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+ oo se et Bachir Hadj Ali LA REVOLUTION SOCIALISTE MONDIALE , ET LES MOUVEMENTS DE LIBERATION NATIONALE EDITIONS «PAIX BT SOCIALISMED PRAGUE 1965 a Texte de lintervention de Bachir Hadj Ali a Ia session sclentifique organisée par la revue «Problémes de la Paix et du Socialisime» @ V'oceasion du centenaire de Ja fondation de la I Internationale du 25 au 28 septembre 1964 a Berlin. C'est un grand honneur qu! nous est fait de présenter pour la célébration du 100 anniversaire de internationale un rapport sur la Révolution socialiste mondiale et le Mouvement de Itbéra- tion nationale. En fait, par ce geste, La Nouvelle Revue Internationale a voulu rendre hommage a [Algérie tout entlére, a ses combuts née rolques, @ son peuple, a sa classe ouvriére et 4 ses traditions de lutte, & lexpérience en cours sur le base de la Charte du F.LN., qui constitue un apport enrich{ssant a la pensée socia- ste mondiale. Chaque pays, chaque mouvement révolutionnaire a sa propre expérience. Il est certain que I'expérience la plus ciche, 1a plus 4 précieuse de toutes dans I'édification du sacialisme est celle de PUnion soviétique et de son glorieux Parti, yui constitue un tré- sor théorique et pratique pour tous les pays qui veulent con- strulre le socialisme. Mals, comme l'indique le Parti commu- niste de l'Union soviétique lu-méme, ies! non moins vrat qu’aucune expérience, si riche, si précieuse svit-elle, ne peut rem- placer celle de chaque pays engagé sur la vole soctaliste. En autres termes, aucun pays ne peut édifier le soclalisme pour un autre et @ la place d'un autre. En ce sens, l'expérience la plus riche et la plus précieuse pour un pays est la sienne propre, ex celle-cl constitue aussi une contribution précieuse qui enrichit le trésor mondial du sociolisme. Tout au long de ce rapport, nous vous livrerons tel ou tel aspect de la notre, sans prétendre l'ériger on vérité universelle. * 28 septembre 1864, Cent courtes années ont passé depuls I'épo- que od, sous l'impulsion de Marx et d’Engels, 32 délégués des organisations ouvriéres de l'époque, réunis Londres, fondalent 3 de } | t VAssociation Internationale des Travallleurs, appelée depuis la «Bremiére internationale». ; Et, au cours de ce slacle — bref moment au regard de I'Histolre —e monde a connu les changements les plus fantastiques. ‘Cent ans aprés la fondation de la Premiére Internationale, la société débartassée de l'explottation de homme dont révaient ses promoteurs est chose vivante pour plus d’un milliard d’habi- tants de la planéte qui avancent hardiment vers cet {déal od Phomme s'épanouissant dans des conditions nouvelles d'une civi- lisation supérieure ne sera plus qu'un frére pour "homme. Le marxisme triomphant inspire aujourd'hui la pensée et I'ac- tion de centaines de millions d'hommes non seutbment dans les pays ov la classe ouvriére est au pouvoir et od, guidée par des partis marxistes-Iéninistes, elle combat pour se libérer de Voppres- Sion capitaliste, mais 1a aussi od des pouples soumis & T'escla- vage pendant des décennies ou des slécles, cherchent leur vote ppour liquider 'héritage colonial, éviter les pléges du néo-colonia- lisme et pour construire Pavenir. Et justement, Vextraordinaire influence du marxisme en 1964 sur Vorientation des nouveaux Etats indépendants d'Afrique et @’Asie et sur les mouvements de libération nationale fait ressortir avec une force singullére les grandes victolres obtenues par les oroes du socialisme depuis I'époque oi les fondateurs du socia- lisme scientifique appelaient les classes ouvrieres d'Europe a lutter pour 1a liberté de Vislande et de la Pologne. Le mouvement de liberation nationale a pris son essor aprés la grande Revolution socialiste a'Octobre, Son ampleur n'a fait ue croitre dans ces derniéres années jusqu’a inscrire & Vordre du jour de Vactualité ta liquidation complete du systéme colonial et il apparait comme un des phénoménes les plus importants de notre époque venant immédiatement eprés la création du systeme socialise mondial comme le soulignalt justement la Déclaration des 81 en 1960. Timportance de ce facteur aujourd'hui essentlel de la lutte mondiale contre 'impérialisme a grandi depuis "époque de la Premigre Internationale, en fonction de la lutte méme des peu ples sous le joug et des succés du socialisme. Il est intéressant de voir comment, au travers de Vhistoire du mouvement ouvrier international, 1a question de la libération nationale des peuples test posée, comment la lutte des peuples coloniaux considérée a ses débuts comme une question accessoire, puis comme capable seulement «offrir une force appoint aux mouvements prolé- tariens d'Europe, a enfin surgl au premier rang des facteurs dé- 4 ' rrr tn cisifs du combat anti-impérialiste. L'extraordinaire richesse théo- nique Iéguée par Lénine et aprés lui par ceux qui, dans la 111* Internationale, synthétistrent Vexpérience du combat des peuples sous le joug impérialiste montre par ailleurs quel formidable ‘pond @ 6t6 accompll depuis l'époque ot Internationale de 1864 lixait pour la premiére fois la position de-princtpe de la classe ouvriére sur la question nationale. Une étude cependant reste 4 faire et le colloque actuel: peut sans doute alder a l'aborder. A la lumitre de 'expérience accumulée au cours de ce siecle et plus particull@rement au cours des quarante derniéres années qui ont vu naitre et se développer de fagon impétueuse les luttes de Nibération nationale, ne serait-iI pas utile de rechercher com- ment tout au long de l'activité du mouvement ouvrier interna- tional dont le cur se situait en Europe, importance gran- aissante et les possibilités révolutionnaires des peuples sous Je joug ont 66 appréciées. L'analyse de ce que furent les positions des Internationales face au probléme colonial peut nous aider a répondre & ces ques- tions. Et les réponses données ne seront pas seulement d’un in- térét historique, mais constitueront un enseignement particu- Urement riche pour la pratique révolutionnaire d’aujourd’hul. . * TA PREMIERE INTERNATIONALE ET 1A QUESTION NATIONALE Le célebre mot d’ordre: «Prolétaires de tous les pays, unissez- vousl» figurant au bas de l'eAdresse Inaugurale> de I'interna- tionale de 1864, comme il avait figuré dans le Manifeste du Parti communiste, condensait en une phrase le profond sentiment d’in- ternationdlisme qui animait les fondateurs du soctalisme sotentifi- que.! Pour Marx, l'attitude d'un révolutionnaire a V'égard des nations opprimées était le pierre de toucho pour apprécier la solidité et le S6rieux de ses convictions. Dans une lettre, citée par Lénine pour illustrer cette affirmation, Marx raconte com- ment, selon son expression, il «tdtait les dents» d'un jeune