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En pelerin et en étranger
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708 Une exposition Poussin & New York
demi accompli. De méme que Les Dormeurs de Walt
‘Whitman, de méme que la bénédiction du soir dans Les
Contemplatis eTlugo, ce chef-tceuvee erépusculaire qui
fait honte & nos plates definitions de classique et de
romantique se stue au bord de Vindieible: entre le som-
imeil et le songe, entre la vie et la mort ente le jour Qui
tombe et la nuit qui nat Ine reste plus ensuite qu’
explorer la seule nuit
1940
VI
Suite Pestampes pour Kow-Kou-Hat‘Tues né a Florence le ville des tours sigués, des démes
‘arrondis comme une gorge, des palais fermés comme un
visage qui ne sourit plus. Tu es né au bord de Arno rune et,
aris, du fleuve aussi fauve que ta robe, petite créature qu'un,
rival de Marco Polo, etour de ses expéditions «Asi, put
rapporter & Béatrice avec un collier de jade et deux onces de
foie de Chine. Tu es toiméme un dragon de soie. Ta
langue, volute rose, a pt Iécher les mains pensimy de ta
Dame angélique et les seins nus de Simoneta
eis dans cette vile oft la foi lit sourdement deritre toute
chose, comme le fond dor des peintures, petite bee,
Orient, je te délare chrétienne. Poré & dos de drome [=]
daire, sur la route lente des caravanes,parmi encens, Vor et,
la myrrhe, je te méle au cortege des Rois mages que Benozzo
‘Gozzoltpeignit pour un prince Magnifique. Et ton museau
atest ni plus noi, ni plus eamus que la face de Balthazar.
‘Toute la nuit de VEpiphanie, blot dans ls créche, tu as ten
cchaud enfant Jésus. Puis, un jour de pauvreté ses parents,
modestes charpemtiers de village, ont vendu & Marie:
‘Madeleine, alors au début de sa caritre de courtisane, la
chair dg lasse et toute malaxée amour, Tu la suivis en
jappant au festin de Simon et autour du lit de mort de2 Suite desampes pour KowKoeHat
Lazare. Tu dormais sur ses genoux durant le repas de Bet
ne, Et, sous Varbre de la Crois, quand le fard mélé de
larmes se défssnit sur son visage, ws repardasplcurer cette
opulenteamante de Dieu]
Buddha, ton dieu, le ple asctte aux mains owertes, s€
souvensit avoir passé par toutes les métamorphoses du
Bestsire, tel Pembryon de Vhomme qui développe succes
sivement toutes les formes animales, avant de se fixer son
ang de forts human. Mais ici, sur ce versant plus foid du
onde, Phomme sex réservé Dieu comme il Ses re
Punivers Ie, le péché seul donne droit la vie éternelle
seat d'ime que coupable et de salut que at la faute. Tu es
antéricur a la faute. En toi réside Vinnocence, a malice
peut-étre, des créations dans leu fleur, avant que esprit de
homme’ ne soit vent tout compliquer. Nos Sauveuss 1
‘Sinuéresaient qu’a Phomme,et dans Phomme qu’ son me,
‘comune ti etait pour eux un mérite que ere invisible. Es,
(quand ils se sont apercus que les hommes n'écouaient pas,
ils se sont tournés vers Celui qui est sans forme. Ils ne vou.
laient plus des hommes; ils ne voulaient plus dune vie qui
‘ne nous pervent qu’ travers nos sens humains. is voulaient
le Parfait, MInaccessble, Dieu. Leur Diew, @tit Vnfiai
que ne delimitenulle substance, Fespace vide dont ils sous-
tmayaient Punivers. Ces gens, qui supplsient leur Dieu de
leur accorder un miracle, ne sonnaient pas du miracle
etre en ve. Is ne sémervellaient pas que la méme force
qui pense dans "homme, rampe danse ver de terre, vole
dans Poiseau ou véghte dans la plant toute la nature, ils
ne sintéressient qu’au ciel. Tout au plus, ils eussent
consent voir dans tes patestoses, dans ton vente rond,
dans tes larges yeux convexes, Vinnocente disuaction d'un
Démiurge gicheur @arile, "une des gaietés du Créateut,
Suite Pestampes pour KowKowHas B
Pour les plus sévées, tu neues été que le chien de VBeri-
tur, qui retourne 2 son vomissement
Etscul, peu-e, sent Francis eft falUne petite place
dans son’ Camique des Cras.
‘Tu as mille Ames. Une Ame olfative, qui ne concoit I=}
monde que comme un tissu de parfums. Et certains de ces
perfums semblent éuranges 2 des narines homme. Ton
sme digestive, replige sur elleméme comame les cizcoavell-
tions des entrails, a 'appétit pour bonne conscience, En toi
comme en moi, #aborent eet délicatechimie des sucs,
ces miystéteusee combinaisons datomes qui nous per
mettent deste. Patiemment, en silence, ton corps et le
sien trevaillent & vie. Nous sommes deux morceaux de
vie, compacts, détachés du reste, qui ne se connaisent que
at opposition & tout. Nous vivons, tous deux, dans un corps [=
anche, que tien du dehors ne touche sans le faire jouir ou
sour, ot coulent et se divsent par petites ondesttdes les
floss vivifiamss du sang. Continuellement, tu brasses, pro-
pulses, et refoules le flux d'images, d'instincts, de sensations,
‘ui est pour toi univers Et, comme ta, malgré tant d'éie
ences contradictotes, je n'imagine Tinfini que concen-
twique & mon cour.
