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STRATEGIE DE L’ENTREPRISE leKe Xs “RSE Etudes de cas de responsabilité sociétale des entreprises a ai IIa eel py Tate ssp Pierre Baret et Fanny Romestant DUNOD PY Ouvrage écrit avec le soutien de l'Institut de la responsabilité sociétale par l'innovation Mise en page : Belle Page le, picogranme qui fgue cheonte r ui coin te dea Gata dds ties dene Te cr, reoce ier opi pan rep reprint pour faren detec, Te cas ck ree en res fextoslerent don le dencine nouvel ef dels le ier co de I édition technique et univers: reclement est aujourd hyi menocte, tore, le développement massif du Nous rappelons done que toute gheeeopibage teproducion, pele 6) Woe, te Cade dele propri inllec: la présente publication es Well 1 ull! 1992 inert iter. sons ulrsaton de en lt expresémen' la phooxo auteur, de son éaseur ov a pie 8 vioge cole ons over Centre fangs exploaion seen deans do Ovetepane dot ob ele TGC, eds es gence dons ls Sblssenens Grands Augusirs, 75006 Fors), © Dunod, 2016 5 rue Laromiguiére, 75005 Paris www.dunod.com ISBN 978-2-10-074952-2 le Code de la proprisié infelecvella novirisont, aux termes de Vortcle 1 122-5, 2° et 3°, dine pot, que les « copies ov reproductions sritement résorvées 8 usage privé du copise et non destinées & une ulisation collective » ‘et, autre part, que les analyses et les courte citations dans un but d'exemple et diiluskation, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partele eile sons le consentement de auteur ov de ses ayan's droit ov ayants cause est illite » fort. L 122-4) ‘Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constive rait done une contrefacon sanctionnée por les orticles L 3352 et suivants du ‘Code de la propriété inelleculle Sommaire Présentation des auteurs v Introduction : la RSE comme opportunité d’innovations 1 Partie 1 Opérationnaliser la RSE Casi — Air France Industries La check-list des enjeux : un outil pragmatique intégrant la responsabil sociétale dans la gestion des projets Cas2 — Bureau Veritas 39 Comment déployer une démarche éthique universelle dans un contexte mutticulturel ? Cas3 — Léa Nature 59 Conjuguer croissance économique et engagement environnemental to cas de RSE Partie 2 Dialoguer avec ses parties prenantes Cas 4 = Bouygues Construction 81 Le Club Construction Durable : anticiper les évolutions sociétales et innover par la collaboration avec des partenaires clés Cas 5 - EDF 105 Au coeur des territoires, une nécessaire implication a renouveler ? exemple du programme « Une riviére, un territoire » Cas 6 = Marsh RT Recycler, c'est assurer | Partie 3 Préserver ses ressources Cas 7 - LVMH 147 ‘Au coeur du sourcing éthique Cas 8 = Solvay vey Uunité industrielle de La Rochelle, premiére unité de recyclage des terres rares en Europe : deux exemples d’économie circulaire Partie 4 Rendre compte aupreés des parties prenantes Cas 9 ~ Fleury Michon 197 Comment valoriser son engagement responsable, sur sa marque, sans tomber dans le greenwashing ? Cas 10 — Rémy Cointreau n9 Vers un reporting RSE structuré et fiabilisé 4 ’image du reporting financier Presentation des auteurs Pierre Baret, professeur-associé, directeur scientifique de I’ Institut de 1a Respon- sabilité Sociétale par I'Innovation (IRSI), Groupe Sup de Co la Rochelle — ‘CEREGE (EA 1722). Isabelle Baudet, professeur-associé, chercheur 4 'IRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle — CEREGE (EA 1722). Daniel Belet, professeur, chercheur a I'IRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle — ‘CEREGE (EA 1722). Imed Ben Nast, professeur-associé, chercheur 4 PIRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle - IRGO. Thibault Cuénoud, enseignant-chercheur 8 1ESCEM Orléans-Poitiers-Tours — ‘CRIEF (EA 2249). Jean-Noél Debroise, président de INDebroise Consulting. Valérie Fernandes, professeur, doyen du corps professoral, chercheur & I’ IRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle - CEREGE (EA. 1722). Nicole Goineau, responsable développement durable, Air France Industries, membre de la Commission DD/RS ISO 26000 de I’ Afnor. Vincent Helftich, professeur-associé, chercheur & 'IRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle - IRIST Strasbourg (EA 3424). Julie Mercier, maitre de conférences, IAE de La Rochelle - CEREGE (EA 1722). Nathalie Montargot, professeur-associé, chercheur 2 l'IRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle - Chaire ESSEC du Changement. Francois Petit, chercheur associé & l’IRSI (ex-directeur de l’IRSI). to cas de RSE Vi Dimbi Ramonjy, professeur-associé, chercheur A I'IRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle. Marie-Noélle Rimaud, professeur-associé, chercheur 4 'IRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle - CEREGE (EA 1722). Fanny Romestant, professeur-assistant, chercheur a I'IRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle - CEREGE (EA 1722). Salomée Ruel, professeur-associé, chercheur a TIRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle - CERAG FRE 3748 CNRS. Philippe Schiifer, professeur-assistant, chercheur 4 ’'IRSI, Groupe Sup de Co Ja Rochelle - CEREGE (EA 1722). Eric Vernier, professeur, directeur de lIRSI, Groupe Sup de Co la Rochelle - CEREGE (EA 1722). Julien Viau, maitre de conférence, IAE de La Rochelle - CEREGE (EA 1722). Dominique Wolff, enseignant-chercheur, ESCEM Orléans-Poitiers-Tours. Présentation des auteurs Tableau des notions abordées dans les cas 1. Air France Industries 2. Bureau Veritas 3. Léa Nature 4, Bouygues Construction 9. Fleury Michon 10. Rémy Cointreau 5. EDF 6. Marsh 7.1VMH 8, Sohvay Biodiversité (Chaine de valeur . Coopération interorganisationnelle oe ee ‘Corruption Développement local Dialogue avec les parties prenantes seeleel er Economie circulaire eee Engagement des salariés ee Fthique des affaires (Géopolitique Gestion des déchets Gestion de projets eee ‘Gouvernance élargie eee 180 26000 : Loi Grenelle I eee Marketing B to B oe . Marketing durable eee Mécénat ‘Mesure des impacts développe- ment durable (Outil de gestion eee eee Partenariats entreprise-associations Prévention du greenwashing eee Processus dinnovation eee ° Reporting extra-financier wee Risques we fee Stratégie de différenciation eee Stratégie de marque Supply chain responsable Territoires eee VII Introduction: la RSE comme opportunite d’innovations Pierre BaReT et Fanny ROMESTANT u début des années 1990, le concept de développement durable, forgé peu de temps auparavant', est majoritairement considéré comme le domaine exclusif de la puissance publique : notre patrimoine naturel est un bien commun. ‘C'est donc I’Etat qui en est garant. Il en va de méme pour les enjeux sociaux et sociétaux (droits de Ihomme, conditions de travail, développement économique, etc.). Symétriquement, aprés l’effondrement des modéles d’économie planifiée, & compter de 1989, le modéle libéral s’impose de plus en plus, avec pour corollaire ‘une réduction de I’intervention de la puissance publique. Dans ce contexte, la place de l’entreprise privée devient prépondérante. Emerge, alors, la prise de conscience des acteurs privés quant a leurs responsabi- ités sur les enjeux environnementaux, sociaux, sociétaux et, plus largement, vis- a-vis de leurs parties prenantes. La majorité des spécialistes « académiques » font remonter la notion de « responsabilité sociétale » aux travaux précurseurs d’un économiste américain, Howard Bowen, en 19532, et la « théorie parties prenantes » ceux de R. Edward Freeman, en 1984, Mais force est de constater qu’en France, Jes notions de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et de parties prenantes 1, En 1987, le rapport Brundiland a produit une définition du développement durable qui a progressivement fait ‘consensus : « Le développement qui répond auexbesoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures & répondre a leurs propres besoins » 2. Bowen, H. (1953), Social responsibilities of the businessman, New York, NY, Harper. 5, Freeman, RE. (1984), Strategic Management: A Stakeholder Approach, Pitman Series in Business and Public Policy. to cas de RSE se sont réellement diffusées & compter des années 2000. Selon de nombreux obser- vateurs, c’est l'article 116 de la loi NRE de 2001 (loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques) qui a eu un réle déclencheur en demandant aux entreprises du CAC 40 de rendre compte de leurs pratiques sociales et environne- mentales. Par la suite, les renforcements juridiques successifs, notamment avec Larticle 225 de la loi Grenelle II, ont conduit un nombre de plus en plus large d’entreprises a s’inscrire dans cette logique de reporting extra-financier. Sil’engagement responsable des entreprises a été disparate (du fait de I"hétérogé- néité de tailles, de secteurs d’ activités, de situations financiéres et, bien sfir, de stra- tégies), nombre d’entre elles ont rapidement pergu I’enjeu majeur de s"inscrire dans des démarches responsables et d’étre proactives. Mais une entreprise est avant tout une organisation humaine. Si elle amive a percevoir de nouvelles opportunités, c'est surtout le fait des hommes et des femmes qui la composent ; des personnes qui ont saisi la responsabilité que porte leur entreprise vis-a-vis de la société dans laquelle elle s'insére ; des personnes qui souhaitent trouver des solutions concrétes — des bonnes pratiques — pour permettre a leurs entreprises respectives d’agir effective- ment et efficacement, dans une logique responsable et durable. 