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Le Dynamisme des Langues : le cas de Afar Mohamed Hassan Kamil ‘macammad_hassan! @yahoo,fe Institut des langues de cibouti-CERD ‘Comme un organisme, «es langues vivent, elles évoluent, elles se stabilisent elles disparaissent'» méme si Bernard Victorri, directeur de recherches en scien- du langage-au CNRS nous invite a « éire trés prudent [quand il s‘agit] de parler mort des langues car; [ajoute-il], if peut y avoir mort d'une langue mais nais- ance d'une grande descendance», ‘Le 20 septembre 2004, une langue s'est éteinte en méme temps que sa demiére trice Yang Huanyi @ I’age de 98 ans. I! s’agit du nushu, « une langue utilisée ur les femmes depuis de siécles dans certaines régions reculées du centre et du d de la Chine'», Le sort de toute langue est fonction de son dynamisme et de sa capaci intégrer les réalités de la société moderne qui est en perpétuel changement. ujourd’hui, 4 I"heure de la mondialisation, toutes les langues du monde sont de s en plus confrontées, en méme temps que les hommes qui les utilisent, & de ouveaux impératifs de communication, Elles doivent développer des mécanismes survie pour pouvoir faire face aux besoins nouveaux. Liafar se rattache, 4 T’intérieur de la famille linguistique afro-asiatique, a un ipe linguistique appelé couchitique auquel appartiennent entre autres le somali, ‘oromo et le bedja. Il est parlé dans la région de la Come de l'Afrique et plus pré- sément & Djibouti, en Ethiopie et en Erythrée. Il est en contact avec Tamharique, ‘oromo, le tigrigna, l'anglais en Ethiopie, le francais, l’arabe, le somali en Répu- lique de Djibouti et le tigrigna, le tigré, le saho, I’arabe en Erythrée. Toutes ces ngues, excepié le frangais et l'anglais, appartiennent a la famille afro-asiatique il existe un fonds lexical commun assez important, en dehors du partage di aux contacts. A Djibouti, la réalité coloniale a fait que le frangais a été la langue de I'élite rmettant une promotion sociale, ce qui a laissé 4 I'afar, comme au somali, autre ngue nationale, un statut de seconde classe. En effet, sa maitrise n’ouvrait aucun frit et moins encore de privilége. Aprés l’indépendance, les langues nationales ont eu aucun statut et I’enseignement a continué a se faire en francais. Livrées 4 la dition orale, les manifestations culturelles, pouvant mettre les langues nationales Valeur, sont rarissimes et elles deviennent l'oeuvre de démarche volontariste isée par des particuliers ou par des associations militantes pour la promotion ces langues (et nous ne pouvons nous empécher de citer 'UDC? , doyenne des sssociations djiboutiennes). Raion, 20081 Idem. Union pour le Développement Culture, fondéeen 1973. Ele travail 4 ude, la wularsation deTtaret ala ute cone Fannlphdisme jamed H. K, - Le dynamisme des langues : lecas de Wf Eh 1999, cependant, lors des états généraux de I"Education Nationale, s'es manifestée la nécessité d’ apprendre & l'enfant les langues nationales, sans toutef remettre en question le francais qui reste une-des deux langues officielles et la | ‘gue de I'enseignement et de l’administration, Dans les deux autres Etats, la situation est différente, En Ethiopie, «/a création de ta région afare dite «région 2», dans le cad du fédéralisme ethnique institué par la constitution de 1995, favorise l'emploi d afar dans lenseignement primaire et l'administration oi 'amharique reste toute ‘fois la langue de référence’. En Erythtée, l'enseignement primaire se fat in Tement en afar dans la région au sud de Massawa, entre Irafulé et la frontiére ave Djibouti, oi il est la langue maternelle. Comme la majorité des langues africaines, l'afar n'a pas de tradition écrite sa culture reléve de ’orali La petite minorité de personnes ayant suivi la formation coranique @ cot meneé, au 