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‘CORINNE BONNET ET VINCTANE PIRENNE-DELFORGE «CET OBSCUR OBJET DU DESIR» LA NUDITE FEMININE ENTRE ORIENT ET GRECE Introduction Dans le cadre du collogue organisé en 1997 8 la mémoire de Franz Cumont, nous avons abordé ensemble la question des rapports d'assimila- tion et de syncrétisme entre Astarté et Aphrodite, entre Orient et Greece, de- puis Vépoque géométrique, essentiellement sur la base des témoignages lit- {éraires!. Nous Souhaitons reprendre cette question et 'approfondit en pre- nant en compte le dossier de la nudité feminine qui est étroitement associé aux deux déesses, dans des termes toutefois assez problématiques?, Cette ude se nourvt, sur le plan du contenu, de Tétude que V. Pirenne a récem- ‘ment consacrée au dossier crétois de la genése d’Aphrodite® et, sur Te plan 'C. Bonnet et V. Pirenne-Delforge, Deus déesses en interaction : Astarté et Aphrodite dans e monde égéen, dans C. Bonnet et A. Mole (dir), Les synerismes re ligieux dans le monde méditeranden entigue (Actes ds Colloque international en Thonneur de Franz Cumont & Toccasion du clnguantiéme anniversaire de se mort, Rome, Academia Belgica, 2527 septembre 1997), Bruxelles Rome, 1999, p- 248-273, " Note étude se concentrera sur les représcntations dela desse mut debout, néralement en positon frontal, comme castle cas sir les -plaquettes Asta gui ‘ont constitué le point de départ de nowe réflexion. Sagissant dune étude qui sins crit dans le cadre dos rapport entre Aslaté et Aphrodite, notre champ denguéte se Timitera aus figurations da 1" mlllnaire av. JC, ce qu ne signfienullement que ‘nous excluons la possbilté'nteractions leonographigues entre la Gree et dans le cadre de cote rypologe, ds le TF millénaire, Vor, cet égnrd, N. Marinatos, The Goddess and the Warrior. The naked godess ond mistress of aninals in cary Grek religion, Londres-New York, 2000 (avee toutefois certains saalgames dis: cutables) ct surtout Finéressante analyse de S, Mélle-Clk, Les personages fem hns des pers myecnienesen verre ben, dans R. Hee et R. Laffineu (dit). Potnia eis and religion tthe Aegean Bronce Age (Proceedings ofthe 8 international he- ean conference. Goteborg, University, 1215 April 2000), Lisge-Avstin, 2001 (Ae sgaeurs, 22), p. 277-290, SV. PhrennesDelforge, a genise de CAphrodite greaque: le dossier erétts, dans S. Ribichini, M. Rocehi et P, Xela (di), La questione dele influence vicinooriertal Corinne Bonnet, Univers de Toulouse, France, MERA, «16 ~ 2004-2. 827870, 828 ‘Conn AONE VINCAND PRESSE DBL FORGE de la méthode, de Venquéte que C. Bonnet a conduite, en collaboration avec C. Jourdain-Annequin, sur les migrations des images héracléennes centre Orient, Gréce et Grancde-Grece* Au-dela du constat, acquis depuis longtemps, d'une similitude icono. sraphique entre les images des dewx déesses ou associées 2 elles par les exé- ates modernes, il agit dabord de chercher & saisir comment ces images fonctionnent dans leurs contextes respectifs et quels messages elles vehi- culent, ensuite de sinterroger sur les éventuels canaux de transmission et sur la chronologic de celle-ci, enfin de comprendre (ou diessayer de ‘comprendre) pourquoi ces images ont été accueillies en milieu gree, moyen- nant quelles adaptations et resémantisations, dans quels milieux, avec quelle portée, Le tout dans Fespoir d'éclairer la problématique qui ait centre de la rencontre de Nanterre, & savoir le rapport entre eimage et reli ‘gion» : quelles images pour quelles croyances, pour quels cultes, pour ‘quelle sensibilité, pour quels messages «théologiques»? En effet, on niou- Dliera pas que, la religion grecque n’étant pas une religion du livre, elle n'a ppas de dogmes établis: c'est une religion qui se donne a wir, dans ses gestes cet dans ses images, des images qui disent lidentité t les prérogatives des di- vinités, des gestes qu illustrent es rapports entre mortels et immortels’. Un vaste programme, trop vaste sans doute pour lespace d'une communica tion, mais qui devrait au moins nous permettre de poser quelques jalons. La nudité: quelques données dune anthropologie générale Dans un ouvrage stimulant intitulé Masculinv/Féminia, Frangolse Héri- tier part du postulat que «homme a commencé & penser en regardant son corps» et que a difference sexuelle est le Fondement d'une opposition onto- sulla religione greca, Rome, 200, p, 169-187, La question des sctiginese de la déesse avait et lassée de cOté dans ead, L/Aphroditegrecque, Liege, 194 (Keres, suppl 4) Signalons quelle est abordée dans un livre tts récent de Stepaae Lynn Budi, The origin of Aphrodite, Bothesda (Maryland), 2003, auquel nous cansaererons une ana Iyse conjoine ailleurs. *C. Jourdain-Annequin et C. Bonnet, Images et fonctions d'vaclts : les mo: dele ovientaux et urs interprétations, dans Ribichinl, Rocchi et Xella (dir), 0 (0.3), p. 195.228, 1 Rudhard, Mndmosyne et les Muses, dans Ph. Bargestl (6d), La meémoire des religions, Gentve, 1988 (Religions en perspectives, 2), p. 37-42. ~ Walter Burkert avait bien posé le probleme de limpact des artefacts étrangers sur a Gréce, 3 dans Migrating gods and syeraisms : forms of eult vansfer it the ancl! Mediterranean, dans A. Ovadiah (6), The Howard Gilman Insere. Conferences, 2), Mediterranea ‘ullual interaction, Tel Avis, 2000, p. 1-21 (repris dans Klee Sener Ul, Oriental, Gottingen, 2003, p. 17-36, spéc. 21-22. La NUDE FEMININE RXTRE ORIENT EF GREE 329 logique et conceptuelle essentelle', Dans ce cadre général, chaque société élabore des constructions gui, tt départ d'un «méme alphabet symbolique universe, aneré dans cette nature biologique communes, aboutissent des phrases culturelles singuligres»’. Transposé sur le theme de la nudité fe Iinine, ce constat montre que Tenjeu de notre réllexion dépasse le cadre strictement religieux et touche aux codes qulune société se donne, méme implicitement, pour régler le rapport au corps et la place respective de Thomme et de la femme en tant qu'étres sexuellement differences ‘cet égut, lest bon de rappelerd'emblée que les sciétés antiques dhs bassin oriental de la Méditerranée, sur Iesquels nous portons notre regard . 8597; pour le domaine bibigue C. E. Walsh, Exquisize desire religion, the era, ‘ned the Song of he Songs, Minneapolis, 2000; pour Tart: F. Piancck, Evetic atin the “Aneiemt Near East, dans J Sasson (64), Civilzations of the Ancient Neat East, 1 [New York, 1995, p. 2521-253 "Ceci ne signifi pas que detlles images talent inconnuesauparavant dans le monde gree ef ipa, B46 a {Us NUDUT FEMININE ENTE ORIEN Er cH 333 lisateurs et les destinataires, bref de réfléchir sur Vimage qui «fonctionnes, Vimage «dynamique ‘On dispose du reste, pour approfondir ce dossier, de deux études é- centes, orientation fort différente, mais d'un grand intérét Tune et Faure, Bes permettent, a notre sens, de poser le probleme en des termes a la fois ‘lairs et stimulants pour notre propos. Othmar Keel et Christoph Uchlinger ont publi, en 1992, la premitre édition d'un volume fondamental, dont vient de paraitre la traduction fran- ‘aise, sous le titre : «Dieux, déesses et figures divines. Les sourees icono- ‘graphiques de Uhistoire de la religion d'lsraél+", Ce volume, qui se signale tant par Tattention aux questions de méthode que par une 118s riche érudi= tion, constitue & la fois une somme des images attestées dans Paire syro- palestinienne, de "Age du Bronze et de !Age du Fer, et une analyse, fine et approfondie, des problématiques qu’elles soulovent Le second ouvrage auquel nous nous référons est celui de Zainab Bah: rani intitulé Women of Babylon. Gender and representation in Mesopotanvia, paru en 2001" et qui, comme I'indique le sous-titre, explore la dimension ssociologiques, donc aussi imaginaire, des représentations de la femme dans Tart mésopotamien ancien. L'a y est yu comme un moyen d'explici- ter et de rendre visible Varticulation masculin-féminin dans ses impli tions les plus profondes pour la société de Vépoque qul avait deélégué & sphere masculine presque tous les pouvoirs : politique, militaire, éeono- rmique, artistique et littéraire, laissant a la sphere féminine le seul pouvoir sexuel et maternel, en partie religieux et magique. Le discours porte donc sur la catégorie de gender (bien difficile & rendre en francais) et sur les re pprésentations conscientes et inconscientes du féminin (Lacan étant large: ‘ment cité et utilisé). Un des acquis majeurs de analyse de ce dossier semble étre la profon- deur spatio-temporelle de Vimage de la «ferme nue», présente sur plus de trois millénaires, dans des civilisations aussi différentes que In Mésopota- ‘ie, la Syrie, la Palestine, Ia Phénicie, le monde hittite et élamite, pour ne rien dire de Egypte. Hest done fondamental d’abandonner Yapproche mo- "70, Keol et Ch, Uchlinger, Disux, déeses ef fguves dvines: les sources icone sraphiques de histoire de a religion asad, Paris, 2001 (él originale allemande, P burg, 1992, # éd,, 1998) Voir aussi la dernire mise au point sur le sujet dans le Reaileikon der Assyiolgie, t. TX, Beelin-New York, 1998-200, p. 46468, dans les en- leées «Nackte Gatti» et «Nacktheits "2, Bahrani, Women of Babylon. Gender and representation in Mesopotaia, Londres Now York, 