ré- volutionnaire russe en s'enquérant de sa position a égard de la Pologne? . Dans les années de la Premidre Internationale, c’étalent surtout les questions de la Hberté des peuples. d’Irlande et de Pologne Goantve, 1952, 1. pp. 39. ments (@4. par Jacques Freymond), ha felt & Engals au 5 sulle 1870 (V. Lénino, uve inter, Paris, Eations (dont insurrection venait d’étre écrasée eft 1863)*qui sollicitatent attention de la classe ouvriére et c'est évidemment — en pre- miler eu — en fonction de ces luttes libératrices que Marx et Engels fixeient lour attitude et celle-ci les pose d'emblée comme les premiers grands théoriciens de la quéstion nationale. ls luttent contre les tendances petltes-bourgeoises et bourgeoises qui existent encore dans le mouvement ouvrier, contre coux qui ne comprennent pas le lien étroityexistant’ entre la lutte libé- ratrice des peuples et celles des ouvriers pour la victoire du so- clalisme, Marx, dénongant avec vigueur la répression anglaise en Irlande ot organisant 1a campagne d'amnistie aux qui n’étast que aspect militaire d'une insurrection po- pulaire dirigée contre Voppression britahnique avait été éga- lement écrasée dans le sang. . Durant toutes ces années de.rapines coloniales, les voix de Marx et d’'Engels s’élevatent pout condamner les agresseurs, pour denoncer «lnypocrisie profonde et la barbarie inhérente d ta civt- sation bourgeotses? des faux civilisateurs et montrer le véritable sens de In résistance des peuples coloniaux. Marx aénoncait les spoliations des «chacals frangais» en Al- gérie dépossédant les paysans de leurs terres. . De la meme fagon que le capitalisme, en créant 1a classe ouvriére, ‘a donné naissance a ses propres fossoyeurs. Mais Marx et Engels n'ont jamais pensé que le colonialisme ait été un mal nécessaire pour eéveiller l'Asie et Afrique». Pour ne prendre que Yexemple de l'Afrique Noire, il est connu qwen quatze ‘icles, 150 millions de jeunes Africains ont pért a ont 6t6 transplantés de leur sol et utilisés comme esclaves en particulier en Amérique. De ce falt, 'Afrique Notre qui représen- tait un S* de la population du monde n’en représentalt plus qu’un 15° vers le XX* siecle. * / ‘Le colonialisme, par ailleurs, n’importe pas & proprement pat ter le capitalisme dans les colonles. Tl ne constitue pas une «ré- volution sociale», car sil détruit effectivement l'économie villa- ‘geoise et s'il tend a faire disparaitre les rapports de classes pré- Capltalistes (quoique de facon limitée) en développant la pro- duction marchande, il s'oppose en méme temps @ la création (un capitalise «nationals, qui eut en Europe — en dépit de ses aspects négatifs — un caractére progressiste en donnant a la Production un essor prodigioux. En effet, le but du colontalis- me @ pour objet de permetire au capitalisme de résorber son excédent de production et d’accumuler de nouveaux profits. Hi ne permet donc pas Vaccumulation du capital dans le pays colonisé et confisque pour son propre compte tout le surprofit. Bien plus, lorsquil existe, comme c'était le cas en Algérie, un embryon de bourgeoisie qui aurait pu étre & Vorigine d'un pro- Ccessus de développement capitaliste, le colonialisme le détruit. Le capitalisme garde donc, & Vorigine, un caractére extérieur & la société colonisée: les colonies fournissent seulement le salariat, e capital est entre les mains des colonisateurs et d’eux souls. ‘Ainsi, le capftalisme ne présente dans lgs colonies qu'une seule faco: celle de Vexploltation destructrice des anciennes structures sociales et économiques, des cultures nationales et des homies eux-mémes. Dans sa phase Impérialiste, 11 accentue encore tous Ses cOtés négatifs, freinant tout progrés, toute marche en avant ft suscitant par cela méme la révolte grandissante des peuples ‘sous le joug. Au capitalisme, la domination des colonies, outre 8 quelle permet de surmonter provisoirement les contradictions dans lesquelles {1 se débet, offre pendant longtemps des ressour- «ces immenses (en plus du marché qu'elle ouvre) en or, en ma Uleres premiéres, en hommes utilisables comme chair @ canon dans sos guorres de rapines et comme mercenalres pour tenir fn respect sa propre classe ouvrlére. En outre, grace au sur- profit colonial elle crée une couche de privilégiés au sein meme des travailleurs des métropoles. L'aristocratie ouvritre devient ainst son alliée, combattant a ses cOtés et falsant barrage a 1a révolution socialiste De cette constatation peut-on inférer, comme certains ont ss fait partant de la thése de Marx disant «qu'un peuple qui en opprime tin autre ne sauratt étre libres et pour expliquer le retard de la révolution socialiste en Occident, que la vigtbire + des peuples opprimés devrait obligatoirement précéder celle du socialisme dans les pays capitalistes? ‘Ne remplagons pas un schéma, celut qui a falt croire pen- dant des années que la révolution me pouvalt venir que de VOccident, par un autre schéma qui risquerait de s'avérer tout aussi faux, Les révolutionnatres de la I¥ Internationale nattendaient-ils pas la révolution en Angleterre et coux do la 11° Internationale ne Ia prévoyaientils pas en Allemagne apzés la viowire @Oct0- bre en Russie? Qui peut dire, si des conditions nouvelles apparaissafent dans certains pays capitalistes, qu'on ne verrait pas sfaccélérer le processus de désintégration de T'impérialisme, ouvrant brus- quement @ la classe ouvriére de pays capitalistes ¢'Europe, avec ‘ un large et puissant mouvement de masse, une bréche pour la conquéte du pouvoir? * Néanmoins, la vari6té, 'ampleur, Ia pérlodicité de la vague révolutionneire dans les’ anciennes colonies, le fantastique dé- ferlement vers 1a liberté chez les peuples d’Asie et d'Afrique permettent de penser que les temps a venir verront surgir de nouveaux Cuba en Afrique, en Amérique latine gt en Asie. Ty a lieu de noter, en effet, que la rupture du systéme capi- toliste parait mirir plus vite dans certains pays. de liberté 1é- conte, ot: 1. La vole socialiste apparait aux plus larges masses, & la “lumiére de l'expérience vécue du capitalisme et du sacielisme comme une néogssité vitale, @ la fols sur le plan ldéologique ft économique, comme le seul moyen de trouver une solution 9 réelle aux problémes dramatiques concrets du sous-développe- ‘ment. 5 2. Les assises Gconomiques relativement feibles de la bour- geoisie exploitéuse, le caractére mercantile de son activité ne Jul permettent pas dassurer un développement réel par la volo cupitaliste. Mals, ces caractéristiques facilitent par contre 1a lutte des forces révolutionnaires pour réduire la sphére d'acti- Vité de cette bourgeoisie au cours du combat printipal qui oppose encore l'impérialisme aux travailleurs et aux masses déshéritées, qui forment immense majorité du peuple. 