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—SS— J aor. = MARCUERITE ae En pelerin et en étranger ! ‘Lesessiratels par Marguerite Yourcenar sot a alt Glo stienet un peut Slot | carinement va, a des ede 1080 se dees [outs de 105. Dans a gromire moiié rece, os Snpotant encom sur a Grice moire cambien ee penny de TAntigué peoqe ant 4 pour ele ‘vant et pour ain de contonpasine Des pages ae {are orginal tune vane jodie fc aparive ‘Apollon mato et Canc tine: se, i ‘sbi, Dates pops nous ates devant kes a fftgues de Raveone Patan A vere le temps ea ‘ne voi ort ilaable «les Yombenae der (incr anche gand tage ide Der le der More de Bin. i tere ae les pire et pels frst peut te Posen, Rembreat Ruyael Tonspele coque leu tales cle fit vir le bin {Thee le pls na, ot sist Pine orieable, Lee ‘rine ent ne approche mine rage = Vingiit Wee Heory Janes (il i et arv de tie), Oscar Wile, glo eet dedtion, Roger Cal, wf ‘gil pica tT Acadenie targin ot le grand pote ‘heugle Arete Jrge Las aren Cet att de ‘opti boomazee an nl era es yr me |i done, en tant de poe, der ote ted ot Aoacear sn jean Moran 2 Seeburg, non — sul pode de reel a soon de Koko Ha, ptt Pinole am? ‘SEN PELERIN ET EN ETRANGER | ew 4 Stor = : ‘over (* OX. ATION SBN 20707 DEFRA 70 8 Une exposition Poussin & New York demi accompli. De méme que Les Dormeurs de Walt ‘Whitman, de méme que la bénédiction du soir dans Les Contemplatis eTlugo, ce chef-tceuvee erépusculaire qui fait honte & nos plates definitions de classique et de romantique se stue au bord de Vindieible: entre le som- imeil et le songe, entre la vie et la mort ente le jour Qui tombe et la nuit qui nat Ine reste plus ensuite qu’ explorer la seule nuit 1940 VI Suite Pestampes pour Kow-Kou-Hat ‘Tues né a Florence le ville des tours sigués, des démes ‘arrondis comme une gorge, des palais fermés comme un visage qui ne sourit plus. Tu es né au bord de Arno rune et, aris, du fleuve aussi fauve que ta robe, petite créature qu'un, rival de Marco Polo, etour de ses expéditions «Asi, put rapporter & Béatrice avec un collier de jade et deux onces de foie de Chine. Tu es toiméme un dragon de soie. Ta langue, volute rose, a pt Iécher les mains pensimy de ta Dame angélique et les seins nus de Simoneta eis dans cette vile oft la foi lit sourdement deritre toute chose, comme le fond dor des peintures, petite bee, Orient, je te délare chrétienne. Poré & dos de drome [=] daire, sur la route lente des caravanes,parmi encens, Vor et, la myrrhe, je te méle au cortege des Rois mages que Benozzo ‘Gozzoltpeignit pour un prince Magnifique. Et ton museau atest ni plus noi, ni plus eamus que la face de Balthazar. ‘Toute la nuit de VEpiphanie, blot dans ls créche, tu as ten cchaud enfant Jésus. Puis, un jour de pauvreté ses parents, modestes charpemtiers de village, ont vendu & Marie: ‘Madeleine, alors au début de sa caritre de courtisane, la chair dg lasse et toute malaxée amour, Tu la suivis en jappant au festin de Simon et autour du lit de mort de 2 Suite desampes pour KowKoeHat Lazare. Tu dormais sur ses genoux durant le repas de Bet ne, Et, sous Varbre de la Crois, quand le fard mélé de larmes se défssnit sur son visage, ws repardasplcurer cette opulenteamante de Dieu] Buddha, ton dieu, le ple asctte aux mains owertes, s€ souvensit avoir passé par toutes les métamorphoses du Bestsire, tel Pembryon de Vhomme qui développe succes sivement toutes les formes animales, avant de se fixer son ang de forts human. Mais ici, sur ce versant plus foid du onde, Phomme