1 Lanaissance d’une « communauté de pratiques responsables » : les Rencontres Environnementales deLaRochelle Face A ces évolutions majeures pour les entreprises, réfiéchir de maniére isolée n'est pas toujours la meilleure solution pour avancer, D’autant que d’autres, ailleurs, dans d'autres entreprises, ont été confrontés A des problématiques similaires — environnemen- tales, sociales, sociétales — et ont déji mis au point des bonnes pratiques pertinentes. Parallélement, universités et grandes écoles, en charge de la formation des futurs cadres, s’emparent progressivement du sujet. Ainsi, le Groupe Sup de Co La Rochelle fut la premiere école de management en France 4 développer, des 1999, un master dédié au management de l'environnement qui sera ¢largi, 2 partir de 2005, a celui de Ja responsabilité sociétale. Ce programme d’enseignement devient rapidement un lieu de rencontre entre trois catégories d’acteurs : professionnels, enseignants- chercheurs et étudiants. ‘Au fil des années, de cours en colloques « développement durable » organisés au sein de I’école, les liens — et le désir d’échanger sur les bonnes pratiques — se ren- forcent, et germe l’idée de constituer une « communauté de pratique! » originale, 1. La communauté de pratique peut se définir comme « un libre imvestissement des acteurs dans le partage et la création de savoirs tacites, un mode effcace et souple de coontination, un espace identitaie et de socialisation qui procure sens et motivation au travail » (Soulier, 2004). Ainsi, une communauté de pratique « rassemble [...] des ‘membres homogenes, engagés dans la méme pratique, et dont l'objecti principal est ’amélioranion de I’activité a travers une réflexion sur les pratiques » (Bootz, 2013, p. 120). (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisis est un délit Introduction ; la RSE comme opportunité d'innovations autour du triptyque cité ci-dessus. Cette demiére nait en 2005 sous I’acronyme « RER », pour « Rencontres Environnementales de La Rochelle ». Trois membres fondateurs ont su fédérer les énergies avant-gardistes pour constituer cette commu- nauté : Frangois Petit (enseignant-chercheur, alors directeur de la filitre environne- ment au sein du Groupe Sup de Co La Rochelle, avant de fonder IInstitut de 1a Responsabilité Sociétale par I'Innovation [IRSI]), Patrick Peureux (manager R&D, Innovation et Projets au sein d’ Air France Industries) et Michel Allain (manager Pro- prigté Intellectuelle au sein de Delphi Europe). Is sont rapidement rejoints par Sylvie Bénard (directrice Environnement chez LVMH), Dominique Ganiage (déléguée Déve- Joppement Durable et Politique Sociétale, EDF) et Olivier Naccache (responsable Innovation, Orchestra Consultant). Puis, les RER s"enrichissent de la participation de ‘Charlotte Breuil (directrice QHSE, Bureau Veritas), Christian Lafage (directeur Déve- Joppement Durable, Rémy Cointreau), Christoph Mécklinghoff (directeur Départe- iment Risques Environnementaux, Marsh), Eric Coly (responsable Groupe RSE et ‘Communication Financiére, Fleury Michon), Jean-Noél Debroise (alors chez Alstom, désormais président de JNDebroise Consulting), Guillaume Carlier (manager Envi- ronnement au sein de la Direction du Développement Durable, Bouygues Construc- tion), Philippe-Jean Tirel (responsable Qualité et Développement Durable, site La Rochelle, Solvay), Capucine Decoster (chargée de projets Développement Durable, ‘Léa Nature), Véronique Gounon (Direction de l'Environnement, LVMH), etc. Au fil du temps, de nombreux professionnels ont participé aux RER, issus d’ entreprises aussi diverses que 3M France, Air France, Air Liquide, Afnor, Alstom Transport, Bouygues, Bureau Veritas, Delphi, EDF, Fleury Michon, Inter-Mutuelles Assistance, Léa Nature, LVMH, La Poste, Marsh, Primagaz, Procter & Gamble, Rémy Cointreau, Solvay (ex- Rodhia), Suez Environnement, Veolia, etc. Participent également, systématiqueme nt, aux RER, des enseignants-chercheurs du Groupe Sup de Co La Rochelle, spécialistes de la thématique RSE-DD, et des étudiants des masters en développement durable'. Les RER ont pour vocation le partage et I’échange des bonnes pratiques « RSE » déployées dans les entreprises et qui s’ avérent innovantes. Cela permet aux profes- sionnels de découvrir les solutions responsables adoptées au sein d'autres organisa- tions et de réfiéchir a leur possible adaptation dans le cadre de leur propre entreprise. Le club leur permet aussi d’anticiper I'actualité en matitre de développement durable, dans un cadre original. Pour les enseignants-chercheurs, c’est une excel- Jente opportunité de nourrir leurs cours d’exemples concrets et actuels, de construire des études de cas et d’enrichir leurs travaux de recherche, voire d’en susciter de 1. Notons que ds 2005, Yenseignement de la « responsabilité socigtale des entreprises » au sein du Groupe Sup de Co La Rochelle se fait aussi dans le cadre des programmes pénéralistes. Autour de lenseignement de la RSE se ‘consttue alors progressivement une Equipe de recherche spécialisée sur la thématique de la mise en ceuvre de ‘démarches responsables au sein des entreprises. Celle-ci prendra, 3 la fin des années 2000 le nom et la forme de Vinsttut de la Responsabilité Socistale par Pinnovation (RSI). Aujourd’hui, V'IRSI englobe plusieurs chaires entreprises (Chaite RSE et ISO 26000, Chaite Transport et Développement Durable, Chaite Evaluation de la ‘Performance Globale), organise des colloques et congrés scientifiques ou professionnels et paticipe & de nombreux ‘Groupes et réseaux de réflexion autour de la diffusion et du déploiement de la RSE au sein des organisations. to cas de RSE nouveaux. Pour les étudiants, c”est l'occasion rare de faire directement le lien entre les problématiques RSE concrétes auxquelles sont confrontées les entreprises et les enseignements qu’ils suivent. 2 Dix ans d’ e@ : une perspective dynamique de Il’évolution des problématiques RSE au sein des entreprises Depuis septembre 2005, date de la premiare rencontre, cette communauté de pra- tique s’est réunie au rythme de trois fois par an, altemativement chez les entreprises participantes (généralement avec visites des sites industriels) et au sein du Groupe Sup de Co La Rochelle. Ces dix années d’une riche collaboration avec les entre- prises nous permettent aujourd’hui de disposer d’un historique sur 1’évolution des problématiques de RSE. En effet, la force des RER tient dans la participation assi- due du noyau dur, constitué d’une dizaine de ses membres, qui permet de nowrrir un solide retour d’expérience en. matigre de RSE. Ces dix années ont été charnitres dans la plupart des entreprises en matitre de RSE. La vocation méme des RER a été de chercher 4 avoir un « temps d’avance » pour anticiper les évolutions et proposer des solutions pragmatiques aux entreprises. Historiquement, on observe que les premiers sujets traités étaient souvent en lien direct avec l'environnement (ISO 14001, démarches HQE, bilan carbone, QHSE, liens environnement et santé, écoconception, etc.) et la gestion des risques associés. ‘Assez rapidement, les problématiques se sont portées sur une dimension RH avec la question de la mobilisation des acteurs de l’entreprise sur les démarches environne- mentales (maintenir la dynamique aprés une certification ISO 14001, apprentissage organisationnel des enjeux QHSE, etc.). La question de la transmission des connais- sances, du transfert des compétences « RSE/DD » s'est rapidement posée : le direc- teur « DD » ne peut étre le seul dépositaire des compétences « RSE/DD » au sein de l’entreprise, tant pour des questions de diffusion de la démarche en inteme, que de sa pérennité en cas de départ de celui-ci. Les problématiques liées a la commu- nication ont aussi, progressivement, été abordées. Tout d’ abord, en termes de gestion et communication de crise environnementale (principalement sur les sites indus- triels). Puis, plus largement, au niveau de la communication « RSE/DD » dans son ensemble, Cela nous a progressivement rapprochés de l’un des sujets les plus com- plexes a traiter pour les entreprises : le dialogue avec les parties prenantes. Dés 2007, les entreprises participantes ont souhaité échanger sur des thémes alors avant-gardistes, comme I’évaluation des démarches responsables, que ce soit en termes de comptabilité élargie (ou verte), de controle de gestion et de pilotage (type sustainable balanced scorecard). Les solutions que nous avions pu faire merger T’époque impliquaient d’intégrer des méthodologies économiques d’évaluation des extemalités. De fait, elles apparaissaient comme trop complexes pour étre aisément déployables dans les organisations. Mais ces sujets, couplés aux problématiques de (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisis est un délit Introduction ; la RSE comme opportunité d'innovations reporting induites par I’évolution législative et 1a volonté des entreprises partici- pantes d’évaluer et piloter plus finement leurs démarches responsables, sont redeve- nus prioritaires & partir de 2011-2012. A ce jour, ils demeurent une priorité dans la mesure oi les démarches RSE prennent une importance croissante au sein des entreprises. Ainsi, ont été abordés les cofits et bénéfices d’ une démarche environne- mentale, l'évaluation comptable et économique des démarches responsables, les indicateurs « développement durable », etc. En paralléle, il est A souligner que, de 2005 & 2010, la construction de la norme ISO 26000 a réguliérement été traitée, avec des interventions de membres de I’ Afnor et de personnes participant & son processus d’ élaboration!. Entre 2010 et 2015, ont té présentés les premiers retours sur l'utilisation de PISO 26000 comme guide anéthodologique de déploiement de la RSE au sein de certaines des entreprises par- ticipantes. De méme, les dispositifs de certification ad hoc proposés par certains corganismes ont été traités (AFAQ 26000, BV 26000, Vigéo 26000, etc.). 2_Problématiques traitées et plan de louvrage La richesse de cet ouvrage tient de la diversité des problématiques traitées. Apres dix années de partage et d’échange, les RER ont souhaité diffuser plus largement les bonnes pratiques qui restaient jusqu’ici confinées a cette communauté. Quatre enjeux majeurs, comespondant aux grandes difficultés auxquelles les entreprises sont confrontées en matitre de RSE et de développement durable, permettent de structurer la présentation des dix cas : ~— Le premier enjeu est d’ opérationnaliser la RSE. Il se présente autour de trois bonnes pratiques innovantes, et tres différentes : l’outil de la « check-list » et son processus de construction, développée par Air France Industries, le développe- ment de la démarche éthique de Bureau Veritas et la mise en oeuvre de la poli- tique de mécénat environnemental de Léa Nature. —Le deuxitme enjeu est de dialoguer avec ses parties prenantes. Trois initia- tives sont particuligrement inspirantes : le « Club Construction Durable » mis en place par Bouygues Construction pour co-créer une valeur durable avec ses partenaires clés, la démarche d’ancrage territorial d’EDF en dialogue avec ses parties prenantes locales et, enfin, l’initiative de coopération intra et inter- organisationnelle de Marsh autour de 1a gestion des déchets. — Le troisi¢me enjeu est de préserver ses ressources. Deux bonnes pratiques s’ avérent originales. La premitre est celle déployée par LVMH avec la création de filidres ethnobotaniques. La seconde, mise en place par Solvay, reléve de l'économie circulaire. 