18° siécle, a écrire en lettres arabes la poésie religieuse exaltant Dieu faisant I’éloge du prophéte Mohammed. Les principaux auteurs de cette poésie so les cheiks Mandaytou, Ayfarah, Kabir Hamza, de la tribu Kabirto, & Awsa, crits étaient répandus dans le pays afar. Cette 6criture étaitréservée uniquement aux textes religieux et ces manuscri sont les seuls ouvrages en langue afar datant des siécles passés. Ces témoigna sont extrémement précieux, ils laissent aussi apparaitre la difficult, voire Ii sibilité, qu’il y a & transcrire par les seules lettres arabes tous Jes sons de l’afar. Partant de.ce constat, en 1975, & Djibouti, les jeunes membres de I" UDC, an més de la volonié de développer un systéme d’écriture pour I’afar qui perme: de transerire fidalement tous les sons, ont décidé d’adopter I’alphabet latin nom Dimis kee Reedo (Dimis et Reedo) mis en place essentiellement par Ahmed Abd lah Hamad, dit Dimis, et jamal Addin Abdoulkader Reedo. Ces demiers, dés 1976, ont publié avec cette écriture un manuel’ de gra ‘aire et un manuel d’apprentissage de la lectute. Pour transerire les phonémes non représentés dans I'alphabet latin, ils om utilisé des lettres qui ne correspondaient pas & des consonnes en afar : ainsi le graphéme ¢ pour orthographier la pharyngale fricative sourde [R]J*, le graphéme pour la pharyngale fricative sonore [°] et le graphéme x pour la rétroflexe dentale sonore [4]. Ce systtme d’écriture s'est trés vite répandu dans le pays afar. Mais aprés Vindépendance (1993), 'Erythrée a adopté un autre systéme d’orthographe d les écoles, il sert & toutes les langues nationales érythréennes qui sont transcrites en alphabet latin, et ce systéme est le méme que celui utilisé en Somalie pour le somali. La pharyngale fricative sourde [1h] est notée par x, [*] pare et [4] par dh. = Morin, TOTS. = Ig'agt de: Dimis ot Reedo (UDC) : 1976s, Dimis et Reedo (UDC) : 19768. © Selon I Alphabet Phonétique International (IPA en anglais) ‘Sciences et Environnement -n°21 (200) Drailleurs, le passage a I’écrit pour I'afar se fait lentement. Ces dix derniéres nnées, une bonne partic de la littérature orale afar a commencé A étre transcrite des Afar cux-mémes mais aussi par des chercheurs étrangers’. Sa syntaxe fait ‘objet de nombreuses études" et de conférences. Des petits ouvrages®, présentant histoires, des proverbes, abordant les problémes comme le sida et I'éducation la santé, sont publiés. En Ethiopie et en Erythrée, beaucoup d’ouvrages pour fenseignement primaire sont élaborés et publiés. ‘On note aussi, en Ethiopie comme en Erythrée et & Djibouti, l'existence des es périodiques en afar. «Qusba maaca [i aube nouvelle» publiée par Afar guage Studies and Enrichment Center, dans la région afar d’Ethiopie, «Tabbé ¢ pas)» en Erythrée, «Aybad [L veil)», & Djibouti, en sont des exemples. Dans ses trois pays les textes juridiques" commencent a étre traduits aussi en afar. Ces ouvrages et la parution des revues attestent qu’il existe un public qui sait et éorire en afar. En ce qui concerne les médias, depuis longtemps, a Djibouti, des émissions ont diffusées en afar'a la radio et la télévision. En Ethiopie, en Erythrée et en , des émissions en afar sont diffusées & la radio. ‘Afin de faciliter les communications entre les personnes émettrices par la oie des médias et es personnes réceptrices, il fut indispensable de standardiser les nots ct les expressions les plus usités par les médias. A cet effet, le gouvernement djiboutien a organisé les symposiums sur les langues nationales (afar et somali). Le umn sur l'afar s"est tenu en mars 2003 A Djibouti. II s'est fixé pour objectif incipal la standardisation de trois mille mots et des expressions couramment uti- lisés a travers les activités survenues de par le monde. A Tissue de ce symposium, lexique