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CONSEILS A� L'OFFICINE

Aide au suivi pharmaceutique et à


l'éducation thérapeutique du patient

LEMONDEDESPHARMACIENS

LEMONDEDESPHARMACIENS

#LemondedesPharm
Chez le même éditeur

Dans la collection Abrégés de Pharmacie :


Pharmacie galénique, par A. Le Hir, J.C. Chaumeil, D. Brossard, 9e édition, 2009,
400 pages.

La médication officinale, par R. Caquet, 2009, 216 pages.

Femme enceinte : conseils en officine, par C. Mautrait, 2008, 96 pages.

Le matériel de maintien à domicile, par J. Callanquin, C. Camuzeaux, P. Labrude,


4e édition, 2008, 360 pages.

Pharmacologie, par Y. Cohen, C. Jacquot, 6e édition, 2008, 512 pages.

Botanique, par F. Dupont, J.-L. Guignard, 14e édition, 2007, 304 pages.

Les champignons, par P. Bouchet, J.-L. Guignard, Y.-F. Pouchus, J. Villard, 2e édition,
2005, 208 pages.

Autres ouvrages :
140 ordonnances en homéopathie, par A. Sarembaud, 2008, 304 pages.

Guide de thérapeutique, par L. Perlemuter, G. Perlemuter, 5e édition, 2008, 2176 pages.

Guide du préparateur en pharmacie, par B. Charpentier, F. Hamon-Lorleac’h, A. Huard,


L. Ridoux, S. Chansellé, 3e edition, 2008, 1374 pages.

Pharmacie clinique et thérapeutique, par l’Association nationale des enseignants de


pharmacie clinique, F. Gimenez, 3e édition, 2008, 1344 pages.
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Préface à la cinquième
édition

Le pharmacien d’officine est-il un distributeur ou un dispensateur ? Le patient ne


fait pas toujours la différence. Pourquoi ? Parce que le pharmacien d’officine
délivre des produits qu’il ne fabrique plus, parce qu’il est rémunéré par une
marge commerciale sur le produit délivré, parce que son acte est discret et qu’il
ne laisse en l’état qu’une trace comptable.
Cette confusion autour de la dispensation égare le patient et parfois les pro-
fessionnels de santé eux-mêmes, sur la mission fondamentale de l’officine.
Ces interrogations sont par ailleurs confortées par les nouveaux visages de la
distribution : n’y procède-t-on pas aussi à des analyses profilées ? N’y donne-t-on
pas aussi des conseils personnalisés,
Comment le pharmacien d’officine ne pourrait-il pas se trouver parfois en
proie au doute quant à sa raison d’être à mesure qu’il passe « du mortier à
l’ordinateur » ?
L’ouvrage du professeur Belon éclaire de façon aussi pratique que magistrale,
sur ce qui, dans la pratique, fait la différence essentielle entre la distribution et la
dispensation : l’acte pharmaceutique.
Les facteurs (scientifiques, techniques, sociaux et économiques) de la pro-
fonde transformation de notre profession ont été présentés dans les précédentes
préfaces et sont maintenant bien connus. Ce qui l’est moins, c’est qu’en quel-
ques décennies, l’acte pharmaceutique a profondément changé de nature et de
signification juridique1.
Encore fallait-il que cette évolution fût concrètement perceptible à l’officine,
et que le pharmacien maîtrisa à la fois les connaissances scientifiques et néces-
saires ainsi que le processus de leur mise en œuvre.
Dans cette optique, la démarche scientifique du professeur Belon et celle,
déontologique de l’Ordre, convergent profondément. Il était en effet de la voca-
tion naturelle de l’Institution de réfléchir au nouvel exercice professionnel et de
le doter des outils d’assurance qualité appropriés.
Parmi ces outils figure l’opinion pharmaceutique. Elle permet l’expression et la
mémoire du processus intellectuel nourri par l’ouvrage du professeur Belon. Il ne
s’agit pas seulement d’assurer la trace ponctuelle d’un acte, mais de constituer
progressivement une mémoire au service d’une pratique officinale de la pharma-
cie clinique.
Les professionnels doivent en effet se préparer à un nouvel horizon : celui du
suivi pharmacothérapeutique qui conduira à l’approfondissement des actes et à
une gestion concertée des stratégies médicamenteuses en ville.

1
Cf. F. Megerlin : «L’acte pharmaceutique. Réflexion juridique pour une refondation
intellectuelle et éthique» - bull. de l’Ordre des Pharmaciens Les Nouvelles Pharmaceutiques,
trim. juillet 2002, n° 375, p. 273.
 Préface à la cinquième édition

Dans cette période de profonde évolution, cet ouvrage, destiné bien sûr aux
étudiants de 6e année et aux stagiaires en officine, est aussi indispensable à tous
les professionnels déjà en exercice.
Cet ouvrage s’impose d’autant plus quand le pharmacien est conduit à
conseiller un médicament non prescrit. Contre toutes les apparences, cette dis-
pensation n’est pas moins exigeante alors que la tentation est grande d’entrer
dans une logique de distribution. L’absence préalable de consultation médicale
et l’influence du marketing sont, a priori, des facteurs de risque sanitaires accrus.
Il entre dans la mission du pharmacien de les prévenir, par la pédagogie et
aussi par la décision. Cette prévention suppose donc une connaissance scientifi-
que appropriée et la pleine conscience d’une responsabilité décisionnelle.
À la différence de la distribution, la dispensation n’est pas nécessairement
pour objectif la vente d’un médicament accompagné de son mode d’emploi,
puisque dans certains cas, le devoir d’analyse et de conseil peut aller jusqu’au
refus de sa délivrance.
On prend alors conscience de l’exigence scientifique, morale et économique
de la profession.
L’acte qui n’est pas encore valorisé comme tel implique pour le patient des
réflexes de consommateur, faute de compréhension. Or, le pharmacien ne doit
pas lui être seulement agréable, il doit avant tout lui être utile. Ceci ne peut
résulter que d’un apport scientifique et humain et non uniquement d’un dis-
cours à visée commerciale. Il permet la confiance mutuelle entre pharmacien et
patient d’une part, entre pharmacien d’autre part.
Cet apport est aussi le gage d’une contribution évaluable à la santé publique
et la garantie de la notoriété locale de l’officine. Son développement devrait per-
mettre enfin au pharmacien d’échapper à une logique de distribution, et de
revaloriser ainsi intellectuellement, socialement et économiquement son acte.
Approfondir l’acte pharmaceutique au travers d’une prise en compte crois-
sante des caractéristiques personnelles du patient, tel est le beau défi lancé à la
profession.
Tel est aussi le défi que l’ouvrage du professeur Belon permet de relever avec
rigueur, humanité et succès.

H. Lepage
Vice-Président du Conseil central de l’Ordre des pharmaciens d’officine
Président de la Commission d’assurance qualité de l’officine
Préface à la première
édition

Le métier de pharmacien d’officine évolue constamment. L’exercice de la phar-


macie tel que nous l’avions connu dans nos jeunes années d’étudiant, d’interne
ou de remplaçant, n’est plus.
De nos jours le pharmacien est confronté à une situation plus complexe, plus
difficile, plus contraignante.
Les relations avec la Sécurité sociale, l’informatique de comptoir, bientôt,
peut-être, le devoir de substitution transforment totalement l’agencement offici-
nal, les obligations du pharmacien et de ses collaborateurs, la vie quotidienne à
l’égard du patient, du client, du fournisseur et de l’administration. Le pharma-
cien est devenu, en premier, un conseiller en santé publique, à l’écoute de sa
clientèle, le plus disponible possible, compte tenu des nombreuses tâches admi-
nistratives auxquelles il doit faire face.
Les médicaments sont toujours plus efficients, plus adaptés aux maladies et,
pourtant, plus délicats de maniement. La biodisponibilité, la chronobiologie
interviennent directement dans les modalités de la posologie. Les interactions
médicamenteuses retentissent sur les effets désirés.
Le pharmacien, lors de la délivrance du médicament, a en mémoire l’indica-
tion thérapeutique, les précautions d’emploi, les effets indésirables dont il doit
avertir le patient après lecture attentive de l’ordonnance du médecin.
Le pharmacien est amené à délivrer directement une importante série de
médicaments de prescription courante que les Américains désignent par le sigle
« OTC » (Over The Counter). Ces médicaments, d’usage fréquent, au profil théra-
peutique bien connu, à grande marge de sécurité, ne sont toutefois pas anodins
et doivent être délivrés avec toutes les garanties exigées des médicaments dits
« éthiques » (ethical).
Les études de pharmacie ont suivi l’évolution de la profession par l’introduc-
tion dans le cursus de cours de pharmacie clinique, de bonnes pratiques théra-
peutiques, par exemple, en plus d’enseignements déjà classiques de séméiologie
médicale ou de pharmacologie appliquée à la thérapeutique.
Il manquait à la collection des Abrégés de Pharmacie un ouvrage traitant de ces
nouvelles disciplines. Il fallait un auteur capable d’appréhender les nombreux
facteurs en cause et de maîtriser un sujet vaste et touffu. Jean-Paul Belon est cet
auteur complet : titulaire de trois doctorats, médecine, chimie structurale, scien-
ces pharmaceutiques, il est professeur de pharmacologie à la faculté de pharma-
cie de Dijon.
Le professeur Belon nous propose un manuel destiné aux étudiants de sixième
année, en stage à l’officine, et aux pharmaciens, assistants ou titulaires de leur
officine. Il souhaite former le jeune pharmacien dans son rôle d’informateur
et de conseiller, et lui apporter les connaissances utiles à la délivrance des
VI Préface à la première édition

médicaments-« conseils ». Il a aussi pour objectif de délimiter les fonctions du


pharmacien dans sa collaboration nécessaire, étroite et permanente avec le
médecin.
L’ouvrage est divisé en quatre parties : délivrance du médicament ; conseils
face à la pathologie ; conseils face à la thérapeutique ; urgence, soins et pré-
vention à l’officine.
Dans la première partie, l’auteur traite de la description médicale et de la posi-
tion du pharmacien vis-à-vis de cette prescription, destinée à l’adulte ou au
nourrisson, au jeune enfant, à la femme enceinte, au vieillard.
La deuxième partie reprend la classification séméiologique des maladies avec
des commentaires nés de la propre expérience du professeur Belon. L’auteur met
le pharmacien en situation, dans son officine, face à des questions touchant telle
ou telle pathologie, lui suggérant la prudence et l’incitant à conseiller la consul-
tation d’un médecin.
La troisième partie décrit la thérapeutique des maladies évoquées dans les
chapitres précédents puis s’écarte du schéma standard pour envisager les cas
spécifiques, du tabagisme, par exemple. Les conseils en thérapeutique sont asso-
ciés à des recommandations d’hygiène et de diététique.
La quatrième partie tire son originalité des conseils donnés au pharmacien
devant les cas d’urgence qui se présentent à l’officine : que faire devant un sai-
gnement de nez, un malaise soudain, une brûlure, une plaie ou encore une mor-
sure de serpent ? Quels sont les premiers soins que le pharmacien a le devoir de
donner avant la prise en charge par le service d’urgence médicale ? Dans cette
partie, le deuxième chapitre aborde les conseils face à la contraception, la pré-
vention des maladies sexuellement transmissibles, les conseils aux voyageurs,
entre autres. Un dernier chapitre recense les adresses utiles aux patients et à leur
famille et donne un bref glossaire des termes médicaux employés.
Le professeur Belon a fait de cet abrégé une œuvre indispensable à l’étudiant,
utile au pharmacien et, même, enrichissante pour le médecin généraliste, lequel
aura une vue directe des connaissances à l’officine. À l’heure où le dialogue
entre le pharmacien et le médecin devient le sujet de thèmes de formation
continue, cet ouvrage crée le lien unitaire.
Nous sommes persuadés que ce livre rencontrera un large succès mérité.

Professeur Yves Cohen


Doyen honoraire de la faculté de pharmacie
Université de Paris-Sud (Paris XI)
Préface à la troisième
édition

Le cursus préparant au diplôme de docteur en pharmacie est, de longue date,


marqué du sceau de l’académisme. Si cela est de nature à diversifier ses
débouchés au-delà de l’officine, cela ne prend pas suffisamment en compte l’ob-
jectif officinal, lequel concerne pourtant la très grande majorité des diplômés.
Au rythme où les disciplines juxtaposées dans ce cursus s’hypertrophient et se
font plus complexes, l’objectif officinal semble encore moins pris en compte.
Pourtant, dans la chaîne des acteurs de la santé, le maillon officinal est de plus
en plus sollicité : le droit de substitution d’un médicament prescrit par un autre
pourrait s’exercer dans une acceptation très large du terme autre ; les exonéra-
tions qui se multiplient élargissent à des molécules majeures, les médicaments
du conseil et de l’automédication ; l’hospitalisation à domicile, les réseaux ville-
hôpital, la délivrance à l’officine de médicaments jusqu’alors cantonnés à l’hô-
pital, eu égard aux pathologies qu’ils traitent ; la délivrance des agents de
substitution pour la prise en charge des toxicomanies aux opiacés… sont autant
de missions nouvelles dévolues à l’officinal. Elles participent à la valeur ajoutée
intellectuelle de l’acte pharmaceutique qui, cependant, reste essentiellement
concentré sur la délivrance de l’ordonnance et les conseils d’ordre thérapeutique
et hygiénodiététiques.
Le maillon officinal, ainsi très sollicité, doit être renforcé ; cela requiert du pra-
ticien officinal une solide formation en pharmacologie ainsi qu’en séméiologie-
pathologie. Pourtant, se limitant à cela, on risque de transformer nos étudiants
en ces albatros dont Ch. Baudelaire constatait que leurs ailes de géants (une
culture par trop fondamentale) les empêchent de marcher (c’est-à-dire, inhibent
leurs facultés opérationnelles). On a trop souvent le sentiment que la mise en
garde crée l’inhibition et qu’ainsi, le « primum non nocere », le « que ne pas
faire », l’emporte et efface le « ce qu’il convient de faire ». Pour pallier cette
déviance, aux effets trop souvent perceptibles, il faut aider l’étudiant à extraire
de la masse d’informations dispensées les éléments authentiquement utiles ; à
mobiliser, en situation, la connaissance indispensable et à acquérir certains
automatismes.
C’est à cet exercice difficile et important que s’est résolument attelé le profes-
seur J.-P. Belon dans son livre Conseils à l’officine. Il met au service de cette entre-
prise ses compétences de professeur de pharmacologie, de chercheur, ainsi que
sa culture médicale. Soucieux de coller au plus près à l’actualité, ce livre aborde
sa troisième édition ; celle-ci s’enrichit entre autres des substituts utilisables chez
les sujets dépendants aux opiacés.
L’attention consacrée à telle affection n’est pas mesurée à l’aune de sa fré-
quence ou de sa gravité, mais à l’importance qu’elle peut avoir de l’officine. Le
lecteur est ciblé : l’officinal ; l’objectif est clair et défini par le titre même de
l’ouvrage : Conseils à l’officine. Le message va à l’essentiel, sans diversion, mais
VIII Préface à la troisième édition

cependant sans simplification abusive. Le conseil est la quintessence d’une


culture ; celle, vaste, autant théorique que pratique, du professeur J.-P. Belon
permet ce distillat puissant et subtil dont va s’imprégner une génération d’offici-
naux, pour le plus grand profit de leur patientèle.

Professeur J. Costentin
Pharmacien, docteur en médecine, docteur ès sciences,
Président de l’Association des enseignants de pharmacologie
des facultés de pharmacie,
Directeur de l’unité de neuropsychopharmacologie
CNRS-URA 1969,
Membre de l’Académie nationale de pharmacie
Avant-propos

L’activité du pharmacien à l’officine ne se limite pas à la délivrance des médica-


ments sur prescription médicale, mais elle s’exerce aussi par l’information et la
prévention au niveau de la pathologie et au niveau de la conduite d’une théra-
peutique. La difficulté de cette fonction réside essentiellement dans la pondé-
ration et la qualité du conseil qui doit s’appuyer dans tous les cas sur les données
scientifiques (sémiologiques et pharmacologiques en particulier) acquises à
l’université.
Cet ouvrage a été conçu dans l’intention d’apporter au jeune pharmacien les
éléments fondamentaux nécessaires pour lui permettre de dispenser de façon
rationnelle et déontologique, les conseils appropriés aux circonstances auxquelles il
est confronté en pratique quotidienne. Les connaissances scientifiques et les règles
fondamentales liées à la délivrance des médicaments ont été brièvement rappelées
car elles sous-tendent les recommandations qui seront prodiguées face à la patho-
logie et face à la médication. Les maladies ont été sélectionnées en fonction de leur
mode de fréquence, de leur traitement ambulatoire et de l’importance des règles
hygiénodiététiques qui leur sont attachées ; c’est dans l’esprit d’un enseignement
pratique pour l’exercice officinal que les pathologies et leurs thérapeutiques ont été
décrites. Ces éléments devraient permettre à l’étudiant stagiaire (et au jeune phar-
macien) d’exercer ses compétences tant au niveau de l’information sémiologique
et de l’explication pharmacologique d’un traitement qu’au niveau de la prescrip-
tion à l’officine et des conseils de prévention. Dans le même esprit, certaines situa-
tions fréquentes d’urgence et de soins ont été décrites en précisant le conseil et la
conduite à tenir en regard des règles et des limites de l’acte professionnel.
Ce manuel a pour but d’aider le pharmacien à exercer son activité quoti-
dienne à l’officine, dans sa qualité de praticien de santé, en partenariat avec le
m����������������������������������������������
édecin et les autres professionnels de santé��.
Je remercie
�����������������������������
vivement le docteur François
��������� Pillon
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pour son aide à la révision de
certains chapitres de cette 7e édition.
���������

Je dédie ce livre à la mémoire du docteur Alain Renaud qui a su me faire par-


tager sa passion de l’écriture au service de l’enseignement et de la pédagogie.
Abréviations

* : un nom de spécialité suivi d’un astérisque (ex. : Doliprane*) indique qu’il s’agit
d’un médicament de médication officinale.

ad. adulte
AFSSAPS Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
AINS anti-inflammatoire non stéroïdien
AIS anti-inflammatoire stéroïdien
ANAES Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
ARA antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II
BPCO bronchopneumopathie chronique obstructive
CIVD coagulation intravasculaire disséminée (syndrome de)
cp. comprimé
COMT Catechol O Methyl Transferase
CSHPF Conseil supérieur d’hygiène publique de France
CSST Centre des soins spécialisés en toxicomanie
enf. enfant
EP œstroprogestatif
HAS Haute autorité de Santé
HPST loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la
santé et aux territoires
HTA hypertension artérielle
IC insuffisance cardiaque
IDM infarctus du myocarde
IEC inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I
IM intramusculaire (administration)
IMAO inhibiteur de la monoamine oxydase
IRC insuffisance respiratoire chronique
IV intraveineuse (administration)
MSO médicament de substitution des opiacés
MST maladie sexuellement transmissible
OAP œdème aigu du poumon
PA. d pression artérielle diastolique
PA. s pression artérielle systolique
PIH prescription initiale hospitalière
RCP résumé des caractéristiques du produit
RGO reflux gastro-œsophagien
RMO référence médicale opposable
SC sous-cutanée (administration)
SNC système nerveux central
XXIV Abréviations

sol buv solution buvable


supp suppositoire
TA tension artérielle
TDR trouble du rythme
VIH virus de l’immunodéficience humaine
VRS virus respiratoire syncitial
1 La prescription médicale

La dispensation du médicament est l’acte thérapeutique du pharmacien par


excellence. Cette activité fondamentale met en œuvre les connaissances acqui-
ses lors de sa formation universitaire, en particulier ses connaissances en théra-
peutique, en pharmacie clinique et en pharmacologie qu’il doit régulièrement
réactualiser.
Face à la prescription médicale, le pharmacien doit constamment avoir un esprit
d’analyse lui permettant : de vérifier la validité de l’ordonnance (qualité du pres-
cripteur, mentions réglementaires, identification du malade), de reconnaître les
symptômes ou la pathologie concernée par la médication indiquée, de contrôler
le dosage de la forme galénique choisie ainsi que les posologies, les contre-indi-
cations absolues et les interactions médicamenteuses. Enfin, lors des conseils
afférents à la dispensation, le pharmacien ne doit pas oublier d’informer le
patient sur la survenue possible d’effets indésirables mineurs (manifestations
secondaires propres à l’usage thérapeutique rationnel d’un médicament) en
précisant que toute exacerbation anormale de ces effets devra être signalée au
médecin ou au pharmacien (risque d’iatrogenèse).
Face à la dispensation des médicaments, le pharmacien doit mettre en pratique les
connaissances scientifiques acquises lors de sa formation initiale et continue. Il a en
effet reçu une formation en sémiologie médicale, pharmacologie et pharmacie cli-
nique. Ainsi, lors de la délivrance des médicaments, le pharmacien sait renseigner
le patient sur les précautions d’emploi à respecter et le bon usage des médica-
ments délivrés ; il sait l’avertir également des dangers engendrés par une inobser-
vance au traitement ou par une automédication. Le pharmacien devra savoir aussi
renouveler après le médecin (voire compléter) les conseils hygiénodiététiques affé-
rents à une pathologie car ils sont fréquemment la première garantie de l’efficacité
thérapeutique. Le pharmacien doit se souvenir que des contre-indications relatives
peuvent devenir absolues lors d’une inobservance et/ou lors d’une automédication.
Ajoutons que le pharmacien ne peut ignorer les références médicales opposables
(RMO) (JO du 25-04-1996 ; mise à jour par l’Afssaps en novembre 2003), dont certai-
nes d’entre elles concernent la prescription des médicaments.
Enfin, l’acte de substitution par un médicament générique renforce encore
cette obligation d’information et de conseils de prévention dans le cadre du
suivi pharmaceutique du patient.
La prévention et la détection d’iatropathologie(s) doivent être un souci
constant commun à tous les professionnels de santé.

L’observance thérapeutique
L’observance thérapeutique, appelée compliance par les Anglo-Saxons, se définit
comme le respect de la prescription médicale par le malade ou encore par l’ad-
hésion de celui-ci à un schéma thérapeutique. Cette dernière proposition est
plus large car elle intéresse l’ensemble d’un traitement qui regroupe l’usage de
4 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

médicaments et les mesures hygiénodiététiques. Le pharmacien doit savoir diffé-


rencier une bonne observance (qui pour un malade grabataire, handicapé ou
invalide, implique l’entourage) d’une mauvaise prescription. Un malade peut
adhérer au traitement s’il suit les directives que lui a données le médecin ou le
pharmacien, alors qu’il prend le médicament à un moment ou à une posologie
inapproprié(e) ! Dès la fin du premier mois de traitement, 15 % des patients ne
suivent plus rigoureusement leur prescription et, après un an, un patient sur
deux n’observe plus correctement son traitement. En pratique, il faut considérer
que l’observance correspond au respect des directives verbales et écrites d’un
régime médicamenteux. Le pharmacien contribue grandement à la qualité de
l’observance. Il doit donc prodiguer les conseils nécessaires pour éviter l’inob-
servance qui, habituellement se traduit par :
■ une sous-observance : diminution des doses, prise irrégulière, suppression de
certaines administrations voire abandon momentané ou complet du traitement ;
■ ou une surobservance : augmentation des doses, augmentation de la fré-
quence des administrations, diminution des intervalles d’administration, cumul
de doses, pour « guérir plus vite » !
À l’officine, le pharmacien peut détecter certains signes (à l’interrogatoire)
permettant de douter de l’adhésion du malade à son traitement : l’apparition
d’effets indésirables se traduira en pratique par une demande spontanée de
médicaments par le patient qui veut se « débarrasser » d’un symptôme d’appa-
rition récente (ex. : constipation, nausées, éruption cutanée…) lequel est peut-
être d’origine iatrogène ; dans ce cas, devant l’intensité du symptôme, il pourra
soupçonner une anomalie au niveau de l’intervalle des prises ou au niveau de la
posologie du (ou des) médicament(s) connu(s) pour engendrer ce type d’effet
latéral. Il faut toujours chercher à savoir si l’apparition d’un symptôme (ou d’un
syndrome) est rattachée à la maladie ou au médicament. Il existe plusieurs
causes fréquentes de l’inobservance :
■ La prescription de formes galéniques mal adaptées (en particulier chez le
vieillard) peut entraîner un sous-dosage ou un surdosage ou encore la suppres-
sion du médicament. Il est du devoir du pharmacien d’enseigner au patient le
fonctionnement des dispositifs particuliers destinés à l’administration de certains
médicaments, tels les aérosols doseurs, les distributeurs de poudre pour inhala-
tion, etc. Le bon maniement de ces dispositifs est non seulement garant d’une
efficacité thérapeutique optimale mais il permet encore d’éviter la survenue d’ef-
fets indésirables parfois gravissimes.
■ La perte de l’acuité visuelle et la diminution de la dextérité chez le vieillard influen-
cent directement les comportements d’observance. Plus de 50 % des personnes
âgées ne suivent pas correctement la prescription et environ 25 % d’entre elles se
trompent « involontairement ».
■ L’amertume du médicament peut entraîner sa non-acceptation, en particulier
chez l’enfant. Certains effets latéraux habituellement bénins ou transitoires (ex. :
sécheresse de la bouche, constipation, diarrhée) peuvent inciter le patient à
arrêter la médication.
■ La répartition des administrations au cours de la journée peut être contrai-
gnante chez la personne qui maintient son activité professionnelle pendant la
maladie : la solution « pratique » adoptée par le patient sera soit celle du cumul
1. La prescription médicale 5

de 2 doses (ex. : celle de midi avec celle du matin), soit celle de la modification
du rythme des administrations, voire la suppression d’une d’entre elles.
■ Le contexte psychologique et l’environnement du malade peuvent retentir sur
l’adhésion au traitement.
■ Le caractère de la maladie montre qu’une pathologie grave fait habituellement
l’objet d’une bonne observance, surtout si cette maladie est réputée curable ; en
revanche, les maladies bénignes ou les symptômes isolés (ex. : diarrhée, consti-
pation…) font l’objet d’approximations, voire « d’essais » thérapeutiques de la
part du patient. Par ailleurs, certains patients considèrent qu’une réduction ou
même une suspension du traitement (sur initiative personnelle) contribue à
prouver qu’ils sont moins ou plus du tout malades…
■ Les voies rectales et les voies locales sont habituellement mal suivies : le phar-
macien doit expliquer la qualité de ces voies d’administration dont le choix a été
guidé par l’intérêt thérapeutique. Ces voies sont trop souvent considérées, à
tort, comme « mineures » par le patient. Le pharmacien n’oubliera pas le risque
de passage systémique du principe actif administré par voie locale, souhaité
dans certains cas (ex. : les patchs), redouté dans d’autres cas (ex. : les AINS, les
dermocorticoïdes).
■ Le médecin peut être la cause indirecte d’une inobservance : une ordonnance
compliquée, mal expliquée (ou mal écrite) ou un traitement prolongé sans visites
de contrôle rapprochées, ou encore un effet indésirable « incontournable » (ex. :
prise de poids, diminution de la libido, etc.) peuvent inciter le patient à moduler,
voire à modifier le rythme et/ou les posologies des administrations prescrites. Il
appartient au pharmacien de « rectifier » ces imperfections en expliquant mieux
le traitement ressenti comme astreignant voire contraignant par le patient. Il doit
être persuasif dans son intention d’aider à l’adhésion au traitement car il doit se
souvenir qu’une prescription comportant plus de 3 médicaments compromet
l’observance, surtout si le traitement est prolongé.
■ L’âge, le sexe, la race et le niveau d’instruction ne permettent pas de prévoir
quelle sera la qualité de l’observance. Devant des « pertes de mémoire » (pou-
vant d’ailleurs être d’origine iatrogène, inhérentes au traitement), le pharmacien
prendra le soin de noter par écrit les conseils et les recommandations appliqués à
la prescription. Remarque : le commentaire écrit d’une prescription est utile pour
chaque patient ; il s’inscrit dans le devoir d’information au patient que tout pro-
fessionnel de santé doit assurer.
■ La personne âgée n’ayant « jamais été malade » ne suivra probablement pas
son traitement, même si elle se présente elle-même à l’officine pour l’exécution
de l’ordonnance. Que le médicament soit majeur (ex. : cardiovasculaire) ou
moins incisif, il peut être considéré comme une « drogue » par le malade et
donc une source d’effets nocifs. Le pharmacien doit corriger cet a priori catastro-
phique pour l’objectif du traitement. Le portrait type de la personne âgée inob-
servante est une personne isolée socialement, à la mémoire déficiente, ayant des
déficits sensoriels, ne respectant pas ses rendez-vous, consommatrice de plu-
sieurs médicaments, ayant des prescriptions complexes, prenant des libertés
avec le renouvellement de ses ordonnances (dans plusieurs officines de préf-
érence). Tous ces facteurs peuvent être isolés ou plus ou moins associés. Le phar-
macien peut intervenir efficacement, au moins au niveau du médicament :
6 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

recommandations et conseils écrits, utilisation de pilulier et de calendrier per-


mettant un rappel quotidien de la posologie et du rythme d’administration du
médicament… Il possède une grande influence sur la personne âgée, il doit
savoir en user pour le bien du patient.
■ Il faut encore signaler le cas particulier de l’observance d’un traitement s’adres-
sant à un enfant : certains parents ne comprennent pas clairement ce qui est
attendu de leur part face au traitement. Il est à remarquer que le pharmacien,
comme le médecin, doit se garder d’expliquer trop tôt (à la première ordon-
nance) la physiopathologie de la maladie ou le mécanisme d’action des médica-
ments, car souvent les parents ressentent ces informations comme une source
supplémentaire d’inquiétude surtout si leur enfant est un nourrisson « faisant sa
première maladie ». En revanche, les conseils doivent être fermement énoncés
car il existe souvent des croyances incorrectes reposant par exemple sur des sou-
venirs personnels à propos de la même maladie… Le pharmacien doit informer
et rassurer en recommandant toujours d’avertir le médecin traitant si l’évolution
du traitement ne donne pas satisfaction, malgré une observance thérapeutique
fidèle.
■ Le cas extrême du patient (ou des parents de l’enfant malade) improvisant une
thérapeutique plus naturelle d’après ses convictions (ex. : usage de plantes non
pharmaceutiques) à partir de la prescription médicale, n’est pas exceptionnel. Le
pharmacien saura détecter et rectifier ce type de comportement lors de l’exé-
cution de l’ordonnance.
Il doit impérativement mettre en garde le malade contre toute initiative per-
sonnelle de modification d’un traitement : si un problème pratique compromet
le suivi thérapeutique, le malade doit avertir son médecin traitant, seul habilité à
substituer un principe actif ou à modifier le protocole thérapeutique. Chaque
fois que le pharmacien pressent un risque d’inobservance, il doit avertir le
malade que cette attitude l’expose à une incertitude majeure sur les chances
de guérison, compromet celle-ci, voire favorise une évolution gravissime de la
pathologie.

L’automédication
L’automédication est l’institution d’un traitement médicamenteux par le patient,
sur sa propre initiative et sans prescription médicale. Dans 66 % des cas, l’auto-
médication est l’effet d’une initiative du patient, en dehors de toute influence.
Une fois sur deux, les produits consommés sont potentiellement dangereux.
L’automédication est autant pratiquée par les sujets qui consultent régulièrement
que par ceux qui ne consultent jamais (sinon lorsqu’un avis médical est incon-
tournable). Elle peut être favorisée par l’utilisation d’anciennes ordonnances, ou
par la présence de médicaments déjà acquis (encore présents dans l’armoire
à pharmacie) ou fournis par l’entourage et sur sa « recommandation » !
L’automédication est souvent « justifiée » par le patient car elle évite le déran-
gement du médecin (donc aussi le remboursement de l’acte par la Sécurité
sociale !). Elle est fréquente lorsque les symptômes sont facilement diagnostiqua-
bles ou surtout s’ils ont déjà fait antérieurement l’objet d’une véritable prescription
médicale. L’automédication est facilitée par le fait que les médicaments vendus
sans ordonnance représentent près de 50 % de la production pharmaceutique
1. La prescription médicale 7

française (cf. infra chapitre 2). On voit ici le rôle essentiel du pharmacien d’officine
face à l’automédication ; ses conseils devront inciter à mettre en œuvre des mesu-
res hygiénodiététiques et à vérifier l’absence de signes alarmants. En effet, rien
n’assure que les patients seront chaque fois capables de faire eux-mêmes le dia-
gnostic des affections dont ils souffrent, a fortiori lorsque les signes sont atypi-
ques. Rien n’assure également que, dans certaines indications, les abus de
l’automédication n’auront pas des conséquences plus dommageables que les
effets bénéfiques que le patient peut escompter avec la mise sur le marché des
médicaments OTC (over the counter).
L’automédication est régulièrement pratiquée par 5 à 10 % des adolescents
et dépasse 50 % après 65 ans ou dans le cadre de certaines pathologies. Il ne faut
pas oublier que 20 à 70 % des enfants reçoivent des médicaments à l’initiative
de leur mère et ce d’autant plus que le niveau socio-économique est élevé.
L’automédication touche tous les médicaments car ces patients ont souvent l’ha-
bitude de conserver les médicaments non consommés lors d’une précédente
prescription ; certains médicaments, même périmés, sont parfois utilisés en
arguant le fait que la date de péremption est vraisemblablement un « atout
commercial pour obliger à renouveler une prescription » ! Le pharmacien doit
impérativement informer le malade que cette interprétation est non seulement
erronée mais dangereuse : l’utilisation de médicaments périmés expose à des
effets indésirables et toxiques imprévisibles.

Les risques de l’automédication


En premier lieu, il faut retenir le fait que l’automédication conforte le malade
dans l’idée qu’il souffre d’une « petite maladie » car les symptômes présents
s’expriment à bas bruit et sont « calmés » par le traitement que le patient s’est
choisi. L’effet thérapeutique obtenu, même minime, a pour effet de rassurer
momentanément le sujet. Le pharmacien doit se garder d’entrer dans ce cercle
vicieux en conseillant, de bonne foi, un médicament adapté à un symptôme
qu’il reconnaît ou qui lui est décrit : le pratiquant de l’automédication est bien
souvent un pratiquant d’officines…
L’automédication peut retarder un diagnostic en masquant momentanément le
véritable degré des symptômes. Le pharmacien prescripteur doit donc impérati-
vement s’enquérir d’une prise antérieure ou actuelle de médicaments.
L’automédication peut conduire à l’utilisation inappropriée et dangereuse de
médicaments : emploi d’un glucocorticoïde au lieu d’un AINS, prise d’aspirine
pour calmer les douleurs gastriques d’origine ulcéreuse. L’erreur sera d’autant
plus grave que la maladie s’exprime d’abord à bas bruit avec des symptômes
banals.
L’automédication peut être une source évidente de survenue d’effets
indésirables :
■ L’utilisation du (des) médicaments(s) peut être prolongée à dose thérapeu-
tique ou instaurée ponctuellement à dose massive (pour guérir plus vite !).
■ L’habitude vite adoptée de prendre un médicament qui soulage la douleur et
calme le symptôme (ex. : les pansements gastriques, les laxatifs, etc.) provo-
quera, de façon certaine, des effets indésirables (constipation opiniâtre ou diar-
rhée, maladie des laxatifs, etc.).
8 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

■ La poursuite d’une médication après guérison (pour éviter de refaire la mala-


die !) peut avoir des conséquences dramatiques et à moindre degré induira une
accoutumance, voire une résistance au médicament ; ex. : emploi d’aspirine
entre les crises migraineuses, abus de corticoïdes lors de bronchospasmes, pour-
suite d’une antibiothérapie.
■ Le non-respect des posologies ou du rythme d’administration est presque une
garantie d’apparition d’effets indésirables. Un sujet hypocondriaque sera
d’autant plus rassuré qu’il consomme des médicaments : un cercle vicieux est à
redouter.
■ L’instauration personnelle d’un traitement déjà suivi pour une maladie qui
« ressemble » à la maladie antérieure peut conduire à des effets désastreux tant
au niveau de l’évolution de la pathologie qu’au niveau de l’effet thérapeutique
(contre-indications, effets indésirables).
■ Le malade ne saura pas toujours faire la différence entre les symptômes qu’il
veut soigner et ceux qui apparaissent au cours du traitement : il peut être tenté
de renforcer l’automédication.
■ Le malade ne connaît pas ou sous-estime les interactions médicamenteuses ;
de plus, il considère qu’un médicament administré qui « n’a pas agi » est un
médicament sans effet (donc non toxique et non dangereux) et donc éliminé
(ou détruit) presque instantanément… Le patient ignore le plus souvent qu’un
médicament peut être stocké dans l’organisme avant son élimination parfois tar-
dive. Le pharmacien devra instruire le patient à propos du bon usage des médi-
caments, mais aussi à propos des risques encourus par toute médication
instaurée sur initiative personnelle ; en l’absence du conseil du pharmacien,
l’automédication est le plus souvent aveugle et inopportune.

Le rôle du pharmacien face à l’automédication


Le premier risque majeur de l’automédication est celui de soigner un symptôme
d’apparence banale mais qui, en fait, est un signe avant-coureur exprimé a
minima d’une pathologie grave en début d’évolution. Pratiquer l’automédication
dans ce cas revient à retarder le diagnostic en enrayant momentanément le
développement de la maladie et masquant ainsi son évolution qui se poursuivra
néanmoins à bas bruit. Ne jamais oublier qu’un symptôme même bien défini ou
d’apparence isolé peut masquer une pathologie grave débutante.
Le second risque majeur de l’automédication est la survenue d’une iatropathologie.
Il faudra être particulièrement vigilant lors de la demande du patient et quels que
soient la circonstance et le type de symptôme, la règle sera de préconiser un trai-
tement de courte durée. Les effets indésirables peuvent être prévisibles s’ils se
rapportent à des médicaments auxquels sont attachées certaines manifestations
secondaires (effets latéraux) propres à leur utilisation rationnelle dans le cadre
d’un usage thérapeutique. Le pharmacien doit mettre en garde le patient sur ce
fait mais plus encore, il doit le persuader que la prise irrationnelle d’un médi-
cament et/ou simultanée de plusieurs médicaments expose à la survenue de
manifestations le plus souvent imprévisibles, parfois gravissimes (lymphœdème,
syndrome de Lyell, etc.). La voie rectale n’échappe pas aux risques d’incidents
d’origine iatrogène : l’utilisation répétée de suppositoires peut entraîner des
1. La prescription médicale 9

lésions de la muqueuse rectale (anite, anorectite, ulcération anorectale). Les


principaux médicaments incriminés sont les AINS (dont l’aspirine), l’ergotamine
ou les essences balsamiques (eucalyptol, gaïacol, pholcodine) ; les associations les
contenant sont également concernées.
Le pharmacien sait qu’une association contenant plus de 2 médicaments peut
déjà faire apparaître des effets secondaires imprévisibles ; il doit combattre
l’automédication qui associe plusieurs médicaments car il existe un risque d’ia-
trogénicité qui n’est pas décrite dans le Vidal (les interactions médicamenteuses
décrites concernent une association de 2 médicaments). Son rôle d’informateur
et de conseiller sera donc primordial pour la personne âgée qui a, pratiquement
toujours, une polymédication.

L’automédication exige l’observance de règles strictes


● L’automédication ne se justifie que si elle a bénéficié d’un avis autorisé, donné
par le médecin ou le pharmacien (cf. chapitre 2).
● Le traitement instauré doit être le plus court possible ; il faut combattre les auto-

médications prolongées, souvent source d’iatrogenèse (cf. infra).


● La monothérapie doit être de rigueur : le pharmacien doit fermement décon-

seiller la polythérapie, pour les raisons déjà invoquées (cf. supra).


● Les précautions d’emploi du médicament « choisi » doivent être strictement

respectées.
● Les aliments et certaines boissons (alcool en particulier) peuvent diminuer ou

exacerber l’effet thérapeutique d’un médicament ainsi que ses effets indési-
rables ; ex. : le lait diminue significativement la résorption de la tétracycline, l’al-
cool majore l’effet sédatif des anxiolytiques, etc.
● L’automédication ne doit pas être permise lorsqu’un traitement est déjà en

cours : seul le médecin est autorisé à modifier la thérapeutique.


● Le désir de reprendre un traitement qui a déjà réussi pour une pathologie identi-

que n’autorise pas l’automédication : la consultation est de rigueur.


● Le pharmacien doit faire savoir qu’une automédication doit être signalée au

médecin traitant : un traitement instauré à l’initiative du patient peut enrayer la


maladie, masquer certains symptômes pathognomoniques, voire provoquer des
manifestations « parasites » si le médicament choisi est inapproprié (cf. supra).
● Un médicament ne se prête pas : une prescription tient toujours compte de la

pathologie et du patient qui l’exprime (enfant, adulte jeune, vieillard, etc.). Tout
médicament est potentiellement dangereux (idiosyncrasie).
● Le pharmacien doit particulièrement combattre l’automédication chez les mala-

des à risque : nourrissons, femmes enceintes et allaitantes, personnes âgées,


malades porteurs d’une insuffisance rénale ou hépatique, malades allergiques,
malades recevant d’autres traitements, d’où la nécessité absolue de s’informer
(par l’interrogatoire du patient) avant de dispenser au comptoir. Il faut redouter
la « banalisation » de certains médicaments (aspirine, paracétamol, AINS, etc.)
par le patient. L’automédication doit être raisonnée, raisonnable et contrôlée.
Il faut se souvenir que toute apparition de signes mal définis et/ou inhabi-
tuels chez un patient sous traitement (sur prescription médicale) ou suite à une
automédication, doit faire évoquer une origine iatrogène.
10 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

Les connaissances afférentes à la prescription


médicale
La dispensation des médicaments par le pharmacien oblige celui-ci à mettre quoti-
diennement en pratique les connaissances scientifiques acquises lors de sa formation
initiale ; certaines d’entre elles doivent être régulièrement réactualisées comme cel-
les qui touchent par exemple les interactions ou les effets indésirables. Les connais-
sances acquises en pharmacologie et en pharmacie clinique lui permettent non
seulement de connaître et comprendre le mécanisme d’action des médicaments,
mais encore d’appréhender le bon usage des médicaments et les modulations de
l’effet thérapeutique dues aux variations physiologiques, pharmacodynamiques et/
ou pharmacocinétiques. Une fois l’ordonnance validée (identification, conformité à
la réglementation, respect de la législation), le pharmacien doit accompagner la
délivrance des médicaments des recommandations relatives aux précautions d’em-
ploi afférentes à l’administration et relatives aussi à la prévention de certains effets
indésirables qui peuvent apparaître ou être exacerbés par l’inobservance et l’auto-
médication ; ces recommandations font partie intégrante du suivi pharmaceutique
dans le cadre de l’éducation thérapeutique du patient (cf. chapitre 3).
Elles s’appliquent de fait à l’une des nouvelles missions du pharmacien ins-
crites dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé
et aux territoires (loi HPST) : à la demande du médecin ou avec son accord, le
pharmacien correspondant pourra, dans le cadre des coopérations prévues par
l’article L.4011-1 du code de la santé publique, « renouveler périodiquement des
traitements chroniques, ajuster, au besoin, leur posologie et effectuer des bilans de
médications destinés à en optimiser les effets ».

Les connaissances fondamentales


Compte tenu de l’idiosyncrasie, c’est-à-dire de la susceptibilité personnelle (innée
et constitutionnelle) à un médicament, le pharmacien doit se souvenir de certaines
notions fondamentales de physiologie, de physiopathologie et de pharmacologie.
Certains facteurs individuels et d’hygiène de vie modifient la pharmacociné-
tique des médicaments :
■ L’alimentation influence sensiblement la biodisponibilité en agissant sur la
résorption et sur l’effet de premier passage. La nature de l’alimentation a un
effet direct sur la qualité de la vidange gastrique. Les facteurs retardant la vidange
gastrique sont : les aliments chauds ou à caractère acide, la teneur élevée en sel
ou en sucre, la teneur élevée en graisses ou en protides et une alimentation vis-
queuse ou épaisse. Les facteurs accélérant la vidange gastrique sont les aliments
froids ou à caractère alcalin, une faible teneur en sel, sucre ou protides, ou une
alimentation fluide. L’alcool modifie certains processus pharmacocinétiques, en
particulier la fixation protéique (diminution de la concentration en albumine) et
surtout le métabolisme. L’ingestion unique d’alcool conduit généralement à une
augmentation de la demi-vie tandis que la prise chronique induit plutôt une
réduction de la demi-vie du médicament.
■ L’abus de tabac peut modifier la fixation protéique (diminution de la concen-
tration en albumine, déplacement de certains médicaments), le métabolisme
(accélération) et induire un dysfonctionnement rénal par baisse de l’urée, de
1. La prescription médicale 11

l’acide urique et de la créatinine sanguine. La fumée de cigarettes possède des


propriétés inductrices ou inhibitrices enzymatiques.
■ Les facteurs génétiques peuvent influencer la réponse médicamenteuse de deux
façons : en modifiant le métabolisme du médicament ou en modifiant la réponse
de l’individu au médicament. Les sujets qui présentent des anomalies quantita-
tives au niveau de la résorption, de la distribution, du métabolisme ou de
l’élimination d’un médicament donné, peuvent recevoir celui-ci si des ajuste-
ments de posologies appropriés sont effectués et si les taux sanguins et/ou uri-
naires sont contrôlés. En revanche, le médicament doit être proscrit chez les
sujets réagissant anormalement malgré des ajustements de la posologie.
■ L’âge est un facteur important de variations touchant tous les paramètres
pharmacocinétiques : la résorption des médicaments varie essentiellement chez
le nouveau-né, moins chez le nourrisson et l’enfant et pratiquement pas chez la
personne âgée. La distribution est altérée par le biais des variations de la fixation
à l’albumine (diminuée chez le nouveau-né et le vieillard) et du taux des gam-
maglobulines (augmenté chez le vieillard). Les variations physiologiques des dif-
férents compartiments (eau, masse maigre, masse graisseuse) de l’organisme au
cours de l’âge ont un impact sur le volume de distribution. Le métabolisme est
d’abord très réduit chez le nouveau-né de moins de 1 mois puis devient supé-
rieur à celui de l’adulte chez le nourrisson et le jeune enfant (1 à 8 ans). Chez le
vieillard, l’activité enzymatique hépatique est réduite. Les conséquences phar-
macocinétiques s’expriment au niveau de la clairance métabolique (hépatique)
et totale du médicament, ainsi qu’au niveau de sa demi-vie et de son élimina-
tion. L’élimination est conditionnée par le pH urinaire (faible chez l’enfant), la fil-
tration glomérulaire (mâture chez le nourrisson à partir du 7e mois, diminuée
chez le vieillard), la fonction tubulaire rénale (réabsorption moindre chez le
vieillard) et le débit sanguin rénal (diminué chez la personne âgée). Les para-
mètres pharmacocinétiques altérés sont la clairance rénale, la demi-vie et le pro-
cessus d’élimination/excrétion.
■ Le cas particulier de la femme enceinte : le risque majeur de la prescription
médicamenteuse chez la femme enceinte est celui de la nocivité potentielle du
médicament pour le fœtus compte tenu du passage transplacentaire. Les modifi-
cations physiologiques touchent la sécrétion acide gastrique qui est diminuée
pendant les 2 premiers trimestres de la grossesse. La vidange gastrique est
accélérée tandis que la motilité intestinale est réduite. Les modifications pharma-
cocinétiques concernent essentiellement la distribution et l’élimination rénale. La
distribution est perturbée car le taux d’albumine est fortement diminué (de près
de 50 % en fin de grossesse) et la modification des compartiments de l’orga-
nisme est importante (augmentation du volume plasmatique, le fœtus crée un
nouveau compartiment, les débits cardiaque, rénal, pulmonaire et le flux utérin
sont très augmentés). L’élimination rénale est accrue par augmentation de la clai-
rance de la créatinine (d’environ 50 %) ; la demi-vie des médicaments à clai-
rance rénale prédominante est diminuée. D’une façon générale, les modifications
physiologiques cardiovasculaires, respiratoires, hématologiques, dermatologi-
ques, digestives et de l’appareil urinaire doivent être prises en considération lors
du suivi pharmaceutique de la femme enceinte dans le cas où celle-ci doit suivre
une thérapeutique.
12 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

L’influence de la pathologie sur la pharmacocinétique des médicaments est


indéniable :
■ L’insuffisance rénale est une affection fréquente dont l’influence essentielle
s’exerce sur la clairance rénale des médicaments par une diminution de la filtra-
tion glomérulaire et de la sécrétion tubulaire. L’insuffisance rénale modifie aussi
la distribution des médicaments par hypoalbuminémie, diminution de l’affinité
de l’albumine et augmentation du taux de l’α1-glycoprotéine. Tout médicament
perturbant la fonction rénale ou à action néphrotoxique devra être utilisé sous
surveillance clinique et biologique stricte.
■ L’insuffisance hépatique retentit de façon variable sur les paramètres pharma-
cocinétiques, en fonction de l’étiologie de la pathologie responsable (cirrhose,
hépatites alcooliques ou virales). Le flux sanguin et l’activité enzymatique hépa-
tiques sont modifiés ainsi que le degré de fixation du médicament aux protéines
plasmatiques (hypoalbuminémie). Il en résulte une diminution de la clairance
totale, une augmentation du volume de distribution et de la demi-vie du
médicament.
■ Les affections cardiovasculaires : la diminution du débit cardiaque retentit sur
les clairances hépatique et rénale.
■ La physiopathologie des maladies du tube digestif est complexe et l’analyse
des variations pharmacocinétiques n’est pas toujours aisée. D’une façon
générale, le retentissement pharmacologique est dû à des modifications situées
au niveau de la vidange gastrique, de la perméabilité de la muqueuse intesti-
nale, de la motilité intestinale et de l’équipement enzymatique. Les maladies
digestives affectent aussi, mais faiblement, le taux de l’albumine plasmatique
(diminution). Les diarrhées et la constipation réduisent la résorption de nom-
breux médicaments.
■ D’autres pathologies influencent diversement certains paramètres pharmacoci-
nétiques tels que la résorption (migraine, infarctus du myocarde), la fixation et
la distribution (brûlures, cancer, insuffisance cardiaque, maladies inflammatoires,
hypo- et hyperthyroïdies, etc.) ou le métabolisme (maladies hépatiques, hypo-
thyroïdie, obésité, diabète, etc.). L’obésité perturbe la composition des différents
compartiments de l’organisme en diminuant le pourcentage de l’eau totale et
de la masse musculaire par rapport au poids total et en augmentant considéra-
blement la masse graisseuse. La distribution du médicament est d’autant modi-
fiée qu’il est plus lipophile. Le métabolisme est également influencé par l’état
d’obésité.
La prescription simultanée de plusieurs médicaments est fréquente : elle doit
être constamment sous-tendue par une connaissance précise et rigoureuse du
mécanisme connu ou probable des interactions, car si les unes sont bénéfiques
d’autres peuvent être redoutables. Certains médicaments sont volontairement
associés pour obtenir une majoration de l’effet thérapeutique, une toxicité plus
faible et une correction d’effets secondaires. Cependant, lors de pathologies
intriquées, le médecin doit prescrire plusieurs médicaments dont la pharmaco-
dynamie et la pharmacocinétique sont différentes. Il est donc impératif de
connaître les propriétés pharmacologiques des médicaments. Hormis le cas
particulier de l’administration simultanée de 2 médicaments dont les effets
sont renforcés (potentialisation) ou inhibés (antagonisme), le médecin et le
1. La prescription médicale 13

pharmacien veillent quotidiennement à éviter la survenue d’interactions médica-


menteuses. Celles-ci peuvent être de nature pharmacocinétique et/ou de nature
pharmacodynamique.
■ Les interactions de nature pharmacocinétique sont fréquentes. Les médicaments
administrés par voie orale sont particulièrement concernés. Lors de l’étape de la
résorption, les interactions peuvent se traduire par un retard et/ou une réduction de
la résorption d’un médicament. Les facteurs en cause susceptibles d’intervenir
sont le pH, l’adsorption du principe actif, la complexation, le retard de la vidange
gastrique, l’accélération ou le blocage du transit intestinal, la destruction de la flore
intestinale, une altération de la muqueuse digestive ainsi qu’une compétition entre
les systèmes de transport des médicaments. Au contraire, l’accélération de la
vidange gastrique et le ralentissement du péristaltisme digestif peuvent favoriser la
résorption d’un médicament par rapport à un autre. Lors de l’étape de la distribu-
tion, les interactions médicamenteuses sont surtout le reflet d’une perturbation de
la fixation protéique par un phénomène de compétition. Le phénomène de vaso-
constriction peut altérer la diffusion tissulaire. Lors de l’étape du métabolisme, un
médicament peut stimuler ou inhiber la dégradation d’un autre médicament. La
stimulation du métabolisme correspond au phénomène d’induction enzymatique ;
la conséquence la plus fréquente est une réduction de l’effet thérapeutique qui tou-
che essentiellement les médicaments soumis à un effet de premier passage hépa-
tique. Une autre conséquence, heureusement moins fréquente, est l’apparition
d’effets toxiques due à l’augmentation de la production de métabolite(s)
toxique(s). L’inhibition du métabolisme d’un médicament par un autre résulte de
mécanismes divers qui ont des conséquences variables sur l’effet pharmacologique
(augmentation de l’effet thérapeutique, apparition d’effets toxiques, élévation de la
concentration plasmatique). Lors de l’étape de l’élimination, les interactions peuvent
altérer la réabsorption et la sécrétion tubulaire rénales ; la filtration glomérulaire
n’est pratiquement pas touchée par les interactions médicamenteuses. Le pH uri-
naire est susceptible de varier avec certains médicaments ; l’association médica-
menteuse peut perturber la forme ionisée de l’un d’entre eux et donc modifier la
réabsorption tubulaire puisque seule la forme non ionisée est réabsorbable. La
compétition de deux médicaments pour un même système de transport actif per-
turbera leur sécrétion tubulaire. Au niveau hépatique, certains médicaments peu-
vent diminuer le flux sanguin et/ou entrer en compétition au niveau des processus
d’excrétion biliaire ; il en résulte un ralentissement de l’élimination hépatique.
■ Les interactions de nature pharmacodynamique sont a priori les plus nombreuses ;
elles sont cependant plus facilement prévisibles car elles reposent sur la connais-
sance du mécanisme d’action et des propriétés pharmacologiques des médica-
ments. Certaines interactions sont directes, soit inhibitrices et défavorables telle
l’association de médicaments inotropes et chronotropes négatifs (ex. : vérapamil et
β-bloquants), soit potentialisatrices et favorables comme l’association de pénicilline
et de colistine ou l’association d’un β-bloquant à un inhibiteur calcique. Certaines
interactions sont indirectes, soit défavorables telle l’association de deux médicaments
cardiovasculaires à propriétés bradycardisantes (ex. : clonidine et β-bloquant), soit
favorables comme l’association d’un dérivé nitré et d’un β-bloquant.
Remarques : certains effets indésirables tolérés lors d’une monothérapie (ex. :
hypokaliémie, hyponatrémie, etc.) peuvent devenir préoccupants, voire dramati-
ques s’ils ne sont pas corrigés avant le passage à une polymédication. Les additions
14 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

et les potentialisations d’effets thérapeutiques (et toxiques) sont habituellement


prévisibles lorsque deux médicaments seulement sont coprescrits. Au-delà de ce
nombre, les prévisions deviennent parfois très aléatoires…
Le pharmacien ne doit pas ignorer la chronopharmacologie et la
chronotoxicologie.
La chronopharmacologie concerne, d’une part, l’étude des variations de l’activité
et de la toxicité d’un médicament en fonction du moment de son administration
et, d’autre part, l’étude des perturbations des rythmes biologiques de l’organisme,
consécutives à l’administration du médicament. La variation temporelle d’activité
d’un médicament peut dépendre de son mode d’action (chronopharmacodyna-
mie) et/ou de modifications cinétiques (chronopharmacocinétique). La réponse bio-
logique à différentes substances présente fréquemment un rythme précis :
ultradien (inférieur à 24 heures), circadien (environ 24 heures), circamensuel (envi-
ron 30 jours) ou circannuel (environ 1 an). Un rythme biologique est souvent géné-
tiquement déterminé ; les biorythmes peuvent dépendre de l’environnement ou
être indépendants de tout facteur extérieur (rythme endogène). Le pharmacien
doit se souvenir que la chronobiologie a permis de mettre en évidence des rythmes cir-
cadiens attachés à de nombreuses fonctions biologiques comme : la sécrétion gastri-
que (débit et volume) qui varie en passant par un maximum durant la nuit (2 h
du matin), la température centrale, la pression artérielle (maximum en fin d’après-
midi et aux heures matinales), la fréquence et le débit cardiaques (maximum
en milieu de journée), la ventilation pulmonaire (augmentation de la sensibilité
du système respiratoire pendant la nuit), la motricité intestinale et les sécrétions
endocriniennes. Des paramètres biologiques sont susceptibles de varier au cours
du nycthémère : la teneur en eau, lipides, protéines ou enzymes des liquides
biologiques ou des tissus, les prostaglandines, les endorphines, l’ionogramme uri-
naire, etc. Les études de chronobiologie permettent de mieux optimiser l’efficacité et la
toxicité de nombreux médicaments. La thérapeutique bénéficie, de ce fait, de la chro-
nopharmacologie qui trouve une application intéressante, par exemple, en cancé-
rologie et en diabétologie.
De même qu’il est défini une chronopharmacologie, il est défini une chronotoxico-
logie (influence des rythmes circadiens sur la toxicité des médicaments ou des
agents physiques et chimiques), une chronestésie (variations de la susceptibilité
d’un biosystème) et une chronopathologie. Les rythmes annuels atmosphériques
participent à l’aggravation des syndromes obstructifs respiratoires : l’asthme
allergique prédomine en été (pollens) ou en hiver (poussière de maison) tandis
que les asthmes intrinsèques sont aggravés l’hiver. De même, il existe un rythme
circadien de la mortalité par affections cardiovasculaires et pulmonaires…
Le pharmacien ne doit pas négliger la prise en compte des paramètres expo-
sés ci-dessus car ils appartiennent au mécanisme d’action des médicaments,
même si la plupart d’entre eux ont une « action spécifique » (agissant grâce à
un récepteur spécifique) ; en pratique, il conviendra donc d’observer strictement
les modalités de la prescription médicale (observance).

Application pratique des connaissances à l’officine


Si certains facteurs de variations de l’effet thérapeutique des médicaments ne
peuvent être corrigés (ex. : les facteurs génétiques), d’autres en revanche peu-
vent être prévenus ou sensiblement atténués. Dans cette optique, le pharmacien
1. La prescription médicale 15

incitera le malade à suivre certaines règles. Pour cela, il s’appuiera sur ses
connaissances scientifiques (cf. supra) qui lui permettent de cautionner les
recommandations et les conseils thérapeutiques afférents à la prescription.
Les facteurs d’hygiène de vie peuvent améliorer considérablement l’effet théra-
peutique, moyennant une certaine discipline :
■ L’alimentation du patient doit être régulière et équilibrée, surtout si les médica-
ments sont absorbés au moment des repas (cas le plus fréquent). Une corticothé-
rapie au long cours exige un régime riche en potassium pour lutter contre la
déplétion sodique et un régime hypoglucidique, hypolipidique et hyperprotidique
pour prévenir une aggravation d’un diabète déjà installé. La nature et le volume
des liquides ingérés doivent être logiques et raisonnables : l’eau non gazeuse est la
boisson recommandée car le lait modifie la résorption de certains médicaments
(ex. : antibiotiques) et les boissons gazeuses accélèrent la vidange gastrique et
altèrent certains principes actifs ; c’est le cas aussi avec l’absorption massive de jus
de fruits et de boissons acides. La consommation de café augmente l’acidité gas-
trique avec un risque de modification de la stabilité de la forme galénique de cer-
tains médicaments : la chlorpromazine (Largactil) et l’halopéridol (Haldol) sont
rendus inactifs s’ils sont directement mélangés au café. Enfin, l’absorption d’alcool
est bien connue pour interférer directement au niveau de la pharmacodynamie et
de la pharmacocinétique de nombreux médicaments (psychotropes en particu-
lier). Un grog brûlant et un comprimé d’aspirine constituent un procédé de choix
pour faire saigner la muqueuse digestive ! Le pharmacien saura aussi, avec tact,
recommander une diminution sensible de la consommation de tabac.
■ L’intensité de l’activité physique joue un rôle déterminant : si elle est faible et
modérée, la vidange gastrique est accélérée tandis que si elle est élevée, la vidange
gastrique est ralentie. Cette dernière est plus lente en décubitus qu’en position
debout ; elle est encore plus lente si le sujet est couché sur le côté gauche.
Les prescriptions médicamenteuses sont étroitement dépendantes du terrain.
C’est dans ces circonstances que le pharmacien exerce, comme le médecin, son
rôle d’éducateur en matière de prévention des effets indésirables et des
intoxications.
■ Chez l’enfant, il faut veiller aux contre-indications spécifiques ; la prévention
s’exercera en notant par écrit les posologies, le rythme d’administration et les
conseils hygiénodiététiques. Il ne faut pas oublier que l’intoxication iatrogénique
représente les deux tiers des intoxications de l’enfant (surtout avant un an) ; elle est
essentiellement le fait d’une automédication familiale, mais elle peut être due à
une faute de prescription : erreurs d’administration (dose, répétition des prises,
erreur de forme galénique) qui engage la responsabilité du médecin et du phar-
macien. Elle peut être due aussi à l’absorption de médicaments à l’insu des
parents (phénomène fréquent après l’âge de la marche). Chez le vieillard, le
pharmacien doit évaluer la condition psychique et physique et veiller à ce que la
prescription soit adaptée. Il faut éviter les médicaments trop puissants et à demi-
vie longue ainsi que les doses de charge. Chez la femme enceinte, il faut, autant
que possible, éviter de prescrire des médicaments ; l’automédication doit être
proscrite ; le pharmacien saura informer la patiente des risques qu’elle peut faire
encourir à son enfant. Seule la prescription médicale est autorisée. Les symp-
tômes survenant au cours de cette période doivent être différenciés des
16 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

symptômes accompagnateurs de la grossesse : le pharmacien doit conseiller


l’avis médical. Chez la femme allaitante, les recommandations relatives à la pres-
cription de médicaments sont voisines des précédentes ; le traitement d’une
maladie pendant cette période contre-indique le plus souvent l’allaitement.
■ Certaines pathologies entraînent des règles de prescription restrictives : l’insuffisance
rénale ou hépatique contre-indique l’utilisation de médicaments néphro- ou hépa-
totoxiques. L’ulcère gastrique contre-indique les médicaments gastrotoxiques et
les médicaments qui élèvent le tonus parasympathique. L’insuffisance cardiaque
contre-indique les médicaments inotropes négatifs. L’insuffisance respiratoire
contre-indique les médicaments dépresseurs respiratoires, les parasympatholyti-
ques et les antitussifs. L’asthme contre-indique les β-bloquants.
Une prescription médicale associe fréquemment plusieurs médicaments. Cette
polymédication est fréquente chez le vieillard et s’explique le plus souvent par
une polypathologie ; la survenue d’une pathologie aiguë sur une autre patholo-
gie chronique n’est évidemment pas exclue. Dans ces conditions, le pharmacien
(comme le médecin) doit être particulièrement vigilant à l’égard des interactions
médicamenteuses involontaires, inductrices d’incidents et d’effets indésirables
souvent imprévisibles, peu contrôlables et parfois redoutables.

Vigilance à l’égard des interactions médicamenteuses


En pratique, certaines données générales doivent être soulignées :
● Les médicaments inducteurs d’interactions les plus significatives sont ceux qui

présentent des effets puissants, avec une marge thérapeutique étroite.


● Les effets indésirables dus aux interactions sont souvent difficiles à distinguer des

effets indésirables cumulatifs de chacun des médicaments.


● Les facteurs individuels et en particulier l’idiosyncrasie conditionnent l’apparition

et l’intensité des interactions médicamenteuses et des effets indésirables ; la per-


sonne âgée est plus sensible que l’adulte jeune.
● Les effets nocifs créés par les associations sont le plus souvent réversibles et

imposent seulement une rectification de la posologie.