Tw mfaimes. Je suis pou toi celle qui ouvee les pores,
atfume les lampes, peut préparer Is nouriture, Ea wo, je Lal
touche le fond de chaque nature, Pégoime esentil qui ert
de base 8 tout amour. Seul, tu vis en moi POmnipotente,
‘oyant en moi Tnexpliquée. Chaque jour, plein une mét-
uleuse ardeur, tu appliques &lécher mes mains. Mais ta
tints si on les bis. Chaque matin, quand tu te revels,
tu eélres ma résurection car ls sbsens sont pour toi des
tréparés, Chague soir, quan je m’endor, ta te pelosoa Suite destampes pour KowKouHas
sous es pied anda que abandonne ete mote
dori eme ten pate sx ses combed fees
Gu Mojen Ags, gardant ou leur alone cal
Privéds assed de esas ie resect tex
fesincts au pln grind profit dear Quand te
‘ez, jis danse vases yeu ce liga dsl
Gui sper la gattade et Pepa ont ft un our invest
Baw
"Pas gutGeres ante, Tune deeds pts chien
Sis am hen echo sj ree
eruinive, chat. que der ppiloos. Mais, pailemen
Scoop repent pve Tuan antes
deur raves une mage onde de Funner 0 devens
Siehutemitme gnton du capaod ox qu et es
fier du eat de une
La nuit tombe, ou plutér sale comme une onde. La
nuit, dame de toutes les magies wrists, efface le temps
comme a distance. Voici qu'une lune de erstal éeorne len~
‘ement le cel de jade. La pleine lune pékinose dévole sa
face luisante et ronde, pale comme le masque dune arnou-
reuse dant le bateau de fleurs det nuits dété. La lune
épand sur les eemparspeints de cinabr, sur ls villages 03
dorment tes coolies fatigués, sur te désert ol vont et
viennent es caravanes, son charme doux comme le sue di
pevot blanc. Les reines ve retournent dans leu lit et les
‘mendiantes sur leur couche, Une goutte de lune tremble,
comme une larme, au bord des cis de bronze des idles, Les
temipereursprsonnierséeivent des poémes pour seconsoler
etre en ve, les courtisanes écrivent des potmes pour s€
consoler de Pamour; ceux qui s'aiment, enlacés deux 8 deux
comme dans 'érites pisores,glisent sur le fleuve de la
nuit Et to, le petit chien, auditeur aux larges yeux de cet
Suite Pesampes pour KowKow-Hat 8
féeriesilencieue, tu regarde, dans la nult de cristal, palp-
ter ce beau gong d'argent.
‘Du fond de tes vies antéricures, de ces existences ances-
wales qui te ransmettent avec la vie, combien de fos, de
cette méme terrase claire, ast regerdé neiger la lune?
Dans la Chine bleue des Tang, le potte Li-Tat-Pé, suivi de
son chien favori, Savancat, vr de vin et de tries; i vit
tun jour, sur Péang blene de lune, ta face ple du bel astre
comme la figure submergée dune femme. I lance, les
‘mains tendues; Peau lui vint &mi-ambes, pus & mi-ventres
et bien6t le corps du potteflone& la dévve dans la nuit Et
toi, Ie petit chien quetfaye la moindre vide de eau, tu
testes sur le bord du la, jappant misérablement & la une..
Le sang, es races les espéces, les waditions nous sépareat.
‘Aux chances qui te fient mon jouet, mon ftiche peut dre,
‘ont collaboré tous les hasards planétaires. Produit un autce
‘monde, délices d'un autre peuple, tu nous serais Granger st
‘quelque chore, non seulement hurmain, mis de vivant
pouvait Péxe. Et tu nas méme pas eu, comme le beau
lévier du blason, pare lige avec nos ancéires,
Les tens, diminutifs de dragons, petits de monstres, ont
reposé sur fes genous de princes aux ongles longs, si volup-
tueux quils ne pouvaient que cruls. Is ont vellé apres
de dieux fits hommes, ou peutée hommes fats diews,
‘depuis longtemps anéantis dens la pix, mais qui pourtant se
souvicanent assez denote ve pout nous accorder leu pti.
