans Vendrot (le seul endroi) ob
je voulls venir, en vacanes si Ton peu de,
‘quoique je pense que ce nest pas ema a
Ssison qui pourra le aisercroie. Jena pas
Aven faire Urop). Parsveral bien joinre
ati, je eros qu'elle wit avee un type e son
ppariement sera trop petit pour me resvot-
Mais sans dpute, poutétre connate des
fens des amis qu poutroat me loge. Cea ne
foi pas eee impossible. EL apres. Apres que je
te soi demand ce que je fous i alors que Je
Sis st rangle & Pars rien Toute. Apres
fout ees, et en attendant Ta date du retour
dans e Paris jstement qui me eprendra dans
St névroue pour longtemps encore et peste
Sstte fois pour toujours. Combien de temps
Taudractalet comment se pssera le fai ave
Jean Eustache
PEINE PERDUE
fragments
d'un scénario abandonné
ve 40.03.5, Why
‘it ville accept, moi qi vent ydemander
‘quelgué chose que je ne commas pas, et ul n'y
Stent pas y donner quelque chose en échange,
Jee souviensJe-suations semblables,
jfavais 20 ans, 23 ans, 30, je Jouas,
toute la vie devant mol. Je erois que ce nest
Dis fe cas aujourdhulen tout eas ene eres
ens pas pare je quelque chose devant
Ino sou cla ne mvinrsse pa tellement
Toe regardera len avec attention et en Be
‘estera dans mon esi, i comme memoir,
Somme souvenir. ral souvent souhalté un
nouveau revel, pour reaitre, tout rssentir
nouveau, les ois, les pines fou out. Je
‘ris aujour hu eseell trop grand trop
‘danger pour Phomme que Jesus. Cette
porte ves la flcté qui me vite dans mes
ves peut je coi re que elle d la mort.
Fragment 2
“Quonveile en dse (ou qu'elle en dist) je
sa jamais vou avec Sylvie. Nous avons
jamis veew ensemble, Pourtant depuls lone
temps, plusieurs années peu-re, lle dit su
ven ou dist, depuis que je vis aee fo, ca
Jfappal cela vivre, ou, depuis que nous vvons
fnwamble, car appelle cela vst. Vivre, mo,
Jee stvais pas que cat cela, Je penseis que
‘ea autre chose, are chose, quelque chose
‘qe ava conn danse temps, dans Te pase,
mais ay elec, ou a y penser est-ce Bien Ht
tméme chose, je ne sas plus rs bien sal st
(eave vivre aves quclq'un, Et sans me
pousser beaucoup, je pourra dire que je ne
fais peur-tue pas non plus ce que c'est de
vivre Vive tout court. ste la meme chose
tue vive sel ? Vive seul, cela je crois que je
fis ce que ces e cst pourguol je ne I's
jamais soppore. Sau avant. Mas avant je ne
‘me poss pas ln question. Ft je ne vivais pas
seul, mais fa jee le saais pas Je ne al
‘que vs tard. Mais ait rp tard, ct on ne
‘avait pas mis en garde.
Fragment 3.
‘Depuis un certain jour, mais je ne me sou
‘ins as lque, je ne suis pas sort Jee sus
pas sort de mon it, sau pour ale psset- Cela
froblige 4 me lever 5012 109 fo! par Jour,
Sans ex je ne me lverique’3. 044 ols pour
aller chercher dex lacons dans le refrgeateur
pour mon whisky. Le matin je me revel,
‘Somme tout le monde, mas ga je nen suis pas
‘Sir (que tout le monde se revel). Je me lve
tvs me fare un café ali, Parfos fe a
‘Smplement reste le eae qu reste dela
veil, ou de Pavant-veile. De temps en temps
‘eaves pas ol qa fat o fal chauer le ate
flag, est quel un gui et 1, qulqu'un
fl et venu me voir. Cela arive eneore. Ave
Te cae a lait e prends les médicamens du
‘matin, fades que js prenne aust mich
flea. Mais cela aviv arement. Le mii et
Ie soir sont aificls 4 singuer, car quand
Sak ic que je me rvellaisFe matin tae une
fagon de paver. Parois il est mi, et mime
ti pasé. Apres Te café a lat Je bois un
Ihishy que je me srs ou me fais servir quand
Aly a quelqu'un.Parfis'e bois devs, «est
Aatre que Je repli mon verte & nouveau. Je
fe las & personne fe sin de fare cela. Et
bent, toujours depuis ce certain jour done
rhe me sotien pas, me rendors. Je dors Une
parti de Vaprésmid- Bien souvent cesta
fonnerie du tephoae gui me revel. Cela
rn’enne toujours, quelle que sot la personne
‘go apple. Apes, je me rendors, ou pa. Cela
‘depend n'y a pas de ele Alors ela recom
tence comme le matin, café au Tat, médca-
tent, whisky, glans. Pendant oe temps en
profite pour ler per deux ou tol os, ou
Troe ou quatre fos, Toujours quelques gout
te, varement plsPROJET DE FILM DE JEAN EUSTACHE ET JEAN-FRANCOIS AJION
LA RUE S’ALLUME
Ce scénario de court-métrage, ou, pour employer une formule meilleure, de film de métrage court — 30 minutes
environ —, La rue s’allume, Jean Eustache voulait le tourner en 35 mm et en couleur. Il avait obtenu
récemment une subvention de la Commission d'aide au court-métrage. Deux acteurs étaient pressentis, Jean-
Pierre Sentier et Michael Lonsdale, ainsi que deux comédiennes. Jean Eustache ne voulait pas le faire lire, ni
‘aux comédiens ni d ceux qui voulaient en prendre connaissance, mais il souhaitait plutot le leur faire écouter. I!