sex réservé Dieu comme il Ses re Punivers Ie, le péché seul donne droit la vie éternelle seat d'ime que coupable et de salut que at la faute. Tu es antéricur a la faute. En toi réside Vinnocence, a malice peut-étre, des créations dans leu fleur, avant que esprit de homme’ ne soit vent tout compliquer. Nos Sauveuss 1 ‘Sinuéresaient qu’a Phomme,et dans Phomme qu’ son me, ‘comune ti etait pour eux un mérite que ere invisible. Es, (quand ils se sont apercus que les hommes n'écouaient pas, ils se sont tournés vers Celui qui est sans forme. Ils ne vou. laient plus des hommes; ils ne voulaient plus dune vie qui ‘ne nous pervent qu’ travers nos sens humains. is voulaient le Parfait, MInaccessble, Dieu. Leur Diew, @tit Vnfiai que ne delimitenulle substance, Fespace vide dont ils sous- tmayaient Punivers. Ces gens, qui supplsient leur Dieu de leur accorder un miracle, ne sonnaient pas du miracle etre en ve. Is ne sémervellaient pas que la méme force qui pense dans "homme, rampe danse ver de terre, vole dans Poiseau ou véghte dans la plant toute la nature, ils ne sintéressient qu’au ciel. Tout au plus, ils eussent consent voir dans tes patestoses, dans ton vente rond, dans tes larges yeux convexes, Vinnocente disuaction d'un Démiurge gicheur @arile, "une des gaietés du Créateut, Suite Pestampes pour KowKowHas B Pour les plus sévées, tu neues été que le chien de VBeri- tur, qui retourne 2 son vomissement Etscul, peu-e, sent Francis eft falUne petite place dans son’ Camique des Cras. ‘Tu as mille Ames. Une Ame olfative, qui ne concoit I=} monde que comme un tissu de parfums. Et certains de ces perfums semblent éuranges 2 des narines homme. Ton sme digestive, replige sur elleméme comame les cizcoavell- tions des entrails, a 'appétit pour bonne conscience, En toi comme en moi, #aborent eet délicatechimie des sucs, ces miystéteusee combinaisons datomes qui nous per mettent deste. Patiemment, en silence, ton corps et le sien trevaillent & vie. Nous sommes deux morceaux de vie, compacts, détachés du reste, qui ne se connaisent que at opposition & tout. Nous vivons, tous deux, dans un corps [= anche, que tien du dehors ne touche sans le faire jouir ou sour, ot coulent et se divsent par petites ondesttdes les floss vivifiamss du sang. Continuellement, tu brasses, pro- pulses, et refoules le flux d'images, d'instincts, de sensations, ‘ui est pour toi univers Et, comme ta, malgré tant d'éie ences contradictotes, je n'imagine Tinfini que concen- twique & mon cour. Tw mfaimes. Je suis pou toi celle qui ouvee les pores, atfume les lampes, peut préparer Is nouriture, Ea wo, je Lal touche le fond de chaque nature, Pégoime esentil qui ert de base 8 tout amour. Seul, tu vis en moi POmnipotente, ‘oyant en moi Tnexpliquée. Chaque jour, plein une mét- uleuse ardeur, tu appliques &lécher mes mains. Mais ta tints si on les bis. Chaque matin, quand tu te revels, tu eélres ma résurection car ls sbsens sont pour toi des tréparés, Chague soir, quan je m’endor, ta te pelos oa Suite destampes pour KowKouHas sous es pied anda que abandonne ete mote dori eme ten pate sx ses combed fees Gu Mojen Ags, gardant ou leur alone cal Privéds assed de esas ie resect tex fesincts au pln grind profit dear Quand te ‘ez, jis danse vases yeu ce liga dsl Gui sper la gattade et Pepa ont ft un our invest Baw "Pas gutGeres ante, Tune deeds pts chien Sis am hen echo sj ree eruinive, chat. que der ppiloos. Mais, pailemen Scoop repent pve Tuan antes deur raves une mage onde de Funner 0 devens Siehutemitme