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Vespasien de Suétone

et Franz Xaver Messerschmidt :


contributions à l’art du portrait

Dans quelques jours et pour trois mois va s’ouvrir au musée du Louvre


une exposition consacrée au sculpteur allemand
(né à Wiesensteig, arrondissement/Landkreis de Göppingen, dans le Bade-Wurtemberg)
Franz Xaver Messerschmidt [1736-1783],
célèbre pour ses « têtes de charactères »(Charakterköpfe).
Son œuvre l’Homme de mauvaise humeur, acquise par le Louvre en 2005,
illustre à merveille le portrait que trace Suétone de Vespasien.

De Vita Cæsarum, X : Diuus Vespasianus, XX :

Statura fuit quadrata, compactis firmisque membris, uultu ueluti nitentis : de quo
quidam urbanorum non infacete, siquidem petenti, ut et in se aliquid diceret :
« Dicam, inquit, cum uentrem exonerare desieris. »

[Vespasien] avait la corpulence carrée, les membres ramassés et vigoureux, le visage faisant
penser à celui d’un homme neldalr j‖effort. D’où la réponse assez plaisante d’un auteur de
bons mots qu’il pressait de dire aussi un trait d’esprit sur son compte : « Je le ferai dès que
tu aupaq fini de soulager ton ventre. »
Trad. de J.-R.-T. Cabaret-Dupaty, Paris, 1893, avec quelques adaptations de Jacques
Pmscer, Ppmfeqqesp éképire à j‖slitepqiré de Lmstail (Lmstail-la-Neuve), 2001.

He was broad-set, strong-limbed, and his features gave the idea of a man in the act of strain-
ing himself. In consequence, one of the city wits, upon the emperor’s desiring him “to say
something droll respecting himself,” facetiously answered, “I uijj, uhel wms hate done
pejietilg wmsp bmuejq.”
Translation of Alexander Thomson (1790), revised and corrected by Thomas Forester
(1855).

He was well built,42 with strong, sturdy limbs, and the expression of one who was straining.
Apropos of which a witty fellow, when Vespasian asked him to make a joke on him also, replied
rather cleverly : “I uijj, uhel wms hate filiqhed pejietilg wmspqejf.”
42 According to Celsus, 2.1, quadratum is applied to a well-proportioned body, neither
slender nor fat.
Translation by J. C. Rolfe, in the Loeb Classical Library ediriml, 1913‑1914. Source :
LacusCurtius — Wijjiak (―Bijj‖) P. Thawep.
Le mot-cjé de j‖alecdmre eqr nitentis, génitif singulier du participe présent du verbe dépo-
nent nītī : ja nhwqimlmkie de j‖eknepesp, j‖evnpeqqiml de qml tiqage (uultus), invitait à la
cmknapaiqml atec cejje d‖sl hmkke qui [va à la selle et] « pousse » ; cf. pousser : « Se dit
d‖sle fekke oui, pour accoucher, fait des effmprq nmsp evnsjqep je fœrsq » (lexis, 1975),
en emploi absolu : « Faire des efforts pour expulser quelque chose de son organisme »
(TLFi). [Ol nesr elcmpe cirep ja kaiqml d‖Oqrie mù jeq nmprpairq deq qenr qageq de ja Gpèce
sont accompagnés burlesquement de sentences scatologiques, dont celle-ci : Durum cacan-
tes monuit ut nitant Thales « Conseil de Thalès aux gens constipés : Poussez ! » Voir Franz
Cumont, Rapport sur une mission à Rome, 1945, p. 410.] Cf. nīxŭs, puis nīsŭs « travail » de la
parturiente, ēnītī « accoucher » (le rapprochement avec les nixi dii est hasardeux).

Dalq je kêke revre de Ssérmle, el XXIV, 2, asrpe mccsppelce d‖sle fmpke de nītī dans la
description des derniers instants de Vespasien, qui — coïncidence — est aux toilettes :

Aluo repente usque ad defectionem soluta, « imperatorem, » ait, « stantem mori opor-
tere »; dumque consurgit ac nititur, ilrep kalsq qsbjesalrisk evrilcrsq eqr…

Saisi tout à coup d’une diarrhée qui l’épuisait: « Il faut, dit-il, os‖sl eknepesp kespe de-
bout » et, tandis qu’il faisait un effort pour se lever, il expira entre les bras de ceux qui l’assis-
taient…

At last, being taken ill of a diarrhoea, to such a degree that he was ready to faint, he cried out,
“Al eknepmp msghr rm die qraldilg snpighr.” In endeavouring to rise, he died in the
hands of those who were helping him up…

Taken on a sudden with such an attack of diarrhoea that he all but swooned, he said, “Al
eknepmp msghr rm die qraldilg,” and while he was struggling to get on his feet, he died in
the arms of those who tried to help him…

L‖evnpeqqiml consurgit ac nititur combine un hendiadys et un hystéron protéron : « il se


met debout (consurgit) et fait un effort » pour « ij q‖efforce de se mettre debout ».