2001. Dans la méme ligne, signalons aussi R Lewis, Gendering Orientalism. Race, faminity and represeration, Londres-New York, 1996, 8a (CoUNAE HORNE EF VINCIAME PIRENKE-DELFORGE nolithique et de valoriser les divers contextes, les diverses typologies qui sont nombreuses et variées, en écho a des réalités historiques différenciges, La notion trop générale et trop vague d'«Orient», comprise, au fond, comme tout ce qui rest pas grec ou tout ce qui précédela culture grecque, est un mirage des «classiques». Le temps est venu de sen affrancir ou, aut moins, de la dépasser. La représentation de la nudité fémninine remonte done & la préhistoire et aux premiéres expressions artistiques, antérieures 8 Turbanisation de la Mésopotamie (done a la enaissance de histoire» dans ¢ sens traditionnel ‘ot! on Fentend), comme cette déesse en tréne, probablement en train dac- ccoucher, de Catal Hiyik, en Anatolie, qui remonte & 6500 av. L-C. environ La majorité des représentations humaines préhistoriques du Proche-Orient sont des femmes, avec une poitrine tres développée et le pubis bien mar qué, la t2te & peine esquissée : on insiste donc sur ses capacités de repro: duction. En cela le Proche-Orient ne se distingue guére de toutes les cultures prehistoriques" ‘Au IIE millénaire av. J.C, dans le cadre de Turbanisation naissante de Ja Mésopotamie et de la Syrie, puis au TF millénaire, au Bronze Moyen et Récent, un peu partout au Proche-Orient, on rencontre la «lemme nue» sur divers Supports : des Figurines et des plaquettes en terre cuite™ (plas rare- ‘ment en bronze, bois ou ivoire) ~ comme celle de Nipptr qui a déja les ea ractéristiques essenticlles du triangle pubien fortement marqué et des ‘mains tenant les seins -, des sceauxceylindres (fi. 1) et des scarabées syro- palestiniens (lig. 2), de production locale, oi figure une femme nue fron- tale, le pubis nettement marque, les bras le long du corps, ou pls rarement repliés sur les seins ou sur le vente. "J. Cauvin, Nalssance des divinitts, nalssance de Lagriculere sla révolution des symbols au néoithique, Pars, 1994 (Enipreintes), p. 46:82, mais sans suive auteut qui fait du systéme religieux étudié un emonothisineféminin, ce ave les wile lemets usage (p. 51) Surce genre de mythe historiographique cf. les contributions de Touvrage collctif été par I. Goodison et Chr. Mots, Ancient gaddesses, The ‘myths and the evidence, Londres, 998. Cf J Assant, Sisle and Replication in ‘ld Babylowian’Tere-cota plagues strategies for entrapping the power of images, dans 0, Lordz, KA. Metzler ct HE Schaudlg (dir), Ex Mesoporania et Syria Lux. Festschrift M, Detrich, Monster, 2002 (AOAT, 281), p. 129 (avee bibliographie). LIA souliane les dillérences for: ‘elles entre ies figurations sur les seas ot st les plagues ce tere cute, des di ferences qui ne tiendalent pas seulement & des raisons techniques, mais ssh a fait que ces sipportsGmanent de «mille différents, Par ailleurs, la éalisation des ces plaguettes, déritantellesmémes des Figurines modelées & la main, serait une Sorte de mimesis de Tacte eréateut dis genre humain, modeléa partir dune motte ‘aril 836 ‘onine BONNET Hr VINEE PIRENNELDEL FORCE Ten va de méme pour association de cette figure nue frontale avec des rameaux qui la Nanquent, quelle tient en main ov qui, dans un cas, soulignent les contours du pubis (représenté ailleurs sous forme de feuille): autant déléments qui qualifient cette image comme celle d'une puissance sexuclle lige a la nature, a la végéation, a la fertilité, et qui font dela femme une métaphore de la terre. Quelques exemplaires montrent dis reste la femme nue portant ses mains sur un ventre proéminent, ce qué semble confirmer le message de sfécondité» véhiculé par ces images. Dans d'autres représentations, fon souligne plurot le pouvoir de séduc- tion, en écho & la scene décrite dans le mythe d'Hedamma : des sceaux- cylindres syriens et palestiniens, entre autres, montrent 2n effet une déesse qui se dénude ou qui souleve son vétement face & un partenaire occupé a la rogander : cest une scene de «strip-Lease» qui met en éridence Fattraction exereée par le corps féminin, ce qui montre bien que nous avons & faire & tun art qui traduit le regard masculin sur la femme. Ces Jeux aspects, celui de la séduction et de la fécondité, quoique illustrés séparément par des images différentes, renvoient sans doute, comme lépisode d'Hedammu le suggére aussi, A une méme réalité, & deux moments, deux temps d'un unique événement ou processus. (On se gardera bien de mettre une étiquette, un nom sur ces images, ee lui dIshtar par exemple ou un autre, dans la mesure oi les panthéons syro- palestiniens et mésopotamiens étaient riches et fuides (nous opérons att sein dun polythéisme polycentrique) et que Vimage évoque davantage une «force divine» opérante” qu'une déesse précis. Une telle interprétation est confirmée par les contextes auxquels ces pices se rattachent : souvent funéraires ou domestiques, parfois dévotion- nels en rapport alors peutétre avec une déesse précise ~ dont nous igno: rons le nom faute de sources écrites. On verra plus avant quay Bronze Récent, lorsque cette iconographie se répand trés largement, elle sera souvent présente sur des objets de la vie quotidienne : manches de miroir, bijoux, amulettes, en référence a un pouvoir de protection, apotropaique (ou A un modéle, un idéal, qui semble sage de dissocier d'une identité pré- cise. On semble en tout cas toucher, avec le theme de la nudité feminine, abord a la sphere des croyances privées, de la vie famille et sociale, de la psychologie collective, accessoirement & celle des cules publics. A Tell Kittan et Meziddo, en Palestine, dans des contextes clairement cultuels, on rencontre ces images, associses tantot A des si@les dressées, ® Comme Ta consiaté V. Pirenne-Delforge dans un ou ute contest, & propos des statues vues et décrtes par Pausanias (nage des dies et riuel dans fe dscours ‘de Pausarias, dans ce vou), oe | | . 1 RUDI FEAUNINE ENTE ORIEN EF CRECE 337 dont une, haute de 45 em, porte une représentation trés réaliste, quoique schématisée, du sexe féminin (fig. 3), tantot a des représentations de divi- nités masculines. On fausserait donc sans doute Ia perspective & considérer ces pies isolément. Les sceaux-evlindres comme les dépdts votifs nous in- vitent & concevoir la nudité féminine en rapport avee un partenaire mas- culin, explicit ou implicite : est bien de la dynamique des sexes et de leur complémentarité quil semble etre question, Avec le Bronze Récent, apparaissent les figurines et les plaquettes en terre cuite de femmes nues produites en série. Tandis que Timage de Ia déesse se tenant les seins ou montrant le pubis domine au Nord, ats Sud impose plutot Fimage de la déesse nue, les bras déployés et tenant une Fig, 3 Stale de Tell-Kittan, 1750-1650 ay. 1-C. Dessin reps ‘de Keel & Uchlinger 0. (n. 17), fg. 26b 838 ‘con BOMKET EF VINCIANE IRENNEDELFORCE tige de papyrus ou de lotus, les cheveux imitant Ia cciffure hathorique, ‘comme sur les sidles égyptiennes du type «Qudshu, oi la déesse est de bout sur un lion ou sur un cheval (fig. 4). Bien qu'égyptsante, cette image fut en fait élaborée en terre cananéenne et importée en Egypte. La méme iconographie figure aussi sur des pendentifs en bronze ou en or, parfois sous une forme extrémement «synthétique». image du corps féminin se réduit deux ou trois éléments essentiels: le visage et les cheveux, les seins, le nombril, le pubis. Limage fonctionne alors comme un signe di- dentification minimal. Selon la majorité des spécialistes, Astarté (ou micus Ashtart), la cor- respondante ouest-sémitique de la mésopotamienne Ishiar, attestée en Sy: Fig, 4 ~ Plaguetteen or de Lachisch, XIE 8 a. 1G, ‘Dessin repris de Winter, .. (7.17), fg, 39a LA UDI FENUNINE BNTHE ORIENT Er GRE 839 rie d’s Te mien du ILI millenaire av. J.C. parce quiassociée elle aussi aux Hons et aux chevaux, notamment & Ugarit®, serait une bonne can date pour ces images, et ce 'autant que les panthéons du Bronze Récent commencent 2 ére (ou 2 nous sembler) plus siructurés, mieux dférer Cela dit, dans la mythologie ugaritique, il est encore pratiquement impos sible de dissocier Ashtart d’Anat, sans oublier Athirat qui, en sa qualité de ire de tous les dieux et de nourrice des rois, est intimement associée & Ja sphere qui nous intéresse. Un tel constat 1a du reste rien d'étonnant dans le cadre d'une religion polythéiste oi les champs daction se recouvrent et seentrecroisent, Dans le monde grec, Aphrodite est souvent proche pa- rente d'Héra, de Déméter, d’Artémis ou d’Athéna, ce qui ne peut quineiter la prudence quand il s'agit détiqueter les images. Dans le cas de nos images de nudité léminine, plus que le nom, cst la Jonetion, cest le message qu'il nous importe de comprendre : la nudite {rontale renvofe avant tout a Vattraction sexuelle, & a séduction, bref au pouvoir de dispenser le plaisir, le bien-ttre. Corollairement, ces images {ont allusion Ala fertilite et la maternits qui sexpriment toutefois plus ex- plicitement par le biais dimages comportant des éléments végétaux ou ani- ‘maux et par des scénes dlallaitement, également tres Fréquentes dans Tart, selon le modele «islaque», Prudence done dans