1. Rappelons que le processus délaboration de la norme ISO 26000 s’est étalé sur dix ans, & un rythme modéré ‘de 2000 3 2005, puis sensiblement plus soutenu entre 2005 et son aboutissement en 2010, to cas de RSE Le quatritme enjeu est de rendre compte auprés de ses parties prenantes. Deux initiatives ressortent comme exemplaires : celle de Fleury Michon, qui vise A valoriser son engagement responsable de manitre crédible auprés de ses parties prenantes externes, ainsi que celle de Rémy Cointreau, qui montre com- ment structurer et fiabiliser son reporting extra-financier. ‘ionnaliser la RSE 3.1 Opér: Le cas d’ Air France Industries permet de comprendre comment une entreprise parvient & gérer de nouveaux projets de manitre responsable. Pour ce faire, cette entreprise a développé un outil, la « Check-list Développement Durable ». Elle permet d’ opérationnaliser la RSE sous forme de critéres au prisme desquels le projet est analysé, au niveau de sa conception, de son lancement, de sa réalisation et de son suivi. D’un point de vue pédagogique, ce cas permet de comprendre 1a maniére dont une entreprise s’approprie la RSE en l’opérationnalisant pour faire évoluer les comportements et favoriser une prise de décision responsable. Le cas de Bureau Veritas explique, alors que I’intégrité de l’entreprise constitue sa survie en tant qu’entreprise certificatrice, comment faire face aux risques de corruption et aux fortes pressions pesant sur leurs salariés en charge de la certification. La problématique est d’autant plus complexe que I’ environnement est international, avec une forte hétérogénéité des réglementations, des pratiques et usages locaux. Pour ce faire, l’entreprise a développé des outils et pratiques destinés A diffuser son code éthique non seulement auprés de ses collaborateurs, mais aussi de ses autres parties prenantes, quel que soit leur environnement. D’un point de vue pédagogique, ce cas permet de comprendre les risques associés A une remise en cause de I’intégrité d’une entreprise, les pratiques innovantes permettant de diffuser des régles d’ éthique des affaires dans un contexte international et multiculturel, ainsi que de s’assurer de la conformité A ses valeurs. Le cas de Léa Nature permet d’ analyser une politique de mécénat environnemental et sa possible conjugaison avec la performance économique, a travers I’'exemple d’un mouvement mondial - 1% for the Planet - qui regroupe des entreprises désireuses @assumer leur part de responsabilité vis-a-vis de V’environnement. D” un point de vue pédagogique, les objectifs sont multiples : comment associer croissance économique et performance environnementale ? Comment intégrer les enjeux de développement durable dans son cceur de métier 7 Comment s’affine, au fil du temps, une politique RSE ? Comment choisir et soutenir ses partenaires associatifs ? Comment évaluer, sur le terrain, la bonne pratique et, par-la, réguler son mécénat environnemental ? 3.2 Dialoguer avec ses parties prenantes Le cas de Bouygues Construction montre comment les enjeux du développement durable peuvent constituer une opportunité de dialogue et de co-construction (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisis est un délit Introduction ; la RSE comme opportunité d'innovations innovations pour le secteur de la construction. Ainsi, le Groupe a initié le « Club ‘Construction Durable » qui permet, a la fois, de rechercher de nouvelles sources innovations et d’ anticipation des évolutions sociétales, et d’initier un dialogue ori- ginal et organisé avec ses partenaires clés. D’un point de vue pédagogique, ce cas permet de comprendre comment s’emparer des enjeux du développement durable ‘pour générer un avantage concurrentiel en anticipant, innovant et dialoguant avec ses partenaires clés. Le cas d’EDF montre comment une entreprise peut repenser sa relation aux terri- toires en accompagnant les acteurs locaux a la nécessaire mutation environnemen- tale de son activité, dans un contexte de concurrence exacerbée du secteur Snergétique. Les dispositifs permettant d’initier une approche par le développement Jocal communautaire, A travers l’'expétimentation « une riviére, un territoire », sont notamment explorés. D’un point de vue pédagogique, ce cas permet de comprendre comment définir les nouvelles priorités et de nouveaux enjeux d’ un secteur en cours de lib éralisation, les difficultés organisationnelles d’une multinationale quia besoin d’@tre proche de ses territoires, ainsi que 1a structuration et l’animation d’un dispo- sitif partenarial auprés des parties prenantes locales afin d’impulser une mutation environnementale a I’échelon le plus fin possible. Le cas de Marsh explique comment une entreprise peut s*emparer d’ un enjeu RSE que constitue 1a gestion efficace des déchets pour mobiliser non seulement ses sala- rigs, mais, au-delA, ses autres parties prenantes et, au premier chef, le gestionnaire des locaux qu’elle occupe et les autres locataires. D’un point de vue pédagogique, ‘ce cas permet de comprendre comment créer de la coopération intra et inter-organi- sationnelle 4 partir de la mise em oeuvre d'une politique RSE ; comment traduire ‘opérationnellement les valeurs responsables une entreprise ; il permet aussi d’ap- prchender la complexité d'une démarche de gestion des déchets qui implique diffé- Tentes parties prenantes. 3.3 Préserver ses ressources Le cas LVMH étudie la fagon dont la création de filigres ethnobotaniques, ados- sées & des organismes de recherche publics, permet A un grand Groupe du secteur des parfums et cosmétiques de se positionner en pionnier de la préservation de la Diodiversité, tout en sécurisant son acces aux matitres premitres stratégiques, notamment les ressources végétales. D’ un point de vue pédagogique, ce cas analyse ‘comment une entreprise peut adopter une stratégie proactive qui permet d’anticiper Jes enjeux de développement durable d’une filiére donnée ; d’adapter ses processus de production ; de gérer ses relations avec ses fournisseurs clés ; d’asseoir son enga- gement environnemental sur la recherche, avec des scientifiques « indépendants ». Le cas de Solvay expose la fagon dont une entreprise sécurise ses approvisionne- ments en terres rares pures (qui peuvent étre périodiquement contingentés, ce qui, to cas de RSE outre des difficultés d’approvisionnement, génére une instabilité des prix qui désor- ganise la filidre). Pour ce faire, l’entreprise s’est inspirée de la logique de I’ économie circulaire en recyclant les terres rares des ampoules basse consommation et des déchets qui constituent une « mine urbaine ». D'un point de vue pédagogique, ce cas permet de comprendre la complexité du marché intemational des terres rares ; des exemples innovants d’ économie circulaire dans une filire industrielle de haute techno- Jogie et comment ils ouvrent, dans une logique de développement durable, de nou- velles opportunités de développement. 3.4 Rendre compte auprés de ses parties prenantes Le cas de Fleury Michon explique comment une entreprise qui a ancré la RSE dans ses différents niveaux organisationnels (valeurs, mission et stratégie d’ activité) peut valoriser son engagement responsable sans tomber dans le « greenwashing ». Ainsi, il explore le dispositif « #venezverifier » comme une opportunité de valorisa- tion et de différen tiation d’un des produits emblématique de l’entreprise : le surimi. D'un point de vue pédagogique, ce cas permet de comprendre comment l'intégra- tion de la RSE dans la stratégie de ’entreprise peut faire évoluer son modéle écono- mique et plus particuligrement sa marque, comment se constmuit la démarche responsable et par quels moyens communiquer afin de la valoriser. Le cas de Rémy Cointreau retrace la construction d’un outil de gestion innovant de reporting RSE structuré et fiabilisé 4 l'image du reporting financier. Le cas détaille le fonctionnement de l’outil ; les étapes de sa construction et de son opéra- tionnalisation ; les conditions de sa réplicabilité ainsi que le risque de s’enfermer dans une RSE « réglementaire », voire « technique ». D'un point de vue pédago- gique, ce cas permet de comprendre les exigences de la loi Grenelle II quant au reporting extra-financier (réduire l’asymétrie d'information) ; comment émerge un outil de gestion ; comprendre les limites d’un reporting extra-financier quant & V'appropriation des enjeux de la RSE. 4 Originalité et utilisation des cas présentés 4.1 Originalité et parti pris Lobjectif de cet ouvrage est triple, 4 l'image de la philosophie de 'IRSI et des participants des RER, systématiquement composés d’ étudiants, de professionnels et de chercheurs : pédagogique pour les étudiants et leurs enseignants ; opérationnel pour les professionnels du développement durable ; terrain de recherche pour les académiques. Ene sens, nous avons pris le parti d’une structuration originale, différente d’un recueil d’études de cas « standard » avec des questions bien identifiées et des (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisis est un délit Introduction ; la RSE comme opportunité d'innovations réponses circonscrites. A travers les pratiques présentées dans ce livre, nous avons ‘voulu « amener le terrain sur le bureau » de I’étudiant, de l’enseignant-chercheur et du professionnel qui voudrait découvrir ce qui se fait dans des entreprises autres que Ja sienne. « Amener le terrain sur le bureau » n”est pas une expression neutre : il s’agit dele restituer sans le déformer, le simplifier, le réduire 4 quelques questions qui conduisent 4 une seule exploitation possible du cas, voire une seule interprétation possible d'une réalité donnée. « Amener le terrain sur le bureau » implique d’en ‘conserver toute la complexité, mais aussi toute la richesse. Pour ce faire, chaque cas a été rédigé par des enseignants-chercheurs en étroite interaction avec les profes- sionnels de l'entreprise & I’ origine eVou en charge de la pratique responsable inno- ‘vante. Les auteurs ont eu la charge de restituer le contexte en le déformant le moins possible afin que le lecteur puisse