avait enregistré @ cette fin le dialogue de La rue s’allume sur une cassette, avec sa propre voix et celle de son fils
Patrick, pensant qu'on pouvait plus approcher ce qu’allait étre ce film en ’écoutant qu’en le lisant. I! disait Tui-
‘méme, amusé, qu'il n’avait aucune imagination et qu’il s’était contenté d’enregistrer ses propres conversations
séléphoniques. Ethnographe de lui-méme, de son monde et de ses proches, il projetait de faire revivre, par le jeu
des acteurs, la mise en place d’un dispositif cinématographique, ce bout de réel pris sur sa propre vie.
Nous le publions dans les Cahiers (avec l'autorisation amicale de ses enfants) aujourd'hui, comme un hommage
bien stir, mais surtout comme la trace d’un travail en cours.
1-- Le film commence par une image (c'est
volontairement que je n’emploie pas le mot
«plan ») qui monire dans sa plus large
dimension possible Paris la nuit. Vu de haut,
ddu Sacré-Coeur de Montmartre, de la Tour
Eiffel, de la Tour Montparnasse, etc..., bref,
vyu de haut. Cette image est fixe, ou si néces-
saire en mouvement panoramique descriptif
(aéerivant quoi 2). C’est Paris, mille détails
nen feront pas douter ; la nuit. L’ensemble,
tune partie de ensemble qui semble donner
Vidée de l'ensemble, comme cela se faisait
jadis, peut-dtre dans les années cinquante, ou
‘avant, en tout cas, avant moi ; mais si nous
n'avons pas trop régressé, il ne devrait pas
tre difficile de retrouver ce méme sentiment.
Voila out l'on est. Ceci, "était l'image. Pas-
sons au son. Ce que l'on entend, en meme
temps que nous voyons cette image, c'est le
bruit que quelqu’un entendrait s'il ait a la
place dela caméra qui fait la prise de vue. Des
Druits, rumeurs, rien & signaler.
Et pourtant, on commence insensiblement ou
sensiblement, je ne sais pas, & distinguer des
Druits qui se mélangent aux bruits de a ville.
« MAIS JE NE DIS RIEN DU TOUT - JE PARLE ET JE DIS : A
PROPOS... »
Cette phrase, énoncée dans le film par l'un des interlocuteurs, en défi-
nit le propos : d'savoir que le langage, en dépit des apparences, ne vise
pas a communiquer, méme s'il le prétend parfois.
Iis sont indistincts, voix humaines, on peut le
supposer, bruits électroniques comme des
bip-bip de machines.
2+ (Deuxiéme image) ; sans doute fixe. On
voit des machines les unes sur les autres, les
lunes a e6té des autres, des consoles électroni-
ques, des panneaux comportant des voyants
lumineux de diverses couleurs, s‘allumant et
s'éteignant, puis se réallumant ets'éteignant &
nouveau aprés que d'autres, ne différant en
rien, sauf peut-etre par leur couleur, aient fait
Ja _méme chose - puis recommengant, sans
doute, sans jamais s’arréter, mais je m’arréte
car cette image n’aura pas une longue durée.
TI s'agit d'un central téléphonique. Pendant
‘ce temps, on aura entendu plus dstinctement,
plus précisément les bruits confus qui arri-
vaient la fin de l'image précédente. Des
bruits de machines, des bip-bip, des bruits de
voix humaines, enchevétrées, entrelacées ; un
‘mot ou une phrase a pu, éventuellement, nous
parvenir, mais ce n'est pas sir. Je ne sais pas
sides gens font marcher ces machines, donc je
ne sais pas si "on verra des gens dans cette
image ; je pense que ces machines marchent
toutes seules ; des hommes, nous allons en
parler.
3- Dans un intérieur, un homme est assis
ppeut-étre sur un lit, on ne voit pas tes bien |
ourtant, Vimage, je Tespére, sera bien
cadrée, iia le tééphone & lorelle ; il éooute,
‘mais ne parle pas. Il écoute. On entend un
peu, assez précisément ce qu'il entend, on
peut reconnalire (puisque l'on ne reconnait
que ce que l'on connait déja) des lambeaux de
phrases indistinctement entendues pendant
PPimage précédente et qui sont répétées, redi
tes, répétées,redites ; on en retiendra (dans la
perception auditive) deux ou trois. Puis cet
homme, qui, dorénavant sera désigné dans les
dialogues sous le nom de « MOL », raceroche
le téléphone, le redécroche aussitot
pose un numéro. A l'autre bout, le tl
est décroché par quelqu’un qui sera désigné
sous le nom de« LUI ». (Les deux voix ditfe-
rent sensiblement, « LUT » ayant un timbre
clair et « MOL » un ton empaté)
Lui : Allo ?
Mol : Allo, c'est moi
La : Oui,‘Lui : Non, je n’appelle plus.