de trois mille mots a été publié. Dans cette bréve étude, nous yerrons les variantes dialectales ainsi que les différents types d’emprunts et de procédés dans la création néologique que lafar met en jeu pour pouvoir s'adapter au monde modeme, C’est a travers ce remue- age que nous tenterons de démontrer le degré de vitalité de I'afar, Les langues qui développent une dialectologie, souvent en fonction des ‘contacts différents selon les régions, montrent leur capacité d’adaptation. Nous es ayerons de parler, ici, des principales différences entre les dialectes afar. - les variantes dialectales aire dialectale de afar est divisée en deux parties : Pune au sud et 'autre au «avec le port de Baylil comme frontiére»"' en Erythrée, au nord d’Assab, mais “Lest important de signaler que cette division repose sur des données anciennes' Nelsen en in Pre les soferences wos enfin Parte. Miser Me Rouge egtnaae stare Ga 1987 Pasuoralist Development Assocation), 2012, fmanth akan gaat dacayr {protection dela ede enfant), ait 3008 ia Te Code de i tomuile, la Declaration Universelle des Droits de Mhomme en République de Djibows, is Constituton en Ethiopie et en Eryn Morin. 2008 2 G7 Reiniach, 1886, e Coby, 1970 fohamed H. K, - Le dynainisme des langues : le cas de Vafar De 1963 & 1993, pendant la guerre d’indépendance en Erythrée, toute une partie la zone nord a été fermée aux recherches de terrain. Par conséquent, certaines données récentes ont été recucillies auprés d’informateurs originaires de la régi ‘mais souvent en exil dans une autre région du pays ou dans un autre pays. En ten compte de tous les bouleversements qu’a connus Ia région depuis Ia deuxiéme mois du 208me siécle, cette dichotomie est a reconsidérer, Le dialecte du sud se tingue de celui du nord par le fréquence des métathéses : mafgadé (sud), mafdaga (nord) gite d"étape ‘mablé (sud), malbé (nord) procés devant un tribunal coutumier, atqa (sud agté (nord) marécage, tagré (sud), targé (nord) seau, eusul (sud), su: (nord) coude, eoori (sud), rooci (nord) dnme. la différence des phondmes dans un lexéme : baleey (sud), maleey (nord non, siba (sud), Kiba (nord) fourreau, digga (sud), sigga (nord) fermeté surance. Les différences lexicales mais «limitées pour ne pas géner lintercompréhe sion entre les groupes les plus distants (B6ri et Tadjourah, par exemple)» «la proportion de vocabulaire en commun aux deux dialectes de | afar d passe les 70%." ‘barra (sud), agboyté"® (nord) femme, qarus maqanxa (sud), aligge (nord garcon d’honneur, akunté (Sud), aliggeyté (nord), demoiselle d’honnew kalluwanlé (sud), baxiité (nord) devineresse, satqa (sud), luw (nord) fa kacawu (sud), kixa (nord) for. En outre, il est a noter qu’«d l'intérieur de l'aire de Uafar du sud (Ba' ad Awsa) mais aussi é Rahayto, te 4 rétroflexe est réalisé vibré en position intervoca Tique'*» : baxa, bara fils, baax6, baaré pays, terre. La diversité dialectale montre le degré de vitalité de I'afar. Comme tone autre langue, en matitre de développement lexical, il recourt aussi a l'emprunt et lanéologie qui participe selon Corbin aux wrégles de construction des mots» T- Lemprunt linguistique Aucune langue n’est exempte d’emprunts sauf si elle est coupée du rest ‘du monde, Une langue est influencée par d’autres langues avec lesquelles elle trouve ou s’est trouvée en contact. Paillard souligne que «es contacts entre pew les, de quelque nature qu’ils soient, expliquent que chaque langue comporte w Srange d origine érrangerey'’. L’afar n’échappe pas & ces régles et il comporte di nombrables mots d’origine étrangére. Un important vocabulaire a été emprunté Parabe. «Ces emprunts concernent essentiellement le vocabulaire religieux” mai aussi de nombreux termes ayant trait au calcul, au temps, au commerce, désign: des produits alimentaires, des