comprendre pourquoi et comment a émergé l'in- novation responsable sur le terrain, sa portée et ses inévitables limites. Ainsi, au-deld des dix-neuf auteurs, 1a richesse de cet ouvrage tient des trés nom- breux professionnels directement impliqués dans sa réalisation (of supra) et du caractiére original et innovant des pratiques présentées. Chaque cas est structuré de la méme maniére. Il débute par une fiche synthétique ‘qui présente la problématique en deux a trois lignes, le résumé, les principaux objec- tifs pédagogiques du cas (liste non limitative), les outils et/ou cadres théoriques mobilisés ainsi que les mots clés. Le cas en Iui-méme débute par une présentation de l’entreprise et son contexte (taille, CA, secteur d’activité, perspectives, enjeux « développement durable », politique RSE...). Puis, apparaissent les éléments qui permettent de comprendre I’émergence de la pratique innovante du cas (risque de corruption des certificateurs, dialogue difficile avec certaines parties prenantes, sécurisation des relations avec les fournisseurs, ‘besoin d’ instaurer une relation de confiance avec les consommateurs, etc.). Celle-ci est, ensuite, problématisée par les auteurs. Ilest important, ici, d’attirer I’ attention du lecteur qui doit avoir Al’esprit qu’il ne s’agit que de la proposition d’une problématique possible. La réalité est éminem- ‘ment complexe et peut étre apprchendée sous de multiples angles. De fait, « amener Je terrain sur le bureau » permet au lecteur qui le souhaite de s’intéresser & d’ autres problématiques possibles, car tous les principaux éléments sont restitués. Par ‘exemple, si l'on prend le cas de Rémy Cointreau od l'innovation est un outil de reporting extra-financier structuré et fiable, la problématique proposée est « com- ment émerge un outil de reporting extra-financier structurant et fiable et & quelles conditions peut-il etre efficacement déployé dans une organisation ? ». Selon V'inté- rét du lecteur, il est possible de lui en substituer une autre. Ainsi, l’enseignant en to cas de RSE 10 gestion des ressources humaines pourra aborder ce cas avec ses étudiants selon une problématique de type « un owtil de reporting extra-financier structuré et fiable permet-il un apprentissage organisationnel de la RSE ? ». L'étudiant intéressé par la gouvernance de l’entreprise pourra s’interroger sur la problématique « pour quelles raisons est-il utile/fnécessaire de se doter d'un outil de reporting extra-financier structuré et fiable ? ». Le professionnel qui envisage de mettre en place un outil similaire dans son entreprise optera pour la problématique suivante : « a quelles conditions, et avec quelles adaptations, l'outil de reporting extra-financier déployé au sein du Groupe Rémy Cointreau peut-il étre implémenié dans mon entreprise ? ». L’analyse de la pratique innovante qui est faite, par les auteurs, dans un dernier temps permet de répondre a la problématique posée, mais foumnit aussi les éléments nécessaires pour traiter les autres problématiques. Ainsi, si I’on conserve I’exemple du cas Rémy Cointreau, le professeur de GRH et ses étudiants trouveront des éé- ments sur le risque de s’enfermer dans une RSE « technique », voire « réglemen- taire ». L’étudiant en finance/gouvernance trouvera des éléments sur l’asymetrie information et le conflit d’agence qui en découle, entre la direction de l'entreprise et ses parties prenantes externes. Le professionnel pourra approfondir les éléments qui stipulent que I’outil est transférable efficacement uniquement auprés d’entre- prises ayant un certain niveau de maturité en matiére de RSE. Le parti pris est done clairement de tenter de restituer le plus complétement et le plus fid@lement possible la réalité de l’entreprise. Or, dans la réalité, il n’y a pas une problématique unique, ni une seule maniére d’appréhender le contexte. Chaque cas est multifacette. Cela constitue l’originalité et la richesse de ce recueil de cas. Cela explique aussi pourquoi chaque cas est directement suivi d’une analyse par les auteurs (qui rappelons-le, n”est qu’une proposition d’analyse parmi toutes celles possibles). Ainsi, le lecteur, professionnel, étudiant et, plus généralement, toute personne intéressée par la RSE comme vecteur de pratiques innovantes dans |’ entre prise peut lire de maniére autonome cet ouvrage car il a vocation a « s’auto-suffire » (I’analyse proposée par les auteurs est clairement explicitée et ne nécessite pas de se référer & d'autres travaux, méme si elle s’appuie sur de multiples articles et ouvrages). Toutefois, ce livre peut étre utilisé de manitre différente par l’enseignant, dans le cadre de ses cours. En effet, il est appelé A formuler ses propres questions et problé- matiques, indépendamment de celles proposées par les auteurs. Charge ensuite A ses &tudiants de trouver les éléments, présents dans le cas, pour y répondre. L’existence une analyse n’ empéche nullement les étudiants de devoir en recomposer une autre, adaptée au questionnement spécifique proposé par leur enseignant. Dune certaine maniére, chaque cas est une forme de puzzle qui peut étre recomposé a I’ envie pour former des images (i. ¢. des analyses) d'une méme réalité. L’enseignant est alors pleinement aux commandes pour guider ses étudiants dans l’analyse des différents «terrains amenés sur le bureau des étudiants » par I'entremise de ce livre. Introduction ; la RSE comme opportunité d'innovations Quel qu’il soit, nous souhaitons au lecteur autant d’intérét A la lecture de cet ‘ouvrage que nous en avons eu dans sa réalisation et souhaitons partager avec tous cette conviction profonde qui est la nétre, & savoir que les démarches responsables ne doivent pas étre percues comme des sources de cotits pour les entreprises, mais comme des opportunités d’innovation. Les dix exemples de pratiques responsables innovantes présentées sont 1A pour le prouver. Cet ouvrage est le fruit d’un travail collectif qui a impliqué plus de trente per- sonnes, enseignants-chercheurs et collaborateurs des entreprises citées en exemples, ainsi que Catherine Métier, assistante de l’IRSI, qui a contribué & I’ ouvrage par ses relectures attentives. Sans leur mobilisation A tous, il n’ existerait pas. Aussi, nous tenons a les remercier és chaleureusement. Bonne lecture a tous ! N O}l Tel ielarelieiae la RSE Air France Industries Frangois Petir et Nicole GorvEau He Présentation du cas La cheek-list des enjeux : un outil pragmatique intégrant la responsabilité sociétale dans la gestion des projets Problématique ‘Comment opérationnaliser et utiliser des critéres de responsabilité sociétale lors de la conception, du lancement, de la réalisation et du suivi de projets nouveaux ? Résumé Das 2010, Air France Industries s'est engagé a intégrer les lignes directrices de la responsabilité sociétale de I'ISO 26000 dans son systtme de management Lentreprise a souhaité la prise en compte des domaines de la responsabilité socié- tale a travers ses projets et ses affaires. C’est la raison pour laquelle Air France Industries a développé un premier outil pour les projets sous I’'appellation Checklist, Développement Durable, en 2013. Cette check-list, qui permet de mesurer I'impact de développement durable des projets, a fait l'objet de tests sur divers projets lancés par Air France Industries. Le retour d’expérience s'est montré trés positif. Afin = Partie 1 16 Opérationnaliser la RSE = d'accroitre la pertinence de l'outil, il est apparu essentiel de faire converger davan- tage les critéres business & ceux du développement durable dans une analyse beau- coup plus globale du projet appelée Checklist des Enjeux. Objectif © Connaitre et comprendre le cheminement d’une entreprise qui cherche a opéra- tionnaliser la responsabilité sociétale (selon ISO 26000) dans ses projets et affaires. * Montrer Vintérat de la démarche, de la pesée des enjeux (que permet la Checklist des Enjeux), des résultats de l'analyse pour les chefs de projet et la prise de déci- sion de lentreprise. * Réfléchir aux différents avantages de la démarche d’Air France Industries congue comme un levier d’évolution des comportements de responsabilité sociétale au sein de l'entreprise. Outils/cadres théoriques * Grille de criticité (Analyse d'impacts négatifs et positifs) * Apprentissage organisationnel Mots-clés 1SO 26000, Projet, Mesure de I'impact, Checklist DD, Checklist des Enjeux. 1 Présentation del’entreprise et de ses enjeux de développement durable 1.1 Air France KLM : 1Groupe, 7 marques Les compagnies aériennes Air France et KLM et leurs filiales appartiennent depuis 2004, au Groupe Air France KLM. Avec ses sept marques — Air France, KLM, Tran- savia, HOP!, Air France KLM Cargo, AFI KLM E&M, Servair -, le Groupea réalisé en 2014 un chiffre d'affaires de 25,4 milliards d’euros avec ses activités passagers, fret, maintenance et autres, ~ activité lige au transport de passagers représente 80 % du chiffre d’ affaires du Groupe. Les vols réguliers opérés par les compagnies de son réseau Air France, KLM, HOP! et Transavia (marque de l’activité low-cost) ont permis de transporter 87,4 millions de passagers en 2014. ‘Avec plus de 120 destinations long courrier, les passagers bénéficient du réseau le plus étendu entre I’Europe et le reste du monde. Les hubs de Paris-Charles de Gaulle et d’Amsterdam-Schiphol figurent parmi les quatre aéroports les plus importants en Europe. Plus de 1 500 correspondances différentes en moins de deux heures sont organisées tous les jours & Paris-Charles de Gaulle. (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisis est un délit Air France Industries = Cas 1 De plus, I’alliance mondiale SkyTeam, fondée en 2000 par Air France, Delta et Korean Air et composée aujourd’hui de 20 membres!, propose aux clients prés de 16 300 vols quotidiens vers plus de 1 000 destinations dans 177 pays. Son offre de services globaux intégre entre autre le programme de fidélité Flying Blue. L’activité fret sous la marque Air France KLM Cargo est la deuxitme acti- vité du Groupe et représente 10,8 % du chiffre d'affaires. Les 9,8 millions de tonnes-kilometre transportés l’ont été dans les soutes de ses avions passagers et sa flotte tout cargo, sur un réseau comportant 231 destinations dans 103 pays. -La maintenance, troisitme métier du Groupe (5 % du chiffre d'affaires), se positionne sur le marché de I’ entretien aéronautique, au