Mol: Peux-u me donner le numéro de
Catherine Crachat jl y a du monde ce soir ;
ily a Jean-Marc, Damien, Tendre émulsion,
le Ménestrel, enfin tout le monde... Chat
Botté, Colombo, I’Archange, Caramel,
‘Ophélie, Katmandou, la Mascotte, Belette,
Orphée.
Lut : (off) Oui, oui
‘Moi : Tu veux que je continue ? Depuis huit
heures du soir, Jean-Marc appelle charmante
ct jeune femme, j'ai pensé & Catherine Cra-
chat, donner son numéro. Je Pavais, mais je
ai perdu.
Lui (off) Attends, je te le donne.
Silence - « Lui » doit sans doute ére allécon-
sulter son carnet dadresses.
Fouvre ici une parenthése : je n'ai pas
intention de préciser au lecteur de ce projet,
‘qui, de « Moi » ou de « Lui », sera ou non a
image. Je transcris leur conversation, je la
donne pour ce qu'elle est
Lai: Allo?
Moi : Oui?
Lai : (enchainant) Ecoute, aussi incroyable
‘que cela puisse parattre, je ne ’ai pas.
Moi : Non, tu déconnes.
‘Lai: (le coupant, chevauchant a partir du :
Non) : Ecoute, je vais te dire ce qui a dit se
passer, je 'avais de téte, je n’avals pas jugé
bon de le foutre sur mon carnet... Je 'avais
de téte et de coeur.
Mol : Ca commence par 555...
Lui: (Uinterrompant) Attends ! Je vais cher-
cher sur mon autre carnet, Je vais chercher
silence.
Lui : Allo - Eh bien tu vois, sur mon viewx
caret, j'ai le numéro de la rue de Tournon.
Moi : Non, je ne te crois pas.
Lai: Mais écoute, je te jure, pourquoi
vveux-tu que je ne te le donne pas... mais je ne
Vai pas sur mon carnet, aussi bizarre que cela
puisse paraitre, je ne lai pas... Je lavais en
te... et je l'al Oublié depuis ie temps. Et je
assure, ¢a m’étonne moi-méme, mais.
‘Mol : (la voix empatée) Aprés $55, c'est 72.35
‘ou 75 32, c"est pas compliqué quand méme,
tu dois le retrouver.
Lui: Mais tu n'as pas d’annuaire ? Tu as
deux téléphones et tu n’as pas d’annuaire ?
Moi : Non, je n’ai pas d’annuaire. Et peut-
tre n'est-elle pas sur lannuaire
Lui : Eh bien c'est trés bizarre, mais je ne 'ai
pas... Jai Laurence Pavelec, j'ai la société
Banz, j'
‘Moi: Jen ai rien a foutre.
Lui : (continuant) Jai les prudhommes de
Reims, tu ne veux pas donner le numéro des.
prud’hommes de Reims ?
‘Moi : Non,
Lui: J'ai des noms que je ne connais pas.
Mare Meyer... Qui c’est Mare Meyer ? Je ne
sais pas, mais j'ai Marc Meyer - J'ai Marie
Cabat... Et j'ai pas Crachat.
‘Moi : Non ca ne m'intéresse pas... heu.
ui: J'ai pas Crachat... J'ai pas Crachat...
Fai Vinternat Champan, Jocelyne
Mol poussant un soupi exctde) Non.
ne m’intéresse p
Lai: (chevauchant) A Dijon, Photel des
‘voyageurs... Madame Guérin, le docteur Mal
bequi, Jeanne Goupil
a
(chevauchant) Non, non je ne veux pas.
Lal : (continuant)... Bob Fleming, Bob Fle-
ming ; tu connais ?
Moi : (le coupant) Oui.
Lui: (continuant) Diane Guillemin, Joseph
Trudeau, (plus précis) Antoinette Fouque,
tiens, tu veux Antoinette Fougue ?
Moi : Te Pai.
Lai: 335 26 82
Mol : Je I'ai... Je ai... Je lai
Lui: Oui, et j'ai pas Crachat.
Moi : (continuant ma phrase).
sur la liste rouge.
Lui : Claire Chaion, je ne sais méme pas qui
est; ah si cest’ma belle-sceur ; Marie-
Josée Roche.
Moi : Qu’est-ce que tu as fait avec ton a.
‘Lui : (me coupant) J’ai Jean-Frangois Ajion
637 35 9.
Moi: Qu’estce que tu as fait avec ton
- quoiqu’i soit
etrangére ?
Lui: Quoi ?
Mol : (Plus fort et plus lent) Qu’est-ce que tu
as fait avec ton étrangére ?
Lui : Comment, qu’est-ce que j'ai fait 7
‘Moi : (fort)Tu ne m'entends pas ?
Lai: (marmonnant) ..Rien de, nouveau.
Quoi... Enfin, j'ai rien inventé... J'ai Fedorot
et Troussevich... Tu veux pas mettre Fedorof
et Troussevich sur le réseau ?
Mot : (net) Non.
Lui: Ici Fedorof et Troussevich cherchant
charmante jeune fille.
Moi : Non, je ne peux pas dire ¢a, personne
Lul : Oui, eh bien écoute, je suis trés étonné
‘moi-méme, je suis stupéfait de ne pas ®voir
son numéro, mais je ne 'ai pas. Done ¢a fait
vingt ans qu’elle est effacée de mes carnets.