Tusage des théonymes, en absence de sources écrites, et dans Ie recours & des cat6gories concep- tues issues duu monde judéo-chrétien qui a dissocié sexualité et materni- 1, en les plagant dans des cadres moraux bien distincis. Cest sans doute Tne des raisons pour lesquelles certains exégetes ont youll forvément re- cconnaitre des prostitudes sacrées dans les images de femme nue! Siles pendent et Ies stéles du type «Qudshus disparaissent ave Ia venement de Age du Fer, en revanche, abondent les plaquettes de terre cuit ou de caleaire représentant une femme nue : ce sont les célebres «pla. quettes (ites) d'Astarté»", dont il est impossible, en vérité, de savoir st elles renvoient 8 une déesse précise ou nan (fig. 5). La position des bras pout varier = le long du corps, sur les seins, sur le ventre, qi semble parfois arrondl, sur le pubis. La lrontalité est complete : pieds, corps, visage. Pour 6, Bonnet, Astaié. Dossier documentaire et perspectives historiques, Rome, 199, p. 135-138 ibid py. 14142 “Ck Me Deticnne, Experimenter dans le champ des palythéines, dans Keres, 10, 1997, p. 57-72 © CE.J.B. Pritchard, Palestinian figurines ie relation to certain goddases knows ‘through Literature, Philadelphia, 1943; RI. Ril, The Syrian Astarte plagues and their ester connections, dans Bev, 8, 1949, p. 69-90; W. Calica, Opera select. From Tyre to Tartessos, Gothenburg, 1989 (SIMA, 4), p. 265-280, 840 ‘ORINME HONNET ET VINCIANE PIRENNE-DELFORCE Fig. 5- «Plaques dAstartée de Tima, XIX: s, av. J-C, Desin ropris de Keel & Uehlinger, o..(n. 17), fg. 27H tains, cette position intégralement frontale renversit & une position ceouchée, plus précisément a un lit mortuaire, selon un moddle d'insp tion égypticnne. Une tele lecture néglige toulefois le frit que ces images constituent le proloagement, au I* millénaire, d'ane tradition qui remonte au moins au ITT et qui ne semble nullement sinsérer dans un contexte ex clusivement funcraite, Ces plaquettes étaient du reste en général suspen: dues ou posées dos aur mur, en position érigée. Elles ne froviennent pas en masse de contextes funéraires, mais plutot de quatiers dhabitation (quand les contextes sont connus); on peut méme ajouter que les tombes 1 NUDE FEMININE EMTRE ORIENT GREE Bar ddu Bronze Récent et du début de TAge du Fer ne contiennent que rarement de {elles plaquettes. Leur message n'est done pas prioritairement funé: raire : ila certes pu étre récupéré en fonction des attentes relatives & Tat dla, mais prioritairement, ces objets appartiennent a la vie quotidienne et véhiculent done un message de vitalité et non de mort. Ces contextes de provenance ne nous autorisent toutefois pas & elaici- ser» excessivement ces images de «femme nuee : seule ou en pare, les pieds reposant parfois sur des tétes de lion, la femme nue est occasionnel- lement représentée au sein d'un liew de culte (avec pilastres, corniches, etc.) Cest done bien & une déesse que nous avons aflaire, méme si elle reste snonyme pour nous. Sur une coupe en argent syro-phénicienne du VIII siacle av. J-C., découverte en Gréce, & Olympie, la déesse nue se tenant les seins apparait, par deux fois, a Yintérieur d'un naiskos et est mise en paral lele avec un diew masculin barbu”. Revenons & présent a limportante question de la fonction des supports de ces images, élément fondamental pour évaluer la portée du message vé- bhleulé par ces figurations. Quand il yagit de statuettes ou de plaquettes, on cn tire bien peu denseignements, sauf si celles-i ont une vocation dédica- toire. Les bijoux sont plus intéressants puisquils renvoient assurément & ‘un univers feminin, Les dames qui portaient des amulettes ou des penden- Uifs en forme de femme nue, ou qui se faisaient ensevelir avee ces parures aimaient a souligner le pouvoir sexuel de la femme, done le leur elles ten- tient simultanément de eapter celui, plus puissant encore et éternel, de la ddéesse et en altendaient sans doute des bénélices particuliers dans le do- maine de la sexualité et de la maternité. Les images de nudité féminine semblent en ellet jouer un réle important dans la pigté léminine — les ‘exemplaires funéraires proviennent en général de tombes de femmes ~ et Aux alontours de la finda VIEF's av, J-€. (Fer HC), un moment ot fa pous- sée assyrionne se falt pressante en Syro-Palestine (est-cefortlt?), apparaisent et grand nombre les figurines ditesepiliers» pare que le haut du cotp et arthropo- ‘morphe et le bas en forme de plier. Ces pitee abondent (des cenaines) entre la fin ddu VIE ete milien dn Vis. et semblent issues dune production locale. Les conten tes sont essentiellement privés: maisons et tombes, Elles devaient done jouer un role dans le culte domestique, contitant en quelque scite les heritienes des pla ‘quettes de déesse nue du Bronze Récent et du Fer T, mals avec, pour ral et fda en Tour cas, un hiatus ehronologique fort signlicatif, de sorte que Keel et Uehlinger parlent de «renaissance dune tradition ‘cananéeane’ de la représentation anthropo- morph dune déesses. CF R. Kleter, The Judacan pillar iqurses andthe Archaeoo- 1 of Asher, Oxford, 1996 (BAR lit, Series, 636) ”G. Matkoe, Phoenician bronze and silver bowl rom Cyprus ad the Maditera ‘ean, Berkeley-Los Angeles-Londres, 1885, G 3, p. 204-205, illustrations p. 316319 (Gataton = 750-700 av. JC), 842 ‘CORISNE BONNET Er VINIANE RENE DELFONGE est done, pour le dire avec Keel et Uehlinger, 2 une efigure dlidentiliea- tion» que nous avons affaire : les plaquettes représentent sla déesse ‘comme une femme», de maniére & permettre Identification entre fidéles cet déesse™. Dans cette perspective, laltemative «Frau> / «Gottin» semble inadéquate et trompeuse”, Quelques autres objets méritent qu'on s'y arréte briévement : Yimage de la déesse nue figure en effet, plusieurs reprises, sur des objets apparte- nant la sphere de la guerre, de lexercice du pouvoir ou exprimant le rang cetles fonctions d'une certaine élite: une hache de Zinjni et divers Frontails de chevaux en Syrie du Nord (fig. 6). On entre la sur un terrain fort intéres- sant dans la mesure oi on a mis au jour en Gréce, a Erétrie et & Samos (fig. 7), des objets similaires provenant du monde araméen, comme Tin= dlique la fameuse inscription d'Hazaél”, Ce qui mérite due souligné, cest Te recours & Ticonographie de la déesse nue sur des objets typiquement rmasculins, intimement liés aux activités «aristocratques» que sont la chasse et la guerre. La déesse a ici une lonction protzctrice, «magique>, mais elle souligne aussi alliance entre le pouvoir féminin ~ lig la sexual {é, done tla vtalité primordiale —et le pouvoir masculin—Hé la Force, ala vaillance, au combat. C'est en quelque sorte une variente du message de certains seeaunceylindes oft la lemme nue était langude du Smiting: God. ‘Sans vouloir pousser analyse trop loin, on rappellera, aprés les études de ‘Nanno Marinatos, pour le monde grec”, et de Mario Torelli, pour le monde Gtrusque™, que la déesse est bien celle qui confére le pouvoir au roi et qui, ce titre, Taccompagne dans Taudela: on touche la aux structures pro- fondes des sociétés archaiques gui ont mis le pouveir effectif dans les ‘mains des hommes, tout en reconnaissant aux femmes une sorte de puis- Keel et Uehinger, apres autres, se demandent si es laquettes ne seratent pa des rortes cle «cette dinitintion» des jeunes femmes pa le bias de ln post tution saerse pre matrimonile, Dela sorte a devote sssurat la protection et la be inition permanentes de la déesse dans le cade de sa vie de couple et ee famille Hypothése qui semble rslicrice, mais interessante, Pour un possible pavallle dans Iemonde grec :J. Reilly, Naked and linbless. Learning about the feminine body in ar- ion Athens, dans Naked maths, oc. (n. 6), p- 154-173 (8 propos de petites figurines rues, au bras trongues,représentées esseniillement sur des stolesfuneraives fémi- nines) °'U, Winter, Frau und Gotin, Gotingen, 1983; en particule le chapize 2 : Die nackte Gti, . 