deuxidme rang mondial parmi les acteurs multi-produits. AFI KLM E&M composé d’ Air France Industries et de KLM Engineering & Maintenance (E&M) a réalisé un chiffre d’ affaires de 1,3 milliard d’euros et a pour mission d’assurer un support de maintenance de qualité aux flottes des compagnies méres et & celles de ses compagnies clientes. Afin d’ offrir & ses clients des services de maintenance préventive et curative, AFI KLM E&M est structurée en trois activités principales : 1a maintenance des moteurs, le support des équipements (Electronique, mécanique, pneumatique, hydraulique...) dont les stocks sont disponibles sur son réseau mondial, et Ventretien cellules avions subdivisé pour répondre aux besoins de support d'exploitation (visite quotidienne du fonctionnement de I’avion et de sa struc- ture), de grande visite (démontage et inspection compléte de l’avion), de modi- fication et aménagement de cabines. En 2014-2015, les activités d’a¢rostructures, historiquement basées au Bourget, ont été transférées dans la nouvelle usine appelée Hélios, basée a Roissy Charles-de-Gaulle, pour répondre aux besoins de réparation des parties composites grandissantes des avions de nouvelle génération. Les 14 000 salariés d’AFI KLM E&M sont répartis sur les sites de Roissy- Charles-de-Gaulle, Orly, Villeneuve-le-Roi, Toulouse et Schiphol aux Pays-Bas. Pour réaliser toutes ces opérations de maintenance, AFI KLM E&M dispose des agréments par continent (EASA pour I’Europe, FAA Amériques, CAAC Asie). Air France Industries s’ appuie sur 1’ audit annuel de son syst¢me de management intégré (SMI) pour maintenir la certification unique sur les normes internatio- nales (ISO 9001 [EN 9100], ISO 14001, ISO 15489, ISO 22000 et depuis 2010, 1’évaluation de la norme ISO 26000). I 1. Les 20 membres de Ialliance sont Aéroflot, Aérolineas Argentinas, Aeromexico, Air Europa, Air France, Alitalia, China Southern, China, Eastem, China Airlines, Czech Airlines, Delta, Garuda Indonesia, KLM, Kenya ‘Airways, Korean Air, MEA Middle East Airlines, Saudia, TAROM, Vietnam Airlines et Xiamen Air. Partie 1 18 Opérationnaliser la RSE 1.2 Les enjeux développement durable d’Air France KLM et la contribution d’Air France Industries En 1996, Air France a édité son premier rapport environnemental, puis en 2005 avec KLM le premier rapport développement durable. C’est donc un engagement de longue date, en faveur du respect de I’environnement, de I’équité sociale ou du développement local, qu’Air France KLM a exprimé dans sa déclaration de responsabilité sociétale d'entreprise signée en 2006. «Air France-KLM se mobilise pour construire le voyage de demain. Un voyage que nous voulons attentionné, innovant et responsable. » Alexandre de Juniac, président-directeur général Air France-KLM (Rapport développement durable, 2014) En terme d’enjeux de développement durable, le Groupe Air France KLM, s’engage a: — réduire ses impacts environnementaux en optimisant les opérations, en innovant avec la supply-chain et en mobilisant tous les personnels et I’ensemble de Vindustrie ; — promouvoir une politique sociale responsable et encourager le développement personnel pour garantir la motivation et le professionnalisme des salariés ; — prendre en compte les enjeux du développement durable tout au long de 1a chaine de service pour offrir aux clients des produits et services innovants et responsables ; — contribuer au développement économique et social des territoires od le Groupe est présent. Ses engagements sont traduits dans deux plans d’actions appelés « Air France ‘Takes Care » et « KLM Takes Care », adaptés aux particularités des deux compagnies et leurs pays. Air France Industries (AFI) apporte sa contribution aux engagements pris par le Groupe dans les trois domaines suivants. {Environnement AFI met tout en oeuvre pour réduire I’ impact de ses activités sur I"environnement et contribuer aI’ efficacité énergétique des avions du Groupe, comme I'utilisation de la technique du lavage des moteurs ou bien celle du chiffonnage des avions, qui diminuent non seulement les consommations de carburant, mais aussi les émissions de CO,. De plus, les énergies consommées par les nombreux hangars et batiments sont suivies de prés afin de détecter tout type de panne pouvant générer des surconsommations. De par ses activités de maintenance, AFI génére un nombre important de déchets qu'elle trie de manitre rigoureuse avec le support de ses salariés. Les déchets dangereux sont traités selon les exigences réglementaires. Quant aux déchets non dangereux, ils sont soit recyclés, soit transformés. (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisis est un délit Air France Industries Ainsi, les pices avions ou moteurs dont AFI n'a pas besoin et dont I’état d’usage est conforme (appelé servicable) sont vendues avec leurs certificats sur le marché des pitces détachées aéronautiques. Pour les pitces hors d’usage (unservicable) comme par exemple les pices en superalliages des moteurs (titane, nickel...), elles sont vendues pour étre recyclées par un collecteur spécialisé dans I’ aéronautique. ‘C'est une économie circulaire qui a été mise place depuis de nombreuses années, AFI revalorise d’autres déchets non dangereux, en leur donnant une seconde vie. Par exemple les gilets de sauvetage dont la date d’ utilisation est arrivée 4 échéance sont transformés par une entreprise du secteur adapté en trousses revendues dans les ‘boutiques Air France, en vol et par Internet. © Social ‘Au regard de son activité de maintenance aéronautique, et vis-a-vis des mécani- ciens et techniciens, et autres fonctions, la santé sécurité au travail (SST) est trés importante pour AFI. Ainsi, elle s’assure du port des équipements de protection individuel (EPI) par son personnel et ses visiteurs dans les zones identifiées, sollicite des ergonomes pour améliorer I’ ergonomie des postes de travail ou encore invite ses Equipes a” usage de la méthode japonaise des 5S! afin d’avoir un environnement de travail bien rangé et propre pour prévenir tout accident du travail. AFI accueille chaque année plus de 400 apprentis, mécaniciens, logisticiens, ou fonctions support. En fin d’ apprentissage, les jeunes ont acquis une expérience qui Jeur permet soit d’étre recrutés chez AFI, soit d’étre accompagnés par AFI dans la techerche de postes disponibles dans les entreprises du secteur. ©) Gouvernance Liinnovation fait partie de la culture et de ' ADN d’AFI. La démarche d’innova- tion participative (DIP), encourage les salariés A proposer des idées de 1a plus simple Ala plus complexe, dans les domaines techniques ou de bureau. Depuis plus de -vingt ans, plus de 100 000 idées ont été émises par les salariés d’ AFI, générant ainsi des économies de 10 & 15 millions d’euros en moyenne par an. AFI KLM E&M implémente des innovations technologiques, porteuses de valeur ajoutée. Développées pour elles-mémes, elles sont proposées dans le portfolio de solutions offertes a ses clients afin de leur permettre de bénéficier de ses innovations générattices de performance. Par exemple, le lavage des moteurs, ou encore le chif- fonnage avion pendant les interventions de maintenance afin d’optimiser le temps immobilisation de l’avion. Un autre exemple est celui de l’usine Constellation & ‘Orly, dont le processus de maintenance des moteurs suspendus est le seul, dans le monde, aménagé par un opérateur de maintenance aéronautique. Cette usine permet 1. Les 5S signifient : Seeri (débarrasser), Seiton (ranger), Seiso (nettoyer), Sefketsu (standardiser), Shitsuke \implifier) Cast 19 Partie 1 20 Opérationnaliser la RSE le démontage des plus gros moteurs existants & ce jour : le GE 90 (General Electric) et le GP 7200 (Engine Alliance — co-entreprise entre GE et Safran) ; ou encore T'usine Helios pour la réparation d’aérostructures (composites ou non). AFI a aneré le développement durable dans ses processus. Chacun d’eux connait ses domaines d'action et s’engage 4 court et moyen terme a développer des opérations bien ciblées. Le processus a identifié ses parties prenantes, qu’elles soient internes ou externes et parmi elles, les plus importantes pour sa réalisation. Liintégration du développement durable dans les processus permet une meilleure appropriation, elle se fait au rythme de la réalisation du processus. 2 Problématique et présentation de la bonne pratique responsable 2.1 La problématique du cas AFI AFI intervient dans un secteur mondialisé oi l’impact réglementaire est majeur et ot les évolutions dans les domaines li¢s a la sécurité et 4 la qualité évoluent tous les jours. Afin de maintenir sa compétitivité et sa position de leader dans son secteur activité, AFI se doit d’ étre a la pointe, d’innover, de se différencier en permanence. Lentreprise répond & ses défis A travers une stratégie intégrant les exigences et devoirs d’une démarche de développement durable : c’est-2-dire qu’elle congoit la responsabilité sociétale comme un levier de performance qu’elle intégre dans sa politique et met ainsi en ceuvre des opérations conerétes. Comme I’ indique Nicole Goineau, responsable développement durable au sein @AFI ; « AFI a toujours contribué a la démarche développement durable (DD) du Groupe. Aussi en 2010, tel un laboratoire de R&D, elle s'est engagée a intégrer les lignes directrices de la responsabilité sociétale (RS) de U'1SO 26000 dans son sys- tome de management intégré. Ce rapprochement business-RS est pragmatique ; chaque processus du systéme de management s'est approprié les domaines d’ actions liés @ la réalisation de son processus. Cette intégration leur a permis de mieux com- prendre les enjeux de la responsabilité sociétale, de les mettre en euvre et ainsi d'innover pour la satisfaction de nos clients et autres parties prenantes ». Au-dela de I’intégration de la responsabilité sociétale dans son systtme de mana- gement par processus, AFI, a souhaité poursuivre I opérationnalisation de sa poli- tique de responsabilité sociétale dans la prise en compte de ces domaines dans ses projets et affaires. Une affaire est liée 4 I’ achat d’un matériel (matériel au sol type machine, échelle, etc.), alors que 1a dénomination d’un projet est réservée a 1a révi- sion d’un processus, associé des investissements importants (exemple : un nouveau batiment industriel), ou 4 la création d’un produit ou service. AFI souléve donc un probléme