‘J'ai Domitila, tu veux Domitila ?
Moi : (excédé) Non, je veux pas Domitila, je
sm’en fous, Tu la mets situ veux sur le réseau.
Je te signale que $42 répond & nouveau.
Lui : Ah oui ? Ecoute, Je feuillete le carnet &
tout hasard pour voir si’ai pas mis Crachat &
G ou ailleurs... Je le (fenétre) je le feuillete
jfai Anette Cadrisse, tu ne veux pas ?
Moi : Qui ?
Lut : Je regarde. Je regarde ce que j'ai sous
les yeux. J'ai Mick Jagger
Moi : Non, Non. Non. Parce qu'avec Mick,
a ferait un drame,
Lui : J'ai Jacques Boileau.
Moi : Connais pas.
Lui : Pai Ginette Baty.
Hedern, tu veux pas conn:
Hedern’?
Moi : Non, non.
Lui: L’association des Papillons Blancs,
Bulle Opier, j'ai le Balzar, tu veux pas mettre
Te Balzar sur le réseau ?
Moi : Non, je...
Lui: Bernard Henri Lévy j'ai. Tu te rends
compte, j’ai Benard Henri Lévy et j'ai pas
Catherine Crachat. Quand méme, on n’aurait
jamais cru.
Moi : Effectivement, c'est incroyable.
Lai : Tu vois, j'ai jamais de ma vie téléphoné
8 Bernard Henri Lévy. Et Crachat je ai pas,
mais je assure, je veux pas te la planquer,
hein, tu sais bien... comment je suis.
Moi : Peut-tire que tu ne lui as jamais télé-
phoné non plus ?
Lal: Si, mais jfavais le numéro en téte, et je
navais pas jugé bon de le noter sur le carnet
la mére de Jean
fe la mere Jean
LARUE S’ALLUM!
et depuis un an et un jour que je ne lui ai pas
téléphoné, tu penses bien que’j'ai complete-
‘ment oublié le numéro. Evidemment, tu peux
téphoner a Ferreri, il te donnera son
numéro. Ferreri, c'est FAL, (effe, A, elle),
Sai pas les chiffres, j'ai que les lettres...
‘Mol : Je veux pas téléphoner & Ferrer
Lui : (continuant) Effe, A, Elle, 05 38.
Moi : (répétant) Je ne veux pas téléphoner &
Ferrer.
‘Lal : Et pourquoi tu ne veux pas téléphoner
Ferreri ?
Moi : Effe, A, Elle, combien ?
05 38?
Mais il va savoir... elle va savoir imm
ddiatement que... c'est moi qui la branche st
Te réseau et je ne veux pas.
Lui : Ecoute, je te donne son numéro demai
Je te le promets. Je vais faire une petit
enquéte, c'est pas urgent, tu vas pas la foutt
sur le réseau des cette nuit.
Moi : Non, mais la, ee soit, j'éais sur un S
branché incroyablement sur tout le monde,
les entends comme je t’entends.
Lal J'ai ladresse de mon cousin Berns
Palaiseau, a ne tintéresse pas,
Moi : Non. Non.
Lal : Catherine Millot, ca ne t’intéresse
elle est tds joie
Moi : Connais pas.
Lal: Mais ele est trés jolie,
Moi : Oui eh bien on va pas la filer au réseau.
siclle est tes jolie.
Lai : Mais Catherine Crachat aussi est jolie,
Moi : Catherine Crachat elle est viele
Lai : Evidemment elle commence & prendre
de l'age mais elle est jolie quand méme.
Moi : Elle est pas mal, mais c'est la fin, je
veux dire, c'est la ménop
Lui: Non. Non, 10 ans.
Mol: 10 an encore avant a ménoy
Lai : Mais oui tu sais, maintenant c'est & 46
cae
Moi: Ah! Ah !
Lai : Oui. Bon. Bien voila je suis désolé et je
suis étonné moi-méme car j’éais absolument
certain que je V'avais. Bon. Qu'est-ce que tu
2s fait aujourd'hui, tu ne veux pas me dire ?
Moi : (hésitant) Je... J'ai dormi.
Mol : J’ai dormi jusqu’a cing heures ot un
con est ven me réveiller en tapant a la porte
et c'éait mon fils.
basen?
Iu un peu ton Tehékov cette
slir que c'est une fille qui te 'a
Moi : Je ne me souviens de rien
Lui : ly a écrit Céline sur la page de garde ;
je ne pense pas que ce soit Louis Ferdinand
‘mais plut6t le prénom de la jeune fille... Eten
plus ily a un truc... J'ai lu une nouvelle qui
sS'appelle « Une banale histoire », et il y a un
seul passage souligné, un seul. C'est la c
suivante : « lest faux de dire que ce sont
sages et les philosophies qui sont indifféren
Vindifférence c'est la preuve d’une per
dame, d'une diminution de désir.. », ete.
Crest une fille qui a souligné ca... Hein.
Moi : Oui... Oui oui sans doute, je vois
crestPROJET DE FILM DE JEAN EUSTACHE ET JEAN-FRANCOIS AJION
Lui : Crest Céline.