96-200 CEB. Lips, The Arameans, Their ancien history, eure, religion, Louvain Paris Sterling (Virginia, 2000, p. 388-389 ° Marinates, .. (a. 2. = M Torali, I rango, il toe immagine: alle origin delle reppresentacione sto riea romana, Milano, 1997 cre ont 843 av. Jot. Baa ‘coRoXE HONEY FI VINCIANE PIRENNE-DELFORGE sance originelle, aux contours magiques. Du reste, le célébre sarcophage «Amathonte, daté de 500-450 av. J-C.», associe, de manigre trés signifies tive, un défilé de chars sur les longs c6tés— une image qui traduit le statut aristocratique du defunt ~ et, sur chacun des petits eétés, quatre images identiques de la adéesse nue, dune part, et de Hés de Yautre, image de puissance au féminin, mise en paralléle avec la figure dun diew masculin, Un tel exemple montre bien que les schémas idéologiques et iconogra phiques passérent, avec les Phéniciens, 8 Chypre, puis de Chypre, sans doute, en Etuvie oft M. Torelli les a reconnus, Lenquéte de Zainab Bahrani a également nourti notre réflexion dans Ja mesure oi elle explore le concept de féminité dans la société assyro- babylonienne. Son propos laisse done de c6té toute Ia frange syro-palesti= nienne, essentielle pour notre propos centré sur les interférences cult relles. Si Tapproche de Keel et Uehlinger se nourrit des méthodes les plus cconfirmées de Phistoire de Vart et de Ticonologie, le volume de Z. Babrani repose sur les interprétations modernes, féministes notamment, de la no- tion de gender, sans oublier la sEmiotique et la psychanalyse qui jouent un r6le important dans analyse des processus de représentation de soi et de utr. De ce point de vue, cet essai, quoique parfois répétitif, est coura- geux, surtout pour un domaine comme le Proche-Orient ancien aus sein du quel, comme le note Tauteur, «there has been a general reluctance to en ‘gage anything beyond cataloguing references to, or representations af, wo- Le point de départ de Tenquéte est la conviction quele sexe et le gender sont des notions culturellement construites, done profondément histo iques, et non pas des donnés «biologiques», donc immusbles : le travail de Vhistotien sera done en premier lieu un travail de «déconstruction qui ‘mettra en évidence les ressorts mémes de l'dentité masculine et feminine dans un contexte socio-culturel donné. A cet égard, le uavail sur Tidentité feminine orientale antique subit inluctablement des -nterférences avec Vimaginaire moderne et contemporain, qui associe Orient & tne série de ‘topo’, comme celui du harem, au sein duquel la fernme orientale vit passive CE Th. Pel, Religion ot mayauté a Amuthonte de Chypre, dans Transeuplvaténe, 12,1996, p. 97-120, et, du méme auteur, que nous remercions de nous avoir commit nigué son étude & paraftre: Images dela oyauid amathousiene Ie srcophage d'&- ‘mathonte, dans Y. Bertin et Th. Petit (4), Ieonographie royale sconographie pe Yale, iconographic des dts, StEsenne, 2004, La subi FEMININE EXTRE ORIENT ET ERC sas ct lascive, prisonniére du désir masculin™, Il est en tout cas évident que Timage de Ia femme, orientale ou autre, qui stale dans Vart antique (et ‘moderne), est une image de matrice masculine qui repose non seulement sur les expériences du véen quotidien, mals aussi sur les fantasmes et, plus énéralement, sur la subjectivité du male. D'un point de vue épistémolo sique, Vart et Ia littérature ne livrent done pas tant un témoignage histo- rigue sur Ia condition de la femme dans un contexte donné que la vision fquen avaient les hommes, entre réalité et fantasme, Valtérité {éminine rant en général le lieu de tous les excds et de tous les manques (anniété, faiblesse, sauvagerie.... «Woman in representation is thus not a reflection of a woman or women, but Woman as signs (p. 31). Llart sera done vu, dans une perspective dynamique, comme le lieu ou ces processus se dé- ploient, et non pas simplement comme le miroir passif et fidéle de la pola- rité masculin-féminin, Dans un tel cadre conceptuel, la représentation du corps apparait ‘comme un signe particuliérement riche de sens. Or, la nudité masculine drientale est attestée dans des contextes bien spéeifiques : Thomme est présenté nu dans un contexte rituel, quand il porte une offrande, ou dans lun contexte héroique ott il exprime la vielité et la force; il est mu quand il est vaincu, prisonnier ou mort; il est nu encore quand il danse ou quand il nage. II ne semble done pas y avoir eu, en Mésopotamie, de processus idéalisation du corps masculin’* dont la nudité est ici contextualisée, ‘narratives pour reprendire expression de Z, Bahrani, done & Topposé de Ja femme nue frontale qui n'a rien de narraif, qui est statique, soumise att regard des autres. Au contraire de ce qui se passe en Gréce, en Mésopota- mie, les représentations de phallus ou de personnages masculins itayphal- Tiques sont rares, alors que les images de nudité feminine, nous Favons vu, accentuent fortement la zone pubienne. “En revanche, la nudité feminine souligne exchisivement (sauf quelques rares cas de danseuses ou de musiciennes nues) le pouvoir de séduction et attraction (le kuzbu). Les images de nudité, sans le moindre contexte et ‘pénéralement sans attributs, dans un isolement grandiloquent, renvoient & CEA. Grosichard, Strucure du Sérail, Paris, 1979, p. 144-149, 153-228, par, 175-182. 2 Vole cependant la hele analyse que falt Winter de la stale de Naram-Sin et eo Pidéalisation di corps du souverain: Sex, rhetoric and the public momiment : the allaring body of Nava Sie of Agade, dans N. B. Ksenpen (&k.), Sexatity i ancient fart, New York Cambridge, 1996, p. 1-26, Ullure virile tla paissance sexuelle du ‘ol fonetlonnent comme une métaphore de sa puissance plitigae et militaire. Ie, la rnadité de ses ennemis est bien le signe diane sourssion 6 ‘conINn BONNET £7 VINCIANEPIRENNE DBL tune féminité eidéales, a essence de la féminité, cesta-dire, en demitre instance, au désir que la femme inspire & Thomme et au plaisir quelle lui donne. Lart oriental ancien est bien un art masculin, dans la mesure od il nnaft du regard des hommes et sadresse a lui, ce qui ne Yempéche pas de capter V'attention des femmes qui aimaient narcissiquement se reconnaitre dans ces images puissantes et elficaces, La nudité masculine est fonc- tionnelle» aux divers contextes dans lesquels elle est insérée, a mudité f= rminine, décontextualisée, dé-historicisée, exprime la puissance sexuelle et attraction que I'xéternel féminin» exerce sur Thomme : la femme nue frontale olfre son corps; elle nest qu'un corps, siége dune puissance int sistible dont Thomme veut prendre possession. Cela dt, Ie pouvoir que le regard masculin concéde la séduction du comps féminin ~ eet «obser ob- jet du désir» ~est considérable comme clé dacces aus plaisir, la fertilité, & Ja maternité, & la reproduction, bref a la vie™, La nudlité en Grice La thématique de la représentation grecque de la nudité est restée longtemps associde a une certaine image de Ia Gréce, celle ds «miracle» et de Vidéalisation héroique. Une telle nudlité est évidenrment masculine et on origine, tout comme sa signification, continuent dalimenter des dis- cussions importantes”. Liconographie minoenne ne lire pas d'exemple de rnudité masculine et les 6ventuelles occurrences dans les images des vases *0n a volontairement laissé de e6té lel la question de la nualté biblique ‘apres te live de la Gendse, la découverte de In mudité corsspond A Fével dela ‘concupiscence, bref elle ert de révlateur des besoins, mais aiss de la faiblesse de homme, Cf, pour une premiére orientation, H. Lesétre, Nudté, dans Dictionnaire de a Bible, «TV, Paris, 1908, col 1712-1714; R. Grégoire, Mud dans Dictionnaire de Spiitaltét Xt, Paris, 1982, col. 508-513. Dans ls textes propostin, la naité est souvent associge & Fadulttre, Tobscénite, voir la prostitution; elle entrane gene Falement eine perte ident Bg, depuis la thse de W. A. Mller, Nackthet und Entlng i der ator vemalischen und alieren grechischen Kunst, Leip, 1906, spc. p, 172-174, et elle de J, Heckenbach, De ruditate sacra saerisque vinculis, Gisben, 1911 (RGWY. 9,3) L. Ronfante, Nudiy as a costume in classical art, dans AJA, 13, 1989, p.$43-870 1. Himmelmann, deale Nacht der grechischen Kunst Bertin, 1990 Ualbucl ddes deutschen archdologischen Instisns, Erganzungsbeft 26) et son retour sur ha ‘weston dans sa réaction au compte rendu de T. Hilscher (Gnomon, 65, 1993, p. 519 sv), Klasssche Archaolowe ~Kritiche Anmuerkungen sur Methode, das JDAD, 1S, 2000, p. 253-323, spéc.p, 296.308; A. Stewart, Av, Desire, and the Bay in Are ion! Greece, Cambridge, 1997, p. 24-42 Si Ton suit Tanalyse récente de E. Kyeiakldis, Nudity i Late Minoan 1 Seat UA NUDIE FEAUNINE ETRE ORIENT EGR, 347 ‘mycéniens sont problématiques™. Sans lappui d'un antécédent commode ct de argumentation dune «continuité», la réflexion sur Vorigine des su- perbes kouroi archaiques ou des athletes démudés sur les vases & figures noites a utilisé d'autres grilles de lecture : influence «doriennes, et tout particulitrement celle de rituels intiatiques de type prénuptial, la pratique de Hhomophilie ou encore le déshabillage progressif des athletes dans le cadre des concours. Ces clés de lecture ne sont pas nécessairement exchi- sives Tune de autre et chacune trouve a s'appuyer sur tel ot tel auteur classique, Car les Grees se sont, avant nous, posé la question de origine une telle pratique qui culmine dans Vinstitution du gymnase, cette sorte de econdensé de la grécité» qui porte la nudité dans son nom méme. ‘Thueydide, au tout début de son sarchéologies, envisage différents ‘modes de vie parmi les peuples de la Grace des temps anciens, Si les Athé- niiens ont, les premiers, Iaissé tomber les armes dans leur mise quot: dienne, les Spartiates ont quant & eux promut le vétement simple, introdui sant du méme coup davantage d'égalité centre la masse et les plus foriu- nnés», Clest chez eux que serait également née la pratique de Texercice physique sans autre protection que Thuile, alors que les athletes portaient auparavant une sorte de «pagne®, Homére évoque en effet ceite pidce de vvétement portée par les Achéens qui s‘affrontent lors des jeux funtbres en Thonneur de Patrocle. Un scholiaste en déduira, bien plus tard, lantériorité d'Homére sur Hésiode puisque celui-cifaisait courir nu Hippomine contre la belle Atalante*. Entre Homere et Hésiode, les athletes se seraient done ‘conography, dans Kadmos, 36,1997, p. 119126, spe p. 120-121, n.7 et 10, —Toute- fos, on pout se demander si sa remarque ne porte pa uniguement su Viconog hie des fresques et des gemmes, carla petite plastique en tere cute presente a ‘moins un exemple de nudité masculine - encore que la présence: conjointe de sins asser marguds et forganes génitaux masculing permetie denvisager Tambigutté senelle (et. D. Lefevre Novaro, Models ride rouves dans a grande fore de Ka- ‘ilar, dans Haga et Laffinewr, Poti... oe, [n-2]. 