fondamental et trés peu traité jusqu’ alors dans les démarches de responsabilité sociétale : (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisée est un délit Air France Industries Comment intégrer la responsabilité sociétale dans ses projets et affaires, en respectant les lignes directrices de l'ISO 26000 ? Le cas d’ AFI souléve une problématique reliant sa démarche de développement durable (DD) et son application aux affaires et projets conduits par l’entreprise. La question posée est celle de l’opérationnalisation et l'utilisation de critéres DD Jors de la conception, du lancement, de la réalisation et du suivi de projets nou- ‘veaux. Cette « décentralisation » de la responsabilité sociétale s'inscrit dans école cultu- relle amorcée par Tom Peters, et confortée en France par Hervé Serieyx (1991) dés les années 1990 ; elle implique des valeurs communes qui doivent se refléter dans la performance recherchée par I’entreprise dans ses opérations et projets. La réponse a la problématique posée peut permettre a AFI de montrer son avance par rapport a ses concurrents en la matiére, elle pourrait aussi constituer un facteur impor- tant d'innovation pour AFI. La démarche DD d’AFI en serait enrichie et les résultats obtenus pourraient répondre aussi bien aux questions des auditeurs tiers qu’d la communication aupres de parties prenantes (PP) toujours avides de nouvelles demandes dans le domaine de la responsabilité sociétale, en particulier les clients. En effet, leurs exigences deviennent chaque jour plus pressantes et, de plus, elles se généralisent, comme le souligne Nicole Goineau : « Nos compagnies aériennes clientes “Responsables” nous adressent des questionnaires RSE @ compléter afin. de s'assurer que leur four- nisseur, en U'occurrence AFI, est respectueux de l'environnement, a un comporte- ment éthique et responsable... ». Problématique Comment opérationnaliser et utiliser des critéres de responsabilité sociétale lors de la conception, du lancement, de la réalisation et du suivi de projets nouveaux ? Questionnements associés 1. Comment mesurer Iimpact DD: dans les actions et projets menés par AFI? 2. Quels seraient les objectifs et résultats attendus dun tel dispositif de mesure ? 3. Quel serait le contenu de ce dispositif de mesure des impacts DD dans un projet ? 4. Avec qui construire ce dispositif ? 5. Quelles difficultés et quels écueils peut-on a priori identifier pour la mise en ceuvre effective d’un tel dispositif au sein de l'entreprise ? 6. Quels avantages 4 court et moyen terme attendre de ce dispositif ? Cast 21 Partie 1 22 Opérationnaliser la RSE Une solution d'intégration de la responsabilité sociétale, pour les projets et affaires, faciliterait la diffusion du développement durable auprés des chefs de pro- jet, plus directement intéressés par les aspects techniques et budgétaires dun projet, que par ses impacts sociétaux et environnementaux, en régle générale. Le but recher- ché, in fine, serait de permettre la prise en compte de la responsabilité sociétale, de maniére transversale, dans toutes les opérations. 2.2 LaCheck-list DD sles « impacts DD » sur les projets et les affaires Pour répondre & cette problématique, comme évoqué précédemment, AFI s’est appuyé sur les domaines d’action de la nonme internationale ISO 26000, considérée aujourd’ hui comme le référentiel de déploiement d’une démarche de responsabilité sociétale le plus abouti au niveau intemational. Ainsi en 2010, I’entreprise a choisi d’étre évaluée par un organisme d’ audit externe : Bureau Veritas Certification (avec la méthode CAP 26000). Puis la contribution au développement durable d’AFI a été €valuée 4 nouveau en 2012 et 2014. Dés 2010, Bureau Veritas Certification avait deman dé & AFL: « Comment mesurez-vous l’impact DD dans les actions menées par votre entreprise ? » C’est la raison pour laquelle, AFI a développé un premier outil de mesure pour les affaires. Ce dernier, lors de sa présentation d’audit de 2012, a regu les encourage- ments de l’organisme certificateur, 4 étendre cette pratique & l'ensemble des projets. Ainsi, progressivement, cet outil a évolué et a été déployé pour les projets AFI sous l'appellation « Check-list DD », en 2013. Lobjectif de cette Check-list DD est de permettre la mesure des impacts DD sur les projets et les affaires d”AFI. Sous la forme d’une matrice, dont les themes reprennent les trois composantes du développement durable : Environnement, Social et Gouvernance, dont chacune s’appuie en grande partie sur les domaines d'action de 1'ISO 26000 (voir tableau 1 ci-dessous). Les thémes : — environnementaux concement entre autres : I’eau, les hydrocarbures, les bruits et odeurs, les Emissions A effets de serre, les déchets, I’écoconception, la biodiversité ; — sociétaux regroupent ’hygiéne, la santé et sécurité au travail, l'emploi et la diversité, le développement du capital humain, mais aussi des thémes trés sen- sibles dans ce secteur d’activité comme la sfireté (des personnes) ; = de gouvemance rassemblent : I’économie, l’innovation, les parties prenantes, les achats responsables, les clients (y compris les clients finaux et I’éthique dans les affaires), les communautés et le développement local, ainsi que la sireté (des moyens). Quand de nouveaux projets (ou affaires) sont aI" étude et nécessitent une décision de « Go, no Go », seuls les chefs de projet qui connaissent bien le terrain et les données et informations liées aux projets, ont la capacité de répondre a la question suivante : « Votre projet va-t-il avoir un impact positif ou négatif sur... ? » (voir tableau 1.1). (© Dunad ~ Toute reproduction non autorisée est un délit Air France Industries = Cas1 ‘Tableau 1.1 -Critéres de la Check-list DD (synthése) Eau Hydrocarbures (uel, gaz...) Electric Bruits et edeurs: pollutions internes et externes Autres: ‘Composés organiques volatiles (COV) co, Emissions a effets de serre/ compensation a effet carbone Autres Rejets aqueux [Déchets industriels dangereux (DID) ‘Déchets industries bana ux (DIB) Autres Ecoconception Biodiversté Autres ‘Accident du travail Pénibilité (diminution des toubles musculo-squeletiques (TMS)) “Transport du personnel et accessibilié du site ‘Accs handicapés/adaptabilité Autres EG ee “Maintien ou développement de Vactivité (erployabilié) Développement des compétences Emploi CAT (handicapés) Situation géographique du fournisseur ‘Développement des technologies, accbs 3 la technologie ‘Développement des performances Autres Intégration des critres DD dans la sélection des fournisseurs| ‘Mesure des impacts DD dans le cofit global de Vachat Autres 23 Partie 1 24 Opérationnaliser la RSE La cotation des impacts, réalisée par le chef de projet, repose sur une échelle en quatre niveaux négatifs (notation de 4 1), mais aussi 4 niveaux positifs et un niveau qualifié d’insignifiant. La qualification des niveaux négatifs est la suivante : Majeur = — 4, Important = — 3 ; Modéré = — 2; Mineur =~ 1 ; Insignifian| De la méme maniére, la qualification des niveaux positifs est la suivante : Mineur = 1 ; Modéré = 2 ; Important = 3 ; Majeur = 4 Il est 4 noter que ce type de cotation et cette maniére de procéder sont trés clas- siques dans un milieu d’ingénieurs (cas AFI). On retrouve ici !’ approche de manage- ment des risques qui est applicable a toutes les questions centrales de I’ ISO 26000. La derniére colonne de la Check-list DD, intitulée « commentaires », permet une explication de la cotation foumie. La matrice Excel des impacts DD caleule immé- diatement un résultat final global qui reprend l’ensemble des cotations, positives ou négatives, établies par le chef de projet sur chaque item et réalise instantanément la sommation. Ce résultat chiffré présente un avantage majeur : celui d’illustrer et de donner une premiére appréciation sur les impacts DD du projet — tous crittres DD. confondus — ; l’outil est done particuligrement performant pour une premiére approche concemant ’utilisation de ces critéres dans les affaires et les projets, selon les lignes directrices de ' ISO 26000. Comme tout modéle de ce type, il présente certaines limites théoriques dans l'interpré- tation du résultat final. Elles sont dues essentiellement ~ une subjectivité de la notation, qu’il est impossible de gommer totalement ; ~ Vutilisation d’une échelle de Likert qui « linéarise » la « fonction niveau » (les écarts sont supposés étre les mémes entre chaque niveau) ; — une pondération des critéres utilisés en fonction de l'importance donnée a chacun dentre eux, quill resterait & établir, éventuellement. Cet outil permet donc d’intégrer la démarche DD 4 la racine, de ’ ancrer dans la durée et de conforter la crédibilité (Francois Sybille et Elisabeth Vanhecke, 2013) de la démarche auprés des salariés et autres parties prenantes. Il permet aussi de mesurer l'impact DD des projets, «identifier, ceux dont ’impact est négatif, et dans ce cas lancer une étude pour réduire l’impact, et ceux dont I"impact est positif. Cette check-list révéle aux chefs de projet des sujets qu’ils n’auraient pas couverts, ou traités. Comme I’ explique Nicole Goineau, « nous sommes dans un environnement lié a la responsabilité sociétale, donc dans une approche holistique oi un impact positif dans un theme peut avoir une répercussion négative dans un autre. Le chef de projet obtient avec la check-list une lecture directe, visuelle qui lui permet d’effectuer cet exercice ». (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisis est un délit Air France Industries = Cas 1 Les projets sont suivis jusqu’a leur terme et selon les principaux jalons suivants : — accompagnement du chef de projet dans la démarche (coaching par des experts : déchets, SST, contr6leurs de gestion, etc.) ; — état des lieux, tel une photo (mesure ex-ante) ; — identification des enjeux/objectifs et définition des indicateurs correspondants ; — mesure des résultats fournis par la démarche DD a différentes étapes du projet ; —en fin de projet, analyse ex-post, retours d’expétiences, bénéfices apportés et points d’amélioration ; communication sur la valeur ajoutée apportée par la prise en compte de critres DD auprés des salariés afin de créer une dynamique ; —dans le cadre de la redevabilité et la transparence de 1a norme, ces réalisations expriment, preuves A I’appui, I'efficacité et la performance de la démarche. Le plus remarquable est