gnton du capaod ox qu et es fier du eat de une La nuit tombe, ou plutér sale comme une onde. La nuit, dame de toutes les magies wrists, efface le temps comme a distance. Voici qu'une lune de erstal éeorne len~ ‘ement le cel de jade. La pleine lune pékinose dévole sa face luisante et ronde, pale comme le masque dune arnou- reuse dant le bateau de fleurs det nuits dété. La lune épand sur les eemparspeints de cinabr, sur ls villages 03 dorment tes coolies fatigués, sur te désert ol vont et viennent es caravanes, son charme doux comme le sue di pevot blanc. Les reines ve retournent dans leu lit et les ‘mendiantes sur leur couche, Une goutte de lune tremble, comme une larme, au bord des cis de bronze des idles, Les temipereursprsonnierséeivent des poémes pour seconsoler etre en ve, les courtisanes écrivent des potmes pour s€ consoler de Pamour; ceux qui s'aiment, enlacés deux 8 deux comme dans 'érites pisores,glisent sur le fleuve de la nuit Et to, le petit chien, auditeur aux larges yeux de cet Suite Pesampes pour KowKow-Hat 8 féeriesilencieue, tu regarde, dans la nult de cristal, palp- ter ce beau gong d'argent. ‘Du fond de tes vies antéricures, de ces existences ances- wales qui te ransmettent avec la vie, combien de fos, de cette méme terrase claire, ast regerdé neiger la lune? Dans la Chine bleue des Tang, le potte Li-Tat-Pé, suivi de son chien favori, Savancat, vr de vin et de tries; i vit tun jour, sur Péang blene de lune, ta face ple du bel astre comme la figure submergée dune femme. I lance, les ‘mains tendues; Peau lui vint &mi-ambes, pus & mi-ventres et bien6t le corps du potteflone& la dévve dans la nuit Et toi, Ie petit chien quetfaye la moindre vide de eau, tu testes sur le bord du la, jappant misérablement & la une.. Le sang, es races les espéces, les waditions nous sépareat. ‘Aux chances qui te fient mon jouet, mon ftiche peut dre, ‘ont collaboré tous les hasards planétaires. Produit un autce ‘monde, délices d'un autre peuple, tu nous serais Granger st ‘quelque chore, non seulement hurmain, mis de vivant pouvait Péxe. Et tu nas méme pas eu, comme le beau lévier du blason, pare lige avec nos ancéires, Les tens, diminutifs de dragons, petits de monstres, ont reposé sur fes genous de princes aux ongles longs, si volup- tueux quils ne pouvaient que cruls. Is ont vellé apres de dieux fits hommes, ou peutée hommes fats diews, ‘depuis longtemps anéantis dens la pix, mais qui pourtant se souvicanent assez denote ve pout nous accorder leu pti. ‘Tandis que mes aieux chastalent l'aurochs dans les forés _galoises,jignaient le mains sous la grande rose des cathé- rales ou pleuraient Marie-Antoinente, ceux de ta race, nés dans un repli de la Terre jaune se noursssaient de 1iz au ond des cités interdits, ou, dans le bagage des femmes de ‘Timour, taversient In région de Tabime, le défilé du a6 Suite destampes pour KowKowHat Pamir, Pour que ma dilection adopt, i a fallu Péventre~ ment de la Grande Mutaile et le pilage du Palais dé. Et our que ’éive dans mes bree ton carps qui toujour fre, Tut nécessire toute FHistoize Tu vis mis tan enfnce ext mone. Bt ts mienfodae wrt rit os aoe: fas dons ou Tame ns ase con eps gue ‘ne seras plus. Seule, la mor, petite cxéature heureuse, égt- lisera notre ignorance, car alors ni to, i mei, ne saurons que nous avons été yuand je mourrsi, je sis mon ombre de eune fille, bient&t mon ‘ombre de jeune femme, qui dé m’atendent de Pautre cété du temps. Mais je ne men ieai pus seule. Nous emmenons avec nous toute ne