89-97, spée. p. 9092 ct pl XXVIb} ™ Quoi quien dise Stewart, ac. (0,37), p I-32. Cf. ls exemples produits par 1 Vermeule et V. Karageorghis, Mjeenaeon Pictorial Vase Paitng, Cambridge, 1982, spe les ne 113; 1V.18; V8, a compare att Xa “e Thucyalide, I 5,36, etécho cher laton, République, 452c 89, qui toutefols, ‘donne aux Crétos une lgere avance sur les Spartiates dans Tintruction de lam clue dans les gymnases “*Homére, Hiade, XMM, 683, dont Ia scholie T devient le fragment 74 Mer- letbach-West du Cualogue des fennmes dHésiode, ~ Sur cete problematique de Tin troduction dea nudité dans les concours, cl. les réfleions de Pausanias, 1,44, 1. La ddatation reste forcement incertaine: Bonfante, ac: (, 37, p. 582.955; Stewart, Le (2.37), p 29-30, 843 ‘CORICNE HONWET Er VINCANE REN. DELFORGE déshabillés®. Ainsi, Thucydlide place la nudité dans le contexte typique- ‘ment civigue des Grecs, en contraste avec le mode de vie des ebarbares», ‘concu comme un conservatoire de pratiques grecques primitives. Hérodote Yatteste tout autant : echez les Lydiens, comme aussi chez les autres Bar- bares, en général, tre vu mu est, méme pour un homme, chose qui induit ‘en grande honte»®. Cette honte frappait Ulysse échoue nu au rivage de Phéacie et bien embarrassé de se présenter ainsi devant Nausicaa, La nii- dité n'est pas davantage valorisée dans le contexte guerre de [lade ; les cemplois des mots de la lamille de gumnos dénotent la faiblesse da guerrier désarmé, le quartier de peau oi senfoncent les armes enemies, le rempart laissé & Tabandon ou le cadavre honteusement maltraité par son adver: saire®. La nudité dite «héroiques ou sathlétique» par les modernes ne touve done aucun écho chez les héros de l'épopée homérique. Dis lors, sila nudité masculine de la période classique peut tre quali: fige d'vathlétiques, en référence & larviere-plan documensé par Thucydide, lune autre hypothese touchant aux sorigines» de cette nucité a été avancée, avec de trés bons arguments. Toujours en contexte dorien ~ la Crete et Sparte, tout particulirement -, la pratique de la nudité et du travestisse- ‘ment serait en effet lige & des rituels initiatiques documentés par des au tours classiques ou postérieurs, mais censés remonter av moins a la péri- ode archatque. Le changement de statut des jeunes gens eta ainsi symbo- liquement manifesté par un jeu de contraste entre le vétement et la nud, centre le vétement masculin et le vétement féminin®, De plus, dans Vinter: prétation trés eugénique que les adlmirateurs de Sparte ont donnée de cette ducation, la mise en présence de jeunes gens et de jeunes filles nus dans les processions, dans les cheeurs et lors des entrainements sportifs devait favoriser les unions, Lianthropologie, depuis le travail classique d'Arnold ‘Bonne mise au point sur Ia question de Is mudité effective des athletes chez 4-B, Thuilier, La mudi aohltique (Grece, truie, Rome), dans tikephoros, 1, 1988, p. 29-48, spec. 35.38, ‘© Herodot, 1 10 * Homore, Oayssée, VI 136 © La alle dans Tarmure : Homére, ade, XM, 389, 12 (~ 4), 426; lerempart sans défense: XI, 399; le guerior désarmeé : XVi, $15, XXI, Sl; XXIl, 124: le ca ddavre nu que menace outrage : XVM, 122 (= 693); XVM, Til; XXI, 810. C. Bon fante, Le. (a. 37), p. 547-588 “CL 1. Bremer, Dionysos emvesti, dans A. Moreau eal 6.) Linton es rites adolescence eles mystéres (Actes du eolloque International, Montpellier I 4 avril 1991), Montpellier, 1992, p. 188-198, spe. p. 194197, ‘Théocrite, Epithalame d'eléne, 22°24 (les jeunes filles courent «huilées {ANUDITE FMW FRTRR RIESE Bronce 849) ‘Van Gennep, a abondamment documenté ces jeux sur le corps nt, habi 1s, travesti. La nudité, dans ce contexte rituel, posside une charge symmbo- ligue qui en fait un produit culturel & analyser comme tel”. C'est un «c0s- fumes comme un autre ainsi que fa finement montré Larissa Bonlante, dans une analyse ts fouillée de lévolution historique du motif, Ce debat sur les origines de la nudité «héroigues ou Funwngler .. (1.48), pl. XVI, fig. 280, 281,290; Stewart, a. (a. 37), fis 22.23 856 ‘ConINNE BONNET EF VICIANEPIRESNE-DELFORGE femme nue ne nous disent pas que les guerriers grecs du temps combat {aient mus ou que leurs compagnes se promenaient nues dans leur quoti- dien: ils proposent une image de la différenciation sexuelle qui épouse pour les deux sexes le méme code iconographique. Sur le plan des re- présentations, ces images font de la nudité un référent a une forme bit ‘maine partagée et de Tappendice sexuel ajouté a cette nudité le critere de la difference”, La deuxidme phase, qui va de la fin du VITI- au début du VF sidele (se. lon une népartition géographique tres inégale) voit le maintien assez stable de Ficonagraphie de homme nu, mais Vhabillage progress de la femme, parallalement au développement des figurines moulées nues, dont la mudi 1é était parfois rehaussée de peinture. Lhabillage de la femme constitue une évolution manifeste dans la perception méme de la différence sexuelle: i erée une sorte de déséquilibre entre Fhomme, qui reste marqué par la mise en évidence de son anatomie, et la femme cui est identfige par lun ornement, une parure. Il nest sans doute pas innocent que les textes, ‘contemporains qui parlent de la femme et de son pouvoir de sécuction Ia ‘montrent soignement apprétée, vétue, voile, portant bijoux et autres coli- fichets : Heéra dans lliade slappréte & séduire Zeus de cette manigre” et Pandore, dans lceuvre d'Hesiode, est toute faite dartifices de séduction qui ne laissent rien deviner de son corps". Pandore sinscrt ainsi dans un pro- ceessus éminemment social qui fait delle un enjeu matrimonial contralé par Jes hommes. Méme dans des scénes épiques oi élément sexuel est prédo- minant, comme union e'Aphrodite et d'Anchise dans liye pseudo omérique Aphrodive, la nudité de la déesse nlest évoquée qu'sen creuxe par la mention des atours dont elle se défait pour rejeindre la couche du mortel®, Rien de comparable, donc, & lévocation de la mudité conquérante diishiar séduisant Hedammu, La troisiéme phase (VE-début IV* sigcle) voit la disparition compléte de la nudité féminine de Viconographie, hormis 1a représentation céra- rmique des courtisanes et des prostituées, et Yexaltatior. du comps masculin Cf S, Langdon, Significant Others: The male female pir in Greek Geometric Ant, dans AIA, 102, 1998, p. 251-270; Pienne-Delforge, Le. (0-3), Homers, i. XIV, 170.221, ™ Hesiode, Théogonie, 574-584, La bibliographic sur le thime est énorme. Qu‘on ‘me permerte de renoyer& calle quia été récemment rasserrbée dans V, Pirenne- Delionge, Prine dliphraite et jardin de Pandore, dans B. Delnuelle et V. Pirenne Delonge (6), Képo. Dela religion la philosophie, Mélanges offers & André Mot Ligee, 2001 (Kernos, supp. 11), p. 83-98. "Hymne a Aphudie 1, 161-166. {A SUDIT FRAN ENTRE ORIENT FT GRC 857 dans sa nudité idéale, ce qui constitue le point darrivée de la phase pré- cédente. ‘Avec Aphrodite de Praxitale, sculptée vers 350, le nu féminin fait un retour remarquable dans liconographie et connaitra un suce’s croissant & la période hellénistique. Apres ces différents niveaux danalyse (contexte, question de l'ientité des figurines, question de l'identité des dédicants, évolution chronologique des représentations), il faut a présent se tourner Vers les influences quelles {rahissent et les resémantisations locales que Ton peut discerner, en nuan- sant autant que possible le tableau déja esquissé. Liconographie de la nudité en Gréce, quelle soit feminine ou mas- cline, ne peut pas etre, globalement et sans nuance, rapportée at seul schéma peu opérant de «Tinfluence orientale». Le terme d'sinfluence» ‘comme celui d’«Orient» entrainent a leur suite une série de problémes de :iéthode bien posés ces derniéres années”, La notion d'sinfluences doit te- 1nir compte, d'une part, de I'intégration plus ou moins claire dun élément extérieur & une culture, et, dautre part, de ce qui a conduit cette culture & adopter un tel élément, en fonction de son évolution propre et de Vadéqua- tion, plus ou moins ponctuelle, de Télément en question & ses besoins parti ‘euliers, peut-ire aux antipodes de ceux auxquels il répondait dans son contexte origine!”