3. La conscience nationale grandit parallélement aux progres de I conscience sociale dans les masses en mouvement sous Ja direction d'un pouvoir révolutionnaire confondant, dans une méthe condamnation, 'impérialisme et la bourgeoisie exploiteuse ou bureaucratique. Dans les pays ox-colonisés, les masses déshéritées connatssent 1e capltalisme, ennemi venu de V’étranger, dens ses manifésta- tlons leg plus féroces, les plus barbares et leurs réves, au sein de Venter colonial, dune vie meilleure ne leur paraissent pas -topiques putsque la-bas, dans le patrie de Lénine, se développe une société juste. Sur le plan subjectif, quel puissant détonateur que ce mélange de sentiment national et de la consclence so- cisle élevée 2 un niveau supérieur par le socialisme! Ces caractéristiques concernent pour le moment un nombre Il- mité de pays; on ne pourrait donc pas parler schématiquement de déplacoment définitif des foyers révolutionnaires; au surplus, ces foyers les plus révotutlonnaires se situent dans les pays qui abordent Vétape de 1a révolution soctaliste, ce qut confirme bien que a caractértstique décistve de notre époque a Véchelle mondiale est bien le passage au socialisme,’ et que la classe auvrigye mondiale est au centre des changements décisifs de notre époque. LA Ie INTERWATIONALE ET SES POSITIONS COLONIALISTES S'il,est aujourd’hul intéressant de revenir sur les positions de la Ile Internationale qui, dégénérant aprés 1a mort d’Engels, alla jusqu’a V'abandon des principes formulés par la 1°* Interpatio- nale et jusqu’a épouser, plus ou moins ouvertement, les théses Ge la bourgeoisie, c'est surtout pour mesurer l'apreté du combat qu’eut 4 mener la I[l* Internationale contre I'influencg colo- 10 ‘nlaliste développée au sein. de 1a classe owvriére des pays capt- talistes par les sociaux-démocrates. La dégénérescence de la'Il* Internationale s'explique d'ailleurs aussi par la pression accentuée de 1a bourgevisle, passant au sta~ de {mpérlaliste et se ruant au partage du monde, Gest en 1680, en effet, que se tint le Congrés constitutif de 1a tI Internatio- nalo. Quatre ans plus t6t, a Berlin, les grandes pulssances s'é- ‘talont. partag6 l'Afrique et si, en 1876, 1/10 seulement du con- tment étalt colonisé, moins de vingt-cing ans plus tard, en 1900, c'était les 9/10 qui subissatent 1a lot sanglante gp capital. Du fait du développement inégal du “capttalisme, les" impérialistes adépourvus» ou ne s'estimant pas assez pourvus de colonies devalent exiger de nouveaux partages ot entrainer Yhumanité dans la guerre mondiale. Et chaque bourgeoisie impérialiste par Yentremise de cetto «aristocratie ouvriére» corrompue par les misttes des surprofits coloniaux et dont esprit cominait Ia 11® Internationale, réussit a entrainer & ses cOtés pour défendre son edroit cux colonies», une importante partie de travailleurs. Ce fait avait ét6 noté déja en co qui concome MAngleterre par Engels qui écrivait en 1882 a Kautsky: «Vous me demandez ce que les ouvriers anglais pensent de ia politique coloniale? Ma foi, la méme chose que ce qu'lls pensent de la politique en général. 11 n'y a pas ici de parti ouvrier, 11 n’y a que le parti conservateur et le parti libéral-radical, et les ‘ouvsiers profitent tranquillement avec eux du monopole colonial de V'Angleterre et de son monopole sur le marché mondial. »t ~"'Enterrant sous des phrases humanitaires les décisions du Con- ‘g¢@s de 1889 qui condamnait les conquétes coloniales, c'est en fait d'une manigre ou d'une autre le colonlalisme que défen- dent bientot les sociaux-démocrates chauvins de la IIe Interna- tionale, Sous le couvert de extension de 1a civilisation et des perspec- tives socialistes, co sont les intéréts de la bourgeoisie que dé- fendent les représentants de 1a 11° Internationale. De la 1, ils niont gardé que la conception de la révolu- len; ils. ont abandonné le véritable internationalisme. Meme Jaures qui, par allleurs, dénongait avec courage ot ardour los «flibusteries colonialess était partisan dune «politique cotontale positives et révait d'une gestion internationale «humaine» des colonies. Des voix s’élévent pourtant, surtout aprés 1a révolution russe Tk Mane et F, Engels, extes eur le colonlaliome, pp. 357388 = de 1903, pouy’ conidamner les positions de la 11* Internationale, appeler ia classe ouvriéce européenne une solidarité active avec Jes peuples coloniaix dont la résistance a grandl. En Algérie, c'est le soulevement paysan de Margueritte, pres de Miliana, & Madagascar cst la révolta dans In. province de Faranpagana, Soulévement ausst au Tonkin, en Cochinchine tan dis qu'en Chine les impérialistes se sont trouvés confrontés pou avant avec une nouvelle insurrection nationale paysanne, celle ties. «Boxers» - Mais 11 fait Lénine pour flétrir la trahlson des dizigeants de la Ile Internationale et déceler ce qué l'évell de Vesprit de ré- sistance et de riposte chez les masses opprimées des colonies aril note ds Varinée 1908, portait de grandioses possibilites évolutionnaires Dans son article «L'Europe arriérée et Aste favancée> dont le titre apparait comme un paradoxe jeté pla face de la bourgeoisie impérlaliste et de ses laquals, Lénine ex- prime avec passion son enthoustasine pour le mouvement ad l- eration nationale qui pousse ses branches vigoureuses. En Asie croit,sétend et se fortfie partout un puissant mou- veiment démocratique, La bourgeoisie y est encore avec le-peuple Contre 1a réaction. Des centaines de millions hommes s‘6vell Tont la vie, a la lumiere, A la liberté, Quel enthousiasme ce mouvement universel provoque dans le c@ur de tous les ouvriers Conscientsts? Tl fallait Lénine ausst pour que solent comprises les véritables dimensions de 1a lutte de Uération des peuples sous le joug~ Répondant en 1914 &.Rosa Tauxembourg a qut il reproche de sousestimer le fait national, Lénine rappelle les principes qu'en- Seigne aux ouvriers le marxisme: «égaltte complete des nations; droit des nations a disposer d'elles-mémes, union des ouvriers de toutes tes nations» et il insite sur Ie danger pour les révolution- « naires de se laisser contaminer par Tidéologie bourgeolse, il In- dique encore que «renoncer a défendre le droit de libre détermina- tion clest verser dans Ie pire opportunisime».5 z Mais ce «pire opportinisme> qui fait ravage dans les rangs de la Iie Internationale et que Lénine ne cessera de dénoncer he sera pas vaincu une fols pour toutes. La IIle Internationale aura encore & lutter contre Iul, jusque dans ses propres rangs of il s'exprimera notamment ‘sous la Tv, Lenine, Cures, 15, p. 108 (49 66. russe) 2. ening, Guvrea colsies en dean volumes, Deusidme partie, t 1, p. 31% Sy. bonne, Guvres, t 20, pp. 478, 480 12 forme d'une sous-estimation persistante du mouvement