que l'outil représente potentiellement un vecteur particulié- rement percutant pour I'appropriation de la responsabilité sociétale par des cadres opérationnels. Il permet : © d’échapper & la « moralisation » du développement durable ; * dese sortir de la compilation des exigences ; * des‘éloigner d'un modéle coercitif de la responsabilité sociétale (avec des outils de gestion qui contraignent les comportements) ; * de passer a des modéles plus mimétiques qui favorisent 1a mise en place de processus d’apprentissage et de créativité des acteurs et qui conduit inéluctablement 3 adaptation progressive des comportements. Par ailleurs, grace la Checklist DD, et parce que le chef de projet dispose alors de Vinformation, la séparation classique des niveaux stratégique et opérationnel, ott la Direction pilote et les opérationnels agissent, explose. Cette check-list positionne le chef de projet comme partie prenante sociale, sociétale et environnementale sur son territoire et dans sa mission. Elle élargit le champ de ses responsabilités. La responsa- bilité devient progressivement plus collective, affaire apres affaire, projet aprés projet. Elle prend en compte et respecte une finalité commune qui s'appuie sur les principes de la norme ISO 26000 Enfin, la mise en ceuvre de l'outil aboutit a enrichir et cultiver le réseau interne pour repérer des interlocuteurs motivés par le développement des actions de responsabilité sociétale au sein de l'entrep rise. Finalement, comme V’explique encore Nicole Goineau, « nous savons bien que mettre en ceuvre des pratiques est plus long quand on les intégre via les processus. Un projet est une rupture dans l’espace-temps, il permet de réduire le délai de mise en eure. Ainsi, déployer les dimensions de la responsabilité sociérale via un projet est un tres bon moyen pour favoriser et aecélérer la mise en place des bonnes pratiques d la racine! » Telle qu'elle est congue, la Check-list DD est un dispositif de mesure qui doit faire ses preuves, montrer son utilité et son intérét auprés des principaux intéressés : les chefs de projet et leurs projets. 25 Partie 1 = Opérationnaliser la RSE 23 Tests d’utilisation de la Check-list DD et retours d’expériences ‘Avant de valider et éventuellement de systématiser I’utilisation de ce nouvel outil de mesure, la Check-list DD a fait l'objet de tests sur divers projets lancés par AFI. EXEMPLES NEOLOG 2013 Objectif du projet : Améliorer Ia performance opérationnelle du Centre Logistique de Roissy (CLR). Ce projet consiste en une restructuration & tous les niveaux : réorganisation des flux, réduction trés significative du temps de transit des équipements, réaménagement du biti- ment ; la check-list a révélé des impacts en SST qui ont permis de travailler sur’ amélio- ration des conditions de travail en faisant intervenir une ergonome (ex. : révision de I"éclairage, tables inclinables /élévatrices pour la manipulation des colis de toutes tailles). Grace aux innovations intégrées, le projet a répondu aux besoins des clients en réduisant de manitre conséquente le temps de traitement (Turn Around Time, TAT). Un exemple type de fusion entre le business et le développement durable | HELIOS 2014 Objectif du projet : l'aérostructure est considérée comme un axe stratégique de dévelop- pement, aussi a-t-il été mis en lumiére l’importance de construire une nouvelle infrastruc- ‘ture pour héberger les personnels et matériels pour répondre aux attentes du marché. De nombreux enjeux liés A la responsabilité sociétale ont été identifiés dans le projet Hélios, lancé en 2013 : I’ amélioration de la performance en préparant la réponse aux besoins du marché, la qualité de vie au travail en concevant un batiment adapté pour les, personnels internes et sous-traitants, l'impact sur l'environnement (batiment HQE, traitement des déchets, accessibilité au site), la Santé-sécurité au travail (SST) via Vergonomie des postes de travail, I’ écoute des clients et autres parties prenantes (ex. les collectivités territoriales), la recherche et l'innovation pour améliorer 1a qualité et effi- cience des réparations composites, etc. L'impact financier est important avec un inves- tissement conséquent de plusieurs dizaines de millions d’euros. Pour un projet de cet ordre les enjeux sont importants ! Les résultats de ces tests ont été probants. Les chefs de projet ont exprimé une appréciation positive sur l’outil ; la check-list apporte une réelle valeur ajoutée, elle permet de couvrir un trés grand nombre de domaines. Le fait d’ utiliser l’échelle de la matrice des risques pour mesurer les impacts négatifs a été tres apprécié. La mesure d’ impacts positifs a été considérée comme un « plus ». La lecture de la grille permet d’identifier d’un coup d’ceil od se situent les enjeux et leurs interactions (approche holistique). Les chefs de projet ont mesuré leur projet pendant la phase de réalisation. Ils ont manifesté leur intérét pour que cet outil soit disponible en début de projet et son utilisation étendue & d'autres domaines pour les accompagner dans l’identification des enjeux. 26 (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisée est un délit Air France Industries Outre ce bilan trés positif, la mise en ceuvre de ce premier outil, par les chefs de projet, leur a permis également, 2 titre personnel, une réelle « prise de hauteur » au regard de leurs activités et actions professionnelles. Elle a conduit la plupart d’entre ‘eux A une prise de conscience de leurs respon sabilités et leurs engagements citoyens. Ce retour d’expérience a permis de dégager les attentes des chefs de projet et de déterminer des pistes d’amélioration pour promouvoir cet outil prometteur. Ace stade de 1a démarche d’intégration des principes et questions centrales de VISO 26000 dans l’analyse d’un projet (ou d’une affaire) les phases suivantes ont &t€ réalisées : — En 2011-2012, le recensement des sujets DD dans les projets, la pondération de leurs impacts selon des critéres DD et le développement d’une sensibilisation des chefs de projet & la responsabilité sociétale : — La période 2013-2014 s'est attachée & la eréation de 1a Check-list DD avec la par- ticipation des gestionnaires de référentiels et/ou experts des domaines, ainsi que des tests sur certains projets « Transform 2015 » (nom du plan de transformation de la compagnie ayant pour échéance 2015) et les résultats des retours d’expériences. Ces retours d’expériences vont finalement conduire 4 reconfigurer la présenta- tion et la forme des documents proposés : d’oil un enrichissement de l’outil avec V’laboration d’ une nouvelle check-list, celle des « enjeux » pour les projets et affaires. Cette nouvelle approche est essentielle pour une entreprise se voulant proactive en mati@re de développement durable, comme AFI, car l'entreprise doit prendre en compte, non seulement toutes les évolutions de son environnement global et des enjeux DD, mais les restituer et appréhender leurs impacts dans le cadre beaucoup plus large de la mise en ceuvre de la stratégie d’entreprise dans ses projets. Ce qui co- respond tout a fait & esprit et a la lettre de la responsabilité sociétale en général et de lanorme ISO 26000 en particulier. Dans cette perspective, AFI applique un principe d’amélioration continue et de recherche de performance de sa responsabilité sociétale qui va se baser sur I’« existant » (la politique AFI, les projets AFI, les processus et autres outils et référentiels AFI, etc.) 2.4 L’intégration d’un outil de mesure Check-list des Enjeux dans le modéle Dynamic d’ Air France Les raisons de I’intégration dans un modéle de gestion de projet d’Air France Afin d’accroitre la pertinence de l’outil, il est apparu essentiel de « parler business » dans une nouvelle mouture, plus globale, d’élargir les critéres utilisés et de s’attaquer aussi A une adaptation du langage employé, qui ne doit pas étre trop exclusivement centré sur le jargon du développement durable. Cast 27 Partie 1 28 Opérationnaliser la RSE Le rattachement 4 un dispositif Air France connu, apprécié, et déja exploité par les chefs de projet, est ce stade clairement envisagé. Cette intégration dans un modéle de gestion de projet déja utilisé par AFI, tel que « Dynamic », avait &té identifiée auparavant comme une piste & privilégier lors des tests de la Check-list DD. Le but recherché est de proposer un document plus attractif, plus complet pour les chefs de projet, qu’ils seraient susceptibles de s'approprier assez facilement car plus proche de leurs préoccupations immédiates sur les projets et leur sensibilité profes- sionnelle (budget, planning...). Ainsi, ils seraient plus « a I’aise » pour utiliser effi- cacement ce nouvel outil, pour analyser ex-ante les impacts, réaliser un « suivi » avec des actions correctives possibles, et examiner aussi ex post les différents aspects et résultats économiques, sociaux, sociétaux, environnementaux du projet. Les critéres DD sont done intégrés dans une analyse beaucoup plus globale. Afin d’étendre I'usage de cet outil et d’en comprendre tout de suite l'objectif, il a été décidé de remplacer l'appellation Check-list DD par Check-list des Enjeux et de Tintégrer dans le modéle Dynamic. 