Toujours dans le même texte, un passage (XXIII, 7-8) dont deux traductions omettent un
élément important :

Ac ne in metu quidem ac periculo mortis extremo abstinuit iocis. Nam cum inter
cetera prodigia Mausoleum derepente patuisset et stella crinita in cælo apparuisset,
alterum ad Iuniam Caluinam e gente Augusti pertinere dicebat, alterum ad Partho-
rum regem qui capillatus esset ; prima quoque morbi accessione: « Væ, » inquit,
« puto deus fio. »

Ni le danger, ni la crainte de la mort ne l’empêchaient de plaisanter. On disait qu’entre autres


prodiges, le mausolée des Césars s’était tout à coup ouvert, et qu’une comète avait paru au ciel.
Il prétendit que le premier de ces prodiges regardait Junia Calvina, qui était de la famille
d’Auguste, et que le second regardait le roi des Parthes qui était chevelu. Dès le commence-
ment de sa maladie, il se mit à dire : « Je crois que je deviens dieu ».

Not even when he was under the immediate apprehension and peril of death, could he for-
bear jesting. For when, among other prodigies, the mausoleum of the Caesars suddenly flew
open, and a blazing star appeared in the heavens ; one of the prodigies, he said, concerned
Julia Calvina, who was of the family of Augustus; and the other, the king of the Parthians,
who wore his hair long. And when his distemper first seized him, “I qsnnmqe,” said he, “I
qhajj qmml be a gmd.”

Væ « hélas, (par) malheur » (Væ uictis ! « Malheur aux vaincus ! », Brennus chez Tite-Live ;
d‖où l‖italien guai) donne une inflexion amère ou résignée à la formule njeile d‖eqprit de
Vespasien, osi fair ajjsqiml as qelq mpigilej d‖apothéose (ἀποθέψςιρ) : j‖éjévation au rang
des dieux après sa mort (imminente) ; pirsej npérevre à paijjepie de j‖ekpereur défunt
pour se faire bien voir de son successeur dans « L‖anmrhémqe qaripiose ds ditil Cjasde »
(Ἀποκολοκύνσψςιρ) ou « métamorphose [de j‖eknepesp Cjasde, anpèq qa kmpr] en gourde/
calebasse/ coloquinte/ courge » — biel deq cscspbiracéeq fmlr j‖affaipe, à j‖evcenriml de ja
citrouille et du potiron, inconnus en Europe avant 1492. (Voir à ja fil de ce bijjer j‖evrpair
d‖sl revre dû à Michel Dubuisson.)

(Le paragraphe cité contient entre autres une plaisanterie tirée par les cheveux, puis-
os‖ejje q‖annsie qsp je pannmpr elrpe stella crinita — pour rendre κομήσηρ « (astre) cheve-
lu », d‖mù comète —, Caluina qui évoque caluus « chauve », et Vologases/Vologèse le Chevelu
(capillatus), roi des Parthes de la dynastie des Arsacides.)

L‖arreqrariml d‖ăpŏthĕōsis en latin est tardive (Tertullien, Prudence). Les textes os‖ml nesr
consulter sur Interler dmllelr j‖iknpeqqiml ose je repke eqr arreqré chex Cicépml (Ad Att.
I, XVI, 13) :

Dixi hanc legem P. Clodium iam ante seruasse ; pro nuntiare enim solitum esse et
non dare. Sed heus tu ! uidesne consulatum illum nostrum, quem Curio antea apo-
theosin uocabat, si hic factus erit, fabam mimum futurum ? Quare, ut opinor, philo-
sopheteon, id quod tu facis, et istos consulatus non flocci facteon.