● L’apparition de symptôme(s) inhabituel(s) au cours d’un traitement doit toujours

faire suspecter une origine iatrogène : toute apparition d’un symptôme ou d’un
syndrome qui ne peut être rattaché à la maladie en cours doit interpeller le phar-
macien (comme le médecin). Il faut systématiquement se poser la question de
savoir si ces effets ne sont pas rattachables aux médicaments prescrits. Trois
types d’effets doivent être distingués :
● Les effets latéraux (comme les effets thérapeutiques) sont de survenue constante
(prévisible) aux doses thérapeutiques et peuvent apparaître chez tous les sujets.
● Les effets indésirables (« réaction nocive et non voulue à un médicament, se pro-
duisant aux posologies normalement utilisées chez l’homme pour la prophy-
laxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie ou pour la restauration, la
correction ou la modification d’une fonction physiologique, ou résultant d’un
mésusage du médicament » ; Bonnes pratiques de pharmacovigilance, arrêté du
28 avril 2005) sont de survenue imprévisible aux doses thérapeutiques et n’ap-
paraissent que chez certains sujets. Les personnes âgées (hospitalisées ou non)
sont deux fois plus susceptibles de subir les effets indésirables des médicaments
que les adultes jeunes.
1. La prescription médicale 17

● Les effets toxiques sont de survenue constante aux doses toxiques et peuvent
apparaître chez tous les sujets.
● L’iatrogenèse provient de 4 sources. Trois d’entre elles peuvent être évitées : la

mauvaise observance (9 %), l’automédication (9 %), les imprudences thérapeu-


tiques (30,3 %). La 4e source est majeure mais inépuisable car elle est le fait des
impondérables (51,7 % des cas) ; l’iatrogenèse est responsable de 25 % des
hospitalisations en service d’urgence.
Le pharmacien doit interroger le Centre régional de pharmacovigilance si les
documents à sa disposition (Dictionnaire Vidal en particulier) ne lui donnent
pas d’indications suffisantes pour infirmer ou affirmer l’origine iatrogène. Si un
effet indésirable est suspecté, il devra être notifié au Centre régional de pharmaco-
vigilance, soit par lettre, soit en remplissant une fiche de déclaration fournie par
le centre, soit par minitel. Le décret n° 95-278 du 13 mars 1995 relatif à la
pharmacovigilance et modifiant le Code de la santé publique, renforce la parti-
cipation active du pharmacien dans le cadre du recueil des informations par les
centres de pharmacovigilance. L’article R. 5144-19 s’adresse plus particuliè-
rement aux pharmaciens d’officine : « … de même, tout pharmacien ayant eu
connaissance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un
médicament ou produit mentionné à l’article R. 5144-1 qu’il a délivré, doit
également le déclarer aussitôt au Centre régional de pharmacovigilance. »

Les références médicales opposables


Le 22 mars 1994 est publiée au Journal officiel une première liste de 147 réf-
érences médicales opposables (RMO) dont l’objectif principal vise à modifier les
comportements de la prescription médicale dans le sens de la qualité. Les RMO
identifient aux termes de l’article L. 162-12-15 du code de la Sécurité sociale, des
soins et des prescriptions médicalement inutiles ou dangereux. Elles sont établies par
l’ANAES à partir de critères scientifiques reconnus et, pour le domaine du médi-
cament, par l’Agence du médicament à partir des évaluations réalisées pour délivrer
l’autorisation de mise sur le marché et pour apprécier le service médical rendu. Il
s’agit de références négatives qui possèdent la particularité d’être « opposa-
bles », c’est-à-dire obligatoires : les médecins qui ne s’y soumettent pas risquent
d’être sanctionnés et de se voir imposer des pénalités financières par un comité
médical paritaire local composé de représentants de médecins et de représen-
tants de la Sécurité sociale.

L’arrêté (Annexe I) du 13 novembre 1998 (JO du 14 novembre 1998) portant


règlement conventionnel minimal applicable aux médecins en l’absence de
convention médicale, a reconduit 210 références médicales opposables (45 RMO
parues au JO du 29 mars 1997 ont été supprimées) ; certaines RMO ont évolué en
fonction de la modification de la nomenclature de biologie ou d’indications
nouvelles concernant les médicaments. Les RMO relatives à une prescription médica-
menteuse ne peuvent être ignorées du pharmacien qui, au titre de professionnel de
santé, est impliqué dans le respect des références opposables (art. L 162-12-15, JO du
25-04-1996).
18 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

Annexe I. Références médicales opposables mises à jour


par l’AFSSAPS (novembre 2003)
(Voir www.agmed.sante.gouv.fr)
Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
Références médicales opposables
Mise à jour : novembre 2003
Convention des Spécialistes publiées au Journal officiel du 14 novembre 1998
Convention des Généralistes publiées au Journal officiel du 5 décembre 1998

Convention des Spécialistes


1. Prescription des anti-inflammatoires non stéroïdiens
2. Prescription des antibiotiques en pratique courante (infections ORL et
respiratoires)
4. Prescription des hypnotiques et anxiolytiques
7. Surveillance de la contraception orale
8. Diabète non insulino-indépendant (DNID)
11. Endoscopies digestives hautes
13. Prescription du dosage des hormones thyroïdiennes chez l’adulte
14. Diagnostic et traitement de l’hypertension artérielle essentielle de l’adulte en
dehors de la grossesse
21. Prescription des antiulcéreux
22. Prescription des vaso-actifs dans l’artériopathie oblitérante des membres infé-
rieurs
29. Acné
31. Prescription des neuroleptiques
32. Suivi du traitement des psychoses maniaco-dépressives
42. Traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate
43. Traitement du cancer de la prostate
45. Vasodilatateurs, anti-ischémiques et vasculo-protecteurs, veinotoniques, dans
la symptomatologie d’une « insuffisance circulatoire cérébrale »
46. Veinotropes dans l’insuffisance veineuse des membres inférieurs
47. Médicaments antidépresseurs
48. Hypolipidémiants
49. L’antibioprophylaxie en chirurgie
51. Stérilité du couple
52. Hématologie en pratique courante
57. Oxygénothérapie à long terme (OLT) chez les insuffisants respiratoires chroniques

1 Prescription des anti-inflammatoires non stéroïdiens


1. Il n’y a pas lieu de poursuivre un traitement par un AINS lors des rémissions
complètes des rhumatismes inflammatoires chroniques et en dehors des
périodes douloureuses dans les rhumatismes dégénératifs.
2. Il n’y a pas lieu de poursuivre un traitement par un AINS au-delà d’une
période d’une à deux semaines, dans les lombalgies aiguës et/ou lombos-
ciatalgies aiguës et dans les rhumatismes abarticulaires en poussée, sans
une réévaluation clinique.
3. Néant.
1. La prescription médicale 19

4. Il n’y a pas lieu d’associer un antiulcéreux1 à un AINS à dose anti-


inflammatoire sans avoir évalué le risque digestif individuel (âge  65 ans,
antécédents d’ulcère gastroduodénal, antécédents d’intolérance aux AINS).
5. Il n’y a pas lieu, car dangereux et contre-indiqué, de prescrire un AINS à partir
du sixième mois de la grossesse, sauf utilisations obstétricales très limitées.
6. Il n’y a pas lieu de prescrire un AINS à des doses supérieures aux doses re-
commandées.
7. Il n’y a pas lieu de prescrire un AINS par voie intramusculaire2 au-delà des
trois premiers jours du traitement, la voie orale prenant le relais.
8. Il n’y a pas lieu d’associer deux AINS par voie générale, y compris l’aspirine
(sauf lorsque celle-ci est prescrite à visée antiagrégante à des doses
 500 mg). Cette recommandation concerne toute la classe des AINS, qu’ils
soient prescrits comme antalgiques, antipyrétiques ou anti-inflammatoires.
9. Il n’y a pas lieu, en raison du risque hémorragique, de prescrire un AINS
chez un patient sous anti-vitamine K, ou sous héparine ou ticlopidine.
10. Il n’y a pas lieu, particulièrement chez le sujet âgé, en raison du risque d’insuf-
fisance rénale aiguë, de prescrire un AINS chez un patient recevant un traite-
ment par inhibiteur de l’enzyme de conversion, diurétique ou antagoniste des
récepteurs de l’angiotensine II, sans prendre les précautions nécessaires.
11. Il n’y a pas lieu d’associer un traitement AINS à la corticothérapie, sauf dans
certaines maladies inflammatoires systémiques évolutives (lupus érythémateux
disséminé, angéites nécrosantes, certaines polyarthrites rhumatoïdes…).

2 Prescription des antibiotiques en pratique courante : infections ORL


et respiratoires
Ces références s’appliquent aux infections de sphères ORL et respiratoires ren-
contrées en pratique quotidienne chez l’enfant ou l’adulte sans facteur de ris-
que3 ni terrain particulier3, à l’exclusion des otites, sinusites, épiglottites,
bronchiolites du nourrisson, dans leurs formes aiguës.

1
Le misoprostol et l’oméprazole sont les seuls antiulcéreux ayant l’Autorisation de Mise
sur le Marché (AMM) dans cette indication.
2
La voie parentérale ne diminue pas le risque digestif, comporte des risques spécifiques
et n’est pas plus efficace au-delà de ce délai.
3
Facteurs de risque :
1 - dans la rhinopharyngite de l’enfant : otites dans les antécédents, particulièrement
lorsqu’elles ont commencé tôt dans la vie de l’enfant, otite séreuse préexistante à la
rhinopharyngite ;
2 - dans les pneumopathies communautaires (c’est-à-dire acquises en dehors du milieu
hospitalier) :
– soit présence d’au moins 2 parmi les facteurs de risque suivants :
● âge supérieur à 65 ans ;

● co-morbidité associée, telle que diabète sucré mal équilibré, insuffisance rénale,

insuffisance respiratoire, BPCO, insuffisance cardiaque congestive, hospitalisation


antérieure dans l’année, vie en institution, alcoolisme, drépanocytose… ;
– soit présence d’un des facteurs de risque suivants :
● immunodépression : corticothérapie prolongée par voie générale dans les six derniers

mois, chimiothérapie anticancéreuse dans les six derniers mois, splénectomie, SIDA… ;
● étiologie à haut risque : pneumopathie post-grippale ou de déglutition, facteurs

d’inhalation, pneumopathie sur obstruction.


20 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

Elles concernent :
● les infections aiguës saisonnières présumées virales : rhinites, rhinopharyngites,
bronchites aiguës, trachéites et laryngites, lorsqu’elles sont justiciables d’une
antibiothérapie ;
● les angines non récidivantes ;
● les pneumopathies aiguës chez l’adulte sain.
1. Il n’y a pas lieu d’utiliser une association amino-pénicilline-inhibiteur des
bêtalactamases.
2. Il n’y a pas lieu d’utiliser les fluoroquinolones systémiques.
3. Il n’y a pas lieu d’utiliser les céphalosporines de deuxième et de troisième
génération.
4. Il n’y a pas lieu d’instaurer un traitement par corticoïdes en association à l’an-
tibiothérapie générale, sauf dans les situations où un œdème inflammatoire
peut mettre une fonction vitale en danger.
5. Il n’y a pas lieu d’instaurer un traitement par AINS à dose anti-inflammatoire
en association à l’antibiothérapie générale, sauf composante inflammatoire
importante. L’aspirine et les AINS à doses antalgiques et antipyrétiques ne
sont pas concernés.
4 Prescription des hypnotiques et anxiolytiques
La prescription des hypnotiques et des anxiolytiques doit reposer sur une ana-
lyse soigneuse de la situation clinique, en cherchant à séparer ce qui relève des
difficultés transitoires et des réactions à une pathologie somatique, de la patho-
logie psychiatrique confirmée. Elle doit être régulièrement réévaluée et tenir
compte des indications de l’AMM, de la fiche de transparence et de l’arrêté du
7 octobre 1991. Un traitement datant de plusieurs semaines ne doit pas être
arrêté brutalement.
Dans le cadre de cette prescription :
1. Il n’y a pas lieu, dans le traitement de l’anxiété, d’associer deux anxiolytiques
(benzodiazépine ou autre).
2. Il n’y a pas lieu d’associer deux hypnotiques.
3. Il n’y a pas lieu de prescrire des anxiolytiques et/ou des hypnotiques sans
tenir compte des durées de prescription maximales réglementaires (incluant
la période de sevrage) et de les reconduire sans réévaluation régulière. Les
durées de prescription doivent être courtes et ne pas excéder :
• 4 à 12 semaines pour les anxiolytiques ;
• 2 à 4 semaines pour les hypnotiques (2 semaines pour le triazolam).
4. Il n’y a pas lieu de prescrire un anxiolytique ou un hypnotique sans débuter par
la posologie la plus faible, sans rechercher la posologie minimale efficace pour
chaque patient, ni de dépasser les posologies maximales recommandées.
5. Néant.
7 Surveillance de la contraception orale4
Ces références ne remettent pas en cause le bien fondé d’un examen clinique
annuel.
1. Il n’y a pas lieu, au cours de la surveillance biologique d’une contraception
orale, chez une femme de moins de 35 ans, lorsque ni le premier bilan com-
prenant nécessairement la mesure à jeun de la glycémie, du cholestérol total
4
Frottis exclu.
1. La prescription médicale 21

et des triglycérides plasmatiques, ni les bilans de contrôle effectués trois


mois puis douze mois après n’ont montré d’anomalies, de pratiquer d’autres
explorations biologiques.
2. Il n’y a pas lieu, au cours de la surveillance biologique d’une contraception
orale, chez une femme de moins de 35 ans, lorsque le premier bilan et les
bilans de contrôle effectués trois mois puis douze mois après, n’ont pas
montré d’anomalies, de répéter les examens de contrôle plus d’une fois
tous les 2 ans, en l’absence de faits nouveaux.

8 Diabète non insulino-dépendant (DNID)


1. Il n’y a pas lieu de commencer un traitement médicamenteux en l’absence
de critères de diagnostic suffisants (glycémie 140 g/L à deux reprises ou
glycémie à jeun comprise entre 1 g/L et 1,4 g/L et glycémie deux heures
après charge orale de 75 g de glucose 2 g/L).
2. Il n’y a pas lieu de prescrire un dosage de l’hémoglobine glyquée dans un
but de dépistage.
3. Il n’y a pas lieu de prescrire une hyperglycémie provoquée par voie orale
quand la glycémie à jeun est 1,4 g/L à deux reprises.
4. Il n’y a pas lieu de prescrire une hyperglycémie provoquée par voie orale
comme examen de surveillance d’un diabétique.
5. Il n’y a pas lieu de doser l’hémoglobine glyquée plus d’une fois tous les trois
mois dans la surveillance d’un patient atteint de DNID, sauf cas particulier.
6. Il n’y a pas lieu d’associer deux sulfamides hypoglycémiants.
7. Il n’y a pas lieu de prescrire un biguanide ou un sulfamide hypoglycémiant :
• sans avoir vérifié la fonction rénale au préalable ;
• sans surveillance de la créatininémie.
8. Il n’y a pas lieu de prescrire un biguanide en cas :
• d’insuffisance rénale ;
• d’insuffisance cardiaque, respiratoire ou hépatique ;
• d’infarctus du myocarde récent ;
• de risque d’ischémie tissulaire aiguë.
9. Il n’y a pas lieu, chez les sujets de plus de 65 ans, d’utiliser des sulfamides
hypoglycémiants de 1/2 vie longue (carbutamide) et des sulfamides pré-
sentés dans une forme à libération prolongée (glipizide à libération prolon-
gée).
10. Il n’y a pas lieu, chez les sujets de plus de 65 ans, de commencer un traite-
ment par sulfamides hypoglycémiants sans utiliser des doses initiales ré-
duites.

11 Endoscopies digestives hautes5


1. Il n’y a pas lieu d’effectuer, en première intention, un transit œso-gastro-
duodénal avant une endoscopie haute, en dehors des cas très particuliers
où existent une contre-indication à l’endoscopie haute, une orientation cli-
nique vers une sténose œsophagienne ou vers un diverticule œsophagien.
2. Néant.
3. Il n’y a pas lieu, lorsqu’une endoscopie a conduit à la recherche d’Helicobacter
pylori, de demander en première intention un antibiogramme.

5
Il est impératif de mettre en œuvre, entre chaque examen, une procédure de
désinfection de l’endoscope conforme aux normes édictées.
22 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

4. Il n’y a pas lieu, après traitement de la maladie ulcéreuse duodénale, de


contrôler par endoscopie la cicatrisation et/ou l’éradication d’Helicobacter py-
lori 6, sauf persistance des douleurs et/ou terrain à risque : antécédents de com-
plications ulcéreuses, nécessité d’un traitement par AINS, anticoagulant…
5. Il n’y a pas lieu de faire systématiquement une recherche d’Helicobacter pylori au
cours d’une endoscopie, devant un estomac ou un duodénum macroscopique-
ment normaux, ou chez un malade dyspeptique ayant une gastrite chronique.
6. Néant.
7. Il n’y a pas lieu de pratiquer une endoscopie chez le sujet jeune pour un reflux
gastro-œsophagien à symptomatologie typique, modérée, non compliquée,
sauf en cas d’échec du traitement symptomatique et de récidives fréquentes.
8. Il n’y a pas lieu de pratiquer une endoscopie de contrôle dans les œsophagi-
tes de gravité modérée (grades I-II de la classification de Savary-Miller) lors-
que la symptomatologie a bien répondu au traitement.

13 Prescription du dosage des hormones thyroïdiennes7 chez l’adulte


1. Il n’y a pas lieu de prescrire un dosage des hormones thyroïdiennes dans le
cadre de bilans biologiques effectués chez des patients asymptomatiques8.
2. Il n’y a pas lieu, devant un patient pour lequel on recherche une hypothy-
roïdie suspectée cliniquement, de doser la T3L.
3. Il n’y a pas lieu, chez un patient qui reçoit un traitement hormonal substitutif
pour une hypothyroïdie, de doser parmi les examens de surveillance la T3L
s’il est traité par L-Thyroxine, ou la T4L s’il est traité par triidothyronine.
4. Il n’y a pas lieu, au cours de la surveillance d’un patient atteint d’une hypo-
thyroïdie, recevant un traitement substitutif, une fois l’équilibre du traite-
ment atteint et en l’absence de pathologie cardiovasculaire, de répéter les
dosages hormonaux plus de deux fois par an.

14 Diagnostic et traitement de l’hypertension artérielle de l’adulte


en dehors de la grossesse
Ces RMO concernent l’hypertension artérielle essentielle de l’adulte, non com-
pliquée, permanente et caractérisée par une pression artérielle diastolique
supérieure ou égale à 90 mmHg et inférieure à 110 mmHg et par une pression
systolique inférieure à 180 mmHg. Ces RMO concernent aussi la personne
âgée de 60 ans à 80 ans, dont la pression systolique est égale ou supérieure à
160 mmHg et inférieure à 180 mmHg et la pression diastolique inférieure à
90 mmHg (hypertension artérielle systolique isolée du sujet âgé).
Ces RMO ne concernent pas les hypertensions artérielles plus sévères.
1. Il n’y a pas lieu, lors de la prise en charge d’un HTA non compliquée et perma-
nente de l’adulte et n’orientant pas vers une HTA secondaire, de prescrire ou de
pratiquer d’autres examens lorsque l’interrogatoire, l’examen clinique et les
examens complémentaires simples et systématiques sont négatifs ou normaux ;
les examens systématiques sont : le dosage à jeun de la kaliémie (sans garrot et
sans effort musculaire), de la créatininémie, de la glycémie, du cholestérol total,
6
Au contraire de l’ulcère gastrique, où un contrôle endoscopique est nécessaire.
7
Par « hormones thyroïdiennes », il faut entendre TSH et hormones thyroïdiennes.
8
Par « patients asymptomatiques », il faut entendre les patients ne présentant pas
d’éléments d’orientation vers une pathologie thyroïdienne, tirés des antécédents, de
l’interrogatoire (notamment la prise de médicaments pouvant interférer avec la fonction
thyroïdienne), de l’examen clinique ou des résultats d’examens complémentaires.
1. La prescription médicale 23

du HDL-cholestérol et des triglycérides ; la recherche d’une protéinurie, d’une


hématurie (bandelettes et quantification si positive) et l’ECG.
2. Il n’y a pas lieu d’instituer un traitement médicamenteux antihypertenseur
avant de s’être assuré de la permanence d’une HTA essentielle non compli-
quée de l’adulte, caractérisée par la présence de chiffres anormalement éle-
vés mesurés deux fois lors de trois consultations successives, espacées sur
une période d’au moins trois mois.
3. Il n’y a pas lieu, pour une HTA essentielle non compliquée et permanente de
l’adulte, de commencer un traitement antihypertenseur par plus d’un seul
principe actif antihypertenseur, sauf association de diurétiques ou toute
autre association fixe prévue par l’Autorisation de Mise sur le Marché pour
être utilisée en première intention.
4. Il n’y a pas lieu, pour une HTA essentielle non compliquée et contrôlée de
l’adulte, de répéter l’ECG réalisé avant la mise en route du traitement plus
d’une fois tous les trois ans s’il était initialement normal, sauf en cas de signe
d’appel nouveau à l’interrogatoire ou à l’examen clinique.
5. Il n’y a pas lieu, dans la prise en charge d’une HTA essentielle, de prescrire ou
de pratiquer une échocardiographie en l’absence de symptômes (douleur tho-
racique, dyspnée d’effort) ou d’anomalies de l’examen clinique (souffle cardia-
que) ou de l’ECG (troubles de la repolarisation, bloc de branche gauche).
6. Il n’y a pas lieu, au cours du traitement d’une HTA essentielle non compli-
quée et permanente de l’adulte, de surveiller la pression artérielle plus d’une
fois tous les trois mois, sauf si l’objectif tensionnel (pression artérielle infé-
rieure à 140/90 mmHg) n’est pas atteint, ou en cas de survenue de symp-
tômes faisant craindre une complication ou une intolérance au traitement,
en particulier l’hypotension orthostatique chez le sujet âgé.
7. Il n’y a pas lieu, au cours du traitement d’une HTA essentielle non compli-
quée et permanente de l’adulte, de surveiller, en l’absence de traitement
pouvant les modifier, la créatininémie et la kaliémie plus d’une fois par an, la
glycémie, le cholestérol total, le cholestérol HDL et les triglycérides plus
d’une fois tous les trois ans, s’ils étaient initialement normaux.

21 Prescription des antiulcéreux9


1. Il n’y a pas lieu d’associer simultanément deux antiulcéreux.
2. Il n’y a pas lieu, dans l’ulcère duodénal, de prolonger le traitement antiulcéreux à
doses d’attaque [prescrit ou non après un traitement d’éradication d’H. pylori]10,
sauf en cas de persistance des symptômes et après réévaluation clinique.
3. Il n’y a pas lieu, dans l’ulcère duodénal, en cas d’éradication d’Helicobacter
pylori, de prescrire un traitement antiulcéreux d’entretien.
4. Il n’y a pas lieu de prescrire des formes injectables d’antiulcéreux quand la
voie orale est possible.
5. Néant.
6. Néant.

9
Antiulcéreux : ce vocable recouvre les différentes classes d’antiulcéreux tels qu’ils sont
définis dans la fiche de transparence. Sont donc inclus : les inhibiteurs des récepteurs H2
à l’histamine, les inhibiteurs de la pompe à protons, les analogues des prostaglandines,
le sucralfate, les antiacides ayant l’indication de l’Autorisation de Mise sur le Marché
dans l’ulcère.
10
La dose d’attaque est prescrite, selon les médicaments concernés, pendant 4 à
8 semaines.
24 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

22 Prescription des vaso-actifs11 dans l’artériopathie oblitérante


des membres inférieurs
1. Il n’y a pas lieu de prescrire un médicament de la classe des « Vasodilatateurs
et anti-ischémiques » dans l’artériopathie oblitérante des membres infé-
rieurs, en l’absence de signes fonctionnels.
2. Il n’y a pas lieu d’associer deux médicaments de la classe « Vasodilatateurs et
anti-ischémiques » ou plus, dans le traitement de l’artériopathie oblitérante
des membres inférieurs symptomatique.

29 Acné
Ces références concernent le traitement de l’acné par voie générale.
1. Néant.
2. Il n’y a pas lieu de prescrire de l’isotrétinoïne en dehors des acnés sévères
nodulo-kystiques et conglobata et des acnés résistantes à un traitement clas-
sique12.
3. Il n’y a pas lieu, du fait du risque tératogène, de débuter un traitement de
l’acné par isotrétinoïne, sans avoir vérifié qu’il n’y a pas de grossesse en cours
par un test qualitatif de grossesse et sans qu’un moyen efficace de contra-
ception ait été instauré un mois avant le début du traitement.
4. Il n’y a pas lieu, du fait du risque tératogène, de poursuivre un traitement de
l’acné par isotrétinoïne, sans avoir vérifié qu’il n’y a pas de grossesse en cours
par un test qualitatif de grossesse répété tous les deux mois, et sans qu’un
moyen efficace de contraception soit poursuivi.
5. Il n’y a pas lieu, du fait du risque tératogène, d’arrêter le moyen efficace de
contraception avant la fin du premier mois suivant l’arrêt du traitement par
isotrétinoïne13.
6. Il n’y a pas lieu, dans le traitement de l’acné par isotrétinoïne, de pratiquer
d’autres examens14 que le dosage des transaminases, du cholestérol total et
des triglycérides.
7. Il n’y a pas lieu, dans le traitement de l’acné, d’associer les cyclines à l’isotré-
tinoïne du fait du risque d’hypertension intracrânienne.
8. Il n’y a pas lieu, dans le traitement de l’acné, de prescrire l’isotrétinoïne à une
dose inférieure à 0,5 mg/kg/jour – dose initiale optimale – ou supérieure à
1 mg/kg/jour.
9. Il n’y a pas lieu, dans le traitement de l’acné, d’administrer une dose cumu-
lée de plus de 150 mg/kg d’isotrétinoïne par cure.

31 Prescription de neuroleptiques
1. Il n’y a pas lieu d’administrer d’emblée, à titre préventif, des correcteurs
anticholinergiques lors de la mise en route d’un traitement neuroleptique,
11
Il s’agit des spécialités regroupées sous le vocable « Vasodilatateurs et anti-
ischémiques », dans les familles pharmaco-thérapeutiques citées dans le Vidal.
12
L’AMM précise que l’acné est résistante après un traitement classique (traitement
antibiotique en association avec des traitements locaux) d’au moins trois mois.
13
Au terme de cette période, il conviendra de vérifier qu’il n’y a pas de grossesse
en cours par un test qualitatif de grossesse pratiqué une semaine après la fin de la
contraception, c’est-à-dire cinq semaines après l’arrêt du traitement par isotrétinoïne.
14
Sauf les examens nécessaires pour répondre aux conditions des références 3, 4, 5 et
sauf co-morbidité.
1. La prescription médicale 25

sauf chez les malades à risques (personnes âgées, antécédents de syndrome


parkinsonien…).
2. Il n’y a pas lieu, du fait des dangers potentiels (augmentation du risque des ef-
fets secondaires atropiniques), d’associer deux correcteurs anticholinergiques.
3. Il n’y a pas lieu, dans le traitement d’entretien de la psychose, d’associer
deux neuroleptiques, même s’ils sont à polarité distincte, sauf si leur pres-
cription est argumentée et périodiquement réévaluée.
32 Suivi du traitement des psychoses maniaco-dépressives
1. Il n’y a pas lieu d’entreprendre un traitement prophylactique par le lithium15,
sauf chez les malades ayant un trouble maniaco-dépressif bipolaire ou uni-
polaire et des états schizo-affectifs.
2. Néant.
3. Il n’y a pas lieu, pour la surveillance d’un traitement par la carbamazépine,
de pratiquer à titre systématique d’autres examens biologiques que la sur-
veillance des taux plasmatiques, un hémogramme et un bilan hépatique.
42 Traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate
1. Il n’y a pas lieu d’effectuer en première intention une urographie intraveineuse
chez un homme sans antécédents urologiques, et n’ayant d’autres symptômes
que ceux d’une hypertrophie prostatique bénigne non compliquée.
2. Il n’y a pas lieu d’utiliser l’association de 2 médicaments ou plus, pour traiter
les troubles mictionnels de l’hypertrophie prostatique bénigne.
3. Néant.
4. Néant.
43 Traitement du cancer de la prostate
1. Néant.
2. Il n’y a pas lieu d’effectuer chez un malade atteint de cancer localisé de la
prostate des traitements à visée curatrice16 autres que la prostatectomie ra-
dicale et la radiothérapie externe.
3. Il n’y a pas lieu d’effectuer un traitement à visée curatrice clinique (prostatec-
tomie radicale ou radiothérapie externe), dans les tumeurs de stade T1a,
sauf chez les patients de moins de 65 ans, ayant une tumeur de stade clini-
que T1a peu différenciée17 (notamment sur des biopsies complémentaires
réalisées par voie transrectale) ou une tumeur évolutive, en raison d’une
augmentation des taux sériques de PSA.
4. Néant.
45 Vasodilatateurs, anti-ischémiques et vasculo-protecteurs, veinotoniques18,
dans la symptomatologie d’une « insuffisance circulatoire cérébrale »
L’insuffisance circulatoire cérébrale recouvre les accidents circulatoires aigus –
infarctus cérébraux, accidents ischémiques transitoires – et certaines manifestations
15
Cette référence concerne le lithium à posologie thymorégulatrice.
16
Ablation ou destruction du tissu cancéreux dans le but d’obtenir une guérison.
17
Selon la classification simplifiée, « tumeur peu différenciée »  GLEASON 8 à 10 -
OMS 3.
18
Il s’agit des spécialités regroupées sous les vocables, d’une part « Vasodilatateurs
et anti-ischémiques », d’autre part « vasculo-protecteurs et veinotoniques », dans les
familles pharmaco-thérapeutiques citées dans le VIDAL.
26 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

centrales et sensorielles réputées ischémiques, dénommées traditionnellement


« insuffisance circulatoire cérébrale chronique ». Cependant, les données physio-
pathologiques indiquent que les situations d’insuffisance circulatoire cérébrale
chronique sont exceptionnelles.
Sont exclus du champ de ce thème, la pathologie du vieillissement cérébral
autre que vasculaire, les troubles sensoriels isolés, les vertiges isolés et les mani-
festations ophtalmologiques du vieillissement.
1. Il n’y a pas lieu de prescrire de médicament appartenant à la famille des
« Vasodilatateurs et anti-ischémiques » dans la prévention des accidents vas-
culaires cérébraux, ou dans leur traitement à la phase aiguë ou de récupé-
ration des séquelles19.
2. Il n’y a pas lieu de prescrire plus d’un médicament appartenant à la famille
des « Vasodilatateurs et anti-ischémiques »20.
3. Il n’y a pas lieu de prescrire de médicament appartenant à la famille des
« vasculo-protecteurs et veinotoniques » dans la prévention des accidents
vasculaires cérébraux, ou dans leur traitement, quelle que soit la phase –
aiguë ou de récupération des séquelles.
4. Il n’y a pas lieu de prescrire de médicament appartenant à la famille des
« vasculo-protecteurs et veinotoniques » dans l’« insuffisance circulatoire
cérébrale chronique ».

46 Veinotropes21 dans l’insuffisance veineuse des membres inférieurs


Le thème recouvre les veinotropes à indications phlébologiques. En sont exclus
les indications proctologiques, gynécologiques, ophtalmologiques, le lym-
phœdème post-mastectomie.
1. Il n’y a pas lieu de prescrire de veinotrope en l’absence de symptomatologie
fonctionnelle de l’insuffisance veineuse des membres inférieurs (jambes lour-
des, douleurs, impatience de primo-décubitus).
2. Il n’y a pas lieu de prescrire de veinotrope en présence de maladie vari-
queuse asymptomatique.
3. Il n’y a pas lieu de prescrire de veinotrope pendant plus de 3 mois, sauf en cas de
réapparition de la symptomatologie fonctionnelle, après l’arrêt du traitement.
4. Il n’y a pas lieu d’associer plusieurs spécialités veinotropes.

47 Médicaments antidépresseurs
Le traitement médicamenteux d’un patient déprimé, n’est qu’un aspect de sa
prise en charge, qui comporte d’autres mesures thérapeutiques (psychothé-
rapies interpersonnelles, psychothérapies comportementales…) et la prise en
compte de facteurs sociaux.
Sont exclus de ce thème : les troubles paniques avec ou sans agoraphobie, les
troubles obsessionnels compulsifs, l’énurésie de l’enfant, les algies rebelles.
1. Il n’y a pas lieu d’associer systématiquement en début de traitement, à un
antidépresseur :
19
Hormis les médicaments ayant l’indication par leur Autorisation de Mise sur le Marché.
20
Le bénéfice de leur association n’étant pas établi et compte tenu du risque d’effet
indésirable.
21
Il s’agit des spécialités à tropisme veineux regroupées sous le vocable « vasculo-
protecteurs et veinotoniques », dans les familles pharmaco-thérapeutiques citées
dans le Vidal.
1. La prescription médicale 27

• un anxiolytique ;
• ou un hypnotique ;
• ou un thymorégulateur ;
• ou un neuroleptique.
Si l’importance de l’anxiété, de l’insomnie, de l’agitation, du risque de levée
d’inhibition, justifie une coprescription, celle-ci doit être brève et rapidement
réévaluée.
2. Il n’y a pas lieu de prescrire en première intention plus d’un antidépresseur,
lors de la mise en route du traitement d’un état dépressif.
3. Il n’y a pas lieu de poursuivre, sans le réévaluer, un traitement antidépresseur
plus de 6 mois après l’obtention de la rémission complète22 de l’épisode
dépressif, sauf en cas d’antécédents d’épisodes dépressifs majeurs caracté-
risés récurrents et rapprochés.

48 Hypolipidemiants
1. Il n’y a pas lieu d’instaurer une prise en charge thérapeutique en cas d’hyper-
lipidémie sans confirmation de l’anomalie lipidique.
2. Il n’y a pas lieu de prescrire des médicaments hypolipidémiants dans les
hypercholestérolémies secondaires23 ou iatrogènes sans traiter la maladie
causale ou sans réévaluer l’intérêt du traitement responsable.
3. Il n’y a pas lieu de prescrire de médicaments hypolipidémiants au cours de
la grossesse, sauf en cas d’hypertriglycéridémie majeure.
4. Il n’y a pas lieu de prescrire de médicaments hypolipidémiants en prévention
primaire24, sauf si la diététique hypocholestérolémiante, effectivement me-
née pendant trois à six mois se révèle inefficace ; les hypercholestérolémies
majeures familiales ne sont pas concernées.
5. Néant.
6. Il n’y a pas lieu d’associer plusieurs hypocholestérolémiants de la même
classe pharmacologique.
7. Il n’y a pas lieu d’associer statine et fibrate, en raison du risque d’addition
des effets indésirables, notamment musculaires, sauf en cas d’hyperlipidé-
mies sévères non contrôlées et associées à un risque vasculaire élevé.
8. Néant.
9. Il n’y a pas lieu de prescrire de statines dans une hypertriglycéridémie endo-
gène pure.

49 L’antibioprophylaxie en chirurgie
L’antibioprophylaxie doit être réservée :
● aux interventions de classe II ou chirurgie « propre-contaminée » associées à un

risque élevé d’infection post-opératoire. Il s’agit des interventions avec soit


ouverture d’un viscère creux colonisé par une flore commensale (tube digestif,
voies biliaires, voies respiratoires, tractus génital, tractus urinaire lorsque les uri-
nes sont stériles) ou rupture minime d’asepsie ;

22
Rémission complète  période durant laquelle est observée une amélioration d’une
qualité suffisante pour que le patient soit considéré comme asymptomatique.
23
Dyslipidémies secondaires survenant au cours du diabète, de l’hypothyroïdie, du
syndrome néphrotique…
24
Le terme de prévention primaire est utilisé en l’absence d’affection coronaire et celui
de prévention secondaire, chez les malades ayant déjà eu une affection coronaire.
28 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

● aux interventions de classe I ou chirurgie « propre », aseptique atraumatique,


sans inflammation et sans ouverture muqueuse. Le risque de complications
infectieuses est faible mais celles-ci peuvent mettre en jeu le pronostic vital ou
fonctionnel. L’antibioprophylaxie est justifiée essentiellement pour les interven-
tions avec mise en place de prothèse ou de matériel étranger : chirurgie ortho-
pédique prothétique, chirurgie cardiovasculaire, et habituellement recommandée
dans les craniotomies et les dérivations internes du liquide céphalo-rachidien.
Ne sont pas concernées les chirurgies de la classe III « contaminée » et de la
classe IV « sale », qui relèvent d’une antibiothérapie curative.
1. Il n’y a pas lieu de débuter une antibioprophylaxie en dehors de la période
per-opératoire ni de la poursuivre au-delà, sauf indication précise justifiant sa
poursuite jusqu’à 24 h le plus souvent et jamais plus de 48 h.
2. Il n’y a pas lieu, même lorsque des drains ou cathéters restent en place, de
prolonger l’antibioprophylaxie ou de pratiquer des réinjections lors de leur
ablation.

51 Stérilité du couple
1. Il n’y a pas lieu de prescrire ou de pratiquer des explorations, pour un bilan
de stérilité, chez un couple ayant des rapports sexuels réguliers sans mé-
thode contraceptive depuis moins d’un an, sauf si la femme a plus de 35 ans
ou a des troubles du cycle patents, ou s’il existe une pathologie de l’appareil
génital connue ou suspectée chez l’homme ou la femme.
2. Il n’y a pas lieu, en l’absence de signes cliniques évocateurs d’une cause
précise de stérilité, de prescrire ou de pratiquer d’autres investigations, avant
de disposer des résultats des examens suivants : établissement d’une courbe
de température, étude de la glaire et pratique d’un test post-coïtal de Huh-
ner, spermogramme et spermocytogramme, contrôle des sérodiagnostics
de toxoplasmose, rubéole, Chlamydiae trachomatis.
3. Il n’y a pas lieu, dans un bilan de stérilité, de pratiquer une cœlioscopie, sauf
en cas de suspicion d’altération tubaire, d’adhérences ou d’endométriose. Si
elle est réalisée, la cœlioscopie doit être faite en dernière intention.
4. Il n’y a pas lieu de procéder à l’induction de l’ovulation sans un bilan étiolo-
gique préalablement réalisé.
5. Il n’y a pas lieu d’utiliser un médicament hypoprolactinémiant en l’absence
d’hyperprolactinémie.
6. Il n’y a pas lieu de prescrire un traitement inducteur en cas de taux de FSH
franchement et constamment augmenté.
7. Il n’y a pas lieu de pratiquer plus de 6 tentatives25 de fécondation in vitro
pour l’obtention de grossesse.

52 Hématologie en pratique courante - Carence martiale


1. Il n’y a pas lieu, pour dépister une carence martiale, de prescrire simultané-
ment un dosage de fer sérique et la ferritinémie26.
2. Il n’y a pas lieu de prescrire un dosage de fer sérique en présence d’une fer-
ritinémie basse.

25
On entend par tentative, un cycle donnant lieu à ponction productive d’ovocyte.
26
Le dosage de la ferritine sérique est le test le plus sensible et le plus spécifique sauf s’il
existe un syndrome inflammatoire où une ferritinémie normale n’exclut pas une carence
martiale.
1. La prescription médicale 29

3. Il n’y a pas lieu, en cas d’anémie hypochrome microcytaire par carence mar-
tiale, de demander :
• une numération des réticulocytes ;
• un médullogramme.
4. Il n’y a pas lieu de demander en première intention, devant une anémie
microcytaire27, une électrophorèse de l’hémoglobine à la recherche d’une tha-
lassémie hétérozygote sans s’être assuré de l’absence de carence martiale.
5. Il n’y a pas lieu de prescrire la voie parentérale pour traiter une carence mar-
tiale, en raison du risque d’effets indésirables, sauf dans les cas où la voie
orale est impossible ou inadaptée (malabsorption sévère, hémodialyse).
6. Il n’y a pas lieu de prescrire par voie orale, une forme galénique de fer desti-
née à la voie parentérale.

53 Asthme
1. Néant.
2. Néant.
3. Néant.
4. Néant.
5. Néant.
6. Néant.
7. Néant.
8. Néant.

57 Oxygénothérapie à long terme (OLT) chez les insuffisants


respiratoires chroniques
L’OLT consiste en l’inhalation quotidienne, au moins 15 heures par jour, pour
une durée supérieure à 3 mois d’un air enrichi en oxygène, en général par voie
nasale et à un débit permettant de maintenir la PaO2 supérieure à 60 mmHg,
ou une saturation en O2 supérieure ou égale à 90 %.
Elle s’adresse aux insuffisants respiratoires chroniques, c’est-à-dire aux malades
ayant une maladie pulmonaire chronique associée à une hypoxémie permanente.
L’oxygénothérapie prescrite dans le cadre de traitements de courte durée
(moins de 3 mois) n’entre pas dans le cadre de ce thème.
1. Il n’y a pas lieu de prescrire une OLT si la permanence de l’hypoxémie n’a
pas été affirmée par 2 mesures concordantes des gaz du sang artériel, sé-
parées par une période d’au moins 3 semaines.
2. Il n’y a pas lieu de prescrire une OLT chez un patient ayant une broncho-
pneumopathie chronique obstructive si, à distance d’un épisode aigu, la
PaO2 est supérieure à 55 mmHg. Cette limite peut être élargie à 60 mmHg
dans les situations suivantes :
• polyglobulie (hématocrite supérieur à 55 %) ;
• hypertension artérielle pulmonaire (avec pression artérielle pulmonaire
moyenne supérieure ou égale à 20 mmHg) ;

27
L’anémie microcytaire est définie par :
– un abaissement de l’hémoglobine ( 130 g/L chez l’homme,  120 g/L chez la
femme non enceinte,  110 g/L chez la femme enceinte ; chez l’enfant :  135 g/L à la
naissance,  110 g/L jusqu’à 6 ans,  120 g/l entre 6 et 14 ans) ;
– une diminution de volume globulaire moyen (VGM) ( 70 μ3 avant 2 ans,  73 μ3
entre 2 et 6 ans,  80 μ3 entre 6 et 14 ans et chez l’adulte).
30 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

• désaturation artérielle nocturne non apnéique ;


• signes cliniques de cœur pulmonaire chronique.
3. Il n’y a pas lieu de prescrire une OLT sans indiquer le mode d’administration,
la durée quotidienne et le débit de l’oxygénothérapie.
4. Il n’y a pas lieu de prescrire une oxygénothérapie de déambulation à un
patient qui se trouve dans l’incapacité de déambuler et/ou dont la mobilité
n’est pas améliorée à l’effort sous oxygène et/ou qui est dans l’incapacité de
comprendre ou d’accepter l’utilisation du matériel.
5. Il n’y a pas lieu de surveiller les gaz du sang artériel en air ambiant ou sous
oxygène, chez un malade cliniquement stable sous OLT, plus de 2 à 4 fois
par an.
2 La délivrance des
médicaments hors
prescription médicale
Au cours de son exercice quotidien à l’officine, le pharmacien est régulièrement
confronté à la dispensation de médicaments sans prescription médicale. Avant
tout, cette fonction ne doit pas être perçue par le patient comme une sorte de
légalisation de l’automédication. Par conséquent, le pharmacien devra toujours
évaluer cet acte, d’une part en fonction de la réalité et de la gravité des symptômes
et d’autre part, en fonction de l’effet et des risques thérapeutiques engagés.
Il faut bien distinguer :
n Les médicaments d’autoprescription qui correspondent à la prise de médica-
ments antérieurement prescrits par le médecin : soit le traitement n’a pas
nécessité la totalité des médicaments mis à disposition, soit il s’agissait d’une
boîte d’avance « au cas où ». Le patient s’autoprescrit un traitement pour un
symptôme ou un trouble qu’il identifie à celui traité antérieurement ; ou encore,
sur avis médical antérieur, il s’autoprescrit un médicament lors des premiers
signes annonciateurs d’une pathologie récurrente (ex. : autoprescription d’aci-
clovir dès l’apparition des signes de récurrence d’un herpès labial).
Remarque : encore faut-il que le symptôme ressenti par le patient soit le
« bon » symptôme et le(s) médicament(s) non inducteur(s) d’effets indésirables
délétères… d’où la notion d’un risque iatrogène certain lié à ce comportement !
Le médicament d’automédication devrait, au sens propre du terme, engager
seulement la responsabilité du patient qui a décidé de se soigner seul, sans l’in-
tervention d’un praticien de santé (médecin ou pharmacien).
Ce cas mis à part, la délivrance de médicaments hors prescription médicale
correspond à la médication officinale.
n La médication officinale correspond à un acte pharmaceutique : il s’agit de
médicament(s) délivré(s) sans prescription médicale, dont les composants, soit
ne sont pas inscrits sur la liste des substances vénéneuses (non listés), soit le sont
à des doses exonérées. Ils sont directement conseillés à l’officine. Pour des rai-
sons évidentes de protection de la santé, la délivrance de ces médicaments
devrait faire l’objet d’avis et de conseils prodigués par le pharmacien, qui est
l’un des acteurs de santé le mieux placé par sa proximité et sa compétence de
spécialiste du médicament, pour assumer ce rôle de conseil afférent au bon
usage du médicament. Ces médicaments sont destinés à des traitements symp-
tomatiques de courte durée, pour des affections bénignes, demandés ou choisis
par le patient et/ou conseillés par le pharmacien (voire par le médecin).
Parmi ces médicaments de non-prescription ou de prescription médicale facultative
(PMF), selon la classification européenne, on distingue :
n les médicaments conseils : ce sont des médicaments non remboursés, qui sont
réservés au conseil du pharmacien par l’entreprise qui les commercialise et qui
ne font donc pas l’objet de publicité auprès du public ;
32 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

n les médicaments grand public : ce sont des médicaments non remboursés qui
peuvent faire l’objet d’une publicité grand public (presse, TV, radio, afficha-
ges…). Leur publicité fait l’objet avant toute diffusion d’un contrôle a priori par
la commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion des recom-
mandations sur le bon usage du médicament (AFSSAPS).
D’autres médicaments peuvent également être achetés librement par les
patients : ce sont les médicaments remboursables à prescription facultative. Ils ne
contiennent pas de substances vénéneuses ou à doses exonérées. Dans la
mesure où ils seront achetés sans prescription médicale, ils ne pourront être pré-
sentés au remboursement.
Leur publicité est interdite auprès du grand public car la publicité est interdite
pour les médicaments inscrits sur la liste des spécialités remboursables.
Les politiques de maîtrise des dépenses de santé en modifiant les taux de
remboursement (de 65 % à 35 % pour les médicaments dont l’Amélioration du
service médical – ASMR – est faible), voire en déremboursant certaines spécia-
lités ont pour objectif de laisser à la charge du patient la prise en charge des
symptômes ou pathologies bénins.
C’est également dans cet esprit de responsabilisation du patient qu’a été ins-
tauré l’accès direct au public de certaines catégories de médicaments de médication
officinale au 1er juillet 2008 (liste fixée par le directeur général de l’AFSSAPS).
L’article R.4235-55 précise que : « Le pharmacien veille à ce que le public ne
puisse accéder directement aux médicaments et que ceux-ci soient dispensés
avec la discrétion que requiert le respect du secret professionnel. Toutefois, le
pharmacien titulaire… peut rendre directement accessible au public les médica-
ments de médication officinale… Ces médicaments doivent être présentés dans
un espace dédié, clairement identifié et situé à proximité immédiate des postes
de dispensation des médicaments et d’alimentation du dossier pharmaceutique,
de façon à permettre un contrôle effectif du pharmacien. Ce dernier met à la
disposition du public les informations émanant des autorités de santé relatives
au bon usage des médicaments de médication officinale ».
Dans tous les cas d’achat de médicaments sans prescription, le pharmacien,
conformément à l’article R.4235-48 du Code de la Santé publique « a un devoir
particulier de conseil lorsqu’il est amené à délivrer un médicament qui ne
requiert pas une prescription médicale » (cf. chapitre 1).
Le conseil du pharmacien est donc indispensable, même pour des pathologies
considérées comme étant bénignes.

Quelques règles fondamentales


Pour bien remplir son rôle de prescripteur dans le cadre de la médication offici-
nale, le pharmacien doit respecter un certain nombre de règles fondamentales
avant de prendre la décision d’une dispensation :
n Le dialogue entre le patient et le pharmacien doit s’établir préférentiellement
dans une zone de confidentialité. Cet espace privilégié de l’officine permettra la
création d’un climat de confiance avec le patient et facilitera l’interrogatoire.
L’interrogatoire sera dirigé de façon à recueillir des informations précisant le
caractère et le fondement des plaintes du malade : évaluation de la gravité du
symptôme, précision du contexte, degré d’urgence…
2. La délivrance des médicaments hors prescription médicale 33

n La reconnaissance du symptôme n’autorise pas le pharmacien à porter un dia-


gnostic mais à conseiller le patient en se fondant sur la symptomatologie. Si le
symptôme est bien décrit, isolé, d’apparition récente et survient chez un sujet
par ailleurs en bon état général, la prescription semble licite. Si le symptôme est
mal défini, installé depuis un certain temps (ou chronique), voire déjà traité sans
succès par le patient (automédication), l’orientation du malade vers le médecin
est impérative.
n Un symptôme isolé, même bien défini, peut être le premier signe avant-
coureur de l’installation d’une maladie grave ou être le premier signe d’une
maladie déjà installée mais évoluant à bas bruit. La prescription « spontanée »
d’un médicament peut enrayer la maladie et en retarder le diagnostic.
n La prescription de médicaments sans avis médical exige une vigilance particu-
lière du pharmacien, en fonction :
l du terrain : nourrisson, enfant, femme enceinte, vieillard,

l du contexte physiopathologique : survenue d’un symptôme au cours du

traitement d’une maladie déjà installée (aiguë ou chronique), survenue d’un


symptôme dans un contexte particulier, ex. : éthylisme,
l du contexte social : milieu fruste, milieu psychosocial fragilisé ou trop

« intellectualisé » dans chaque cas, il faut craindre ou l’inobservance et/ou


l’automédication !

Intérêt des connaissances en physiopathologie,


sémiologie et pharmacie clinique
L’acte de dispensation des médicaments sans prescription médicale doit toujours
s’appuyer sur des connaissances bien établies, en physiopathologie, sémiologie
et pharmacie clinique :
n les connaissances en sémiologie servent à la reconnaissance et l’identification
des symptômes ;
n les connaissances en physiopathologie permettent la reconnaissance d’une
maladie et de son caractère ;
n les connaissances en pharmacie clinique guident le choix du médicament
dans l’indication retenue et garantissent une juste évaluation de la survenue
d’effets indésirables ou d’interactions médicamenteuses potentielles.
L’acte de dispensation de(s) médicament(s) sans prescription médicale engage
la compétence du pharmacien au même titre que lorsqu’il s’agit d’une dispensa-
tion sur ordonnance. Les règles habituellement suivies doivent être intégra-
lement appliquées et même renforcées :
n Les connaissances pharmacologiques et thérapeutiques du (des)
médicament(s) prescrit(s) doivent être complètes (et actualisées) : mécanisme
d’action, effets indésirables et interactions médicamenteuses (cf. chapitre 1).
n La vigilance doit être renforcée au niveau des précautions d’emploi, car très
souvent, le patient « banalise » un médicament non prescrit par le médecin
considérant par ce fait même qu’il n’est pas « dangereux » : attention à l’inob-
servance et à l’automédication improvisée (cf. chapitre 1).
34 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

n Le choix du médicament doit être rigoureusement adapté à l’indication


retenue : ne pas prescrire de médicaments dont l’indication thérapeutique est
trop élargie.
n Le choix du médicament doit être évalué en fonction de l’apparition des effets
indésirables selon le terrain et en fonction de la survenue d’interactions médica-
menteuses si un traitement est déjà en cours (ex. : hypertension, diabète, etc.).
n Les posologies du médicament seront vérifiées et clairement indiquées au
patient, plus particulièrement chez certains sujets défavorisés (personne âgée
vivant seule, étrangers ne maniant pas bien notre langue, etc.).
n Comme dans le cadre de l’exécution d’une ordonnance, le pharmacien véri-
fiera l’absence de risque de toxicité lorsqu’il existe déjà un traitement compor-
tant des médicaments à marge thérapeutique étroite.
n Les conseils hygiénodiététiques doivent constamment être formulés ; quelle
que soit l’indication et quelle que soit la prescription, ils sont toujours garants
d’un effet thérapeutique optimum.
Plutôt que nuire, il ne faut pas prescrire (primum non nocere) ; au moindre
doute, il faut adopter cette attitude et conseiller la consultation médicale.
Dans tous les cas, la dispensation des médicaments par le pharmacien engage
sa responsabilité, tant sur le plan civil, pénal que disciplinaire. Comme le
médecin, le pharmacien est soumis au secret professionnel ; cette règle est appli-
cable même après le décès du patient.
La prudence est requise lorsque la demande de délivrance d’un médicament
est faite pour ou par un tiers. Les règles générales décrites au chapitre 1 sont en
tout point applicables.
La demande d’un médicament de médication officinale au cours d’un renou-
vellement d’ordonnance, doit être examinée avec attention.
Exemple : un patient est régulièrement suivi par son médecin depuis quelques
mois, mais au cours d’un renouvellement de prescription, il souhaite la déli-
vrance d’un médicament pour un symptôme d’apparition récente.
Le pharmacien doit s’assurer (connaissant le malade et le traitement) que le
symptôme n’est pas lié à la thérapeutique déjà prescrite ; l’interrogatoire précise :
n que le traitement est mal suivi : posologies et rythme d’administration non
respectés : le symptôme peut être un effet indésirable exacerbé ;
n que le traitement est scrupuleusement suivi : la posologie est peut-être en
cause (surdosage ?) et responsable d’effet(s) indésirable(s) augmenté(s) ou d’un
symptôme d’origine iatrogène apparaissant électivement chez ce patient (ex. :
la toux des IEC) : le conseil médical doit être requis.
Si le symptôme est indubitablement non reliable à la thérapeutique en cours
(ex. : survenue d’une constipation chez un rhumatisant traité par AINS), le phar-
macien peut délivrer un médicament en s’entourant des réserves et des précau-
tions attachées à cette prescription.
Le pharmacien prescripteur doit toujours penser à l’inobservance quel que soit
le traitement suivi (cf. chapitre 1).
L’automédication « assistée » par le conseil du pharmacien sécurise le patient :
il faut mettre en garde ce dernier de façon systématique, tant au niveau de la
survenue d’effets indésirables qu’au niveau de la survenue d’interactions médi-
camenteuses (cf. chapitre 1).
2. La délivrance des médicaments hors prescription médicale 35

Le pharmacien est autorisé à prescrire des médicaments pour un traitement à


visée symptomatique. Le traitement de fond d’une maladie est du ressort exclusif
du médecin.
Il n’existe pas de petite maladie de même qu’il n’existe pas de petite thérapie :
l’une et l’autre peuvent masquer une pathologie grave.
La prescription d’un médicament est spécifique d’une indication dans un
contexte donné : il n’existe pas de médication « familiale » ou « de voisinage ». La
prescription officinale sera toujours dispensée pour un traitement de courte
durée.
Une prescription renouvelée ne doit jamais être banalisée : certains effets indé-
sirables et certaines interactions médicamenteuses ont des mécanismes de sur-
venue tardive.
Il n’existe pas de prescription « automatique » ni de prescription « standard » :
le pharmacien doit toujours appréhender le fait qu’un médicament efficace
dans une indication et un contexte donnés peut se révéler inefficace voire nocif
dans la même indication chez un autre malade (symptomatologie trompeuse,
idiosyncrasie).

Le renouvellement d’une médication officinale


Le pharmacien ne doit jamais renouveler une prescription de médication officinale
si le symptôme persiste au-delà du temps habituellement nécessaire à la guérison.
À ce terme, la consultation médicale s’impose.
Comme pour l’allopathie, les recommandations et la délivrance de médicaments
homéopathiques ou de phytothérapie requièrent des connaissances particulières,
adaptées à ces choix thérapeutiques. Il faudra en expliquer les principes fondamen-
taux, l’intérêt et les limites face à l’allopathie.
De nombreux médicaments contiennent des substances dopantes. Le pharma-
cien prescripteur doit être vigilant à l’égard de certains médicaments de médi-
cation officinale qui, s’ils ne sont pas assimilés à des dopants, peuvent néanmoins
rendre positif un contrôle antidopage (ex. : plus de 200 médicaments conseils
renferment de la codéine).
De même, certains médicaments comme les sirops contiennent des substances
pouvant engendrer des accidents thérapeutiques, soit parce qu’ils contiennent
des principes actifs potentiellement dangereux chez certains patients, soit parce
qu’ils provoqueront un surdosage involontaire d’un principe actif prescrit par
ailleurs (ex. : paracétamol à visée apyrétique chez un nourrisson  paracétamol
contenu dans le sirop).
3 Le suivi pharmaceutique et
l’éducation thérapeutique
du patient
Le pharmacien détient un rôle majeur dans la prévention et l’éducation pour la
santé. Comme le médecin, il est informateur et éducateur. Il sait autant conseiller
les parents d’un enfant qu’une femme enceinte ou qu’une personne âgée devant
la détention (armoire à pharmacie) et/ou l’utilisation rationnelle et efficace des
médicaments. Il sait expliquer les signes d’une maladie, comprendre son évolu-
tion, écouter et rassurer le malade en l’incitant à suivre scrupuleusement et fidè-
lement son traitement (observance). Il sait encore formuler des conseils pratiques
de bon usage du médicament et recommander des mesures hygiénodiététiques
à l’exemple de celles prodiguées par le médecin. Mais il doit également évaluer
les limites de ses informations. La symptomatologie lui permet d’orienter utile-
ment (souvent le premier) un patient vers la consultation médicale. À cet égard,
devant toute sollicitation de prescription médicamenteuse, le pharmacien doit
s’assurer objectivement de la réalité du (ou des) symptôme(s) en s’appuyant sur
un interrogatoire d’abord non directif (permettant d’acquérir une relation de
confiance avec le patient) puis plus directif (permettant d’obtenir des informa-
tions plus sélectives et plus précises).
Cette attitude permet au pharmacien d’assumer avec efficacité son rôle de pra-
ticien de santé, notamment lors de son implication dans « les soins pharmaceuti-
ques » (Pharmaceutical Care) qui représentent « l’ensemble des actes et services
que le pharmacien doit procurer à un patient afin d’améliorer sa qualité de vie
par l’atteinte d’objectifs pharmacothérapeutiques de nature préventive, curative
ou palliative ».
Tout professionnel de santé a pour mission principale d’assurer la sécurité
sanitaire des patients qu’il prend en charge. Le pharmacien, comme le médecin,
doit être à l’écoute du patient et doit l’informer, le conseiller, l’éduquer (pré-
vention des risques et éducation thérapeutique du patient), pour la bonne
conduite de la thérapeutique établie. Le suivi pharmaceutique est le suivi de santé
du patient assuré par le pharmacien ; il recouvre un certain nombre de critères
indissociables, généraux et spécifiques, qu’il faut savoir maîtriser. Le suivi phar-
maceutique est, selon la définition retenue par la directive européenne [Conseil
de l’Europe, Résolution AP (97) 2], « la mise en œuvre de différents processus
permettant une dispensation responsable du traitement médicamenteux jusqu’à
l’obtention de résultats tangibles qui améliorent la qualité de vie du patient » ; le suivi
pharmaceutique s’intègre de fait dans l’éducation thérapeutique du patient.

L’éducation thérapeutique du patient


Comme tout autre praticien de santé, le pharmacien doit être un humaniste,
c’est-à-dire qu’il ne doit pas se comporter comme un prestataire de service : la
compétence pharmaceutique exige du savoir, du savoir-faire et aussi beaucoup
38 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

de savoir-être. L’information et la prévention sont certes des éléments indispen-


sables de l’exercice professionnel, mais il faut aller au-delà, en aidant le patient à
vivre avec sa maladie. Le travail en réseau (une collaboration ou, mieux encore,
un partenariat), naturellement indispensable avec les autres professionnels de
santé, facilite cette action.
Il est nécessaire qu’il existe une véritable alliance thérapeutique entre le médecin,
le patient et le pharmacien : le patient est au centre de ce partenariat [« … le rôle
traditionnel du pharmacien axé sur le médicament doit glisser son axe vers le
patient, et le pharmacien doit devenir un prestataire de soins de santé où le patient
occupe une place centrale. » ; Conseil de l’Europe, Résolution AP (97) 2]. Il doit
être l’objet de toutes les attentions. Le médecin établit le diagnostic et prescrit
une thérapeutique ; le pharmacien ne se contente pas d’honorer légalement la
prescription, selon les bonnes pratiques officinales, son rôle est, de fait, bien plus
élargi. En effet, tout acte pharmaceutique doit s’inscrire dans le cadre d’une
consultation pharmaceutique ; ainsi, toute délivrance devrait non seulement
s’accompagner de conseils afférents au traitement médicamenteux instauré,
mais encore d’une véritable étude du suivi thérapeutique du patient. Ce suivi
comporte une information, une prévention et une éducation du malade.
Conformément à la directive européenne, le suivi pharmaceutique englobe non
seulement la délivrance des médicaments mais aussi tous les services qu’un
pharmacien peut offrir à son patient en vue d’un résultat thérapeutique opti-
mal : dispenser les conseils et les informations, motiver le patient à l’observance,
suivre la thérapie. Pour réaliser le suivi pharmaceutique, il est indispensable qu’il
existe une communication et une concertation avec le médecin prescripteur et
l’équipe soignante, une prévention et une détection des effets indésirables et
inattendus, une information et une détection des interactions médicamenteuses
et alimentaires, un suivi de la consommation médicamenteuse, une éducation
du patient à l’usage des médicaments, de la toxicomanie, une coordination de
l’automédication et des soins prescrits, une gestion d’un profil thérapeutique
complet de ses patients, etc., le pharmacien étant directement responsable de la
qualité du suivi pharmaceutique.
Dans ce même contexte, il participe, comme (et avec) chaque professionnel
de santé, à l’éducation thérapeutique du patient qui est un processus intégré
dans les soins et centré sur le patient.
La définition de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) est la suivante : l’ETP
est un processus continu dont le but est d’aider les patients à acquérir ou maintenir
les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie
chronique. Elle leur permet, ainsi qu’à leur famille, de comprendre leur maladie et
leur traitement, de collaborer ensemble et d’assumer leurs responsabilités dans leur
propre prise en charge, pour pouvoir les aider à maintenir et à améliorer leur qualité
de vie. L’ETP ne se résume pas à la délivrance d’une information qui, seule, ne suffit
pas à aider les patients à gérer leur maladie au quotidien.
Ainsi, l’ETP doit être proposée aux patients pour leur permettre d’acquérir et
de conserver des compétences d’autosoins et d’adaptation à la maladie qui les
aident à vivre de manière optimale avec leur maladie.
Le pharmacien impliqué dans l’ETP contribue à apprendre au patient à résoudre
notamment les difficultés de soins attachées à l’usage des médicaments, difficul-
tés qu’il peut rencontrer ou qu’il doit surmonter au quotidien ; il aide le patient
3. Le suivi pharmaceutique et l’éducation thérapeutique du patient 39

à prendre conscience des obligations de suivi thérapeutique avec les contraintes


afférentes et participe à la résolution des problèmes rencontrés. Des pathologies
fréquentes comme l’asthme et le diabète requièrent une ETP à laquelle le phar-
macien peut apporter une contribution efficace.