d’éman- cipation des peuples coloniaux. <__LA TROISIEME INTERNATIONALE ET LE MOUVEMENT DE LIBERATION NATIONALE, FACTEUR DECISIF DE LA REVOLUTION /MONDIALE: La grande Révolution socialiste d’Octobre qui marque le dé- but dune ere nouvelle dans histoire de ’humanité, celle du telomphe du socialisme, ouvre également une étape nouvelle et écisive dans Ja lutte des pays co¥oniaux pour leur affranchis- sement. La rupture du front impérialiste mondial et la victoire, pour la premlére fols dans l'histoire de "humanité, des exploités, Yexemple de solution qu’apportent les bolchéviks @ la: question nationale, le soutien que désormais les peuples soumis au joug impérialiste pourront recevoir de ’Etat multinational, V'affaibli sement de limpérialisme et le rétrécissement de sa sphere d’in- -fluence constituent les aspects essentiels de ce tournant radical ui entraine a la lutte, avec une combativité toujours plus grande, les pays coloniaux. ‘A partir de 1a, le mouvement national de libération tra en croissant quantitativement et qualitativement, portant de nou- veaux coups aux impérialistes, accélérant la désintégration du systéme colonial et devenant de plus en plus un facteut déter- muinant de 1a révolution. La Ille Internationale — celle de Vaction et de la réalisation du socialisme comme djt Lénine — impulsera la lutte anti- smpérialiste des peuples colonlaux et enrichira de fagon remer- quable la théorle marxiste-Iéniniste de la question nationale. Le trésor laissé par elle aprés sa dissolution — développé encore aprés — garde une valeur inestimable. ‘En mars 1919 quand s'est tenu son Congtés constitutif, c'est aturellement d’abord par la condamnation de la trahison de la Il? Internationale, dans la question nationale comme dans les autres problémes, que la III* Internationale marque sa fldélité au marxisme, On lit, dans la résolution du Congrés constituti «En opposition a I'Internationale socialiste jaune, I'Internatio- nale prolétarienne et communiste soutlendra les peuples ex- ploités des colonies dans leur lutte contre Vimpérialisme, afin de biter Veffondrement final du systéme impérialiste mon- dial.»t Tier Gongrés de LC, compte (6a. esse). nda du congr¥s, Petrograd, 1921, p. 182, 3B Au point 8 des statuts sur les conditions d'admission des Partis dans 1'L¢., on lit: i «Dans la question des colonies et des nationelités opprimées, les partis des pays dont la bourggosie posséde des colonies et ; opprime é’autres nations doivent avoir une ligne de condulte part- culiérement claire et nette, Tout partt désireux d’appartenir a la Ill? Internationale est tenu de démasquer impitoyablement les entreprises de «ses» impérialistes dans les colonies, de soutentr’ non en paroles mais en fait tout mouvement de libération dans les colonies, d'exiger qu’en golent expulsés les impérialistes né tionaux, de cultiver dans les curs des ouvriers de son pays une attitude vraiment fraternelle & V'égard de 1a population laborieuse des colonies et des nationalités opprimées...24 Dans Jes années 20, le mouvement de Libération nationale ne semblait pas cependant assez fort pour constituer un facteur décisit pour détruire le Joug de la bourgeoisie coloniele. Le mouvement de renalséance arabe, les efforts de Zaghloul en Egypte, le role de I'Emir Khaled en Algérie, le changement de” régime’ en Turquie avec Ataturk étaient entachés de réformis- me bourgeois. C’était en Europe que le mouvement révolution- naire apparaissait comme le plus puissant et prét a triompher de la bourgeoisie dans une série de pays — aussi, cette réalité se reflétait-elle dans les theses du Congrés constitutif. «L’affranchissement des colonies — y lit-on — n'est concevable que s'il s'accomplit en méme temps que celul de la classe ouvrigre des métropoles. Les ouvriers et les paysans non seulle- ment de VAnnam, d’Algérie ou du Bengale, mais encore de Perse ou d’Arménie ne pourront joutr d'une existence indépen- @ante que le jour od les ouvrlers d’Angletérre et de Franc aprés avoir renversé Lloyd George et Clémenceau, prendront entre lours mains le pouvolr gouvernemental .. .»? Les événements ont infirmé cette prévision. Cette conception qui fait ressortir surtout le role des classes ouvriéres d'Europe tel qu'il apparaissait a cette époque aura ' contribué a retarder dans les milfeux ouvriers d'Europe 1a prise de conscience de la signification des profonds changements qui vont survenir par la suite dans les colonies. TY, Kénine, Guvres,t , p. 23, Edltions sfetalos, Parts, Editions on langues 6 steer, Moscow 1951 Teter Congres d6 VLC, p. 187 14 LES DIFFERENTS CONGRES DE 1A Mite INTERNATIONALE ET LE DEVELOPPEMENT DES MOUVEMENTS DE {IBERATION Le TI? Congrés de Internationale en juillet 1920 note les changements qui s'dpérent dans les colonies alors que se pour- sulvent les combats de Armée Kouge contre les Interventionnis- tes étrangers et les gardes-blancs, mals que s'affirme deja la cer- titude de la victolre. Au cours de ce congrés, qui débat profon- ‘dément du probléme national et plus particulidrement des solu- tions pratiques & trouver aux problémes que posent a la révo- lution les nationalités Ubérées de 'oppression colonialiste de Ja Russie tsariste, sont encore précisées les positions de la IlI* Internationale et fixées les taches les plus urgentes du mouve- ment révolutionnaire a légard des luttes de Libération. Outre Vobligation d’aider les mouvements nationaux dans les pays opptimés, le II* Congrés propose aussi de concourir a la formation de partis communistes 1a od ils n'existent pas, ayant leur politique indépendante de celle de la bourgeoisie. Lénine touchant le fond du probléme national insiste sur la snécessité de, soutenir spéclalement le mouvement paysan des ays arriérés contre les hobereaux, contre la grosse propriété fonclére, contre toutes les manifestations ou survivences du téodalisme, et de s‘attacher a conférer au mouvement paysan le caractére le plus révolutiannaire, en réalisant 'union la plus Stroite possible du prolétariat communtste ¢’Europe occidentale avec le mouvement révolutionnaire paysan L’internationale communiste vous félicitera bien plus le Jour oa vous crierez courageusement: eLdichez les colonies». Depuls, certes, ce crt a été poussé dans les pays capitalistes. En France, par exemple, il a été accompagné d’gctions persévé- antes et courageuses contre la guerre du Rif, du Viet-Nam_et Algérie par la classe ouvrlére et le P.C.F. Les insuffisances et 1a sous-estimation du mouvement national cont persisté jusqu'au dernier Congrés de I'l. et sans doute au dela dans Vactivité des partis y compris aprés la victoire sur l'hit- lérisme qui a ouvert 1a voie a un essor plus geand duu mouvement de Ubératibn. L'importance de cet essor a-t-elle 6t6 pergue suffi- samment