Moi : Oui
Lui : Bon. Voila, Son bouguin était chez toi.
Et tu n’as méme pas lu «Une banale
histoire ».
Moi: Je n'avais méme pas lu « Une banale
istoire ». Qu’est-ce qu’elle a pensé de toi,
dans tes films, ta petite a..., on étrangére ?
Moi : Elle'a rien pensé de plus ni de moins.
Elle est avee toi
Lui : Heu.... Oui
Lui : Eh oui. Bon. Que te dire. Tu vas pas &
Péplise intégriste demain,
Mol : Je dors, je dors, je dors, je dors.
Lui: Ily aune fanfare dela légion américaine
‘au square des Blancs Manteaux, tu n'y vas
pas.
Moi : (net) Je dors. Je vais dormir. Dormir.
Dormir. Si je pouvais dormir a jamais je le
ferai
Lul : Ca Parrivera bient6t, 'inguiéte pas.
‘Mol : Oui, bien, j’attends avec impatience
Lui: Bon, que te dire d'autre, qu'ai-je vu de
beau, Jai vu lespion ce soir.
Moi : Poinsot. Lui.
Lul : Oui bien sir. C'est tout. C'est tout ce
‘que j'ai vu. Je n'ai méme pas ville grand beau
béte, rien.
silence
Lui : Allo?
Moi : Oui, oui, oui, je suis 18 oui. Tu n’as
miéme pas vu le grand beau béte, j'ai entendu.
Tuas vu Poinsot.
Lui : Oui Viadimir Poinsot.
Tu es allé chez Lipp.
Lui : Crest ¢a oui. J'y ai mangé.
‘Oh ld Ia. Et ca codte combien ?
Lui : Oh ca va, c'est comme... je ne sais pas
cava.
Moi: Tu es parti trés vite, en fuyant, en
‘oubliant ton sac, hier soir.
Lal : J'ai pas fui, jai oublié mon sac, ce n’est
pas grave. Tu as besoin dun sac.
Mol : Non. Pas spécialement,
Lai: Tu le mets en bandouliére, c'est pas un
‘sac magnifique, jaurais pu oublier un plus
beau sac, jfavoue, mais li-dedans tu as deja
dde quoi mettre, tu as vu, une bouteille de
‘Cutty Sark, quatre avocats, deux paquets de
crevettes, un kilo de citrons, une boutelle
sans probléme.
Moi : Oui, en effet, oui, si c'est le cas, c'est
tun sac utile.
Lal : Et en plus il m’a été offert par hasard
par ta petite amie la... Ia femme de Fleming.
Mol : Ma petite amie... Pourquoi ta-til
‘offert par erreur’?
Lai: Eh bien parce que c'est & toi qu'elle
aurait di. offrir.
. Jai télephoné & Cendrine.
‘Oui, alors.
+ Rien. Alors rien
Lai : Quoi ! Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?
Moi : Rien,
Lui: Quoi rien. Quel age elle a Cendrine ?
Moi : Je ui ai pas demandé. Je lui ai dit que
Son mari s'était comporté de fagon bizarre,
demandant une chaise et quand on la lui
offrait, tombant par terre. Elle m’a dit : mais
iNest comme ga tout le temps. C’est tout quoi,
‘était absolument banal. Aprés, je me suis un.
ancé, je Iui ai dit que je connaissais le
e secret de Fatima. Tu sais.
‘Oui, oui, je sais
Moi : Tu sais que je le sais, ou tu
prétends le savoir.
Lai: Je sais qu’il y a un troisiéme secret de
Fatima, je ne sas pas ce que c'est. Tu ne lui as
pas révélé le secret j'espere ?
Moi : Eh bien si, en parti...
Lai: A mon avis c'est pas & Cendrine qu'il
fallat le dire.
Moi : Je ne iui ai pas tout dit. Le tr
secret de Fatima c'est.
Lai: (le coupant) Parce que le secret de
Fatima avec Cendrine ce ne sera plus un
secret
Moi : (contitiuant) ...c’est la date de la fin du
‘monde. Alors, jai un petit peu avaneé la date
de la fin du monde.
Lai: Oui. Tu 'as mise quand ? En 1978 ?
Pour la persuader qu’on y est déja arrivé et
qu'on s’en rend pas compte
Moi: Non, non, j’ai un petit peu avancé la
date de la fin du imonde et je lui ai dit qu’on
devrait faire l'amour ensemble avant parce
u’aprés ce sera (soupir) je sais pas comment
fon pourra faire... Alors elle m'a dit qu'elle
lait réfléchir & fa question. J'ai un petit peu
avancé la date mais pas beaucoup, d'un mois
seulement.
.. Paree que je connais la date de ta fin du
monde... Enfin je connais la date de la fin du
‘monde Selon le troisiéme secret de Fatima,
Lai : Tu connais Fatima ?
Moi : Il faut le prendre comme elle le dit. Les
‘deux premiéres dates étant exactes, il n’y a
aucune raison que la troisitme soit fausse, ce
serait de la plus haute fantaisie. Alors, moi je
‘fois a la date du troisitme secret.
Lai: Mais c'est pas deja arrivé ?
Moi : Non, non, non, ce n'est pas deja arrivé,
est pour dans... un peu plus de deux ans.