L’information au malade
Toute prescription (et délivrance) médicamenteuse nécessite une attitude vigi-
lante et réactive : la plupart des pathologies peuvent être l’expression d’une
cause iatrogène, de même que la majorité des médicaments sont susceptibles
d’induire une iatropathologie. L’article L.1413-14 de la loi n° 2002-303 du 4 mars
2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé précise
que : « Tout professionnel ou établissement de santé ayant constaté ou suspecté la
survenue d’un accident médical, d’une affection iatrogène, d’une infection nosoco-
miale ou d’un événement indésirable associé à un produit de santé doit en faire la
déclaration à l’autorité administrative compétente ».
Il faut compléter cet article par d’autres, relatifs à « l’information des usagers du
système de santé et l’expression de leur volonté ». Ainsi, l’article L.1111-2 stipule
que « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette informa-
tion porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui
sont proposés. Leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques
fréquents ou graves normalement prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieu-
rement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des
risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf
en cas d’impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel
de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles profession-
nelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent
l’en dispenser. Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel… ».
Il convient donc, lors de la consultation pharmaceutique, d’adopter une attitude
active d’information et de prévention, c’est-à-dire vérifier systématiquement que
les conditions de qualité et de sécurité sont remplies. Pour réaliser ces objectifs,
il est possible d’utiliser des procédures simples et adaptées de vérification et/ou
de rappels (check-lists, logiciels de détecteurs d’incompatibilités, référentiels,
etc.) ; elles permettront de réduire les erreurs humaines.
Certains risques n’étant pas prévisibles (ex. : effet iatrogène de médicaments
récemment mis sur le marché ; incidents dus à une polymédication inhabituelle
liée à une chronicité ou encore à une pathologie évolutive ou/et surajoutée ;
incidents dus à une déficience organique, etc.), il sera nécessaire de renforcer la
vigilance du patient (et de son entourage) ainsi que sa propre vigilance de prati-
cien de santé. Il s’agira ici d’un suivi pharmaceutique à long terme (obligatoire
pour une pathologie chronique ou invalidante) qui aura des particularités et des
prérogatives différentes de celles attachées au suivi pharmaceutique d’un patient
atteint d’une pathologie bénigne aiguë.
Cette vigilance devra être également renforcée pour tout acte de substitution et
d’automédication qui, chez la personne âgée notamment, peut être très délicate
en raison des risques de sous observance (ou non observance) et donc des ris-
ques iatrogènes potentiels, sans oublier que la symptomatologie, chez ces
patients en particulier, peut s’exprimer de façon trompeuse ou insidieuse.
40 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

L’automédication sur conseil pharmaceutique requiert donc la nécessité d’évaluer


les bénéfices et les risques en regard du service sanitaire rendu. Ainsi, il faudra s’as-
surer que le rapport favorable bénéfice/risque, garanti par l’AMM pour une indica-
tion donnée, est précisément valable pour le patient que l’on conseille. Enfin, il ne
faudra pas oublier de faire preuve de bon sens : les bénéfices attendus d’un acte
pharmaceutique se mesurent en terme de qualité (et de quantité) de vie :
conseiller de l’ibuprofène à un patient se plaignant de douleurs rhumatismales
« dues au changement de temps » devra améliorer sa qualité de vie et non lui
générer des douleurs gastriques (dans le meilleur des cas) surtout s’il s’agit d’un
patient qui, habituellement, se plaint volontiers de troubles digestifs !
De façon générale, il faut privilégier les données (scientifiques, cliniques, etc.)
plutôt que les impressions, même si celles-ci sont fondées sur une « grande »
expérience professionnelle… Cela suppose la réalisation d’un interrogatoire de
qualité, fondé sur des connaissances bien établies des médicaments d’une part, de
physiopathologie, de séméiologie et de thérapeutique d’autre part.
L’interrogatoire est élément indispensable pour mener à bien la mission
d’aide, d’éducation, d’information et de prévention du pharmacien (la contra-
ception d’urgence ou le sevrage tabagique sont des exemples caractéristiques).
L’interrogatoire est également indispensable à la réalisation du dossier pharma-
ceutique du patient… Quel que soit son but, il repose sur l’utilisation de ques-
tions ouvertes (ex. : comment va la santé ce matin ?) et non sur l’emploi de
questions fermées (même ex. : vous allez bien ce matin ?  affirmation interro-
gative qui vaudra une seule réponse courte et fermée au dialogue : oui ou non).
Un interrogatoire parfois inquisiteur, mais bien conduit, est souvent nécessaire ;
il doit générer un véritable dialogue en prenant obligatoirement en compte
l’écoute du patient. Le caractère accueillant, la protection de l’intimité (la dis-
crétion) faciliteront la conversation qui devra être calme et empreinte de sympa-
thie. Le pharmacien doit être capable d’empathie (qui représente la faculté de
reproduire en soi les sentiments d’autrui afin de comprendre l’autre personne),
toutefois, il devra toujours veiller à adopter une attitude de neutralité affective. Il
ne devra jamais laisser l’empathie prendre le dessus, car elle inhiberait ou désé-
quilibrerait son jugement sur les troubles rapportés par le patient. En revanche,
la douceur, l’amabilité et parfois le sens de l’humour peuvent être garants d’un
interrogatoire de qualité et d’une mise en confiance certaine. Ne jamais oublier
qu’un malade éprouve souvent un besoin spontané de parler de sa maladie,
d’autant plus aisément que son interlocuteur est attentif ; cela l’aide à la suppor-
ter, à mieux la comprendre et à mieux chercher à la soigner.
Le pharmacien peut ainsi contribuer largement au bien-être du malade, en prodiguant
ses conseils afférents au traitement et au suivi de la thérapeutique. Cette attitude s’ins-
crit bien évidemment dans le respect du droit des malades, conformément à l’article
L.1110-4 de la loi N° 2002-303 du 4 mars 2002 : « Toute personne prise en charge
par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme par-
ticipant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des
informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par
la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la
connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établisse-
ments ou organismes. Il s’impose à tout professionnel de santé, ainsi qu’à tous les
professionnels intervenant dans le système de santé… ».
3. Le suivi pharmaceutique et l’éducation thérapeutique du patient 41

Face à une demande de renseignements relatifs à l’évolution d’une pathologie


(et son issue), il est impératif d’observer une grande prudence dans les propos
échangés, même si la maladie est bien identifiée, car une pathologie s’exprime
rarement de façon univoque chez deux patients différents. Il ne faut jamais oublier
qu’un symptôme quelle que soit son expression, doit toujours être placé dans le
contexte général de santé du patient. Le pharmacien ne peut, en aucun cas, ni
suppléer le médecin, ni moduler son diagnostic ou la prescription thérapeutique
afférente…

Les règles à observer dans les relations


du pharmacien avec le public
Elles ont été fixées par le décret n° 95-284 du 14 mars 1995 portant Code de
déontologie des pharmaciens et modifiant le Code de la santé publique. Dans
ce décret, on peut lire les articles fondamentaux suivants :
n Art. R. 5015-47. Il est interdit au pharmacien de délivrer un médicament non
autorisé.
n Art. R. 5015-48. Le pharmacien doit assurer dans son intégrité l’acte de dispensa-
tion du médicament, associant à sa délivrance : l’analyse pharmaceutique de l’or-
donnance médicale si elle existe ; la préparation éventuelle des doses à administrer ;
la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du
médicament. Il a un devoir particulier de conseil lorsqu’il est amené à délivrer un
médicament qui ne requiert pas une prescription médicale. Il doit, par des conseils
appropriés et dans le domaine de ses compétences, participer au soutien apporté au
patient.
n Art. R. 5015-61. Lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, le phar-
macien doit refuser de dispenser un médicament. Si ce médicament est prescrit sur
une ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement le prescripteur de son
refus et le mentionner sur l’ordonnance.
n Rappelons que la pratique de « l’opinion pharmaceutique » porte sur la perti-
nence pharmaceutique d’une ordonnance. Cet avis motivé dressé sous l’autorité
d’un pharmacien et consigné dans l’officine, est impérativement communiqué
par écrit au prescripteur lorsque l’avis pharmaceutique invite à la révision de la
prescription ou lorsqu’il justifie le refus ou la modification d’emblée de la pres-
cription. Toutes les informations concernant la mise en œuvre de l’opinion phar-
maceutique se trouvent sur le site : www.opinion-pharmaceutique.fr
n Art. R. 5015-62. Chaque fois qu’il lui paraît nécessaire, le pharmacien doit inciter
ses patients à consulter un praticien qualifié.
n Art. R. 5015-63. Le pharmacien doit s’abstenir de formuler un diagnostic sur la
maladie au traitement de laquelle il est appelé à collaborer.
n Art. R. 5015-64. Le pharmacien ne doit pas, par quelque procédé ou moyen que
ce soit, inciter ses patients à une consommation abusive de médicaments.
n Art. R. 5015-66. Aucune consultation médicale ou vétérinaire ne peut être donnée
dans l’officine. Cette interdiction s’applique aussi aux pharmaciens qui sont en même
temps médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou vétérinaire.
42 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

L’accès au dossier médical


Il est utile de rappeler ici les conditions d’accès direct au dossier médical par le
patient (conformément à la loi du 4 mars 2002) : « Toute personne a accès à l’en-
semble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et éta-
blissements de santé… » CSP. art. L111-7 ; le pharmacien ne peut ignorer les
modalités afférentes à cet accès et doit pouvoir les expliquer au patient intéressé
par cette démarche.
Qui est le demandeur d’accès au dossier médical ?
Selon les circonstances, le demandeur pourra être :
n pour un patient en état de prendre connaissance du dossier : le patient ou le
médecin choisi par le patient ;
n pour un patient mineur : la personne ayant autorité parentale ;
n pour un patient sous tutelle : le tuteur ;
n pour un patient décédé : les ayants droit (qui ne pourront connaître que les
seuls éléments nécessaires à la défense des intérêts prévus par la loi).

Qui est le destinataire de la demande ?


La demande s’adresse au directeur de la clientèle et des droits des patients ou au
médecin responsable du dossier.

Quel est le délai de communication ?


n Pour des informations datant de moins de 5 ans : dans les 8 jours après
réception de la demande complète.
n Pour des informations datant de plus de 5 ans : dans les 2 mois après
réception de la demande complète.

Quelles sont les modalités de communication


du dossier ?
Deux possibilités sont offertes au demandeur.
n Consultation sur place :
l la remise de copies des documents est possible ; en cas d’impossibilité de

duplicata sur place, il est proposé au demandeur un envoi de copies des


documents à son domicile ;
l il peut être proposé au demandeur un accompagnement médical par la

présence du médecin responsable du dossier, et éventuellement celle du


médiateur médical ;
l à l’initiative du médecin responsable du dossier, il peut être recommandé

au demandeur la présence d’une tierce personne lors de la consultation de


certaines informations.
Remarque : le refus de ces propositions ne fait pas obstacle à la communica-
tion directe des informations.
n Envoi postal de copies du dossier (en recommandé simple) :
l soit au demandeur directement ;

l soit au médecin désigné par lui.


3. Le suivi pharmaceutique et l’éducation thérapeutique du patient 43

Les frais d’envoi et de copie de tout ou partie du dossier médical ont été fixés
forfaitairement.
En cas de demande imprécise (le demandeur n’exprime pas de choix quant
aux modalités de communication), le médecin responsable du dossier ou le
directeur de la clientèle et des droits des patients lui adresse un formulaire type
pour l’informer des différentes modalités de communication du dossier. Si le
patient ne répond pas dans un délai de 10 jours, il lui est adressé une copie des
pièces du dossier nécessaires à sa bonne compréhension.

Communication du dossier médical des mineurs


n Le mineur qui souhaite garder le secret sur un traitement ou une intervention
peut s’opposer à la communication des informations au titulaire de l’autorité
parentale, mention est faite de cette opposition dans le dossier.
n Le titulaire de l’autorité parentale a accès aux informations médicales sous
réserve du consentement du mineur, que le médecin doit s’efforcer d’obtenir.
n Le mineur peut exiger que l’information médicale soit communiquée au titu-
laire de l’autorité parentale par l’intermédiaire du médecin qu’il a désigné.

Communication du dossier médical à l’ayant droit


du patient décédé
L’ayant droit, après décès du patient, a accès au dossier médical, sous réserve :
n qu’il fasse la preuve de son titre d’ayant droit ;
n qu’il fasse connaître le motif de sa demande (connaître les causes du décès,
défendre la mémoire, faire valoir des droits).
Le refus éventuel de communication doit être motivé.

Communication du dossier médical pour les patients


hospitalisés sous contrainte
Si le médecin détenteur de l’information médicale estime que la communication
doit être effectuée par l’intermédiaire d’un médecin, il en informe le patient. Si
le patient refuse alors l’intermédiaire du médecin, la Commission départe-
mentale des hospitalisations psychiatriques est saisie par le médecin détenteur.
Le patient peut aussi saisir cette commission. L’avis de la Commission s’impose
au médecin détenteur et au patient.
Remarque : la loi du 13 août 2004, relative à l’assurance-maladie, donne un
cadre législatif au dossier médical et crée le dossier médical personnel (DMP). Il
s’agit d’une application informatique qui permet de collecter des données indi-
viduelles de santé auprès des professionnels, de conserver ces données en un
lieu sécurisé, de protéger ces données et de gérer des droits d’accès, enfin de
mettre ces données à la disposition des personnes habilitées, simplement et rapi-
dement. Le dossier médical, qui était un outil médical géré par les professionnels
de santé auquel le patient avait droit de regard, est devenu la « propriété » du
patient qui accordera ou pas l’accès aux professionnels de santé et décidera des
informations qui seront stockées.
Le DMP a pour objectif de favoriser la coordination, la qualité et la continuité
des soins. Il doit permettre d’améliorer la communication des informations de
44 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

santé entre les professionnels et de réduire les accidents iatrogènes ainsi que les
examens redondants.
Outre les données d’identification du patient (nom, prénom, date de nais-
sance, identifiant), le DMP doit contenir trois volets consacrés aux données gén-
érales, aux soins et à la prévention. Les antécédents, allergies, intolérances et
vaccinations, ainsi que les consultations spécialisées doivent être intégrées aux
données générales. Les résultats d’examens biologiques, de comptes rendus
radiologiques ou d’imagerie, d’actes et de séjour hospitaliers sont partie inté-
grante du volet « soins ». Il en est de même des conclusions de téléconsultation,
des pathologies et des traitements en cours, ainsi que des dispensations médica-
menteuses ; à cet égard, le dossier pharmaceutique (cf. infra) est un auxiliaire
précieux du DMP. Les facteurs de risque et les informations utiles à la prévention
sont mentionnés dans un volet spécifique ; les documents radiologiques ou
d’imagerie peuvent être intégrés au DMP.

Le dossier pharmaceutique
L’article L. 161-36-4-21 du Code de la Sécurité sociale donne la définition du
dossier pharmaceutique (DP) : « Afin de favoriser la coordination, la qualité, la
continuité des soins et la sécurité de la dispensation des médicaments, produits et
objets définis à l’article L. 4211-1 du Code de la santé publique, il est créé, pour
chaque bénéficiaire de l’assurance-maladie, avec son consentement, un dossier
pharmaceutique. Sauf opposition du patient quant à l’accès du pharmacien à son
dossier pharmaceutique et à l’alimentation de celui-ci, tout pharmacien d’officine est
tenu d’alimenter le dossier pharmaceutique à l’occasion de la dispensation. Les infor-
mations de ce dossier utiles à la coordination des soins sont reportées dans le dossier
médical personnel dans les conditions prévues à l’article L. 161-36-2. La mise en
œuvre du dossier pharmaceutique est assurée par le Conseil national de l’Ordre des
pharmaciens mentionné à l’article L. 4231-2 du Code de la santé publique. Un
décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informati-
que et des libertés et du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, fixe les condi-
tions d’application du présent article »
Le DP traduit une haute responsabilité alliée au secret professionnel dans la
gestion et la qualité des informations retenues. Il fait partie intégrante du suivi
pharmaceutique et de l’ETP ; en effet, le suivi pharmaceutique est un élément
essentiel de prévention et de limitation des risques iatrogènes ; il doit être systé-
matiquement mis en pratique. Il comprend :
n l’établissement d’un dossier pharmaceutique incluant l’historique du patient, les
médicaments délivrés, les renseignements cliniques, les résultats thérapeutiques
et biologiques disponibles, ainsi que les recommandations faites au patient ;
n le contrôle des prescriptions, notamment en fonction du dossier pharmaceuti-
que, afin de vérifier la cohérence et les interactions possibles avec d’autres
prescriptions ;
n l’évaluation de l’ensemble de la médication prise par le patient ;

1
Nouvel article du CSS introduit par la loi du 30 janvier 2007 ratifiant l’ordonnance de 2005
relative à l’organisation de certaines professions de santé, modifié par la loi du 19 décembre
2007 de financement de la Sécurité sociale pour 2008.
3. Le suivi pharmaceutique et l’éducation thérapeutique du patient 45

n la rationalisation du conseil au patient : des procédures doivent être déve-


loppées, prévoyant notamment la remise au patient d’informations écrites dans
des cas particuliers ;
n l’échange méthodique d’informations avec les autres professionnels de la
santé dans la pratique de l’ETP.
Dans le cadre du suivi thérapeutique et pharmaceutique du patient, le
pharmacien, comme le médecin, doit s’assurer que l’indication du traitement
envisagé est validée. Dans toute décision individualisée, il conviendra toujours
de tenir compte du terrain particulier du patient qui lui confère un risque
particulier (âge, insuffisances somatiques, psychologiques et sociales, polymédi-
cation, nomadisme médical et pharmaceutique, etc.) et de s’enquérir de la
qualité de l’observance, quel que soit le médicament proposé et quel que soit le
symptôme considéré, même si ce dernier apparaît comme bénin, occasionnel
ou « habituellement » récurrent !
Pour éviter de commettre des erreurs, il faut savoir les accepter, les évaluer et
même chercher à apprendre à travers elles ! La mise en œuvre du suivi pharma-
ceutique du patient passe aussi par une autoévaluation rigoureuse des actions
conduites par le praticien de santé. L’humilité devant ses erreurs permet d’adop-
ter une attitude de bon sens reposant sur deux grands principes, au moins :
n la standardisation des pratiques consistant à vérifier (ou faire vérifier) que sa
pratique est cohérente avec les normes préétablies (Code de déontologie, Code
de la santé publique, recommandations des bonnes pratiques, référentiels,
etc.) ;
n la formation pharmaceutique continue permettant de réactualiser ses connais-
sances soit au niveau des médicaments, soit au niveau des thérapeutiques (nou-
veaux médicaments, nouvelles démarches, conférences de consensus,
recommandations, etc.), soit encore au niveau des pathologies et de leur expres-
sion. La qualité de l’alliance thérapeutique médecin/patient/pharmacien passe
obligatoirement par une formation permanente concertée entre les acteurs de
santé impliqués dans les soins.
Le suivi pharmaceutique ne s’arrête pas à la porte de l’officine ; il tient compte
de la variabilité du rapport bénéfice/risque au cours du temps. Il est donc néces-
saire d’informer les patients des risques iatrogènes qu’ils encourent (le DP est le
support de cette information), quels que soient la raison et l’acte professionnel
(prescription, automédication, substitution, etc.) qui ont justifié la délivrance des
médicaments : un patient bien informé est le meilleur allié de la prévention.
L’information du risque est une obligation légale et déontologique de tout profession-
nel de santé. Cependant l’art consiste à bien doser l’information, car mal faite ou
erronée, elle peut devenir elle-même iatrogène : un patient craintif pourra dimi-
nuer son traitement (posologies ou/et durée) pour se protéger des effets
délétères associés, si ceux-ci ont fait l’objet d’une information mal conduite par
le praticien de santé. Il est donc nécessaire de bien maîtriser les informations
(connaissance de la pathologie, de la thérapeutique, des indications et contre-
indications des produits de santé, des interactions médicamenteuses, etc.) et de pos-
séder suffisamment de tact et de psychologie pour dispenser les préventions ;
un patient connu à l’officine posera moins de difficultés, car la relation de
confiance pharmacien/patient est déjà bien établie.
4 Les circonstances de
délivrance des médicaments
Dans ce chapitre, seules les situations pratiques particulières sont envisagées ; les
recommandations générales relatives à la dispensation des médicaments ont été
décrites précédemment, de même que la conduite à tenir devant une demande
de médication officinale. Dans tous les cas, le pharmacien s’appuiera autant que
possible sur le dossier pharmaceutique (DP) du patient.

Délivrance au patient destinataire de la prescription


médicale
Le patient est connu du pharmacien
er
n 1  cas : le malade suit scrupuleusement son traitement et consulte régu-
lièrement son médecin traitant. Ce patient au « comportement modèle » ne dis-
pense pas le pharmacien de donner des conseils thérapeutiques afférents à
l’utilisation des médicaments : une baisse de la vigilance du malade à l’égard de
certaines précautions d’emploi peut toujours survenir même dans un contexte
d’observance thérapeutique exemplaire.
e
n 2  cas : le patient est suivi régulièrement par son médecin, mais la prescription
vient d’être modifiée. Le pharmacien doit toujours demander des nouvelles de la
santé du malade qu’il connaît ; un climat de bienveillance lui permettra d’obte-
nir spontanément des informations concernant l’efficacité du traitement ainsi
que sa modification récente si c’est le cas. Devant toute modification de posolo-
gie d’un médicament (déjà prescrit) décidée par le médecin, le pharmacien doit
expliquer qu’une efficacité supérieure peut être aussi accompagnée d’un risque
de survenue d’effet(s) indésirable(s) éventuellement plus intense(s) ou
surajouté(s). Lorsque la modification du traitement porte sur la substitution d’un
médicament par un autre appartenant à la même classe ou à une classe appa-
rentée, il saura expliquer l’intérêt de ce changement en précisant les précautions
d’emploi et effets indésirables associés à la nouvelle prescription (la substitution
d’un -bloquant par un IEC peut faire apparaître une toux). Une modification de
traitement due à une substitution ou une addition d’un médicament doit faire
penser à un risque éventuel d’apparition d’effets indésirables et/ou d’interactions
médicamenteuses nouveaux.
e
n 3  cas : il s’agit d’une prescription relative à une pathologie surajoutée à une
pathologie déjà en cours de traitement. Les conseils du pharmacien mettront l’ac-
cent sur les nouvelles précautions (éventuelles) d’emploi des médicaments déjà
prescrits, sur les effets indésirables (s’il y a lieu) propres aux nouvelles substances
prescrites et sur le renforcement de la surveillance du premier traitement si
l’évolution de la maladie est particulièrement sensible à une perturbation
homéostasique (ex. : glycémie) ou cinétique (ex. : variations du taux plasmati-
que d’un médicament, etc.). Toute apparition d’un signe d’intolérance ou d’un
signe de déséquilibre de la première maladie (jusque-là stabilisée ou cliniquement
48 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

améliorée) ou encore de non-amélioration de la pathologie surajoutée doit inci-


ter le patient à en informer son médecin : le pharmacien saura convaincre le
patient de cette attitude à adopter.

Le patient n’est pas connu du pharmacien


Le malade se présente à l’officine pour honorer une ordonnance :
n Il s’agit de la première prescription d’un traitement. Quelle que soit la médi-
cation prescrite et quel que soit le destinataire (adulte jeune, femme enceinte,
vieillard, etc.), il faut sensibiliser le patient à la nécessité d’un respect de l’obser-
vance thérapeutique : il faut informer le malade du risque (s’il y a lieu) de surve-
nue de certains effets latéraux ou indésirables (passagers ou chroniques) liés au
traitement ; s’il y a polymédication, les interactions médicamenteuses seront
signalées ; le rythme et le mode d’administration de chacun des médicaments
seront précisés. Si l’un des médicaments prescrits est générateur d’un effet indé-
sirable plus ou moins intense selon le patient (idiosyncrasie), le pharmacien doit
inciter le patient à en informer son médecin traitant (téléphone) ; il indiquera
aussi au patient qu’il existe souvent un temps de latence entre la mise en route
et le résultat thérapeutique et que chez certains individus, les effets d’un premier
traitement peuvent être plus incisifs.
n Il s’agit d’une prescription relative à une pathologie déjà en cours de traitement.
Il faudra faire préciser s’il s’agit d’une prescription habituelle ou d’une prescrip-
tion modifiée suite à une évolution favorable de la maladie ou au contraire
défavorable :
l la prescription est habituelle et correspond en fait à un renouvellement : le

pharmacien saura judicieusement resensibiliser le patient aux


précautions d’emploi associées à chaque médicament prescrit en usant de
la formule : « Votre médecin et/ou votre pharmacien vous ont déjà dit
que… », c’est une manière naturelle et efficace de faire passer le message ;
l la prescription est « allégée » suite à une amélioration de la maladie : le

pharmacien applique les mêmes principes que pour le cas précédent ;


l la prescription est augmentée d’un ou plusieurs médicaments, ou la pres-

cription actuelle a été modifiée par la substitution d’un médicament par


une autre substance de la même famille (il est toujours possible de faire pré-
ciser le type du médicament substitué) : le pharmacien appliquera les
mêmes principes de rigueur que ceux qui sont associés à une première
prescription en insistant sur le fait qu’un autre médicament peut entraîner
certains signes d’intolérance qui lui sont propres ou faire changer le rythme
d’administration des autres médicaments (ex. : le nouveau médicament
est un pansement gastrique), voire engager une surveillance accrue (ex. :
surveillance de la glycémie si le nouveau médicament est susceptible de
perturber l’homéostasie glucidique).
n Il s’agit d’une prescription relative à une pathologie surajoutée à une pathologie
déjà en cours de traitement. La pathologie déjà traitée peut être une pathologie
sévère ou nécessitant des mesures particulières de traitement : ex. : maladie car-
diovasculaire, diabète, etc. Le pharmacien saura donner les conseils appropriés à
4. Les circonstances de délivrance des médicaments 49

la pathologie nouvelle en tenant compte de son intrication avec la maladie


chronique existante. Il précisera les avantages et les inconvénients de cette nou-
velle médication et incitera vivement le patient à avertir son médecin de toute
survenue d’un symptôme inhabituel (ex. : signes d’intolérance), ou d’une non-
amélioration de la maladie surajoutée (ex. : grippe survenant sur une pathologie
cardiaque), voire d’une détérioration de l’équilibre thérapeutique de la première
pathologie (asthme, diabète…).

Remarque générale
Une ordonnance doit toujours être honorée dans son intégralité, quelles que soient
les réticences du malade face à tel ou tel médicament ; il appartient au pharmacien
d’expliquer l’action de chacun d’eux et la nécessité de les utiliser conformément à
la prescription. Il faut toujours considérer qu’une réticence du patient à la déli-
vrance intégrale des médicaments doit être suspecte dans le sens où le risque
majeur est celui de la non-observance du traitement. Souvent, le patient réduit
« d’autorité » la prescription surtout si celle-ci est importante… ou bien il pratique
une automédication à sa convenance.

Délivrance à une tierce personne


Cette circonstance n’est pas exceptionnelle puisqu’elle est obligatoire lorsque le
malade destinataire de l’ordonnance est grabataire ou dans l’incapacité (conta-
gion, infirmité, etc.) de se déplacer. Qu’il s’agisse de l’exécution d’une ordon-
nance relative à un premier traitement ou à un traitement suivi, déjà ancien, la
démarche du pharmacien est assez stéréotypée.

Il s’agit de la première prescription d’un traitement


er
n 1 cas : le malade est connu du pharmacien. La gravité de la maladie empêche
ou n’autorise pas le déplacement du patient. Le pharmacien peut logiquement
s’enquérir du caractère de la pathologie tout en prodiguant les conseils généraux
et spécifiques afférents au traitement. Si le pharmacien connaît l’entourage du
malade et qu’il le juge plutôt fruste, son devoir est de détailler (par écrit) les
modalités du traitement (posologie, rythme d’administration, précautions, etc.).
Remarque : toute survenue d’effet indésirable devra être considérée (à valeur
égale) comme l’apparition de signe(s) d’aggravation de la maladie. Dans chaque
cas, le médecin devra en être informé au plus tôt.
e
n 2 cas : le malade n’est pas encore connu du pharmacien. Dans le cas extrême
où le pharmacien ne connaît ni le malade, ni (à ce jour) l’intermédiaire, il agira
toujours avec une grande rigueur : les conseils hygiénodiététiques (s’il y a lieu)
seront donnés avec concision de même que les recommandations associées à la
délivrance des médicaments. Selon la qualité de la compréhension de l’interlo-
cuteur, le pharmacien précisera par écrit les recommandations fondamentales.
La remarque faite dans le 1er cas est bien entendu applicable à cette situation.
50 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

Il s’agit d’une prescription relative à une pathologie


déjà en cours de traitement
er
n 1 cas : l’intermédiaire est seulement commissionnaire : il ne connaît pas vrai-
ment la maladie du patient. Le pharmacien suivra la conduite à tenir précé-
demment décrite (cf. supra, 2e cas).
e
n 2 cas : l’intermédiaire est un proche du malade. Il peut s’agir d’un parent ou
d’une personne étrangère à la famille mais très liée au malade ou aux siens
(garde-malade, ami de la famille, etc.). Le pharmacien peut considérer que cet
intermédiaire saura transmettre et faire appliquer toutes les recommandations
afférentes à la prescription.

Il s’agit d’une prescription relative à une pathologie


surajoutée à une pathologie déjà en cours de
traitement
Seul l’interrogatoire permettra de reconnaître cette circonstance qui n’est pas
exceptionnelle. Le pharmacien doit donc s’en informer et dans ce cas, connais-
sant ou non le contenu (total ou partiel) du premier traitement actuellement
suivi (intérêt du DP), il s’attachera à donner en priorité tous les conseils garantis-
sant une bonne observance. La seconde recommandation fondamentale sera
celle d’avertir le médecin devant l’apparition d’un symptôme inhabituel (ex. :
vomissements) survenant après la mise en route du 2e traitement.

La prescription s’adresse à un nourrisson


ou à un jeune enfant
Deux cas peuvent se présenter : la mère de l’enfant (cas le plus fréquent) ou une
tierce personne se présente à l’officine pour la délivrance des médicaments.

La mère de l’enfant est l’interlocutrice du pharmacien


er
n 1 cas : il s’agit d’un premier traitement. La prescription s’adresse à un nourris-
son ( 2 ans) : le pharmacien saura préciser les règles générales et les précau-
tions d’emploi pour chaque médicament prescrit. Il saura rassurer la mère qui
sera d’autant plus inquiète qu’il s’agit de la première maladie de son enfant. Si
la prescription s’adresse à un jeune enfant ( 15 ans), les recommandations
sont similaires. Dans tous les cas, le pharmacien expliquera les conditions d’ef-
ficacité de la thérapeutique et conseillera d’avertir le médecin, si la maladie
n’évolue pas rapidement dans le sens attendu.
e
n 2 cas : il s’agit d’un renouvellement de prescription. Si le pharmacien a
lui-même honoré la dernière ordonnance (cf. le DP), il sera en mesure d’évaluer
le degré d’évolution de la maladie de l’enfant : il devra renouveler les recom-
mandations et parfois préciser à nouveau le mode d’action de certains médica-
ments (ex. : antibiotiques, anti-inflammatoires, etc.). Ces renseignements
complémentaires, s’ils ne changent rien au mode de prescription ou aux pré-
cautions d’emploi, peuvent néanmoins contribuer à rassurer la mère de l’enfant
qui peut « s’étonner » ou s’inquiéter d’une efficacité thérapeutique retardée ou
si peu spectaculaire à ses yeux.
4. Les circonstances de délivrance des médicaments 51

L’interlocuteur n’est pas un des parents de l’enfant


Le pharmacien prodiguera ses conseils et recommandations comme ci-dessus ; il
ne sera pas déplacé de faire savoir que la mère de l’enfant doit avertir son phar-
macien (ou son médecin) s’il apparaît une difficulté inhérente au mode d’emploi
des médicaments (ex. : emploi d’un inhalateur, amertume d’un médicament
entraînant le refus, etc.). Le pharmacien étant à même d’évaluer le milieu fami-
lial et social de l’enfant, il précisera par écrit, si nécessaire, toutes les recomman-
dations permettant d’obtenir la meilleure observance thérapeutique.

La prescription correspond à un traitement surajouté


au traitement en cours
L’attitude du pharmacien est identique à celle observée pour les cas précédents.
Néanmoins, cette nouvelle prescription peut s’accompagner d’une modification
du rythme d’administration des médicaments du premier traitement, ainsi que
de leur posologie : s’appuyant si possible sur le DP, le pharmacien précisera ces
changements et, sachant qu’une augmentation du nombre de médicaments
multiplie les risques de survenue d’effets indésirables et d’interactions médica-
menteuses pas toujours prévisibles (idiosyncrasie), il saura convaincre la mère de
l’enfant (ou son intermédiaire) de la nécessité d’une rigueur du traitement à la
fois au niveau de sa mise en œuvre et de son suivi. Là encore, toute apparition
d’un symptôme nouveau ou signant une dégradation de la maladie doit être
immédiatement signalée au médecin traitant.

Remarques générales
Comme le médecin, le pharmacien doit veiller aux contre-indications particulières
au nourrisson et au nouveau-né. Il doit toujours s’assurer que l’ordonnance
comporte la posologie par prise, le nombre de prises quotidiennes et la durée du
traitement. Les conseils, diététiques en particulier, doivent être écrits, a fortiori si la
mère (ou son intermédiaire) montre des difficultés dans la compréhension du trai-
tement et de son suivi (instruction médiocre, milieu social défavorisé, difficulté à
s’exprimer, etc.). Comme le médecin, il a un rôle majeur au niveau de la prévention
des intoxications médicamenteuses qui, chez l’enfant, sont pratiquement toutes
dues à des erreurs d’administration (dose, fréquence, forme galénique) ou à une
absorption accidentelle à l’insu des parents.

La prescription s’adresse à une femme enceinte


La grossesse entraîne un certain nombre de modifications physiologiques et bio-
chimiques chez la mère et le fœtus (cf. chapitre 1). Ces modifications peuvent
affecter l’efficacité thérapeutique et/ou la tolérance des médicaments.

Rappels fondamentaux
Il faut avoir constamment à l’esprit que l’administration d’un médicament chez
une femme enceinte expose au risque majeur d’une toxicité (potentielle ou
réelle) fœtale.
52 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

Les médicaments administrés pendant la grossesse peuvent induire les effets


suivants :
n un effet direct létal, toxique ou tératogène sur l’embryon (3 premiers mois) ;
n un effet sur la circulation placentaire, modifiant les échanges mère-fœtus ;
n un effet sur le muscle utérin ;
n un effet sur les modifications physiologiques et/ou biochimiques de la mère.
Selon l’âge de la grossesse, le médicament peut avoir une action variable :
n il agit selon la loi du tout ou rien pendant la période embryonnaire inférieure
à 20 jours. Il possède une action tératogène surtout marquée pendant la période
d’organogenèse, c’est-à-dire entre la 3e et la 8e semaine de grossesse. L’effet
peut être non détectable ou au contraire se manifester par une fausse couche,
une malformation anatomique (effet tératogène vrai) ou par une anomalie méta-
bolique ou fonctionnelle qui se révélera après la naissance ;
e e
n il exerce rarement un effet tératogène au cours des 2 et 3  trimestres ; son
action peut cependant retentir au niveau du développement du fœtus (préfé-
rentiellement sur le cerveau) et provoquer une hypotrophie fœtale. Les fonctions
physiologiques et biochimiques fœtales peuvent également être touchées.
La plupart des paramètres pharmacocinétiques d’un médicament (absorption,
distribution, métabolisme, etc.) sont modifiés au cours de la grossesse (cf.
chapitre 1).

La délivrance du médicament
La femme enceinte est l’interlocutrice du pharmacien
Le pharmacien sait d’emblée que la prescription concerne une pathologie (ou un
symptôme) fondée car la règle veut qu’il faut éviter autant que possible l’adminis-
tration de médicaments à une femme enceinte. Il s’informera toujours de l’âge de
la grossesse, condition fondamentale de prescription mais aussi de la délivrance
des médicaments. Les recommandations afférentes aux précautions d’emploi
seront complétées par des conseils généraux et/ou hygiénodiététiques en fonction
de la médication. Tout effet indésirable apparaissant lors du traitement devra être
signalé au médecin. La mère sera également sensibilisée à la nécessité d’une cer-
taine hygiène de vie (par exemple il lui sera conseillé de cesser de fumer). Il faudra
savoir rechercher (aide par le DP) si la patiente prend d’autres médicaments (auto-
médication), a fortiori si la patiente n’est pas connue et n’a pas de DP.

L’interlocuteur du pharmacien est un intermédiaire (mari, parent,


tierce personne)
Le pharmacien demandera de préciser l’âge de la grossesse et s’il existe déjà un
traitement en cours (ex. : HTA, diabète, etc.) ; cette dernière information
pouvant expliquer le fait que la patiente ne soit pas venue elle-même faire hono-
rer son ordonnance. La conduite à tenir est identique à celle décrite dans la
circonstance précédente.
Remarques générales : la liste des médicaments contre-indiqués ou à éviter est
longue ; pour plus de facilité, le pharmacien retiendra qu’il existe plusieurs médi-
caments majeurs, que le médecin peut prescrire sans risque : certains antibiotiques
(-lactamines, colistine, macrolides), l’insuline, l’héparine, et la méthyldopa. Dans
4. Les circonstances de délivrance des médicaments 53

le cadre d’une prescription à l’officine, le pharmacien se souviendra d’abord des


conditions de prescription rapportées à l’âge de la grossesse. Les médicaments
délivrés ne devront l’être que dans le cadre strict d’un traitement symptomatique.
Le (ou les) symptôme(s) exprimé(s) doit (doivent) être d’apparition récente, d’in-
tensité modérée et bien systématisé(s). Toutes les autres circonstances doivent
inciter le pharmacien à convaincre la femme de l’utilité d’une consultation
médicale. Les principaux symptômes pouvant être pris en considération par le
pharmacien à l’officine sont : les brûlures d’estomac, la constipation, les hémor-
roïdes, la toux et les varices (cf. parties II �������������������������������������������
à �����������������������������������������
IV). Tous les autres symptômes, même
apparemment bénins, tels l’insomnie ou l’hypersomnie, la fatigue, doivent être
évalués par le médecin.
Le cas particulier de la période d’allaitement : toute pathologie obligeant à la
prise de médicaments passant dans le lait maternel est, en principe, une contre-
indication à l’allaitement. En général, les quantités absorbées par l’enfant sont
faibles, mais les capacités de résorption digestive du nourrisson sont accrues
pour de nombreux principes actifs. La prescription médicamenteuse doit donc
être réduite, autant qu’il est possible, pendant cette période. Le pharmacien
mettra en garde la mère contre toute automédication qui serait un facteur sup-
plémentaire de risques de toxicité pour son enfant. Il saura conseiller l’évitement
ou au moins une modération de la consommation d’alcool, de café et de tabac
pendant toute la période d’allaitement. Enfin, s’il existe des substances suscepti-
bles de diminuer la lactation (ex. : les diurétiques) ou de la supprimer (ex. : la
bromocriptine), il n’existe pas de médicaments capables d’augmenter la
sécrétion lactée, qui n’est stimulée que par la succion du mamelon. Le pharma-
cien n’oubliera pas qu’un traitement local peut aussi générer des phénomènes
toxiques : l’application d’un dermocorticoïde sur les mamelons peut induire une
hypertension artérielle et une hypokaliémie chez le nourrisson. L’insuline et l’hé-
parine ne posent pas de problème pendant l’allaitement.

La prescription s’adresse à un sujet âgé


La consommation médicamenteuse chez la personne âgée est importante :
70 % d’entre elles, de plus de 65 ans, font un usage régulier de médicaments et
20 % consomment au moins trois variétés de produits à la fois. Cette polymédi-
cation quasi systématique est justifiée par le fait qu’une affection donnée
entraîne souvent une décompensation multifonctionnelle chez ces malades. Les
changements physiologiques dus au vieillissement affectent la capacité de l’indi-
vidu âgé dans la lutte contre les déséquilibres homéostasiques provoqués par la
maladie. Le pharmacien n’ignore pas ces modifications qui prédisposent aussi la
personne âgée à une perte d’autonomie, à des difficultés majeures à gérer son
traitement médicamenteux (mémoire déficiente, baisse de la vision, etc.) et à
s’adapter aux règles qu’impose l’emploi des médicaments.

Les conditions de la prescription


L’instauration d’un traitement chez la personne âgée doit toujours prendre en
compte le retentissement de la pathologie (plus complexe et variable que chez
l’adulte jeune) ainsi que les modifications pharmacocinétiques consécutives au
vieillissement (cf. chapitre 1). Ces précautions ont un effet pervers car elles
54 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

entraînent, voire obligent à la prescription d’une polythérapie. Celle-ci n’est en


fait concevable que dans le cadre d’un strict respect de certaines règles : les
doses efficaces les plus faibles doivent être utilisées, la posologie doit être ajustée
selon la réaction clinique du malade, en s’aidant de la connaissance des para-
mètres pharmacocinétiques du médicament (ex. : demi-vie), le traitement doit
toujours être simplifié pour favoriser l’observance, la thérapeutique doit être
régulièrement révisée dans le but d’abandonner un médicament ou de le substi-
tuer par un autre dont le rapport bénéfice/risques est supérieur. Il est impératif
de prévenir la survenue d’une iatropathologie.

La délivrance des médicaments


Avant la délivrance des médicaments à une personne âgée, le pharmacien doit
s’assurer de l’existence éventuelle d’un autre traitement déjà en cours ; le DP du
patient lui permettra de gérer cette circonstance. Le sujet âgé, plus que tout
autre, reçoit souvent des ordonnances de plusieurs médecins (référent et spécia-
listes) et consomme également des médicaments délivrés sans ordonnance… Ce
qui multiplie les interactions, les effets indésirables et le risque de survenue de
pathologie d’origine iatrogène. L’Afssaps a publié une mise au point à l’intention
des professionnels de santé destinée à « prévenir l’iatrogenèse médicamenteuse
chez le sujet âgé ». Dans cette brochure, on peut relever les conseils de déli-
vrance suivants :
n consulter attentivement l’historique médicamenteux du patient (intérêt du
DP) ; s’il n’est pas disponible, interroger le patient ou son entourage ;
n éviter de changer de marque de médicament générique lors du renouvelle-
ment d’un traitement ;
n s’assurer que le patient peut prendre correctement ses médicaments (forme
galénique, modalités d’administration) ;
n expliquer l’ordonnance au patient et à son entourage : notamment
pathologie(s) prise(s) en charge, modalités de traitement (schéma de prise,
durée) pour chacun des médicaments ;
n inscrire lisiblement la posologie sur les conditionnements et, si nécessaire,
rédiger un plan de prise ;
n signaler au patient tout changement de présentation des médicaments qu’il
prend régulièrement, en particulier tout changement de conditionnement
(volume, couleur, etc.), de forme galénique (forme, taille, couleur, etc.) ;
n vérifier aussi l’observance du traitement, en posant par exemple les questions
suivantes : « Vous arrive-t-il d’oublier de prendre vos médicaments ? » ou
« Lorsque vous vous sentez mieux ou plus mal, arrêtez-vous ou modifiez-vous la
prise de vos médicaments ? » ;
n être très prudent lors de la délivrance d’une médication officinale (vérifier à ce
sujet l’existence d’un nomadisme pharmaceutique).

Le malade est l’interlocuteur du pharmacien


n Sile malade est connu du pharmacien, celui-ci peut s’enquérir de l’évolution
de la maladie, ce qui le renseignera sur le comportement du patient face à la
thérapeutique.
4. Les circonstances de délivrance des médicaments 55

n Quel que soit le patient (connu ou inconnu), le pharmacien s’informera des


médicaments actuellement pris par le malade (actualisation éventuelle du DP),
même s’il s’agit de médicaments considérés comme « habituels » parfois jugés
« anodins » par le patient (ex. : aspirine, pansement gastrique, laxatif, etc.). Il
n’existe pas de médicament inoffensif ni de « petit » médicament ! Le pharma-
cien précisera le rythme des administrations en recommandant le respect du
moment de la prise indiqué par le médecin.
n L’automédication sauvage doit être bannie ; le pharmacien doit persuader le
malade que le suivi de certaines règles hygiénodiététiques est plus profitable que
la prise irrationnelle d’un médicament, même si celui-ci a « fait ses preuves » ;
l’exemple caractéristique est le traitement de la constipation fonctionnelle.

L’interlocuteur du pharmacien n’est pas le malade


n Chaque fois que le pharmacien s’adresse à une personne représentant le
malade (parent du malade, garde-malade, autre…), il devra s’enquérir de l’indi-
cation principale de la prescription médicale : celle-ci peut en effet recouvrir le
traitement de plusieurs symptômes plus ou moins intriqués.
n Comme dans la situation précédente, les conseils généraux et spécifiques
seront toujours donnés non seulement en regard de la médication inscrite sur
l’ordonnance mais encore en regard du (ou des) traitement(s) déjà suivi(s) : cer-
tains médicaments peuvent avoir une action synergique ou antagoniste ; le
pharmacien saura dans ce cas, se concerter avec le médecin avant d’honorer
l’ordonnance. L’interrogatoire sera d’autant plus précis que le pharmacien ne
connaît ni le malade, ni la personne qui le représente. Les conseils afférents à
l’observance thérapeutique (automédication comprise) sont identiques à ceux
qui seraient prodigués au malade lui-même (cf. supra).
n Il faut se souvenir que le patient âgé est souvent inobservant.

Le droit de substitution
La substitution par un médicament générique et les conseils afférents à cet acte
pharmaceutique seront bien entendu adaptés au cas par cas, dans chacune des
circonstances précédemment décrites et conformément aux règles générales
citées plus haut.
Pour des raisons de qualité du suivi et d’efficacité thérapeutique liés au com-
portement du malade (observance inégale ou inobservance, difficultés d’ordre
psychosocial, adhésion difficile du malade à son traitement, etc.) le médecin
garde la possibilité d’exclure la substitution par la mention : « non substituable »
qu’il devra porter sur l’ordonnance de manière manuscrite et complète, avant la
dénomination de la spécialité prescrite. Pour éviter toute ambiguïté, le médecin
devra expliciter certaines mentions qui étaient implicites dans une prescription
contenant un nom de marque. Il devra notifier :
1. le principe actif du médicament désigné par sa DCI en précisant, si néces-
saire, la forme moléculaire qui peut être soit la fraction thérapeutique (acide
ou base), soit un dérivé (sel ou ester notamment) ;
56 I. La délivrance des médicaments et le suivi pharmaceutique du patient

Article L5125-23 – modifié par la loi n° 2008-1330 du


17 décembre 2008 – art. 50
Le pharmacien ne peut délivrer un médicament ou produit autre que celui qui
a été prescrit, ou ayant une dénomination commune différente de la dénomi-
nation commune prescrite, qu’avec l’accord exprès et préalable du prescrip-
teur, sauf en cas d’urgence et dans l’intérêt du patient.
Si la prescription libellée en dénomination commune peut être respectée par
la délivrance d’une spécialité figurant dans un groupe générique mentionné au
5° de l’article L. 5121-1, le pharmacien délivre une spécialité appartenant à ce
groupe dans le respect des dispositions de l’article L. 162-16 du code de la
Sécurité sociale.
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, il peut délivrer par substi-
tution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique à
condition que le prescripteur n’ait pas exclu cette possibilité, pour des raisons
particulières tenant au patient, par une mention expresse portée sur la pres-
cription, et sous réserve, en ce qui concerne les spécialités figurant sur la liste
mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-17 du Code de la Sécurité
sociale, que cette substitution s’effectue dans les conditions prévues par l’arti-
cle L. 162-16 de ce code.
Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une
spécialité du même groupe générique, il doit inscrire le nom de la spécialité
qu’il a délivrée. Il en est de même lorsque le pharmacien délivre une spécialité
au vu d’une prescription libellée en dénomination commune.
La prescription libellée en dénomination commune est obligatoire pour les
spécialités figurant dans un groupe générique mentionné au 5° de l’article
L. 121-1.
Lorsqu’un traitement est prescrit pour une durée d’au moins trois mois, y
compris au moyen du renouvellement multiple d’un traitement mensuel, et
qu’un grand conditionnement est disponible pour le médicament concerné ou
pour sa forme générique, le pharmacien doit délivrer ledit conditionnement.

2. le dosage en principe actif dans la forme moléculaire choisie ou, si la forme


choisie est un dérivé pour lequel le dosage n’est pas connu, le dosage équi-
valent en fraction thérapeutique ;
3. la voie d’administration et la forme pharmaceutique ;
4. la posologie et, si nécessaire, le mode d’emploi du médicament. Si le médi-
cament prescrit comporte plusieurs principes actifs, la prescription indique la
DCI et le dosage de chaque principe actif dans les conditions prévues aux
points 1 et 2 ci-dessus.
Ainsi, lorsque le médecin laisse au pharmacien le choix de la marque de la
spécialité délivrée, celui-ci peut réaliser deux types de substitution :
n une substitution d’une spécialité de référence (princeps) par une spécialité
générique ;
n une substitution d’une spécialité générique par une autre spécialité générique
du même groupe.
4. Les circonstances de délivrance des médicaments 57

En aucun cas, le pharmacien ne peut délivrer une spécialité non inscrite dans
le groupe générique de la spécialité de référence, sauf accord exprès et préalable
du prescripteur, en cas d’urgence et dans l’intérêt sanitaire du patient.
À chaque substitution, il devra :
n informer le patient avant la substitution, car celui-ci peut la refuser en vertu
du respect du droit au consentement du malade et la libre disposition des
patients ;
n préciser le nom du générique délivré ;
n indiquer la forme pharmaceutique et le nombre d’unités de prises
correspondants ;
n s’assurer que le patient a bien compris cet acte pharmaceutique qui sera noti-
fié de façon détaillée sur l’ordonnance.
Dans tous les cas, le pharmacien évaluera l’opportunité de la substitution et
adaptera son conseil à chaque circonstance. Outre les conseils afférents à la pré-
sence éventuelle d’un excipient à effet notoire, il devra exercer une vigilance
particulière pour les patients atteints d’une pathologie chronique, laquelle
requiert souvent une adaptation posologique (échappement thérapeutique, évo-
lution de la symptomatologie, etc.). Le traitement devra non seulement être
scrupuleusement respecté, mais encore facilité, si cela est possible, par le choix
d’une forme galénique mieux adaptée.
De façon générale, la pratique professionnelle médicale et pharmaceutique
révèle que :
n l’acte de substitution est plus aisé pour un patient souffrant d’une pathologie
aiguë que pour un patient souffrant d’une pathologie chronique ;
n une première prescription se prête mieux à la substitution qu’une prescription
déjà plusieurs fois renouvelée ;
n un sujet jeune accepte mieux d’emblée l’acte de substitution ;
n un sujet âgé est plus réticent à cet acte, car il existe chez ces patients une
notion « habitude/confiance » quasi automatique pour un médicament qui
« marche bien » et qu’il n’y a donc pas lieu de le changer !
5 L’hypertension artérielle

La pathologie
L’hypertension artérielle (HTA) essentielle ou primaire est fréquente en France.
Cette affection est plus fréquente chez les personnes âgées : après 50 ans, le ris-
que augmente rapidement avec l’âge, pour atteindre 41 % des hommes et envi-
ron 50 % des femmes après 70 ans. Ces chiffres sont en fait sous-estimés, car
environ 50 % des hypertendus s’ignorent. L’HTA apparaît comme le premier fac-
teur de risque cardiovasculaire. Elle est responsable de 50 % des accidents car-
diaques et de 80 % des accidents vasculaires. Les enquêtes épidémiologiques
montrent que l’incidence des maladies, comme l’athérosclérose, les accidents
hémorragiques cérébraux, l’insuffisance ventriculaire gauche ou l’insuffisance
rénale par néphro-angiosclérose, est corrélée au niveau de la pression artérielle.
La prévalence de l’HTA est inversement liée au niveau d’études et au milieu
social : les agriculteurs, les ouvriers, les personnes les moins diplômées sont cel-
les qui révèlent le plus d’hypertension. L’hérédité prédispose certainement à
l’hypertension ; l’obésité, plus fréquente dans les milieux défavorisés, est un fac-
teur de risque. La prévalence de l’HTA systolique isolée est plus élevée chez les
femmes que chez les hommes ; elle est aussi plus élevée chez les sujets noirs
vivant dans les pays développés que chez les sujets de type caucasien. La préva-
lence de l’HTA diastolique augmente avec l’âge, au moins jusqu’à 55 ou 60 ans.
L’HTA est essentielle dans 95 % des cas. Chez la femme enceinte, la pression arté-
rielle (PA) est abaissée (de 10 à 20 mmHg) pendant les 6 premiers mois de la
grossesse. Enfin, la PA est variable chez un même sujet selon un rythme circa-
dien, en fonction de l’activité physique (même à longue échéance).

Symptomatologie
L’HTA est asymptomatique jusqu’à ce qu’apparaissent des complications. Les
signes cliniques ne sont pas pathognomoniques, car des symptômes identiques
peuvent apparaître chez les sujets normotendus : céphalées, vertiges, bouffées
de chaleur, myodesopsie (mouches volantes), bourdonnement d’oreille, palpita-
tions, épistaxis répétées, irritabilité, asthénie… La mesure des chiffres tensionnels
révélera le diagnostic.
La tension artérielle (TA) signera une HTA si, chez un sujet adulte en position
assise ou couchée, en l’absence d’effort physique (ou intellectuel), en l’absence
d’anxiété et de douleur (migraine), ne fumant pas (sans cigarette) et pour la
femme en dehors de la grossesse, les chiffres tensionnels obtenus au sphygmo-
manomètre ont des valeurs supérieures à 130/85 mmHg (tableau 5.1).
Remarques : une HTA qualifiée de labile disparaît au repos, apparaît chez le sujet
jeune ; il existe une tachycardie modérée. On définit encore une HTA paroxysti-
que : il s’agit de poussées tensionnelles chez un sujet jeune, avec une TA basale
normale ou augmentée.
62 II. Les maladies cardiovasculaires

Tableau 5.1
Définition et classification de l’HTA selon le niveau de la pression artérielle

Catégorie de la tension Pression artérielle Pression artérielle


systolique (mmHg) diastolique (mmHg)
Optimale  120  80
Normale 120-129 80-84
Normale haute 130-139 85-89
HTA
Grade 1 : légère 140-159 90-99
Grade 2 : modérée 160-179 100-109
Grade 3 : sévère  180  110
HTA systolique isolée
Grade 1 140-159  90
Grade 2  160  90

La pression artérielle, surtout la systolique, est surestimée chez l’obèse quand


elle est mesurée avec un brassard standard.

Le conseil face à la pathologie

Quand le pharmacien découvre une hypertension


Souvent, le pharmacien constatera les premiers signes d’alerte de l’HTA :
céphalées, vertiges, mouches volantes, bourdonnement d’oreille… exprimés
parfois de manière confuse par la personne âgée. Son rôle majeur consistera à
inciter le patient à consulter.
La mesure de la PA est un acte médical nécessitant une technique et des
conditions de mesures rigoureuses. Cependant, dans certaines circonstances
particulières (milieu rural éloigné d’un centre médical, contrôle chez un hyp-
ertendu connu et régulièrement suivi par son médecin, sujet frustre…), le
pharmacien pourra procéder à l’évaluation de la TA, à condition de respecter
les règles suivantes :
l disposer d’un sphygmomanomètre de qualité (modèle de référence : appareil à

colonne de mercure) ; conduire le patient dans une pièce attenante à l’officine,


le faire asseoir et procéder seulement après quelques instants (5 à 10 minutes) à
la prise de la PA. La méthode auscultatoire, par auscultation de l’artère au pli du
coude à l’aide d’un stéthoscope biauriculaire, est préconisée ; le chiffre de la PA
systolique (PA. s) est donné par l’apparition des premiers bruits artériels au cours
de la décompression du brassard : ces bruits sont d’abord sourds et mats, puis
de plus en plus claqués à mesure que l’on approche de la pression moyenne. Le
chiffre de la PA diastolique (PA. d) se lit au moment de la disparition des bruits
5. L’hypertension artérielle 63

artériels ou de leur brusque affaiblissement. La mesure de la PA doit se faire aux


2 bras, après 5 minutes au moins d’intervalle entre chaque mesure ;
l se souvenir qu’il s’agira dans ce cas précis de l’évaluation de la TA sans visée pré-

dictive, ni de sa valeur péjorative, ni de son caractère permanent, car cette dernière


circonstance exige plusieurs contrôles : 2 mesures par consultation, au cours de
3 consultations effectuées sur un délai de 3 à 6 mois.
La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) n’est pas une méthode
de substitution à la mesure au cabinet du médecin, mais elle trouve son utilité
dans plusieurs circonstances :
l variabilité inhabituelle de la PA entre les différentes visites ou au cours d’une

même visite ;
l hypertension chez les patients à bas risque cardiovasculaire ;

l symptômes suggérant des épisodes d’hypotension ;

l hypertension résistante aux traitements ;

l hypertension « blouse blanche ».

La MAPA est plus particulièrement indiquée pour évaluer le mode de varia-


tion de la PA nocturne, pour rechercher une variabilité inhabituelle, par exem-
ple au cours d’une dysautonomie diabétique ou primitive, chez les patients
atteints d’un syndrome d’apnée du sommeil ou chez les patients insuffisants
rénaux chroniques et dans les cas où l’automesure n’est pas réalisable
Remarque : l’effet « blouse blanche », encore appelée hypertension de
consultation isolée, peut s’exprimer par des fluctuations parfois sensibles de la
PA, notamment chez les patients anxieux ou très émotifs.
Le pharmacien pourra expliquer que cette MAPA consiste en une mesure
automatique de la PA toutes les 15 minutes le jour et toutes les 30 minutes la
nuit, sur une période de 24 heures ; l’enregistrement des données se fait au
moyen d’un brassard à tension maintenu en place et d’un boîtier de contrôle. Le
patient doit poursuivre son activité normale pendant le temps de la MAPA ; il
doit noter l’horaire de ses repas, de ses prises médicamenteuses, etc. sur un jour-
nal d’activités. Le patient doit être éduqué pour savoir mettre le brassard en
place et disposer d’un numéro d’appel en cas de problèmes ; une analyse du
chronogramme est effectuée en corrélation avec le journal d’activités du patient.
Une conférence internationale de consensus a précisé les apports et les
règles de bonnes pratiques de l’automesure de la TA. L’utilisation de l’autome-
sure est encouragée pour son intérêt dans l’éducation thérapeutique du
patient. Le médecin saura en indiquer l’opportunité au patient (efficacité et
suivi du traitement) et lui précisera les valeurs tensionnelles attendues.
La TA doit être mesurée au repos (position assise) à 2 périodes de la jour-
née : le matin, avant le petit-déjeuner (et avant la prise de médicaments) et le
soir avant le coucher.
Elle doit être effectuée à 3 reprises, à une ou deux minutes d’intervalle.
Il n’est pas nécessaire de pratiquer ces mesures à d’autres moments de la
journée car elles risquent de compliquer l’analyse des résultats.
Elles devront être faites 3 jours de suite au minimum, dans certains cas plus
longtemps (sur avis médical).
L’interprétation de l’automesure tensionnelle demeure un acte médical. Mais
il est recommandé que le patient soit éduqué à l’utilisation de cette technique,
par son médecin ou un professionnel de santé entraîné. Elle constitue un facteur
d’amélioration de l’observance au traitement. Il est recommandé d’utiliser
64 II. Les maladies cardiovasculaires

préférentiellement un appareil de mesure huméral, à choisir parmi la liste des


appareils validés (disponible sur le site de l’Afssaps).
Les seuils de PAS et PAD définissant une HTA par l’automesure tensionnelle
et la MAPA sont plus bas que ceux fixés pour la mesure au cabinet médical.
L’équivalent pour un seuil de 140/90 mmHg au cabinet médical est (moyenne
des mesures) :
l automesure  135/85 mmHg ;

l MAPA éveil  135/85 mmHg ;

l MAPA sommeil  120/70 mmHg ;

l MAPA 24 h  130/80 mmHg.

Le pharmacien peut très justement contribuer à la bonne pratique de l’auto-


mesure tensionnelle, tant au niveau du choix et du maniement du tensiomètre
qu’au niveau des recommandations de lecture. Parmi les recommandations
d’usage, il faut se souvenir :
l que les tensiomètres électroniques ne conviennent pas à certains patients : c’est

le cas pour un bras trop gros (brassard non adapté), pour un cœur irrégulier (les
arythmies peuvent générer des valeurs fausses) ;
l que pour les enfants, il n’existe pas de normes définies pour cette technique de

mesure ;
l enfin, il faut toujours préférer un appareil s’adaptant au niveau du bras plutôt qu’au

niveau du poignet, car dans ce dernier cas, la mesure est influencée par le degré de
fléchissement du poignet et par sa position par rapport au niveau du cœur.
Le pharmacien doit, sans alarmer, préciser les dangers et les complications
d’une HTA négligée et non traitée. Il encouragera le patient à consulter en
dédramatisant les premières consultations qui consistent à authentifier l’HTA.
Le médecin aura 3 objectifs principaux : affirmer le caractère primaire de l’HTA,
évaluer le risque cardiovasculaire et préciser le retentissement viscéral.
La recherche d’une cause n’est pas du ressort du pharmacien, mais celui-ci doit
cependant connaître certaines d’entre elles, en particulier les causes externes :
intoxication à la réglisse (réglisse, zan, antésite, pastis sans alcool…), iatrogène
(contraceptifs oraux, corticoïdes, AINS, vasoconstricteurs nasaux, sympathomi-
métiques, dérivés de l’ergot de seigle, antidépresseurs, lithium, ciclosporine,
etc.) ; d’autres causes doivent être retenues : facteurs métaboliques (obésité,
apports exagérés de sel dans l’alimentation), athérosclérose, notion de famille
d’hypertendus, prise fréquente d’alcool ( 3 verres/j chez l’homme,  2 verres/j
chez la femme), passé urologique (anomalies des voies urinaires, lithiase), passé
néphrologique (glomérulopathie), diabète, traumatisme rénal,
phéochromocytome…
Le pharmacien avertira le patient que son médecin lui prescrira vraisembla-
blement un « petit bilan » urinaire (recherche d’une hématurie, protéinurie,
glycosurie, examen microscopique) et sanguin (créatininémie, kaliémie, cho-
lestérol total, glycémie) ; il s’agit d’une démarche classique de bilan d’HTA. Un
ECG est également préconisé de façon systématique. Des examens optionnels
(HDL et LDL-cholestérol, triglycérides, acide urique, aldostéronémie, etc.) sont
fonction du contexte et ne sont réalisés que s’ils sont susceptibles de modifier
la prise en charge ; certains d’entre eux pourront être renouvelés au cours du
suivi thérapeutique.
5. L’hypertension artérielle 65

Quand le sujet est un hypertendu connu


Il s’agit d’un diagnostic récent : le rôle du pharmacien visera essentiellement à
mettre l’accent sur la nécessité d’une bonne observance thérapeutique et rap-
pellera au patient, si nécessaire, les règles hygiénodiététiques associées au trai-
tement de l’HTA. Il sera utile de rappeler aussi que la garantie d’un traitement
efficace passe par la consultation médicale régulière en respectant les périodes
(ou dates) de rendez-vous indiquées par le médecin traitant, car l’HTA est très
souvent asymptomatique. Le suivi thérapeutique varie avec la gravité de l’HTA,
mais en général, pour une HTA essentielle, il se fait tous les mois en début de
traitement puis tous les 3 à 6 mois en dehors de toute survenue d’une compli-
cation ou d’une pathologie intriquée. La thérapeutique évoluera en fonction
des résultats (modification d’une monothérapie, bithérapie…).
Le sujet est traité et suivi régulièrement par son médecin : hormis les troubles
inhérents au(x) médicament(s) prescrit(s) (effets secondaires mineurs spéci-
fiques à chaque substance cardiovasculaire : cf. infra), tout symptôme, même
d’expression minime, doit conduire le patient à solliciter un avis médical (télé-
phone) ou une consultation. Cette attitude sera d’autant plus justifiée que la
personne est âgée ou, si elle est plus jeune et active, elle avoue prendre quel-
ques libertés avec le traitement.
Quel que soit le patient, le pharmacien doit (comme le médecin), lui faire
connaître les 10 recommandations nécessaires pour améliorer la prise en charge
de son hypertension :
l la nécessité de traiter une HTA ;

l les risques d’une HTA ;

l l’importance du suivi quotidien du traitement, ainsi que la mesure régulière de

la TA (automesure préconisée) ;
l l’obligation de prendre (à vie) son traitement ;

l l’obligation de prendre son traitement à heure fixe ;

l la nécessité de déceler (avec l’aide du pharmacien ou du médecin) et gérer (avec

l’aide du médecin) les effets secondaires ;


l l’acceptation (sur prescription du médecin) de prendre plusieurs médicaments

antihypertenseurs ou de changer de traitement ;


l l’adaptation de son mode de vie à sa pathologie ;

l le danger d’un arrêt brutal du traitement ;

l la nécessité de consulter régulièrement son médecin traitant.