a-temps? N'y a-t-il pas eu répercussion de cette faibles- se sur le mise en route et 'ampleur de la solidarité anticolonia- liste? s Et ces faiblesses, Internationale, malgré les efforts déployés pag la suite pour les combler, n'en est-elle pas en partie respon- sable a Forigine?. Crest co que reconnalt d’ailleurs dans une résolution le V* Congrés (point XII}: ! ainsi que Vevatt ‘caractérisé le rapport. En Algérie, Yon a pu noter cette méme déviation avant 1946, ressentie par les masses qu! l'exprimalent couramment ainsi: eles. communistes luttent pour le patn, les nationalistes pour Vindépendance». La sous-estimation de la puissance du sentiment national était Use & la sous-estimation des possibilités révolutionnatres de la bourgeoisie a telle ou telle étape de la lutte, & la sous-estimation, surtout, du rOle de la paysannerie pauvre, armée fondamentale de la révolution dans des pays coloniaux, & la surestimation, par exemple, en Algérie, colonie de peuplement, du réle révolution- naire des travailleurs d'origine européenne sur losqttels s'exer- “ galt influence colonialiste. En outre, jusqu'en 1946, 1a force du ‘mouvement national algérien était sous-esiimée, ce qui aboutis- sait a faire dépendre la libération de I'Algérie de 1a libération de la France et amenait a reléguer perfois au second plan le mot @ordre d'indépendance, alors qu'il aurait fallu le maintenir y compris pendant la guerre contre I'Allemagne hitlérienne, en 1e liant & Pobjectif principal de Iheure: 1a lutte générale des peu- ples contre ’hitlérisme. En outre, pendant longtemps le probleme de la nation étalt posé sur des bases fausses. Certains défauts se sont accrus considérablement pendant 1a période du culte de la personnalité de Staline: au nom de I'uni- Versalité du marxisme, c'est, en fait, une application dogmatique de certains principes vérifiés dans’ des situations européennes, mais plaqués mécaniquement & une réalité mal connue et toute Gifférente, qui a contribué a freiner le développement des partts révolutionnaires nationaux. La legon que l'on pourratt tirer pour Vaventr de ces fautes du passé, c'est qu'il faut combattre & boulets rouges utilisation dogmatique de la théorie. Elle ne permet de voir clair et @’avan- cer que si elle reste vivante et créatrice, ains! que lenseignalt Lenine, déclarant aux organisations marxistes des peuples Orient: Fave Congrts de ILC, p. 2 Une tiche lof'se pose pour vous qui ne s’étalt pas encare posée ‘aux communists du monde entier: sur la base de la théorie of de Ja pratique générales du’ communisme, i vous faut, en vous fadaptant atx conditions spécifiques inexistantes dans Jes pays Q'Europe apprendre a appliquer cette théorie et cette pratique 1a of 1a paysamnerie forme la masse principale. . >! Et-dans un autre texte, ces lignes de Lénine méritent aiissi no- tre attention: ‘«...Le marxiste doit tenlr compte de 1a vio, des faits précis dela reais, et non se cramponner a 1a théorie d’hier qui, comme toute Theorie, est tout au plus capable d'indiquer Vessentlel, le général, Ge foumir une fdée approchée de la complexité de la vie.» ‘Certaines incompréhensions rencontrées au sein de milioux ‘owriers d'Europe n’étaient-elles pas dues @ Youbli ou a la mé- Connaissance de ces paroles de Lénine, A une certaine influence, Ge Tidéologie impérialiste laissant croire a V'incapacité des. peu- ples non européens et colonisés trouver leur propre vole? ‘Ne fautél pas chercher aussi les sources de ces insuffisances dans une ralson objective: la connaissance forcément limitée jus aqua une époque récente des sociétés africaines, arabes, asiatiques tt de lour histoire, étant donné que l'enseignement en Europe ignorait volontairement V'étude de ces sociétés? LES MOUVEMENTS DE LIBERATION, PARTIE INTEGRANTE DE LA REVOLUTION SOCIALISTE ‘Le temps est loin ot Marx, qui fondalt des espoirs sur Vavenir de Vinde, se demandait si la révolution socialiste en Europe ne Serait pas foreément étoulfée a partir des futurs régimes bour- geols des pays libérés du colonialisme.s En 1858, a 'époque of s'exprimait cette crainte chez Marx, 16 ‘mouvement de libération n'apparaissait pas comme l'allié possible de Ia révolution socialiste. ‘Aujourd’hut, il feit partie de cette révolutton. Sur les problémes majeurs de notre temps, la grande majorité des pays du Tiers Monde, avec comme ligne politique extérleure le non-alignement, se tiennent pour lessentiel sur des positions anti impérialistes dont la constance et la vigueur pour chaque pays ‘sont fonction du mouvement des masses, des rapports de forces Tvs tani, Cures, 30, p. 158. 2 id, t 2h. 3. 2 Nate ot P Engels, Pextes sur Ye cotontatsme, p. 353. 24 a . G soclaux et du‘degré de la dépendance 6conemique da ces pays a Yégard de limpérialisme, Sur certains problémes fondamentaux, tels que la lutte contre le colonialisme, pourjles échanges internationaux commerciaux 6gaux, on assiste a des actions concertées, & des attitudes com- munes, ou méme ala réaligation dans les faits d'un front avec les pays socialistes, avec lesquels les pays libérés renforcent les relations diplomatiques, économiques et culturelles. Dans la lutte contre le danger nucléaire, le désarmement général, ils jouent un rOle positif, parfots original. Tis ont signé 'accord de Moscow, or- ganisé la conférence d’Alger pour la dénucléarisation de la Mé- diterranée. La coexistence pacifique et 1a paix créent des condi- tions favorables a leur développement et Vapplication du mot @ordre de désarmemont général, outre qu’elle affaiblirait leurs ennemis impérielistes, permettralt de récupérer a leur profit, selon la proposition faite par le Président Khrouchtchev a nom du gouvgmement soviétique, une partie des sommes colossalés ré- servéesfaux @uvres de mort. Lexpérience confirme avec éclat que la lutte de libération est l6e intimement la lutte pour la palx mondiale, que ces luttes s'épaulent mutuellement et que, conjuguées avec la lutte pour Je socialisme, elles peuvent et dcivent empécher les impérialistes utiliser 1a guerre comme moyen de régler les différends entre Jes pays et de sauvegarder 'humanité des dangers de destruction. Les relations entre les pays de liberté récente et les pays so- clalistes acquigrent une qualité nouvelle, parfois en se situant au niveau des partis. Ef conclusion du communiqué commun algé- ro-soviétique, on peut lite: Le parti du F.LN. et le P.C.U.S. sont unis dans leur volonté do s'adonner avec toutes leurs forces, expérience et énergie ré- volutionneires, a la lutte pour l’élimination définitive du systéme honteux colonial, pour la lberté des peuples opprimés, la liqui- dation de Vexplottation de "homme par "homme et Je’ triomphe du socialisme.