moyens de transport maritime et aérien, des term § Mori, 1991 4 8 este singulai du collet agabu femmes, ‘Morin, 2004 383 Corbi, 1987, " Pallard, 2000 + 1§ Kamil, 2004 115, © ‘architecture urbaine, d"autres sont relatifs 4 l'administration et la politique. Cer- ins proviennent aussi de langues européennes, a savoir le francais, l'anglais et italien. Ces emprunts en s'intégrant dans la langue sont soumis aux régles phoné- 3, morphologiques et syntaxiques de I'afar. Les exemples suivants illustrent la diversité des domaines d’emprunts, 1. Origine arabe” > Vocabulsirereligioux : salaat prire, dak auméne, offrande, caggi La Mec- que. Ce terme arabe hag, signifiant «pélerinagen, désigne en afar, par méto- nymie, le liew du pélerinage, c’est-A-dire la Mecque. Le phonéme j de l’ara- be, absent du systéme phonologique de I'afar, a été intégré sous la forme g. fardi obligation, sunnd précepte, qibaada adoration, qlidi fete, timaan foi, ‘moomin croyant, caraamu illicite, addunyé le monde d'ici bas (opposé au monde divin). Le terme kamri biére emprunté 4 l’arabe [xamr] avec comme premiére consonne une fricative vélaire sourde, absente du systéme phono- logique de afar ; ila done été intégré & la phonologie afar avec l'occlusive vélaire sourde A la place de la fricative, et en méme temps & la structure syllabique de I'afar qui ne posséde pas de lexéme comportant une consonne en finale absolue, d’oi la finale vocalique en —i. Sur le plan sémantique, pré- isons que dans le Coran, ce terme désigne le vin, sabri patience (une des qualités des croyants en Islam.). Ce terme arabe est Sabr pour le nom et Sabri pour l'adjectif «patient». En afar, comme il n’existe pas de consonnes em- phatiques, li, on a une désemphatisation du s. C’est toujours pour la méme raison syllabique, évoquée ci-dessus, qu’on a la voyelle finale ~i (sabi). Caleul : nussi moitié, rubgi quart, eisab calcul. > Temps :saagat montre, heure, daklikat minute, dohori midi, qasri priére de Vaprés-midi, aprés-midi, karni sidcle, sabti"! samedi, acad dimanche, etnen undi, talaaté mardi, arbaqa mercredi, kamis jeudi, gumgat vendredi. Certains adverbes de temps sont aussi empruntés a I’arabe : abadan jamais, awwal (I’équivalent de duma en afar) autrefois, jadi. > Commerce : dukkaan boutique, magasin, fayda bénéfice, kasaarat perro, sooku marché, makaahi restaurant. En arabe ce terme désigne le lieu ob on boit du café, mais en afer, il y a eu un glissement sémantique. > Produits alimentaires importés : qananis ananas, sokkar stcre, biringaal aubergine (terme arabe d'origine persane), ruddi riz, shaahi thé. Contrai- rement & ce qui s'est passé pour lil, le terme shaahi est emprunté avec le phonéme arabe. En afar, il n'y a pas de fticative palato-alvéolaire, ni sourde, ni sonore, v © La liste des empromts (a arabe, au francais, anglais, & italien...) est loin dre exhaustive © Certaines personnes parlent de I'cappellation antsislamigue» des jours en afar pour es dénomi nations suivantes;sabootan samedi, kabootan dimanche, beeran lurid, darmiaan mardi, tubwulus ‘merered. kamuunus jeu, tububbuulus vendre. ‘Mohamed Houmed Hassan (Shai, connaisseur dela culture afar, donne du eréit& con affiema tion (communication personnelle). fohamed H. K. - Le dynamisme des langues - le cas de Vafar > Administration et politique : sultaan sultan, doolat Etat, siyaasé politique. cukuumat gouvernement, maktab bureau, kaadi cadi, imticaan examen, raddi, gawaab réponse, rasmi officiel, masaahard salaire, aaman sécurité komiseer commissaire, diskuur discours. > Vétement et tissu : sirwaal pantalon, koofiyat chapeau, earlir soie, Ces termes ont été empruntés en méme temps que le produit était importé. Par conséquent, on peut en déduire que la provenance en était les pays ars- bophones car les Afar habitant la cote ont visité la