. Ainsi il est délicat de rapporter systématiquement les figurines mues ‘modelées de la période géométrique a une influence orientale pour en justi- fier lexistence en Grace. La scule hypothése recevable en cette matidre pro- vient des couples «femme nue / guerrier nu» en bronze sur les anses des chaudrons dont on a parlé plus haut. Pierre Amandry avait supposé que les ‘exemplaires mis au jour a Delphes correspondaient au couple «déesse nue / autour des deux limes «phares» sur la question (W. Burkert, The orienting revolution. Near Eastem influence om Greek culture ithe Early Archaie age, Cambri ‘8 [Mass], 1992; M. L. West, The East Face of Helicon, West Asati elements in Greck ‘postr and myth, Oxford, 1997) ont fleur une série d'études, par exemple, le colloque ‘nttlé-La questione dele influence vieino-orintai sulla veligione green (cite supra & Ja note 3) ou eet autre ouvrage de W, Burkert, Da Omer ai Mag La radiioneorien- tale neta culuva greea, Venise, 1999 (trad, all. Verlag Beck, 2003). CF, aussi les re marques critiques de A. Berna, Influences orintales dans la literature grecgue ‘quelques rflesons de mathode, dans Keros, 8, 1995, p. 922 et celles te K. Dowden, ‘dans JHS, 121, 2001, p. 167-175, "CE Fr. de Polignac, Influence exériaure ou évalution intemie? Linnovation cultuelle on Grice géomélrique et archaigue, dans ©. Kopcke, 1. Tokumari (6), Greece between Bast end West :0°8° centuries BC, Mayence, 1982, p. 14-127, spc pil, 858 (CORE BONNET Er VINCANE FIRINNE-DELFORG smiting god» bien attesté au Proche-Orient™, Sans repousser totalement ddée d'une influence directe, on peut y voir tout autant ua «code» iconogra- phique semblable qui associe la sexualité et la puissance guerritre, Par contre, avee introduction des figurines moulées, limportation de la ted nique, bien assurée, se double clairement de limportation du type icono- graphique de la dite «déesse nue» avec les bras Ie long cu corps, soutenant Jes seins ou désignant son pubis. Le cas de Gortyne montre que ce theme sera exceptionnellement bien accueil en Créte, oit des sculpteurs locaux. Texploiteront dans la veine de ce que lon appelle le sivle «dédaliques. Il faut toutefois souligner que les versions ugrecquess de ce type de plaques ne soulignent les organes génitaux et les attributs sexuels quien vertu dune ‘gestuelle particuligre et non par une hypertrophic dans la représentation, La mise en perspective réaliste du sexe féminin n’entre nanifestement plus dans les codes iconographiques grecs des cette période. De méme, !Aphro dite de Chide présentera un pubis anatomiquement trés allusif et un geste visant a le dissimuler. image des déesses, si le polos des figurines moulées permet bien une telle identification, n'est pas totalement dissociable de la vision de la ferme contemporaine. L’anthropomorphisme impose ipso facto un lien entre la forme humaine et Ia forme divine, de la méme manigre que la dif- fGrence sexuelle entre les dieux est une projection de celle qui caractérise les humains. A une caractérisation sexuelle qui saffichedans toute la fore de la nudité, parallélement & celle de Thomme, se substituent les artfices de la séduetion et de la dissimulation, Reprenons donc briévement le «dossier» de Gortyne puisque la docu ‘mentation y est suffisamment abondante pour éviter les généralisations ha- tives et que le deuxitme volume de publication de la foulle vient de pa- zaitre, rente-uatre ans apres le premier™. Le sanctuaire de Tacropole de Gortyne a connu une activité sur la longue durée, du IX sidele av. J-C. jusqu/aux premiers temps du christia- nisme, mais avec des périodes de fort ralentissement. Lidentité de la divi- nlté west assurée qu’a partir du IV*siécle av. J-C., quanc Tactivité cultuelle reprend aprés un peu moins de deux siteles peu dccumentés par les foutlles: elle sappelle alors Athéna®. Pour la période archatque qui nous ™P. Amandry, Pais objets de Delph, dans BCH, 68/69, 194445, p 38-39, PW, Johannowsky, Il santuario sulfaeropal di Gortina, vol. 1, Rome, 2002 onografie della scuola archeologia italiana di Atene © delle mission? italiane in Oriente, 16) "D. Levi, Gli scavi del 1954 sulfacropoi di Gortina, dans ASAA, 33-34, 1955. 1956, p, 207-288, spc. p. 246 et 288, fi. 82; Johannowsky, (a. 79), p. 2-113 1 NuDmT FEMININE ERTRE ORTENT ET GRECE 859 intéresse, Cest le VII sidcle qui a Livré les traces les plus circonstanelées. En effet, les extraordinaires figurines moulées mises au jour sur Tacropole présentent une typologie remarquablement diversifiée, bien élaborée par Helene Cassimatis. Pour le propos présent, insistons sur le fait que ces fi- gurines moulées se répartissent en deux grandes catégories : les «femmes rues» et les efemmes vétues» (lig. 10). important échantillon traité dans la typologie donne 51 exemplaires vétus pour 86 dénudés, et il semble que les exemplaires non pris en compte n'invalident pas cette proportion. L's- bondance des «déesses nues» ne doit done pas faire oublier que prés de 37% des ligurines étaient habillées!. Lattitude higratique des deux types de figurines, de méme que leur coiffure «A étages» surmontée dune «cow ronnes plus ou moins haute, et les traces de polychromie qu’elles portent encore rendent lensemble stylistiquement cohérent: la nudité des unes et Je vetement des autres relevent done manifestement dun choix spécifique dans la dédicace, La majorité des figures nues (52%) et la plus grande partie des figures hhabillées (929) se présentent les deux bras le long du corps. Pour le reste des figures habillées, la femme porte simplement une des deux mains & la poitrine, & limage de la célébre et contemporaine «Dame d’Auxerre», Les autres figurines nues proposent quant & elles pas moins de dix attitudes sensiblement différentes, en plus des deux bras le long du corps", Plusieurs motifs présentent des relations étroites avee Ticonographie orientale de la ‘edéesse nie» : designation explicite du pubis ou des seins et décorations peintes directement sur le corps (ceinture, spirales, losanges, cercles au- {our des mamelons) qui rappellent fortement les «bijoux» dont étaient pa- nées cerlaines des «déesses nues» orientales envisagées plus haut. Des frag- ments de plagues en caleaire, dont la mieux conservée devait mesurer 1,5 m de haut sur 1,07 m de large, montrent que la décoration monu- mentale du sanctuaire intégrait elle aussi la figure de la «déesse nue» aux bras le long du corps et portant une haute couronne (fig. 11). Quant & sa- voir si ces pices proviennent de Textérieur ou de Tintérieur du sanctus Je probleme est sans doute insoluble” et assez accessoire pour notre pro- "Cassimats, Le (n. 61), p. 450-451 "bid. =n des bras le long du corps, une main sur le pubis, sous Ia poliine ox sur Testomac; une main sur le pubis, Isutre entre les sein, soutenant un ssi, sr Yestomac ou sure vente; une main sur Te vente, Fautresoutenant un sein; les dou ‘mains sur le-vontre; les deus mains jointes sous la poitrine, © Orthostate de fagade pour Rizza ~ Santa Maria Serinar, p. 157; prudence chez Cassimatis,p. 452; intrieur pour Johannovwsky,p. 13 860 Conn BONNE VINCIANE RENNIE EL TOR ——— » Fig. 10 Statuetes en tere cute trouvées & Gortyne, 10a apts Levi Le. (1. 80), fig. 44, p. 247; 10b capes bi, Bg 48, p 252, 14 NUDITE FEAININE ETRE ORIENT ET ORCA 861 Fig, 1 — Orthostate en terre enite du sanctus de Gortyne Dessin rapris de Marinatos, a, (a. 2), fig 49 ‘pos, Fimportant étant de constater que la epublicité» accordée a la «déesse ‘nue» surle plan architectural assure un effet de «miroir» aux figurines vor tives. Er si cet effet de umiroirs est correetement évalué, la comparaison avec la décoration du temple A de Prinias, plus ou moins contemporain, est lentante : 4 Gortyne comme & Prinias, Niconographie de la «femme v8. tues était peut-Btre associée a celle de la «femme nue» dans la décoration architecturale. Lflet de miroir avee Vautre type de figurines votives aurait alors joué de la méme maniére, Mais Vanalogic avee Prinias a sans doute ses limites vu Ital fragmentaire du décor du sanctuaire de Gortyne. En effet, fun des deux orthostates de Gortyne pose de gros probleémes dinterprétation : deux déesses nues en position strictement frontale sont séparées par un troisiéme personnage dont la jambe paetiellement préser- ‘yée monte qu'il était représenté ven mouvement». En outre, ses bras pas- saient demritre les épaules des figures féminines nues qui lencadraicnt™ “1. Beyer, Die Tempel vom Dreros uni Prinas A, Fribourg en Br. 1969, p. 32 1 faut également rappeler que la figure Féminine de gauche a et totalement restaune surle modele dela ligure de droite! CI. Levi, le. (a 80), p. 300-30, ig 15, 862 ‘ORIN BONNET Fr VINCIANE PIRENNE-DELFORGE Pour N. Mavinatos, il s'agit d'une représentation de la etriade magique> ot la double image de la déesse protege un eguerrier»", Elle invoque deux images analogues (hormis Thabillement des figures) attestées l'ne sur une ceinture en bronze trouvée a Fortetsa en Crete” (Fig, 12), Vautre sur une plaque en ivoire mise au jour au sanctusire d'Orthia & Sparte™ (fig. 13). Le paralléle «cultuel» le plus frappant est celui du sanctuire de Dréros, tou jours en Créte,oit les célebres statues archalques en branze d'un ckotiros» de 80 em de hauteur, encadré de deux figures féminines, habillées et sen- siblement plus petites, sont systématiquement interpétées comme l'image de la trade apollinienne. De la A concevoir une telle«triade apollinienne» 8 Gortyne, il nly avait gu’un pas que certains ont franchi™. argument décisif pour rejeter Ihypothese d'une striade» & Gortyne vient de 'épigraphic, En effet, le nom [8é c}nowva a été tout récemment res- Fig. 12 ~ Parte dune ceinture en bronze provenant d'une tombe de Fortetsa en Crate. Dessin reprise Marinatos, 0: (2), fig 4.16 117, Laure reli (Big. 16), trés muti ha aussi, pourrait avo représenté tris gues féminines nues, sur le model d'un pinax (fg. 39) hi ssi restoure (ef, les pro blames souleves par Leva Ja note 2 de In page 243), © Marinatos, ac. (0.2), p. 78 fe Blome, 0. (a 62), p. 78-80, RM Dawkins, The sanctuary of Artemis Onhia at Sperta, Londres, 1929, pls, " Lidentification Apollon se fonde sur une inscription archarque trouvée & ‘roximité et mentionnant Apollon Delphinigs : Sp. Marinatos, Ad, 1936, 227. CE Blome, o (1.21), p. 79-80. ~ Quant & Tidenite des figures feminines latérales comme Artémis et Leo, elle reste hypothétique pour cette peride et ne trouve un ppt que dans ls sermentshellénistiques, ‘T, Hadsteliou-Price, Double and mudhple representations in Greek art and re Vigious though, dans. JS, 81,1971, p. 48-9, spec. p. 5859. 