La thérapeutique
Il n’y a pas d’urgence à traiter une HTA si la TA est inférieure à 180/105 mmHg. Les
chiffres prévisionnels doivent être mesurés plusieurs fois, pendant plusieurs jours
(cf. RMO) ; la constatation de chiffres anormaux ne doit pas déboucher d’emblée
sur un traitement, car il est nécessaire de confirmer le diagnostic d’HTA. En cas
d’HTA légère et en particulier chez les patients ayant une grande variabilité tension-
nelle, un plus grand nombre de déterminations est souhaitable ; des chiffres occa-
sionnellement élevés, mesurés après une période de repos d’au moins 10 minutes
témoignent d’une variabilité tensionnelle inhabituelle pouvant inaugurer une HTA
66 II. Les maladies cardiovasculaires

permanente. Une HTA confirmée nécessite un traitement à vie : le traitement ne


devra pas être arrêté si les chiffres tensionnels se normalisent. Une HTA non traitée
comporte un risque élevé d’insuffisance ventriculaire gauche invalidante ou fatale,
d’infarctus du myocarde, d’hémorragie et de ramollissement cérébral, ou d’insuffi-
sance rénale précoce. L’HTA est le facteur de risque le plus important des accidents
cérébrovasculaires ; c’est l’un des 3 facteurs de risque majeurs de l’athérosclérose
coronaire, avec le tabagisme et l’hypercholestérolémie. Le suivi médical préviendra
ou retardera la survenue des complications et prolongera la vie des patients de PA
diastolique  90 mmHg. La coronaropathie est la cause de décès la plus fréquente
chez les hypertendus.
Il n’existe pas de traitement curatif de l’hypertension essentielle, mais les mesures
thérapeutiques pourront modifier son évolution. En pratique, il faut noter que
40 % seulement des hypertendus sont correctement contrôlés, tandis que
près de 25 % d’entre eux ignorent leur maladie. Le traitement de l’hypertension
artérielle essentielle comporte des mesures hygiénodiététiques et la prescription de
médicaments antihypertenseurs.

Attitude thérapeutique
Il n’existe pas de schéma thérapeutique standard. Le choix d’une thérapeutique
est fonction du type de l’hypertension, de sa sévérité, de son retentissement, de
l’âge, du sexe et de la race du patient, des contre-indications ou des effets indé-
sirables potentiels des médicaments utilisés. Le traitement vise à diminuer la
morbidité liée aux accidents cérébrovasculaires, à l’insuffisance cardiaque et aux
anévrismes aortiques. La thérapeutique associe des règles hygiénodiététiques à l’ins-
tauration d’un traitement médicamenteux ; elle a un triple but :
n ramener les chiffres tensionnels à la normale, au repos (PAs  130 mmHg ;
PAd  80 mmHg) ; les recommandations les plus récentes fixent pour objectif le
maintien d’une PA inférieure à 140/90 mmHg, quel que soit l’âge. Il faudra
cependant adapter ces valeurs aux circonstances particulières ;
n pour un patient donné, diminuer le risque de complication neurologique ou
cardiovasculaire de l’HTA ;
n être parfaitement tolérée.
Le traitement médicamenteux correspond, selon les cas, à une monothérapie
ou à une bithérapie ; la persistance de chiffres anormaux de la pression artérielle
(PA) n’est pas une indication systématique à une bithérapie, mais peut-être à
une monothérapie différente (adaptation de la posologie, substitution par une
autre molécule, association fixe microdosée).
Le pharmacien reconnaîtra souvent, à la lecture de l’ordonnance, certains pro-
tocoles classiques de traitement de l’HTA (recommandations HAS, juin 2005) ;
parmi les plus courants, on peut citer :
n sujet âgé : diurétique thiazidique, inhibiteur calcique ;
n néphropathie diabétique (type 1), à partir du stade de microalbuminurie : IEC
ou ARA II, diurétique thiazidique, diurétique de l’anse (si insuffisance rénale
sévère) ;
n néphropathie diabétique (type 2), à partir du stade de microalbuminurie : ARA II
ou IEC, diurétique thiazidique, diurétique de l’anse (si insuffisance rénale sévère) ;
5. L’hypertension artérielle 67

n cardiopathie post-IDM : IEC, -bloquant ;


n maladie coronarienne : -bloquant, inhibiteur calcique de longue durée d’ac-
tion, diurétique thiazidique ou diurétique de l’anse, IEC (1re intention) ou ARA II
(si intolérance aux IEC).
Il ne faut pas méconnaître quelques cas particuliers : l’HTA de la femme
enceinte impose un usage restreint aux antihypertenseurs centraux comme la
clonidine (Catapressan), aux -bloquants ou aux vasodilatateurs périphériques
comme la dihydralazine (Népressol) ; les diurétiques sont formellement contre-
indiqués (majoration de l’hypoperfusion placentaire : cause de l’HTA). L’HTA du
sujet noir est souvent associée à un taux bas de rénine ; l’efficacité des -bloquants
et des IEC est moins probante.
Les médicaments antihypertenseurs peuvent être classés « cliniquement » en
2 catégories : la première catégorie regroupe 5 familles principales d’antihyper-
tenseurs utilisés en pratique quotidienne : les diurétiques, les -bloquants, les
IEC, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II ou sartans), les
inhibiteurs calciques. Ces substances sont utilisables en monothérapie ou asso-
ciées en bi- ou trithérapie, permettant ainsi de contrôler presque toutes les HTA
traitées en ambulatoire et sans donner lieu à un phénomène de tolérance. La
seconde catégorie regroupe les autres substances antihypertensives (antihyper-
tenseurs centraux, alphabloquants, inhibiteurs de la rénine), qui sont plutôt
réservées à des prescriptions ponctuelles (situations particulières, contre-indications
des précédentes, intolérances…).
La prescription d’associations fixes microdosées [diurétiques associés, (IEC  diu-
rétique), (-bloquant  inhibiteur calcique), etc.] présente plusieurs avantages :
elle augmente le nombre de répondeurs et de patients normalisés ; elle diminue
la fréquence de certains effets secondaires ; elle améliore l’observance du traite-
ment en diminuant le nombre de prises. Les indications des associations fixes
microdosées [(perindopril  indapamide) Preterax ; (bisoprolol  hydrochloro-
thiazide) Lodoz, Wytens, etc.] sont les HTA légères de grade I et modérées de
grade II. Ces associations sont une alternative au traitement par monothérapie.
Tous les médicaments antihypertenseurs présentent certaines interactions médica-
menteuses communes : l’effet antihypertenseur est diminué avec l’administration
par voie générale de corticoïdes (induction, à fortes doses, d’un effet inotrope
positif et vasodilatateur) ou par l’administration d’AINS qui inhibent l’effet anti-
hypertenseur des inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Les antidépresseurs imi-
praminiques et les neuroleptiques majorent l’effet antihypertenseur et génèrent
un risque d’hypotension.
68 II. Les maladies cardiovasculaires

Le conseil face à la thérapeutique


Conduite pratique du traitement
Il existe des moyens non pharmacologiques représentés par les mesures hygié-
nodiététiques et des moyens pharmacologiques représentés par l’usage des
antihypertenseurs.
Les mesures hygiénodiététiques sont recommandées chez tous les patients
hypertendus quel que soit le niveau tensionnel, avec ou sans traitement phar-
macologique associé. Ces mesures sont d’autant plus efficaces si elles sont pro-
posées dans le cadre d’une éducation thérapeutique destinée à informer le
patient sur son HTA et les risques cardiovasculaires associés, et à définir des
objectifs précis et réalistes adaptés à chaque patient.
Au niveau individuel, ces mesures peuvent être hiérarchisées et étalées dans
le temps. Ces mesures seront mises en place lors de l’instauration de la prise en
charge et leur application sera réévaluée tout au long du suivi. Ces mesures
hygiénodiététiques comprennent :
l la limitation de la consommation en sel (NaCl) jusqu’à 6 g/j (cf. table de compo-

sition des aliments éditée par l’Afssaps) ;


l une réduction du poids en cas de surcharge pondérale, afin de maintenir l’IMC

(indice de masse corporelle) en dessous de 25 kg/m2, ou, à défaut, afin d’obte-


nir une baisse de 10 % du poids initial ;
l la pratique d’une activité physique régulière, adaptée à l’état clinique du patient,

d’au moins 30 min environ, 3 fois par semaine ;


l la limitation de la consommation d’alcool à moins de 3 verres de vin ou équiva-

lent par jour chez l’homme et 2 verres de vin ou équivalent par jour chez la
femme ;
l l’arrêt du tabac, associé si besoin à un accompagnement du sevrage tabagique ;

l un régime alimentaire riche en légumes, en fruits et pauvre en graisses saturées

(graisses d’origine animale).


La mise en œuvre de ces mesures ne doit pas retarder l’initiation d’un traite-
ment pharmacologique s’il est nécessaire, en particulier chez les patients dont
le risque cardiovasculaire est élevé.
Un traitement médicamenteux peut se révéler inefficace à dose optimale
dans 3 types de circonstances : le sujet ne prend pas ses médicaments ; il a une
alimentation riche en sel (charcuterie, fromages, etc.) ou il boit de l’eau de
Vichy… : un hypertendu doit savoir limiter sa consommation de sel en dessous
de 10 g/24 heures ; enfin, la cause peut être méconnue. Le pharmacien doit,
comme le médecin, veiller à l’observance thérapeutique : elle sera a priori mau-
vaise si le patient est tabagique ou obèse, a fortiori s’il est obèse et tabagique.
Un niveau socioprofessionnel ou culturel défavorisé est aussi un facteur prédictif
important de mauvaise observance. Une monothérapie en une seule prise quo-
tidienne est souhaitable mais cette simplicité pratique de traitement ne dispense
pas de la rigueur (effet spécifique du médicament choisi, horaire des prises,
posologie…). L’oubli de la prise du médicament ne doit pas être compensé par
une double prise : il faut reprendre la posologie habituelle et veiller à ne pas
récidiver l’oubli. Le traitement d’une HTA est généralement instauré à vie et ne
devra pas être arrêté, si les chiffres tensionnels se normalisent.
5. L’hypertension artérielle 69

Conseils afférents aux médicaments


La réduction du risque cardiovasculaire est avant tout dépendante de la baisse
de la pression artérielle, quelle que soit la classe d’antihypertenseur utilisée.
Dans l’HTA essentielle non compliquée, les 5 classes d’antihypertenseurs
majeurs [les diurétiques thiazidiques, les -bloquants, les inhibiteurs calciques,
les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récep-
teurs de l’angiotensine II (ARAII)] ont montré un bénéfice sur la morbi-mortalité
cardiovasculaire, dans les essais cliniques. Ces 5 classes d’antihypertenseurs
peuvent donc être proposées en première intention.
Il est recommandé de débuter par une monothérapie. Une association fixe
d’antihypertenseurs à doses faibles, ayant l’AMM en première intention pour
l’indication HTA, peut également être proposée.
En deuxième intention, une bithérapie sera instaurée dans un délai d’au
moins 4 semaines, en cas de réponse tensionnelle insuffisante au traitement
initial. Après 4 semaines d’un traitement initial, en cas d’absence totale de
réponse à ce traitement ou en cas d’effets indésirables, il est recommandé de
changer de classe thérapeutique.

Les diurétiques
La prescription des diurétiques est fréquente lorsque la PA diastolique est com-
prise entre 90 et 115 mmHg. Les diurétiques potentialisent les effets de tous les
autres antihypertenseurs. Dans le traitement de l’HTA, la dose efficace la plus
faible possible est recherchée car l’effet pharmacologique n’est pas proportion-
nel à la dose et les effets indésirables imputés aux diurétiques tiennent en partie
à l’utilisation de doses inutilement élevées ; lors d’un traitement chronique de
l’HTA, ces effets peuvent entraîner l’abandon de la médication ou un auto-
ajustement des posologies. Dans cette indication, tous les dérivés thiazidiques
sont également efficaces à doses équivalentes ; les diurétiques de l’anse pré-
sentent l’avantage de conserver leur efficacité en cas d’altération de la fonction
rénale. Ces deux classes de diurétiques doivent être utilisées avec précaution en
présence d’une atteinte hépatique (risque d’encéphalopathie hépatique).
La prescription de diurétiques (quelle que soit l’indication) nécessite une
surveillance clinique et biologique régulière :
l une déplétion sodée trop rapide (diurétique  régime désodé) provoquera une

hypotension orthostatique ;
l une déplétion potassique (thiazidiques, diurétiques de l’anse) se manifestera souvent

par des signes peu spécifiques, comme une asthénie, une fatigabilité musculaire ;
l les dérivés thiazidiques augmentent la calciurie et peuvent aggraver un diabète

préexistant, voire une intolérance glucidique chez des sujets non diabétiques ;
l une hyperuricémie le plus souvent asymptomatique est fréquente (50 % des cas)

avec les diurétiques de l’anse et les dérivés thiazidiques, ces derniers entraînent
également une élévation variable des triglycérides et du cholestérol total.
Le pharmacien ne devra pas méconnaître d’autres effets indésirables communs à
tous les diurétiques et dont la survenue est très variable : impuissance, gynéco-
mastie, troubles des règles, somnolence, céphalées, hypersensibilité cutanée
(éruptions, photosensibilisation). La prudence sera toujours requise chez le
vieillard qui est beaucoup plus exposé au risque d’hypotension orthostatique
ou à la survenue d’une insuffisance rénale fonctionnelle (dérivés thiazidiques).
70 II. Les maladies cardiovasculaires

Dans l’indication de l’HTA, les diurétiques possédant une durée d’action prolon-
gée seront le plus souvent préférés. Il faut cependant noter que les spécialités
sont fréquemment surdosées (effet hypokaliémiant majoré). En outre, il faudra
tenir compte des traitements associés, en particulier avec les AINS qui favorisent
la rétention hydrosodée. En présence de troubles digestifs (vomissements,
diarrhée), de fièvre et/ou de sudation importante(s), qui favorisent la déshydra-
tation, la posologie des diurétiques sera diminuée.
Les -bloquants
Tous les -bloquants sont efficaces dans le traitement de l’HTA et sont particuliè-
rement utiles chez les sujets jeunes avec hypersympathicotonie (tachycardie de
repos et palpitations). A priori, n’importe lequel peut être prescrit, en se souve-
nant que quelques-uns perdent leur cardiosélectivité à certaines doses : 100 mg
pour l’aténolol (Ténormine), 200 mg pour le métoprolol (Lopressor, Seloken),
600 mg pour l’acébutolol (Sectral) Le choix est guidé par leurs caractéristiques
pharmacologiques. Les accidents induits par les -bloquants sont exceptionnels
si les contre-indications sont strictement respectées. L’asthme demeure une
contre-indication formelle, même pour les -bloquants cardiosélectifs.
Le pharmacien se souviendra que les effets indésirables des -bloquants sont
presque toujours directement liés à leurs propriétés pharmacodynamiques sur le
cœur, les bronches, les vaisseaux et le métabolisme glucido-lipidique. Cependant,
ces effets sont le plus souvent observés en cas d’inobservance thérapeutique.
À l’officine, il faudra se souvenir que :
l l’efficacité thérapeutique des -bloquants est retardée : un traitement ne doit

pas être modifié avant une période d’essai (pouvant aller jusqu’à 2 mois, selon
les cas) ;
l le traitement ne doit jamais être interrompu brutalement à cause du risque de

rebond hypertensif ou du risque coronaire ;


l La tolérance peut-être parfois médiocre avec possibilité de cauchemars, asthénie

sexuelle, prise de poids, tendance dépressive, troubles gastro-intestinaux (gas-


tralgies, nausées, diarrhées…). Il suffira de rassurer le malade sur ces effets indé-
sirables, le plus souvent bénins ;
l le risque d’hypoglycémie chez le diabétique pourra être évité par le choix préfé-

rentiel d’un -bloquant cardiosélectif, mais ce risque demeure potentiel s’il existe
des associations médicamenteuses inductrices, y compris sous la forme de colly-
res ; il faut se souvenir que les -bloquants masquent certains symptômes (palpi-
tations, sueurs, tachycardie) de l’hypoglycémie.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion
Les indications préférentielles des IEC sont les HTA sévères ou répondant mal
aux autres classes pharmacologiques, les HTA avec activité rénine plasmatique
élevée ou associées à une insuffisance cardiaque, à une insuffisance rénale, à
des troubles sexuels, à une hyperlipidémie, à un diabète ou à une hyperuri-
cémie. Actuellement, les IEC sont largement utilisés en première intention dans
le traitement de l’HTA essentielle. Un régime peu salé et, plus encore, l’associa-
tion à un diurétique potentialisent leur efficacité. Les IEC sont souvent bien
tolérés et les effets indésirables (manifestations neurovégétatives mineures)
sont rares à posologies moyennes (exception faite pour la survenue d’une
toux : cf. infra). Ils présentent peu de contre-indications (sténose de l’artère
rénale, allergie, grossesse). La prescription d’un IEC chez l’hypertendu diabé-
tique avec protéinurie est préconisée en première intention.
5. L’hypertension artérielle 71

Le pharmacien sera souvent le premier averti de la survenue d’une toux d’origine


iatrogène. Tous les IEC sont susceptibles d’induire une toux non productive,
diurne et nocturne, parfois insomniante et accompagnée d’une sensation d’ir-
ritation pharyngée. Cette toux résiste aux traitements antitussifs (inutile d’en
prescrire). Seul l’arrêt du traitement entraînera rapidement (quelques jours) la
disparition de la symptomatologie. La fréquence d’apparition de cet effet indé-
sirable varie de 1 à 14,5 % avec une idiosyncrasie certaine. La toux est plus fré-
quente chez la femme et, paradoxalement, plus chez le sujet non-fumeur que
chez le fumeur. Son apparition peut être précoce (quelques heures), mais elle
se signale habituellement après plusieurs semaines de traitement, parfois après
plusieurs mois. Il faut noter que si la toux est bien tolérée, il n’y a pas lieu de
changer la médication ; dans le cas contraire un autre IEC pourra éventuelle-
ment éviter cet effet, sinon il faudra recourir à une autre substance antihyper-
tensive. Le pharmacien devra prévenir le patient de la survenue possible de cet
effet indésirable quand il honorera une première ordonnance d’IEC.
Le pharmacien se souviendra que la prescription d’IEC expose au risque d’hy-
potension artérielle brutale et d’insuffisance rénale aiguë en cas de déplétion
sodée préalable au traitement, d’insuffisance cardiaque congestive, d’hyperten-
sion artérielle rénovasculaire. La kaliémie et la créatininémie sont régulièrement
contrôlées en cas d’insuffisance rénale ou de néphropathie. Chez les sujets âgés,
la posologie est adaptée après évaluation rénale. L’allaitement est déconseillé
lors d’un traitement sous IEC.
Hormis les interactions médicamenteuses communes aux autres antihyper-
tenseurs, la prescription concomitante d’antidiabétiques (insuline, sulfonylu-
rées) nécessite un renforcement de l’autosurveillance glycémique (majoration
de l’effet hypoglycémique). L’association aux diurétiques peut engendrer une
hypovolémie iatrogène ; l’association aux diurétiques épargneurs de potassium
(Aldactone, Practon, ou associations les contenant : Aldactazine, Modurétic, etc.)
est déconseillée, car elle expose à l’hyperkaliémie, surtout en cas d’insuffisance
rénale (pour les mêmes raisons : contre-indications des sels de potassium).

Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II


Ces médicaments (losartan Cozaar, valsartan Tareg, etc.), antagonistes des récep-
teurs AT1 de l’angiotensine II, provoquent une inhibition des mécanismes hyper-
tenseurs de l’angiotensine II (stimulation sympathique, rétention hydrosodée,
vasoconstriction) ; bien qu’agissant sur le même système rénine-angiotensine
que les IEC, ils constituent une famille médicamenteuse différente. En pratique,
ils sont prescrits dans l’HTA essentielle à la manière des IEC. Ils possèdent aussi
un effet néphroprotecteur (intérêt de leur prescription chez le sujet diabétique).
Contrairement aux IEC, la majorité d’entre eux n’induit pas de toux iatrogène.

Les inhibiteurs calciques


Ils abaissent les résistances périphériques (en particulier rénales) par leur action
vasodilatatrice artérielle, augmentent le débit sanguin rénal sans modifier la fil-
tration glomérulaire et n’entraînent pas de rétention hydrosodée. Ils ne font
pas régresser l’hypertrophie ventriculaire gauche (contrairement aux classes
précédentes de médicaments) et n’altèrent pas la réponse réflexe à la vasodila-
tation. Ils sont particulièrement indiqués chez les sujets âgés ou de race noire,
les coronariens (angor), les diabétiques, les obèses, dans les HTA sévères ou
mal contrôlées par les -bloquants, les HTA secondaires à un hyperaldostéro-
nisme, une hyperlipidémie ou une hyperuricémie.
72 II. Les maladies cardiovasculaires

Il faut se souvenir que ces substances ont une faible biodisponibilité, ce qui
explique les variations individuelles assez large, sous une posologie efficace.
L’association avec un IEC est synergique ; de même, l’association à un -bloquant
(chez un sujet plus jeune) est généralement performante et bien tolérée.
En dehors des contre-indications d’origine cardiaque, la grossesse n’est pas
autorisée avec ce type de traitement (tératogénicité) ; l’allaitement est décon-
seillé (innocuité non établie).
La survenue de télangiectasies et même de papules angiomateuses sur le
visage et le cou, en zone photo-exposée, a été décrite récemment avec la nifé-
dipine (Adalate) et les médicaments de même classe (les dihydropyridines). Cet
effet indésirable peut apparaître après 4 à 5 mois de traitement dont l’arrêt
permet une régression progressive mais incomplète des lésions.

Les autres antihypertenseurs


Ils sont réservés à des prescriptions ponctuelles. Les antihypertenseurs centraux
sont efficaces en monothérapie dans 50 % des cas environ, tout particuliè-
rement dans l’HTA modérée. Ils peuvent être prescrits avec succès (Catapressan)
chez le sujet âgé, pour le traitement de l’HTA de la femme enceinte ou pour
une HTA compliquée d’insuffisance rénale, d’asthme ou de diabète, avec l’in-
convénient cependant d’augmenter le volume plasmatique. La rétention sodée
induite par l’alpha-méthyldopa (Aldomet) limite son emploi à la monothérapie.
Les antihypertenseurs centraux ont en commun un certain nombre d’effets
indésirables qu’il faut connaître : sédation, sécheresse de la bouche, troubles
digestifs, troubles sexuels (chez l’homme), hypotension orthostatique. La cloni-
dine induit des troubles de la microcirculation (aggravation d’un syndrome de
Raynaud) et un syndrome de sevrage lors d’un arrêt brutal de posologies au
moins égales à 1 mg/j entraînant un rebond hypertensif. L’alpha-méthyldopa
peut engendrer une gynécomastie avec ou sans galactorrhée, une fièvre ou
une atteinte hépatique (généralement bénigne).
L’association des antihypertenseurs centraux est potentiellement dangereuse
(effet bradycardisant) avec les -bloquants et les inhibiteurs calciques. Prendre
garde aux associations médicamenteuses qui, selon les cas, augmenteront ou
inhiberont l’effet antihypertenseur. L’alcool majore l’effet sédatif des
antihypertenseurs.
Les 1-bloquants (Alpress, Minipress) sont utilisables en monothérapie, pour
les HTA modérées. Leurs effets indésirables sont nombreux et peuvent être
sévères. Les vasodilatateurs musculotropes (Hyperstat, Lonoten, etc.) sont souvent
prescrits en association. Ces substances peuvent induire une hypotension
orthostatique, même à faible dose ; de plus, ils induisent un échappement thé-
rapeutique aboutissant à une inefficacité plus ou moins rapide.
Les inhibiteurs directs de la rénine (IDR) constituent une nouvelle classe d’anti-
hypertenseurs ; les IDR représentent une alternative ou peuvent être associés
à d’autres inhibiteurs du système RAA (IEC, IRA, bêtabloquants, antagonistes
de l’aldostérone) ainsi qu’aux inhibiteurs calciques et aux diurétiques. Rasilez
(aliskiren) est la premier IDR à longue durée d’action pouvant être utilisé en
monothérapie ou avec d’autres médicaments antihypertenseurs.

Les associations fixes


Plusieurs informations concernant l’usage des associations fixes microdosées doivent
être connues : les contre-indications et les précautions d’emploi (RMO comprises)
5. L’hypertension artérielle 73

d’une association fixe sont celles de chaque principe actif qu’elle contient ; le trai-
tement doit débuter avec la posologie la plus faible ; le délai d’action est identique
à celui du traitement par monothérapie. À efficacité antihypertensive équivalente,
le pourcentage de répondeurs sous traitement par association fixe microdosée est
supérieur à celui obtenu sous traitement par monothérapie ; la surveillance du
sujet hypertendu, en termes d’efficacité et de tolérance, est identique, qu’il soit
traité en monothérapie ou par une association fixe microdosée.
6 L’insuffisance cardiaque

Toutes les cardiopathies conduisent, plus ou moins rapidement, à l’insuffisance car-


diaque. Celle-ci correspond à l’incapacité du cœur à adapter le débit sanguin
aux besoins énergétiques de l’organisme. L’hypertension artérielle et l’athéros-
clérose coronarienne occupent la première place (60 à 75 %) dans les causes de
l’insuffisance cardiaque ; les affections valvulaires (liées à l’atteinte rhumatismale)
et l’endocardite bactérienne subaiguë représentent environ 25 % des cas. Le
retentissement cardiaque des pneumopathies et de l’insuffisance respiratoire
aiguë occupe la 3e place (8 % des cas). En France, on compte environ 500 000
personnes souffrant d’insuffisance cardiaque.

La pathologie
Symptomatologie
L’insuffisance cardiaque gauche peut être évoquée devant l’apparition d’une dys-
pnée d’effort (cédant à l’arrêt), de décubitus, ou peut s’exprimer par des épi-
sodes de dyspnée paroxystique nocturne. Un œdème aigu du poumon (OAP)
peut aussi être le mode de découverte d’une insuffisance cardiaque ancienne
méconnue.
L’insuffisance cardiaque droite sera évoquée devant la présence : d’œdèmes
bilatéraux des membres inférieurs, non inflammatoires, déclives ; d’une turges-
cence jugulaire, d’un reflux hépato-jugulaire, d’une oligurie avec urines fon-
cées… Une symptomatologie d’insuffisance cardiaque droite, d’apparition
récente et non expliquée par le contexte clinique, doit faire craindre l’embolie
pulmonaire.
La classification clinique de la New York Heart Association (NYHA) permet de
différencier quatre stades fonctionnels sur des critères d’interrogatoire :
n classe  I : activité physique habituelle asymptomatique ;
n classe  II : limitation de l’activité physique pour les efforts de la vie courante ;
n classe III : limitation importante de l’activité, les symptômes apparaissent pour
des efforts modérés ;
n classe IV : symptômes permanents, même au repos.

Étiologie
La recherche étiologique est une priorité car le traitement de la maladie causale
doit être entrepris avant l’apparition d’altérations myocardiques irréversibles.
Cette recherche n’est, bien entendu, pas du ressort du pharmacien mais il lui
appartient cependant de connaître les principales causes de l’insuffisance cardia-
que. Une classification physiopathologique permet de faire la distinction entre
une insuffisance cardiaque due à une hypocontractilité par l’altération primaire
du myocarde ventriculaire (ischémie, anoxie, infarcissement, infiltration, infection,
intoxication, etc.), une surcharge ventriculaire (diastolique, systolique, mixte), une
76 II. Les maladies cardiovasculaires

diminution de la compliance ventriculaire (gêne au remplissage ventriculaire), un


obstacle auriculoventriculaire (sténose valvulaire, etc.) ou due encore à une chute
du débit cardiaque consécutive à un trouble du rythme. En fait, l’insuffisance car-
diaque résulte souvent de plusieurs mécanismes physiopathologiques.
Le pharmacien ne devra pas méconnaître le fait qu’une insuffisance cardiaque
connue et traitée peut être décompensée par des causes diverses : un traitement ou
un régime mal suivi, la prescription d’un médicament inotrope négatif
(-bloquant, vérapamil, flécaïnide, etc.), une fièvre élevée (ex. : grippe), et d’autres
causes plus spécifiques : tachyarythmie, embolie pulmonaire, endocardite, hyper-
thyroïdie (attention à la prescription d’amiodarone).

Le conseil face à la pathologie


S’il s’agit des premiers signes de l’insuffisance cardiaque
Le pharmacien sera souvent la première personne informée des symptômes
d’alarme de l’insuffisance cardiaque. En particulier, la personne âgée vivant
seule lui parlera de sa fatigue inhabituelle pour des efforts courants, d’un cer-
tain essoufflement et de ses chevilles qui enflent surtout le soir… Le pharma-
cien devra se souvenir que l’insuffisance cardiaque peut provoquer des signes
de congestion veineuse sytémique et/ou pulmonaire dont l’apparition peut
être progressive ou brutale (OAP).
Une insuffisance ventriculaire gauche pourra se manifester précocement par
une fatigue à l’effort, une dyspnée apparaissant lors d’exercices modérés, une
intolérance au froid, une tachychardie excessive (le patient dira qu’il a des pal-
pitations) ; la dyspnée paroxystique nocturne et la toux (sèche ou productive)
s’observent chez un patient avec insuffisance ventriculaire gauche à la limite de
la décompensation. Ces symptômes peuvent être des indices diagnostiques
importants au stade précoce. L’œdème aigu du poumon (OAP) est un épisode
dramatique de l’insuffisance ventriculaire gauche. Il se manifeste essentielle-
ment par une dyspnée intense avec cyanose (la cyanose peut accompagner
toutes les formes d’insuffisance cardiaque), tachypnée, hyperpnée, anxiété,
pâleur, sueurs, une lutte respiratoire souvent bruyante.
Une insuffisance ventriculaire droite pourra se manifester par une asthénie
marquée, un œdème des chevilles, parfois une pesanteur abdominale et une
douleur de l’hypocondre droit (surtout à l’effort), une dyspnée d’effort varia-
ble, une cyanose… l’œdème est facilement caractérisable : c’est un gonflement
indolore et sans rougeur, gardant quelque temps l’empreinte que laisse la pres-
sion du doigt (signe du godet).
Devant la gravité potentielle des signes de l’insuffisance cardiaque, le pharma-
cien devra inciter le patient à consulter au plus tôt son médecin, même si certains
symptômes encore exprimés a minima, semblent parfaitement bien supportés.
Remarque : veiller à ne pas confondre avec la survenue d’œdèmes des mem-
bres inférieurs d’origine iatrogène (ex. : traitement par la nifédipine).
Si le patient est un insuffisant cardiaque connu
Le rôle du pharmacien se limitera à contribuer à la qualité de l’observance théra-
peutique. Il précisera les règles hygiénodiététiques, variables selon les stades
6. L’insuffisance cardiaque 77

dans le cas de l’insuffisance cardiaque chronique ; il informera le patient sur le


bon emploi des médicaments, en particulier sur celui des digitaliques dont l’in-
dex thérapeutique est étroit. Le pharmacien se souviendra des conditions où la
digitalisation risque d’être mal tolérée, notamment lors de certaines associa-
tions médicamenteuses et saura reconnaître les premiers signes d’une intoxica-
tion digitalique (cf. infra).

La thérapeutique
Le traitement de l’insuffisance cardiaque requiert 3 objectifs : le premier tend à
atténuer les signes fonctionnels de repos ou d’effort, le deuxième cherche, à
moyen terme, à augmenter la capacité d’effort maximale tandis que le troisième
contribue, à long terme, à diminuer la mortalité. Le traitement de l’insuffisance
cardiaque peut être étiologique : chirurgie sur valvulopathie, dépistage et traite-
ment d’une hyperthyroïdie, correction d’une HTA… ; la recherche d’un facteur
déclenchant est essentielle : un trouble du rythme, une activité physique inadap-
tée, la prise d’aliments ou de boissons riches en sodium (sodas), l’administration
de médicaments dépresseurs de la contractilité (-bloquants, antiarythmiques,
inhibiteurs calciques…). Le traitement symptomatique repose sur le renforce-
ment de la contractilité myocardique et sur la diminution du travail cardiaque.
L’HAS précise que l’éducation thérapeutique du patient insuffisant cardiaque doit
veiller à la bonne compréhension du patient ayant une insuffisance cardiaque et
à celle de sa famille : intelligibilité de la maladie, maîtrise de l’autosurveillance et
de l’autotraitement. Elle comporte :
n une information qui porte sur l’insuffisance cardiaque et ses symptômes et
précise les signes d’alarme qui doivent conduire à un autotraitement (diuré-
tique) et à une consultation ;
n une information sur les thérapeutiques prescrites, les effets indésirables possi-
bles du traitement reçu par le patient, la planification des examens de routine
ou de dépistage de complications éventuelles et les résultats de ces examens ;
n une information sur les traitements à interrompre dans la mesure du possible
et sur les médicaments à éviter (suppléments potassiques, AINS, inhibiteurs
calciques).
Cette information est délivrée par le médecin généraliste et peut être com-
plétée par l’intervention d’autres professionnels (médecin spécialiste, infirmier).
L’adaptation du mode de vie comporte :
n un apprentissage, qui porte sur les règles nutritionnelles (apport hydrique de
1-2 litres/jour, consommation de sel NaCl  6 g/jour) et les gestes techniques
(autosurveillance du poids au moins 2 fois par semaine, de la fréquence cardia-
que, de la PA) ;
n la pratique d’une activité physique régulière, adaptée à l’état clinique du
n patient ;
n une réduction de l’obésité, la suppression du tabac ;
n des conseils pour la vie quotidienne, les activités sexuelles, les voyages, etc.
78 II. Les maladies cardiovasculaires

Ces actions d’éducation thérapeutique requièrent le concours de différents


professionnels de santé, qui peuvent intervenir au moyen d’actes individuels
auprès des patients ou par une éducation de groupe. La coordination des diffé-
rents professionnels est préférable à la juxtaposition d’interventions isolées. Le
pharmacien a toute sa place de spécialiste du médicament dans cette stratégie
d’éducation thérapeutique du patient.

Attitude thérapeutique
Tout malade atteint d’insuffisance cardiaque doit être prioritairement « éduqué »,
informé en détail :
1. de ses contraintes alimentaires, notamment régime plus ou moins désodé,
quantifié et surtout régulièrement suivi ;
2. des circonstances susceptibles de déstabiliser son état cardiaque ;
3. des modalités de surveillance (poids, quantification de l’essoufflement…).
Au stade III, il est démontré qu’un reconditionnement musculaire par réadap-
tation physique (initié sous surveillance médicale) peut accroître les possibilités
fonctionnelles à l’effort et améliorer la qualité de vie. En ce qui concerne les trai-
tements médicamenteux, des études contrôlées récentes ont montré qu’outre le
traitement digitalo-diurétique traditionnel, les inhibiteurs de l’enzyme de conver-
sion et certains -bloquants à doses strictement contrôlées ont un effet favorable
sur la morbi-mortalité des insuffisances ventriculaires. Du fait de la fréquence des
complications thrombo-emboliques veineuses et artérielles de la maladie, l’indi-
cation d’un traitement anticoagulant préventif ou curatif est souvent nécessaire.
Dans l’insuffisance ventriculaire à fonction systolique conservée, surtout chez le
vieillard, il faut être conscient de l’efficacité limitée des traitements médica-
menteux, notamment digitalo-diurétiques.
La stratégie thérapeutique de l’insuffisance cardiaque (IC) a considérablement
évolué au cours de ces dernières années ; les dernières recommandations pharma-
cologiques (émises par l’HAS) concernant le choix des familles médicamenteuses sont
les suivantes :
n diurétiques : en cas de rétention hydrosodée ; adaptation individuelle à cha-
que patient (posologie minimale) ;
n -bloquants : tous, sauf contre-indication ; adaptation individuelle à chaque
patient (posologie maximale) ;
n IEC : tous, sauf contre-indication ; adaptation individuelle à chaque patient
(posologie maximale) ;
n anticoagulants : en cas d’AC/FA ; adaptation individuelle à chaque patient ;
n digitaliques : en cas d’AC/FA à rythme ventriculaire rapide ; en cas de symp-
tômes persistants ;
n aspirine à dose faible ; pathologie coronaire ;
n vaccinations antigrippale et antipneumococcique : tous ;
n ARA II : en second recours :
l intolérance aux IEC,

l en plus des IEC chez les patients restant symptomatiques pouvant faire

l’objet d’un suivi attentif ;


n antialdostérone : en second recours ; chez les patients restant symptomati-
ques pouvant faire l’objet d’un suivi attentif.
6. L’insuffisance cardiaque 79

Ce qu’il faut retenir du choix des médicaments


n Les diurétiques permettent le contrôle de la volémie ; ils sont efficaces sur le
syndrome œdémateux et soulagent les symptômes de l’IC ; ils sont inefficaces
sur l’évolution de la maladie et n’ont pas fait la preuve de leur efficacité en ter-
mes de morbidité-mortalité. Le blocage des récepteurs de l’aldostérone par la
spironolactone associé à un traitement standard, diminue substantiellement le
risque à la fois de morbidité et de décès chez les patients présentant une insuffi-
sance cardiaque sévère. Les antagonistes de l’aldostérone améliorent la bioacti-
vité du NO au niveau endothélial ; la spironolactone agit aussi en réduisant la
fibrose myocardique, tout particulièrement chez les patients dont le procollagè-
ne III (marqueur sérologique de la fibrose) est le plus élevé. Enfin, la spironolac-
tone permet une rétention de potassium (sans risque d’hyperkaliémie majeure)
et de magnésium et permet aussi le rétablissement d’un équilibre du système
nerveux autonome.
n L’efficacitédes digitaliques est plus ou moins controversée. Ils améliorent les
symptômes de l’IC et la qualité de vie des patients. Ils ont un effet neutre sur la
mortalité globale. En revanche, les digitaliques augmentent la mortalité liée aux
troubles du rythme et le risque d’IDM ; aujourd’hui, ils sont plutôt réservés aux
patients tachycardes ou en arythmie complète ou à ceux pour lesquels l’associa-
tion diurétiques  IEC n’apporte pas d’amélioration.
n Les IEC occupent actuellement une place fondamentale dans le traitement de
l’IC, car ils diminuent la mortalité et améliorent la qualité de vie, quels que
soient l’étiologie et le degré de l’IC. Leur utilisation est parfois restreinte par la
relative fréquence de leurs effets secondaires, en particulier la toux (6 à 10 %
des patients) liée à une augmentation plasmatique de la bradykinine. Les IEC
sont particulièrement efficaces dans les IC peu ou pas sensibles au traitement
digitalodiurétique. Les diurétiques potentialisent l’action des IEC et cette action
ne s’épuise pas avec le temps.
n Les ARA II, comme les IEC, réduisent la mortalité et les hospitalisations. Ainsi,
le candésartan cilexétil (Kenzen) et le valsartan sont indiqués chez certains
patients (en fonction du stade de l’IC), en cas d’intolérance aux IEC ou
en association avec un IEC si l’insuffisance cardiaque reste symptomatique
sous IEC.
n Les bêtabloquants étaient classiquement contre-indiqués dans le traitement de
l’insuffisance cardiaque ; dans cette indication, leur prescription est maintenant
courante avec le carvédilol (Kredex). Ils sont recommandés en association aux
IEC à la dose minimale tolérée chez les patients en IC stable (classes II et III de la
NYHA) ; le carvédilol est indiqué dans tous les stades de l’IC chronique stable
symptomatique. Quel que soit le -bloquant utilisé (carvédilol, bisoprolol, méto-
prolol…), il faudra respecter les contre-indications habituelles : blocs auriculo-
ventriculaire et sino-auriculaire, asthme ou BPCO sévère, troubles artériels
périphériques sévères.
n Les médicaments vasodilatateurs permettent de réduire la vasoconstriction vei-
neuse (d’où une réduction de la congestion pulmonaire) et/ou la vasoconstric-
tion artérielle (d’où l’augmentation du débit cardiaque). Les dérivés nitrés
améliorent les symptômes de l’IC chronique congestive ; ils sont bien adaptés au
traitement de l’IC due à une cardiopathie ischémique. La molsidomine et le nico-
randil (activateur des canaux potassiques ATP-dépendants) ont des propriétés
80 II. Les maladies cardiovasculaires

voisines de celle des dérivés nitrés. L’hydralazine est un vasodilatateur artériel


prescrit en association aux dérivés nitrés quand l’utilisation des IEC est
impossible.
n Le traitement par les anticoagulants est indiqué dans des circonstances particu-
lières (arythmie complète, anévrisme, etc.).

Le conseil face à la thérapeutique


Conduite pratique du traitement
Il s’agit d’un traitement d’attaque
Le traitement d’attaque associe généralement le repos, un régime désodé et
un traitement médical (diurétiques, IEC, etc.). Le pharmacien peut intervenir à
chacune des phases du traitement conformément aux recommandations affé-
rentes à l’éducation thérapeutique du patient :
l Le repos consiste en une adaptation de l’activité physique ; une mobilisation fré-

quente et systématique des jambes est nécessaire car l’immobilité expose aux
phlébothromboses (la marche tranquille est conseillée en proscrivant les efforts
violents ou prolongés). Parfois l’état du malade exige un alitement complet ; le
plus souvent, le séjour au fauteuil suffit.
l Le régime désodé est un élément fondamental du traitement. S’il est mal suivi, il peut

être responsable de la persistance des signes de l’insuffisance cardiaque malgré


un traitement médicamenteux bien conduit, ou encore (souvent), d’une poussée
de défaillance cardiaque. La natriurèse permet une bonne observance du
régime. L’observance peut aussi être améliorée par l’emploi de sels de régime
mais ils peuvent favoriser une hyperkaliémie s’ils sont associés aux IEC ou à
d’autres sels de potassium servant à compenser un traitement diurétique. Le
régime peu salé (2 à 3 g/j) est adapté au stade de l’IC et à la natriurèse. Il faut
impérativement veiller à supprimer certains aliments ou autres « pièges » : pain
ordinaire, pâtisseries du commerce, produits laitiers, eaux gazeuses, bière, bon-
bons, médicaments (laxatifs). Le patient doit se peser régulièrement, surveiller sa
diurèse et bien connaître son degré d’essoufflement. Un régime hypocalorique
est nécessaire en cas de surcharge pondérale.
l Le traitement médicamenteux requiert des précautions particulières (cf. infra)

selon les substances employées.


Il s’agit d’un traitement d’entretien
Celui-ci n’est pas standardisé ; il doit être adapté à chaque cas, selon le degré
de l’insuffisance cardiaque, son étiologie, son caractère et son évolution, en
tenant compte de la survenue d’une pathologie surajoutée (infection, grippe…),
d’une aggravation de la cardiopathie ou d’une mauvaise tolérance au traite-
ment. Une consultation médicale régulière (mensuelle) est conseillée. Le phar-
macien peut apporter certaines recommandations au suivi du traitement :
l L’hygiène de vie requiert une limitation de l’activité physique, qui, si elle est per-

mise, doit toujours être inférieure aux capacités réelles : les efforts physiques
importants et les sports violents (compétition) sont interdits. Une insomnie doit
être traitée ou impose une sieste. Les grossesses peuvent être limitées, voire
déconseillées.
6. L’insuffisance cardiaque 81

l Le régime désodé est maintenu avec ses contraintes de surveillance, mais il peut
être élargi chez le vieillard (pour éviter une anorexie) ou chez le sujet pour qui le
traitement diurétique entraîne une bonne élimination sodée. Le régime hypoca-
lorique est particulièrement bénéfique chez l’obèse.
l Les conseils d’utilisation des médicaments associés aux règles hygiénodiététiques

sont identiques à ceux prodigués lors d’un traitement d’attaque (cf. supra).

Conseils afférents à l’usage des médicaments


Les diurétiques
Dans le cas d’un traitement associant les diurétiques aux digitaliques, le risque
d’hypokaliémie nécessite une complémentation en potassium. Tous les diurétiques
peuvent déclencher une insuffisance rénale fonctionnelle avec hyponatrémie, par
hypovolémie iatrogène. Une surveillance clinique et biologique est toujours instau-
rée. Les conseils généraux attachés à la prescription des diurétiques ont été envisa-
gés dans le cadre du traitement de l’HTA.

Les IEC et les ARA II


L’utilisation des IEC est parfois restreinte par la survenue d’effets secondaires,
en particulier la toux (la majorité des ARA II ne présente pas cet inconvénient).
D’autres effets indésirables doivent être signalés au patient : céphalées,
asthénie, vertiges, malaise, hypotension, palpitations, douleurs thoraciques
ainsi que des troubles digestifs (anorexie, diarrhée, etc.).
Les associations de la spironolactone à un IEC ou un ARA II restent décon-
seillées, voire fortement déconseillées pour la triple association (spironolactone,
IEC et ARA II) en dehors de leur validation dans l’insuffisance cardiaque ; de tel-
les associations médicamenteuses imposent une surveillance stricte de la
kaliémie et de la fonction rénale. Parmi les facteurs de risque majeurs, il faut
citer : un âge supérieur à 70 ans, une altération de la fonction rénale, la pré-
sence d’un diabète (recommandations Afssaps, septembre 2005).

Les -bloquants
Les précautions d’emploi afférentes à leur utilisation ont été décrites dans le
chapitre précédent.

Les digitaliques
La digitalisation est entreprise après avoir éliminé une contre-indication : trou-
bles du rythme, obstacle à l’éjection du ventricule gauche, hypokaliémie, théra-
peutiques particulières. Certaines conditions peuvent entraîner une mauvaise
tolérance aux digitaliques : des conditions pathologiques (insuffisance cardiaque
très évoluée, insuffisance rénale, hypothyroïdie…), des médicaments favorisant
une hypokaliémie (diurétiques hypokaliémants, laxatifs, corticoïdes, perfusion de
sérum glucosé, insuline) ou susceptibles d’augmenter les effets des digitaliques
(antiarythmiques : quinidine, amiodarone ; antiangoreux : vérapamil ; inhibi-
teurs calciques : bépridil, diltiazem). La digitalisation est toujours personnalisée
et ajustée ; elle impose de ce fait une surveillance rigoureuse et régulière.
Le pharmacien doit connaître les circonstances de moindre efficacité des digitaliques.
Il peut s’agir : d’une diminution de la résorption digestive par l’administration
d’autres médicaments (pansements gastro-intestinaux, néomycine, colestyra-
mine ; d’une augmentation du métabolisme hépatique par des inducteurs
82 II. Les maladies cardiovasculaires

­ nzymatiques : phénobarbital, phénytoïne, rifampicine…), d’une hyperkaliémie


e
(attention aux associations médicamenteuses, notamment par automédication)
ou de l’existence d’une hyperthyroïdie, d’un syndrome de malabsorption diges-
tive ou d’une insuffisance cardiaque très évoluée. Les digitaliques sont efficaces à
court terme dans l’insuffisance cardiaque congestive, mais leur indication préfé-
rentielle est le traitement des insuffisances cardiaques chroniques associées à un
trouble du rythme supraventriculaire (fibrillation auriculaire). La digitalisation est
actuellement encore le seul traitement inotrope positif utilisable au long cours.
Le pharmacien doit se souvenir de certains facteurs modifiant les paramètres
pharmacocinétiques tels : les interactions médicamenteuses, l’insuffisance rénale
et/ou hépatique, l’amaigrissement (les muscles représentent le principal
réservoir des digitaliques), certains désordres ioniques (hypokaliémie, hypoma-
gnésémie, hypercalcémie), l’hyperthyroïdie et l’hypothyroïdie.
Remarque : l’index thérapeutique des digitaliques est étroit, varie d’un sujet
à l’autre et dépend beaucoup de l’état myocardique. Leur dosage est un
élément important de la surveillance du traitement. Le sujet âgé réunit souvent
une insuffisance cardiaque, une fonte musculaire et une hypokaliémie.
Les effets secondaires cardiaques consistent principalement en des troubles du
rythme et de la conduction (extrasystoles ventriculaires, bloc auriculoventricu-
laire, tachycardies…). Les effets secondaires extracardiaques sont essentiellement
d’ordre digestif (anorexie, nausées, vomissements, diarrhées…) ou d’ordre
neuropsychique (céphalées, asthénie, paresthésies, névralgies faciales, confu-
sion…) ; plus rare est la survenue d’une gynécomastie, d’une allergie cutanée
ou d’une thrombopénie. L’intensité de ces signes fera renforcer la surveillance
avec la recherche d’un surdosage (signes électriques, taux plasmatiques infra-
toxique et toxique).
Les circonstances d’apparition des effets iatrogènes provoqués par les digita-
liques sont de 2 ordres :
l il existe une absorption massive accidentelle ou délibérée (autolyse) ;

l il existe une surcharge thérapeutique due à des circonstances physiologiques

(âge) ou pathologiques (insuffisance rénale, hépatique) ou il s’agit encore du


non-respect des interactions médicamenteuses : amiodarone, sels de calcium,
hypokaliémiants, -bloquants, pansements digestifs ; un non-respect des contre-
indications formelles est plus exceptionnel.
Les médicaments vasodilatateurs
Ils sont surtout utilisés en milieu hospitalier, en particulier dans l’insuffisance
ventriculaire gauche aiguë. Les meilleures indications sont les insuffisances
cardiaques secondaires à une surcharge cardiaque par défaut mécanique
(communications interventriculaires ou interauriculaires, insuffisances mitrales
et aortiques). Sont ainsi prescrits des médicaments à effet vasodilatateur prédo-
minant (dérivés nitrés, molsidomine), des médicaments à effet vasodilatateur
artériel prédominant (dihydralazine, minoxidil, nifédipine), des médicaments à
effet vasodilatateur mixte (nitroprussiate de sodium, prazosine, certains IEC). La
surveillance d’un traitement de l’insuffisance cardiaque par un IEC est identi-
que à celle préconisée lors d’un traitement de l’HTA.
Remarque : après une administration répétée, les dérivés nitrés ont une perte
d’efficacité réversible à l’arrêt du traitement. La conservation de l’effet théra-
peutique des dérivés nitrés prescrits au long cours nécessite donc un ­traitement
6. L’insuffisance cardiaque 83

discontinu, en ménageant un intervalle libre quotidien d’une durée d’au moins


8 heures (l’utilisation d’un patch facilite l’observance, notamment dans la
population âgée, très souvent polymédiquée). Le nicorandil n’induit pas ce
phénomène d’échappement.

Les autres thérapeutiques associées


La prescription de sédatifs ou de tranquillisants permet de calmer l’anxiété du
patient et l’aide à se reposer et à dormir. Il faut se souvenir que les anxiolyti-
ques et les hypnotiques doivent être évités dans le contexte d’une insuffisance
cardiaque sévère (diminution de la fréquence cardiaque). Par ailleurs, l’emploi
de bronchodilatateurs -stimulants requiert une grande prudence.
7 Les palpitations

La pathologie
Les palpitations sont des perceptions anormales et pénibles des battements car-
diaques. Il s’agit d’un symptôme banal, motif fréquent de consultation ; souvent
bénin, il peut être grave par ses conséquences ou par la maladie qu’il conduit à
diagnostiquer. À côté de la crise proprement dite de palpitations, l’interrogatoire
met en évidence certains symptômes : malaises ou syncope (anoxie cérébrale
passagère), dyspnée, voire œdème aigu du poumon, douleurs thoraciques, par-
fois véritables crises angineuses. L’interrogatoire permet de préciser la significa-
tion des palpitations qui peuvent être l’expression d’un éréthisme cardiaque
(battements cardiaques intenses, sans ralentissement, ou accélérés, ou irrégu-
liers) ; elles peuvent être dues à des extrasystoles (contractions cardiaques pré-
maturées et d’origine ectopique), le plus souvent ventriculaires, monomorphes,
peu fréquentes et sans gravité. Dans d’autres cas, il s’agit d’une maladie de
Bouveret, d’un flutter ou d’une fibrillation auriculaire atypique. Chez un sujet
jeune, sans cardiopathie révélée, l’anomalie rythmique est pratiquement tou-
jours bénigne. La survenue de palpitations dans un contexte de cardiopathie est
fréquente ; ainsi dans l’insuffisance cardiaque, une tachycardie pourra être le
reflet d’un traitement mal suivi (sous-dosage ou surdosage des digitaliques). Il
existe encore des causes pathologiques extracardiaques comme les thyréotoxi-
coses, une hyperglycémie, une anémie ou d’autres circonstances telles une fièvre
ou une angoisse de stress. Enfin, certains médicaments comme la nifédipine, ou
plus encore les bronchodilatateurs -sympathomimétiques (quel que soit le mode
d’administration), induisent des palpitations.

La thérapeutique
Le premier conseil à prodiguer au malade se plaignant de palpitations est, dans
tous les cas, une incitation à une consultation médicale. Le rôle du pharmacien
est limité aux conseils hygiénodiététiques, lorsqu’il est prouvé qu’il s’agit de
manifestations traduisant un simple éréthisme cardiaque. Le pharmacien renou-
vellera également les conseils de mise en garde contre toute automédication, en
particulier à l’égard des médicaments considérés par le patient comme « inof-
fensifs » (toniques divers, vitamines, tisanes, etc.).

Le conseil face à la pathologie et la thérapeutique


Un sujet particulièrement anxieux et nerveux pourra ressentir, le plus souvent
suite à une émotion (contrariété intense) ou lors d’un effort (parfois minime),
des accès de tachycardie régulière. D’autres sujets manifesteront des accès de
simple éréthisme cardiaque, suite à la consommation abusive d’excitants (thé,
86 II. Les maladies cardiovasculaires

café) ou de tabac. Dans cette situation, le patient se plaindra encore d’insom-


nies avec la survenue de palpitations au coucher ou au cours de la nuit. Quelle
que soit l’expression de ces signes, le pharmacien devra inciter le sujet à consul-
ter son médecin qui envisagera, si nécessaire, une exploration cardiaque (ECG,
Holter).
Dans le cas de l’éréthisme cardiaque, le pharmacien peut conseiller une bonne
hygiène de vie avec diminution, voire suppression des excitants, un rythme
régulier d’activité et de sommeil. Il pourra aussi rechercher la notion d’une
prise intempestive de médicaments (extraits thyroïdiens) ou d’une automédi-
cation (toniques divers, opothérapie, etc.).
Il faudra se souvenir qu’il existe différents mécanismes générateurs de trou-
bles du rythme cardiaque : l’automatisme exagéré (toujours dû à une ischémie
aiguë), un effet indésirable spécifique d’une substance (ex. : avec les sympa-
thomimétiques), une intoxication médicamenteuse (notamment digitalique),
des troubles électrolytiques (hypokaliémie, hypercalcémie, hypomagnésémie),
une hypersympathicotonie.
8 La douleur thoracique

La pathologie
Une douleur intermittente thoracique est un symptôme fréquemment observé
qui peut relever de causes fort diverses. Ce symptôme doit, avant tout, faire éli-
miner ou affirmer une étiologie cardiaque. Devant toute douleur thoracique, il
faudra apprécier : le siège et les irradiations, l’intensité, le type (brûlure, pince-
ment, serrement, etc.), l’allure (permanente, cyclique, diurne et/ou nocturne),
les circonstances déclenchantes ou calmantes, les éventuels signes d’accompa-
gnement (dyspnée, fièvre, cyanose, nausées, vomissements…).

La symptomatologie
Elle précisera le degré de gravité et l’urgence de la prise en charge. Les causes peuvent
être intrathoraciques : cardiaques (infarctus du myocarde, angor, péricardite, dissec-
tion aortique, etc.), pulmonaires (embolie pulmonaire, pneumothorax, pleurésie),
œsophagienne (reflux gastro-œsophagien, spasmes œsophagiens, brûlure caustique,
etc.), thoraciques (atteintes de la paroi), osseuses et articulaires (fracture costale), ner-
veuses (hernie discale, zona) ; elles peuvent être encore extrathoraciques : gastriques
(ulcère, gastrite), pancréatiques (pancréatite aiguë ou chronique), hépatique
ou biliaire (colique hépatique, hépatalgies).

La douleur d’origine cardiaque


n L’infarctusdu myocarde : il peut être asymptomatique (ischémie silencieuse)
mais, le plus souvent il s’exprime par une douleur à début brutal, en dehors de
tout effort, rétrosternale, en barre et constrictive, de durée prolongée (et résis-
tante à la trinitrine) ; des signes inconstants sont associés : sueurs, agitation,
nausées et/ou vomissements, pincement de la pression artérielle différentielle,
fièvre retardée (2 à 48 heures).
n L’angine de poitrine : la douleur angineuse survient chez l’homme à partir de
40 ans et chez la femme après la ménopause ; l’angor peut survenir aussi chez
l’homme jeune à partir de 30 ans et chez la femme non ménopausée, fumeuse,
sous contraceptifs, d’autant qu’une HTA ou un autre facteur de risque artériel
(diabète, dyslipidémie) ou encore des antécédents familiaux sont surajoutés. La
douleur est rétrosternale, en barre, thoracique médiane antérieure, irradiant vers
l’épaule gauche et la face interne du bras. Les douleurs sont intermittentes, rela-
tivement brèves (15 à 30 minutes) ; elles surviennent à l’effort (marche en mon-
tée, face au vent et au froid) et cessent avec celui-ci. La douleur est constrictive,
intense, en étau, avec sensation de brûlure. Elle est calmée par la trinitrine (en
moins d’une minute).
n La péricardite aiguë : la symptomatologie présente une douleur thoracique
d’apparition brutale et violente, irradiant vers l’épaule, le coude et le bras.
Elle est constrictive, d’intensité variable. La douleur augmente à l’inspiration pro-
fonde et lors de la toux, mais elle est soulagée par l’antéflexion. Elle est
88 II. Les maladies cardiovasculaires

insensible à la trinitrine. Une dyspnée modérée est fréquente, à type de polyp-


née superficielle.

La douleur d’origine extracardiaque


n L’embolie pulmonaire : elle cause 5 000 à 10 000 décès par an. Les signes clini-
ques associent une douleur thoracique unilatérale, angoissante (70 % des cas)
avec une toux sèche ou une hémoptysie, des râles sibilants, une polypnée (70 %
des cas), une cyanose, parfois aussi des convulsions et des signes abdominaux
trompeurs. Une fièvre modérée survient 2 heures après l’installation de la
douleur.
n La douleur pleurale : souvent positionnelle, elle est augmentée avec l’inspiration
profonde et s’accompagne d’une toux, notamment aux changements de posi-
tion. Attention au « point de côté » déclenché ou accru par la toux et les mou-
vements respiratoires : il s’accompagne au début d’une tendance lipothymique
(malaise passager avec impression angoissante d’évanouissement imminent). Le
point de côté signe le plus souvent un épanchement pleural.
n Les douleurs digestives : elles peuvent fréquemment s’exprimer par une irradia-
tion thoracique importante (spasme œsophagien).
n Les douleurs neurotoniques : elles sont un motif de consultation fréquent. Elles
s’accompagnent généralement de nombreux signes qui permettent de les diffé-
rencier des douleurs angineuses. Leur expressivité, sur un terrain anxieux et
névrosé peut conduire à la description de signes à caractère alarmant ; en fait
l’origine est fonctionnelle. La douleur est précordiale, bien localisée par le patient
(elle peut être montrée avec un doigt) et ressemble à un « coup d’aiguille » ou
un « coup de couteau » ; le sujet ressent une sorte de blocage de la respiration
(manque d’air). La durée et la reproductibilité sont variables (jour, mois ou sai-
son). Ces douleurs surviennent sur un cœur sain et ne présentent aucun carac-
tère péjoratif.

Le conseil face à la pathologie


l Premier cas : le patient ressent depuis peu des douleurs thoraciques. À la des-
cription de la qualité de la douleur et des signes accompagnateurs éventuels, le
pharmacien pourra juger de la gravité de la symptomatologie ou tout au moins
des risques potentiels encourus (ex. : le point de côté). Il incitera le patient à
consulter son médecin.
l Deuxième cas : le patient souffre d’une pathologie pour laquelle il est traité.

Plusieurs situations peuvent être envisagées : la maladie est en phase évolutive, le


traitement est mal suivi (inobservance, mauvaise adhésion), le traitement est insuf-
fisant, le traitement n’est plus adapté, ou il existe une pathologie surajoutée…
Le pharmacien doit interroger le sujet : dans le cas d’une inobservance flagrante,
il pourra judicieusement intervenir en expliquant la nécessité d’une adhésion
absolue à la thérapeutique. Il pourra lui conseiller, cette fois encore, de consulter
8. La douleur thoracique 89

son médecin traitant si les signes persistent ou récidivent (a fortiori malgré une
bonne observance). Dans toutes les autres situations, la consultation s’imposera.
l Troisième cas : la douleur thoracique est de type neurotonique. Si la douleur sur-

vient chez un adolescent en bonne santé, mais connu par le pharmacien comme un
être anxieux, nerveux, parfois très angoissé, le pharmacien s’emploiera à rassurer
le sujet et à dédramatiser la symptomatologie. Il conseillera une visite médicale
(ex. : médecine scolaire). Chez l’adulte jeune, en bonne santé et avouant occa-
sionnellement ce type de douleur neurotonique, le pharmacien pourra délivrer
des neurosédatifs légers.
Si la douleur a les caractères d’une douleur thoracique neurotonique, mais l’état
général du patient semble précaire, ou encore l’explication et la symptomatolo-
gie paraissent confuses… la consultation médicale doit être conseillée, a fortiori
si le patient n’est pas connu du pharmacien.
9 L’insuffisance veineuse

La pathologie
Le terme de veine variqueuse s’applique aux veines superficielles qui permettent
le flux rétrograde en position déclive. Il existe souvent une notion de prédispo-
sition familiale. Un bilan de maladie variqueuse repose sur un examen clinique
minutieux, permettant de reconnaître le(s) type(s) de veines (profondes, perfo-
rantes, superficielles) responsables des symptômes. Une mauvaise circulation
sanguine, assortie de facteurs aggravants, peut provoquer une thrombose vei-
neuse, potentiellement dangereuse pour le patient.

Physiopathologie et symptomatologie
Le plus souvent, les varices résultent d’une incontinence ostiale, sans obstacle
sur les troncs veineux profonds. La dégradation de la paroi veineuse entraîne
l’altération des valvules antiretour, lesquelles deviennent incontinentes et per-
mettent alors à une partie du sang de refluer vers le bas des jambes, ce qui va
favoriser la stase veineuse. Les veines superficielles vont se dilater, devenir
sinueuses et se transformer en varices (qui traduisent la dilatation permanente
d’une veine) ou, au-delà, provoquer une thrombose veineuse profonde ; celle-ci
correspond à l’oblitération d’une veine profonde d’un membre inférieur par un
caillot de sang, ce qui provoque un ralentissement de la circulation veineuse et
une réaction inflammatoire. La thrombose veineuse est la source de consé-
quences fonctionnelles tardives (thrombose veineuse superficielle) et d’accidents
précoces (thrombose veineuse profonde) de migration pouvant être à l’origine
d’une embolie pulmonaire.
L’évolution de l’insuffisance veineuse est caractérisée par 4 stades :
n stade 0  présence de signes mineurs (veines superficielles turgescentes et
visibles, jambes lourdes le soir, etc.) évocateurs d’un terrain d’insuffisance
veineuse ;
n stade 1  présence de signes plus accentués : jambes lourdes dès le matin,
œdème en fin de journée ou après une exposition au soleil ou à la chaleur,
télangiectasies ;
n stade 2  apparition des varices ;
n stade 3  présence de signes témoignant de l’atteinte cutanée : dermite ocre
(pigmentation ocre de la peau), dermite microbienne de stase (prurit avec pré-
sence de vésicules), ulcère.

Le conseil face à la pathologie


Les conseils du pharmacien, face à la pathologie, concernent essentiellement
l’expression des premiers signes variqueux ; certaines causes peuvent être
92 II. Les maladies cardiovasculaires

facilement reconnues, car il existe des circonstances favorisantes comme : le


port de vêtements serrés (diminuant le retour veineux à la racine de la cuisse)
ou l’existence d’une profession obligeant à une station debout permanente.
Les varices secondaires sont plus rares ; elles peuvent résulter d’un obstacle pel-
vien (phlébite iliaque, tumeur) ou d’une thrombose des troncs veineux du
membre inférieur.
Les signes fonctionnels sont généralement bien décrits par le patient « qui
portera lui-même le premier diagnostic ». Ces signes peuvent aussi se manifes-
ter en l’absence de toute varice visible : lourdeur, pesanteur, sensation de ten-
sion du mollet et de chaleur, crampes, œdème malléolaire favorisé par la
position debout, sensation d’engourdissement, de picotements, de brûlures ou
impatiences à prédominance nocturne… Certains de ces signes sont atténués
par la surélévation des jambes (et par le port de bas compressifs) ; cette posi-
tion de soulagement est à elle seule un signe évocateur de varices.
Il existe des cas particuliers que le pharmacien ne doit pas ignorer : la pré-
sence de varices avec œdème constant signe presque toujours une inconti-
nence des troncs veineux profonds, secondaire à une phlébite causale souvent
méconnue. La contention élastique à haut niveau est particulièrement bien
indiquée. Les varices de la grossesse sont dues à la fois à un facteur hormonal
et à un facteur mécanique (compression de la veine cave inférieure et des vais-
seaux iliaques par l’utérus gravide) : une femme enceinte sur deux est concer-
née. La grossesse peut être un facteur révélateur ou un facteur aggravant. Les
varices apparaissent ou s’aggravent précocement, le plus souvent avant la fin
du premier trimestre. Le traitement est purement symptomatique (l’éveinage
est contre-indiqué). La contention élastique (port de bas) adaptée est la mesure
la plus anodine et la plus efficace. La récidive variqueuse n’est pas rare, quel
que soit le mode de traitement envisagé.