1 Les étapes de I'intégration dans le modéle Dynamic Dynamic est une méthode de gestion de projet développée par Air France. Elle regroupe plusieurs outils en fonction de la dimension du projet. Cette méthode est utilisée par tous les chefs de projet dans le cadre des plans Transform 2015 et Per- form 2020. Les principales étapes du modéle sont présentées dans la figure 1.1. arr pa Proposer Réaliser farsa) y-Odfinria ) —-Jimaginer des *Consteuite la) ~Séeuriser le Tlnserir la problématique solutions et solutionen déploiement | réussite du ‘etcalibrer choisifaplus) rope dela solution| projet dans le projet { aiaptee seas : la durée Figure 1.1 ~Principales étapes de Dynamic Dynamic dispose d’une liste de calibrage des enjeux mais pas d'outil pratique et pragmatique de mesure. Il est apparu naturellement logique, cohérent et efficace de développer le nouvel outil qu’est la Check-list des Enjeux enV’ intégrant dans les outils de Dynamic et en fusionnant la Check-list DD avec la liste existante de Dynamic. Afin d’aboutir & une Check-list des Enjeux, beaucoup plus évoluée, les étapes suivantes ont été planifiées sur 2014-2015 et 2016 : — recueil et analyse de tous les documents existants et utilisés par AFI (les référen- tiels, les normes, les supports de formation, les radars...) puis par les autres activités d’ Air France ; — élaboration de la grille d” analyse des enjeux ; — entretiens avec des experts et construction d’ un réseau d’experts au sein d’AFI : ~ préparation des fonctionnalités d’ un fichier Excel ; (© Dunod ~ Toute reproduction non autorisis est un délit Air France Industries —€laboration de fiches par domaine qui participent a la compréhension du domaine et ses enjeux ; — r€alisation d’ un mode d’emploi de base ; — intégration de I’ outil et des fiches sur les thématiques dans Dynamic ; — organisation de coaching pour l'utilisation de la grille et le développement de la connaissance du domaine avec l’appui d’un réseau d’ experts ; — préparation et facilitation du changement pour les cibles concernées (chefs de projet, commanditaire, direction...) et construction des outils de communication correspondants ; ~ enfin, l’identification des indicateurs pertinents reste a la main de expert du domaine et du chef de projet. La conception et la mise en ceuvre de I’outil qu’est la Checklist des Enjeux et notam- ment la détermination d’indicateurs de type extra-financier vont conduire a étendre le périmétre de la responsabilité d’Air France sur ses projets et affaires. Au-del3, les résul- tats de l'analyse peuvent permettre d'approcher l'équivalent d’un « pay-back » de la démarche de développement durable (Dubigeon, 2015) dans les projets d’AFI. IIs'agit dun « pay-back » qui irait au-dela de I'approche comptable et financiére classique et consisterait 4 évaluer une performance globale du projet (par exemple une action de formation dans le cadre d'un projet contribue a réduire le turn-over, et il est possible deen estimer le gain ; implantation d’un nouvel équipement énergétique va conduire optimiser la réduction de l'impact carbone, qui peut étre évaluée en euros en fonction lun prix de la tonne carbone). De méme que la performance financiére ne suffit pas & apprécier la performance dune entreprise (les investissements immatériels « R&D », formation, etc. dépassent aujourd'hui les investissements matériels dans les entreprises), la valeur apportée par une démarche de développement durable dans les projets et affaires, qui peut étre tan- gible ou non, existe bel et bien et se mesure par "impact du projet sur le « patrimoine » Commun au regard des parties prenantes. La Checklist des Enjeux peut constituer & cet égard un progres important dans I’évaluation de la performance d'un projet et un outil qui devrait permettre une avancée vers le développement soutenable. Des améliorations substantielles et permanentes de l'intégration de la responsabi- lité sociétale sont attendues a partir de cette nouvelle Check-list des Enjeux. Son utilisation devrait donner une impulsion significative pour une « pratique » beau- coup plus attractive de la responsabilité sociétale pour les chefs de projet et pour Ventreprise. Comme le souligne Nicole Goineau, « les entreprises responsables ne sont pas philanthropes ! Le fait d’identifier 'impact DD dans les projets et affaires permet d'en mesurer l'impact financier et ainsi de sensibiliser et rallier les per- ‘sonnes plus sensibles au “business”, a l'intérét de la démarche de responsabilité sociétale. Dans un premier temps le résultat obtenu est pergu comme un levier de performance économique mais dans un deuxidme temps il est percu comme un levier de performance sociale et environnementale pour la meilleure satisfaction de nos clients et autres parties prenantes. » Cast 29 Partie 1 30 Opérationnaliser la RSE A ce stade, il reste done A construire le contenu de la matrice pour donner une mesure concréte et plus globale des « enjeux » d’un projet. 25 Contenu de la Check-list des Enjeux pour les affaires et les projets Afin d’intégrer ensemble des attentes des chefs de projet, |’élaboration de la nouvelle check-list a été réalisée en collaboration avec le référent Dynamic d’ AFI, Olivier Baille (Coordination Projets - Référent Dynamic). Au-dela de son support sur le développement des graphes disponibles dans la Check-list des Enjeux, il a apporté son expertise sur les étapes projet de Dynamic, les pratiques des chefs de projet, le réseau d’experts d’AFI et d’ Air France. Lessentiel pour l’année 2015 est done d’élaborer le contenu de la Check-list des Enjeux et de réaliser son intégration dans Dynamic avec, en complément, la défini- tion d’une assistance 4 la « pesée des enjeux », la formation 41’utilisation du nouvel outil, ainsi que la mise en ceuvre des plans d'action d’accompagnement de la démarche. Le contenu de cette nouvelle check-list reposera sur difftérents crittres pour analy- ser ’intérét (ou non) d’ un projet. Il fera appel 4 une cotation des impacts positifs et négatifs des critéres retenus. La méthodologie de cotation est similaire a celle de la Check-list DD (cotation selon le niveau des impacts négatif's ou positifs). Les éléments de cette Check-list des Enjewx sont centrés sur des « domaines » qui eux-mémes sont développés par « métier » (passager/fret/maintenance) de Tentreprise, éléments stables et structurants. Ils reprennent une analyse selon les activités économiques, la production, les services, et des grandes fonctions de Tentreprise, mais aussi la position concurrentielle et la stratégie dans le cadre d’un projet. Les priorités retenues pour |’ analyse portent sur un socle de critéres clas- siques : retour sur investissement, impact sur la sécurité des personnes et des matériels, avantages concurrentiels générés, incidence sur 1a valorisation des hommes, impact sur l’organisation et son image, mais aussi des critéres complé- mentaires qui mettent I’ accent sur des priorités en terme de responsabilité socié- tale : impact sur les performances environnementales, emploi et diversité, Groupes vulnérables, conformité réglementaire et professionnelle, culture responsable. La spécificité de I’entreprise ressort naturellement sur des thé mes tels que 1a sécurité des vols, les services de maintenance aéronautiques, les produits et services pour les passagers et le fret. L’élaboration de ces « enjeux significatifs » qui garantit 1a cohérence et la perti- nence de l’approcke, s’ est appuyée sur les responsables de référentiels, les experts et les chefs de projet. A titre illustratif, on trouvera dans la figure 1.2 un extrait de la présentation de la Check-list des Enjeux. Cast Air France Industries. yee ound PERE PES eee ews, ne RAUaRS Bp 12 UES ap sHoURBeUEULapaUIRSKS NP SER andere 9p ae yes pungesudsa |p SSK USIP Sau] PSHE sSewaue sopnep ap FINS E> aoURFEUEULaP2URISKS MP SKE areyietunoop ounsevew np Se er ep ausundewewapauiistenp ore a SOM,RULION (eum eva strineuane sonbyrpds au as =p se sn Sout sou sURURAe SOE PSHE SN sebuey suause sO] =p SHEN sajeyuoworsey s9aun pe s9p‘gyU0}U0) e|9P SOA s9P 93895 E10p + 9UIEWOP 2} suep xnafua sap quaresas sjanb ‘nay sone z1enap 3eford 2} 1S Figure 1.2 ~ Check-list des Enjeux de la conformité des exigences (extrait) {Hipp un 3s9 ageuoyne wou uoRIMpoxdax aya}, ~ pound O) 31 Partie 1 32 Opérationnaliser la RSE Des colonnes complémentaires sont insérées dans l’outil Excel. Elles permettent de répertorier tous les documents et références associés & I’action ou au théme, mais surtout elles permettent de spécifier les (bons) contacts, les personnes res- sources (référents, experts) sur chacun des « domaines » traités ; ce qui facilite, €videmment, le travail du chef de projet, notamment en cas d’incertitude ou de difficulté de notation. A ce stade de l’intégration, 1a Check-list des Enjeux s’efforce de répondre aux enjeux sociétaux, sociaux et environnementaux en méme temps qu’a l’enjeu de performance économique. Le document final présente done différents champs séparés et segmentés, quand bien méme la notation finale est globale. Le langage utilisé s’appuie sur les concepts de performance économique, mais aussi de per- formance sociale, sociétale et environnementale. Ceci va permettre 4 AFI d’ancrer solidement sa légitimité en matiére de responsabilité sociétale sur les projets et affaires engagés. Afin de faciliter la lecture des résultats, des graphes sont automatiquement géné- rés (type « radar »). Ils permettent de mettre en valeur les enjeux importants du projet et facilitent la lecture de maniére holistique. Le graphe et ses commentaires associés sont « livrés » dans le dossier de qualification (a la fin de la phase de défi- nition du projet). Ce liveable devient un standard permettant la comparaison des projets entre eux et ainsi contribue & la prise décision du commanditaire ou de la Direction. Cette co-construction de la Checklist des Enjeux favorise appropriation de l'outil et contribue a la prise de conscience de la responsabilité sociétale au sein d Air France ; elle donne une belle opportunité pour apprendre « collectivement ». Elle encourage un management innovateur et plus participatif de la responsabilité sociétale. Elle concré- tise le rapprochement du business avec la responsabilité sociétale (PWC, 2010) ‘Comme des chefs de projet 'avaient déja mis en exergue lors des retours d’expériences relatifs & la Checklist DD, AFI est en capacité de développer encore davantage loutil pour mettre en place un systéme plus complexe qui permettra de gérer des relations dynamiques entre les différents « domaines ». Le chef de projet sera en mesure de se questionner sur les liens possibles a établir entre les différents indicateurs repartis en catégories : économiques, financiers, production et services, résultat opérationnel mais aussi déchets, CO,, fournisseurs, améliorations techniques. Tous ces indicateurs peuvent étre liés aux questions centrales de la norme ISO 26000 et sont interdépen- dants. II sera possible alors e’établir et de visualiser des liens pertinents entre des cligno- tants de nature différente en les croisant. Linformation facilitera la compréhension des conséquences des décisions sur les projets et sur ensemble de l'entreprise. AFI sera en mesure de développer un apprentissage, une capacité « collective » et d’atteindre les résultats désirés sur les projets. Cette derniére approche, ouverte & une dimension plus systémique (Senge, 1991) fait de la responsabilité sociétale appliquée aux projets un

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