Lal: Comment, on est pas déja au paradis ?
Moi: Oh... Je'ne pense pas que ce soit le
Paradis.
Lai: Je croyais qu'on y était deja.
Moi: Ce n'est pas le Paradis qu'elle a
annoneé, ce serait plut6t quelque chose qui le
contrarie.. Mais c'est pour dans un peu plus
de deux ans et demi,
ue je
Lai : 83... Heu... Oui ga va. Alors il faut faire
vite a ton avis.
Moi : Si je veux baiser Cendrine il faut faire
vite, il faut que a se fasse avant 83, d’une
part avant la fin du monde, dautre part pen-
dant qu’elle est encore baisable, il y a deux
raisons.
Lai : Surtout ¢a, oui, Je suis beaucoup plus
sr de la fin de'sa beauté que de la fin du
monde.
Moi: Tu
Fatima,
Lui : Ecoute je connais pas la date... i c'est
2050 je m’en fous,
Moi : Non, non, non. Moi je a connais. Je te
dis : c'est avant fin 83,
doutes du troisiéme secret de
Lai: Bon, Mais Ia fin de tout le monde,
méme de moi
Moi : Toi et moi.
Lai: Comment ?
Moi : Moi je ne sais pas parce que... Mais toi
La: Ah bon ! Je suis un pew dégu.
21
Mol : ly a dequoi oui. Mais c'est comme ga.
Lui : Alors, & tom avis, il faut pas se casser la
tte.
Moi : Si. Justement,
Lui: Il vaut micux que je dépense mes pices
dor tout de suite.
Mol : Eh bien en tout cas d'ici 83.
Lut: Ce sera béte qu'elle restent aprés la
fin du monde, et puis elles sont turques en
‘plus :
Moi: Non ; tu devrais en. profiter d'ici
novembre 83. C'est un consell d'ami,
Li : Mais quoi, Jene sas pas & quoi. Ache-
ter du vin plus cher tu pense, IL a des vins
de La Coupole qui codtenttrés ts cher que
je ne me sus jamais payes.
Moi: Je ne sais pas. Tu fais ce que tu veux.
Non. Les vins de La Coupole non, {4 peux
avoir mieux a faire.
Lui: Bon, on ver
‘Mot: Non, tu peux avoir micux a faire.
Déconne pas. fete file le tuyau mais tu le gar-
des pour tol, «est novembre 83
[Lui ? Mais quite 'a dit ?Je veux des assuran-
ces, d'oh tu sors ca ?
Moi : Tu n'auras pas d'assurances, tu n’auras
Lut Mais cu tes peut-étre fait louer par une
Fatima de Pigalle
Moi : Ma parole vaut ce qu'elle vaut. Tu le
prends comme tu veux fin 83... Novembre. Il
Teste deux ans et dem je te di
Lui: Mais d'ei tu tens ga, moi tw peux me
dire ce que tu veux... N'importe quoi.
Mot : Du trosieme secret de Fatima,
Lal : Oui mais doi tu ens le troisieme secret
de Fatima puisqu'ilestresté secret ?
Moi: (affirmati je le sais
Lal: Tule sais ou ? Tw as cu une révéation
mystique ou tu le sais scientifiquement ?
Moi: Je le sais par des documents.
Lai: Quels documents ? Nostradamus.
Mol : Non, pas Nostradamus, Des caves de
Egle St-Piere.
Lut: Et comment
documents ?
Mol: Ecoute, ne me demande pas, ne me
demande rien, je suis peutetre sur table
Mécoute. Ne me demande pas des choses
‘comme ga.
Lui: Mais sila fin du monde est en 83, n'y a
ls de secret ene la DST et 0s Ts pete
Mol : Eh bien d'ici 1a, je n’aimerais pas au’
arrive des affaires semblables 4 celles Qui
arrivent aux membres d’organisations
parallels.
Lui: Tu resteras pas longtemps en prison si
est le cas... organisations paralléles.
Mot : Je n'aimerais pas passer mes deux der-
nigres années en prison.
Lui: Tu veur pas mourir avant la fin du
monde.
Mol : Non.
Lui Tu veux mourir avec tout le monde. Ta
tiens & mourir avec quatre milliards d'indivi-
dus, tu ne veux pas mourir un peu avant
Moi: Oui perce que ce doit ee moins
ennuyeux. Mourir en bande, ga doit etre
‘moins ennuyeux que mourir seul.
Lut : Oui, On est moins vexé. On pense tous
Jes salauds erévent avee mo. Ils ne pourront
pas se vanter de me survvre
Moi: En Poccurrence, oui. Catherine Cra-
chat. Jacques Lacan s'il est encore la et quel.
astu eu accés auxSere
2
Epi ett: Noos aloes mourir ememble,
er eighties aoe raion
Sal ban ne pron, Je evens ps nos
ans une prison,
al: Oui oh oui (souprs, tu es un peu chi-
ctiteur quand mime
Moi Oui. Un petit peu, je Pavoue, mas
eel ake
ete a es pecicecder Cane dps
fu mois, alors due chez tol n'y en a pass
Fi porte ies en pido, Tu feast
erate osha betciaf cee
Bowe depromenace alors que chez oitun's
Oui, oui, je sais, mais ga va comme ga
joi vous étes partis si vite hier soir >
ite, si vite, {Wes ded. C'etait pas si
ue ¢a.