La thérapeutique
Plusieurs attitudes thérapeutiques peuvent être envisagées en fonction du bilan
clinique :
n Les varices sont petites, peu ou pas symptomatiques, avec valves
fonctionnelles :
l des conseils simples d’hygiène de vie et un traitement avec des médicaments

veinotoniques sont souvent suffisants ; l’efficacité de ces médicaments n’est


pas réellement démontrée ; seuls quelques médicaments ont fait l’objet
d’essais contrôlés dans cette indication. Leur prescription est utile chez les
sujets « prévariqueux » ou chez les sujets pour lesquels la symptomatologie
s’exprime à bas bruit. Ces médicaments sont également prescrits chez les
patients souffrant de troubles subjectifs des membres inférieurs. En revan-
che, leur emploi est déconseillé au cours de la grossesse ;
l les méthodes de contention élastique (bandes, collants, bas, chaussettes)

constituent une thérapeutique fondamentale en phlébologie : il s’agit d’un


traitement préventif des complications et curatif de l’insuffisance veineuse ;
la contention veineuse s’oppose à l’hyperpression, augmente la vitesse cir-
culatoire à la cheville, réduit la stase veineuse, améliore l’oxygénation des
9. L’insuffisance veineuse 93

tissus, favorise la résorption de l’œdème, constitue enfin un bon moyen de


prévention de la maladie thromboembolique ;
l la sclérothérapie (traitement des varices par des injections qui induisent la

production de tissu fibreux) est parfois utilisée pour des raisons esthétiques.
n Les varices sont essentielles, petites ou moyennes, symptomatiques malgré la
contention : la sclérothérapie est indiquée.
n Les varices essentielles sont volumineuses et/ou avec un reflux important et/ou
invalidantes ou compliquées : l’éveinage (stripping), s’il est possible, est indiqué.
Les indications de la chirurgie sont la douleur, la phlébite récidivante, les trou-
bles cutanés ou les motifs esthétiques.

L’usage de prothèses
Il s’agit en fait de moyens de contention indiqués pendant le traitement
sclérosant ou au décours d’une cure chirurgicale : bas à varices, bandes élasti-
ques amovibles ou inamovibles (posées par le médecin et laissées en place 1 à
3 semaines).

Les cures thermales


La crénothérapie n’est pas indiquée dans les varices simples, mais seulement
dans certaines complications variqueuses. Les stations thermales comme
Bagnoles-de-l’Orne, La Léchère, Luxeuil peuvent être conseillées.

Le conseil face à la thérapeutique


La prévention d’une thrombose veineuse est importante ; le pharmacien joue
un rôle éducatif fondamental en ce qui concerne l’hygiène de vie, la pose des
différents matériels de contention ou l’emploi de substances veinotoniques.

Une hygiène de vie


Elle est préconisée dans tous les cas et s’applique à tous les stades de l’insuffi-
sance veineuse :
l Éviter la station debout, immobile et prolongée, pratiquer la marche et prendre
l’escalier plutôt que l’ascenseur. Pratiquer une gymnastique favorisant la muscu-
lature et la souplesse des membres inférieurs (natation, bicyclette en terrain plat,
marche) à l’exclusion de sports exigeant des efforts violents répétés.
l Éviter le port de chaussures à talons trop hauts ou trop plats. Éviter le port de

vêtements trop serrants (ceinture, gaine) et trop chauds pour les membres
inférieurs.
l Ne pas surchauffer les lieux d’habitation, proscrire l’utilisation de chauffage par

le sol ; en voiture, ne pas privilégier le chauffage au niveau des jambes.


Restreindre les bains ou les douches trop chauds (ne jamais dépasser 35 °C) au
profit des douches fraîches (notamment sur les jambes) et les expositions immo-
biles, prolongées au soleil.
l Surélever les jambes au repos (ex. : surélever les pieds du lit d’environ 10 cm).

l Se nourrir sainement en évitant la constipation et l’obésité. Corriger, si néces-

saire, la surcharge pondérale.


94 II. Les maladies cardiovasculaires

Les premières mesures thérapeutiques


Elles sont directement complémentaires des conseils généraux précédemment
cités, surtout si elles concernent le traitement des premiers signes variqueux
peu symptomatiques. Dans cette circonstance, le port de bas légèrement com-
pressifs est utile et souvent suffisant. En général, les contentions amovibles doi-
vent être retirées la nuit, surtout les bandes extensibles. Les bas doivent être
enfilés avant le lever (car au lit, les jambes ne sont pas encore gonflées) et rem-
placés au bout de quelques mois pour que la contention reste efficace. Des bas
plus compressifs remontant au genou ou à la cuisse, sont utilisés dans les for-
mes plus évoluées chez les patients refusant un traitement actif, ou dans le cas
où celui-ci est contre-indiqué.
Il existe 4 types de bas ou collants de contention :
l Les bas (fins) de contention légère ou classe 1 (Sigvaris, etc.) sont assimilables à
des collants ; ils sont généralement prescrits lors des signes prévariqueux (ex. :
jambes lourdes, troubles développés lors de voyages ou d’une station debout
prolongée, varices débutantes).
l Les bas (un peu moins fins) de contention moyenne ou classe 2 (Sigvaris, Varisma

2, etc.) sont plutôt prescrits chez la femme enceinte et lors des premiers signes
variqueux (petites varices, œdèmes, après stripping).
l Les bas (épais) de forte contention ou classe 3 (Sigvaris, etc.) sont prescrits lors-

que l’insuffisance veineuse est installée (varices, œdèmes fixes), sans troubles
trophiques ou lorsque le traitement actif est déconseillé.
l Les bas de contention extra-forte ou classe 4 (Sigvaris, Varisma 3, etc.) dont l’in-

dication est celle de l’insuffisance veineuse chronique sévère, avec troubles tro-
phiques et ulcère cicatrisé.
Remarques :
l dans tous les cas, le patient devra montrer à son médecin le bas porté, afin de
juger du bien-fondé du traitement et de sa tolérance ;
l la contention élastique est remboursée par la Sécurité sociale ;

l la pose de bandes de contention peut s’avérer difficile chez les personnes à

mobilité réduite (vieillard, handicapés, etc.) ; dans ce cas, elle peut être réalisée
par une infirmière ou un kinésithérapeute, sur prescription médicale.

Les médicaments veinotoniques


Parmi les médicaments conseils, les spécialités suivantes peuvent être délivrées :
Cémaflavone*, Ginkor gel*, Intrait de marron d’Inde*, Veinamitol*, Veinobiase*
(attention, Veinobiase est contre-indiqué chez les sujets présentant un risque
d’hyperkaliémie).
10 La toux

La toux est un réflexe physiologique complexe destiné à maintenir la perméa-


bilité des voies aériennes, en éliminant un excès de sécrétions et/ou de particules
étrangères ; cet acte réflexe peut être commandé ou partiellement contrôlé par
la volonté. La toux est toujours pathologique. La toux est un symptôme fréquent,
très souvent banalisé par le patient. Les causes sont nombreuses et l’expressivité
variable, car le sujet tousseur « s’habitue » à un certain type de toux et peut
même considérer qu’il tousse « normalement » ! Une toux ne doit jamais être
négligée, car elle peut être l’expression d’une affection grave (cancer). Enfin, il
faut absolument bannir, hors d’un contexte clinique parfaitement établi, toute
prescription non motivée d’antitussifs (rôle important du pharmacien à l’officine)
car, s’ils sont mal prescrits, ils vont contrarier l’expectoration et favoriser l’en-
combrement bronchiolo-alvéolaire.

La pathologie
Symptomatologie
La description de la toux par le patient est très variable : d’apparition brutale,
elle sera plutôt angoissante, surtout si elle est associée à une gêne due à une
douleur thoracique, une dyspnée ou une expectoration abondante. Mais la toux
peut se développer progressivement sur plusieurs jours, semaines, mois… voire
plusieurs années, en particulier chez le sujet fumeur avec bronchite modérée
(banalisation du symptôme). Enfin, la toux peut être niée dans la seule intention
d’éviter les recommandations et précautions à l’encontre des méfaits du tabac.
L’interrogatoire est essentiel : souvent le pharmacien sera la première personne
devant qui le sujet « exprimera » ce symptôme, puisque la démarche sera celle
d’obtenir la délivrance d’un sirop antitussif. L’interrogatoire cherchera à préciser
le caractère productif de la toux, sa date et son horaire d’apparition, ses causes
déclenchantes, sa fréquence et son rythme, son intensité, son timbre, sa tonalité
et les signes associés.

Le caractère productif de la toux


La toux aiguë, sèche ou irritative, avec ou sans fièvre
Cette toux non productive, souvent quinteuse est fatigante ; elle aggrave pro-
gressivement l’irritation des voies aériennes et elle est un agent de dissémination
des germes, par les mouvements expiratoires violents qu’elle provoque. Ses cau-
ses les plus fréquentes sont : la bronchite aiguë (toux souvent douloureuse avec
sensation de brûlure thoracique, épuisante) ; la coqueluche dont l’expression est
une toux quinteuse (caractéristique), cyclique (l’enfant a des quintes, 4 à 5 fois
de suite) et parfois suivie d’un vomissement ; les laryngites (toux rauque), les
98 III. Les maladies pulmonaires

fausses routes, les pharyngites et, plus grave, le cancer du larynx. Chez l’enfant,
la toux sèche, aiguë, accompagne fréquemment le rhume ; elle est souvent noc-
turne, insomniante. L’asthme (à l’effort, par temps froid et sec), l’œdème pul-
monaire et d’autres causes plus rares et plus graves peuvent déclencher une
toux sèche. Un cas particulier est la toux iatrogène (cf. infra).

La toux sèche, chronique, avec ou sans fièvre


Quatre grandes causes doivent être connues :
l La toux du fumeur, banalisée par le patient, constitue cependant un facteur de

risque essentiel du cancer bronchique.


l La toux psychique et/ou nerveuse est plutôt superficielle, variable dans l’intensité

et dans le temps en fonction des facteurs causals (stress, émotion…) ; cette toux
peut s’exprimer autant chez l’enfant que chez l’adulte.
l La toux du cancer bronchique est souvent banale, tenace, rebelle aux
traitements.
l La toux iatrogène provoquée par un IEC peut être bien supportée et donc, deve-

nir chronique.

La toux aiguë grasse (productive)


La toux grasse ou productive débarrasse l’arbre trachéo-bronchique des pous-
sières, des corps étrangers, et de l’hypersécrétion réactionnelle à différents pro-
cessus (irritatifs, inflammatoires, allergiques). Ce type de toux doit être respecté
et même facilité. Il faut être prudent avant d’affirmer le caractère non productif
d’une toux, car souvent chez l’enfant et la femme, les sécrétions sont dégluties.
Il s’agit néanmoins d’une toux grasse. De même, la toux peut être inefficace
pour drainer les sécrétions et ainsi laisser penser à une toux sèche. Le pharma-
cien devra toujours se souvenir qu’une toux grasse doit être respectée ; elle est
une contre-indication formelle aux antitussifs. La toux grasse aiguë (avec ou
sans fièvre) est souvent l’expression clinique d’une surinfection bactérienne,
d’une infection virale bronchique ou pulmonaire. Elle succède alors à une
période de toux sèche. Une toux grasse doit toujours être caractérisée par
l’examen de l’expectoration qui peut être séreuse, muqueuse, purulente ou
hémoptoïque.

La toux grasse chronique (avec ou sans fièvre)


Il s’agit d’une toux qui persiste depuis plus de 3 ou 4 semaines ; les deux causes
classiques sont la bronchite chronique définie par la présence d’une toux et
d’une expectoration survenant au moins 3 mois par an, pendant au moins
2 années consécutives ; la dilatation des bronches, caractérisée par une toux
intense et productive dès le matin : le malade présente des antécédents d’in-
fections bronchiques ou pulmonaires, à répétition, tout au long de sa vie. Les
causes sont nombreuses : bronchopneumopathies infectieuses (grippe, rou-
geole, coqueluche), obstructions bronchiques (tumeurs…), immunodé-
pression, facteurs héréditaires, malformations congénitales.

La date d’apparition de la toux


Elle permet de différencier les toux aiguës des toux chroniques. Les toux aiguës, avec
un contexte fébrile, sont les plus fréquentes, surtout chez le jeune enfant ; elles
10. La toux 99

témoignent d’une infection oto-rhino-laryngologique, bronchique ou pulmo-


naire. La cause est bactérienne ou virale. Les toux chroniques sont dues, le plus
souvent, à des bronchopathies chroniques (asthme) ou à des infections des voies
aériennes supérieures (toux non traitée, traitement antibiotique insuffisant ou
mal suivi…).

Les facteurs déclenchants


Les facteurs les plus fréquemment rencontrés sont : les changements de saisons
ou de température, la variation d’altitude, le pollen, le tabac, ou encore l’effort.

L’horaire d’apparition
Le déclenchement et l’importance d’une toux peuvent être rapportés à un
horaire particulier qui permettra d’orienter le diagnostic. Une toux matinale, au
lever, est due lors du passage à l’orthostatisme, à une mobilisation des sécrétions
accumulées pendant la nuit (ex. : la « toilette des bronches » matinale, caracté-
ristique de la dilatation des bronches, ou l’expectoration muqueuse matinale du
bronchiteux chronique tabagique). Des toux nocturnes dues au décubitus
témoignent au contraire du drainage des sécrétions.

La fréquence et le rythme
La gravité de l’affection n’est pas en rapport avec la fréquence de la toux, tandis
que le rythme permet d’en différencier le type. Il peut s’agir d’une toux isolée
d’accès unique ou d’une toux quinteuse (ex. : la coqueluche) : la quinte est
faite de séries de secousses expiratoires entrecoupées par de profondes
inspirations.

L’intensité, le timbre et la tonalité


La toux peut être violente (et douloureuse) ou plus discrète (toussotements). Elle
peut être rauque : l’enrouement est dû à une réduction de la mobilité des cor-
des vocales (ex. : au cours des laryngites). Elle peut être bitonale : élevée et
grave en alternance, elle est due à la paralysie d’une seule corde vocale. Elle
peut être aboyante : elle s’accompagne, lors d’une trachéite, d’une inspiration
sifflante (cornage). Elle peut être striduleuse (ou stridoreuse) et s’exprime avec
des bruits respiratoires sifflants, aigus. On l’observe lors des laryngites chez l’en-
fant (accès de suffocation avec quintes de toux nocturnes, rauque, stridente) ou
par compression trachéale due à un processus tumoral. Enfin, elle peut être
éteinte.

Les signes associés


Les principaux signes pouvant être associés sont : la fièvre, les céphalées et les
myalgies (si l’infection est aiguë) ; une rhinite (inflammation nasale) ; un trouble
de la voix (affection du larynx). Chez l’enfant, la toux peut être émétisante.
D’autres signes peuvent être observés : une dyspnée, une cyanose et dans cer-
tains cas (dilatation des bronches, emphysème), un hippocratisme digital.

Les conséquences et les complications de la toux


À côté de son rôle bénéfique évacuateur, la toux peut être une source de com-
plications. Une toux est différemment tolérée chez le sujet. Lorsqu’elle devient
100 III. Les maladies pulmonaires

« traînante », elle peut provoquer une gêne journalière ou encore des troubles
psychiques. Selon les cas, elle sera responsable d’asthénie, d’agitation ou d’in-
somnie. Elle est favorable à l’anorexie et donc à l’apparition de symptômes de
dénutrition chez les enfants (conséquence d’une toux émétisante). Le méca-
nisme de la toux met en jeu la contraction du diaphragme, d’où l’apparition de
douleurs parfois handicapantes. La survenue d’une toux syncopale est une com-
plication grave, mais heureusement rare. Une toux violente peut engendrer de
graves lésions des bronches ou des poumons et favoriser un emphysème, un
pneumothorax, des hémorragies des petites veines de la face et du cou, des
hémorragies conjonctivales, nasales ou méningées, une incontinence urinaire,
une hernie, une ulcération du frein de la langue, voire des fractures de côtes
chez des sujets fragilisés. Chez le petit enfant, une toux intense et permanente
aboutit à l’épuisement du centre respiratoire et à la dépression de la ventilation.
Le rôle de la toux est, bien entendu, indéniable au niveau de la transmission des
maladies infectieuses et peut parfois favoriser l’auto-infestation. Toutes ces
conséquences et complications potentielles confirment le fait qu’une toux ne
doit jamais être négligée et doit être judicieusement traitée.

Étiologie
Si le rôle du pharmacien n’est pas celui de poser un diagnostic, il ne doit cepen-
dant pas ignorer les principales causes des toux, surtout si elles sont prolongées
ou récidivantes. Il n’est pas inutile de rappeler que le pharmacien est pratique-
ment toujours la première personne consultée. Il devra se souvenir qu’il existe
des causes fréquentes, le plus souvent bénignes et des causes plus rares ou
méconnues, signant une pathologie plus grave, voire très péjorative.
Les causes fréquentes sont :
n Le rhume commun : comme pour toutes les infections des voies respiratoires
supérieures, la toux est aiguë, bruyante, souvent nocturne ; elle disparaît en
même temps que l’infection initiale.
n La rhinopharyngite : la toux est d’abord sèche avec un coryza muqueux, puis
devient grasse avec un coryza purulent, à prédominance nocturne.
n L’amygdalite et l’adénoïdite : la toux est rebelle avec un mal de gorge
important.
n La laryngite : la toux est rauque, bitonale, d’accès brutal, souvent nocturne.
n La trachéite : la toux est sèche, quinteuse, aboyante, surtout nocturne.
n La sinusite : la rhinorrhée entraîne une toux opiniâtre, avec des raclements de
gorge incessants si la rhinorrhée est postérieure.
n La bronchite aiguë : la toux (dans un contexte fébrile) est sèche, douloureuse,
tenace, puis devient productive avec une expectoration mucopurulente d’inten-
sité variable.
n La bronchite chronique : une bronchite chronique peut être d’origine infec-
tieuse ou secondaire à une intoxication tabagique (toux à prédominance mati-
nale, au réveil, avec expectoration muqueuse) ou à une pollution
professionnelle.
n La toux spasmodique : la toux est sèche, essentiellement vespéro-nocturne,
avec des sibilances épisodiques.
10. La toux 101

Quelques causes plus rares :


n La bronchopneumonie : la toux est sèche et répétée, accompagnée d’une forte
fièvre et d’une polypnée superficielle.
n Les pneumonies bactériennes : la toux est sèche avec une polypnée superficielle,
des frissons, des douleurs thoraciques et abdominales. C’est la toux de la pneu-
monie à Pneumocystis carinii, fréquemment associée à l’expression clinique du
sida. Elle peut évoluer pendant 9 mois avant qu’un diagnostic précis ne soit réel-
lement porté.
n Les pneumonies virales : les symptômes sont les mêmes que lors des pneumo-
nies bactériennes, avec une irritation des voies aériennes supérieures.
n La dilatation des bronches : la toux est perannuelle, calmée pendant les
périodes climatiques chaudes et sèches, aggravée en hiver ; l’expectoration est
fréquemment déglutie chez la femme et peut être hémoptoïque. La toux est
grasse, quotidienne, surtout matinale et démarre dès l’enfance.
n La coqueluche : cette maladie infectieuse très contagieuse (rare et atypique à
cause de la vaccination), se manifeste par une toux quinteuse, brève
( 20 secondes), avec une reprise inspiratoire et souvent une expectoration
blanchâtre. Les quintes sont de survenue variable, souvent nocturnes et fré-
quemment cyanosantes.
n L’emphysème : la toux, avec expectoration, est accompagnée d’une dyspnée
d’effort.
n Le reflux gastro-œsophagien : la toux est nocturne, au primodécubitus.
n Les causes iatrogènes : la toux est incoercible, résistante à tout traitement anti-
tussif (cf. infra).
n Les fausses routes : la toux survient surtout au moment de l’absorption des
liquides ; la fréquence est nette chez le sujet âgé, elle peut être due aussi aux
séquelles d’un accident vasculaire cérébral.
n La toux psychogène (ou neuropsychique) : elle est fréquente chez l’enfant ou
l’adolescent pour qui le contexte familial est conflictuel ou instable.
n Le corps étranger (aliment, petit objet, poussières irritantes, produits chimi-
ques…) ; il existe une notion « d’incident » pendant, ou hors d’un repas : l’en-
fant est le plus souvent concerné.
n La tuberculose pulmonaire : la toux est accompagnée d’une altération de l’état
général.
n La pleurésie : la toux est sèche, pénible, douloureuse, déclenchée par le chan-
gement de position ; elle est « humée », très spécifique.
n Les nématodoses : en France, deux parasites peuvent être mis en cause lors
d’une atteinte pulmonaire : ascaris et Larva migrans viscerale (ascaris du chien).
Le syndrome de Löffler résultant de l’irritation pulmonaire et de phénomènes
allergiques provoqués par les larves, s’exprime par une toux quinteuse avec une
expectoration muqueuse parfois hémoptoïque ; cette toux est accompagnée
d’une dyspnée asthmatique parfois sévère.
n Le cancer bronchique : la toux considérée comme « habituelle » s’amplifie et
s’aggrave brusquement.
n La maladie de Horton (ou artérite temporale) : il s’agit d’une toux isolée avec
céphalalgie très particulière, chez un sujet âgé (70 ans en moyenne).
102 III. Les maladies pulmonaires

Deux cas particuliers : la toux précédant une crise d’asthme (ou sur un asthme
ancien) et la toux dans le contexte de la mucoviscidose. Dans la première cir-
constance, il faut savoir que chez l’enfant, l’incidence de la toux comme unique
manifestation de l’asthme, est de l’ordre de 6 %. La toux est fréquemment un
équivalent de l’asthme ; elle s’observe aussi chez 98 % des asthmatiques pré-
sentant des crises plus ou moins violentes. Chez l’enfant, la toux spasmodique
nocturne est un équivalent d’asthme débutant ou modéré. Dans la deuxième cir-
constance (mucoviscidose), la toux est sèche, quinteuse, « coqueluchoïde »,
émétisante ; elle deviendra rapidement productive et chronique.

La toux d’origine iatrogène


Si tous les médicaments sont, a priori, susceptibles d’induire directement ou
indirectement des effets indésirables, certains de ces effets s’expriment spécifi-
quement au niveau de l’appareil respiratoire. À ce jour, plus de 100 médica-
ments sont reconnus responsables de l’apparition d’une pneumopathie d’origine
iatrogène.

Certains médicaments administrés par voie orale


Le traitement d’un psoriasis par PUVA-thérapie peut provoquer une toux sèche,
survenant dans un contexte fébrile quelques heures après l’administration de
8-méthoxy-psoralène (Méladinine) ; ce médicament peut aussi être responsable
de l’exacerbation d’un asthme bronchique correctement traité. Les effets sont
réversibles à l’arrêt du traitement.
La prescription d’amiodarone (Cordarone) dans le cadre d’un traitement anti-
arythmique, expose à des effets secondaires nombreux et fréquents ; il s’agit
surtout de manifestations oculaires, cutanées, thyroïdiennes, hépatiques ou car-
diaques…, mais aussi de manifestations pulmonaires. Une pneumopathie iatrogè-
nique à l’amiodarone peut survenir chez 5 à 10 % des patients traités. La
symptomatologie est souvent insidieuse et non spécifique. Une dyspnée est pré-
sente chez 90 % des patients traités, elle est accompagnée d’une toux dans
50 % des cas. Si la guérison ou l’amélioration sont obtenues dans 80 % des cas,
certaines séquelles peuvent persister, en particulier une dyspnée d’effort rési-
duelle (20 % des cas). Une pneumopathie due à l’amiodarone peut être mortelle
(20 % des cas).
Tous les IEC sont susceptibles d’induire une toux non productive, diurne et noc-
turne, parfois insomniante et accompagnée d’une sensation d’irritation pharyngée.
Cette toux résiste aux traitements antitussifs (inutile d’en prescrire). Seul l’arrêt
du traitement entraînera rapidement (quelques jours) la disparition de la symp-
tomatologie. Il faut noter que si la toux est bien tolérée, il n’y a pas lieu de chan-
ger la médication. Le pharmacien devra prévenir le patient de la survenue
possible de cet effet indésirable quand il honorera une première ordonnance
d’IEC.

Certains médicaments inhalés


n L’inhalation de dipropionate de béclométasone (Bécotide), prescrit dans le traite-
ment d’entretien de l’asthme, peut entraîner l’apparition de phénomènes irrita-
tifs se traduisant par une gêne pharyngée, une raucité de la voix et/ou une toux.
10. La toux 103

Cette substance peut, paradoxalement, aggraver le bronchospasme qui sera


prévenu par l’administration préalable de médicaments broncho-dilatateurs.
n L’inhalationd’aérosols de pentamidine (Pentacarinat) utilisée dans la prophy-
laxie de la pneumopathie à Pneumocystis carinii chez les patients atteints de sida
ou chez les patients porteurs d’anticorps anti-VIH et à haut risque, provoque fré-
quemment l’apparition d’une toux sèche, isolée ou associée à un bronchos-
pasme. Cet inconvénient peut être évité avec l’inhalation d’un bronchodilatateur
2-mimétique comme le salbutamol, avant ou pendant la séance d’aérosol.
Devant l’apparition d’une toux sèche non productive, diurne et/ou nocturne
apparaissant chez un malade médicalement suivi, en dehors de tout contexte
infectieux ou toxique caractéristique et en dehors également de l’exceptionnelle
toux psychogène (plus fréquemment rencontrée chez l’enfant), le pharmacien
devra penser à une étiologie d’origine iatrogène. Il faudra impérativement en
informer le médecin traitant, qui, seul pourra juger de la réalité de cet effet, de
son éventuelle gravité, et de la conduite à tenir.

Le conseil face à la pathologie


Devant un symptôme comme la toux, le pharmacien va se voir conférer, dans
une certaine mesure, un véritable rôle de thérapeute. En effet, le patient ne
consultera spontanément son médecin que si la toux persiste, dans un
contexte fébrile et/ou d’état général médiocre et inhabituel. Dans la plupart
des cas, si la toux est d’apparition brutale et récente, le sujet « consultera »
d’abord son pharmacien pour « quelque chose contre la toux » ou « pour
un mal de gorge ». La tâche essentielle du pharmacien sera celle de soulager
sans nuire, en ne sous-estimant pas l’expressivité du symptôme. En règle
générale, et dans tous les cas, le pharmacien devra faire préciser certains carac-
tères de la toux, en particulier : son ancienneté, ses causes déclenchantes, sa
fréquence et les signes associés. Pour différencier une toux sèche d’une toux
productive, le pharmacien demandera au patient de tousser, car ce caractère, à
lui seul, justifiera l’opportunité et la qualité de la délivrance d’une substance
antitussive.

La toux est aiguë, sèche ou irritative, avec ou sans fièvre


l 1er cas. Le sujet est jeune et en bonne santé : en saison hivernale, cette toux est le
plus souvent l’expression d’un rhume commun (surtout chez l’enfant). La toux
sèche inaugurale de la rhinopharyngite évolue rapidement vers une toux pro-
ductive avec un coryza purulent (la toux, chez la femme enceinte, est souvent
accompagnée de céphalées tandis que chez le nourrisson, en l’absence de fièvre
et de signes généraux d’accompagnement, une toux sèche peut être d’origine
allergique ou irritative).
e
l 2 cas. Le sujet est âgé : il faut redoubler de vigilance, car la personne âgée prend

habituellement plusieurs médicaments, (sauf dans de rares exceptions). Il faut


donc éliminer la possibilité d’un effet iatrogène ; la survenue d’effets indésirables
est aussi plus fréquente. Dans cette première catégorie de circonstances,
le pharmacien devra être capable d’évaluer le risque clinique en regard de la
104 III. Les maladies pulmonaires

symptomatologie et saura prévenir le sujet des risques encourus devant la négli-


gence des symptômes, ou encore face à un traitement insuffisant ou inadapté à
la cause ; il doit faire comprendre au patient que les antitussifs, même bien choi-
sis, ne guériront pas la maladie, car ils ne traitent pas la cause ; la toux apparem-
ment banale peut masquer une affection grave.

La toux est sèche, chronique, avec ou sans fièvre


l 1er cas. Le sujet est jeune, en bonne santé : le pharmacien sera essentiellement
confronté à la toux du fumeur et à la toux neuropsychique. La première est
potentiellement grave car elle est un facteur de risque essentiel du cancer bron-
chique. Dans le cas présent, les conseils afférant à la lutte contre le tabagisme
seront de bon aloi. La toux neuropsychique relève exclusivement de la consulta-
tion médicale.
e
l 2 cas. L’état général du sujet est altéré : il peut s’agir de la toux du cancer bron-

chique dont le traitement est du ressort exclusif du médecin ; il peut s’agir du


cas plus rare d’une toux iatrogène, le plus souvent sans fièvre, bien supportée,
comme celle induite par les IEC, mais il peut s’agir aussi d’une toux iatrogène
évolutive signant une pneumopathie médicamenteuse dont le pronostic peut
être redoutable. Le pharmacien est un interlocuteur de choix pour déceler l’origine
iatrogène d’une toux.

La toux est aiguë et productive


Quelle que soit la cause, une toux productive doit être respectée ; cette raison
oblige le pharmacien à s’assurer de la réalité d’une expectoration, en faisant
tousser le malade (quand ce dernier ne peut affirmer avec certitude qu’elle
existe). Avant de prescrire un mucomodificateur, le pharmacien doit toujours
se faire préciser « l’histoire de la toux » et la rapporter à l’expression du
symptôme.

La toux est chronique et productive


L’expectoration chronique est le seul critère diagnostique de la bronchite chro-
nique. Dans la plupart des cas, le pharmacien connaît bien le patient qui sou-
haitera la (re)prescription d’un sirop antitussif. Le pharmacien doit encourager
le malade à consulter (médecin généraliste ou spécialiste ORL) ; ne pas oublier
que 95 % des bronchiteux chroniques fument et qu’ils ne sont pas à l’abri d’un
processus tumoral.

La thérapeutique
Certains médicaments (non antitussifs) peuvent agir sur la toux en intervenant
directement sur la cause, comme les corticoïdes, les antibiotiques, les fluidifiants
bronchiques ou les bronchodilatateurs. Les médicaments antitussifs (centraux et
périphériques) sont une thérapeutique d’appoint, ponctuelle, à visée symptomati-
que ; cette thérapeutique ne remplace en aucun cas le traitement étiologique
qui demeure essentiel. L’indication des antitussifs doit être strictement réservée
au traitement de la toux sèche, d’irritation, pas ou peu productive (ou avec une
expectoration réduite et difficile). Cette indication concerne : la toux tenace et
gênante, mal tolérée, pouvant s’accompagner de signes généraux comme une
insomnie, des céphalées, des vomissements, une fatigue, une anorexie… la toux
10. La toux 105

compliquée de lipothymies, syncopes, bradycardie, d’incontinence urinaire… En


pratique, l’indication des antitussifs est bien appropriée comme traitement
symptomatique de la toux des pharyngites, des trachéo-bronchites virales et des
toux secondaires à des compressions bronchiques ou à une inflammation pleu-
rale. Leur efficacité est variable dans le traitement de la coqueluche.

Conduite pratique du traitement


Le pharmacien ne doit jamais oublier que la toux est un phénomène de défense
naturel des voies respiratoires ; toute intervention contrariant ce réflexe est une faute
thérapeutique. La recherche des contre-indications au traitement par les antitus-
sifs est donc obligatoire avant toute prescription. Parmi celles-ci, il faut retenir :
le caractère productif de la toux, l’insuffisance respiratoire chronique (quelles
que soient son étiologie et son intensité), l’asthme, l’âge (certains antitussifs sont
dangereux pour le vieillard et l’enfant), le glaucome et l’adénome prostatique
qui contre-indiquent l’emploi d’antitussifs anticholinergiques et aussi l’alcool qui
potentialise l’effet sédatif central.
Le pharmacien doit prévenir le patient de la survenue de certains effets indési-
rables qui seront majorés si la prescription n’est pas respectée. Les incidents les
plus fréquents sont : les accidents respiratoires (dépression respiratoire chez l’en-
fant, en particulier), les troubles digestifs (constipation, nausées, anorexie…),
une dépendance (psychique surtout), les troubles neurologiques (vertiges,
céphalées…), les troubles cutanés (rares). Ces incidents seront évoqués avec
l’analyse des médicaments (cf. infra).
Quelle que soit la substance antitussive délivrée à l’officine, le pharmacien doit
recommander un emploi limité et des posologies réduites, en particulier chez
l’enfant.
Avant de prescrire un antitussif, le pharmacien doit rappeler au patient quel-
ques règles générales pratiques, simples mais très utiles, car elles contribuent à
une amélioration certaine de la symptomatologie et limitent son aggravation.
Conseils généraux à un tousseur (aigu ou chronique) :
n Supprimer les polluants et les aérocontaminants (ex. : le tabac).
n S’efforcer de vivre dans une atmosphère pas trop sèche (emploi d’humidifica-
teurs et saturateurs, usage de fumigations) et éviter les changements brusques
de température. Éviter de sortir par temps de brouillard et restaurer la respira-
tion nasale.
n Boire des boissons chaudes (lait sucré, infusions) et éviter autant que possible
les boissons froides.

Le choix des médicaments


La plupart des spécialités pharmaceutiques sont des associations de principes
actifs variés : expectorants ou mucolytiques, antispasmodiques atropiniques
(belladone, jusquiame…), acide acétylsalicylique, paracétamol, antihistamini-
ques… Le pharmacien devra donc redoubler de prudence lors de la délivrance
des substances antitussives, car il en est, le plus souvent, le premier prescripteur.
Les remarques générales suivantes doivent être bien connues :
n Les antitussifs à action centrale n’ont pas d’autre indication que le traitement
symptomatique des toux non productives gênantes aiguës (bronchopneumopathies
virales, coqueluche…) ou chroniques (fibroses pulmonaires, maladies pleurales,
106 III. Les maladies pulmonaires

cancers bronchiques…). Leur activité n’est réellement démontrée qu’à partir de


certaines doses.
n Les antitussifs dépresseurs respiratoires, c’est-à-dire composés de codéine, de
codéthyline ou de pholcodine, sont contre-indiqués en présence d’une insuffi-
sance respiratoire, quel qu’en soit le degré.
n Les antitussifs ne devraient pas, en principe, être prescrits chez l’insuffisant
respiratoire chronique (encombrement bronchique favorisé, hypoventilation
alvéolaire majorée, risque de surinfection bronchique). Ils sont d’ailleurs actuelle-
ment considérés comme des médicaments inutiles ou nocifs dans le traitement
de l’insuffisance respiratoire chronique.
n Ne jamais oublier que les principes actifs entrant dans la composition d’un
antitussif, qu’ils soient associés ou non, peuvent potentialiser les mêmes princi-
pes actifs administrés comme médicaments de première intention dans le cadre
d’une pathologie générale indépendante du mécanisme de la toux ; l’exemple
de l’acide acétylsalicylique est certainement le plus significatif et le plus
fréquent : l’action antalgique, antipyrétique, antihémorragique, ou préventive
(d’un risque de rechute d’un infarctus du myocarde) de l’aspirine peut
être considérablement perturbée par l’usage irrationnel d’une substance consi-
dérée comme « apparemment anodine » par le patient. Le pharmacien
devra avoir ici un rôle de prévention et se souvenir que ce principe actif, même
« caché », conserve ses propriétés pharmacologiques, y compris les effets
indésirables.
Remarque : toutes les spécialités contenant de la phénylpropanolamine appar-
tiennent à la liste I (prescription obligatoire, durée maximale de 5 jours).
n L’association d’un mucolytique ou d’un expectorant avec une substance anti-
tussive doit être considérée comme illogique et potentiellement dangereuse.
n Un traitement antitussif ne doit pas excéder 3 à 5 jours ; dans le cas d’une
absence d’amélioration de la symptomatologie, le pharmacien doit impérati-
vement conseiller au patient de consulter son médecin.

Les antitussifs opiacés


Les antitussifs opiacés peuvent renfermer de la codéine (Néo-Codion*, etc.), de la
pholcodine (Broncalène*, Codotussyl*, Humex* sirop, etc.), du dextrométorphane
(Dexir*, Nodex*, etc.) ou de la noscapine (Tussisédal*, etc.). Toutes ces spécialités
renferment la substance opiacée associée à un ou plusieurs autres principes actifs
(précautions : cf. supra).
Lors de la délivrance d’antitussifs opiacés, le pharmacien se souviendra des
consignes générales d’emploi suivantes :
Contre-indications
Elles se limitent à l’insuffisance respiratoire (quel que soit le degré), la toux de
l’asthmatique, et les formes infantiles (enfant de moins de 30 mois). Les formes
pharmaceutiques « adulte » sont contre-indiquées chez l’enfant de moins de
15 ans.
Le dextrométorphane ne déprime pas la fonction respiratoire (aux doses habi-
tuelles) et ne crée pas d’accoutumance. Aucun signe de tolérance n’a été
constaté lors d’une utilisation prolongée. Le dextrométorphane peut néanmoins
10. La toux 107

provoquer une dépression respiratoire chez le nouveau-né ; d’autre part, son


association avec les IMAO non sélectifs est contre-indiquée, car elle peut engen-
drer une hyperthermie, une hyperexcitabilité, un collapsus, voire être fatale. À
l’exception du dextrométorphane, toutes les autres substances opiacées sont contre-
indiquées au cours du premier trimestre de la grossesse.
Précautions d’emploi
Tous les antitussifs opiacés sont déconseillés au cours de l’allaitement ; la codéine,
surtout, expose à des risques d’hypoxie et de pause respiratoire chez le nou-
veau-né. La codéine a des effets antitussifs, analgésiques et légèrement sédatifs ;
elle est particulièrement utile pour soulager les toux douloureuses. Elle possède
aussi une action desséchante sur la muqueuse respiratoire, qui peut être utile
dans le cas d’une bronchorrhée, mais nocive lorsque les sécrétions bronchiques
sont déjà visqueuses. Une hypertension intracrânienne peut être majorée par
l’administration de substances opiacées.
Interactions médicamenteuses
Les spécialités renfermant de la codéine sont les plus concernées : l’alcool majore
l’effet sédatif tandis que l’association à d’autres dépresseurs du système nerveux
central (neuroleptiques, antidépresseurs sédatifs, barbituriques, benzodiazé-
pines…) accentue la baisse de la vigilance et augmente l’effet hypnotique.
n L’association à d’autres dérivés morphiniques (analgésiques ou antitussifs)
majore le risque de dépression respiratoire : d’une manière générale, il ne faut
jamais prescrire 2 antitussifs à la fois, quel que soit le principe actif et/ou sa
forme galénique.
n La codéine ralentissant le péristaltisme intestinal, la résorption des autres
médicaments peut être modifiée.

Les antitussifs antihistaminiques


L’indication des antitussifs antihistaminiques (Broncalène*, Fluisédal*, Polaramine
pectoral*, Rhinathiol* prométhazine, Théralène, Toplexil*, etc.) est le traitement
symptomatique des toux non productives gênantes, en particulier allergiques et
irritatives. Les antitussifs antihistaminiques ont en fait une utilité très limitée ;
seule leur action desséchante sur la muqueuse respiratoire peut être mise à pro-
fit lors de la phase congestive d’une rhinite aiguë : attention aux toux fausse-
ment non productives par non-élimination de sécrétions visqueuses.
Le pharmacien devra prescrire ces antitussifs avec prudence.
Contre-indications
n L’insuffisance respiratoire (quel que soit le degré), le glaucome par fermeture
de l’angle et les troubles vésico-prostatiques (contre-indication due aux effets
anticholinergiques).
n L’âge du patient : les antihistaminiques phénothiaziniques ne doivent pas être
prescrits chez le nourrisson de moins d’un an présentant des risques d’apnée.
Chez le sujet âgé, la posologie doit toujours être réduite en début de traitement,
puis adaptée à l’effet attendu et au degré de tolérance (attention aux risques de
confusion mentale ou d’excitation chez ces sujets !).
n L’innocuité n’ayant pas été établie chez la femme enceinte ou en période d’al-
laitement, il est préférable d’éviter leur prescription dans ces circonstances.
108 III. Les maladies pulmonaires

n Le risque de somnolence ne doit pas être sous-évalué chez les personnes acti-
ves (conducteurs et utilisateurs de machines).

Précautions d’emploi
Elles sont essentiellement liées au risque d’automédication. L’utilisation abusive des
antitussifs antihistaminiques favorise l’augmentation de la viscosité des sécrétions
bronchiques, une sécheresse buccale, des troubles de l’accommodation, une
constipation, une rétention urinaire. Chez le nourrisson et l’enfant, des phé-
nomènes d’excitation sont significatifs d’un surdosage.
Interactions médicamenteuses
Elles sont surtout représentées par l’association aux substances atropiniques dont
les effets indésirables sont additionnés, ou par l’association à d’autres dépres-
seurs du SNC (majoration de la dépression centrale) ; l’association à l’alcool
majore l’effet sédatif.

Les antitussifs non opiacés, non antihistaminiques


Ils peuvent être prescrits dans le traitement de la toux non productive, gênante ; leurs
propriétés « multiples » doivent inciter à la prudence : les spécialités disponibles asso-
cient le plus souvent deux ou plusieurs principes actifs ; certains d’entre eux sont
contre-indiqués pendant la grossesse et en période d’allaitement (innocuité non
établie). Silomat expose à des troubles digestifs, des troubles cutanés et du som-
meil, voire à d’exceptionnelles hypertonies musculaires et des convulsions.

Les fluidifiants bronchiques


L’usage d’un fluidifiant bronchique est rarement univoque : sa prescription s’ins-
crit dans le cadre général de la stratégie thérapeutique que le praticien propose
pour le traitement de la bronchite chronique. Plusieurs moyens sont mis en
œuvre :
n la suppression des facteurs étiologiques, le tabac en particulier (implication du
pharmacien dans la lutte contre le tabagisme) ;
n la bronchodilatation (utilisation de médicaments bronchodilatateurs) ;
n la modification des qualités rhéologiques du mucus (emploi des muco-
­modificateurs) ;
n la kinésithérapie respiratoire avec éducation de la toux ;
n le traitement d’une infection s’il y a lieu.

Exemples de circonstances de prescription des fluidifiants


bronchiques
Première circonstance
La maladie (bronchite chronique, asthme vieilli, dilatation des bronches, muco-
viscidose) s’exprime au début par une hypersécrétion très visqueuse et très
élastique : les fluidifiants bronchiques vrais peuvent être utiles, en particulier la
N-acétylcystéine (Exomuc*, Fluimucil*, Mucomyst*, Tixair*, etc.).
10. La toux 109

Deuxième circonstance
Avec l’évolution, l’expectoration devient très fluide : elle indique l’usage des
mucorégulateurs comme la carbocystéine (Bronchokod*, Rhinathiol*, etc.).

Troisième circonstance
L’expectoration est infectée : la viscosité augmente et l’élasticité diminue. En
plus de leur rôle mucomodificateur, la N-acétylcystéine et la carbocystéine
favorisent le passage des antibiotiques dans les sécrétions bronchiques, amé-
liorant ainsi leur concentration sur le lieu de l’infection. Le pharmacien doit pou-
voir expliquer au patient la double action bénéfique de ces fluidifiants bronchiques.

Quatrième circonstance
Certains malades, généralement à un stade évolué de la maladie, présentent une
bronchorrhée qui doit être réduite : les fluidifiants vrais sont interdits ; la carbo-
cystéine peut être essayée, mais habituellement, seules les substances vagolyti-
ques comme l’atropine et les corticoïdes sont efficaces.
Conseils généraux : le pharmacien ne doit pas méconnaître le rôle bénéfique
de la kinésithérapie ; celle-ci complète l’action des mucomodificateurs. Il doit
mettre en garde le patient bronchitique devant le mauvais usage de certains
médicaments qui peuvent modifier les qualités de la sécrétion bronchique ;
c’est le cas avec la théophylline, les 2-agonistes (par voie générale), mais aussi
les diurétiques de l’anse (furosémide), certains médicaments vasodilatateurs
comme le dinitrate d’isosorbide (Risordan), ou certains antibiotiques comme
l’érythromycine. Enfin, ne pas oublier que l’air sec ou froid et les polluants
(tabac en particulier) diminuent l’activité ciliaire bronchique.

Les traitements adjuvants des affections bronchopulmonaires


Toute la difficulté réside dans l’évaluation du « degré passager » de la toux. Le
pharmacien devra s’assurer par l’interrogatoire de la qualité de la toux ; celle-ci
lui permettra de prescrire certaines spécialités à la fois antitussives et fluidifiantes
bronchiques et parfois même aussi antibactériennes… Le pharmacien devra
donc systématiquement analyser la composition de ces médicaments qui renfer-
ment en outre de nombreux principes actifs (acide acétylsalicylique, belladone,
camphre, paracétamol, phénobarbital…) non dénués d’effets indésirables. Parmi
ces nombreuses spécialités, on peut citer : Coquelusédal*, Eucalyptine*, Trophirès*,
Vicks*, etc.

Le conseil face à la thérapeutique


Le cas de la femme enceinte
La toux est sèche, d’apparition récente. La toux pourra être traitée avec un anti-
tussif non opiacé, non antihistaminique comme Hélicidine*.
110 III. Les maladies pulmonaires

Quelle que soit la cause de la toux chez la femme enceinte, elle doit être
traitée de façon symptomatique, surtout après la 24e semaine, car la toux peut
déclencher l’accouchement. Ne jamais prescrire d’antitussifs contenant de
l’iode (risque de goitre fœtal).
Remarque : le traitement des toux grasses ne pose pas de problème, car la
N-acétylcystéine et la carbocystéine sont utilisables quel que soit le stade de la
grossesse.

Le cas du nourrisson
La toux est grasse, productive, avec absence de signes cliniques indiquant une
altération de l’état général. Le pharmacien pourra conseiller un fluidifiant bron-
chique ; Hélicidine* sirop et Maxilase* sirop peuvent être intéressants pour
réduire une inflammation des voies aériennes supérieures.
Il faudra se souvenir que les antitussifs opiacés sont contre-indiqués chez les
enfants de moins de 30 mois (risque de dépression respiratoire), que les anti-
histaminiques phénothiaziniques ne doivent pas être prescrits chez le nourris-
son de moins de un an présentant des risques d’apnée. Enfin, la formule ne
doit contenir ni menthol, ni camphre ; la présence de paracétamol dans les
formules antitussives pour nourrisson est fréquente, elle devra être impérati-
vement prise en compte et signalée aux parents (risque de surdosage en para-
cétamol lors d’un traitement général).

Le cas de l’enfant
Si la toux est sèche, fatigante, d’apparition récente chez un enfant en bon état
général et sans antécédents respiratoires connus, le pharmacien pourra
conseiller, par exemple, Dexir* sirop enfant ou Broncalène* enfant (action anti-
histaminique et cholagogue).
Pour une toux grasse et selon son degré d’expression (peu ou pas produc-
tive), il pourra proposer Mucomyst* poudre ou Tixair*.
De façon générale, les précautions à prendre chez l’enfant sont du même
ordre que celles concernant le nourrisson.

Le cas du sujet diabétique


La toux est sèche, irritative avec enrouement. Le pharmacien pourra conseiller,
par exemple, Pholcones suppo*, Broncalène sans sucre*.
Il faudra toujours privilégier les sirops et pastilles sans sucre ou préférer une
forme galénique non sucrée comme les suppositoires ou les gouttes buvables.

Le cas du sujet sportif


Les médicaments antitussifs peuvent contenir des principes actifs figurant sur la
liste des substances dopantes à usage humain, liste remise à jour régulièrement
(cf. Vidal). Ces spécialités ne sont pas assimilables à des dopants mais peuvent,
le cas échéant, rendre positif un contrôle antidopage. C’est le cas des antitus-
sifs contenant de la codéine, de l’éphédrine, de l’éthylmorphine… Il convien-
dra donc d’être vigilant lors de la délivrance de ces médicaments et de délivrer,
autant qu’il est possible, une spécialité exempte de ces principes actifs.
11 La bronchite
La bronchite aiguë

La bronchite aiguë est une affection généralement bénigne ; c’est une maladie
banale qui survient plutôt au printemps ou en automne, en cas isolés ou en peti-
tes épidémies. Elle est due à une irritation et une inflammation des bronches.
Chez les personnes habituellement en bonne santé, la broncite aiguë dure quel-
ques jours et ses manifestations restent bénignes. Elle peut parfois revêtir un
aspect de gravité lorsqu’elle s’accompagne d’un encombrement important des
voies respiratoires ou qu’elle s’associe à un spasme bronchique responsable
d’une dyspnée asthmatiforme. La gravité d’une bronchite aiguë peut être égale-
ment liée au terrain ; ainsi, son pronostic est parfois sévère chez le vieillard, le
sujet cardiaque, et surtout chez l’insuffisant respiratoire chronique (risque d’in-
suffisance respiratoire aiguë avec acidose hypercapnique).

La pathologie
La bronchite infectieuse est d’origine virale dans la plupart des cas (Myxovirus,
VRS, adénovirus, etc.), parfois d’origine bactérienne (Mycoplasma pneumoniæ,
Chlamydia pneumoniæ, etc.). Les symptômes respiratoires dominent la plainte :
présence d’une toux sèche (rarement grasse au début) et rauque, faisant sou-
vent suite à une infection rhino-pharyngée, puis elle devient grasse et produc-
tive ; la toux est constante, son absence permet d’éliminer le diagnostic. Elle
peut s’accompagner d’une fébricule (38 °C), de douleurs rétrosternales (liées à
l’inflammation bronchique) voire pariétales (secondaires à la toux incessante),
de céphalées et évoquer un syndrome grippal.

La thérapeutique
Le traitement de la bronchite aiguë est purement symptomatique.

Le pharmacien saura conseiller l’emploi des médicaments suivants :


l antalgiques et antipyrétiques (contre les symptômes du syndrome viral) ;

l un antitussif central (codéine, dextrométhorphane, noscapine, pholcodine) peut

avoir son utilité en cas de toux sèche.


Il n’existe pas de recommandation préconisant l’emploi d’expectorant.
La consultation médicale justifiera une prescription d’antibiotiques qui sera
envisagée que si la toux et l’expectoration purulente persistent plus de 7 jours
ou/et la présence d’une fièvre depuis plus de 4 jours, ou encore si l’auscultation
révèle la présence de râles bronchiques diffus et la notion de tabagisme.
112 III. Les maladies pulmonaires

La bronchite chronique
Sur 3 millions de patients souffrant de bronchite chronique, 1 million sont
atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) dont près de
100 000 au stade de l’insuffisance respiratoire chronique nécessitant une oxygé-
nothérapie ou une ventilation assistée.

La pathologie
La bronchite chronique se définit par la présence de toux et d’expectoration pen-
dant au moins 3 mois par an, durant deux années consécutives au moins, en
l’absence de toute autre étiologie possible et d’anomalies des épreuves fonction-
nelles respiratoires.
Le tabagisme est la cause principale ; d’autres facteurs peuvent aussi favoriser
sa survenue comme l’inhalation d’air pollué, un déficit en alpha-1 antitrypsine
ou la présence de facteurs prédisposants comme par exemple : le sexe masculin,
les infections bronchopulmonaires répétées pendant l’enfance ou une
cyphoscoliose.
La bronchite chronique simple correspond au stade 0 de la classification des
BPCO.
La bronchopneumopathie obstructive est une bronchite chronique aggravée,
avec une obstruction progressive des voies aériennes distales, qui se traduit par
une diminution non complètement réversible des débits aériens. Cette diminu-
tion des débits aériens s’accompagne d’une réaction inflammatoire à des aéro-
contaminants particulaires ou gazeux. La BPCO touche les petites bronches avec
la survenue d’une dyspnée à l’effort et un handicap qui s’aggrave avec le temps.
Son évolution se fait plus ou moins rapidement vers l’insuffisance respiratoire.
Elle est émaillée d’exacerbations plus ou moins fréquentes ; une fois sur deux,
celles-ci ne sont pas d’origine infectieuse et, quand elles le sont, il s’agit dans la
moitié des cas d’une infection virale. La BPCO présente une augmentation de
fréquence régulière ; elle est la 4e cause de mortalité au niveau mondial.
Le diagnostic de BPCO s’appuie sur la mesure du souffle traduite par les explo-
rations fonctionnelles respiratoires (DEP, VEMS, rapport VEMS/CV).

La thérapeutique
Le seul vrai traitement de fond de la bronchite chronique et de la BPCO est l’arrêt du
tabac et d’une éventuelle exposition à des aérocontaminants, notamment pro-
fessionnels. Ces mesures sont les seules susceptibles d’interrompre la progression
de l’obstruction bronchique et de retarder l’insuffisance respiratoire.

Le pharmacien pourra exercer ici sa place de premier plan pour l’incitation et


l’accompagnement au sevrage tabagique.

En dehors des exacerbations, les médicaments visent à diminuer les symptômes :


l les bronchodilatateurs bêta-2-stimulants ou anticholinergiques (les théophyllines
à libération prolongée n’ont plus qu’une place limitée), les corticoïdes inhalés
11. La bronchite 113

(dans les formes sévères seulement, et seulement si le malade en tire un


bénéfice) ;
l les recommandations de la Société de pneumologie de langue française pré-

cisent qu’il n’est pas recommandé de prescrire des antitussifs ou des médica-
ments susceptibles de provoquer une dépression respiratoire. La prescription de
fenspiride et d’antileucotriènes n’est pas recommandée.
Le traitement des exacerbations fait appel :
l aux bronchodilatateurs ;

l aux antibiotiques, si l’on soupçonne une cause bactérienne (augmentation de la

dyspnée, persistance et augmentation du volume et de la purulence de


l’expectoration) ;
l aux corticoïdes par voie générale, en cas de réversibilité documentée de l’obs-

truction bronchique ;
l à la kinésithérapie de désencombrement ;

l si besoin, à l’oxygénothérapie et à la ventilation assistée.


12 La bronchiolite

La bronchiolite aiguë est une infection virale épidémique saisonnière, caracté-


risée par une obstruction bronchiolaire prédominante, touchant préféren-
tiellement l’enfant de moins de 3 ans (75 % avant 9 mois). Cette pathologie
survient surtout en hiver (pic en décembre et en janvier selon le lieu de rési-
dence, au nord ou au sud de la Loire), au printemps et par épidémies dans les
collectivités (crèches, services hospitaliers, etc.). Dans 60 à 80 % des cas, l’agent
responsable est le virus respiratoire syncitial (VRS) ; les autres virus, plus rare-
ment en cause, sont Hæmophilus influenzæ, le virus de la grippe et Moraxella
catarrrhalis.
La transmission de l’infection se fait par voie directe aérienne (gouttelettes
émises au moment de la toux) ou par les mains ou par les objets contaminés par
les sécrétions nasopharyngées (ex. : ours en peluche). Le virus peut persister
30 minutes sur la peau et plusieurs heures sur le linge ou sur les surfaces
souillées. Il existe donc un risque réel de contamination accru, notamment dans
les crèches et dans les transports collectifs.

La pathologie
Chez le nourrisson, le diagnostic de bronchiolite aiguë est facilement évoqué
devant une symptomatologie associant, après le début d’une rhinopharyngite
aiguë banale (pendant 2 à 3 jours avec obstruction nasale, rhinorrhée et hyper-
thermie) : une polypnée avec freinage expiratoire, des sibilants et un wheezing.
Une toux répétitive, parfois quinteuse, est fréquente. L’auscultation peut mettre
en évidence des crépitants fins signant l’atteinte alvéolaire. La fièvre est en
général modérée à 38 °C. L’enfant peut présenter des signes extrapulmonaires :
digestifs, oculaires (conjonctivite), cutanés (exanthème), cardiovasculaires (myo-
cardite) ou neurologiques (encéphalite).
Les critères de gravité : âge inférieur à 2 mois (risque d’apnée) ; signes
d’épuisement respiratoire avec encombrement majeur, diminution ou dispari-
tion de la toux, irrégularité de la toux ou de la respiration, fréquence respiratoire
supérieure à 60/min ; signes d’hypercapnie avec hypertension, sueurs (),
troubles de la conscience justifient une hospitalisation immédiate (elle ne s’im-
pose que dans 10 % des cas).

Conseil face à la pathologie


Dans tous les cas, il est nécessaire d’insister sur la prévention de la transmission
de l’infection. Compte tenu du fait que la prise en charge à domicile des bron-
chiolites aiguës du nourrisson est la plus habituelle, un certain nombre de
116 III. Les maladies pulmonaires

mesures d’hygiène doivent être rigoureusement respectées. Le pharmacien peut


dispenser les recommandations suivantes :
l informer la mère de l’enfant concernant l’impact bénéfique du respect des
mesures d’hygiène ;
l si possible, retarder la mise en collectivité des nourrissons de moins de 6 mois ;

l éviter d’embrasser les jeunes nourrissons sur le visage si l’on est enrhumé ;

l si l’entourage a un rhume, porter un masque jetable avant de s’occuper d’un

bébé de moins de 3 mois ;


l connaître les risques de transmission induits par les objets contaminés par les

sécrétions rhinopharyngées (ex. : les peluches) ;


l se laver soigneusement les mains durant au moins 30 secondes ;

l ne pas fumer : le tabagisme environnemental multiplie par 3 ou 4 le risque de

complications.

La thérapeutique
Le traitement est guidé par les signes cliniques de gravité et par les facteurs de
risques associés. L’hospitalisation ne s’impose que dans 10 % des cas ; elle n’est
nécessaire que face à certains critères de gravité, par exemple si l’enfant a moins
de 3 mois, est diarrhéique (risque de déshydratation), ou présente des antéc-
édents évocateurs (cardiopathie congénitale, déficit immunitaire, dysplasie
broncho-pulmonaire). Le traitement non médicamenteux est consensuel :
n toujours veiller à coucher le nourrisson en position proclive dorsale à 30° ;
n proposer des apports hydriques (par voie orale) suffisants, avec fractionne-
ment des repas. L’humidification par aérosols est très aléatoire et a priori non
justifiée ;
n la kinésithérapie respiratoire est un élément essentiel du traitement, car elle
contribue au désencombrement des voies aériennes.
Le traitement médicamenteux reste très controversé ; en pratique, il est symp-
tomatique et peut faire appel aux 2-mimétiques en présence d’un spasme
bronchique audible, aux corticoïdes (action anti-œdémateuse) ou aux antibioti-
ques (inutiles dans les formes simples) ; la bronchiolite est une maladie virale, les
antibiotiques ne font pas partie des formes non compliquées de cette affection ;
cette prescription peut être envisagée seulement quand la rhinorrhée persiste et
devient sale (surinfection).
Remarque : les antitussifs sont contre-indiqués et les fluidifiants sont inefficaces.
13 L’asthme

L’asthme est à la fois une maladie, un syndrome multifactoriel (le plus souvent)
parfois un symptôme. La définition de l’OMS permet de comprendre la
démarche thérapeutique : « l’asthme est un désordre inflammatoire chronique
des voies aériennes, dans lequel de nombreuses cellules et éléments cellulaires
jouent un rôle. Cette inflammation est responsable d’une augmentation de l’hy-
perréactivité bronchique, qui entraîne des épisodes récurrents de respiration sif-
flante, de dyspnée, d’oppression thoracique et/ou de toux, particulièrement la
nuit ou au petit matin. Ces épisodes sont habituellement marqués par une obs-
truction bronchique, variable, souvent intense, généralement réversible, sponta-
nément ou sous l’effet d’un traitement ». L’asthme touche 8 % de la population
adulte et plus de 5 % des enfants. L’asthme peut commencer à tout âge, même
après 60 ans. Le taux de mortalité varie de 3 à 4 pour 100 000 ; le taux de mor-
bidité est de 1 à 10 % chez l’adulte, 1 à 25 % chez l’enfant. Si la pathogénie est
encore méconnue, les facteurs déclenchants de la crise d’asthme sont bien
connus (cf. infra). Les asthmes extrinsèques (ou allergiques) correspondent à
environ 10 à 20 % des asthmes de l’adulte ; dans 30 à 50 % des autres cas, les
épisodes symptomatiques paraissent déclenchés par des facteurs non allergiques
(asthmes intrinsèques). Les asthmes extrinsèques surviennent préférentiellement
entre l’âge de 5 ans et 45 ans, tandis que les asthmes intrinsèques surviennent
plutôt avant 4 ans et après 45 ans.

Symptomatologie
Les mécanismes déclenchants
Ils sont nombreux et variés. Il peut s’agir de facteurs allergiques : pollens, farine,
aliments, poils, plumes, médicaments…, d’infections respiratoires, de l’effort
(25 % des crises d’asthme sont déclenchées à l’effort), d’émotions violentes, de
facteurs non spécifiques (air froid et sec, variations brutales de température,
odeurs de produits nocifs, fumée de tabac, intolérance médicamenteuse…), de
facteurs psychologiques (qui peuvent aggraver la crise d’asthme), ou d’autres
causes comme la ménopause, le syndrome prémenstruel, le reflux gastro-
œsophagien…

Les formes cliniques


L’asthme à dyspnée paroxystique ; l’asthme à dyspnée continue (caractérisé par
la persistance d’un fond dyspnéique permanent entre 2 crises) ; l’asthme profes-
sionnel ; l’asthme du nourrisson ; l’asthme tardif (dont l’évolution est analogue à
celle de l’asthme à dyspnée continue) ; les asthmes extrinsèque et intrinsèque
(auxquels appartiennent les asthmes iatrogéniques).
118 III. Les maladies pulmonaires

La gravité de l’asthme
Dès 1995, un Consensus international a convenu que la présence d’un seul
caractère de sévérité suffit pour placer un patient dans une des 4 catégories sui-
vantes et instaurer le traitement au palier correspondant :

Palier 1 : asthme intermittent


Symptômes : occasionnels ( 1 à 2/semaine) ; asthme nocturne ( 1 à 2/mois) ;
absence de symptômes entre les crises ; DEP (ou VEMS)  80 % de la valeur
théorique, avec une variabilité circadienne  20 %.
Un traitement de fond n’est pas nécessaire.

Palier 2 : asthme persistant léger


Symptômes : symptômes ou prises de 2-stimulants  1 à 2 fois/semaine, mais
 1/jour ; DEP (ou VEMS)  80 % de la valeur théorique, avec une variabilité
circadienne de 20 à 30 %.
Un traitement de fond quotidien (anti-inflammatoires inhalés) est nécessaire.

Palier 3 : asthme persistant modéré


Symptômes : symptômes ou prises quotidiennes de 2-stimulants ; asthme
nocturne  1/semaine ; retentissement sur l’activité quotidienne ou le sommeil ;
DEP (ou VEMS)  60 % et  80 % de la valeur théorique, avec une variabilité
circadienne  30 %.
Un traitement de fond quotidien est nécessaire.

Palier 4 : asthme persistant sévère


Symptômes : symptômes permanents ; crises et symptômes nocturnes fréquents ;
activités physiques quotidiennes limitées ; DEP (ou VEMS)  60 % de la valeur
théorique, avec une variabilité circadienne  30 %.
Un traitement de fond quotidien est nécessaire.

Symptomatologie de l’asthme à dyspnée paroxystique


de l’adulte
Les signes cliniques d’une crise d’asthme aiguë doivent être connus. Les prodromes
sont variables : céphalées, coryza (éternuements, prurit nasal et rhinorrhée), pru-
rit cutané localisé, quelquefois quintes de toux ; il existe parfois des causes pro-
vocatrices : changements de température, inhalation d’un allergène ou d’un
irritant (fumée, poussière…), rire prolongé, effort… La période d’état de la crise
se caractérise par une phase sèche : après quelques quintes de toux, la respira-
tion devient sifflante, le malade est pâle, couvert de sueurs et anxieux, assis sur
son lit ou debout, les bras appuyés sur un meuble ou le rebord d’une fenêtre, les
muscles respiratoires tendus avec un tirage (dépression de la paroi thoracique)
sus-sternal et intercostal. La dyspnée est surtout expiratoire : inspiration brève et
expiration difficile, bruyante et sifflante, le rythme respiratoire est ralenti. Puis
survient la phase catarrhale : la crise atteint son paroxisme en 30 à 60 min, l’hy-
persécrétion et le bronchospasme font obstacle au passage du flux aérien et
provoquent les sifflements expiratoires. Après une durée variable, la crise s’apai­-
se progressivement et apparaît une expectoration souvent caractéristique : peu
13. L’asthme 119

abondante, muqueuse épaisse en « grains de tapioca ». Après la crise survient


une sensation de fatigue avec souvent une polyurie. L’évolution présente plu-
sieurs possibilités : résolution complète ou persistance de sibilances surtout en
expiration forcée ou répétition des crises 24 h ou plus, pouvant évoluer vers l’at-
taque d’asthme ; enfin une aggravation brutale peut aboutir à l’asthme aigu
grave.