>t Tout cela permet de mesurer les transformations rapides et ex- traordinalrement profondes qui se sont effectuées depuis’ un slécle dans de vastes régions du globe, hier empéchées ¢’apporter leur contribution & Ja civilisation humaine, aujourd'hui décidées & marcher du méme pas que toutes les forces progressistes du monde. Peu do pays restent aujourd'hut sous occupation coloniale. Tiger repusticain, 7 mat 196, 25 : x * Vindépendance polidque est une victotre historique considerable dans sa portés immédiate et dans ses conséquences plus élo\gnéas: Elle n’est pas une fin on sol. Elle est le mayen de conguérir Viné- pendange économique, qui n'est pas synonyme d'isolement, mais de récupération des richesses nationales alx mains de létranger et d'égalité dans les rapports économiques avec les autres pays. ‘Vindépendance politique ne supprime pas la contradictiorr princi- pale: impérlallsme-peuple, au niveau surtout de l'économie. St cette contradiction, qui cristallise en elle les contradictions nternes des sociétés en vole de développement, n’est pas résolue au profit du peuple, elle remet en cause progressivement l'indépen- dance politique. - La question centrale a échelle des pays de lberté nouvelle est la lutte contre le retard économique, la misére, 'inculture. Comme I'a dit le Président Ben Bella dans son rapport au Congrés du FLN. ~all existe désormais peu de gens qui nient 1a primauté absolie 4u probleme de la lutte contre le sous-développement.>! % Sortir du sous-développement entraine une deuxiéme question: Par quelle vole? \VOIES DE DEVELOPPEMENT DES PAYS LIBERES La conception d'une prétendue «trotsieme vole» entre le capl- talisme et le socialisme reléve de conceptions petttes-bourgeol- ses utopiques. Il y a sans doute des voles diverses pour édlfler solt une société socialiste, soit une société capitaliste, mais le contenu fondamental du socialisme est un, le contenu fondamen- tal du capitalisme est un. 1a lutte des peuples colonisés pour l'indépendance a entrainé toutes les classes sociales unies, a I'exception de quelques #éodaux. Tiridépendance acquise, cette alliance est mise V'épreuve par- tout. Elle est parfois remise en cause dans certains pays. Elle se désagrége ailleurs sous 1a poussée de la consclence sociale des masses en général et des luttes de classe sourdes ou spectaculal- res, méme quand les classes ne sont pas suffisamment cristallisées ” ot he sont pas encore suffisamment des «classes pour sots, comme tel est le cas dans la majorité des pays de liberté récente. Le choix de la vole capitaliste ou non capitaliste, les pas réalisés dans telle ou telle vole, dépendent en définitive des rapports des forces sociales dans chaque pays. Crest 1a of le combat de libération nationale entrainé les Tiger repubteatn, 27 avr 1804, 28 plas larges masses, of la conscience politique, soctale et d'organt- sation est la plus élevée chez les travailleurs et les larges masses et ol Ia bourgeoisie a de faibles assises économiques que les mas- ses ot les gouvernants choisissent 1a vole non capitaliste, 1a vole capitaliste apparaissant solt impossible avec une bourgeoisie ha- tionale faible économiquement, soit indéstrable parce qu'elle ne dspouche pas sur la souveraineté nationale réelle, sur ndépen- dance écoriomique et le progrés de la nation. La rapldité avec la- quelle est rattrapé le retard économique dépend done en premier Tew de chaque peuple, pulsqu’ll dépend de la vole cholsle par tut 1° La vole non capitaliste se heurte aux intéréts de limpérialis- me, elle progresse dans une lutte pour une complete indépendance nationale. 29 Elle heurte les intéréts de la bourgeoisie nationale exploiteu- ‘se ou bureaucratique; elle progresse dans une lutte de classe plus ou moins aigue. . 3° La révolution socialiste peut étre déclenchée avant ie dégage- ment complet a l’égard de Yemprise impérialiste. Mais V’édifteation du socielisme est impossible sans la prise en charge des secteurs clés de Véconomie nationale encore aux mains de l’étranger et sans Vatde des pays socialistes, dont le plus pulssant d’entre eux, Y'U.RS.S. Ce dégagement no se fera pas de fagon brutale et précipitée dans tous les cas. Pour notre pays la Chatte d’Alger estime que: «L’indispensable rupture avec lu! (Je capitalisme étran- ger) ne peut étre résolue d'une maniére linéaire et doit tenir compte des possibilités compatibles avec une politique socialiste. Ge qui est nécessaire en premier lieu, c’est de noutraliser toutes ses tentatives de captation de a vie politique nationale et de penser avec clarté la relation que I'Etat peut avoir avec les ca- Pitaux étrangers investis, en fonction de son objectif fonda- mental.>t 4 I stensuit que le problame de la voie non capitaliste se pose sous un double aspect: celui de la lutte nationale par rapport a Vextérieur ot celut de la lutte de classe sur le plan intérieur. Cette lutte est intimement liée a la lutte pour Pindépendance réelle. Dans le cadre de la vole non capitaliste, le probleme des alliances a Vintérieur se pose dans les mites suivantes pour les révolutionnatres: d'une part, velller & ce que la lutte de classes, ne rejette pas certaines couches sociales susceptibles de jouer encore un réle anti-impérialiste, ce qui affaiblirait la lutte natio- * Révotuton afriatne, p. 20,11 ari 1866 nale; veiller d’autre part ce que 1a lutte nationale n'aboutisse + pas 4 la formation de blocs sans principes’compromettant Pouver- ture sur la vole socialiste. C'est sous ce double aspect de Ja lutte au niveau de chaque pays pour l’indépendance réelle et 1¢ s0- Cidlisme que se refléte aussi 1a contradiction principale de notre, époque a l’échelle mondiale: socialisme — capitalisme. 5¢ Dans Ie processus de développement de la vole non capita- ste. peut se déclencher la révolution soclaliste a’ condition que grandisse de plus en plus le role idéologique, économique et Politique des travailleurs des villes et des campagnes, que soit appliquée une profonde réforme agraire dirigée’ contre les grands propriétaires fonciers étrangers et nationaux, poussée lindustriali- sation sous V'égide de Etat ou avec la gestion des travailleurs, et encouragée une large démocratisation qui permette Vaccession des forces révolutionnaires et populaires aux postes de diréction dans l'apparell de I'Etat, Ce dernier doit devenir de plus en plus un Etat des producteurs, un gouvernement au service des humbles, immense ‘majorité de la population, et un moyen de contrainte d Contre la minorité représentée par la réaction et la contre-révo- So lution liées a Pétranger. 