‘Tandis que mes aieux chastalent l'aurochs dans les forés
_galoises,jignaient le mains sous la grande rose des cathé-
rales ou pleuraient Marie-Antoinente, ceux de ta race, nés
dans un repli de la Terre jaune se noursssaient de 1iz au
ond des cités interdits, ou, dans le bagage des femmes de
‘Timour, taversient In région de Tabime, le défilé dua6 Suite destampes pour KowKowHat
Pamir, Pour que ma dilection adopt, i a fallu Péventre~
ment de la Grande Mutaile et le pilage du Palais dé. Et
our que ’éive dans mes bree ton carps qui toujour fre,
Tut nécessire toute FHistoize
Tu vis mis tan enfnce ext mone. Bt ts mienfodae
wrt rit os aoe: fas
dons ou Tame ns ase con eps gue
‘ne seras plus. Seule, la mor, petite cxéature heureuse, égt-
lisera notre ignorance, car alors ni to, i mei, ne saurons
que nous avons été
yuand je mourrsi, je sis
mon ombre de eune fille, bient&t mon
‘ombre de jeune femme, qui dé m’atendent de Pautre cété
du temps. Mais je ne men ieai pus seule. Nous emmenons
avec nous toute ne suite de fantdmes: tous ceux qui nous
furent chers, et peur-éure & qui nous fomes chéres. Morte,
lune part de nows-mémes survt, Hchaut, dans quelques
carurs qui battet encore & notte nom: vivantes, note vie
est retroidie déjé avec les mains qui ne nous caesseront
a
Patzachement sux crétures
dormirss, parmi les chits de Cerbér, frileusement Blot
dans le giron de Proserpine
a
o
Suite denompes pour Kow-KowHat a7
Un jour, i plc ta mateese de te fare entrer dans une
églse.Ce nui pas 4 Florence, mas & Naples, QRS (=)
‘Nes pas semblable aux
lonceaux qui soutieanent la chair, Ia Parole évidente et
dure, la Vérité fete marbre dans les églies de Sicile?
Je ne veux pas pte bite d'Asie,Cealever plus Ton
i trace e¢ion vei dieu, SCA
Ne il demande pele rep unr rus Co)
furs sn et ue. Lich es gro on oct ar
teed pu tam deus mat pe ne Pca
fos Ne Toute ure pre du long tome ei
haute tue con ea ame pk
tticteme denon mau nes eapeate ps dae Ce Ne
Fou ps trl nat ne av une on come
fie ce, fd e Timon nt ne CWE
Sule tale wtplsheront per aoe at de cnt
‘Thommen fenene ou Cena ent aa fa
Stor
iatA PROPOS D'UNE REPUBLICATION
DE CES PAGES
‘Un ami présente pour la premitte fois en volume cete
‘Suite stamps qui paru voici pres de cinquante ans dans
lune revue consaerée 2 la reproduction photopraphique de
-manuscrts autographes, puis, bien plus tard, ~ fen tire
vanité~ dans une revue spéiaisée pour vétérinates. Voict
maintenant ce petit potme devenu petit Livre.
e mtn aml cane que fe inden ecre 4 mes
Juvenila. Mais je ne vois pas ces quelques pages sous cet
angle. si commis, comme tout érivain, d'impardonnables
juoeniia, et ea rougis tour en me rappelant que Cest de la
Sorte qu'un débutant apprend son méter, Mais Suite
estampes es auice chose. Ce texte top élaboré pour mon
godt aujourd'hui amorce des thémes qui allaient me plaie
Toute ma vie. Des la premitre page, je rencontre Marie~
Madeleine, « amante de Dieu =, qui teparata longuement
dans un autre de mes lives" D'auzres themes pointent
aus: le mystée physiologique du corps, qui hantera plus
tard Hadrien et Zenon, la prédilection pour les literatures
ctientales, que fai fréquentées de boone heute, obeesion
de la douleur, fa notre, mals aus celle des animaux et des
plants, Ia passion pour Mianocence et la simplicité des
1 Powe
Suite Cesampes pour KowKouHer 89
‘betes, les hasrds qui nous mnent tous et qu'on nomme en
termes nobles les vicissitudes de histoire, les deux themes
coniugués de l'amour et de l mort, banals dans tout potme,
et ce que fappelais en ce temprid, & tor peuréire, «le
péché dauachement aux créatures
Le jeune éervain de vingt-quatre ans fit chet I parfois
des eeure dinterprétation: ses emarques su le Vie et le
[Néant bouddhiques sont d'un écudiant mal instuit en ces
satires, mais Pebjection quelles solvent contre la notion
de salut ressemble & celle d'lvan Keramazoff«rendant son
billet» en présence dune seule souffrance d'un ére
innocent; elle ree valable, et demeure une des picrres
achoppement conte lequelles nos sstémes tébuchent
Ce petit essai garde done pour moi une valeur indépen-
dante du tomps ob il ft écrit Le pékiois a éxésuvi par un
berger ilandais, plusieurs seers, plusieurs épagneuls, mais
le petit chien aux beaux yeux ronds n'est pas oublé. I en ext.
de méme pour tout le reste. Le doigté de Parts, son habi-
let ee ote stplistiquesvarient au cours de sa ve, ms les
lober du cerveau resent & la méme pce, et, sous Ia poi-
twine, le méme coeur.
1980