1A NUDE FEMININE NTR ORIENT GRE 863 Fig. 13 ~ Plague en ivoire provenant du sanctuaive Aris Orthia & Spate Desi repr de Dawkins, ac (0 88), p95 ‘itué sur un tesson mis au jour sur Tacropole de Gortyne", La datatation aut ‘VIF sigcle conduit @ y voir une maniére de désigner la déesse qui recevait les figurines votives nues et habillées. Le statut du personage masculin au centre de Torthostate est dés lors difficile & préciser : parédre? fiddle? ‘Quant a la double représentation féminine, elle surdétermine la puissance G. Marginesu, Due frammenti dé iseriiont vascolari del santuariosullAcropo «i Gontna, dans ZPB, 140, 2002, p, 67-70. 864 ‘CORLNNE BONNET VINCANE PRPAND-DELFORSE de la déesse, a linstar des quatre «déesses nues» du sarcophage d’Ama- thonte évoqué plus haut. Le nom méme de Despoina, la «maitresse» est la désignation qui, au I* millénaire, a pris le relais du nom de Potnia, attesté au IF millénaire dans bon nombre de textes en Linéaire B mais manifeste ‘ment tombé en désuétude pendant les sigcles dits wobseurs»”, La déesse de Vacropole de Gortyne était donc anonyme «maitresse» de la communauté archaique du lieu, que les habitants ultérieurs baptiseront du nom e’Athé na. Preuve, sen fllait encore, de la plasticté des idenitésdivines au mo- ‘ment de la formation des panthéons locaux™ Ajoutons & ce dossier une pitce, certesisolée mais suggestive : une sta- tuctte du type «Palladion», contemporaine des autres figurines ou légere- ‘ment plus récente, a également été mise au jour sur Vactopole. Le caraetere ‘martial de Ia déesse est alors clairerent marque”: Pour en revenir A présent A Videntité des dédicants, peut-on alfirmer comme le fait N. Marinatos que la déesse de Gortyne protégeait avant tout Jes guertiers qui seraient ds lors les fideles& identifier derrite ces terres cuites votives? Tl est vrai que des boucliers votifs, des ames de bronze et des armes ont été découvertes dans le matériel des périodes géomeétrique et rientalisante, mais Il ne s'agit que d'une partie des objets parmi lesquels fon compte des kernoi, des vases & parfum et des poids de métier & tisser™. Le profil complexe d'un culte acropolitain comme celui de Gortyne, tel que le restitue le matériel archéologique, ne permet pas de limiter ainsi le ‘champ d'intervention de la divinité, De plus, la «déesse vetue» perd tout sens dans la perspective eapotropaique» et «magiquen qui serait celle de seuls guerrers Das lors, la question Initiale de toute notre réflexion demeure : quels besoins particuliers limage de la «déesse nue» a-t-lle rencontrés & Gor tyne en Fespace dun sigcle? Cette communauté crétoise archaigue a-tlle hrité des significations liges & une telle iconographie er contexte oriental? Trowve-ton trace de la double référence dégagée plus haut : celle des we leurs masculines, chasse et guerre, cele de la sexualité, lige & Ta reproduc tion? Le «Palladion» et les armes miniatures pointent vers la sphere mas- © Voir ce sujet, la mise au point linguistiquement tréspréise de C. Trimpy, Pornia dans ks tableies myedniennes, dans Haga et Laffineur, 2. (t.2), p. 1-421, psc. p. 418 “Pirenne-Delforge, Le. (n. 3). CE Levi, Le. (n.80), p. 302 et ab, IV: i, I Palladio lt Gortine, dans PP, 46 1956, p. 285-315, spée.p. 300-315 pour le Palladion, date pa Tse «a prim ini della plastica elleniear(p. 301 Jahannowsky, oc. (0.79), p. 7080, 1A NUDITE FEMININE ENTRE ORIENT Er GRE 865 culine de la guerre, mais il est déicat détendre aux figurines nues an tel champ dintervention et de les interpréter comme des offrandes de guer- riers. Le paralllisme entre «déesse vétue> et «déesse nive, qu'il ne faut pas sous-estimer, oriente bien davantage vers la sphere {éminine : une part importante des dédicaces de figurines devait concerner le rapport des femmes leur corps, leur développement sexuel et aux incidences de ce développement sur leur faculté reproductrice™. Toutefois, un tel dévelop- pement ne reléve pas de la seule biologie : il s‘agit tout autant d'une construction culturelleintimement lie & des questions de statut social, Des lors, avec toutes les précautions d'usage, rappelons que Platon, dans ses Lois, concevsit que les jeunes filles se mélent nues aux gargons dans les «jeuxe ( paidia) et accomplissent ainsi des exercices physiques, tout en plagant la Timite d'age de ces pratiques entre 18 et 20 ans et le mariage ‘comme limite absolue, quel que soit lage”. La «maitressex de Tacropole pourrait avoir ainsi protégé l'ensemble du parcours des filles et des femmes de la communauté, en des transitions que refléteraient les différents types de figurines. Dans ce cadre, Phabillement de certaines figurines a autant de sens que la nudité des autres et loffrande de lune ou de Vautre releve d'un choix circonstaneiel qui semble tenir davantage des cycles féminins™ que des exploits guerviers. Pour conclure sur ce point, il ne sagit nullement de nier les relations de la déesse de Gortyne au monde de la guerre, documentées par le Palla- dion comme par les armes votives. Il est méme probable que la déesse nue, frontale et hiératique des orthostates vehiculait un message de puissance, tout a fait original en contexte grec. Simplement, et contraitement aux in- terprétations de N. Marinatos, il ne nous semble pas que les ex-voto de sdéesses nucso aient trouvé Torigine de leur dédicace dans des exploits guerriers, Quoi quien soit, a figure puissante de la edéesse nucs s'est par- ticuliérement bien adaptée 8 une divinité acropolitaine protectrice de Pen- semble de la communauté, avec ses femmes, garantes de la continuité, et ses guerriers, garants de la sécurité, Mais sila déesse pouvail ainsi offrir en permanence Timage de sa nudité intemporelle sur Jes murs de son sane: “~ Lahsence de figurine «courotrophe» s'apparat pas comme un argument dé isi pour carter Ia reproduction de la sphere dintevention de a divinite état dom ré le peu de suecés reneontré en Gréce par ce type iconagraphle Plato, Lois, 710-7728; 833 = Cassimatis a falt Fhypothése que les figurines venus foisient référence & un Ihabit de (eet done a une circonstance rituelle particule et elle conct som étde ‘en associant le culte au monde des femmes: Le. (n. 6), p. 453 et 46, 866 CORINME HOMME VINCANE PIRENKE-DELEGRGE ‘uaire, les fideles féminines, & un moment de leur existence que fon est ten- 1é didentifier avec le mariage, Phonoraient d'une représentation de femme hhabilléc ; si ces ex-voto sont bel et bien des «images didentifications, il est clair que le statut social des dédicantes se marquait déja dans les choix & opérer. La parité «masculin/féminin» que Yon a pu voir dans la gestuelle des couples” a done ses limites, mais il nfen reste pas moins que la disparition totale des images de femmesidéesses nues des dépots vtils dans le courant ddu VI sidcle pourrait avoir un rapport avec Tévelution de la perception de la femme dans la société, au-dela d'un effet de mode que lon ne peut ja mais exclure. A la complémentarité des sexes ~ méme relative dans une so. ciété oft I«émancipation» de Ia femme est un mythe - semblent s'étre pro- sgressivement substitués le contréle et les questions de légitimité. Des lors, Te theme de la nudité feminine sest & nouveau resémantisé: confinge & la représentation des courtisanes au banquet ou a celle des héroines humi- liées par un rapt (Cassandre) dans la céramique attique, elle identifie des situations que les anthropologues appellent «!liminaless. La nudité fémi- nine est un indicateur puissant de marginalité dans me société of la femme par excellence, cest-adire la femme épouse et mere de citoyen, est hhabillée de pied en cap. La nudité respective des hommes et des femmes dans Ticonographie n'est plus alors un code de représentation symétrique, comme il pouvait 'éire sur les vases géométriques. Le code est désormiais, ‘complétement asymétrique :idéal de la kelokagathia dun c6té, marginali- sation de Yautre. Cette liminalité explique aussi la resrésentation des pe- tites ourses de Brauron complétement ues : les circonstances rituelles de ce dépouillement permettent de rejoindre dans une certaine mesure les hypotheses initiatiques de Vorigine de la représentation de la nudité dans art grec. On peut joindre A ce dossier de la nudité Féminine un curfeux texte, ‘malheureusement tres tardif puisquiil est conservé chez Lactance. Les femmes spartiates, assiégées par les Messéniens, auraient pris les armes, en Fabsence des guerviers, afin de faire fuir lennemi, Victorieuses, elles voient revenir leurs maris qui ne les reconnaissent pas et s'apprétent a les attaquer. Elles déposent alors leurs armes et se déshabillent pour leur per mettre de les identifier I s'ensuit, au grand dam de Tapologiste, une sorte dlorgie généralisée. Le récit sert 8 justifier lexistence, & Sparte, d'une Vé- "Langdon, Le (2.72) ‘etre bien dautres référonces, L. Kahl, LAreémis de Brouron, Rites et nes ‘are, dans AK, 20, 1977, p. 86:98, sp pl. 19; P. Brule, Lo file d'Ahnes, Parise Besangon, 1987, p. 250-357. 