6° Au cours de la lutte nationale et de classe de la période de transition ouverte par la révolution socialiste et qui est définie pour ’Algérie par la Charte du F.L.N., les conditions mfrissent our V'unité organique des forces socialistes au sein d’un parti d'avant-garde de la révolution socialiste. Cette lutte est marquée par Ja montée de la classe ouvriére, des paysans pauvres, alliés les plus solides de la classe ouvriére, grace a la réforme agraire, des jeunes: ouvriers, paysans, intellec- tuels, galvanisés par l'idéal soclaliste, des femmes, qu! ont besoin du soclalisme comme le socialisme a besoin d’elles, des intel- lectuels progressistes. Ces forces luttent autour du parti d’avant- garde des forces socialistes et forment avec lui une sorte de front de toutes les forces révolutionnaires et populaires. La présence : ou non @’éléments de 1a bourgeoisie dans ce front et leur réle dif- ferent selon les pays, en fonction de I’étape, de la marche de la révolution et du degré de 1a lutte de classe. Mais ce que Von peut constater, c'est que dans les pays o0 les mesures socialistes Ia frappent, la bourgeoisie en tant que classe n’a plus d'intérét @ participer a ce front. Au cours de cette période et dans I'intérét meme de V’éditica- tion du socialisme, un secteur privé peut coexister avec le secteur a soclaliste sous le contréle de Etat démocratique et populaire, avec les investissements de la fraction patriotique de-la bour- 28 geoisie, Ces demters aspects permettent de mesurer dans 1a pé- riode de transition I'étendue et les Itmttes do alliance. antt-im- érlaliste dont 11 est question au point 4. Dans cette période de transition, une fraction de la petite bour- gooisie surtout citadine, celle qui a joué un rdle trés important dans la guerre de Mbération nationale, passe par des moments plus, ou moins courts d’hésitation, d'instabilité politique et idé6o- Jogique, avec une floraison de courants impréanés parfois de so- 1 ciqlisme utopique, de méfiance ou de mépris pour les ouvriers, do positions parfolg réactionnaires, de vues subjectives et souvent lmitées. Ces oscillations sont dues & ses positions faibles ot incer- taines dans échelle sociale, a ses perspectives économiques contradictoires, crainte de la prolétarisation et aspiration & la promotion bourgeoise, crainte q’étre la proie de la grosse bour- geoisic ou de se voir fermer par Ja société socialiste et par con- séquent par les travailleurs, les possibilités d'accession @ la con- ‘ dition bourgeoise. importance des forces petites-bourgeoises qui se radicalisent ‘au cours de la révolution et gui rejoignent les positions socialistes, a rapidité avec laquelle s‘opére ce changement sont fonction du réle des travailleurs des villes et des campagnes et de la so- Maité de leur alliance avec la paysannerie pauvre, de leur attitude non sectaire a ’égard de petits et moyens propriétaires, commer- gants et artisans, de la puissance'et de la maturité politique du e mouvement révolutionnaire. Cette situation mouvante sur le plan des rapports de forces, ces contradictions et cette instabilité se reflétent jusqu’au sein des organismes dirigeants de Etat. Cette influence se fait également sentir au sein de la classe ‘ouvrigre d’autant que cette dernigre a encore des attaches avec Ia campagne, ‘que ses premiers combats furent des: combats de \bération nationale, qu'on note en son sein des différenciations sur le plan de 1a maturité sociale, qu'elle n'est pas encore suffi- ,samment une classe pour sot dans des pays of la cristalltsation des classes n'est pas complatement réalisée, et que s'exercent sur elle les influences de courants différents existant @ l'échelle mon- Giale, sans parler des contre-coups des divergences idéologiques ‘au sein du mouvement ouvrier et communiste international. 1 s‘ensuit que les courants socialistes s'expriment on son sein sous des formes théoriques diverses. C'est dans la lutte d'idées, dans Je combat contre les courants utopiques, pour le socialisme, autour @objectifs concrets que le mouvetnent révolutionnaire s'élevera au niveau de la doctrine du socialisme scientifique dans le respect et Pépanowissement des traditions nationales. 20 En Algérte, la Charte de Tripoll montrait d6ja que Pintelligence des événements, le rayonnement du socialisme par Vexempls donné avaient amené de nombreux patriotes révolutionnaires issus de la petite bourgeoisie des villes.et des campagnes a faire effort pour secouer I'emprise de l'idéologie bourgeolse, pour aller @ la découverte de la,doctrine la plus révolutionnatre, le socialise. Ces patriotes ne s*6taient pas entiérement dégagés de la premiere; {is n’avaient pas encore découvert toutes les vérités do la doctzine scientifique du socialisme, En étudiant le programme de Tripolt, on sentait le sérieux de leurs efforts, leur patient, cheminement vers la,lumiére conquérante du socialisme, Aujourd’hut, 1a Charte e’Alger permet de mesurer les progres énormes réalisés par le mouvement révolutionnaire. LIGNES DE FORCE DE LA CHARTE D’ALGER. Nous nous réf6rons souvent dans ce rapport Ig Charte d’Alger du FLN. que complete et précise le rapport de Ben Bella au Congras du F.LN. Il n'est pas inutile donc d’en dégager rapide- ment pour vous ses lignes de force principales. Quvrons, si vous Je voulez, une parenthése. Cotte Charte fixe comme objectif V’éditication de la société so- claliste qui supprimera Vexploitation de "homme par "homme, dans le respect des caractéristiques arabo-islamiques de notre peuple. Elle préconise la socialisation des moyens de production et la collectivisation progressive do agriculture sur la base de Yautogestion. Elle se prononce pour un parti d'avant-garde, instrument de Véaitication du socialisme, Ce part doit rassembler les forces socialistes dans ses rangs, essentiellement les~ ouvriers, les paysans pauvres et les Intellectuels révolutionnaires, s'épurer de tous les éléments oxpoiteurs. L’Etat, celui des producteurs, sera un moyen de gestion des biens publics ot de goercition a la contre-révolution. La Charte définit les forces sociales révolutionnaires, travatl- leurs des villes et des campagnes, paysans pauvres, intellectuels révolutionnalres. Elle désigne les forces @ gagner: classes moyen nes des villes ot des campagnes. Lennemt principal ést Pimpérialisme, avoc son allié intériour 1a bourgeoisie exploiteuse ou bureaucratique. : La Charte fixe les objectifs économiques et sociaux pour la pé- riode de transition: réforme agraire frappant la ‘grande propriété fonciére et institution gtaduelle d’un mouvement coopératif & la 90 campagne par 1g méthode de le persuasion et de exemple. Bile se"préoccupe’ pour cette méme période du développement indus- iol, avec trois secteurs économiques: le secteur mixta; 1e soctour privé et Je Secteur autogéré socialiste, qui doit s‘accrottre conti- nuellement fusqu’a englober les deux premiers. Elle estime vital le dégagement a Végardade Pimpérlalsme, parallalement au renforcement des relations avec les pays socla- lstes et ceux du Tiers Monde et @ la pratique d'une politique extérieure de coexistence pacifigue et de non-allgnement, Enfin, elle n’oublie pas la formation de cadres techniques, Yélévation du niveau matériel et culturel des masses, I'arabisa- tion et V'algérlanisation de Venseignement, la formation idéolog!