L’asthme de l’enfant
Chez l’enfant, l’asthme est la pathologie chronique la plus fréquente, puisqu’elle
concerne près de 10 % des enfants d’âge scolaire ; sa prévalence a doublé en
15 ans. 60 % des asthmes du nourrisson guérissent après l’âge de 4 ans.
L’association d’une prédisposition génétique et de facteurs environnementaux
(pollution, tabagisme, etc.) entraîne une inflammation chronique des muqueu-
ses bronchiques et une hyperréactivité des voies aériennes. Le risque pour un
enfant d’être allergique est de 30 % si l’un des parents est asthmatique et de
60 % quand ses 2 parents le sont. 90 % des asthmes persistants dans l’enfance
sont d’origine allergique. L’exposition des bronches aux facteurs de sensibilisa-
tion induit une bronchoconstriction, un œdème et une hypersécrétion de la
muqueuse aboutissant à une diminution du calibre des voies aériennes et aux
symptômes classiques de la maladie.
Remarque : l’asthme de l’enfant se manifeste souvent par une rhino-
trachéo-bronchite chronique (qu’il faudra impérativement traiter) sur laquelle
surviennent des accès dyspnéiques avec sifflements expiratoires. Souvent, les
asthmes infantiles s’atténuent (30 à 50 %) ou disparaissent à la puberté. Chez
l’enfant, il faut considérer la toux spasmodique nocturne comme l’équivalent
d’un asthme débutant et/ou modéré.

Le cas particulier de la femme enceinte


L’asthme est la maladie respiratoire la plus fréquente au cours de la grossesse.
Aucune relation de cause à effet n’est réellement discernable. Un traitement
anti-asthmatique bien conduit est généralement efficace. Il est conseillé à la
mère asthmatique d’allaiter son enfant, le lait maternel possèdant des propriétés
immunologiques qui pourraient prévenir l’apparition de manifestations allergi-
ques chez le nourrisson.

Les asthmes et bronchospasmes d’origine iatrogène


Cette pathologie n’est pas exceptionnelle. Elle correspond soit à un mécanisme
anaphylactique, soit à une réaction vagale secondaire à une irritation locale.
Le pharmacien ne peut ignorer l’induction d’un asthme ou d’un bronchos-
pasme par certains médicaments : les -bloquants (mêmes cardiosélectifs) sont
bronchoconstricteurs chez l’asthmatique ; la forme collyre n’échappe pas à cette
observation. Pour la même raison, les -bloquants ne sont pas indiqués à un
stade avancé d’une bronchite chronique. Les substances parasympathomimé-
tiques directes (acétylcholine, ésérine, prostigmine, pilocarpine) peuvent provo-
quer un bronchospasme, surtout lors de la prescription de collyres, chez des
patients déjà traités par un -bloquant : attention à l’intercurrence entre un
traitement local et un traitement de fond ! La guanéthidine et la réserpine
120 III. Les maladies pulmonaires

provoquent des crises d’asthme chez l’asthmatique. Les atropiniques de syn-


thèse, comme l’ipratropium bromure (seul ou en association) peuvent provo-
quer des bronchospasmes. Les agonistes -adrénergiques (bronchospasmes
sévères par aérosol-thérapie), et les agonistes -adrénergiques sont inducteurs
de bronchospasmes, le plus souvent provoqués par une utilisation abusive et/ou
fantaisiste des aérosols. Les AINS sont responsables de réactions bronchospasti-
ques ; l’asthme dû à une hypersensibilité à l’aspirine est associé à une polypose
naso-sinusienne : la fréquence peut atteindre 20 %, voire 30 % chez l’enfant.
Les autres AINS et antalgiques sont aussi inducteurs de bronchospasmes. Les
médicaments responsables d’une hypersensibilité avec composante bronchos-
pastique, sont nombreux : les antibiotiques sont fréquemment impliqués, en
particulier les pénicillines (59 %), les sulfonamides (15 %), mais aussi l’oxytétra-
cycline, la streptomycine ou le chloramphénicol ; certains praticiens contre-
indiquent de façon formelle l’usage de la pénicilline chez l’asthmatique.
L’hydrocortisone (administration veineuse ou locale), l’ACTH (fréquence 18 %),
le tétracosactide, l’aminophylline et la cimétidine sont aussi inducteurs d’asth-
mes par hypersensibilité médicamenteuse. Tout médicament administré par voie
aérienne peut engendrer un bronchospasme par réaction vagale ou par libération
de médiateurs bronchoconstricteurs, en réponse à un effet irritant local.
Remarque : un site Internet (http://www.pneumotox.com) est consacré au
recensement et aux informations afférents aux pneumopathies iatrogéniques.

Le conseil face à la pathologie


Le rôle du pharmacien consiste essentiellement à aider le patient à améliorer son
confort de vie en prodiguant des recommandations au niveau de l’éviction de cer-
taines causes (allergènes, iatrogènes, psychiques…) et des conseils pour la qualité
du suivi thérapeutique. Le pharmacien est un des acteurs de santé impliqué dans
l’éducation thérapeutique de l’asthmatique. Ce rôle important exercé à l’officine
intègre les recommandations servant à inciter le patient à surveiller lui-même ce
qui se passe au niveau de ses bronches et notamment à quantifier l’évolution
de l’obstruction bronchique par l’utilisation quotidienne du débitmètre de pointe.
La mesure régulière du débit expiratoire de pointe (DEP) permet, grâce à la varia-
tion de sa valeur, de dépister les poussées (et l’aggravation) de la maladie : le
patient pourra ainsi avertir son médecin traitant avant une décompensation
sérieuse. Comme le médecin, le pharmacien doit, en effet, aider le patient à
reconnaître les différents moyens dont il peut disposer pour reconnaître et auto-
gérer les exacerbations de sa maladie. La façon la plus habituelle pour un asthma-
tique de déterminer la sévérité de son asthme est la perception de symptômes
tels que l’oppression thoracique, le sifflement et la dyspnée. Il faut savoir que ce
sont les patients ayant une forme sévère d’asthme qui ont la plus mauvaise per-
ception du degré d’obstruction de leurs bronches ; les patients qui ont un risque
important de détérioration rapide et sévère sont ceux qui sous-estiment la sévérité
des attaques d’asthme et donc retardent le délai de leur prise en charge médicale.
La mesure du DEP offre l’avantage d’être facilement réalisable grâce à des appa-
reils bon marché, peu encombrants et simples d’emploi ; le pharmacien doit
encourager vivement la pratique de cette mesure.
13. L’asthme 121

Le patient n’est pas un asthmatique connu et médicalement suivi


Dans ce cas, le pharmacien se trouvera presque toujours devant l’affirmation
« Je suis essoufflé ». Si après quelques questions, les informations données par
le malade sont en faveur d’un trouble « respiratoire », il faut conseiller la
consultation médicale : la symptomatologie peut être prodromique d’une
pathologie cardiovasculaire (ex. : l’œdème pulmonaire peut revêtir un aspect
asthmatiforme), ou d’une autre affection organique.
La circonstance particulière de la survenue d’un asthme ou d’un bronchos-
pasme d’origine iatrogène ne doit pas être méconnue : le pharmacien devra
informer le patient que la prise récente ou chronique de certains médicaments
est susceptible d’induire un asthme ou des bronchospasmes, soit par un méca-
nisme anaphylactique, soit par réaction vagale secondaire à une irritation
locale. Si cette information semble trop inquiéter le malade, il faut inciter à la
consultation auprès du médecin traitant qui saura évaluer l’effet indésirable et
rassurer le patient.

Le patient est un asthmatique connu et traité


Devant tout signe traduisant soit un déséquilibre thérapeutique (non-observance),
soit une évolution de la maladie, le pharmacien doit, d’une part engager
le malade à suivre rigoureusement sa dernière prescription médicale et d’autre
part, l’inciter à consulter à nouveau (a fortiori si la dernière visite chez le
médecin est déjà lointaine).

Un nourrisson (ou un enfant) présente des sifflements


L’asthme est la première cause de sifflements à répétition chez le nourrisson ou
l’enfant ; avant l’âge de 3 ans, 33 % des enfants ont déjà eu un ou plusieurs
épisodes de sifflement, mais tous les enfants « siffleurs » ne deviennent cepen-
dant pas des asthmatiques : 60 % d’entre eux guérissent avant l’âge de 6 ans.
En pratique, un asthme peut être suspecté lors de l’observation de 3 épisodes
ou plus de sifflement ; il faudra éliminer d’autres causes de sifflement (ex. : le
corps étranger). La consultation médicale est conseillée. Le pharmacien se sou-
viendra des notions suivantes : chez l’enfant, l’asthme peut débuter avant l’âge
de 1 an ; le tabagisme des parents (et des adolescents de la famille) est à pros-
crire formellement ; la pollution domestique est fréquemment en cause ; une
rhinopharyngite devra être impérativement traitée. Les tests cutanés peuvent
être réalisés chez le nourrisson.

La thérapeutique
Sur le plan physiopathologique, il faut considérer deux facteurs essentiels. Le
premier est représenté par le bronchospasme plus ou moins réversible, qui justi-
fie l’emploi de substances bronchodilatatrices susceptibles de favoriser le relâ-
chement des fibres musculaires lisses bronchiolaires. Le second facteur est
l’inflammation qui entraîne un œdème de la muqueuse et une hypersécrétion,
d’où l’activité spectaculaire de la corticothérapie, en particulier par voie locale.
Dans tous les cas, la thérapeutique comporte deux étapes : un traitement symp-
tomatique (simple) basé sur l’emploi de bronchodilatateurs et de corticoïdes
122 III. Les maladies pulmonaires

(selon l’urgence) ; un traitement de fond, décidé après un bilan complet (anam-


nèse, clinique, biologie, explorations fonctionnelles respiratoires, enquête aller-
gologique) qui peut entraîner la prescription d’une thérapeutique anti-infectieuse,
de médicaments neuropsychiques ou la mise en route d’une désensibilisation
spécifique.
Une crise d’asthme doit être traitée efficacement, aussi longtemps que durera
l’amélioration des données fonctionnelles respiratoires. Lorsqu’un traitement au
long cours est instauré, les effets secondaires des médicaments doivent être
rigoureusement pris en compte. Enfin, pour qu’une thérapeutique antiasthmati-
que soit efficace, il est obligatoire de suivre certaines règles d’hygiène de vie,
associées à une observance fidèle du traitement, lequel est indexé sur le contrôle
de l’asthme (tableau 13.1).
Le contrôle inacceptable est défini par la non-satisfaction d’un ou plusieurs
critère(s) de contrôle. Il nécessite une adaptation de la prise en charge.
Le contrôle acceptable est le minimum à rechercher chez tous les patients. Il est
atteint lorsque tous les critères du tableau précédent sont satisfaits.
Le contrôle optimal (c’est-à-dire « le meilleur ») correspond :
n soit à l’absence ou à la stricte normalité de tous les critères de contrôle ;
n soit à l’obtention, toujours dans le cadre d’un contrôle acceptable, du meilleur
compromis pour le patient entre le degré de contrôle, l’acceptation du traite-
ment et la survenue éventuelle d’effets secondaires.

Tableau 13.1
Recommandation, par l’Afssaps, de l’utilisation des paramètres suivants pour
définir le contrôle acceptable de l’asthme

Paramètres Valeur ou fréquence moyenne sur


la période d’évaluation du contrôle
(1 semaine à 3 mois)
1- Symptômes diurnes  4 jours/semaine
2- Symptômes nocturnes  1 nuit/semaine
3- Activité physique Normale
4- Exacerbations Légères*, peu fréquentes
5- Absentéisme professionnel Aucun
ou scolaire
6- Utilisation de 2 mimétiques  4 doses/semaine
d’action rapide
7- VEMS ou DEP  85 % de la meilleure valeur
personnelle
8- Variation nycthémérale du  15 %
DEP (optionnel)
*Exacerbation légère : exacerbation gérée par le patient, ne nécessitant qu’une augmentation
transitoire (pendant quelques jours) de la consommation quotidienne de 2 agoniste d’action
rapide et brève.
13. L’asthme 123

Le conseil face à la thérapeutique


L’éducation thérapeutique du patient asthmatique
Le pharmacien est un auxiliaire précieux, pour l’aide qu’il peut apporter au confort
du malade dans sa vie quotidienne. Dans le cadre de l’éducation thérapeutique
du patient asthmatique, le pharmacien est amené à voir le patient régulièrement.
Il est une source de conseils thérapeutiques, car il a, entre autres compétences,
celle de posséder l’opportunité d’évaluer et de renforcer l’apprentissage des tech-
niques de prise de médicaments, de vérifier la compréhension du plan de traite-
ment et dans certains cas de réorienter le patient vers son médecin traitant.
L’éducation thérapeutique du patient asthmatique adulte et adolescent (recom-
mandations préconisées par l’ANAES) comporte au minimum un apprentissage
à l’autogestion du traitement par le patient (plan de traitement écrit, appré-
ciation des symptômes et/ou mesure du débit expiratoire de pointe (DEP) et
nécessite un suivi régulier. Elle doit être proposée précocement à tous les
patients asthmatiques, adultes et adolescents, en fonction du diagnostic éducatif
et être renforcée lors du suivi. Une attention particulière doit être portée aux
patients porteurs d’un asthme sévère ou mal contrôlé et aux patients à risque
d’asthme aigu grave. Toute rencontre avec un patient asthmatique doit être
l’occasion de maintenir, de renforcer ou d’amener le patient à acquérir de nou-
velles connaissances, gestes et comportements.
Les séances éducatives sont une opportunité pour :
l évaluer avec le patient son asthme (contrôle et sévérité) ;

l s’assurer d’une bonne maîtrise et adhésion au traitement ;

l obtenir une bonne maîtrise de l’environnement ;

l maintenir l’activité physique.

Au cours des séances d’éducation, le suivi éducatif portera sur :


l l’évaluation des compétences acquises, à maintenir et à renforcer ;

l l’évolution de la pratique des techniques d’inhalation ;

l les difficultés d’autogestion du traitement par le patient ;

l le vécu de la maladie au quotidien.

Ainsi, le pharmacien sera attentif à réagir en décidant de faire appel à un


médecin en temps opportun selon des critères préétablis de détérioration de
l’état respiratoire.
Quant au traitement pharmacologique, il lui faudra savoir :
l expliquer l’action des médicaments en s’aidant éventuellement des mécanismes

de l’asthme ;
l différencier l’action du traitement de fond et celle du traitement de la crise ;

l différencier une inflammation des bronches et un bronchospasme ;

l utiliser correctement un aérosol-doseur standard (éventuellement avec une

chambre d’inhalation) ou autodéclenché ou un dispositif à poudre ;


l interpréter la valeur observée du DEP et des symptômes ressentis pour se situer

dans l’une des trois zones d’autogestion du traitement (verte, orange, rouge) ;
l noter sur son carnet de suivi les résultats de son DEP et les événements, le

contexte dans lequel surviennent les crises d’asthme ;


l adapter son traitement en tenant compte du plan de traitement écrit et défini

avec le médecin, en cas d’exacerbation ;


l adapter son traitement en fonction des risques présents dans son environnement

personnel, social et lors d’un changement de contexte ;


124 III. Les maladies pulmonaires

l expliquer à l’entourage la maladie et la conduite à tenir lors d’une crise d’asthme ;


l sélectionner les informations utiles concernant sa maladie, son traitement (revues,
magazines, Internet), sans oublier pour une efficacité optimum de la thérapeu-
tique, la pratique de l’exercice physique : pratiquer un exercice physique en fonc-
tion de sa tolérance à l’effort et reconnaître l’absence de contre-indication de
toute activité physique, à l’exception de la contre-indication légale de la plongée
sous-marine avec bouteille ;
l améliorer sa tolérance à l’effort (séances de kinésithérapie).

Enfin, dans le cadre de la prévention, il sera nécessaire d’éduquer le patient


pour qu’il puisse :
l identifier la présence d’allergènes dans son environnement ;

l identifier les situations asthmogènes afin d’adopter une attitude de prévention ;

l adapter ses activités quotidiennes et de loisirs en fonction de la pollution

atmosphérique ;
l programmer avec l’aide du médecin un arrêt du tabac ;

l reconnaître les méfaits du tabac sur son état respiratoire ;

l limiter la quantité de cigarettes consommées et les occasions de fumer.

Conseils intégrés à l’éducation thérapeutique


Les conseils afférents à la surveillance de l’asthme
La surveillance d’un asthme repose essentiellement sur les données fournies par
le malade lui-même. L’utilisation du débitmètre de pointe, utilisable à domicile,
permet : l’appréciation de la gravité d’une crise, la surveillance des malades à
haut risque (antécédents d’état de mal asthmatique, crises secondaires), le suivi
de l’évolution de la maladie pendant l’hospitalisation, puis à domicile ; il per-
met encore de guider le choix du traitement et l’ajustement de celui-ci et il aide
au diagnostic d’un asthme professionnel (tests réalisés sur les lieux de travail). Il
est un paramètre important du contrôle de l’asthme. Son usage peut aussi être
recommandé lors des saisons polléniques, lors d’un changement d’habitat ou
encore avant et après un effort sportif. Le pharmacien contribuera à la qualité
de l’épreuve respiratoire au débitmètre de pointe qui peut se pratiquer à l’offi-
cine, à défaut d’être bien conduite à domicile. La valeur du débit expiratoire de
pointe (DEP  Peak Flow) normal chez l’adulte est d’environ 500-600 L/min
pour l’homme et 400-500 L/min pour la femme. Des débitmètres spéciaux sont
disponibles pour les petits enfants ; les valeurs figurent sur des abaques en fonc-
tion du sexe et de l’âge. Le patient, dont l’asthme est instable, devra noter cha-
que jour les valeurs du DEP ; une diminution progressive du DEP doit faire
consulter le médecin traitant.
Les conseils afférents aux mesures d’éviction des allergènes
Le médecin ayant posé le diagnostic d’allergie aux acariens, il propose géné-
ralement une stratégie associant une hygiène d’environnement à l’usage de
produits acaricides. Le pharmacien doit connaître quelques règles simples per-
mettant de limiter le développement des acariens pour qui une altitude infé-
rieure à 800 m, une température et une humidité ambiantes sont toujours très
favorables. Les recommandations suivantes doivent être préconisées :
l aérer les pièces (la chambre à coucher est la plus concernée) au moins un quart

d’heure par jour, aspirer, et changer les moquettes, tapis et tentures au profit de
revêtements lisses et lavables. Changer souvent les draps et supprimer les plu-
mes et la laine dans la literie en les remplaçant par des produits synthétiques,
des couvertures en acrylique, des matelas et des oreillers en mousse ;
13. L’asthme 125

l choisir un mode de chauffage qui limite la turbulence de l’air (proscrire la clima-


tisation, la ventilation et l’air pulsé) ;
l le pharmacien peut recommander l’emploi de substances acaricides destinées aux

locaux d’habitation (Acarcid*, Acardust*) et proposer certains antiparasitaires actifs


sur les acariens, comme la lotion Ascabiol.* Le sujet allergique doit éviter de partici-
per aux séances de pulvérisation des locaux à cause de l’effet irritant des aérosols.
Les conseils afférents aux mesures d’éviction des irritants bronchiques
De nombreux paramètres sont susceptibles d’exalter l’hyperréactivité bronchi-
que, en dehors de tout facteur allergique. Le pharmacien peut conseiller
d’éviter les agents irritants comme : la pollution urbaine des grandes villes, le
tabagisme passif, certaines vapeurs de cuisine dans des locaux mal aérés, l’ex-
position à des contaminants aériens professionnels (salons de coiffure, bars,
ateliers d’artisanat…). D’une façon générale, le degré d’insalubrité d’un habitat
constitue un obstacle quasi insurmontable au traitement correct d’un asthme.
Il ne faut pas oublier le cas particulier de l’exposition aux contaminations
répétées bactériennes et surtout virales des nourrissons et des jeunes enfants
séjournant en collectivité (crèches, garderies, écoles).

Les conseils généraux afférents à l’activité du


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patient
Il faut éviter une vie trop sédentaire et préconiser la marche et l’exercice sportif
(non violent). À cet égard, il faut savoir que l’asthmatique ne peut envisager de
pratiquer un sport tant qu’il existe un état d’obstruction bronchique (c’est-à-dire
tant qu’il existe des sifflements bronchiques au repos). Dans le cas du sport
autorisé, le but est essentiellement d’améliorer la respiration diaphragmatique,
en faisant travailler les muscles thoraciques ; la réalisation quotidienne de mou-
vements d’entretien et l’habitude d’une gymnastique rythmique tiendront lieu
de kinésithérapie. Il faut éviter l’abus de repas trop copieux et riches en corps
gras, surtout le soir, ainsi que les boissons alcoolisées.

L’apport des cures thermales et climatiques


Air et altitude peuvent être bénéfiques en complément de la thérapeutique médi-
camenteuse. Les cures climatiques sont préconisées chez l’enfant allergique pré-
sentant un asthme suffisamment sévère pour justifier les inconvénients de la
séparation familiale.

Les conseils afférents à la thérapeutique médicamenteuse


Le conseil face au bon usage des médicaments
Le rôle du pharmacien est ici essentiel : les médicaments les plus fréquemment
utilisés par le malade (enfant ou adulte) sont les aérosols. Le pharmacien devra
aider le patient en lui expliquant de façon détaillée le bon maniement de la
technique d’aérosol-thérapie choisie par le prescripteur. Seule une utilisation
correcte garantit la remarquable efficacité de la thérapeutique et la minimisa-
tion optimale du risque de survenue des effets indésirables.

Le traitement de l’asthme de l’enfant


Les objectifs de traitement visent à assurer à l’enfant une vie normale sans gêne
respiratoire. Les -mimétiques seront administrés par voie inhalée. En cas de
crise sévère, l’association à des corticoïdes locaux ou généraux est justifiée
afin de lutter contre l’inflammation de la muqueuse et contre l’œdème
local.
126 III. Les maladies pulmonaires

Le traitement de fond est destiné à éviter tout risque de récidive et de dégra-


dation de la fonction respiratoire. Différents paliers peuvent être proposés : lut-
ter contre les facteurs environnementaux (pollution domestique), réduire le
niveau d’hyperréactivité bronchique, maintenir une bronchodilatation prolon-
gée, inhiber le développement du processus inflammatoire qui pérennise la
maladie. La désensibilisation peut être proposée chez les enfants de plus de
5 ans, dans les asthmes persistants légers à modérés, lorsque la responsabilité
de l’allergène est prouvée.
La mesure du souffle par le DEP est importante en période de déstabilisa-
tion.
L’éducation thérapeutique permet de réduire la morbidité, diminue le coût de
la maladie et améliore la qualité de vie ; comme pour l’adulte, le pharmacien a
un rôle fondamental dans cette éducation.

Le conseil face au choix des médicaments


Le pharmacien doit se souvenir qu’il existe des médicaments proscrits chez l’asth-
matique : formellement, comme les opiacés ou leurs dérivés (morphine,
codéine, etc.) et les -bloquants. Même si les molécules 1-sélectives exercent
une action réduite sur les bronches, elles sont susceptibles de provoquer des
crises d’asthme (cette précaution d’emploi s’étend aux collyres). La prescrip-
tion de substances antimyasthéniques (anticholinestérasiques en particulier)
doit être sérieusement évaluée (aggravation de l’asthme par effet parasympa-
thomimétique inhibiteur des cholinestérases) ; des instillations répétées et/ou
prolongées de collyres myotiques parasympathomimétiques (pilocarpine, car-
bachol) ou anticholinestérasiques (Phospholine iodide) peuvent entraîner un
passage systémique du principe actif. L’usage de sédatifs barbituriques, de neu-
roleptiques, de tranquillisants, d’antihistaminiques ou de fluidifiants bronchi-
ques (Bisolvon, Mucofluid…) est une contre-indication relative. La prescription
de médicaments allergisants (anesthésiques locaux, antibiotiques, sulfami-
des…) doit évidemment être prudente. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens
n’ont pas d’indication dans la maladie asthmatique.
Il faudra se souvenir également qu’un traitement d’efficacité spectaculaire
peut compromettre l’avenir du malade par ses effets secondaires ou par l’ac-
coutumance qu’il entraîne : c’est particulièrement le cas avec l’emploi des
médicaments sympathomimétiques et des corticoïdes.

l Les médicaments bronchodilatateurs


La théophylline (longtemps médicament de réf������������������������������
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rence, elle a vu sa place se
modifier pour n’intervenir que dans les asthmes mal contrôl��������������������
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s par les corticoï-
des inhal�����������������������������������������������������������������
���������������������������������������������������������������
s), les bronchodilatateurs sympathomimétiques spécifiques (2-sti-
mulants), des anticholinergiques et des sympathomimétiques non sélectifs,
sont classiquement utilisés dans le traitement de la crise d’asthme. Les -mimé-
tiques possèdent un effet immédiat (net dans les 5 premières minutes, quasi
maximum après 20 minutes, par voie SC ou aérosol). L’emploi de la théo-
phylline (et ses dérivés) requiert une certaine prudence compte tenu de sa
marge thérapeutique étroite. La mesure courante de la théophyllinémie (10
 taux moyen  20 g/mL) permet d’ajuster la posologie (environ 10 mg/kg/
jour chez l’adulte). La clairance de la théophylline est augmentée chez l’enfant
et chez le sujet fumeur.
13. L’asthme 127

Chez l’enfant de moins de 30 mois, il ne peut être délivré des formes non adap-
tées au nourrisson ; de même, à un enfant de moins de 15 ans, il ne peut être
délivré une forme destinée à l’adulte.
Le pharmacien doit recommander la prudence lors de l’administration chez
l’enfant et surtout le nourrisson (grande sensibilité aux bases xanthiques), car
elle peut provoquer l’apparition de convulsions et d’accidents neurologiques
pouvant laisser des séquelles irréversibles, voire entraîner le décès (circonstance
décrite avec une posologie de 20 mg/kg en suppositoires). L’administration
sera également prudente en présence d’une affection cardiovasculaire sévère
(hypertension, insuffisance coronarienne…), d’une hyperthyroïdie ou d’une
insuffisance hépatique. Une tachycardie peut être observée chez la femme
enceinte traitée, ainsi qu’une hyperexcitabilité chez le nouveau-né. La théo-
phylline occupe une place de moins en moins importante (marge thérapeu-
tique étroite nécessitant un contrôle systématique des taux sanguins).
Il faudra reconnaître les spécialités associant la théophylline ou l’aminophyl-
line à d’autres principes actifs ; ex. : les corticoïdes, les sympathomimétiques,
les antitussifs d’action centrale, les fluidifiants bronchiques, les médicaments
atropiniques, certains sédatifs (barbituriques en particulier), dont la présence
peut entraîner des risques supplémentaires. Cette remarque est applicable aux
bases xanthiques associées.
Il est utile de détecter les principaux effets indésirables induits par les broncho-
dilatateurs. Ils peuvent être d’ordre digestif (douleurs épigastriques, nausées,
vomissements), d’ordre central et neurologique (céphalées, excitations, insom-
nie, irritabilité, anxiété), cardiovasculaires (tachycardie sinusale, voire troubles
du rythme ventriculaire) et urinaires (rétention d’urine). Ces effets témoignent
d’un surdosage. Chez l’enfant, l’apparition de convulsions signe une intoxica-
tion pouvant laisser des séquelles neurologiques. La prise simultanée d’exci-
tants (café, thé) peut exacerber ces effets.
L’emploi d’un aérosol est efficace s’il est bien utilisé : certaines spécialités ren-
fermant du bromure d’ipratropium (Atrovent, Bronchodual) peuvent induire des
bronchospasmes, tandis qu’une mauvaise utilisation d’un 2-stimulant comme
le fénotérol (Berotec), peut avoir des conséquences dramatiques (décès enregis-
trés en Nouvelle-Zélande et en Australie).

l Les corticoïdes
Ils constituent l’un des traitements de fond majeurs de l’asthme. Les corti-
coïdes peuvent être indiqués lors d’une crise sévère, mais ils n’ont pas d’effet
immédiat ; l’effet est maximum 3 à 4 heures après une administration IV. Le
choix du corticoïde tient compte du degré de l’effet anti-inflammatoire et des
effets secondaires. 50 % des sujets asthmatiques sont corticorésistants. Pour un
traitement au long cours, la présentation aérosol-doseur est préférable, bien
que ce moyen thérapeutique présente des déficiences liées aux difficultés de la
technique d’inhalation. Les corticoïdes inhalés (ex. : Pulmicort Turbuhaler) peu-
vent être associés aux bronchodilatateurs ; si l’asthme n’est pas contrôlé mal-
gré cette association, une corticothérapie par voie générale sera instaurée. La
corticothérapie orale n’est utilisée que pour les asthmes sévères persistants,
lorsque les autres thérapeutiques sont inefficaces.
Le pharmacien préviendra le patient de la survenue de certains effets indésirables
consécutifs à une aérosol-thérapie tels une gêne bucco-pharyngée en début de
traitement et une raucité de la voix (l’une et l’autre habituellement réversibles).
128 III. Les maladies pulmonaires

Une candidose oro-pharyngée apparaît chez 5 à 15 % des sujets (adultes en


particulier). La survenue de cette candidose dépend à la fois de la posologie et
de la fréquence d’administration. Elle peut être prévenue partiellement par
l’emploi d’une chambre d’inhalation. Les patients atteints de candidose peu-
vent poursuivre les aérosols en prenant la précaution de se rincer la bouche
après l’inhalation et en associant éventuellement un gargarisme.
Remarque : il n’est pas certain que la fréquence de la dysphonie puisse être
réduite par l’utilisation d’une chambre d’inhalation ; cet enrouement est partiel
et les patients se plaignent rarement des modifications mineures de la voix,
face à l’amélioration respiratoire. Dans le cas contraire, le pharmacien devra
simplement rassurer le malade.
Le traitement par aérosols ne protège pas des effets secondaires de type systé-
mique qui peuvent se traduire par des anomalies touchant le métabolisme, la
croissance chez l’enfant, l’activité surrénalienne, ou le système oculaire (cata-
racte). L’efficacité de la corticothérapie chez les petits enfants (nourrissons et
enfants de moins de 5 ans) est considérablement améliorée par l’utilisation
du Babyhaler qui permet un contrôle des doses plus précis et une meilleure
observance.

l Les associations fixes


Elles simplifient le traitement de l’asthme persistant. Il a été montré qu’une
association fixe (corticoïde inhalé    -2 agoniste de longue durée d’action)
assure un meilleur contrôle de la fonction respiratoire, réduit les exacerbations
et améliore la qualité de vie comparativement à des patients traités par mono-
thérapie. L’observance, qui demeure un problème pour tout asthmatique, est
améliorée, notamment chez les jeunes patients.

Remarques générales concernant le traitement de fond


Chez l’enfant, il faudra distinguer le traitement de fond de la prise en charge
des phases d’exacerbation aiguë. Un traitement de fond doit être mis en place
après la crise, de façon à éviter tout risque de récidive et de dégradation de la
fonction respiratoire. Les paliers du traitement de fond sont les suivants :
l contrôle de l’environnement avec éloignement des animaux à poils et à plumes,

éviction des acariens et arrêt du tabagisme passif ;


l traitement « d’adaptation » par antihistaminiques H1 et/ou cromones pour

réduire le niveau d’hyperréactivité bronchique ;


l tentative d’hyposensibilisation spécifique (3 allergènes au maximum) et mise en

route, si nécessaire, d’un traitement bronchodilatateur à action prolongée ;


l corticothérapie inhalée permettant d’inhiber le développement du processus

inflammatoire propre à la maladie.


Remarque : en pratique, il est préconisé d’utiliser une chambre d’inhalation
ou un générateur d’aérosol chez le nourrisson et chez l’enfant de moins de
5 ans ; un inhalateur de poudre ou une chambre d’inhalation pour l’enfant de
plus de 5 ans et, à l’adolescence, un aérosol doseur conventionnel.
Une climatothérapie en cures courtes (3 semaines) ou longues (plusieurs
mois) peut être associée au traitement de fond.
L’allergie et l’infection doivent constamment être combattues, ainsi que les
affections respiratoires associées à un bronchospasme ; 80 % des asthmatiques
ont une rhinite allergique associée qui doit être traitée, car elle augmente la
13. L’asthme 129

fréquence des crises, les hospitalisations et le recours en urgence aux


2-mimétiques (le montélukast agit à la fois sur l’asthme et les symptômes de
la rhinite).
Le pharmacien devra également prévenir le patient des dangers de l’auto-
médication, en particulier, lors d’une prise irrationnelle de certains antibioti-
ques dont l’usage répété peut entraîner une sensibilisation avec des
manifestations secondaires disproportionnées ; c’est particulièrement le cas
avec les -lactamines, les sulfamides, le chloramphénicol, la rifampicine, les
polypeptides, les céphalosporines et les antistaphylococciques majeurs.
L’improvisation thérapeutique est, en effet, fréquente chez certains patients
asthmatiques qui n’acceptent pas toujours les contraintes du traitement ou qui
– parce que l’amélioration de la symptomatologie semble maîtrisée – décrètent
pouvoir suspendre, voire abandonner la thérapeutique. Le pharmacien devra
mettre en garde le malade contre les dangers de l’automédication, qui
concerne par exemple l’administration de théophylline (en suppositoires sur-
tout) et des 2-stimulants sous forme de spray. La vigilance devra être renforcée
contre la tendance à augmenter à la fois la fréquence d’administration et les
doses des corticoïdes.
IV
Les maladies en
hépato-gastro-
entérologie et en
proctologie

14 La dyspepsie 133

15 La gastrite 137

16 Les épigastralgies 139

17 L’indigestion 141

18 Le reflux gastro-œsophagien 143

19 L’ulcère gastro-duodénal 151

20 Les diarrhées 159

21 La constipation 167

22 Les hémorroïdes 177


Le pharmacien est presque quotidiennement sollicité pour prodiguer des
conseils se rapportant à la manifestation de troubles fonctionnels variés, d’ori-
gine digestive. Le traitement de certains d’entre eux (indigestion, constipation,
diarrhées, dyspepsie) relève essentiellement de mesures hygiénodiététiques ;
d’autres symptômes, au contraire, témoignent de pathologies plus graves
(ulcères, cancer). Dans les deux cas, ces troubles fonctionnels ne doivent jamais
être négligés, car même d’apparence bénigne, ils peuvent être l’expression
d’une maladie à évolution silencieuse et de pronostic très péjoratif. Le pharma-
cien saura orienter précocement le sujet vers la consultation médicale.
14 La dyspepsie

La dyspepsie est un trouble fonctionnel digestif fréquent. Elle est définie comme
une digestion difficile, quelle qu’en soit la cause.

La pathologie
Symptomatologie
La dyspepsie est caractérisée par une sensation de « non-digestion » ou de
« non-vidange gastrique » avec une pesanteur épigastrique en période postpran-
diale. Durant cette même période, le sujet ressent des brûlures, des crampes épi-
gastriques avec des éructations et une sensation de ballonnement. Le patient
avouera ressentir très fréquemment une satiété précoce et une lenteur de la
digestion ; il parlera aussi d’aérophagie (air dégluti) plutôt que d’éructations. La
douleur peut être aggravée ou soulagée par la prise de nourriture. Certains
patients décrivent un pyrosis (sensation de brûlure qui part de l’épigastre,
remonte l’œsophage jusqu’à la gorge et s’accompagne d’éructations et de ren-
voi d’un liquide acide et brûlant). D’autres symptômes peuvent parfois être asso-
ciés tels une anorexie, des nausées ou une modification du transit intestinal. Des
troubles de l’humeur à type d’anxiété ou de dépression ne sont pas rares. Le
pyrosis est aussi un signe caractéristique du diagnostic positif du reflux gastro-
œsophagien (cf. infra).
La dyspepsie doit être distinguée de la gastrite chronique qui est définie uni-
quement sur la base de données anatomopathologiques.

Étiologie
Le diagnostic de dyspepsie n’est porté qu’après avoir éliminé formellement une
lésion organique gastro-duodénale. Plusieurs mécanismes physiopathologiques
peuvent être évoqués : un retard à l’évacuation gastrique, une altération de la
muqueuse gastro-duodénale, un reflux duodéno-gastrique, ou certaines affec-
tions digestives connues : la constipation chronique ou une colopathie fonction-
nelle peuvent déclencher (ou être associées à) une dyspepsie ; elles devront être
traitées en même temps. Il existe des facteurs favorisants que le pharmacien
pourra déceler, en particulier les erreurs diététiques. Les troubles dyspeptiques
peuvent accompagner des pathologies comme : une ischémie cardiaque (dans
ce cas, ils seront accentués par l’effort), un reflux gastro-œsophagien, un spasme
œsophagien diffus (en particulier s’il existe une dysphagie), une maladie ulcé-
reuse ou une lithiase vésiculaire, une anxiété, une névrose…
Remarque : la prévalence de l’infection par Helicobacter pylori semble élevée
chez les patients dyspeptiques ; néanmoins, aucun profil symptomatique spéci-
fique de l’infection n’est actuellement identifié. Il n’existe pas de preuve suffi-
sante de l’efficacité de l’éradication de la bactérie sur l’évolution des symptômes
de dyspepsie fonctionnelle.
134 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Le conseil face à la pathologie


Si les troubles dyspeptiques sont fréquents, et le plus souvent réductibles grâce
à une attitude thérapeutique simple, le pharmacien doit se souvenir que cer-
taines gastrites vraies (inflammation de la muqueuse gastrique conduisant à
l’érosion puis l’ulcération) et certains cancers gastriques peuvent évoluer à bas
bruit pendant quelque temps, avec cette seule symptomatologie dyspeptique.
Cette éventualité devra donc imposer la plus grande prudence lors du conseil
à l’officine ; l’interrogatoire permettra de justifier la prescription d’un médi-
cament et il sera d’autant plus essentiel que les symptômes sont d’apparition
récente chez un sujet âgé.

La thérapeutique
Le traitement des troubles dyspeptiques est purement symptomatique s’il n’existe
pas d’affection organique sous-jacente. La classification de la dyspepsie en sous-
groupes, selon les symptômes (pseudo-ulcéreuse, motrice et non spécifique), ne
permet pas actuellement de guider le clinicien dans ses choix thérapeutiques.
À ce jour, il n’y a pas d’arguments suffisants pour valider l’efficacité des anti-
ulcéreux dans les différentes situations recouvrant l’appellation de dyspepsie.
Aucun antiulcéreux n’a d’AMM dans le traitement de la dyspepsie.

Le conseil face à la thérapeutique


La thérapeutique de la dyspepsie est essentiellement représentée par des mesu-
res hygiénodiététiques et la prescription de médicaments adaptés à l’expression
clinique : pansements gastriques, antispasmodiques, enzymes, médicaments gas-
trokinétiques et parfois, des sédatifs généraux. Les troubles fonctionnels associés
(et leurs causes) seront bien entendu traités.

Les mesures hygiénodiététiques


Le pharmacien a un rôle important car il doit persuader le patient que les mesu-
res hygiénodiététiques sont fondamentales et primordiales dans le traitement de
la dyspepsie.

Les conseils d’hygiène de vie


Le patient doit mener une vie régulière en évitant les facteurs de stress ; l’acti-
vité physique doit être optimale ; un sport hebdomadaire et la relaxation
(yoga) sont conseillés.

Les conseils diététiques


l Les repas doivent être pris de façon détendue, lentement, à heures régulières.
Les aliments doivent être mastiqués soigneusement. Il faut privilégier le petit-
déjeuner (très souvent supprimé chez ces patients) et le déjeuner (souvent réduit
à un sandwich).
14. La dyspepsie 135

Le patient veillera à consommer une alimentation rationnelle et préparée simple-


l

ment, en évitant les fritures, les sauces, les excitants (café, thé), les boissons
alcoolisées (apéritifs), les épices, les charcuteries et tous les aliments riches en
déchets cellulosiques. Le tabac doit également être proscrit.
Le traitement médicamenteux
Le pharmacien saura expliquer au malade que la prise de médicaments ne peut
pas guérir les troubles dyspeptiques ; ils peuvent constituer un appoint de
confort ou calmer certains symptômes.

Première circonstance
La symptomatologie met surtout en évidence une pesanteur épigastrique, une
lenteur à la digestion et des éructations.
Une consultation médicale conduira à la prescription d’un médicament favo-
risant l’évacuation gastrique comme Primpéran, Motilium ou Génésérine ; une
préparation enzymatique (Amylodiastase*, Entecet*, etc.) peut aider la
digestion.

Deuxième circonstance
La symptomatologie met en évidence des brûlures digestives et un certain
degré d’anxiété. Une consultation médicale conduira à la prescription d’un
pansement gastrique (Maalox, Phosphalugel…), d’un médicament renforçant la
barrière muqueuse (Ulcar) et d’un sédatif général (Valium, Equanil, Calcibronat*,
etc.).
À l’officine, le pharmacien pourra conseiller, dans le même contexte clinique,
par exemple : Rennie*.
Remarque générale : dans tous les cas, la chronicité des troubles fonctionnels
à type de dyspepsie doit conduire à la consultation médicale.

Les autres traitements


La crénothérapie peut parfois être conseillée, selon l’expression de la patholo-
gie : Vichy, Chatelguyon, Plombières ; la psychothérapie peut aider le malade à
lutter contre le stress et contribuer à une meilleure adhésion thérapeutique.
15 La gastrite

Lorsqu’il n’existe pas de preuve endoscopique et histologique (biopsie) de l’exis-


tence d’altérations inflammatoires de la muqueuse gastrique (avec une évolution
chronique), la gastrite se confond avec la dyspepsie. En effet, il n’existe pas de
preuve que la gastrite chronique soit symptomatique. II n’est pas inutile cepen-
dant de préciser certains caractères de la « gastrite simple ».

Symptomatologie
Elle révèle des brûlures épigastriques, qui surviennent immédiatement après cer-
tains repas (ce qui les différencie des douleurs ulcéreuses). Les brûlures sont aug-
mentées par les crudités, les aliments acides, les jus de fruits, le miel, la confiture
ou certains vins.

Cause
Elle est souvent inconnue. Certains facteurs favorisants sont bien décrits : repas
de cantine ou de restaurant, absorption rapide (sans mastication) des aliments,
ingestion importante de boissons (surtout gazeuses) au moment des repas ; sou-
vent encore, le sujet est neurotonique, surmené et grand fumeur. Le pharmacien
retiendra aussi le fait que certains médicaments peuvent être la cause de la gas-
trite, en particulier, les corticoïdes, la phénylbutazone, l’aspirine, les dérivés sali-
cylés, les laxatifs irritants… Enfin, une gastrite chronique peut encore avoir une
origine génétique, immunologique, toxique ou infectieuse (ex. : H. pylori).

Règles hygiénodiététiques
À l’heure actuelle, aucune étude ne permet de préciser la conduite thérapeu-
tique dans la gastrite chronique. Les règles hygiénodiététiques sont primordia-
les. Elles sont identiques à celles préconisées dans le traitement de la dyspepsie.
16 Les épigastralgies

La pathologie
Les épigastralgies ou gastralgies sont des douleurs de l’estomac bien décrites par
le malade et localisées au niveau de l’épigastre. Cette symptomatologie doit être
connue du pharmacien car parmi les causes des gastralgies, la cause iatrogène
est assez fréquente. À l’interrogatoire, le pharmacien saura différencier une épi-
gastralgie de la douleur (d’installation ou d’évolution) typique d’un ulcère gas-
tro-intestinal (cf. infra).

Le conseil face à la pathologie


Le pharmacien fera préciser au patient, grâce à un petit interrogatoire, la notion
de prise ancienne, importante et/ou très régulière, de certains médicaments. Les
épigastralgies peuvent, en effet, être induites par des médicaments comme les
AIS ou les AINS (aspirine incluse) mais encore par des médicaments gastro-inci-
sifs comme certains antibiotiques (érythromycine), les hypoglycémiants oraux
(les biguanides), ou les antiparkinsoniens (L-dopa).
Le pharmacien saura relier le déclenchement des douleurs avec l’absorption de
certains aliments : les mets épicés, gras ou sucrés (confiture, miel), certains fruits
acides (oranges), ou la prise de boissons alcoolisées (apéritifs, vin blanc, bière).

La thérapeutique
Le traitement des épigastralgies associe des règles hygiénodiététiques à des
médicaments à visée symptomatique.

Le conseil face à la thérapeutique


Les mesures hygiénodiététiques sont directement liées aux causes déclenchantes
des douleurs. Elles viseront donc à éviter la prise des aliments incriminés et des
boissons algogènes.
Les médicaments du traitement à visée symptomatique sont représentés
par les pansements antiacides ((Maalox*, Phosphalugel*, Rennie*, etc.), des
médicaments alcalinisants, des vagolytiques (teinture de belladone, teinture de
jusquiame).
Il est toujours difficile de sélectionner un médicament dans sa classe ; en
pratique, tous peuvent être essayés. Ils sont souvent choisis en fonction de leur
présentation et de leur goût.
Les médicaments sont administrés au moment des douleurs ; leur rythme
d’administration est donc réglé par le patient : le pharmacien indiquera avec
précision la posologie journalière maximale ainsi que le risque toujours possible
d’effets indésirables. Bien entendu, la prise d’autres médicaments doit toujours
être faite à distance (2 heures environ).
140 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

La femme enceinte a souvent des brûlures d’estomac qu’il faut traiter par des
recommandations simples : le décubitus dorsal doit être évité en utilisant des
oreillers ; la femme enceinte doit plier les jambes pour se baisser et éviter de se
pencher en avant. Les repas doivent être fractionnés en évitant la consomma-
tion de graisses, de jus de fruits acides ou de chocolat. La patiente ne doit pas
se coucher immédiatement après le repas. Les pansements gastriques antiacides
peuvent être prescrits raisonnablement. Il faut déconseiller absolument l’auto-
médication car ces médicaments sont le plus souvent composés de plusieurs
substances qui peuvent perturber l’équilibre hydroélectrolytique.
17 L’indigestion

L’indigestion est un accident passager correspondant à une intolérance gastrique ;


elle est souvent confondue ou assimilée à la « crise de foie ». En fait, il n’existe
aucun lien réel entre les plaintes exprimées par le malade et une anomalie objec-
tive hépato-biliaire ou digestive. Cependant, si la crise de foie est mythique, le
tableau clinique est toujours bien décrit par le malade.

La pathologie
Symptomatologie
Il existe le plus souvent une notion de déclenchement alimentaire qui peut être
dû au chocolat, à la graisse, à l’alcool, à des fruits (ex. : cerise…). Le malade se
plaint de douleurs de l’hypocondre droit, de céphalées (hémicrânie ou céphalées
sus-orbitaire ou globale) souvent pulsatiles obligeant à l’arrêt de l’activité et à
l’alitement dans l’obscurité. Il a souvent des nausées et des vomissements
d’abord alimentaires, puis bilieux. Le patient dira fréquemment qu’il a « le
foie fragile » et que « c’est de famille » (les parents ou la fratrie souffrent du
même mal).

Étiologie
Plusieurs causes peuvent être évoquées ; les plus fréquentes sont : une dyspep-
sie, une colopathie fonctionnelle, une lithiase vésiculaire, une duodénite, une
migraine, une crise d’anxiété, mais aussi… un écart diététique inhabituel. Si
l’une de ces causes est reconnue, elle devra être traitée spécifiquement.

Le conseil face à la pathologie


Le pharmacien sera sollicité par le patient pour la délivrance d’un médicament
« contre l’indigestion ou la crise de foie ». Souvent, le malade indiquera lui-
même une spécialité qu’il a déjà éprouvée. Dans tous les cas, le pharmacien
n’oubliera pas de préconiser certaines mesures diététiques simples.

La thérapeutique
Attitude thérapeutique
De nombreux médicaments peuvent être proposés, avec une efficacité variable.
Les médications à visée digestive sont souvent employées et parfois très utiles
pour traiter l’indigestion « banale » et inhabituelle qui résulte le plus souvent
d’un excès alimentaire ou d’une aberration diététique.
142 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Le conseil face à la thérapeutique


Le pharmacien sera pratiquement toujours la première personne consultée
quand un sujet souffre d’une indigestion banale. Il s’agit, dans le cas le plus
fréquent, d’un patient en bonne santé, sans traitement médical particulier.
Quelle que soit l’expression symptomatique de l’indigestion, le pharmacien
pourra préconiser des mesures diététiques simples : une diète hydrique avec
prise de bouillon de légumes, jus de fruits, eaux minérales : Vichy, Évian, Vittel
et la reprise de l’alimentation 24 à 36 heures plus tard, de préférence avec un
régime d’abord lacté et végétarien ; puis le régime sera progressivement élargi.
Le pharmacien pourra conseiller des médications à visée digestive, en particu-
lier des médicaments cholagogues (Schoum*, etc.) et/ou cholérétiques
(Oxyboldine*). Certaines spécialités précédemment citées possèdent également
des propriétés antalgiques ; d’autres sont aussi antipyrétiques comme Alka
Seltzer*. Les antiacides peuvent être prescrits car une dyspepsie est souvent
associée. Fréquemment, le patient lui-même propose « son » médicament qui
« lui réussit bien ».
18 Le reflux
gastro-œsophagien
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) se traduit par la remontée anormale du
contenu gastrique et/ou duodénal dans l’œsophage, en dehors d’un effort de
vomissement. Le syndrome de reflux chlorhydropeptique (et/ou biliopancréa-
tique) gastro-œsophagien est responsable d’une symptomatologie très souvent
évocatrice. La conséquence du reflux gastro-œsophagien est l’œsophagite
(inflammation de la muqueuse œsophagienne, avec existence de lésions érosives
ou d’ulcérations de la muqueuse œsophagienne dues au RGO) qui peut évoluer
en quatre stades : œsophagite congestive, œsophagite ulcérée, œsophagite
ulcéro-hémorragique et sclérose inflammatoire évolutive avec sténose irréversible.
La fréquence de l’œsophagite dans la population générale est de 2 à 5 %. Les
érosions œsophagiennes peuvent conduire à un mécanisme de réparation : l’en-
dobrachyœsophage (ou muqueuse de Barrett), qui correspond à un remplace-
ment progressif de la muqueuse malpighienne de l’œsophage par une muqueuse
de type glandulaire ; cet état multiplie par un facteur 30 à 40 le risque de cancer
de l’œsophage. Le reflux gastro-œsophagien existe physiologiquement pendant
la période postprandiale et a minima pendant la nuit, mais il n’est pas perçu par
le sujet. Lorsqu’il est symptomatique, il devient pathologique ; dans la plupart
des cas (80 %) il est de gravité moyenne et à caractère acide, dans les autres cas,
il est plus grave et de caractère alcalin. L’incidence du reflux gastro-œsophagien
augmente avec l’âge. Le reflux gastro-oesophagien est un phénomène physiolo-
gique chez le nourrisson ; il tend à diminuer avec l’âge et doit être distingué du
reflux gastro-oesophagien acide pathologique.

La pathologie
Symptomatologie
Le diagnostic positif est établi sur l’existence de plusieurs symptômes caractéris-
tiques dont certains d’entre eux ne doivent pas échapper au pharmacien : un pyro-
sis plutôt rétroxyphoïdien ascendant qui survient en période postprandiale, favorisé
par le décubitus ou l’antéflexion ; des régurgitations souvent nocturnes et acides ;
une dysphagie modérée qui se manifeste ici par une simple gêne à la déglutition
des aliments. D’autres symptômes peuvent être associés : une éructation, un hoquet
et une dyspnée en cas de hernie hiatale ; une toux quinteuse et une dyspnée asth-
matiforme ; un enrouement ; des douleurs thoraciques pseudo-angineuses.

Étiologie et facteurs déclenchants


Causes
Le reflux résulte de la défaillance du système gastro-œsophagien. Dans un tiers
des cas, la déficience est isolée au niveau du sphincter inférieur de l’œsophage.
Les causes les plus fréquentes sont : la hernie hiatale par glissement, une malposi-
tion cardiotubérositaire, une intervention chirurgicale digestive (ex. : gastrectomie
144 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

distale), une pose de sonde gastrique qui peut engendrer ultérieurement un reflux
gastro-œsophagien et la sclérodermie généralisée avec atteinte œsophagienne.
Remarque : à ce jour, il n’existe pas de relation établie entre l’infection à
Helicobacter pylori et le RGO compliqué ou non.

Facteurs favorisants
Hormis la diminution du péristaltisme œsophagien, il existe des facteurs exté-
rieurs que le pharmacien ne doit pas méconnaître : certains médicaments comme
la théophylline, les -bloquants, les inhibiteurs calciques, les médicaments anti-
cholinergiques (antispasmodiques, antiparkinsoniens…) et les œstroprogestatifs
diminuent la motricité œsophagienne ou provoquent la relaxation du sphincter
inférieur ; de même, l’absorption de nitrites, le tabac, la caféine et la dénutrition.

Le RGO du nourrisson
Les renvois et les régurgitations sont des symptômes extrêmement fréquents
chez le nourrisson. Le renvoi correspond au petit rejet de lait qui accompagne
souvent le rot (il s’agit alors du RGO physiologique), tandis que la régurgitation
correspond à des rejets plus importants et plus fréquents.
Le RGO physiologique et asymptomatique est fréquent chez le nourrisson au
cours de la première année (30 % des nourrissons) ; il est dû à une défaillance
des mécanismes physiologiques anti-reflux. Il s’agit d’une pathologie motrice du
tube digestif, fonctionnelle et maturative ; une cause anatomique est exception-
nellement en cause. Le RGO se caractérise cliniquement par des régurgitations
postprandiales précoces, tardives ou à distance des repas. Celles-ci sont le plus
souvent très bien tolérées par le nourrisson, malgré des volumes qui peuvent
être importants.
On considérera des régurgitations comme étant physiologiques :
n lorsqu’elles surviennent immédiatement après la tétée ou dans les 2 heures
qui la suivent, mais pratiquement jamais pendant le sommeil ;
n lorsque l’appétit est conservé et que la courbe de croissance est normale ;
n lorsque les régurgitations ne s’accompagnent d’aucun autre signe fonctionnel.
Le RGO acide pathologique est accompagné de complications à type d’œso-
phagite ou de manifestations extra-digestives (ORL, respiratoires, neurologique).
Le RGO devient pathologique quand les régurgitations persistent malgré l’appli-
cation de mesures hygiénodiététiques simples (cf. infra).La relation de cause à
effet entre manifestations extra-digestives et RGO acide n’est pas établie. La pH-
métrie œsophagienne peut être utile pour identifier un RGO pathologique.

Le conseil face à la pathologie


Cas du patient connu (ou non) chez qui la maladie s’exprime a minima
Dans ce cas, le pharmacien ne doit pas favoriser la persistance des symptômes
en banalisant les signes cliniques, mais au contraire, il cherchera à faire préciser
l’ancienneté et l’évolution de la maladie ; si ces caractères sont présents, le
pharmacien incitera à la consultation médicale.
18. Le reflux gastro-œsophagien 145

Cas du patient régulièrement traité pour cette maladie


Devant le réveil de la maladie, la seule recommandation est la consultation
médicale.

Cas du patient connu mais traité pour une autre pathologie


Dans cette circonstance, le symptôme peut être d’origine iatrogène, ou bien il
traduit l’installation d’une pathologie gastrique. Dans les deux cas, le pharma-
cien doit inciter le patient à consulter son médecin.

Cas du nourrisson souffrant de régurgitations importantes


Dans cette circonstance, le pharmacien devra s’assurer des signes de mauvaise
tolérance du RGO, afin de mieux évaluer la nécessité d’une consultation
médicale. Ces signes sont les suivants :
l difficultés d’alimentation avec refus du biberon, dysphagie, régurgitations

sanglantes ;
l épisodes de surinfections ORL (laryngite, rhino-pharyngite, sinusite, otite) ;

l pneumopathies d’inhalation, secondaires à des reflux le plus souvent massifs ;

l asthme du nourrisson ;

l retard de croissance ;

l malaises du nourrisson pouvant aller jusqu’à l’apnée et la bradycardie sévère.

La thérapeutique
Le traitement médical, instauré en première intention dans la plupart des cas, a
pour but d’augmenter la résistance de la muqueuse œsophagienne et de dimi-
nuer la fréquence des épisodes de reflux. Selon l’intensité des symptômes, la
thérapeutique associera ou non des règles hygiénodiététiques et un traitement
médicamenteux ; la stratégie thérapeutique dépend de la symptomatologie et
du stade de gravité.
Les médicaments agissent sur la motricité œsophagogastrique (Motilium,
Primpéran…), sur la sécrétion acide (Raniplex, Tagamet, etc.) ou renforcent la résis-
tance de la barrière muqueuse (Ulcar). En cas de reflux acide avec une œsophagite
sévère associée, les inhibiteurs de la pompe à protons (Mopral, Lanzor…), les anti-
histaminiques H2 comme la cimétidine (Tagamet), la famotidine (Pepdine,
Pepcidac*) ou la ranitidine (Azantac, Raniplex) sont prescrits. La prise en charge thé-
rapeutique du RGO et de l’œsophagite s’effectue selon une stratégie « pas à pas »,
en privilégiant toujours en premier les règles hygiénodiététiques. L’association d’an-
tiacides aux IPP n’est pas justifiée, sauf pendant les premiers jours du traitement par
IPP, le temps que l’effet antisécrétoire soit maximal.
L’attitude thérapeutique fondée sur les recommandations émises par l’Afssaps
est décrite dans les points suivants.

Traitement du RGO de l’adulte


RGO sans œsophagite
L’objectif du traitement est symptomatique.
146 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Traitement initial à court terme


n si les symptômes sont typiques et espacés ( 1 fois/semaine), il est recommandé
d’utiliser ponctuellement et indifféremment un traitement d’action rapide :
l soit un antiacide,

l soit un alginate,

l soit un anti-H (cimétidine, ranitidine, famotidine) en 1 à 3 prises par jour.


2
Les IPP ne sont pas recommandés, car leur effet n’est pas immédiat ;
n si les symptômes sont typiques et rapprochés (une fois par semaine ou plus), il
est recommandé de prescrire un IPP demi-dose (sauf oméprazole à pleine dose)
habituellement pendant 4 semaines. En cas d’inefficacité, une endoscopie diges-
tive haute doit être réalisée.

Chez les patients de moins de 60 ans ayant une symptomatologie typique


et en absence de signe d’alarme
Si les symptômes sont typiques et espacés, les antiacides, les alginates et, parmi
les antiulcéreux, les anti-H2 faiblement dosés (cimétidine 200 mg/j, ranitidine
75 mg/j) sont recommandés à la demande. Ce tableau clinique correspond à celui
des malades qui ne consultent pas et qui pratiquent l’automédication (cimétidine
200 mg/j, famotidine 10 mg/j). Les antiacides et les alginates, qui ne sont pas
concernés par ces recommandations, sont aussi utilisés en automédication.
Si les symptômes sont typiques et rapprochés (une fois par semaine ou plus),
un traitement continu doit être administré pendant environ 4 semaines. Un IPP
à demi-dose, un anti-H2 à dose standard sont recommandés. Le cisapride (non
concerné par les recommandations) peut-être une alternative aux antisécrétoires.
En cas de disparition des symptômes, le traitement doit être arrêté. En cas d’inef-
ficacité ou de récidive précoce, une endoscopie digestive doit être réalisée.

Chez les patients de plus de 60 ans ou ayant des symptômes atypiques ou


ayant des symptômes d’alarme
En l’absence d’œsophagite ou en présence d’une œsophagite non sévère (perte
de substance isolée ou multiple, mais non circonférentielle), un traitement de
4 semaines par antisécrétoire, de préférence IPP (demi-dose ou dose standard),
doit être proposé. Si l’endoscopie avait été justifiée par un échec du traitement
initial, un IPP à dose standard doit être prescrit. En cas d’amélioration des symp-
tômes, une endoscopie de contrôle n’est pas nécessaire.
Dans les œsophagites sévères, les IPP sont recommandés en première inten-
tion à dose standard pendant 8 semaines. Une endoscopie de contrôle peut être
utile à la fin du traitement, dans le but de vérifier la cicatrisation des lésions ana-
tomiques. En cas de non-cicatrisation, une augmentation de la posologie doit
être proposée.

Dans les cas particuliers de manifestations atypiques extradigestives


Il est recommandé d’utiliser un traitement par IPP à doses standard pendant 4
à 8 semaines. Un traitement à posologie double de la dose standard peut être
proposé en seconde intention, si le diagnostic de RGO est certain et si les symp-
tômes ne sont pas améliorés par les doses standards.
18. Le reflux gastro-œsophagien 147

Traitement à long terme du RGO


En cas de rechutes fréquentes ou précoces à l’arrêt du traitement chez les
patients n’ayant pas d’œsophagite, le retentissement sur la qualité de vie impose
un traitement d’entretien par IPP en recherchant la dose minimale efficace.
Un traitement par IPP peut être proposé selon une modalité dite « à la
demande » (prise quotidienne pendant les périodes symptomatiques) chez des
patients sans œsophagite, après un traitement initial efficace par IPP pendant
4 semaines.

RGO avec œsophagite


Traitement de cicatrisation
En cas d’œsophagite non sévère, l’objectif du traitement est symptomatique. Les
IPP sont recommandés en première intention à demi-dose (sauf oméprazole à
pleine dose) pendant 4 semaines. En cas de persistance des symptômes, il est
recommandé de prescrire une pleine dose.
En cas d’œsophagite sévère (circonférentielle), les IPP sont recommandés en
première intention à pleine dose en prise quotidienne unique pendant 8 semai-
nes. L’intérêt d’une double dose n’a pas été démontré. Une endoscopie de
contrôle est recommandée à la fin du traitement, dans le but de vérifier la cica-
trisation des lésions anatomiques.
En cas de non-cicatrisation et sous réserve d’une bonne observance du traite-
ment, une augmentation de la posologie doit être proposée.
Prévention des récidives
n En cas d’œsophagite non sévère avec rechutes fréquentes ou précoces à l’arrêt du
traitement, un traitement d’entretien par IPP à dose minimale efficace (demi-
dose, si possible) est indiqué.
Le traitement à la demande n’est pas indiqué après cicatrisation d’une
œsophagite.
n En cas d’œsophagite sévère : en raison de la récidive quasi constante des symp-
tômes et des lésions oesophagiennes à l’arrêt des antisécrétoires, il est recom-
mandé de prescrire au long cours un IPP à dose minimale efficace (à demi-dose
si possible).
n En cas de complications : la sténose peptique doit être traitée en continu par
IPP, à pleine dose. En cas de dysphagie associée à la sténose, une dilatation
endoscopique doit être associée au traitement médical.
L’endobrachyœsophage symptomatique ou associé à une œsophagite doit être
traité par IPP. Les formes non symptomatiques et sans œsophagite ne nécessitent
pas de traitement. Les antisécrétoires au long cours et la chirurgie ne permettent
pas de prévenir l’apparition d’une dysplasie ou d’un cancer. Ces traitements ne
modifient donc pas les indications et les modalités de la surveillance endoscopi-
que et histologique.

Traitement du RGO du nourrisson (28 jours à 18 mois)


Le RGO physiologique se manifeste principalement par des régurgitations. Ces
symptômes ont été rapportés chez près des deux tiers des enfants vers l’âge de
4-5 mois, diminuant rapidement pour ne toucher qu’un quart des nourrissons à
148 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

6-7 mois et moins de 5 % à 12 mois. Dans cette forme clinique les antisé-
crétoires n’ont aucune indication.
Le reflux sera en premier lieu pris en charge par des mesures hygiéno-
diététiques (rassurer la mère et/ou l’entourage, fractionner/diminuer le volume
des repas, épaissir les biberons, utiliser des laits anti-reflux).
Les régurgitations simples ne justifient pas de traitement par IPP.
Seul un RGO acide authentifié relève d’un traitement par IPP, pendant 2 à
3 mois. Aucun IPP n’a d’AMM chez l’enfant avant l’âge d’un an. Cependant, le
cas échéant, le traitement par IPP est recommandé même avant un an, en privi-
légiant les spécialités qui ont une AMM chez le petit enfant.