1 Nubian ETRE ORIENT ET GRECE 867 nus en armes. Cari était plus honorable, souligne Lactance, dle représenter la déesse armée que nue"! Nudité, guerre et rapports sexuels sont ici mélés dans un contexte énonciatif largement resémantisé a des fins apologé- tiques, mais qui nest pas sans évoquer, comme un lointain écho, Tar- chaique complémentarité de la femme nue et du guerrier. Remanquons ‘que, abstraction faite de la portée moralisatrice de sa remargue, Lactance ‘opére une sorte «alternative significative entre la nudité 'Aphrodite et son armement! Ce mouvement, qui va de la femme nue & la ferme habillée — pour faire bref! — coincide avec la période de formation de cette structure parti- culldre quest la cité grecque, qui va formaliser toujours davantage les roles respectifs de homme et de la femme, pour aboutir, duu moins dans [A- thenes classique oi Ies données sont les plus claires, a cette sorte de «club hommes» qui relegue la femme «bien» dans la sphére privée, & Vexcep- tion de son réle dans la vie religicuse, soigneusement réglé par les hommes, Comment expliquer, dans ce cadre de réflexion, Vapparition de Aphrodite de Praxitdle? ‘Tout dabord, les anecdotes qui ont fleuri autour de la nudité de cette statue montrent, quelle qu'en soit Vhistoricite™, que cette «innovations allait pas nécessairement de soi. Les gens de Cos, ayant le choix entre cette statue et une autre version, habillée, pour habiter leur sanctuaire de la déesse, auraient choisi la seconde... En outte la tradition voulait que ce soit Ia célebre courtisane Phryné qui ait servi de modele & Praxitele, Ce fest peut-étre pas indifférent dans le cadre de l'conographie classique de Ja nudité feminine «liminale» esquissé ci-dessus. Enfin, comme Va bien souligné Z. Bahrani, la nudité d’Aphrodite est ici contextualisée: elle est ccensée sortir du bain. Il y a 1a une référence eréaliste» qui est wes dif- férente de antique symbole oriental d'une sexuslité puissante et redou- table, A cette epoque, une telle nudité divine ne pouvait s'appliquer qu’a Ia représentation d'une Aphrodite. Dans un panthéon désormais bien struct 16, fagonné au niveau panhellénique par la récitation séculaire de 'épopée Lactance, Institutions divines, I 20, 29-82 Brandt Laubmann. Sur ce type de cit, ef Fr. Graf, Women, way, ana warlike divinities, dans ZPE, 5, 1984, .245- 254 % Plne, Histoire naturelle, XXXVI, 20, ™ Pour V'eaprtse-Aphrodite de Cnide, ef, W. Neumer-Pfau, Die Neckte Liebes- _goitin. Apiyoitestatuen als Verkirpering des Weblichkeitsideals in der griecisch- hellonstschen Wel, dans VRel, 48, 1985/86, p. 205-234; C. M. Havelock, The Aphro- Ate of Knidos and her successors historical review of the female nude in Greek ar, ‘ann Arbor, 1995 868 ‘CORLNH BONNET VINCANE PRENNE DEL FORGE hhomérique, une évocation aussi directe de la séduction et de la sexualité fe rminine dans toute sa maturité ne pouvait conduire Praxitéle & baptiser sa statue que d'un seul nom divin. IL nen allait pas nécessairement de meme aux périodes géométrique et archaique envisagées plus haut, Sil est diffi- cil, souvent, identifier les figurines moulées en fonction dun statut hu- ‘main ou divin, il est carrément impossible, quand le polas permet Videntifi- cation du statut divin, dattribuer un nom précis & la déesse représentée. Nous avons montré ailleurs que cette indétermination “ient & un moment de formation du panthéon od divers champs de compétence, plus tard bien répartis entre divinités, étaient partagés par plusieurs dentre elles Il est donc abusif de faire de toutes les figurines nues de ces périodes, méme quand elles portent le polos, autant d Aphrodites, Mais que cette iconogra phic fortement sexualisée ait pu contribuer & Ia definition du champ de ‘compétence d’Aphrodite, nous en sommes convaincues, Quelques mots de conclusion. Figurations de dieux et interférences culturelles, tel est le theme qui nous a bien entendu guidées dans notre démarche. Quelques questions, auxquelles nous avons tenté d'apporter des amorces de réponses, peuvent synthétiser Vessentiel de la problématique 1) Comment un Gree visitant, par exemple, le sanctuaire de I Héra sa- rmienne comprenaitil,interprétait-l le frontail de cheval dédié & Héra et portant l'image de trois femmes nues se tenant les seins, supportées par lune quatridme tout aussi peu vétue? Pouvait-il y voir une image de sa déesse familitre? 2) Pourquoi des sculpteurs de Gortyne ontils adapké une thématique portée par des objets orientaux acherninés sur leur fle ~ ou produits sur place par des artisans orientaux ~ a leurs propres traditions artistiques (pour une part héritées de la période minoenne) afin ée décorer le sanc- tuaire d'une divinité du lieu? 3) Quelles circonstances poussaient une Crétoise da VIF siéele avant notre ére & déposer une plaque en terre cuite représentant une fernme nue dans un des sanctuaires de sa communauté? ‘Ala premiére question, on peut répondre que bien des indices font de la déesse de Samos une des grandes maftresses des échanges en Méditerra- née orientale. Son sanctuaire est riche d’objets chypriotes et orientalisants, Samos, oli Héracls flanque Héra ct oi sélabore les premiers essais ico "Us NUDITE FEMUNINE BNTREORLERT FF GRECE 869 nographie héracléenne & proprement parler (avec la Iéonté), semble bien tre une étape fondamentale, un noeud culturel : de méme que Timage orientale du matire des lions y pénétra, celle de la déesse nue y fut accueil compris sous une forme égyptienne. Héra et Héraclts & Samos, elle en déesse nue, lui en maitre des lions, semblent bien reproduire le sehéma oriental dela déesse nue avec le Siting God, indépendamment du fait que Je frontal porte une inscription araméenne qui ne nous dit rien, du reste, des motivations du voyage de objet et de sa consécration & Samos". ‘Ala deuxitme question, peut de données nous permettent de répondre vee certitude, mais l'image orientale de la «déesse nue» a d0 recontrer la sensibilité religieuse des Crétois qui y ont vu une maniére adéquate d'évo- quer la puissance divine de certaines déesses quils honoraient, concernées la fois parla continuité et par la protection de la communauté, Ici aussi ‘on obtient une confirmation, y compris mathématique, que la Créte fut un autre relais essentiel entre [Orient méditerranéen et Ieee", Et cette Crétoise du VIF siécle avant notre ére a reconnu dans le corps de Tex-voto une image de sa propre identité & un moment précis de sa vie de femme, dans un cadre oit la complémentarité hommelfemme saffir- ‘ait, au moins symboliquement, avec plus de symétrie que dans la «cité triomphantes, Et songeant & nouveau au dossier paralele d Heracles, on se trouve une fois de plus confronté& Ja problématique de savoir comment les Grees des cités ont négocié adaptation a leur contexte socio-politique images élaborées dans des milieux dynastiques oi il Sagissait de célébrer le pouvoir du roi et de faristocratie : de méme quHéracles a été edémocra: tisé» (y compris en tant associé A un edeme»), la déesse nue a dd se plier aux cadres de la cité et done finir par disparaitre pour deux sides, On a relativement peu parlé a'Astarté et Aphrodite dans cette étude, et ce doit ete significatif. Limage de la déesse nue transcend le discours ppurement nominatif et méme la logique des panthéons locaurx. Cela n'ex- clut pas du tout que nos deux déesses alent effectivement présidé & la sexualité dans leur sphére culturelle respective, ce quillustrent plus expli- citement encore les textes dont nous étions pasties en 1997, Mais linterro- ‘Ch. Bonnet —Jourdain-Annequin, Le. (n. 4) "°V, Karageorghis et N. Stampolidis (6d), Eastern Mediteraean : Cyprus-Do- dlecanese Cree, 16" ~ 6° Century B.C, Athones, 198, ave les articles de J. N Cold stream, Crete and the Dodecanese :allemative Basler approaches 1 the Greek word during the Geometric period, p. 255263, et A. Hermary, Vativeoferings i the samc tuares of Cypras, Rhodes and Crete daring the Late Geometric and Archaic periods, p. 265-276, 870 ‘CORINNE BONNE VINCANE PIREANE-DELFERGE zation sur les images, souvent des artélacts emuets», pose le probleme de Teur rapport & ces autres systémes de représentation que sont les textes. Toute la difficulté est 'appréhender correctement le Cegré de dépendance = ou d'autonomie ~ entre le discours t8s élaboré des ceuvres littraires et la ‘modestie de bon nombre dobjets contemporains. I nous a semblé que ces deux langages n'étaient pas hermétiques l'un & Vautre, mais quil fallait ré- sister & la tentation de les superposer étroitement, sous peine de mé- connaitre le degré d'adaptation des images & la souplesse et & la richesse des systemes polythéistes. Corinne Bower Vinciane PieNNe-Dni rome,

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