- que institutionalisée, "étude de la pensée socialiste et ta lutte systématique contre V'idéologte réactionnaire et bourgeoise. Poursuivons maintenant au sujet de la vole de développement économique. ‘7 L'emprise impérialiste, le sous-dévelofpement, la résistance des classes exploiteuses, certaines hésitations de la petite bour- geoisie révolutionnaire, l'inexistence ou I'extinction sous le colo- Rialisme des traditions étatiques, I'insuftisance de cadres ot les contradictions multiples de la société dans la pérlode de tran- sition dans des pays 00 les problémes du sous-développement prennent des proportions dramatiques, font que la Révolution Soclaliste n’avance pas de fagon linéaire; elle se fraye une vole dans da grandos gouffrances avec des hauts et des bas, en dents de scle, chaque pas en avant dans chaque secteur étant souvent un compromis entre Vancien et le nouveau, l'essentiel étant que Ia courbe soit ascendante. L’impatience, I'étroitesse apparaissent souvent au cours de cette période dans les rangs de la Révolu- tion. Il faut les combattre. Dans son article «Sur le réle de Lor aujourd'hul et aprés la victoire compléte du socialismas, L: nine écrivalt: «Le danger le plus grand, peut-@tre méme unique danger, c'est de surenchérir, d’oublier les limites et les conditions ‘d'une application efficace et opportune des procédés révolution- nalres.o : 89 Le choix de la vole de développement non capitaliste par tel ou tel pays stimule la lutte des masses des autres pays. T’option socialiste améne les, révolutionnaires au pouvoir & reconsidérer les bases de Vunité entre tel et tel pays, entre tel et tel groupe de pays, surtout aprés l'échec de l'union Egypte-Syrie et l’écla- TV. basing, Caves, 53, p. 100 at teinertt des liens Mali-Sénégal. La Charte d’Alger détinit les bases de l'unité en termes révolutionnaires et sages. Ello estime que: «Vunité entre des pays distincts est une cuvre gigantesque qu doit se paser dans le cadre d’options 1déologiques, politiques et économiques communes correspondant aux intéréts des masses populaires»! ; Dans la recherche des voies socialistes conformément au génie i et aux réalités concrétes de chaque pays, les peuples qui s’y en- 1 gagent apportent lour contribution propre. REVOLUTION SOCIALISTE ET ISLAM EN ALGERIE he Les partis gowernementaux se réclamant du soctalisme en Algérie et au Mali, par exemple, racceptent pas la philosophle du matérlalisme dialectique. La Constitution algétieane proclame M'Islam religion a'Etat. Je voudrais m’étendre sur cette question & partir de expérlence figérienne gut intéresse tout le monde arabe, tout Te monde mu © Suliman, fort de quatre-cent millions «hommes et de femmes. ‘a formule: «Socialisms selon les prineipes de Misléms, prend un ‘contenu différent selon chaque pays arabe, Dans les pays arabes, ni lo jeu des forces en présence, al les structures poltl- iG aues et sociales, ni le développement économique ne sont les ! memes partout, ‘Ala tate de I’Algérie, sl y a un pouvoir révolutionnaire. Le role ; de Vislam doit done étre étudié en fonction de la réponse a la i question suivante: «Quelle est, quelle sera de plus en plus la na- t ture de classe de I'Etat?» En Algérie, Vatthchement a YIslam a été.au 19° siécle une forme de protestation contre Yemprise coloniale et contre T'état do détresse dans lequel se trouvatent les masses. La religion mi Stimane ne forme pes une Fglise fermée, avec tme hiérarchie i lige aux puissances dargent, Le soctalisme et la croyance en Tisiam doivent réaliset, comme pendant la guerre, une alliance ty par dela les divergences philosophiques et dans la lutte contre Tobscurantisme et 1a bourgeoisie réactionnaire. i En Algérie, la croyance chez'les travailleurs ne les empéche pes de lutter pour le socialism Crest par rapport & le lutte de classe que se détermine une fagon décisive le révolutlonnsire et non pas par rapport @ Ta: * croyance ow a la non-eroyance. ooluton afrtosine, p. 38, 11 ail 2066 } { * Cela circonscrit 1e vrat probléme pour nos travailleurs: con- quérie uno vie qui mérite d’étre vécue sur la terre, Leur aspiration \ 8 une autre vie dans:Vou-dela ne constitue pes un freln pour . la Révolution soctaliste, Si la croyance est dans la téte des masses, les ‘masses, ellos sont réceptives & Vapport révolutionnaire du soclalisme. Il faut tonir compte ‘des masses en mouvement, de leur composition séclale, de leurs aspirations et de la lutte de classe, pour"se rendre compte que la fol chez les masses croyantes n'est pas coupée de V'idéologie de la Révolution, mals sollicitée d'edhérer Sgaloment au soclalisme, d’autant plus efficace qu'll est 1a seule fdéologie scientifique éclairant 1a lutte contre limpérialisme, contre le capitalisme et tragant la route dun avenir soctal exal” tant. ‘Au, sein de nos masses en mouvement V'Islam s'est politisé dans un sens révolutionnaire. Les hommes qut crotent vivent leur croyance et cette croyance évolue avec 1a conscience des ho ‘mes et, en définitive, avec leur situation historique. Voila qui est écisif' et conditionne notre attitude sur les problémes du socla~ Usme par rapport & Islam. Lénine a dit: «L'unité de cette lutte réellement révolutionnaire de la classe opprimée pour se créer un paradis sur terre nous importe plus que 'unité d'opinion des prolétaires sur le paradis du ciel.»t y Ceux qui parlent de la religion comme d'une simple erfeur ou comme d'une mutilation de intelligence en oubliant qu'elle re- fate a tel ou tel moment historique une réalité concréte, Vana- lysent ainsi d'une fagon idéaliste. Le vrai probleme est de briser le poids de la réaction et des forces soctales qui entravent 1a marche au progrés des masses. Le vral probleme, disait Marx, c'est de renverser «tous les rapparts 00 homme est un atre abaissé, asservl, abandonné, méprisables.? Le programme du Front tiént compte en premier lie des réa- tés et donne la primauté’en définitive a économie, Par primauté 4 faut entendre primauté deg conditions et non primauté des va- leurs. Pendant la guerre de libération et au lendemain de Mindépen- dance, les impérialistes ot a bourgeoisle espéraient que M'Istam serait un élément modérateur de V’élan des masses, sinon un frein dans la marche au-progrés. Les révolutionnaires algériens Ihcides ont brisé ot briseront TV. Cénine, Guvees, &. 10, pp. 88:05 (He 6a. russ. 2.x. atste el F. Engels, Sur ta Religion, Pas 1806, pa

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