Le conseil face à la thérapeutique


Règles hygiénodiététiques
Recommandations générales d’hygiène
Le pharmacien conseillera la suppression des ceintures et des corsets serrés
(chez l’homme, le port de bretelles est recommandé). Les efforts physiques
devront être limités ; la sieste après le repas est déconseillée. Il sera préférable
de supprimer, ou au moins de limiter autant que possible, le travail nécessitant
une antéflexion prolongée (ex. : le ménage ou le jardinage). Le sommeil doit
s’effectuer en position demi-relevée (buste surélevé d’au moins 15 cm) pour
diminuer le reflux nocturne.

Recommandations diététiques
Il faut lutter contre la constipation et supprimer certains aliments : les mets
épicés ou vinaigrés, les plats en sauces, le chocolat, les aliments farineux, les
plats cuisinés riches en graisses et les boissons irritantes ou fortement stimula-
trices de la sécrétion acide (apéritifs, vin pur, boissons gazeuses, le café fort). Le
tabac doit être également banni car il réduit l’efficacité du sphincter inférieur
de l’œsophage. Un régime équilibré, hypocalorique chez l’obèse, est
nécessaire.

Conseils afférents aux médicaments


La première recommandation est sans aucun doute celle qui consiste à éviter l’admi-
nistration de médicaments favorisant le reflux comme les médicaments anticholi-
nergiques. Parmi ceux-ci il faudra bien entendu bannir les antispasmodiques
atropiniques proposés dans la prévention du mal des transports et/ou encore
dans les manifestations spasmodiques des voies digestives et hépatobiliaires
(Spasmodex) ; il faudra aussi prendre garde aux substances de type atropinique
associées à d’autres principes actifs, prescrites dans des indications variées
comme la diarrhée et l’entérocolite (Diarsed), ou comme antitussif et mucofluidi-
fiant (Pectoral). Les médicaments antispasmodiques anticholinergiques (seuls ou
associés) des colopathies fonctionnelles (Librax…) seront également déconseillés.
D’autres médicaments majeurs comme la théophylline, les -bloquants, les
inhibiteurs calciques et les œstroprogestatifs favorisent aussi le reflux.
La démarche thérapeutique consiste à augmenter la résistance de la muqueuse
œsophagienne. Pour ce faire, il faudra éviter l’usage des médicaments à effet
contraire, c’est-à-dire les corticoïdes et les AINS (en particulier l’aspirine) ;
18. Le reflux gastro-œsophagien 149

l’emploi des anticoagulants devra être évité car ces médicaments majorent le
risque hémorragique des lésions, même discrètes.
L’effet antisécrétoire des anti-H2 est rapide, bref, d’intensité modérée.
L’inhibition sécrétoire est surtout marquée pour la sécrétion acide basale. Le
temps avec pH  4 sur le nycthémère est d’environ 6 heures. Leur effet antisé-
crétoire diminue lors des traitements continus en raison d’un phénomène de
tolérance pharmacodynamique.
Les IPP ont une action antisécrétoire puissante, dose-dépendante, avec un
plateau atteint entre le 3e et le 5e jour de traitement. L’effet se maintient au
même niveau lors des traitements prolongés. Les IPP contrôlent mal l’acidité
nocturne. Les IPP maintiennent le pH gastrique au-dessus de 4 pendant 10 à
14 heures sur le nycthémère en fonction des principes actifs et de la posologie
utilisée.
Les IPP doivent être administrés en une prise avant le premier repas de la journée
pour obtenir un effet antisécrétoire maximal.
La biodisponibilité des IPP administrés par voie orale, bien que moyenne en
tout début de traitement, augmente rapidement en cours de traitement per-
mettant un contrôle rapide et efficace de la sécrétion acide. La voie orale est
donc recommandée en pratique quotidienne, en dehors des rares cas
d’impossibilité.
Les IPP ou les anti-H2 sont des classes thérapeutiques très bien tolérées. Il n’y
a pas d’effet rebond clinique à l’arrêt des traitements prolongés par IPP.
l La prescription de protecteurs de la muqueuse œsophagienne comme l’associa-

tion antiacide  alginate (Gaviscon*, etc.) assure un effet antiacide et antalgique


prouvé. Le métoclopramide (Anausin, Primpéran, etc.) est efficace sur la motricité
gastro-intestinale.
l La récidive est fréquente ( 75 %) à l’arrêt du traitement. Un traitement d’en-

tretien par un gel anti-reflux et/ou un stimulant de la motricité digestive peut


être proposé ; il donne généralement de bons résultats, mais un traitement d’en-
tretien par IPP à dose minimale efficace peut aussi être instauré (cf. supra :
recommandations Afssaps).
Dans tous les cas, une stratégie thérapeutique doit être adaptée :
l crises rares : antiacide (Maalox*, etc.) et/ou un alginate (Gaviscon*, etc.) au

moment de la douleur ;
l crises plus fréquentes : en première intention, un antiacide et/ou un alginate

(après chaque repas et au coucher) peut être prescrit avec un prokinétique


comme la dompéridone (1/4 d’heure avant les repas et au coucher) ; en
deuxième intention, si les symptômes persistent, un antisécrétoire, un anti-H2 à
faible dose ou un IPP (demi-dose, une fois par jour) peut être prescrit.
Remarque : seuls les patients reflueurs chroniques justifient un traitement
quotidien, généralement discontinu, car les périodes de rémission sont
fréquentes.

Exemples de circonstances cliniques


Le RGO est symptomatique, sans œsophagite
Les mesures hygiénodiététiques sont préconisées en première intention (rôle
du pharmacien conjugué à celui du médecin) avec l’utilisation d’un antiacide
(ex. : Gaviscon*). En cas d’inefficacité après une période d’un mois et malgré
l’adhésion du malade au traitement, un IPP a demi-dose sera prescrit.
150 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Le RGO est associé à une œsophagite par reflux


L’attitude thérapeutique est identique à la précédente pour le traitement du
RGO ; le traitement d’attaque de l’œsophagite comprend, au stade 1, la pres-
cription d’un anti-H2 ou d’un IPP pendant 4 semaines. Pour les stades 2, 3 et 4
non sténosés, l’IPP est prescrit en première intention, à dose standard, pendant
8 semaines ; en cas de non-cicatrisation, une augmentation de la posologie
sera proposée.
Remarque : la récidive est fréquente à l’arrêt du traitement (70 % à 3 mois,
90 % à 1 an) ; les IPP à demi-dose ont l’AMM pour un traitement au long
cours.
La RGO de la femme enceinte
Les antiacides et les alginates associés aux mesures hygiénodiététiques sont
la base du traitement. Si besoin est, un anti-H2 (cimétidine, ranitidine, etc.)
peut être utilisé, car cette classe thérapeutique n’est pas contre-indiquée pen-
dant la grossesse.
Le RGO du nourrisson
Il est avant tout nécessaire d’obtenir une diminution du flux ascendant du
contenu gastrique afin de limiter au maximum les signes de mauvaise tolé-
rance. Chacune des complications doit disparaître pour affirmer que le traite-
ment est efficace, même si un lien de cause à effet est parfois difficile à établir.
La conduite thérapeutique est la suivante :
l En cas de RGO simple, sans aucun signe de complications, les premières mesures

à prendre sont strictement d’ordre hygiénodiététiques :


l positionnement de l’enfant couché à plus de 20° (position couchée dorsale) ;

l épaississement des repas avec de la gélopectose ou par l’utilisation d’un lait

antireflux (Nutrilon* AR, Nidal* AR, etc.) ;


l éviter les rations trop importantes.

l Il est important d’éviter toutes les positions favorisant le reflux, en particulier lors

du change et lors des repas (position oblique recommandée).


l Lors de résistance au traitement ou lors de complications, il est possible d’avoir

recours à l’emploi de métoclopramide ou de dompéridone dans le but d’ac-


célérer la vidange gastrique et d’augmenter la pression du sphincter inférieur de
l’œsophage. On peut associer un antiacide (Xolaam*, Maalox*, Smecta*,
Gaviscon*, etc.).
l En présence d’une complication comme une œsophagite, le traitement précédent

n’est pas suffisant, il doit être complémenté par l’association avec un IPP. Seul un
RGO acide authentifié relève d’un traitement par IPP, pendant 2 à 3 mois.
19 L’ulcère gastro-duodénal

L’ulcère correspond à une perte de substance gastrique ou duodénale d’origine


non tumorale. L’ulcère gastro-duodénal (UGD) est une affection chronique
qui évolue par poussées émaillées de complications souvent graves (sténose
pylorique, hémorragie, perforation, cancérisation). L’UGD peut être totalement
silencieux et se révéler par une complication inattendue (ex. : une perforation,
dans 5 à 15 % des cas). L’étiopathogénie de la maladie reste assez mystérieuse ;
l’UGD évolue de façon particulière, avec des longues périodes de rémission
spontanée, mais les complications peuvent survenir à tout moment. L’UGD typi-
que apparaît en général entre 30 et 50 ans, pour les deux sexes, parfois avant
20 ans chez l’homme, dans le cas de l’ulcère duodénal.

La pathologie
Symptomatologie
Le diagnostic positif de la maladie ulcéreuse gastro-duodénale repose sur la dou-
leur qui est le seul signe clinique majeur. L’exploration morphologique par la fibros-
copie œso-gastro-duodénale permettra de confirmer le diagnostic en précisant la
nature et la situation de la lésion. À l’officine, le pharmacien est souvent sollicité
pour conseiller un médicament contre le « mal d’estomac », expression qui traduit
en fait une pathologie douloureuse parfois vive et ponctuelle ou parfois sourde et
diffuse. Dispenser un médicament antalgique comme l’aspirine peut avoir des
conséquences dramatiques si l’expression de la douleur résulte d’une maladie
ulcéreuse. Le pharmacien se souviendra que les symptômes peuvent être atypi-
ques, autant chez l’adulte que chez l’enfant, et parfois minimes chez le sujet âgé.
Dans ces deux circonstances particulières, le pharmacien s’efforcera de convain-
cre de la nécessité de consulter le médecin, car un syndrome ulcéreux peut
révéler une pathologie grave (polyglobulie, lymphomes hodgkinien et non hodg-
kinien, maladie de Waldenström, cancer de l’estomac, etc.).

L’expression de la douleur est souvent typique de la maladie


La douleur se traduit par une crampe épigastrique sourde à irradiation dorsale
(attention aux fausses « dorsalgies ») ; elle est comparée à une brûlure constante,
plus ou moins intense, siégeant dans une région bien précise (presque toujours
dans le creux épigastrique). La douleur est postprandiale ; elle apparaît 2 à 5 heu-
res après le repas, parfois plus rapidement (1 à 4 heures) si l’ulcère est gastrique.
La douleur peut être calmée par les aliments, le lait et les alcalins (ulcère duodénal)
ou être réveillée par l’alimentation (ulcère gastrique) ; il faut noter que cette carac-
téristique est très variable d’un patient à un autre. L’ulcère duodénal présente une
douleur avec un horaire bien précis : elle est absente au lever, commence à se
manifester vers le milieu de la matinée et elle est soulagée par les repas. La
douleur a une périodicité dans le temps : elle se manifeste souvent 1 à 2 fois par
jour pendant 3 à 5 semaines, puis disparaît spontanément sans traitement, pour
152 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

réapparaître de façon variable (dates « anniversaires », poussées printanières ou


automnales) les 2 années qui suivent, parfois plus tardivement.

L’expression de la douleur ulcéreuse peut être moins typique


La douleur peut évoquer une pathologie angineuse, vésiculaire, pancréatique,
voire vertébrale (attention aux fausses « lombalgies ») ; elle peut apparaître sans
horaire fixe ou peut être ressentie comme une simple gêne épigastrique. La
maladie peut encore être totalement asymptomatique et se manifester d’emblée
par une complication.

Étiologie
Les causes immédiates de l’UGD restent obscures. Elles peuvent être différentes
selon qu’il s’agit d’un ulcère gastrique ou d’un ulcère duodénal. L’ulcère duo-
dénal est 2 à 3 fois plus fréquent que l’ulcère gastrique qui tend à se développer
plus tardivement que l’ulcère duodénal et n’est pas lié à une augmentation de la
sécrétion acide ; en revanche, la cancérisation ne complique que les ulcères gas-
triques (1 à 5 % des cas). Si l’étiopathogénie de l’UGD est encore mal connue,
elle est néanmoins corrélable avec la présence d’Helicobacter pylori pour 95 % des
ulcères duodénaux et pour 70 % des ulcères gastriques. Il existe également une
augmentation de l’agression chlorhydropeptique et une inefficacité plus ou
moins nette des mécanismes de défense au niveau de la muqueuse digestive.
Plusieurs facteurs favorisants ou déclenchants peuvent être impliqués : un facteur
héréditaire (dans 25 % des cas), un facteur psychosomatique (existence d’une
dualité entre un désir d’indépendance et une situation de dépendance dans l’en-
vironnement social), le stress (lié ou non au facteur psychosomatique), un fac-
teur iatrogène représenté surtout par la prise de médicaments anti-inflammatoires
ou encore un traumatisme grave (brûlures étendues).
L’endoscopie permet d’établir le diagnostic d’ulcère duodénal ou gastrique.
La réalisation de biopsies gastriques est un des moyens de recherche d’une
infection à Helicobacter pylori.

Le conseil face à la pathologie


La « douleur à l’estomac » est un motif fréquent de sollicitation du pharmacien.
Avant toute attitude thérapeutique, le pharmacien doit recueillir toutes les infor-
mations caractérisant la douleur : il devra reconnaître son expression typique, si
cela est le cas. Dans toutes les circonstances, le pharmacien devra s’informer de
la prise de certains médicaments (sujet médicalement suivi ? Surdosage ou inob-
servance thérapeutique ? Automédication ?) ; il fera préciser l’ancienneté de la
douleur et son degré d’évolution. Plusieurs circonstances peuvent se présenter :
Cas de l’adulte jeune et en bonne santé, ne prenant pas de médicaments : la
douleur est d’apparition récente, apparemment non liée à un écart éventuel de
l’alimentation (boissons ou aliments). Le pharmacien doit inciter à la consulta-
tion médicale et prodiguer des conseils d’hygiène de vie. La prescription théra-
peutique devra être limitée à la délivrance d’un antiacide d’action locale.
Cas de l’adulte jeune ayant déjà eu des antécédents digestifs (le patient se dit
« ulcéreux ») : la douleur a les caractères évocateurs de la pathologie ulcé-
reuse : le pharmacien doit orienter le patient vers la consultation médicale.
19. L’ulcère gastro-duodénal 153

Cas de l’adolescent ou du sujet est âgé : il n’a jamais eu de troubles d’origine


gastrique avant cet épisode douloureux d’apparition récente : le pharmacien
doit conseiller la consultation médicale.
Cas du patient ulcéreux connu ayant été médicalement suivi, mais actuellement
sans traitement. Devant tout signe apparent d’une rechute ou d’une évolution
de la maladie, le pharmacien doit impérativement conseiller la consultation
médicale et éventuellement contribuer à la prise du rendez-vous.
Quelles que soient les circonstances, le pharmacien devra informer sans
inquiéter et donner des conseils généraux d’hygiène de vie et de discipline thé-
rapeutique : attention à l’usage de certains médicaments gastro-nocifs, respec-
ter les posologies et les horaires d’administration, avertir le médecin traitant si
les symptômes ne diminuent pas avec le traitement, ou s’aggravent, etc.

La thérapeutique
La conduite du traitement obéit à certaines règles fondamentales :
n respecter certaines précautions hygiénodiététiques ;

n mettre en place un traitement d’attaque visant à éradiquer H. Pylori et à inhi-


ber la sécrétion acide (tableau 19.1). L’éradication de Helicobacter pylori permet
de modifier l’évolution naturelle de la maladie ulcéreuse en réduisant fortement
la fréquence des récidives et des complications. Elle dispense d’un traitement au
long cours par un antisécrétoire.
L’Afssaps a émis les recommandations suivantes concernant les indications des
antiulcéreux.
Dans le cas d’une infection à Helicobacter pylori associée à :
n un ulcère duodénal non compliqué : une trithérapie seule pendant 7 jours est
suffisante pour le traitement, sauf en cas de poursuite d’un traitement par AINS
et/ou anticoagulant et/ou antiagrégant ;
n un ulcère duodénal compliqué ou un ulcère gastrique non compliqué ou compli-
qué : après une trithérapie de 7 jours, il est recommandé de poursuivre le

Tableau 19.1
Schémas d’éradication de Helicobacter pylori

Associations IPP-antibiotiques Durée du traitement


Traitement de première intention IPP – clarithromycine 7 jours
– amoxicilline
Si contre-indication aux IPP – clarithromycine
-lactamines – imidazolé
Si contre-indication à la IPP – amoxicilline
clarithromycine – imidazolé
Traitement de seconde intention IPP – amoxicilline 14 jours
(échec du traitement initial) – imidazolé
154 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

trait­ement par IPP seul à pleine dose, pendant 3 à 7 semaines selon la sympto-
matologie clinique (douleurs, hémorragies) et/ou la taille de l’ulcère à l’endosco-
pie. Le contrôle de l’éradication est réalisé par contrôle endoscopique en cas
d’ulcère gastrique ou d’ulcère duodénal compliqué et par un test respiratoire
dans les autres cas. Lorsque l’éradication n’a pas été obtenue, il est recommandé
de prescrire un traitement continu par IPP.
Dans le cas d’un ulcère duodénal ou gastrique sans infection à Helicobacter pylori :
n ulcères associés à la prise d’un médicament gastro-toxique (principalement
AINS), quelle que soit la durée du traitement. Le traitement par IPP est prescrit
pour une durée de 4 semaines (ulcère duodénal) à 8 semaines (ulcère gastri-
que). Si la prise d’AINS est indispensable et qu’il ne s’agit pas d’un ulcère com-
pliqué, le traitement par IPP permet de poursuivre le traitement par AINS ;
n ulcères en dehors de la prise d’un médicament gastrotoxique. La cause d’un
ulcère gastrique ou duodénal doit être recherchée. Les causes les plus fréquentes
sont l’infection à Helicobacter pylori et les AINS. Les autres causes possibles
relèvent d’une prise en charge spécifique (syndrome de Zollinger-Ellison, mala-
die de Crohn, cancers…). Après les 4 semaines initiales de traitement par IPP
d’un ulcère duodénal non lié à Helicobacter pylori (ou aux AINS), la poursuite du
traitement doit être discutée. Le traitement au long cours réduit la fréquence
des récidives, des complications hémorragiques et des perforations. Il est recom-
mandé à dose minimale efficace chez les patients ayant présenté des complica-
tions ulcéreuses, des récidives ou des comorbidités sévères. Le plus souvent une
demi-dose permet au patient de rester asymptomatique.
La durée conseillée du traitement par IPP d’un ulcère gastrique est de 4 à
8 semaines. Elle peut être allongée s’il existe des facteurs qui retardent la cicatri-
sation, comme le tabagisme ou la grande taille de l’ulcère ( 10 mm). Une
endoscopie est indispensable d’une part pour s’assurer de la guérison de l’ulcère
gastrique et d’autre part pour faire des biopsies de l’ulcère à la recherche d’un
cancer méconnu. Aucun IPP n’a d’AMM dans le traitement de prévention des
rechutes de l’ulcère gastrique.
Dans les cas des ulcères anastomotiques, le traitement par IPP pourra être
poursuivi de façon prolongée.

Le conseil face à la thérapeutique


À l’officine, devant toute douleur épigastrique à caractère ulcéreux, mais aussi
quel que soit le degré de la maladie diagnostiquée, le pharmacien peut contribuer
efficacement à la bonne conduite et au bon succès du traitement, en conseillant
tout d’abord au patient de suivre certaines règles hygiénodiététiques.

Règles hygiénodiététiques
Le régime alimentaire
Le patient doit exclure de son alimentation, tous les aliments et les boissons agres-
sifs pour l’estomac (épices, condiments, fruits acides, plats cuisinés sophistiqués,
boissons alcoolisées : apéritifs, vin blanc, etc.). Le jeûne favorise la survenue des
19. L’ulcère gastro-duodénal 155

ulcérations. La répartition régulière de l’alimentation en plusieurs repas (4 à 6) a


un rôle antalgique non négligeable. Se souvenir que les laitages ont un pouvoir
antiacide élevé.

Le repos
Le repos complet au lit n’est généralement pas nécessaire, sauf en période de
poussées hyperalgiques. Une réduction de l’activité physique est parfois indis-
pensable de même qu’une réduction de l’activité professionnelle.

Les autres précautions


L’hygiène générale doit être respectée car la transmission de Helicobacter pylori
est interindividuelle, par voie orale (transmission salivaire) ; une transmission
fécale n’est pas exclue. Le tabagisme (surtout à jeun) est néfaste, car il retarde
la cicatrisation. Les situations de conflits doivent être évitées ainsi que tous les
facteurs générateurs de stress. La prise de médicaments, autres que ceux desti-
nés au traitement de l’ulcère, doit être prudente ; la prise de médicaments
ulcérogènes (cf. infra) est contre-indiquée (anti-inflammatoires en particulier).

Conseils afférents aux médicaments


Les antibactériens
Les schémas antibiotiques associent la clarithromycine à l’amoxicilline ou un imi-
dazolé (métronidazole ou tinidazole), qu’il s’agisse de l’option IPP ou anti-H2.
L’association clarithromycine et tétracycline peut être utilisée avec la ranitidine.
L’association [amoxicilline  imidazolés] est une alternative possible au cas où les
schémas précédents sont inapplicables.

Les antihistaminiques H2
La cimétidine (Tagamet, Stomédine*), la ranitidine (Azantac, Raniplex), la famo-
tidine (Pepdine, Pepcidac*) et la nizatidine (Nizaxid) favorisent la cicatrisation de
l’ulcère et diminuent la durée et l’intensité des douleurs. L’administration de
ces substances favorise le développement microbien intragastrique, surtout si
le patient a des régurgitations. L’utilisation de la ranitidine est limitée aux
contre-indications ou aux exceptionnels cas d’intolérance aux IPP. La durée de
traitement sera au minimum de 14 jours en association avec les antibiotiques.
Remarques : attention à la prescription mal conduite de la cimétidine
(Stomédine*) à l’officine : comme les formes listées (plus fortement dosées), elle
expose aux mêmes risques d’interactions médicamenteuses qui sont nombreu-
ses et potentiellement dangereuses. La cimétidine est un inhibiteur enzymatique
exposant par conséquent à un risque de surdosage de nombreux médicaments
(phénytoïne, antivitamines K, carbamazépine, théophylline, etc.). Certains
effets indésirables (ex. : confusion mentale) sont fréquemment rapportés,
notamment chez le sujet âgé. Enfin, une automédication abusive avec les anti-
histaminiques H2 peut masquer une pathologie ulcéreuse, voire les premiers
signes d’une pathologie cancéreuse.

Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)


Les IPP (oméprazole, lansoprazole, etc.) possèdent une puissante action antisé-
crétoire ; ils ont une efficacité thérapeutique supérieure démontrée. Pour une
efficacité optimale, ils doivent être pris le matin (et non le soir comme souvent
indiqué, à tort !).
156 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Les analogues des prostaglandines


L’efficacité thérapeutique du misoprostol (Cytotec) est voisine de celle obser-
vée avec les antihistaminiques H2.
Le sucralfate
Il possède (Kéal, Ulcar) un effet antiulcéreux strictement local, mais aucune
action systémique.
Les antiacides
Ils sont tous à base d’hydroxyde de magnésium et/ou d’aluminium. Ils neu-
tralisent et/ou tamponnent l’acidité gastrique. Ils sont surtout utiles dans le
traitement symptomatique de la douleur ; ils pourront dont être prescrits par le
pharmacien lors de la « consultation » à l’officine, pour calmer la douleur
épigastrique.
Recommandations pour l’utilisation d’un antiacide : la prise de l’antiacide peut
être prescrite 1 heure ou 1 heure 30 après le repas, puis toutes les heures ou
toutes les 2 heures, en fonction des douleurs. Il est souvent conseillé de rem-
placer une ou plusieurs prises de l’antiacide, par un verre de lait ou quelques
cuillerées de yaourt nature (non aromatisé) ou de fromage blanc.
Le pharmacien pourra plutôt recommander la forme liquide des antiacides,
car si les comprimés sont plus pratiques, ils sont moins efficaces.
Lorsque les antiacides sont prescrits en première intention, ils doivent être
poursuivis pendant 6 semaines au moins pour un ulcère duodénal et 8 semai-
nes pour un ulcère gastrique.
L’hydroxyde de magnésium est un antiacide plus efficace que l’hydroxyde
d’aluminium ; c’est aussi un laxatif (doux) pouvant causer une diarrhée ; au
contraire, l’hydroxyde d’aluminium tend à provoquer une constipation.
Ne jamais oublier que les antiacides (comme les pansements gastriques) doi-
vent toujours être pris à distance (2 heures environ) des autres médicaments.

Conseils afférents au suivi de la thérapeutique


L’observance
L’observance est indispensable à l’obtention d’un taux maximal d’éradication
(respect des posologies, de la durée de traitement et des deux prises par jour).
Les effets indésirables des antibiotiques et la difficulté à prendre un grand nom-
bre de comprimés sont des facteurs limitants. Les malades devront être avertis
des effets indésirables possibles : troubles intestinaux (douleurs abdominales,
diarrhée, goût métallique dans la bouche…). La recherche par l’interrogatoire
d’une allergie à l’un des antibiotiques, en particulier aux -lactamines, doit être
systématique avant la prescription d’amoxicilline.

Le contrôle de l’éradication
Compte tenu des taux d’éradication actuels de l’ordre de 70 %, il est recom-
mandé de contrôler le succès du traitement d’éradication, soit par recherche
anatomopathologique par biopsies per-endoscopiques (ulcère compliqué, ulcère
gastrique, nécessité de poursuivre le traitement par IPP), soit préférentiellement
par un test respiratoire à l’urée marquée au carbone 133 au moins 4 semaines
après la fin du traitement (antibiotiques et/ou IPP). Ces tests respiratoires à
l’uréase sont disponibles à l’officine ; ces kits, prescrits par le médecin, permet-
tent en laboratoire d’analyses, de vérifier l’éradication d’Helicobacter pylori.
19. L’ulcère gastro-duodénal 157

Le pharmacien face aux traitements gastro-nocifs


La coexistence d’une autre pathologie (antérieure ou concomitante) néces-
sitant un traitement gastro-nocif pose le problème délicat du remplacement ou
du choix des médicaments. Comme le médecin, le pharmacien doit veiller à
l’observance stricte de la prescription.
Quelle que soit la circonstance de l’administration, le pharmacien doit se
souvenir que la plupart des médicaments peuvent induire des troubles digestifs
et en particulier, que certains d’entre eux peuvent être responsables d’une véri-
table pathologie ulcéreuse iatrogène. Un ulcère peut apparaître à l’occasion
d’un traitement par des médicaments comme les salicylés, les substances réser-
piniques, les anti-inflammatoires (stéroïdiens et non stéroïdiens) ; ces derniers
peuvent aussi être responsables d’œsophagites, surtout s’ils sont absorbés sans
eau, au coucher. Pour les mêmes raisons, certains antispasmodiques (Dicetel)
peuvent provoquer des gastralgies, des érosions, des ulcérations, voire des per-
forations œsophagiennes. Tous les médicaments susceptibles de favoriser ou de
majorer un processus ulcérogène doivent être contre-indiqués ou prescrits avec pru-
dence. L’attention du pharmacien doit être portée, en priorité, sur la classe des
médicaments anti-inflammatoires et sur les médicaments pouvant favoriser un
saignement (antiagrégants plaquettaires, anticoagulants, fibrinolytiques). La
prescription d’un antihypertenseur réserpinique (Tensionorme) doit faire pren-
dre en compte son effet sur l’augmentation de la motilité et des sécrétions
gastro-intestinales.
Lors d’un traitement concomitant au traitement antiulcéreux, le pharmacien
recommandera au patient la stricte observance de la prescription. Cette règle sera
d’autant plus stricte qu’un traitement anti-inflammatoire est prescrit, sans pos-
sibilité de substitution. Le pharmacien mettra en garde le patient devant toute
utilisation d’un anti-inflammatoire quel que soit le degré de la maladie ulcé-
reuse. Le traitement préventif des lésions gastroduodénales induites par les
AINS, ainsi que le traitement curatif font appel aux IPP. L’emploi des anti-Cox-2
semble réduire le risque iatrogène digestif. S’il est nécessaire d’utiliser un antal-
gique, le paracétamol, seul de préférence (Dafalgan, Panadol*, etc.), sera
conseillé (attention aux effets indésirables, digestifs en particulier, induits par
les autres principes actifs présents dans les associations).
Le pharmacien saura mettre en garde les sujets adeptes d’une automédi-
cation intensive devant un « trouble digestif » ; il rappellera au patient que tout
médicament est susceptible d’engendrer des effets indésirables (voire une
pathologie iatrogène) et qu’un traitement symptomatique mal conduit ou
inapproprié peut masquer les premiers signes d’une pathologie grave et/ou en
retarder le diagnostic et le traitement spécifique.
20 Les diarrhées

La diarrhée se définit comme une évacuation trop fréquente de selles molles ou


liquides. L’évacuation répétée de selles normales ne constitue pas une diarrhée.
La diarrhée n’est pas une maladie, mais un symptôme exprimé par des affections
très diverses.

La pathologie
Symptomatologie et étiologie
Une diarrhée aiguë : la gastro-entérite aiguë
La gastro-entérite correspond à une inflammation des muqueuses gastriques
et intestinales. Les gastro-entérites aiguës représentent un problème de santé publi-
que majeur, car elles frappent plus particulièrement les enfants. Les gastro-entérites
aiguës sont responsables du décès de 5 à 6 millions d’enfants, chaque année dans
le monde.
Les diarrhées aiguës de l’enfant sont pratiquement toujours liées à une infec-
tion bactérienne ou virale. En France, les diarrhées par infection intestinale bac-
térienne sont en cause dans 5 à 10 % des cas ; elles sont dues à E. Coli
(entérotoxigénique, entéro-invasif, entéropathogène), à Salmonella, Shigella,
Yersinia, Campylobacter jejuni et aussi à d’autres agents bactériens (Klebsiella,
Clostridium, etc.). Les diarrhées par infection virale représentent 50 à 80 % des
diarrhées aiguës de l’enfant et elles sont particulièrement observées en période
hivernale ; elles sont dues essentiellement à Rotavirus qui infecte particulièrement
les enfants de 6 mois à 4-5 ans. D’autres agents viraux sont plus rarement en
cause : Cornavirus, Adenovirus, Enterovirus ; enfin, en France, certaines parasitoses
comme Giarda intestinalis, Entamoeba histolytica sont rarement la cause de
gastro-entérites aiguës. Dans tous les pays, les diarrhées atteignent surtout les
enfants, plus particulièrement entre l’âge de 6 mois et 2 ans. Malgré leur carac-
tère souvent bénin, elles peuvent avoir une gravité extrême lorsque le traitement
est mal conduit ou trop tardif, particulièrement chez le jeune nourrisson. Sous
nos climats, les conséquences des gastro-entérites sont heureusement rarement
dramatiques. Le traitement est avant tout diététique.
Quel que soit l’agent en cause, la contamination se fait par voie oro-fécale, suite à
un contact direct avec l’eau ou les aliments, les coquillages, les surfaces infectées,
car le virus, notamment Rotavirus, est résistant dans le milieu extérieur pendant
des mois à 4 °C et 20 °C. En effet, le défaut d’hygiène n’est pas la seule cause
déterminante.
Une diarrhée aiguë a, par définition, un début brutal, marqué soit par une
accélération du transit intestinal, soit par une fièvre et des vomissements qui, pour
les infections virales, sont précédés de signes d’inflammation rhino-pharyngée. La
première intervention médicale a habituellement lieu pendant les 3 premiers
jours.
160 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Remarques : l’association avec une pathologie ORL (et parfois aussi urinaire),
est une constatation clinique fréquente, mais qui correspond davantage à une
accélération modérée du transit intestinal, sans que l’on puisse véritablement
parler de syndrome diarrhéique. Il ne faut pas attribuer le caractère de diarrhées
aux selles émises par un nourrisson nourri au sein, car souvent dans cette cir-
constance, les selles sont molles, voire liquides.
Le syndrome diarrhéique est d’intensité et de caractère très variables : les selles
sont molles ou liquides, peu fréquentes (1 à 2 par 24 heures) ou, au contraire,
très nombreuses, toujours très différentes de ce qu’elles étaient les jours pré­
cédents, en situation normale. Lors d’une gastro-entérite à Rotavirus, la fièvre est
habituelle mais peu élevée ; on note une absence de douleurs abdominales, de
glaire et de sang dans les selles. L’amélioration est spontanée et rapide en 4 à
7 jours. Il n’existe pas de signes de toxi-infections ; il faut noter également que
l’infection est asymptomatique chez le nouveau-né de moins de 6 mois, car il est
protégé par les anticorps maternels.
Il est impératif de juger rapidement de la gravité de la diarrhée, appréciée en
fonction de la fuite hydroélectrolytique fécale, de l’existence ou non de vomisse-
ments, d’un météorisme abdominal et surtout de signes de déshydratation. En
effet, toute diarrhée aiguë est liée à une anomalie du cycle entérosystémique de
l’eau ; la conséquence est une perte anormale d’eau et d’électrolytes par les
selles, à l’origine d’une déplétion hydroélectrolytique. Toute diarrhée aiguë peut,
par ailleurs, être à l’origine d’une malabsorption intestinale et/ou d’une intolé-
rance aux protéines alimentaires.
Les critères d’hospitalisation sont les suivants :
n perte de poids  10 % du poids du corps ;
n polypnée, troubles hémodynamiques, oligurie ;
n altération de l’état général (l’enfant est apathique, hypotonique, pâle, gro-
gnon), signes septiques ;
n enfant qui dort beaucoup, les parents ne parvenant pas à le réveiller ;
n vomissements ou refus du biberon empêchant la réhydratation orale ;
n mauvaise surveillance parentale sur une diarrhée sévère ;
n âge  3 mois et/ou poids  5 kg ;
n terrain particulier (mucoviscidose, déficit immunitaire, etc.).

La diarrhée est chronique


Une diarrhée est considérée comme chronique si elle persiste depuis plus de
6 semaines.
Elle relève de nombreuses causes qui peuvent être des affections coliques (para-
sitaires, infectieuses, inflammatoires, iatrogènes), des affections de l’intestin grêle
ou des affections bilio-pancréatiques et endocriniennes (ex. : hyperthyroïdie).
Remarques : chez le nourrisson, la diarrhée chronique peut prendre l’allure de sel-
les trop nombreuses et trop molles, malgré une diététique correcte ; elle survient
sur une période d’au moins 4 semaines, avec des phases de rémission. Les diar-
rhées chroniques du nourrisson peuvent être dues à des erreurs diététiques, une
malnutrition, des infections parasitaires, des intolérances alimentaires (gluten, lait
de vache), une cause iatrogène ou la mucoviscidose.
20. Les diarrhées 161

La colite est un état inflammatoire affectant plusieurs segments ou la totalité


des segments du côlon. Les causes sont variées (bactériennes, parasitaires, toxi-
ques, iatrogéniques : laxatifs, antibiotiques). Le traitement est spécifique de la
cause.
Il ne faut pas confondre une diarrhée chronique avec la fausse diarrhée qui sur-
vient de façon intermittente chez le sujet constipé.

Le cas particulier de la diarrhée du voyageur


La diarrhée du voyageur est encore appelée gastro-entérite sporadique des voya-
geurs (« turista »). Elle s’identifie aussi à la « grippe intestinale » ; elle survient
généralement quelques jours (5 à 10) après l’arrivée en zone tropicale ; son étio-
logie est assez obscure mais la guérison est spontanée et habituellement favora-
ble en 3 à 5 jours. La persistance de troubles digestifs au-delà de cette période et/ou
l’apparition de fièvre, de selles sanglantes… doivent faire rechercher une cause
bactérienne ou parasitaire. Des E. Coli entéropathogènes et des virus intestinaux
mal identifiés font partie des causes les plus probables. Les toxi-infections d’ori-
gine alimentaire sont dues à des salmonelles, shigelles ou staphylocoques. La
symptomatologie montre l’existence d’une diarrhée, de crampes abdominales,
de nausées et de vomissements. Les symptômes sont de degrés variables à la fois
dans leur expressivité et dans leur gravité. Le pharmacien pourra dispenser les
mesures préventives à la survenue de la diarrhée des voyageurs (cf. page 359).

Les diarrhées d’origine iatrogène


Parmi les nombreuses causes des diarrhées, le pharmacien ne doit pas oublier la
cause iatrogène. Certaines substances médicamenteuses induisent une diarrhée
aiguë dont le mécanisme est obscur ou complexe. En premier lieu, il faut éviter
les antibiotiques dont l’administration favorise l’infestation par les salmonelles et
multiplie par 6 la fréquence des manifestations diarrhéiques. Une antibiothérapie
favorise la multiplication et la production de germes entérotoxinogènes comme
Clostridium difficile, cause principale d’une diarrhée postantibiothérapique, symp-
tôme d’une colite pseudo-membraneuse ainsi provoquée. Des colites hémorra-
giques aiguës peuvent apparaître, suite à l’administration de pénicillines
synthétiques (la cause allergique semble cependant dépasser la cause infec-
tieuse). D’autres bactéries entéropathogènes peuvent encore être incriminées,
telles Staphylococcus aureus, Clostridium botulinum, Shigella, Aeromonas, etc., dans
l’induction d’une diarrhée postantibiothérapique, et la liste tend à s’allonger !
Outre la responsabilité des antibiotiques, il faut citer d’autres médicaments
qui, à des degrés divers, peuvent générer ce symptôme : la colchicine, la choles-
tyramine, la digitaline, la phénylbutazone (tous les AINS peuvent induire, de
façon variable, une colite aiguë), la quinidine, la guanéthidine, l’amphotéri-
cine B, certains antidépresseurs non imipraminiques non IMAO (fluoxétine,
viloxazine), les sels de lithium, les -bloquants, la metformine, l’enprostil, et bien
entendu, les laxatifs irritants (« maladie des laxatifs »).
Dans la plupart des cas (sauf le dernier), la diarrhée est de courte durée et elle
est bien tolérée. En revanche, d’autres médicaments peuvent altérer gravement
la muqueuse du grêle ou du côlon (en particulier les sels d’or) et peuvent
générer des iléites, des iléo-colites ou des colites (ex. : les laxatifs stimulants).
162 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Le pharmacien n’oubliera pas qu’il existe également des diarrhées dites


« osmotiques », observées avec les laxatifs osmotiques à base de lactulose, lacti-
tol… ou sorbitol, ou encore avec les antiacides contenant plus spécifiquement
des sels de magnésium (Topaal*, Rennie*, etc.).
Remarque : le mannitol et le sorbitol existent dans de nombreuses spécialités à
indications thérapeutiques variées. Le pharmacien doit mettre en garde les adul-
tes, mais aussi les enfants, contre l’ingestion de trop grandes quantités d’hexitol,
de sorbitol et de mannitol utilisés comme substituts du sucre dans les aliments
de régime, les bonbons et les chewing-gums : une absorption excessive peut
provoquer l’apparition d’une diarrhée résultant de la combinaison d’une
résorption digestive lente et d’un transit rapide au niveau de l’intestin grêle ;
cette diarrhée dite « de régime » est encore appelée diarrhée « du chewing-
gum ». Elle est réversible à l’arrêt de l’ingestion des substances responsables.

Le conseil face à la pathologie


Le rôle du pharmacien face à la survenue d’une diarrhée (aiguë ou chronique)
est limité.

La diarrhée aiguë survenant chez un nourrisson


Le pharmacien doit inciter à la consultation médicale rapide et donner les
conseils simples visant à éviter la déshydratation (cf. infra).
Une infection virale, en particulier à Rotavirus, peut être évoquée lorsque le
syndrome diarrhéique a été précédé d’une rhinopharyngite fébrile, si les selles
sont liquides, aqueuses ; au contraire, une diarrhée liée à une infection bacté-
rienne « toxinogène » se caractérise généralement par un début brutal, des sel-
les profuses, et un météorisme abdominal.
Il faut se souvenir que dans la majorité des cas, une gastro-entérite aiguë est
d’évolution bénigne, marquée par une accélération du transit intestinal, avec
ou sans hyperthermie, et il n’y a pas ou peu de vomissements. L’enfant est en
bon état général, et il n’y a habituellement pas de signe de déshydratation :
l’évolution est rapidement favorable. Dans ces circonstances de prise en charge
médicale, le pharmacien peut rassurer les parents de l’enfant sur l’évolution de
la maladie et l’inciter à suivre scrupuleusement les conseils thérapeutiques pro-
digués par le médecin traitant.

La diarrhée survenant chez un adulte jeune apparemment en bonne santé


Le pharmacien s’assurera du caractère mineur du trouble et recherchera une
cause commune d’origine alimentaire, voire d’origine iatrogène. Grâce à la des-
cription des symptômes, le pharmacien pourra peut-être reconnaître une diar-
rhée motrice, due à une accélération du transit. Dans ce cas, les selles sont
fréquentes, impérieuses, matinales ou postprandiales. Il pourra aussi reconnaître
une diarrhée osmotique caractérisée par des selles acides, mousseuses, souvent
significatives de la prise de laxatifs ou d’antiacides ; l’absorption importante de
sucre, la prise de médicaments comme la colchicine, la metformine, (impor-
tance de l’interrogatoire dans la recherche d’une pathologie d’origine iatro-
gène) peut donner ce type de diarrhée ou encore des selles abondantes et
persistantes à jeun. Dans ces circonstances, le pharmacien pourra prodiguer un
20. Les diarrhées 163

certain nombre de conseils et si nécessaire, proposer un médicament anti­


diarrhéique. Si la cause n’est pas reconnaissable ou si le symptôme est chroni-
que ou préoccupant, le pharmacien doit inciter à la consultation médicale.

La diarrhée survenant chez le vieillard


Que la diarrhée soit aiguë ou chronique, le pharmacien devra conseiller la consultation
médicale ; seule la certitude d’une cause bénigne (ex. : aliments, boissons) l’auto-
risera à prescrire un antidiarrhéique, assorti des conseils diététiques appropriés.
Remarques générales : il ne faut jamais sous-estimer (chez le vieillard comme
chez le nourrisson) l’importance des pertes hydroélectrolytiques qui peuvent
conduire à un collapsus ; celui-ci peut, en effet, être d’apparition rapide chez le
jeune enfant, le vieillard ou les sujets débilités, ou lors d’une diarrhée grave (ex. :
la diarrhée cholérique). Une acidose métabolique peut s’installer du fait de la
perte en carbonates ; une hypokaliémie peut apparaître lors des diarrhées sévères
ou chroniques faites de selles contenant beaucoup de mucus. Enfin, une crise de
tétanie est possible par hypomagnésémie consécutive à une diarrhée prolongée.

La thérapeutique
Deux types de démarches thérapeutiques doivent être envisagés, selon qu’il
s’agit du traitement d’une diarrhée aiguë ou du traitement d’une diarrhée chro-
nique. L’attitude thérapeutique repose sur le fait qu’il ne faut jamais donner un
traitement symptomatique en aveugle, au risque de masquer une affection
grave (pancréatite chronique, cancer du pancréas, maladie de Biermer, etc.).
Dans tous les cas, il s’agira d’améliorer le transit intestinal et de compenser ou
prévenir les désordres hydroélectrolytiques engendrés par la diarrhée. Le traite-
ment associe des règles diététiques à des médicaments dont le choix est guidé
par l’intensité et la gravité du symptôme.
Le traitement d’une diarrhée aiguë est essentiellement symptomatique, et vise
également à lutter contre la déshydratation ; il fait appel à des règles hygiéno-
diététiques et, si cela est nécessaire, à des médicaments ralentisseurs du transit.
Quelle que soit l’origine de la diarrhée, il faudra toujours prévenir et/ou corriger
la déshydratation associée. Cette dernière précaution est capitale chez le nour-
risson de moins de 9 mois.
Le traitement d’une diarrhée chronique est étroitement lié aux résultats des
diverses investigations biologiques et cliniques mises en jeu à la recherche d’une
cause : dans ce type de diarrhée, il faut toujours d’abord traiter la cause.

Le conseil face à la thérapeutique


La diarrhée est aiguë et bénigne
Le pharmacien doit donner des conseils généraux hygiénodiététiques
La diarrhée aiguë du nourrisson doit être strictement prise en charge par le
médecin généraliste ou le pédiatre. Le pharmacien peut être amené à conseiller
164 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

la mère de l’enfant au sujet de la conduite thérapeutique à suivre ; dans cette


circonstance, il sera utile de préciser à la mère que la base de la thérapeutique
est la diététique. En effet, lors d’une gastro-entérite aiguë, le traitement dié­
tétique est essentiel et comprend deux composantes :
l la prévention ou la correction des désordres hydroélectrolytiques (corriger toute

déshydratation) ; cette action devant être menée dès les premières heures, ou au
maximum au cours des premières 24 heures ;
l la maintenance d’un bon état nutritionnel par une réalimentation précoce.

Pour lutter contre la déshydratation, la solution classique type OMS est inadap-
tée aux situations rencontrées dans les pays occidentaux, car elle est trop riche en
sodium et son utilisation comporte un risque de déshydratation hypernatré-
mique : l’absorption intestinale de sodium peut être stimulée par l’administration
concomitante de glucose ou d’acides aminés ; Coca-Cola (non light) est une solu-
tion de secours de réhydratation orale qui présente l’avantage d’être disponible
partout dans le monde, dans un conditionnement assurant sa stérilité. Plusieurs
solutés de réhydratation orale (SRO) sont disponibles en France. Tous les SRO
(Adiaril, Alhydrate, GES 45, etc.) doivent être reconstitués à raison d’un sachet
dilué dans 200 mL d’eau faiblement minéralisée, conservés au réfrigérateur et uti-
lisés dans les 24 heures suivant leur reconstitution.
Il est nécessaire d’adapter les rythmes de prise. La prise de grandes quantités
de SRO, chez un nourrisson qui a très soif, augmente le risque d’apparition de
vomissements. Il faut débuter par des petites quantités, sur le lieu même de la
consultation, ce qui permet d’expliquer aux parents comment administrer la
solution, en évaluer la tolérance, et proposer initialement des prises très
fréquentes de SRO, toutes les 1 à 2 minutes si l’enfant a très soif ou vomit.
Des quantités plus importantes de liquide peuvent être proposées ensuite. Des
vomissements de faible intensité, souvent liés au déficit énergétique, ne contre-
indiquent pas l’utilisation du SRO, sous réserve de leur disparition rapide après
le début de la réhydratation orale.
Une augmentation modérée et transitoire de la fréquence des selles (les
parents doivent en être informés) peut être observée au cours des toutes
premières heures de traitement. La réintroduction de l’alimentation du nourris-
son après 4 heures de réhydratation orale exclusive est aussi efficace et bien
supportée qu’après 24 heures, sans que le taux de complications, en particulier
les vomissements, la pérennisation ou la récidive de la diarrhée, soit plus élevé.
Si le nourrisson est peu ou pas déshydraté ou que la déshydratation est corri-
gée, le refus du SRO est rapide, la réalimentation pourra débuter avant la fin
des 4 premières heures. Chez l’enfant au sein, l’allaitement doit être poursuivi
en alternant les prises de SRO et les tétées.
Remarque : les vomissements (liés à un déficit énergétique) cèdent géné-
ralement du fait de l’administration d’une solution sucrée.
Il n’est pas inutile de connaître la recette de la soupe de carottes ; de nos jours
elle tend à ne plus être employée car elle n’est adaptée ni pour la réhydratation
(peu d’apport en sel et sucre) ni pour la réalimentation ; elle présente néanmoins
l’avantage de contribuer à la normalisation des selles et à encourager les parents
à une réalimentation plus rapide : 500 g de carottes sont cuits dans 1 litre d’eau,
avec une pincée de sel, 90 min ou 45 minutes en autocuiseur. Le tout est mixé
et le volume est réajusté avec de l’eau. Les pots de carottes Jacquemaire*, Gerber*
ou Guigoz* additionnés d’un volume égal d’eau sont d’un intérêt à peu près
équivalent.
20. Les diarrhées 165

L’eau de riz peut se préparer de la façon suivante : une poignée de riz (non
laqué) est cuit pendant 30 minutes dans 1/4 de litre d’eau ; l’eau de cuisson
sera utilisée comme boisson ; le riz est une source d’hydrates de carbone et de
solutés organiques, il favorise ainsi le processus de réhydratation et il est capa-
ble de réduire le volume des selles.
Le jeûne doit être proscrit, car il est potentiellement dangereux ; en effet,
il retentit sur le statut nutritionnel de l’enfant. Le déficit en nutriments nuit
au processus de guérison de la muqueuse intestinale : l’alimentation pré-
coce maintient ou améliore l’état nutritionnel sans aggraver le syndrome
diarrhéique ; dans la plupart des cas, les aliments peuvent être réintroduits
rapidement sans problème.
La renutrition doit donc être précoce, voire très précoce, dans les premières
heures. Elle fait appel, autant qu’il est possible, au lait maternel qui ne doit pas
être interrompu pendant un épisode diarrhéique. Il apporte peu de sodium, ce
qui permet de l’administrer en toute sécurité à un enfant recevant déjà une
solution de réhydratation.
Si l’état nutritionnel est resté satisfaisant et si la diarrhée n’est pas trop
sévère, il suffit généralement de supprimer du régime diversifié tout aliment
lacté (sauf le lait maternel dont le rôle a par ailleurs été démontré dans la pré-
vention des diarrhées aiguës de l’enfant) et contenant du gluten, les apports
nutritifs normaux équilibrés étant réalisés par des aliments naturels : riz, carot-
tes, pommes de terre, bananes (petits pots), pommes crues, huiles végétales,
protéines animales peu antigéniques (viandes de poulet ou de cheval). Dès que
le syndrome diarrhéique a cédé, le lait peut être réintroduit progressivement.
En France, l’intolérance au lactose reste une réalité et se manifeste par une
récidive diarrhéique, des gaz nombreux et un ballonnement abdominal dès la
réintroduction du lait ; l’utilisation de substituts pauvres ou sans lactose est rai-
sonnable durant une semaine (durée possible de l’intolérance).
S’il existe des douleurs abdominales, elles peuvent être calmées ou adoucies
par l’application sur le ventre d’un linge chaud et humide ; l’utilisation de
Imosselduo* peut être aussi envisagée.
Une antibiothérapie est rarement justifiée ; elle doit être envisagée que si
l’infection bactérienne (moins de 10 % des causes) est prouvée et si l’évolution
spontanée du syndrome diarrhéique dépasse 3 à 4 jours, avec en particulier la
présence de signes systémiques ; une fièvre importante avec un état septique,
un syndrome inflammatoire important, une diarrhée galairo-sanglante profuse
justifieront l’administration d’une céphalosporine de 3e génération.
Les antiseptiques intestinaux (Ercéfuryl, Panfurex, etc.) doivent être proscrits
chez l’enfant.
Chez l’adulte, et selon les circonstances, l’application des règles hygiéno-
diététiques esr généralement suffisante pour entraîner une guérison rapide
de la diarrhée aiguë bénigne survenant chez un sujet en bon état général :
Le repos au chaud, au lit dans les formes sérieuses, est souvent nécessaire. Le
régime est restrictif et équilibré. Il exclut tous les aliments à résidus cellulosi-
ques importants (choux, tomates, concombres, poireaux…), les conserves en
général, les aliments laxatifs (rhubarbe, épinards, pruneaux…), les aliments et
les boissons glacés, les vins blancs et l’alcool. Ce régime autorise, mais avec
réserve, les aliments et les plats gras (fritures, sauces, charcuterie, crème…). Un
complément vitaminique peut être prescrit.
166 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Dans les formes plus sévères, il faut recourir à l’administration de médica-


ments antidiarrhéiques, en se souvenant que ce traitement ne doit pas être sys-
tématique. Selon l’OMS, le critère idéal, pour juger de l’efficacité d’un
médicament antidiarrhéique, est la mesure du débit des selles. Un médicament
est considéré comme antidiarrhéique s’il entraîne stricto sensu une diminution
d’au moins 30 % du débit des selles par rapport à un placebo. Le pharmacien
pourra notamment conseiller des médicaments antidiarrhéiques, qui seront
utilisés en complément de la réhydratation, ex. : Lactéol* cp. ou liquide, ou
Sacolène* ; ce dernier peut être prescrit chez l’adulte, l’enfant et le nourrisson
(Sacolène pédiatrique*), notamment dans la prévention des diarrhées induites
par les antibiotiques.
Le lopéramide (Imodium) possède une action antidiarrhéique par 2 méca-
nismes : inhibition de la motricité intestinale et diminution de la sécrétion
intestinale hydro-électrolytique. La survenue de plusieurs décès par iléus, après
utilisation du lopéramide à des doses supérieures aux doses recommandées, a
conduit à contre-indiquer formellement ce médicament avant l’âge de 2 ans. Il
faut ajouter qu’en espaçant les selles, le lopéramide peut donner l’impression
trompeuse d’une amélioration. Rappelons que Imossel* est contre-indiqué
avant l’âge de 8 ans.
Le racécadotril (Tiorfan) est un inhibiteur de l’enképhalinase intestinale, qui
possède une action antisécrétoire pure, sans ralentir le transit intestinal ; ce
médicament est le seul à avoir démontré une activité antidiarrhéique selon les
critères de l’OMS, avec une diminution significative du débit des selles, de l’or-
dre de 50 %, en particulier en cas de diarrhée à Rotavirus.
La diosmectite (Smecta) possède un effet hydrophile et un pouvoir de fixation
des toxines d’origine bactérienne (Escherichia coli, Vibrium choleræ, Clostridium,
Staphylococcus) ou virale (Rotavirus) ; elle permet une diminution du nombre
de selles et de la durée d’émission des selles liquides, mais ne modifie pas leur
débit.
Le Lactobacillus acidophilus (Lactéol Fort) est un probiotique permettant une
diminution de la durée de la diarrhée.
Les modificateurs de la consistance des selles doivent être évités.
En cas de fièvre, le paracétamol pourra être prescrit à la dose habituelle de
60 mg/kg en 4 prises.
Parfois la prescription d’antispasmodiques intestinaux est nécessaire, le phar-
macien pourra proposer Spasfon*.

La diarrhée est chronique


Le traitement est d’abord celui de la cause. Le traitement symptomatique est
essentiellement représenté par les règles hygiénodiététiques qui sont identi-
ques à celles préconisées pour le traitement de la diarrhée aiguë (cf. supra).
Selon la symptomatologie, le médecin peut juger utile la prescription adaptée
d’antidiarrhéiques et si nécessaire, d’antispasmodiques.
En règle générale, la diarrhée chronique est du ressort exclusif du médecin ; le
pharmacien prodiguera essentiellement des recommandations visant à aider le
patient à respecter les règles hygiénodiététiques auxquelles il doit s’astreindre.
21 La constipation

La constipation est un symptôme associant un retard d’évacuation à une déshy-


dratation des selles. Elle désigne aussi l’émission difficile de matières fécales dures,
avec sensation permanente d’évacuation incomplète, malgré une fréquence nor-
male des selles. La constipation peut toucher tous les sujets (nourrisson, enfant,
adulte jeune, femme enceinte, vieillard). En France, 60 % des adultes estiment
qu’ils sont « assez souvent » ou « quelquefois » constipés. Un tiers seulement
consulte le médecin, les autres « se soignent » seuls ! Chez un sujet en bonne santé
et dont l’alimentation est équilibrée et régulière, le transit est considéré comme
normal s’il correspond à l’émission de 3 selles par jour à 3 selles par semaine. Le
symptôme de constipation sera évoqué si l’émission des matières fécales est :
n    3 selles/semaine ou moins de 35 g de selles/jour, chez l’adulte ou le grand
enfant ;
n    1 selle tous les 2 jours, chez le petit enfant (entre 1 et 4 ans) ;
n    1 selle/jour, chez le nourrisson de moins de 1 an.

La pathologie
La symptomatologie
La constipation peut s’exprimer de façon aiguë ; elle correspond dans ce cas à
une modification récente et/ou brutale du transit intestinal et suggère une cause
organique. La constipation peut être chronique : il s’agit le plus souvent d’une
constipation fonctionnelle. C’est en pratique le cas le plus fréquent et parfaite-
ment supporté par le patient. La constipation peut, dans tous les cas, être indo-
lore ou au contraire s’accompagner de signes variés : angoisse, gêne plus ou
moins douloureuse avant, pendant et après l’évacuation des matières fécales,
douleurs occultées ou au contraire faisant l’objet de plaintes…

Le diagnostic
L’interrogatoire est essentiel car il permet d’orienter le diagnostic vers une consti-
pation fonctionnelle ou vers une constipation organique. Cette fois encore, c’est à
l’officine que le patient osera confier, à mots couverts, l’existence de ce « trouble
digestif ». Le pharmacien ne doit donc pas ignorer le temps fondamental de
l’interrogatoire que le médecin pratique systématiquement et qui permet de pré-
ciser : la date d’apparition du symptôme : toute constipation de survenue récente
et/ou brutale fait suspecter une cause organique et elle nécessitera des explorations
fonctionnelles et biologiques complémentaires ; la fréquence et la nature des selles
(consistance, présence de sang…), depuis la notion de constipation constatée par
le malade ; les habitudes alimentaires et l’hygiène de vie (manque d’exercices physi-
ques, repos au lit prolongé) ; la prise de médicaments (ne pas négliger une cause
iatrogène) ; l’expression du symptôme : existence de signes digestifs (douleurs abdo-
minales, coliques, ballonnements…) ; alternance diarrhée/constipation ; signes
168 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

neuropsychiques accompagnateurs (nervosité, angoisse…) ; les moyens utilisés par


le malade pour supporter la constipation, dans le cas où celle-ci est d’installation déjà
ancienne : usage de laxatifs, abus de lavements, manœuvres particulières ; la surve-
nue d’une altération de l’état général (significative chez le vieillard).

L’étiologie
La constipation peut résulter de très nombreuses causes. La constipation dite
« essentielle » est la plus fréquente ; elle est le plus souvent due à des perturba-
tions diététiques, physiques ou psychiques. Parmi les causes de la constipation,
certaines d’entre elles doivent être connues du pharmacien. Elles peuvent être
classées en :

Causes organiques
n Digestives : gastriques (cancer, sténose), intestinales, coliques (mégacôlon…),
rectales, anales (fissures, abcès, hémorroïdes compliquées).
n Extradigestives : endocriniennes et métaboliques (hypothyroïdie, diabète, gros-
sesse, porphyrie, hypokaliémie, etc.), neurologiques (maladie de Parkinson,
atteintes médullaires, accident vasculaire cérébral…), pulmonaires (insuffisance
respiratoire chronique, emphysème), diaphragmatiques, péritonéales et géni-
tales (ascite, kyste ovarien…), générales (malnutrition, anorexie, cachexie…).

Causes non organiques


n La colopathie fonctionnelle : elle associe constipation, douleurs abdominales et
diarrhée ; c’est la cause la plus fréquente. Cette étiologie, encore appelée syn-
drome du « côlon irritable » est aussi une cause fréquente de constipation chez
l’enfant.
n La constipation terminale ou constipation par trouble de l’évacuation.
n La constipation par trouble de la progression.
n La constipation « mixte », associant les deux types précédents.
n La constipation simple ou primitive ou essentielle résulte de modifications dié­
tétiques et/ou d’hygiène de vie (sédentarité) ou encore de désordres
psychogènes.
Remarque : la constipation peut être l’expression d’un véritable problème psy-
chiatrique qui s’exprimera chez l’adolescent par une négation de la défécation
et chez l’adulte, par une fixation psychique infantile.
n La constipation iatrogène : de nombreux médicaments peuvent engendrer une
constipation par un effet ralentisseur sur le transit intestinal (cf. infra).

Le cas particulier de l’enfant


Chez l’enfant, la constipation est fréquente ; elle est le plus souvent bénigne et
doit être différenciée de l’encoprésie (émission des matières fécales, d’origine
fonctionnelle) et de l’incontinence (émission involontaire de matières fécales).
Chez le nourrisson, la fréquence des selles est très variable ; il est très difficile
de définir la constipation. Un même enfant peut avoir des selles 4 fois par jour,
puis une tous les 2 jours ; de même, un nourrisson peut émettre une selle dure
21. La constipation 169

sans en souffrir ou au contraire pleurer à l’exonération d’une selle molle. Comme


toute autre symptomatologie concernant le nourrisson, la constipation relève
exclusivement de la consultation médicale.

La symptomatologie
La symptomatologie est précisée par l’interrogatoire des parents (et de l’enfant),
en suivant le même schéma de demande de renseignements que celui appliqué
à l’adulte (cf. supra). Dans ce cas particulier, le contexte psychologique familial
et l’environnement affectif de l’enfant sont appréhendés.

L’étiologie
Les constipations d’origine fonctionnelle
Ce sont les plus fréquentes :
n La constipation secondaire aux erreurs diététiques : l’interrogatoire mettra en
évidence un régime pauvre en résidus ou inversement trop riche en fibres, ou
encore un apport hydrique insuffisant, voire une sous-nutrition.
n La constipation primitive ou idiopathique : elle est certainement la cause la plus
fréquente. Elle peut se rattacher à l’existence du syndrome du « côlon irritable ».
La terminologie « côlon irritable » équivaut aux dénominations de colopathie
fonctionnelle, colopathie spasmodique ou encore troubles fonctionnels intesti-
naux. Le mécanisme est inconnu, mais il est souvent noté une notion familiale
de pathologie colique, certains facteurs alimentaires (régime pauvre en fibres),
des facteurs infectieux, des facteurs psychiques (stress, anxiété), psycho-affectifs,
des désordres socio-éducatifs ou encore certaines situations particulières
(voyage, camping, école, etc.).
n La constipation d’origine iatrogène : l’interrogatoire des parents précisera la
prise de certains médicaments ; dans ce contexte pédiatrique, il s’agit le plus
souvent de la prise de sirops antitussifs à base de codéine. La prise d’autres médi-
caments inducteurs de constipation, n’est évidemment pas exclue (cf. infra).

Les constipations d’origine organique


Elles sont plus rares chez l’enfant. Comme chez le nourrisson, les 2 causes les
plus fréquentes sont le mégacôlon (maladie de Hirschprung) et l’hypothyroïdie.