Mot : Vous étes partis & minuit, ce n'est pas
‘ine heare laquelle 3h Ven va. Vous Wes
allés prendre un whisky au Wepler ?
Lui: Oui, c'est ga, nous sommes allés au
Wepler.
Mot : Parce que je ne voulas pas sortir.
Lai: Non. Si tu avais voulu venir. Je tai
invite trois fois. D'ailleurs je invite au
‘Wepler quand tu veux ; dés que tu as envie
aller au Wepler tu me tlephones... Songe &
moi, je suis prt 8 aller terejoindre au Wepler
nfimporte quand.
Mol: Je ne sors pas.
Lui : Ecoute, tun’as que deux pices chez toi,
tu pourra en faire ta troisieme piése, ce ne
serait plus sori a.
Mol: Dis-moi, FAN,
ENNE... 05 38 FERRERI
Lai: FAL. EFFE, A, ELLE, ELLE! Elle
‘comme Lil
Moi : FAL. EFFE, A, ELLE, ELLE ! 'avais
mal noté !
ni! Alors tu vois
maintenant.
Mot: Il ext chez Catherine Crachat, tu eros
Lui Non, mais je erois qu'il dort et qu’
serait... Je crois qu'il prendrait un air offensé
parce que il aime bien prendre des airs offen-
és méme en plein soleil et en plein jour. Alors
Ta nuit fortiori. Mais demain... Mais enfin si
{tu veux son numéro, je te promets que je tele
donne demain. Ce n'est pas compliqué parce
‘que moi je sors, je prends, ’attrape, je cher-
che, je telephone aux renseignements, je
prends Vanauaire, je vais... Je te donne son
‘huméro demain quoiu'l ative,
Mol: Oui, mais ce soir, il y a une telle
demande sir le réseau, ily a tellement de gens
aqui recherchent des jeunes filles ou
Lai : Mais ce n'est plus une jeune fil, elle.
Mot: (continuant) ...ou des jeunes femmes
agréables etcharmaiies.
Lui: A oui, c'est une jeune femme, oui.
Moi : Agréable et charmante. Elle corres-
pond ?
Lui: D'accord, ¢a va, oui, mais elle est trop
Mol: Mais comme les demandeurs ne préci-
sent pas,
Lai: Ce sont les employés des P.T.T. les
recs du réseau, je sus sOr qu'ls ne sont pas
un bon miliew.
Moi : Je partage ton opinion... Mais... Je
Youblie.
Lai: C'est la France fraiche et clandestine,
rien & voir avec les nantis comme Catherine.
Moi: Oui... Je pense que tu as raison.
c'est EFFE, A,
Ne lui téléphone pas
Mais
Lai Catherine ces une veille France osten-
tatoire et eux c'est la France fraiche et
clandestine.
Moi: Tw as raison ! Mais je pense quand
meme leur donner le numéro de Catherine.
Et surtout, ne dis pas que eest moi qu
donné.
Lai Mais non, moi je ne dai rien, 1 sais
ben que je ne ds plus ren, enfin & Catherine
en tout cs.
Moi: Quel est le numéro personnel de
Lacan ?
Ta Lacan, Bon Dieu, Bon Dieu, Lacan
‘An j'ai perdu mon vieux carne, ga y es
‘Attends une seconde.
Moi Je'avas sur un morceau de papier ete
Pat perdu, oubli.
Lui: Tu sais, je crois toujours avoir des
rmaméres && et g, sh tons ds sO
Sur des vieux morceaux de paper... Et done je
les perds.
Mot: Moi aussi, Parce que je voudras don-
ner le numéro de Lacan sur le réseau, me sur-
fommer Jacques... Le fataliste ou Frere
Sacaues.
Tal (Consultant & nouveau. son carne)
‘Attends, jevaste dire: Caroline Loeb, Geor-
ages Lichtenberger, Marie-France Lambotte,
Ferrer, Laborde, Bernadette Lafont, Michel
Leis, tens je me demande pourquci j'ai le
numéro de Michel Lens, ces curieux ca
Moi Tiens, donnele-moi.
Tai: 8142 ia,
Moi: Comment ? :
Lal: Ah non ps ui c'est un type s nonleest
tin Homonyme, c'est un type de Re
Moi: Ah bon d'accord!
Lat: (continuant) Elisabeth Léonard, Rosine
Lebrun, Héline Laplaine, hev.. Jai pas
Lacan, Ecoute. Ecoute, C'est stupéfiant mais
je n'ai pas Lacan; j'ai pas Lacan, j'ai pas
Erachat tai rien
Mol a ton numero personnel sar un
morceat de papier que a ete
Tt Mais ézoute, ji pas Lacan, tout ce que
jedevrais avoir, pas, j'ai pas, a pas ee
assure, je tapportral mes earmes, (0 ¥er~
ras, ti veras bien que je n'a pas face, qu'il
ny a aucune trace, que le papier est lisse.
‘Vai Gloria Ken, ta veux Gloria Kent ?
Moi: Je Pai aussi.
Luts Eh bien demande Tui, Pai Lemer
‘Anette, non, chez son mar, ja fe mari de
emer Annete, j'ai méme pas le nouveau
hnumero de Lemer Annette...’ Jeanie, ui
crest Jennie ?