« Là-dessus, j’ai dit qu’il y avait longtemps que Clodius observait cette loi ; car il promet de
l’argent et n’en donne jamais. Dites-moi, je vous prie, ne pensez-vous point qu’avec un pareil
consul [Lucius Afranius], le consulat, que Curion [Caius Scribonius Curio] regardait
comme une ditiliqariml de j‖hmkke, ne sera plus qu’une royauté de la fève ? Philosophons
donc, ainsi que vous faites déjà, et ne voyons désormais qu’un chiffon dans la pourpre consu-
laire. » (Traduction Jean Marie Napoléon Désiré Nisard, 1841)

“I remarked that P. Clodius had obeyed this law by anticipation, for he was accustomed to
promise, and not pay. But observe ! Don’t you see that the consulship of which we thought so
much, which Curio used of old to call an apotheosis, if this Afranius is elected, will become a
mere farce and mockery ? Therefore I think one should play the philosopher, as you in fact do,
and not care a straw for your consulships !” (Traduction Evelyn Shirley Shuckburgh)

Cette présentation est de narspe à ildsipe el eppesp, ralr ij eqr ceprail os‖ij fasr jipe ἀπο-
θέψςιν et υιλοςουησέον. Le premier terme (qui, notons-le, appartient à une formule de
Curio : « la charge de consul grandit/ élève/ sublime/ transcende ceux qui en sont in-
vestis ») l‖y pas encore, pour les Romains, j‖accenriml de déification/divinisation [d‖sl
empereur, de surcroît] après la mort ; la lettre date de juin-juillet 61 alors que le temple
du diuus Iulius l‖eqr naq alrépiesp à 29 et, le moment venu, on parlera de consēcrātĭo. Le
second terme, adjecrif tepbaj qiglifiant « il faut pratiquer l‖akmsp de ja qageqqe, péfléchir,
méditer », étmose j‖Euthydème er sl fpagkelr d‖Apiqrmre, dmlr Arhalaqe d‖Ajevaldpie qe
souviendra : « Eἴσε υιλοςουησέον, υιλοςουησέον, εἴσε μὴ υιλοςουησέον, υιλοςουησέον,
πάνσψρ υιλοςουησέον » ; sur ce modèle, Cicéron invente pour la circonstance et par
boutade un facteon hybride, au lieu du faciendum attendu.
En grec même, du reste, ἀποθέψςιρ l‖eqr naq arreqré atalr Srpabml (à npmnmq d‖sl kwrhe
plaçant en Calabre la mort de Diomède) et Dion Cassius, rapportant un sarcasme cynique
de Népml qsp ja kmpr de Cjasde nap eknmiqmllekelr, l‖eknjmie naq je kmr jsqre er qe
qepr d‖sle népinhpaqe osi pannejje je « deus fio » de Vespasien :

Ὡρ δὲ ἐκεᾺνορ [Κλαύδιορ] οὐδὲν ὑπό σε σοῦ οἴνοτ, ὃν πολὺν ἀεί ποσε ἔπινε, καὶ ὑπὸ
σᾸρ ἄλληρ διαίσῃρ, ᾗ πάνσερ ἐπίπαν ππὸρ υτλακήν ςυψν οἱ αὐσοκπάσοπερ φπῶνσαι,
κακοῦςθαι ἠδύνασο, Λοτκοῦςσάν σινα υαπμακίδα πεπιϐόησον ἐπ‖ αὐσῷ σούσῳ νέον
ἑαλψκτᾺαν [ἈγπιππᾺνα] μεσεπέμχασο, καὶ υάπμακόν σι ἄυτκσον πποκασαςκετά-
ςαςα δι‖ αὐσᾸρ ἔρ σινα σῶν καλοτμένψν μτκήσψν ἐνέϐαλε. […]
Kαὶ ὁ Νέπψν δὲ οὐκ ἀπάξιον μνήμηρ ἔπορ κασέλιπε· σοὺρ γὰπ μύκησαρ θεῶν βπῶμα
ἔλεγεν εἶναι, ὅσι καὶ ἐκεᾺνορ διὰ σοῦ μύκησορ θεὸρ ἐγεγόνει.

« Mais, comme le vin qu’il [j‖eknepesp Cjasde] prenait toujours en grande quantité, et les
autres précautions dont usent les empereurs pour conserver leur vie, empêchaient qu’il pût en
ressentir aucune atteinte, elle [Agrippine, épouse de Claude] envoya chercher Lucuste [vari-
ante : Locuste], empoisonneuse fameuse, et prépara, avec son assistance, un poison sans
remède qu’elle mit dans ce qu’on appelle un champignon. […]
Néron aussi a dit une parole qui mérite bien de ne pas rester oubliée ; il a dit que les cham-
pignons étaient un mets des dieux, puisqu’ils avaient valu à Claude de devenir dieu. »
(E. Gros)