rive asiatique de la mer Rouge depuis les temps les plus reculés. > Mayens de transports maritime ef aétien : markab Bateau, tayyaaré avion naakuda capitaine du bateau, bacriya marins, rokkaab passagers, safar_ voyage. Architecture urbaine : baab porte, taagat fenétre. Les emprunts au frangais, a Djibouti, datent du 19% sigcle, a italien et & anglais, en Exythrée, commencent au début du 20" sigcle, Cette période cor- respond @ la colonisation de I"Erythrée par IItalie entre 1882-1941. A la chute de Mussolini, les britanniques ont pris la releve jusqu’en 1952. Ils y ont d'ebord: installé une administration militaire de 1941 a 1949 puis une administration civile de 1949.4 1952. 2. Termes d'origine francaise & Djibouti > Transports : shoofeeri chauffeur; taksi taxi, kamyoon camion. > Mécanique : garaaj garage, garaajli garagiste. Cette forma- tion des néologismes & partir d'un emprunt montre & quel point l'emprunt est inséré dans la langue et les possibilités qu'elle offre pour s'adapter aux conditions de vie et aux notions qui jusque li étaient étrangéres & la culture. Amnée et police : boliis police, sargana sergent, kaboraal caporal, kabtan capitaine. 3. Emprunts a Vanglais isboor sport : ici 1a présence de Ia voyelle d°appui initiale (I) est motives par la structure syllabique de l’afar qui n’accepte pas de groupe consonantique & Vinitiale. baskil bicyclette, eer kondision climatiseur, keckl gdteau, kamera co- méscope et appareil photo, basboor passeport, ce terme (comme peut-étre celui de isboor) est emprunté & l'anglais, en Ethiopie, et au frangais, & Djibouti 4. Emprunts a Vitalien badiild pelle, bomodooro tomates, fiss6 bureau, karamella bonbon. 1 faut remarquer par ailleurs que dans les milieux bi- ou multilingues, surtout ‘en contexte urbain, les citadins en général et les jeunes en particulier font souvent alterner dans leur discours leur langue maternelle et les autres langues avec les- quelles ils sont en contact. Cette alternance peut porter sur un mot, un ou plusieurs symtagmes, voire une proposition. Les exemples ci-aprés entendus & Djibouti-ville eta Aysaita” en Ethiopie témoignent de ce métissage linguistique. 7 Sidge du Soltanat Awe © Nous présenterons d’abord les alternances des termes empruntés avee des ‘termes afar qui n’affectent qu’un ou plusieurs lexémes, ensuite, celles qui affectent ‘une proposition. Les langues concemées sont nombreuses mais ici nous citerons le frangais et l'arabe, langues d’ ouverture au monde, et l’amharique, langue d’ouver- ture & environnement régional, Alternances affectant : > unlexéme 4) afar-frangais : Anu mooraal ko-t hayu emeete. “oi moral/oi-en/ faire(sub je suls veru> Je suis venu pour te conforter le moral. > deux lexémes ) afar-arabe : A Kitab gaalivi-h yan. ~ Ce livre comte cher ©) afar-frangais : Booru”-Laksidaan™ yanik nagay tanto ? < Les accidents sont fréquents au port, es-tu rentré sain et sauf®? ) afar-ambarique : Marmard kifili-! wagitna-amal xayl6 kum hinna*, une proposition ) afar-francais : Komiscer diskuur horononse abe waqdi maggo mari suge. Quand le commissaire a prononcé le discours, beaucoup de gens étaient présents. Dans cette phrase, la syntaxe est totalement afar (I'ordre des mots est SOV) et le verbe emprunté entre dans une périphrase avec le verbe abe « il fit». Dans l'exemple a, & notre connaissance, il n’existe pas en afar de terme cor- respondant sémantiquement a celui de «moral» en francais. Dans ce cas, le fait de ‘ecourir & l'emprunt reléve de la nécessité de la communication pour décrire une ‘éalité pour laquelle il n’y a pas de référent en afar. Dans les exemples b, ¢, d ete, il ya des mots, des tournures ou des périphra- 85 qui peuvent traduire les termes gaaliyi, boor, aksidaan, marmara kifil, komiseer, diskuur et borononse. Par exemple, pour traduire le mot arabe gaaliyi, il existe les équivalents afar: kubgi, ou kiraakirri, Ainsi, il n'est pas nécessaire que ce mot soit emprunté, On peut traduire port, accident, commissaire, discours, prononcer, res- peetivement par furda, gol, ummuunch awliseyna , kutbé , yecee , et marmara kifil (amharique) par la périphrase makeelé qari . 