Moi : Jennie c'est ma, c'est mon ancienne
petite amie.
Lui: Ah oui, cest ca oui. Jai Jacques
Burloux,
Moi : Tu me le donneras a occasion
‘Lui : Oui, un views Jacques Burloux, iln'y est
strement plus. J'ai Dominique Isserman rue
Poirier Nacier, tu te souviens ?
Moi : Oui
Lai : J'ai des vieux tickets de métro qui tom-
bent au fur et & mesure que je feuillette..
Bien ; j'ai pas Lacan, j'ai pas Crachat, c'est
quand méme bizarre ¢a.
Moi : C'est douteux, oui
‘Lui : Hermine Karageuz, ticket de métro, ah,
tickets de métro, tickets de métro, mais c'est
fou, il en tombe de partout... J'ai Tatiana
Longan Rakovich Rakovich,
LA RUE SALLUME
+ Je ne sais pas qui c'est.
Tai Ginette Baty, tu sais.
Lui: Heu.... Sai, ab c'est curieux ca, feutre
pour le Sade, entre parenthése, Claudette, il y
des choses bizapres, qu’est-ce que ¢a veut
dire ga : Feutre pour ie Sade.
Moi : Je ne sais pas.
Lui: J'ai Mourousi. Ecoute, tu te rends
‘compte que j'ai Mourousi et j'ai ni Lacan, ni
Crachat. J°ai Mourousi 236 66 28.
ais ca ne m’intéresse pas.
J'ai Catherine Faux.
"a ne m’intéresse pas non plus.
Ajion encore, Edgar Piouf, Elisabeth
Pozer, Domitila, Donna Gollay, Danielle
Broda, Danielle Broda, j'ai, j'ai Ajion, j'ai le
ehlorure de magnésium Delbiaz Catherine
Verguaud qui c'est celle, j'ai Bob Calle, tu
‘yeas Bob Calle?
Moi : (excédé) NON.
Lai: Jai le Chai de "Abbaye.
‘Moi: Non plus.
Lui : J'ai Vivrogne, Jean-Paul Faux.
‘Mol : (le chevauchant, le coupant) Non, non,
non.
Tai Tu veux pas Tivrogne? J'ai Beau
Chene, Laurence Bataille, j'ai Baba, j'ai
Heléne Barbeau, j'ai la Banque de Saint-
Cloud, Bon vol, coute, voila, j'ai rien de ce
quill faut, j'ai rien de ce qu’il faut, ce qui ne
‘m’étonne pas énormément. Bon écoute, alors
demain je te téléphone le numéro de
Catherine,
Moi : Okay.
La : D’accord, je prends le temps de le pren-
dre, je le trouverai, je aurai codte que cote,
est simple, ou je cherche dans I'annuaire ou.
je le demande & Ferreri ; enfin je te téléphone
demain.
‘Moi : Surtout ne dis pas pourquoi.
Lui : Mais je ne dis rien du tout. Je parle et je
dis: propos tu aurais le... etc... Alors, elle
‘va eroite que c'est pour me réconcilier avec
elle; ce qu'il lui dira, mais c'est faux. Mais
alors tu ne me méles pas & tout ga, hein tu.
Mol : Ben... Je ne m’y méle pas moi-méme..
Alors... Dis done... Je te... Quel est ton nom,
ssur le réseau ?
Lal : Je téléphone jamais sur le réseau
Mol : C'est Jupiter ? C’est quoi ?
Lui: Salomon, c’était... Mais tu sais. |
Bon...
‘Moi : Tu ne veux pas étre la Reine de Saba.
Lai: Non, non, non, ca va... Non, pas la
Reine de Saba, non...
‘Moi : Salomon.
Lui : Oui, oui.
Moi: Bon, de toute fason ga n'a pas
importance.
Lait (clair et ferme) BIEN. Je te téléphone
demain, Je te donnerai le numéro de
Catherine
Moi : Okay. Mais tu sais je dors toute la jour-
née alors laisse des messages. Je dors, je dors,
je dors jusau’a,
Lui : BIEN, Alors écoute. A demain. Comme
‘on dit, Salut
Moi : Salut.
Is racerochent le téléphone.
Je n’ai pas parlé de ce que faisaient les fem-
‘mes qui étaient auprés deux ; on le verra.
Rien @ craindre.
Le jour se leve sur Paris qui, comme on dit,
stéveilleJEAN CVOITAUTICIA FRAINUAT LA FUE
Joan Eustache : photo prise d'une band vidéo réaisée en septembre 81 par Joan André Flesch la paluche. (Photo Serge Le Péron
Lorsque n
donné »,
surmontés ¢
nous n’avor
parait si ind
’un tombed
alla vie. No
déja pronon
ces phrases |
@indifféren
« Pai sou
joies, tes pei
eux pour I’
peut je crois
Cet accen
de Jean Eus
issue. Son d
fini par se ré
son suicide
profonde,
s'était brisé
films) un se
« Le mati
Ie monde se
Et encore
« Et sans mi
que c'est de
cela, je crois
avant. Mais
le savais pas
en garde. »
est poss
quentations
« trop tard »
nous, qui no
is, nous qui
croirons pas
Jean Eustacl
se crucifie c