suite de fantdmes: tous ceux qui nous furent chers, et peur-éure & qui nous fomes chéres. Morte, lune part de nows-mémes survt, Hchaut, dans quelques carurs qui battet encore & notte nom: vivantes, note vie est retroidie déjé avec les mains qui ne nous caesseront a Patzachement sux crétures dormirss, parmi les chits de Cerbér, frileusement Blot dans le giron de Proserpine a o Suite denompes pour Kow-KowHat a7 Un jour, i plc ta mateese de te fare entrer dans une églse.Ce nui pas 4 Florence, mas & Naples, QRS (=) ‘Nes pas semblable aux lonceaux qui soutieanent la chair, Ia Parole évidente et dure, la Vérité fete marbre dans les églies de Sicile? Je ne veux pas pte bite d'Asie,Cealever plus Ton i trace e¢ion vei dieu, SCA Ne il demande pele rep unr rus Co) furs sn et ue. Lich es gro on oct ar teed pu tam deus mat pe ne Pca fos Ne Toute ure pre du long tome ei haute tue con ea ame pk tticteme denon mau nes eapeate ps dae Ce Ne Fou ps trl nat ne av une on come fie ce, fd e Timon nt ne CWE Sule tale wtplsheront per aoe at de cnt ‘Thommen fenene ou Cena ent aa fa Stor iat A PROPOS D'UNE REPUBLICATION DE CES PAGES ‘Un ami présente pour la premitte fois en volume cete ‘Suite stamps qui paru voici pres de cinquante ans dans lune revue consaerée 2 la reproduction photopraphique de -manuscrts autographes, puis, bien plus tard, ~ fen tire vanité~ dans une revue spéiaisée pour vétérinates. Voict maintenant ce petit potme devenu petit Livre. e mtn aml cane que fe inden ecre 4 mes Juvenila. Mais je ne vois pas ces quelques pages sous cet angle. si commis, comme tout érivain, d'impardonnables juoeniia, et ea rougis tour en me rappelant que Cest de la Sorte qu'un débutant apprend son méter, Mais Suite estampes es auice chose. Ce texte top élaboré pour mon godt aujourd'hui amorce des thémes qui allaient me plaie Toute ma vie. Des la premitre page, je rencontre Marie~ Madeleine, « amante de Dieu =, qui teparata longuement dans un autre de mes lives" D'auzres themes pointent aus: le mystée physiologique du corps, qui hantera plus tard Hadrien et Zenon, la prédilection pour les literatures ctientales, que fai fréquentées de boone heute, obeesion de la douleur, fa notre, mals aus celle des animaux et des plants, Ia passion pour Mianocence et la simplicité des 1 Powe Suite Cesampes pour KowKouHer 89 ‘betes, les hasrds qui nous mnent tous et qu'on nomme en termes nobles les vicissitudes de histoire, les deux themes coniugués de l'amour et de l mort, banals dans tout potme, et ce que fappelais en ce temprid, & tor peuréire, «le péché dauachement aux créatures Le jeune éervain de vingt-quatre ans fit chet I parfois des eeure dinterprétation: ses emarques su le Vie et le [Néant bouddhiques sont d'un écudiant mal instuit en ces satires, mais Pebjection quelles solvent contre la notion de salut ressemble & celle d'lvan Keramazoff«rendant son billet» en présence dune seule souffrance d'un ére innocent; elle ree valable, et demeure une des picrres achoppement conte lequelles nos sstémes tébuchent Ce petit essai garde done pour moi une valeur indépen- dante du tomps ob il ft écrit Le pékiois a éxésuvi par un berger ilandais, plusieurs seers, plusieurs épagneuls, mais le petit chien aux beaux yeux ronds n'est pas oublé. I en ext. de méme pour tout le reste. Le doigté de Parts, son habi- let ee ote stplistiquesvarient au cours de sa ve, ms les lober du cerveau resent & la méme pce, et, sous Ia poi- twine, le méme coeur. 1980

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