5 Prononciation afar du mot « port» 2 Prononeiaton afar du mot « acide», + Traduction @ Aramis, 2001 Ce vers de kassow (ote orice) été di, dans es années 80, parle pote fds Mohammad dy travers ce ver, inet en cause a leg des enfants de sen adverse, le redoutabe Hac 2 Mot d mot: le tepresentant dela Republique 2% Mot d'ogin eae i et ben ep dans fe Texique afi > Mot h mot ila donne a = UHL K, - Le dymamisme des langues: le cas de afar @ Diaprés les différents exemples cités ci-dessus, nous constatons qu’il existe deux types demprunts. Le premier reléve de la nécessité de communication. Dans ce cas, 'emprunt est motivé par la nécessité de "remplir un vide" dans la langue Cet exemple montre bien que cet "emprunt de nécessité" est un moyen pour pou- voir désigner de nouvelles réalités socio-culturelles, Le second est le fait de I'influence sociale. Il concurrence souvent des mots dgja existant (6f ex. b, ¢, dy e). Ces emprunts n’apparaissent que dans certains contextes socio-professionnels oi le locuteur ne peut étre compris que de ecux qui partagent le méme environnement. Ce type d’emprunts est aussi révélateur do niveau d’étude du locuteur et du degré de contacts avec la langue source. Les parlers du sud aussi bien que ceux du nord, utilisent et finissent par {ntégrer les termes des langues avec lesquelles ils sont en contact. Par exemple, les termes d'amharique comme masné «jardin potager», désigné au nord par bus- ‘aan (terme arabe), les lexémes tigrigna comme unkaq [unka}] «félicitation», sont ‘empruntés respectivement par les patlers du sud et les parlers du nord, A son tour. afar standard use des emprunts « intemes » et assigne un seul et unique sens & tous es termes, sur tout le territoire of il est parlé, ‘Ces emprunts montrent bien qu’il existe un dynamisme interne a I'afar. Parallélement, a la diversité dialectale et aux emprunts, I'afar orée des néolo- gismes. Nous détaillerons ici les différents procédés de construction des mots. III- La néologie La viabilité des langues «dépend du statue social privilégié qu'on leur ac- corde ou non, et du soin porté d leur transmission par ceux qui la pratiquey®, Pour ce qui est de I’afar, pour qu’il puisse évoluer et s’adapter a Ia réalité de Ia société moderne, tout en freinant le recours & l’emprunt, les spécialistes de cette langue ont recours a des procédés qui, pour certains, relevent du glissement sémantique et, pour d'autres, de la structure morphologique de la langue (comme la dérivation). Ces procédés de construction des mots, que tout locuteur afar peut décrypter sans difficulté, sont au nombre de quatre: a savoir le calque, & partir d'une autre langue, 1’élargissement du champ sémantique des lexémes existant en afar, ls suffixation et la composition. Les exemples suivants illustrent ces procédés de néologie. 1. Le calque des mots et des expressions é partir d’une autre langue. La langue de départ peut étre I’arabe, l'anglais, l'amharique ou le frangais. selon la région, mais ici, nous nous limiterons 4 citer des exemples dont le point de départ est Ie frangais. Ex: — gratte-ciel + qaran-mudd ascenseur > feeriseyna 2. Composition Ce procédé consiste & construire un nouveau lexéme a partir de deux com- posants distincts, La périphrase forme une unité sémantique et accentuelle et ses éléments ne sont plus autonomes l'un par rapport a l'autre, *Raizon, 2004 1 Q Sciences et Environnement -n°21 (2007 miss6w-sinnd <égalité-fait de ne pas avoir + inégalité rraklibé-xisné > infrastructure nuwéy-guub — biosphere baddil-taybulli > télévision baddal-taysabbi > radio. 