“But since, owing to the great quantity of wine he was forever drinking and his general
habits of life, such as all emperors as a rule adopt for their protection, he could not easily be
harmed, she sent for a famous dealer in poisons, a woman named Lucusta, who had recently
been convicted on this very charge; and preparing with her aid a poison whose effect was
sure, she put it in one of the vegetables called mushrooms. […]
Nero, too, has left us a remark not unworthy of record. He declared mushrooms to be the food
of the gods, since Claudius by means of the mushroom had become a god.” (Earnest Cary)

Remarque :
Μύκηρ étant le mot usuel pour désigner un champignon en général (et non pas une
espèce particulière : bolet, cèpe, ou autre), je suis surpris par la formulation de Dion
Cassius « ce qu’on appelle un champignon », σινα σῶν καλοτμένψν μτκήσψν, d‖asrant que
le même auteur emploie le terme par ailleurs sans recourir à cette précaution oratoire :

Σσπασεύςανσι δὲ σῷ Τπαωανῷ κασὰ σῶν Δακῶν καὶ σαᾺρ Τάπαιρ, ἔνθα ἐςσπασοπέ-
δετον οἱ βάπϐαποι, πληςιάςανσι μύκηρ μέγαρ πποςεκομίςθη, γπάμμαςι Λασίνοιρ
λέγψν ὅσι ἄλλοι σε σῶν ςτμμάφψν καὶ Βοῦποι παπαινοῦςι Τπαωανῷ ὀπίςψ ἀπιέναι
καὶ εἰπηνᾸςαι. (LXVIII, 8)

« Dans l’expédition de Trajan contre les Daces, lorsqu’il fut près de Tapes, où campaient les
barbares, on lui apporta un gros champignon, où était écrit en caractères latins que les
autres alliés et les Burres engageaient Trajan à retourner en arrière et à conclure la paix. »

SENEQUE — APOTHEOSE SATIRIQUE DU DIVIN CLAUDE


par Michel Dubuisson (Université de Liège)
dans la section « Traductions » de la BIBLIOTHECA CLASSICA SELECTA
de j‖slitepqiré de Lmstail (Lmstail-la-Neuve), 1999

Extrait

Des appellations nombreuses et fort diverses par lesquelles il est désigné dans nos manuscrits —
Diui Claudii apotheosis per satiram, Ludus de morte Claudii, Satira de Claudio Cæsare, De morte Claudii
Cæsaris iudicio pœnaque post mortem, Ludi de obitu Claudii... — on peut conclure que ce texte, sinon
cjaldeqril, ds kmilq à diffsqiml peqrpeilre, le nmprair naq njsq de rirpe ose de lmk d‖asresp. Sa
désignation traditionnelle chez les modernes, qui ne figure dans aucun manuscpir, npmtielr d‖sl
passage de Dion Cassius (LX, 35, 3): ςτνέθηκε μὲν γὰπ καὶ ὁ Σενέκαρ ςύγγπαμμα, ἀποκολοκύν-
σψςιν αὐσὸ ὥςπεπ σινὰ ἀθανάσιςιν ὀνομάςαρ. Ce curieux composé, qui est évidemment un hapax,
a fair cmsjep beascmsn d‖elcpe. S‖ij déqigle effecritekent une transformation en cucurbitacée,
q‖agir-ij d‖sle gmspde qwkbolisant la charge de petit fonctionnaire dans laquelle Caligula décide
de confilep qml qscceqqesp (Hejjep), d‖sle gmspde (lmsq dipimlq asqqi cmplichml) qwkbmjiqalr ja
bêtise de Claude (Szijágwi), ms d‖sle cajebaqqe étmosalr je csjre de Cwbèje os‖ij atair éré je npe-
kiep à fatmpiqep (Depmw)? (Ij le q‖agir el rmsr caq naq de ja cirpmsijje, ilcmllse de j‖altiquité.) Mais
ij l‖eqr kêke naq qûp ose je kmr cmknmpte la moindre allusion aux coloquintes et autres courges:
Verdière, par exemple, propose de couper ἀπο-κολο-κύνσ-ψςιρ et comprend « cessation d’une
impudence (cf. κύνσεπορ) intestinale (κόλον) », hypothèse qui a au moins le mérite de faire direc-
tement écho au texte et à la manière dont il décrit les derniers instants de Claude.
Ce osi napaîr el rmsr caq cjaip, kaiq os‖ij l‖eqr nesr-êrpe naq ilsrije de pannejep, c‖eqr ose jeq
illmkbpabjeq relrariteq faireq nmsp éjscidep j‖éligke de j‖ « apocoloquintose » ont leur place dans
la bibliographie de Dion Cassius, non dans celle de Sénèque : jakaiq lmrpe revre l‖a nmpré ce rirpe...

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