3. Elargissement du champ sémantique des lexdmes existant en afar ‘wacaysir promenade (sens originel), tourisme (nouveau sens) ‘maknay factique (sens otiginel), stratégie (nouveau sens) dumaahé auirefois (nominalisé), jadis (sens originel), antiquité (nouveau sens). 4. Suffixation Ce procédé qui reléve de la dérivation morphologique a des valeurs séman- ues ot catégorielles. inki seu! (e), unique > inkitttin6 (inkiin6) unité > inkinnoysiyya unifier > inkinnoysé unification - inkittinaané unicité -> inkinna absolu. «venir de toute langue dépend, pour une bonne part de ceux qui la parle, {comme le souligne Ndaywel], mais il est nécessaire de l'aménager si on veut lui ‘mettre de faire face & des fonctions nouvelles». Et a travers cette étude, nous pouvons constater que l’afar se lance, lente- ent, dans la stratégie d'expansion lexicale pour faire face aux nouveaux impéra- if de communication de cette ére de la mondialisation. Ses dialectes, influencés par les diverses langues avee lesquelles ils sont en ntact, usent de nombreux emprunts. Par ailleurs, I'afar met en jeu la création néologique pour pouvoir développer ‘son lexique et répondre & de nouvelles réalités sociales, techniques et scientifi- es. Ces possibilités linguistiques d’adaptation et de création montrent bien qu’ ir de ses ressources propres et des emprunts, l’afar forge une terminologie ca~ ble d'exprimer des besoins nouveaux. En effet, une langue qui tenterait de se renfermer sur elle-méme face aux courants extéricurs, en se figeant, risque de ne as résister 4 l'impétuosité du vent et de disparaitre avec le temps, En outre, Bemard Victorri déclare : «Pour que la langue soit vivamte, il est impératif qu'elle soit la langue maternelle de la nouvelle génération»®. ‘Liafar est la Jangue matemelle de plus de cing millions® de personnes. Il est .déja enseigné dans toutes les régions, en Erythrée et en Ethiopie, ou il est langue ‘maternelle et il est en voie de I’étre en République de Djibouti™: Aisi il va sans dire que I’afar, avec tous ces mécanismes en matiére de dé- ‘veloppement lexical, fait preuve de vitalité. TNdaywe 2008, Rape 1004-2 2 Estimation filo de a confrence nationale sous lat patronage du Sula Ali Miah Asai e191 % La commission des langues natonales qui regroup init des Langues de Djboun ete Cent 4e Recherches informations et de Productions (CRIPEN) du Ministre de Education Nationale 1 ej elabord ie guide d'enseignement de la posie en afar en somal. Elleesten rand cabor tne sate integration de ces angus dane Penscignement de base aver es langues @enseigne, reat (angas ou arabe) comme fohamed Hl. K. -Le dynamisme des langues :le-cas de Vafar Il n’en reste pas moins que les enquétes sur le terrain doivent étre m pour recueillir des données fiables qui permettraient de mieux définirI'aire dial tale afar. De plus, il doit s’adapter davantage a de nouvelles réalités de la socie: modeme. Tout cela nécessite une collaboration étroite entre les institutions natio les", régionales™ et internationales” qui travaillent dans le domaine de recherc! de la didactique et de la vulgarisation de I’afar, Bibliographies © ARAMIS Houmed Sou, juillet 201, « Kassow a velle des joutes orto», in upp ‘ment de La Nation a” 10 ARAMISHoumed Soulé,2002,«Saxxeqa:lesjoutespoétiquesamoureases»inLeRemius COLBY, J.G. 1970, « Notes on the northern Dialect of the Afar Language. », in Journe! Ethiopian Studies 8, 1:1-8. COLLECTIF. 2004, Symposium Afar. 19 février-19 mars 2008, (ftangeis-anglsis-afe). bout, ILD. CORBIN Danielle, 1987, Morphologie drivationnelle et structuration du lexique. Tabin Niemeyer. HAYWARD Robert J., 1978, « The stative conjugation in ‘afar. 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