La constipation d’origine iatrogène


La cause iatrogène d’une constipation n’est pas l’étiologie la moins fréquente,
tant chez l’enfant que chez l’adulte. La recherche de cette cause est capitale, car
prescrire un laxatif dans ce contexte serait une erreur thérapeutique grave.
Le pharmacien peut se trouver devant deux situations :
n Le patient est un malade connu, régulièrement suivi par son médecin : le pharma-
cien reconnaîtra aisément (consultation du dictionnaire Vidal) le(s)
médicament(s) responsable(s) de la constipation.
n Le patient n’est pas connu du pharmacien : dans cette circonstance, il faut inter-
roger le sujet afin d’éliminer la probabilité d’une cause iatrogène ; dans tous les
cas, pour ce type de patient (qui peut toujours minimiser le symptôme ou dissi-
muler la prise d’un médicament qu’il s’est déjà procuré dans une autre officine),
le pharmacien devra privilégier les conseils diététiques, et s’il doit délivrer un
170 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

médicament (sur insistance du patient), il devra prescrire sans nuire : les spécia-
lités contenant du son seront une indication de choix.
Compte tenu de la fréquence des effets indésirables d’ordre digestif engen-
drés par de nombreux médicaments régulièrement prescrits, le pharmacien se
trouve confronté, presque quotidiennement, à des plaintes dont il doit pouvoir
juger le véritable fondement. La plupart des troubles digestifs d’origine iatro-
gène sont bénins, souvent transitoires et parfaitement bien supportés par le
malade ; avant d’incriminer le traitement, il convient de s’assurer du respect des
posologies (observance) et des éventuelles modifications thérapeutiques.
Les principaux médicaments susceptibles de favoriser une constipation, doivent être
connus du pharmacien. Ils appartiennent à des classes variées : analgésiques de type
morphinique : morphine, buprénorphine, nalbuphine, pentazocine…, antiacides
(sels d’aluminium et de calcium), anticholinergiques, anticomitiaux, antidépres-
seurs (imipraminiques, IMAO), neuroleptiques (phénothiazines, dibenzodiazé-
pines), antihistaminiques H1 et antagoniste des récepteurs 5 HT3, antiparkinsoniens
anticholinergiques, antipsychotiques (phénothiazines), certains antihypertenseurs
(clonidine, prazosine), certains médicaments générateurs de torsades de pointe
(amiodarone, antiarythmiques Ia, bépridil, sotalol…), antispasmodiques anticholi-
nergiques, antitussifs (antihistaminiques, opiacés), laxatifs stimulants (à forte dose),
médicaments atropiniques, colestyramine, médicaments hypokaliémiants : certains
diurétiques, corticoïdes au long cours, sels de fer, de Bismuth et sucralfate, intoxi-
cation par les métaux (arsenic, mercure, phosphore, plomb).
La constipation d’origine iatrogène est dose-dépendante ; elle apparaît plutôt
à des posologies élevées.
Au cours de son exercice à l’officine, le pharmacien est presque quotidienne-
ment sollicité par la narration de symptômes digestifs d’origine iatrogène. Dans
la plupart des cas, heureusement, ces effets indésirables sont minimes et entrent
dans le contexte d’un traitement médical bien adapté. En général, ces troubles
sont bien supportés par le malade. Néanmoins, compte tenu de l’idiosyncrasie,
certains troubles peuvent être exacerbés. Le pharmacien doit se souvenir qu’il
existe deux grandes opportunités d’une action iatrogène digestive. La première
opportunité est représentée globalement par l’ensemble des médications admi-
nistrées par voie orale (quelle que soit l’indication thérapeutique), l’autre, plus
restrictive (et incluse dans la précédente), est représentée par l’emploi spécifique
de médicaments à visée digestive :
n Un antisécrétoire gastrique anti-H2 comme la cimétidine (Tagamet) peut induire
une toxicité neurologique, hématologique, rénale, hépatique, cardiaque mais
encore des complications digestives (pancréatite aiguë, etc.) et des effets secon-
daires endocriniens.
n Les antiacides contiennent de l’hydroxyde d’aluminium qui est ralentisseur du
transit intestinal et/ou de l’hydroxyde de magnésium qui possède des propriétés
laxatives.
n Les laxatifs exposent à la « maladie des laxatifs » (colite) dont le traitement
peut être particulièrement difficile.
n Les cytoprotecteurs comme le sucralfate (Kéal*, Ulcar*) provoquent une consti-
pation, tandis que les prostaglandines prédisposent à une diarrhée (10 à 20 %
des sujets traités).
21. La constipation 171

Cette liste non exhaustive doit sensibiliser le pharmacien à la prévention des


troubles digestifs d’origine iatrogène, d’autant plus qu’ils peuvent apparaître
dans le cadre même de l’utilisation de médicaments dans une indication théra-
peutique à visée digestive. Cette sensibilisation sera d’autant accrue que les
médicaments seront prescrits en association.

Le conseil face à la pathologie


La constipation est un motif de « consultation » fréquente à l’officine. Le pharma-
cien peut se trouver devant plusieurs circonstances généralement bien définies.

Cas de l’adulte jeune, apparemment en bonne santé et sans traitement


médical connu, souffrant de constipation
Le pharmacien devra faire préciser le caractère récent ou ancien (chronique) de
la constipation et cherchera essentiellement une cause alimentaire ou une
cause iatrogène (automédication). Si l’une de ces causes est évidente, il pourra
contribuer efficacement à la guérison en prodiguant des conseils hygiéno-
diététiques et de rééducation alimentaire. Il mettra en garde le patient contre
un usage inapproprié de médicaments.

Cas de l’adulte jeune, malade connu, se plaignant de la survenue récente


d’une constipation
Après avoir éliminé une cause diététique, le pharmacien devra interroger le
patient afin de rechercher une éventuelle relation de causalité avec le suivi thé-
rapeutique (effet indésirable exacerbé, addition inopportune d’un médicament,
changement de posologie, inobservance). Si une étiologie iatrogène n’est pas
retrouvée, ou si le symptôme est mal supporté, le pharmacien devra inciter le
malade à en informer son médecin traitant.

Cas de la personne âgée se présentant à la pharmacie pour l’obtention d’un


médicament « contre la constipation »
l Si le patient est connu du pharmacien, la situation peut être envisagée de façon
identique aux précédentes, car chez le vieillard, il existe souvent un déséquilibre
diététique (majoré si la personne vit seule) et une polymédication fréquente
(médication psychotrope). Dans cette situation, les conseils du pharmacien
seront précieux et souvent très profitables ; mais il ne faudra pas sous-estimer
l’intérêt d’un avis médical car il faut craindre la possibilité du fécalome d’origine
iatrogène qui réalisera un tableau de subocclusion.
l Si le patient n’est pas connu du pharmacien, la prudence est d’emblée nécessaire,

car il ne sera pas possible de suspecter raisonnablement la véritable cause du


symptôme. Dans ce cas, le pharmacien devra surtout s’efforcer de ne pas nuire
et, s’il délivre un médicament, il saura prévenir le patient que la thérapeutique
sera à visée strictement symptomatique et ne supprimera pas la cause ; un avis
médical est fortement conseillé et même impératif s’il s’agit d’une constipation
récente brutale ou aggravée (crainte du cancer colique).
Remarque : chez le vieillard, comme chez l’adulte plus jeune, la constipation
peut être l’expression psychiatrique d’une anxiété hypocondriaque : le patient
estime que le volume des selles est insuffisant en regard de la nourriture
172 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

absorbée. Chez l’enfant et le petit enfant, un déséquilibre psycho-affectif fami-


lial (paternel et/ou maternel) peut se traduire par une constipation irrégulière
mais reproductible de façon cyclique (ex. : tous les week-ends).

Cas de l’adulte (ou de l’adolescent) se plaignant d’une constipation récente


douloureuse
l Si la cause précise et irréfutable d’un écart alimentaire est évoquée, le pharma-
cien peut intervenir efficacement par les recommandations diététiques et la déli-
vrance d’un laxatif doux.
l Si la cause reste obscure malgré une demande de renseignements bien conduite

(cf. supra), le pharmacien incitera le malade à consulter son médecin.

Cas de la mère demandant conseil pour son enfant constipé


Hormis une erreur diététique flagrante ou la prise d’un sirop antitussif, le phar-
macien ne recherchera pas d’autres causes ; sans inquiéter la maman et en
prodiguant les premiers conseils hygiénodiététiques indispensables, il saura
conseiller la consultation médicale, surtout s’il s’agit d’un nourrisson.

Cas de la survenue d’une constipation chez une femme enceinte


Le pharmacien doit savoir qu’une femme enceinte sur deux est constipée car il
existe une hypotonie du muscle lisse intestinal, liée à l’augmentation du taux
de progestérone. Cette perturbation hormonale physiologique aggrave fréquem-
ment un état de fait antérieur découlant le plus souvent d’erreurs dié­tétiques.
La grossesse peut aussi être l’occasion d’un dépistage d’automédication
(laxatifs, purgatifs) qui devra être formellement déconseillée.

La thérapeutique
Exception faite des constipations d’origine fonctionnelle qui cèdent habituellement
grâce aux mesures hygiénodiététiques ou parfois avec l’aide d’une prescription
médicamenteuse adaptée, les autres causes de constipation relèvent strictement de
traitements instaurés après avoir effectué des investigations cliniques et biologiques
appropriées. Hormis ces cas particuliers, le traitement d’une constipation est géné-
ralement simple et fait appel à un ensemble de moyens représentés par des mesu-
res hygiénodiététiques et un usage modéré de laxatifs et de purgatifs.
L’attitude thérapeutique est guidée par la démarche diagnostique. Il est indis-
pensable de déterminer la cause et, en premier lieu, d’éliminer une organicité. Il
faudra aussi s’assurer que le symptôme est bien réel (attention aux étiologies
psychogènes). À l’officine, le pharmacien sera seulement autorisé à prendre en
compte la constipation essentielle. Qu’elle soit de survenue récente ou qu’elle
soit chronique, son traitement associera toujours des règles hygiénodiététiques et
rééducatives à une prescription médicamenteuse raisonnée, c’est-à-dire s’efforçant
de ne pas nuire. La thérapeutique dispose de mucilages (laxatifs de lest) pour
modifier le volume et la consistance des selles, de laxatifs osmotiques pour aug-
menter l’hydratation et le volume du contenu colique et de laxatifs lubrifiants et
stimulants. Ces derniers doivent être utilisés avec modération, car leur usage
régulier peut provoquer la « maladie des laxatifs » (cf. infra).
21. La constipation 173

Le conseil face à la thérapeutique


Les règles générales
Les mesures hygiénodiététiques et les moyens de rééducation
Le pharmacien est l’interlocuteur de choix pour la dispensation des conseils nutri-
tionnels. Ces conseils seront toujours prodigués quelle que soit la cause de la
constipation. En premier lieu, il faut conseiller au patient d’éviter les aliments
ralentisseurs du transit digestif :
l certains légumes : choux, céleris, radis, artichauts, lentilles, etc. ;

l certaines viandes : viandes en sauce ou fumées, gibiers, etc. ;

l le poisson fumé ;

l les œufs frits (brouillés, omelette…) ;

l certaines céréales et féculents : riz, pommes de terre (frites et chips) ;

l les fromages très fermentés ou à pâte persillée (roquefort, bleu) ;

l certains fruits : ananas, oranges, pamplemousse, citron, banane, melon ;

l certaines pâtisseries et confiseries : gâteaux à la crème, glaces, fruits confits, pâte

d’amande, chocolat ( ?) ;


l les graisses végétales ou animales cuites (fritures, beurre noir) ;

l certaines boissons : bière, apéritifs, vins cuits, boissons gazeuses ;

l certains assaisonnements : ail, échalote, oignon.

Les règles diététiques peuvent être expliquées à l’officine ; elles ont un dou-
ble but :
l Il faut réhydrater les selles en buvant abondamment des boissons non alcoolisées,

pendant et entre les repas ; de même, il est conseillé de boire un verre d’eau
fraîche ou de jus de fruits, le matin, à jeun. La ration hydrique journalière doit
être au moins égale à 1,5 L.
l Il faut apporter une alimentation riche en résidus : elle est constituée par des

aliments dits « de ballast », c’est-à-dire riches en débris cellulosiques. Les fibres ali-
mentaires sont les éléments constitutifs des végétaux et sont non digestibles ; elles
peuvent être glucidiques (cellulose, hémicellulose, pectines) ou non glucidiques
(lignine). Elles ont un effet osmotique par capture d’eau et favorisent ainsi l’accé­
lération du transit. Ce type d’alimentation est représenté par les légumes verts,
crus (de préférence râpés) et cuits, certains fruits frais (pomme, banane, raisin) ou
desséchés (pruneaux, figues) puis réhydratés (en buvant aussi l’eau de trempage).
Les aliments un peu gras et l’utilisation d’huile d’olive améliorent le transit. Les
repas doivent être pris lentement et à heures régulières. Les aliments devront être
mastiqués soigneusement (veiller aux soins de la denture du malade).
L’utilisation du pain de son ou de préparations le contenant (All Bran*,
Celluson*) ou l’utilisation de produits à l’extrait de fibres de soja (Isioa*) facili-
tent les mesures diététiques. Le pharmacien peut recommander leur emploi,
car l’intégration du son au régime est une prescription fondamentale. Leur
emploi recommande l’utilisation de doses progressives par paliers de 5 g, pour
atteindre en moyenne 15 à 25 g par jour. L’action du son n’apparaît qu’après
2 à 3 jours de traitement, parfois seulement après une semaine. Le pharmacien
devra indiquer les effets indésirables accompagnateurs qui se traduisent géné-
ralement par : un effet de coupe-faim, un ballonnement abdominal avec flatu-
lence et dyspepsie, des douleurs abdominales, une perturbation de la
résorption de certains médicaments ou oligo-éléments (Ca, P, Zn) par un phé-
nomène d’adsorption.
174 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Ces effets secondaires sont transitoires et ne constituent pas un motif d’arrêt


de la prescription. L’apport du son dans l’alimentation doit toujours être pru-
dent et progressif ; il est conseillé de l’introduire au rythme progressif de 5 g
par jour tous les 5 jours.
Remarque : le patient absorbera plus facilement certaines préparations sous
forme de granulés (ex. : Infibran) en les délayant au préalable dans un yaourt.
Des règles d’hygiène et de rééducation doivent être instaurées :
l Une amélioration de l’activité physique est conseillée, par exemple en privilé-

giant la marche (réduire les déplacements en voiture) ou en utilisant les escaliers


plutôt que l’ascenseur.
l Le patient doit se présenter à la selle à heure fixe et sans attendre le besoin. Pour

déclencher celui-ci, il est conseillé de boire un grand verre d’eau glacée (ou de
jus de fruits) ou, si le sujet est fumeur, de fumer une cigarette. La présentation à
la selle, le matin, est préférable, car le petit-déjeuner favorise le déclenchement
du réflexe gastro-colique.

L’emploi des laxatifs


Le pharmacien (comme le médecin) peut être enclin à répondre à une
démarche fréquente de la part du malade qui souhaite la prescription d’un trai-
tement efficace ; dans la plupart des cas, le patient ne connaît pas l’effet pervers
des laxatifs et préférera l’usage du médicament plutôt que la contrainte diét-
étique. En règle générale, il faudra prescrire sans nuire et donc éviter l’utilisation
des laxatifs irritants (anthracéniques, anthraquinoniques, phénolphtaléine) qui
peuvent conduire à la maladie des laxatifs (cf. infra).
Le pharmacien se souviendra que la majorité des sujets constipés chroniques
usent et abusent des laxatifs (automédication), d’autant que ces derniers pos-
sèdent un effet rapidement exonérateur (efficacité rapide  satisfaction). Le
patient aura tendance à rejeter un traitement qui ne conduit pas à un effet
spectaculaire ; pour cette raison, le pharmacien devra convaincre le malade de la
réelle efficacité d’un traitement s’il est ménagé et régulièrement suivi.
Le pharmacien doit bien connaître les propriétés des nombreux laxatifs qu’il
peut prescrire.

Les laxatifs de lest


Ils agissent à la fois par leur résistance à l’hydrolyse enzymatique des sécrétions
digestives et par leur pouvoir hydrophile. Ils contribuent ainsi à augmenter le
volume et la consistance des selles en leur assurant une hydratation suffisante.
Les fibres alimentaires (cf. supra) appartiennent à ce groupe mais aussi les
mucilages comme Karayal*, Mucivital*, Spagulax*, parfois associés à un anti­
spasmodique (Normacol*).

Les laxatifs osmotiques


Ils augmentent l’hydratation et le volume du contenu colique. Les laxatifs salins
(chlorure de magnésium, sulfate de sodium) sont plutôt employés comme pur-
gatifs : Magnesie S Pellegrino*. Les laxatifs sucrés comme le lactulose ou le man-
nitol ou le sorbitol exercent un pouvoir hydrophile élevé : *, Importal*, Sorbitol*.
Ne pas oublier aussi que l’abus de laxatifs osmotiques induit la survenue d’une
diarrhée.
21. La constipation 175

Les laxatifs lubrifiants


Ils agissent en ramollissant le contenu intestinal et en gênant la réabsorption
d’eau ; ce sont des huiles minérales non digestibles (huile de paraffine, huile
d’olive) .

Les laxatifs stimulants


Ils exercent leur action par une augmentation de l’apport hydroélectrolytique et
une diminution de la réabsorption d’eau et d’électrolytes au niveau du côlon. Ils
sont irritants et leur utilisation irrationnelle (traitement prolongé à fortes doses)
expose à la « maladie des laxatifs » ou colite iatrogénique. Il s’agit d’une affection
grave qui se traduit par des douleurs abdominales paroxystiques, des ballonne-
ments postprandiaux, un amaigrissement, des crises de spasmophilie, une diar-
rhée… Cette maladie est plus fréquemment rencontrée chez la femme. La
notion de prise de laxatif est souvent dissimulée par la patiente et il existe des
troubles psychiques associés de façon pratiquement constante ; compte tenu
de ce contexte, le traitement s’avère particulièrement difficile.
L’usage des laxatifs stimulants peut perturber la pharmacocinétique de
nombreux médicaments cardiovasculaires (antiarythmiques, digitaliques…), le
pharmacien retiendra cette précaution d’emploi.
Les principaux laxatifs stimulants sont des anthracéniques seuls ou associés :
Mucinum*, Boldoflorine*, Dépuratif des Alpes*, Dragées Fuca*, Sénokot*,
Tamarine*, etc. ; d’autres sont à base de phénolphtaléine seule ou associée à
des anthracéniques, ex. : Mucinum* ; d’autres enfin possèdent en plus un effet
détergent anionique comme Jamylène*.

Les laxatifs administrés par voie rectale


Ceux-ci provoquent en quelques minutes l’évacuation du rectosigmoïde. Leur
prescription (Dulcolax*, Microlax*, Rectopanbiline*, etc.) doit être réservée au
médecin, qui seul saura porter le diagnostic de constipation basse par dyschésie
rectale ou rectosigmoïdienne. Le pharmacien devra déconseiller vivement leur
utilisation prolongée.

La crénothérapie
Elle est indiquée dans le cas d’échecs de la thérapeutique. Les constipations
douloureuses peuvent être traitées par les eaux peu minéralisées de Plombières.
Les constipations non douloureuses peuvent être traitées par les eaux chloru-
rées sodiques et magnésiennes de Chatel-Guyon. Les constipations des sujets
obèses peuvent être traitées par les eaux sulfatées de Brides-les-Bains.

Les situations particulières


Trois cas particuliers peuvent être rencontrés à l’officine, celui de la femme
enceinte, celui de l’enfant et celui du vieillard. Dans ces situations, le pharmacien
peut être amené à prescrire et si tel est le cas il s’assurera au préalable de la
réalité du symptôme, grâce à un interrogatoire précis.

Le cas de la femme enceinte


Le pharmacien conseillera préférentiellement des mesures diététiques souvent
ignorées (alimentation riche en fibres, selles à horaire régulier, boissons abon-
dantes…). Les possibilités thérapeutiques envisageables devront être simples et
176 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

inoffensives : le son Infibran*, etc., associé à un apport hydrique quotidien suf-


fisant, en respectant la progression de la dose (cf. supra) est habituellement
d’une efficacité suffisante. Dans le cas où cette thérapeutique est inefficace,
l’emploi de l’huile de paraffine (Lansoÿl*) peut être envisagé à la dose de 1 à
2 cuillères à soupe le soir au cours du dîner ou encore l’emploi d’un laxatif
osmotique, si la constipation est déjà bien installée. Dans le cas d’une constipa-
tion chronique opiniâtre, le conseil médical doit être privilégié. Le pharmacien
n’oubliera pas la mise en garde systématique face à l’automédication.

Le cas de l’enfant
Les mesures hygiénodiététiques sont indispensables et elles sont souvent
suffisantes :
l donner à boire abondamment, pendant et entre les repas, de l’eau plutôt fraîche

ou certains jus de fruits naturels, sans sucre (jus d’orange, de pamplemousse, de


pomme, de pruneaux) ; éviter les sucreries, les féculents ; consommer abondam-
ment des crudités, des fruits frais, des légumes ; du son peut être ajouté à
l’alimentation ;
l faire pratiquer des exercices physiques de manière régulière ;

l rééduquer la défécation en installant l’enfant aux toilettes à des heures

régulières ;
l donner à boire de l’eau Hépar, riche en magnésium ; diurétique et minéralisée,

cette eau ne doit pas être utilisée de façon prolongée chez le nourrisson ;
l utiliser les laits acidifiés (ex Gallia* Lactofidus) qui semblent favoriser le transit.

Les lavements (Microlax*, Normacol*, etc.) ne doivent être proposés qu’en


cure courte, associés aux mesures diététiques, de même que l’utilisation ponc-
tuelle de suppositoires (Glycérine*, Rectopanbiline*) ; un laxatif osmotique
comme Duphalac peut être utilisé en cas de constipation modérée.

Le cas du sujet âgé


La constipation du sujet âgé sain et valide ne paraît pas plus fréquente que
chez l’adulte jeune. La fréquence augmente lorsque l’activité physique diminue
et lorsque l’apport alimentaire (boissons comprises) se réduit. Avec l’âge, la
musculature abdominale est moins tonique ; l’alitement prolongé ou l’état gra-
bataire amplifie ce fait.
Dans la situation d’une constipation chronique chez un vieillard en bon état
général, le pharmacien devra privilégier les recommandations hygiénodiététiques
(activité physique, alimentation régulière et variée…). En cas d’échec, il faut
éviter tout laxatif irritant et préférer les apports en fibres alimentaires (Infibran*,
etc.). Les huiles de paraffine peuvent être utilisées sur des périodes brèves en
recommandant d’éviter leur ingestion avant le coucher car il existerait un risque
de pneumopathie huileuse.
Dans cette situation il faudra encore insister sur les dangers de l’automédi-
cation (toujours fantaisiste) et ne pas hésiter à inciter à la consultation médicale,
car chez le vieillard, une constipation chronique, ancienne, peut évoluer de façon
très péjorative en masquant une pathologie grave (cancer colique) sans inquiéter
le patient, au moins pendant la période d’installation, voire pendant la phase du
début de l’évolution.
22 Les hémorroïdes

Les hémorroïdes sont des dilatations variqueuses internes ou externes des veines
ano-rectales. Cette maladie est parfois banalisée, souvent considérée à tort par
le patient comme « physiologique » après la trentaine. Elle touche plus de 25 %
de la population avec une égale fréquence dans les deux sexes ; elle est excep-
tionnelle chez l’enfant.

La pathologie
Symptomatologie
Les hémorroïdes sont souvent asymptomatiques et l’intensité des signes n’est
pas forcément proportionnelle à l’importance de la dilatation variqueuse. C’est
plutôt à l’occasion d’une poussée hémorroïdaire aiguë que le patient est amené
à consulter d’abord son pharmacien (le malade a « honte de son anus »), puis
son médecin, souvent après l’essai infructueux de plusieurs médications. La
poussée hémorroïdaire se caractérise par une douleur, un prurit, parfois un suin-
tement de mucus et une pesanteur (sensation de rectum rempli). Les saigne-
ments hémorroïdaires surviennent au moment de la défécation : petites
rectorragies de sang rouge « arrosant ou enrobant » les selles ou simplement
quelques gouttes de sang tachant la cuvette des W-C et le papier hygiénique.
Les hémorroïdes externes guérissent généralement en 1 à 2 semaines. Les
hémorroïdes internes s’expriment après une constipation, par de courts accès
durant quelques jours à 3 semaines. Les accès de crises hémorroïdaires peuvent
récidiver pendant des années. Une complication fréquente est l’apparition de
lésions d’irritation périanale associées à des lésions de grattage dues au prurit
intense et parfois entretenues par un usage abusif et inapproprié de thérapeu-
tiques locales. D’autres complications peuvent survenir, comme une thrombose
hémorroïdaire externe ou interne, une procidence hémorroïdaire (pouvant
se thromboser et s’ulcérer) ou une anite hémorroïdaire (source de rectorragies).
Les hémorroïdes ne doivent jamais être négligées car elles peuvent cacher une
autre affection, en particulier le cancer recto-sigmoïdien (une affection proctolo-
gique préoccupante après 45 ans impose une coloscopie systématique).

Étiologie
Hormis les causes particulières (rares et souvent graves) comme les lésions
pelviennes (tumeurs ou affections recto-sigmoïdiennes, affections génitales ou
prostatiques) ou certaines affections générales (ex. : l’hypertension portale), les
principales causes de la survenue des hémorroïdes idiopathiques sont : la séden-
tarité et certains sports (cheval, cyclisme), les excès de table chez les mangeurs
pléthoriques et obèses, une diététique et une hygiène de vie particulières ou
déséquilibrées, la constipation et les diarrhées, l’usage abusif de laxatifs irritants,
certaines perturbations endocriniennes (ex. : période prémenstruelle), la gros-
sesse ou encore une certaine prédisposition constitutionnelle héréditaire.
178 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Le conseil face à la pathologie


Pour le patient, les hémorroïdes ne sont « pathologiques » que lorsqu’elles
« font parler d’elles » ; c’est à ce stade qu’il consultera de préférence le phar-
macien en demandant une pommade ou des suppositoires pour « soigner des
hémorroïdes ». Le pharmacien devient ainsi presque quotidiennement, le pres-
cripteur de médicaments antihémorroïdaires. Compte tenu de la diversité des
patients concernés : adulte jeune, femme enceinte, personnes âgées, sportifs
(cyclistes, cavaliers), malades sous traitement médical (constipation iatrogè-
nique prédisposante), le pharmacien sera d’autant plus vigilant qu’il sait que
l’automédication est souvent de règle chez ces patients et, à ce titre, ses
conseils peuvent devenir essentiels.
En règle générale, le pharmacien préconisera d’abord les recommandations
hygiénodiététiques en insistant sur le fait qu’elles sont une garantie fondamen-
tale de la guérison ; la prescription d’un médicament délivré de la façon la plus
appropriée suite aux plaintes du patient (prurit, douleur…), devra être assortie
des conseils de bonne utilisation.
Le pharmacien devra limiter le conseil et la prescription au profit d’une inci-
tation à la consultation médicale si les symptômes persistent, car ils peuvent
traduire une pathologie plus grave.
Le pharmacien est souvent le seul témoin d’une automédication prolongée,
donc le mieux placé pour mettre en garde le malade contre la survenue de
lésions périanales cutanées parfois graves, d’origine iatrogène.

La thérapeutique
Longtemps empirique, le traitement des hémorroïdes comporte des mesures
hygiénodiététiques associées, selon les cas, à des médicaments topiques (pom-
made, suppositoires) et/ou à action veinotrope ; selon la gravité, des injections
sclérosantes sous-muqueuses (dans le cas de rectorragies), une ligature élastique
(s’il existe une procidence hémorroïdaire), une cryothérapie ou un acte chirurgi-
cal peuvent être envisagés. La technique de Longo, plus connue sous le nom
d’anopexie rectale, consiste à fixer les hémorroïdes dans le canal anal au moyen
d’un agrafage circulaire mécanique. Cette intervention courte (une quinzaine de
minutes) présente l’avantage d’être sans douleur et ne nécessite pas de soins
postopératoires.

Le conseil face à la thérapeutique


Le traitement doit toujours être entrepris avec un esprit prospectif ; le pharma-
cien choisira le médicament qui répond le mieux au cas (et à l’attente) du
patient, en sachant qu’il n’existe pas de véritable traitement médicamenteux
des hémorroïdes, car les topiques utilisés ont essentiellement une action symp-
tomatique au niveau des douleurs, du prurit et de la congestion des veines
hémorroïdales. Il est toujours difficile de traiter une pathologie « acceptée » par
le patient.
22. Les hémorroïdes 179

Les mesures hygiénodiététiques


Elles sont la base d’un bon traitement et leur respect contribuera efficacement
à la disparition des hémorroïdes. Ces règles doivent toujours être prescrites en
priorité.
Le pharmacien doit prodiguer des conseils diététiques visant à lutter contre la
constipation. Au besoin, il peut prescrire un laxatif non irritant comme un
mucilage (ex. : Mucivital*) ou un laxatif lubrifiant comme l’huile de paraffine.
Il est nécessaire d’éliminer certains produits de l’alimentation : la charcuterie,
les viandes faisandées et les mets pimentés, les condiments (moutarde) et les
épices ; certaines boissons seront déconseillées, comme les vins fins, les apé-
ritifs, ainsi que l’abus de thé et de café fort. En revanche, il faut régulariser le
transit intestinal en suivant un régime riche en fibres (légumes frais, fruits, etc.)
et boire suffisamment d’eau (1,5 L à 2 L/jour).
Une toilette anale doit être faite régulièrement après chaque selle ; le pharma-
cien peut conseiller l’usage d’un savon surgras (A-Derma*, Biolane*, Avène*,
etc.) qui contribuera à calmer le prurit. Le savon de Marseille ou la lotion
MuIstela* peuvent être utilisés, contrairement à tous les savons ou les lotions
contenant un déodorant ou un parfum. Le séchage doit être soigneux.
Il faut aussi recommander une vie moins sédentaire et déconseiller le cyclisme,
le cheval, la moto et une utilisation trop fréquente et non motivée de la voiture.

Le traitement médicamenteux
Il est représenté par des substances vasculoprotectrices et veinotoniques
(Cyclo 3*, Daflon*, Ginkor*, Intrait de marron d’Inde*, Cémaflavone*, Veinobiase*,
etc.) administrées par voie générale et par des topiques (pommades et suppo-
sitoires) fort utiles pour apaiser la douleur, calmer une réaction inflammatoire
ou lubrifier le canal anal.
La prescription d’un traitement par voie générale (médicaments vasculo­
protecteurs) doit rester le fait du médecin.
La prescription des topiques fait appel à la forme pommade et à la forme
suppositoire pour le traitement des affections du rectum. De nombreux topi-
ques sont à la disposition du pharmacien qui devra tenir compte de plusieurs
données avant de les prescrire : la qualité de la symptomatologie (douleurs,
saignements…), l’ancienneté de la pathologie (récidives ? premier traite-
ment ?), la probabilité d’une automédication (adulte jeune, fruste, vieillard…)
et la composition du topique choisi.
Le pharmacien peut prescrire des topiques :
l sans anesthésique et sans corticoïde, par exemple : Anusol*, Préparation H* pom,

Titanoréine*. Les sels de bismuth et l’oxyde de zinc exercent un effet astringent,


décongestionnant et assurent une couverture antiseptique. Le baume du Pérou
et l’acide borique ont un effet cicatrisant et protecteur ;
l contenant un anesthésique : Préparation H* suppo, Titanoréine* pommade. Un trai-

tement de courte durée doit être conseillé car une allergie à l’anesthésique local
est toujours possible ;
l divers comme : Proctolog, etc. ont une action cicatrisante et hémostatique.

Certains topiques renferment à la fois un corticoïde et un anesthésique :


Deliproct, Ultraproct. La présence de corticoïde contre-indique ces médicaments
dans le cas d’une maladie infectieuse (bactérienne, virale, fongique) non traitée.
180 IV. Les maladies en hépato-gastro-entérologie et en proctologie

Lors d’une prescription, chez le sportif en particulier, le pharmacien précisera


chaque fois s’il y a lieu, la présence d’une substance dopante.

Exemples de conseil officinal


Cas de l’adulte jeune, consultant le pharmacien suite à une première crise
hémorroïdaire dont les causes diététiques sont évidentes
Les recommandations hygiénodiététiques sont fondamentales ; le pharmacien
délivrera un topique (suppositoire et pommade).
Remarque : si le patient précise que la survenue d’hémorroïdes est fréquente
dans sa famille qui souffre d’une « mauvaise circulation », le pharmacien peut
délivrer un veinotonique (ex. : Cémaflavone*) en conseillant au patient de ne
pas négliger la survenue ou la présence de varices et de tout autre problème
circulatoire veineux (consultation médicale préconisée).

Cas du patient souffrant chroniquement de la présence d’hémorroïdes


depuis plusieurs années
l S’il s’agit d’un adulte jeune avouant des écarts diététiques certains, l’attitude
thérapeutique choisie pour le cas précédent peut être appliquée avec succès si
l’observance est acquise.
l S’il s’agit d’un adulte âgé de plus de 45 ans et ayant déjà « essayé » plusieurs

topiques, voire aussi l’usage de vasculoprotecteurs, « sans succès », le seul


conseil majeur à prodiguer est la consultation médicale ; la prescription d’un
« nouveau » topique serait d’un effet très aléatoire.
l Si le patient a déjà été suivi par son médecin pour cette symptomatologie et/ou

s’il a déjà été traité pour insuffisance veineuse et qu’il présente des poussées
hémorroïdaires fréquentes et importantes, le pharmacien conseillera la consulta-
tion médicale.

Cas de la femme enceinte


Les recommandations hygiénodiététiques sont primordiales avec pour souci
majeur la disparition de la constipation. Seul le médecin jugera de la gravité
des hémorroïdes qui seront soignées définitivement, si nécessaire, à distance
de la grossesse.
Remarques générales : le pharmacien prescripteur doit, quel que soit le cas,
prodiguer d’abord les conseils hygiénodiététiques ; la délivrance de topiques sera
de bon aloi si le patient suit les recommandations dispensées. Compte tenu du
risque presque incontournable de l’automédication, le pharmacien devra tou-
jours prescrire un topique dénué d’effets indésirables car les thérapeutiques
locales sont souvent plus nuisibles qu’utiles : l’efficacité des principes actifs
n’est pas formellement prouvée, certains d’entre eux sont irritants (la peau
périanale est très sensible aux anesthésiques de contact). Enfin, le patient
« adopte » assez facilement cette pathologie dont il n’aime pas parler (même à
son médecin) ; le plus souvent, il minimisera les symptômes, avouant quelques
hémorroïdes alors qu’il s’agit déjà d’une thrombose hémorroïdaire. En consé-
quence, le pharmacien ne délivrera des médicaments qu’à bon escient et s’il
doit renouveler la demande, il veillera à ne pas banaliser ce traitement relevant
le plus souvent d’une automédication.
23 La grippe

Cette infection virale aiguë est due à Myxovirus influenzae. Elle survient habituel-
lement sous forme d’épidémies. Le type A est responsable de formes modérées
survenant tous les 2 ou 3 ans ; les types B et C sont responsables de formes spo-
radiques et bénignes. Les épidémies surviennent surtout l’hiver et se propagent
d’est en ouest. Les réservoirs animaux du virus joueraient un rôle important dans
l’apparition de nouveaux variants chez l’homme ; les oiseaux sont les hôtes des
virus de la grippe, les virus aviaires sont une source importante de gènes viraux.
Après 65 ans, une grippe sur deux ou trois se surinfecte. La vaccination antigrip-
pale concerne 7 millions de sujets en France dont 40 % de sujets fragilisés ; elle
est efficace à 80 % environ, au niveau individuel.
La grippe aviaire est une infection induite par des virus influenzae de type A,
en particulier les sous-types H5, H7 et H9. L’infection par le virus H5N1, très
contagieuse, peut toucher toutes les espèces d’oiseaux (sauvages et domesti-
ques) ainsi que d’autres espèces animales (ex. : le porc) ; ce virus peut excep-
tionnellement être transmis à l’homme, lors de contacts fréquents et intensifs
avec des sécrétions respiratoires et des déjections d’animaux infectés. Le risque
de pandémie est lié à la possibilité d’une recombinaison du virus H5N1 avec une
souche virale humaine ou d’une mutation de ce virus, lui conférant une capacité
de transmission interhumaine.
H1N1 désigne un ensemble de virus de la grippe appartenant à la même lignée
de type A, sous-type H1N1. Ces virus sont caractérisés par un pouvoir pathog����è���
ne
élevé pour l’Homme. Le nom H1N1 indique que le virus présente à sa surface la
combinaison de l’h�������������������������������������������������������
émagglutinine������������������������������������������
de type 1 et la neuraminidase de type 1.

La pathologie
Symptomatologie
Cette maladie respiratoire présente une contagiosité de 4 à 5 jours, très importante
par le biais de la salive. Après une période d’incubation de 2 à 3 jours, elle se carac-
térise par un début brutal fébrile (39-40°C), marqué par des frissons, des douleurs
diffuses : arthralgies et myalgies surtout prononcées au niveau du dos et des jam-
bes. Les céphalées sont intenses, parfois associées à une photophobie (crainte de la
lumière qui devient pénible et douloureuse) et à des douleurs rétro-oculaires. Les
symptômes respiratoires, souvent modérés au début, s’expriment par un catarrhe
des voies aériennes supérieures : douleurs pharyngées, dysphagie, raucité de la
voix, toux sèche et parfois une rhinorrhée. Une conjonctivite et des troubles diges-
tifs (anorexie, vomissements) sont quelquefois décrits chez certains malades.
L’évolution est rapidement résolutive (3 à 5 jours) en l’absence de complications,
avec une chute de la fièvre. Parfois, il existe une réascension transitoire de la tem-
pérature (c’est le « V grippal »). La convalescence est habituellement de courte
durée, exception faite de la persistance d’une asthénie pendant plusieurs jours,
voire pendant plusieurs semaines. La persistance de la fièvre, de la toux et d’autres
184 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

symptômes respiratoires pendant plus de 5 jours évoque une surinfection bacté-


rienne bronchique, parfois une pneumonie. Certaines complications comme une
encéphalite, une myocardite ou une myoglobinurie surviennent préférentiellement
pendant la période de convalescence. Dans sa forme modérée, la grippe peut sim-
plement s’exprimer par les symptômes du rhume banal, avec ou sans fièvre.
La grippe aviaire a la particularité suivante (OMS) : après une période d’incuba-
tion pouvant aller jusqu’à 7 jours, l’infection humaine à virus H5N1 se présente
comme une grippe banale (température  38 °C associée à des maux de gorge,
des douleurs musculaires et des troubles respiratoires comme une toux). Le ris-
que potentiel est lié à l’apparition de troubles respiratoires sévères.
La transmission du virus H1N1 se fait de la même manière que dans le cas
d’une grippe saisonnière :
n voie aérienne : le virus se diffuse dans l’air dans les gouttelettes provoquées
par la toux, des éternuements ou des postillons ;
n contact rapproché avec une personne infectée (embrassade, poignée de main) ;
n contact avec des objets contaminés par un malade (toilettes, poignée de porte).
Les symptômes de la grippe A(H1N1) sont similaires à ceux de la grippe sai-
sonnière : fièvre, courbatures, fatigue, difficultés respiratoires parfois accompa-
gnées de toux et de perte d’appétit.

Le conseil face à la pathologie


Avant toute chose, le pharmacien doit connaître les symptômes et les compli-
cations de la grippe, maladie trop fréquemment banalisée car trop souvent
confondue (ou assimilée) avec un rhume ou une angine.
Les complications peuvent être liées au virus lui-même :
l laryngites, pharyngites, conjonctivites : ces complications peuvent toucher tous

les individus en particulier les sujets débilités (une maladie cardiovasculaire favo-
risera une détresse respiratoire), les sujets tabagiques mais également les sujets
en bonne santé ;
l les manifestations extrapulmonaires, telles une myocardite, une encéphalite, une

péricardite ou une méningite, sont plus rares.


Les complications peuvent être liées au terrain :
l une bronchopathie préexistante est un facteur de surinfection ;

l une cardiopathie gauche favorise la survenue d’un syndrome de détresse respira-

toire avec un risque fatal de 50 % ;


l le sujet diabétique, le sujet immunodéprimé, la femme enceinte, le sujet âgé (ou

encore le patient splénectomisé), sont des individus fragilisés, donc à risques.


Devant tout syndrome grippal patent (fièvre persistante et élevée), le phar-
macien doit impérativement conseiller la consultation médicale ; dans certains
cas (vieillard, sujet fruste…), il pourra contribuer à la prise du rendez-vous (par
téléphone).
Devant un syndrome grippal mal défini par le patient ou devant un syn-
drome grippal bâtard chez un enfant ou un sujet à risques, le pharmacien doit
inciter à la consultation médicale. Il n’appartient pas au pharmacien de diffé-
rencier formellement un rhume banal de l’installation d’une grippe ; le bon
réflexe doit être l’incitation à la consultation médicale.
23. La grippe 185

L’enfant est un réservoir majeur de virus et détient un rôle essentiel dans sa


dissémination. Ce constat, couplé au fait que les complications de la grippe,
notamment respiratoires, sont souvent responsables d’hospitalisation, devrait
motiver une vaccination préventive. Chez l’enfant, le taux d’attaque est équi-
valent à celui des adultes avant l’âge de 1 an ; il est élevé, et nettement supé-
rieur à celui des adultes jeunes, chez l’enfant âgé de 6 à 10 ans et ce, jusqu’à
l’adolescence. Ne pas oublier également que certaines maladies sont aggravées
par la grippe (ex. : l’asthme et la mucoviscidose).
Dans les cas particuliers de la grippe aviaire et de la grippe A(H1N1), des mesures
d’hygiène doivent être préconisées (se couvrir la bouche au cours de la toux et le
nez au cours d’éternuements, se laver les mains) ainsi que des méthodes de pré-
vention (aérer la chambre du malade, hygiène rigoureuse lors des soins).

La thérapeutique
Attitude thérapeutique
Le traitement de fond de la grippe est symptomatique dans la plupart des cas. Le
pharmacien sera rarement prescripteur, sinon par erreur d’appréciation de la
symptomatologie : le syndrome grippal du début s’est manifesté à l’identique des
symptômes du rhume banal. Hormis cette circonstance rare, les conseils à l’officine
seront essentiellement des recommandations hygiénodiététiques et des conseils
afférents aux mesures préventives, notamment à l’intérêt de la vaccination.

Le conseil face à la thérapeutique


Les recommandations générales
Le patient doit rester alité ou se reposer suffisamment (arrêt de travail) en évitant
tout effort, même après la normalisation de la température ; la poursuite normale
du travail peut prolonger la maladie et favoriser les complications. Le patient doit
boire suffisamment pour compenser la déshydratation pendant la période fébrile.
Il faut se souvenir que la grippe se transmet par contact direct interhumain,
par l’intermédiaire des sécrétions rhino-pharyngées du malade ou du porteur
de virus. Le brouillard et l’humidité sont des facteurs favorisants.

Le choix des médicaments


Seul le médecin est prescripteur des médicaments du traitement de la grippe. Le
pharmacien se bornera à prodiguer les recommandations afférentes au bon
emploi des médicaments prescrits, en insistant sur les dangers de l’automédi-
cation. Pour ce type de pathologie, le médecin traitant peut confier une ordon-
nance « simple » et une ordonnance d’antibiotiques, ou bien notifier au patient
que l’antibiotique prescrit ne sera pris que dans certaines circonstances d’évolution
de la maladie, en recommandant au malade de l’informer si la fièvre persiste ou
s’il apparaît des éléments nouveaux de surinfection ou de localisation (rhinite,
sinusite…). Cette automédication « assistée » est loin d’être répréhensible ; il est
évident qu’elle s’adresse à un type de patient conscient (en toute objectivité) de
l’expression variable de sa maladie, mais qui n’oblige pas à la prescription d’une
antibiothérapie systématique. L’antibiothérapie est instaurée en cas de surinfection
186 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

patente (ex. : foyer pulmonaire) ou pour l’éviter chez le sujet à risques ; elle sera
intensifiée en cas de complications pulmonaires sévères. Le pharmacien assurera
ici un rôle complémentaire de celui du médecin et saura renouveler les recom-
mandations au patient lors de la délivrance des médicaments. Le traitement symp-
tomatique préconise l’emploi d’antipyrétiques (aspirine, paracétamol), l’usage
d’un décongestionnant nasal (ex. : Actifed*) ; un traitement curatif (amantadine)
sera instauré chez les sujets à risque de complications.
Ce type de coordination triangulaire « médecin-malade-pharmacien » est
plus efficace que la prescription à l’officine d’antipyrétiques, d’antalgiques ou
de sirops antitussifs qui, de façon quasi certaine, incitera le patient à l’automé-
dication, « sauvage » cette fois.
L’aspirine (et les spécialités en contenant) peut induire un syndrome de Reye
chez certains enfants atteints de virose (varicelle en particulier et épisodes d’al-
lure grippale). Ce syndrome rare, mais grave, est caractérisé essentiellement
par des troubles neurologiques et une atteinte hépatique. Le 25 octobre 2002,
l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a recom-
mandé l’utilisation du paracétamol en première intention chez l’enfant, en rai-
son de sa bonne tolérance aux doses thérapeutiques (à la posologie de 60 mg/kg
en 4 prises, soit 15 mg/kg toutes les 6 heures) et d’une efficacité comparable à
l’aspirine. Il est également recommandé de ne pas administrer, sans avis
médical, l’aspirine chez l’enfant de moins de 16 ans, contre 12 ans aupara-
vant ; en particulier, en cas de maladie virale comme la varicelle ou un épisode
d’allure grippal. En cas d’apparition de troubles de la conscience ou du com-
portement et de vomissements chez un enfant prenant de l’aspirine, il est
impératif de prévenir immédiatement le médecin.
Le traitement de la grippe aviaire est fondé sur l’utilisation d’antiviraux :
zanamivir (Relenza) et oseltamivir (Tamiflu), utilisés pour la prévention et le trai-
tement précoce de la grippe, ainsi que sur la thérapeutique nécessaire au trai-
tement du syndrome grippal et de ses complications.
La plupart des cas de grippe A(H1N1) ont montré un rétablissement com-
plet sans antiviraux. Ces traitements, pris précocement, peuvent néanmoins
prévenir l’infection, diminuer l’importance des symptômes et leur durée.

Les mesures de prévention


Les mesures préventives reposent d’abord sur la vaccination (chez l’adulte et l’en-
fant), puis, à un moindre degré, sur l’administration de médicaments antiviraux,
car il ne s’agit pas d’une alternative à la vaccination contre la grippe (les antivi-
raux sont nécessaires pour la prévention « post-contact » de la grippe aviaire).

Conseils pour le malade suivi à domicile


Dès les premiers symptômes, placer le malade dans une pièce en limitant les
contacts avec son entourage.
Rappeler les conseils d’hygiène essentiels :
n se couvrir la bouche lors d’une toux, puis se laver les mains ;
n se couvrir le nez lors des éternuements, puis se laver les mains ;
n se moucher avec des mouchoirs en papier à usage unique jetés dans une pou-
belle recouverte d’un couvercle, puis se laver les mains ;
23. La grippe 187

n cracher systématiquement dans un mouchoir en papier à usage unique jeté


dans une poubelle recouverte d’un couvercle, puis se laver les mains.
Les mesures d’isolement seront renforcées en cas de transmission interhu-
maine. En particulier, prescrire des masques chirurgicaux qui devront être utilisés
par le patient lors de la présence d’un tiers ou s’il sort de sa chambre.

Mesures de prévention pour l’entourage


n Aérer régulièrement la pièce.
n Se laver les mains avec une solution hydroalcoolique ou du savon après cha-
que contact avec le malade.
n En cas de transmission interhumaine, porter un masque pour entrer dans la
chambre et limiter les contacts ; nettoyer les objets courants (serviettes, couverts,
linge, etc.) au savon et à l’eau chaude ; jeter les mouchoirs en papier, les mas-
ques, etc., dans un sac en plastique hermétiquement fermé.
Avant tout voyage dans un pays étranger, il est conseillé de se renseigner
auprès des organismes compétents (ex : Institut de veille sanitaire – www.invs.
sante.fr), pouvant donner la liste des pays touchés par la grippe aviaire. Il faut se
souvenir que l’eau de Javel est un désinfectant efficace et peu coûteux qui
détruit tous les « virus enveloppés » et, parmi eux, tous les virus grippaux ; c’est
un désinfectant de choix pour les surfaces et les objets usuels.

La vaccination
La vaccination a une efficacité évaluée à 80 % environ, au niveau individuel. La vac-
cination contre la grippe est recommandée par le Conseil supérieur d’hygiène
publique de France pour les sujets à risque :
n personnes de 65 ans et plus ;
n personnes atteintes des affections de longue durée suivantes : diabète de
type I et diabète de type II ne pouvant être équilibré par le seul régime ;
accident vasculaire cérébral invalidant ; néphropathie chronique grave et syn-
drome néphrotique pur primitif ; forme grave d’une affection neuromusculaire
(dont myopathie) ; mucoviscidose ; cardiopathie congénitale mal tolérée, insuf-
fisance cardiaque grave et valvulopathie grave ; insuffisance respiratoire chroni-
que grave (dont asthme inscrit sur la liste ALD) ; déficit immunitaire primitif
grave nécessitant un traitement prolongé, infection par le virus de l’immunodé-
ficience humaine (s’agissant des personnes contaminées par le VIH, les dernières
études ont révélé que la vaccination pouvait entraîner un accroissement transi-
toire de la charge virale et qu’il n’y avait pas lieu de la recommander systémati-
quement) ; drépanocytose homozygote (anémie hémolytique congénitale par
hémoglobinopathie) ;
n sujets séjournant dans un établissement de santé de moyen et long séjour
quel que soit leur âge ;
n enfants et adolescents dont l’état de santé nécessite un traitement prolongé
par l’acide acétylsalicylique (essentiellement syndrome de Kawasaki et arthrite
chronique juvénile) et pour tous les professionnels en contact régulier et pro-
longé avec les sujets à risque.
188 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

La vaccination est totalement prise en charge par l’assurance-maladie avec


exonération du ticket modérateur pour les personnes de 65 ans et plus et pour
les personnes atteintes de certaines affections de longue durée.

La vaccination est proposée dès l’âge de 6 mois, mais ses indications sont réservées
aux enfants « à risque ». Avant cet âge, les anticorps maternels transplacentaires
et/ou la vaccination proposée aux femmes enceintes pendant les deuxième et
troisième trimestres de la grossesse assurent la protection.

Il est conseillé de vacciner les femmes enceintes dont le 3e trimestre de gros-


sesse survient pendant les mois d’hiver. Pour être efficace, la vaccination doit
être pratiquée en automne. Le vaccin est administré en intradermique ; il faut
environ 2 semaines pour que l’immunité se développe. Cette immunité réduira
efficacement l’incidence de l’infection, pendant 1 an (voire 2) après la vaccina-
tion. Les effets secondaires sont habituellement bénins : douleur et inflammation
locale, fièvre modérée pendant 12 à 48 heures avec myalgies, sensation de
malaise, céphalées.

Les antiviraux
Ils réduisent les symptômes ainsi que la durée de la maladie, et permettent par
conséquent de diminuer fortement les complications. Le médecin dispose de
l’amantadine (Mantadix) efficace seulement sur le virus A ; elle protège le sujet
uniquement pendant son utilisation ; rappelons que ce médicament expose à
un certain nombre d’effets indésirables particulièrement redoutables chez la per-
sonne âgée : nausées, vomissements, anorexie, insomnie, vertiges, troubles de
l’articulation, voire convulsions, psychose. Le zanamivir (Relenza) est indiqué
dans le traitement de la grippe à virus A et B chez l’adulte et l’adolescent
( 12 ans) présentant des symptômes grippaux typiques en période de circula-
tion du virus. L’absence de recul suffisant concernant son utilisation ne permet
pas de statuer sur sa supériorité thérapeutique par rapport à l’amantadine qui a
fait ses preuves depuis de nombreuses années. Certains effets indésirables
comme la survenue d’un bronchospasme chez les asthmatiques ou les sujets
bronchitiques chroniques ont été rapportés.

Un traitement par le phosphate d’oseltamivir (Tamiflu) montre une récupération rapide


des patients souffrant de la grippe et une prévention des complications de l’infection
avec, notamment chez l’enfant, une réduction de la sévérité et de la fréquence des
otites moyennes aiguës. Ce médicament est indiqué pour le traitement curatif de la
grippe (grippe A/H1N1 incluse) chez l’adulte et l’enfant à partir de 1 an, ainsi que
pour la prévention de la grippe chez l’adulte et l’adolescent de plus de 13 ans.
Il faut retenir que les antiviraux ne remplacent en rien le vaccin contre la grippe.
24 Les méningites

La pathologie
Les méningites bactériennes sont peu contagieuses, mais elles restent très dan-
gereuses. Il s’agit de maladies à déclaration obligatoire. Le taux de mortalité
demeure très important (10 %), ainsi que celui des séquelles (15 %).
Les méningites purulentes communautaires de l’enfant et de l’adulte sont
essentiellement dues à 4 agents bactériens :
n Le méningocoque (40-60 % des cas) atteint préférentiellement les enfants et les
adultes jeunes. Le sérotype B est le plus fréquent en France, il est responsable
des deux tiers des méningites à méningocoque en France. Les sérotypes A et C
sont surtout en cause dans les épidémies tropicales. La transmission est favorisée
dans les collectivités, notamment pendant les périodes hivernale et printanière.
n Le pneumocoque (30-60 % des cas) prédomine chez le nourrisson (avant l’âge de
1 an, le pneumocoque est le premier germe incriminé) et la personne âgée, avec
un pic d’apparition en hiver. La mortalité reste élevée. Il faut signaler l’existence de
pneumocoques résistants à la pénicilline et même aux céphalosporines.
n Hœmophilus influenzæ type B (5 % des cas) est essentiellement impliqué dans
les méningites du petit enfant.
n Listeria monocytogenes (5 % des cas) est surtout rencontré chez les sujets
immunodéprimés, les personnes âgées et les femmes enceintes ; sa transmission
est alimentaire.
La symptomatologie est fondée sur la brutalité d’apparition du syndrome
infectieux, avec des frissons et une fièvre élevée (39-40 °C), associé à un syn-
drome méningé : céphalée diffuse (constante et précoce) irradiant vers le cou et
le rachis ; la céphalée est intense, permanente, aggravée par les mouvements, le
bruit et la lumière ; elle est associée à des vomissements en jets. La raideur de la
nuque est le signe le plus précoce et le plus fidèle. Une hyperesthésie cutanée et
des contractures musculaires rendent la mobilisation douloureuse. Chez le nour-
risson, la symptomatologie est dominée par la fièvre, des troubles digestifs, des
gémissements plaintifs, des troubles de la conscience ; un aspect grisâtre de la
peau est fréquent avec parfois un purpura.
La présence de ces signes impose impérativement une ponction lombaire qui
confirmera le diagnostic et guidera l’attitude thérapeutique.
Les méningites lymphocytaires ou à liquide clair sont plus fréquentes ; elles
sont essentiellement d’origine virale (entérovirus, oreillons).
Remarque : ne pas oublier que certaines formes peuvent être atypiques.

La thérapeutique
Si le traitement curatif des méningites n’est pas de la compétence du pharma-
cien, puisque la maladie fait l’objet d’une hospitalisation systématique, en revan-
che, celui-ci peut largement contribuer à l’information relative à leur prophylaxie.
190 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

Le traitement curatif
Une méningite purulente constitue une urgence thérapeutique absolue : l’hospi-
talisation en urgence, en milieu spécialisé, permet la mise en route d’une anti-
biothérapie par voie veineuse, immédiatement après les prélèvements, sans
attendre les résultats. En cas de suspicion de méningocoque ou de pneumoco-
que (germes les plus fréquents), une pénicillinothérapie est instaurée ; la durée
du traitement dépend du germe (méningocoque : 5-7 jours ; pneumocoque :
10-15 jours ; autres germes : 20-30 jours).

La prophylaxie des méningites purulentes


Elle repose sur une série de mesures obligatoires que le pharmacien ne peut
ignorer :

Concernant le malade
n Isolement, déclaration obligatoire, chimioprophylaxie systématique après l’an-
tibiothérapie curative.
n En première intention : amoxicilline ou cefotaxime ou ceftriaxone ; puis adap-
tation secondaire au germe : méningocoque (amoxicilline ou pefloxacine),
pneumocoque (cefotaxime ou vancomycine), Hæmophilus influenzæ (cefo-
taxime), Listeria monocytogenes (amoxicilline).
n Chez l’enfant, les particularités du traitement viennent du fait que la fré-
quence des germes en cause dépend de l’âge de survenue : âge  2 ans : asso-
ciation systématique {amoxicilline  cefotaxime  gentamicine} ; les germes les
plus fréquents étant le streptocoque, le méningocoque et Hæmophilus influenzæ.
Entre 2 ans et 6 ans : céphalosporines de 3e génération (germes fréquents :
pneumocoque et méningocoque). Si l’âge  6 ans : le méningocoque est le
germe le plus fréquent (traitement identique à celui instauré chez l’adulte).
Remarque : pour les méningites à liquide clair, le traitement est spécifique de la
cause : méningite tuberculeuse, maladie de Lyme, leptospirose, brucellose, etc.

Concernant les sujets contacts


Ceux-ci doivent être bien définis : il s’agit d’une part des sujets au domicile du
malade ou exposés aux sécrétions rhinopharyngées du malade pendant les
10 jours qui ont précédé la phase d’état ; il s’agit d’autre part, s’il y a lieu, des
sujets contacts au sein de collectivités.
Pour les enfants des crèches, pouponnières, écoles maternelles : l’ensemble de
l’établissement est concerné.
Dans les écoles primaires, collèges, lycées (camarades habituels de jeu, voisins
de dortoir, etc.), la prophylaxie dépend du type de cas :
n 1 seul cas déclaré : les voisins de classe sont concernés ;
n 2 cas dans la même classe : toute la classe est concernée ;
n 2 cas dans 2 classes différentes : les 2 classes sont concernées ;
n 3 cas ou plus dans au moins 2 classes différentes : l’ensemble de l’éta-
blissement est concerné.
À l’université : les camarades habituels du malade sont concernés ; au travail :
pas de prophylaxie, sauf si plusieurs cas sont déclarés.
24. Les méningites 191

La conduite thérapeutique à visée prophylactique repose sur une antibiothérapie :


rifampicine per os pendant 48 heures (adulte : 600 mg 2/j ; enfant  12 ans :
10 mg/kg 2/j ; nourrisson  1 mois : 5 mg/kg 2/j) et sur la vaccination :
n Méningite à méningocoque : vaccination pour les types A et C (en association
avec le traitement antibiotique prophylactique chez les sujets contacts) ; l’immu-
nité apparaît à partir du 10e jour et dure environ 4 ans.
n Méningite à pneumocoques : vaccination recommandée par le Conseil supé-
rieur d’hygiène publique de France (CSHPF) chez les enfants de moins de 2 ans
et chez les sujets à risques (bronchite chronique, splénectomie, etc.).
n Méningite à Hæmophilus influenzæ : vaccination systématique chez le
nourrisson.
25 Les hépatites

L’hépatite correspond à un processus inflammatoire caractérisé par une nécrose


hépatocellulaire diffuse ou en foyers, atteignant l’ensemble des acini.
Hormis les hépatites virales A, B, C, D, E et G, il existe des hépatites induites par
l’alcool ou les médicaments et d’autres hépatites virales plus rares (mononucléose
infectieuse, fièvre jaune, cytomégalovirus). Diverses infections et autres maladies
systémiques peuvent provoquer des foyers d’inflammation et de nécrose hépa-
tique. On distingue les hépatites aiguës et les hépatites chroniques, ces dernières
constituant une pathologie intermédiaire entre l’hépatite aiguë et la cirrhose.

Les hépatites virales


Certaines caractéristiques des hépatites virales doivent être connues, car le pharma-
cien peut jouer un rôle essentiel en matière d’éducation sanitaire des patients :
n Hépatite à virus A : transmission oro-fécale, la contamination sanguine est pos-
sible par transfusion en période virémique, la contamination sexuelle est égale-
ment possible par contacts oro-génitaux ; incubation courte (15 à 50 jours) ; la
contagiosité varie d’une à 2 semaines avant l’apparition des symptômes et quel-
ques jours après (le nouveau-né est un cas particulier : sécrétion durant plusieurs
semaines) ; le sujet est asymptomatique avant l’âge de 3 ans ; le virus est res-
ponsable d’hépatites aiguës mais pas d’hépatites chroniques ; pas de traitement
hormis la transplantation hépatique en cas d’hépatite fulminante. Une immuno-
prophylaxie (immunoglobines spécifiques) doit être débutée précocement sans
attendre les résultats sérologiques si l’entourage n’est pas vacciné. La prévention
est assurée par la vaccination. La déclaration de l’hépatite A est redevenue obli-
gatoire (JO, 11 novembre 2005).
n Hépatite à virus B : transmission par voie parentérale (sang, dérivés du sang,
seringue, etc.) et par contamination sexuelle (présence du virus dans le sperme
et la salive) ; le virus est présent dans le sang et dans toutes les sécrétions (salive,
sueur) ; incubation longue (30 à 100 jours) ; le virus est responsable d’hépatites
aiguës, d’hépatites chroniques et de cancers primitifs du foie ; pas de traitement
hormis la transplantation en cas d’hépatite fulminante. Une immunoprophylaxie
(immunoglobines spécifiques) doit être débutée précocement sans attendre les
résultats sérologiques si l’entourage n’est pas vacciné. Dans le cas d’une hépatite
chronique active, le traitement médicamenteux fait appel à des antiviraux
comme la vidarabine et la lamivudine et à l’interféron alpha recombinant (anti-
viral et immunostimulant) ; la prévention par la vaccination a un bénéfice supé-
rieur à son risque potentiel ; il faut noter qu’aucune atteinte neurologique n’a
été notifiée chez les enfants de moins de 7 ans. Le CSHPF recommande la vacci-
nation systématique de tous les enfants avant l’âge de 13 ans, en privilégiant la
vaccination du nourrisson, ainsi que celle des groupes à risque (personnels de
santé, insuffisants rénaux, cirrhotiques, toxicomanes, etc.).
n Hépatite à virus C : transmission surtout par le sang (hémophiles, hémodia-
lysés, transplantés, toxicomanes IV, etc.) ; en fait, le mode de contamination est
194 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

théoriquement identique à celui de l’hépatite B, mais le virus C n’est pas présent –


ou il l’est très rarement – dans les sécrétions, ce qui explique que la transmission
sexuelle soit extrêmement rare, de même que la transmission de la mère à l’en-
fant ; incubation longue (6 à 7 semaines) ; le virus est responsable d’hépatites
aiguës, d’hépatites chroniques, de cirrhose et de cancers primitifs du foie ; trai-
tement par l’interféron a-2b pégylé en association avec la ribavirine (conférence
de consensus Fév. 2002). Certaines précautions à prendre doivent être connues :
éviter le contact potentiel sang à sang (préconiser l’usage d’objets de toilette
personnels : rasoirs, brosse à dents, coupe-ongles, etc.) ; nettoyer et désinfecter
immédiatement une plaie et mettre un pansement ; absence de transmission du
virus par le baiser ; pas de régime alimentaire particulier, mais arrêt définitif de la
consommation de boissons alcoolisées.
n Le mode de vie du patient est sans précaution particulière : activité profession-
nelle normale, activité sportive sans restriction. En revanche, il est une nécessité
absolue de se protéger (usage du préservatif) dans les cas suivants : rapports
sexuels avec lésions génitales, pendant la période cataméniale (si la femme est
contaminée) et lors de rapports traumatiques. Certaines recommandations doi-
vent être impérativement suivies lors d’un traitement par bithérapie :
l le patient traité est un homme et sa partenaire n’est pas enceinte : chacun

doit utiliser une contraception efficace et la femme doit effectuer chaque mois
un test de grossesse, pendant la durée du traitement et 7 mois après la fin du
traitement ; si la partenaire est enceinte avant le début du traitement, l’usage
du préservatif est obligatoire ;
l le patient traité est une femme : elle ne devra pas être enceinte et chacun

des partenaires devra utiliser une contraception efficace ; la patiente devra


effectuer chaque mois un test de grossesse, avant le traitement, pendant le
traitement et 4 mois après la fin du traitement.
n Hépatite à virus D : le virus ne peut se développer que s’il existe une infection
à virus B (co-infection ou surinfection à virus D) ; traitement par l’interféron
alpha recombinant ; prévention par la vaccination. La vaccination contre l’hé-
patite B protège contre l’hépatite D.
n Hépatite à virus E : transmission par voie féco-orale ; ce virus, très rare en
France, est responsable d’hépatites aiguës mais jamais d’hépatites chroniques ;
pas de traitement ; pas de vaccin.
n Hépatite à virus G : transmission surtout par voie sanguine ; le virus de l’hépa-
tite G est souvent associé aux autres virus de l’hépatite (A, B ou C) ; il passe dans
le sperme et passe in utero de la mère au fœtus ; le virus est responsable d’une
hépatite chronique persistante ; la pathogénie réelle du virus reste à préciser.

Les hépatites d’origine iatrogène


Les médicaments sont souvent responsables de maladies hépatiques : les méca-
nismes sont complexes et encore mal connus. Certaines substances ont un effet
toxique direct sur la cellule : les troubles engendrés sont habituellement prévi-
sibles, liés à la dose et caractéristiques du médicament utilisé. D’autres médica-
ments ne sont nocifs que chez quelques sujets sensibles : les lésions sont
imprévisibles et non liées à la dose ; il en résulte une distinction peu nette entre
toxicité directe et idiosyncrasie.
25. Les hépatites 195

Les médicaments peuvent provoquer une nécrose hépatocellulaire aiguë clini-


que, biochimique et histologique, semblable à celle de l’hépatite virale. C’est le
cas avec l’isoniazide, la méthyldopa, les IMAO, l’indométacine, le propylthioura-
cile, la phénytoïne, la nitrofurantoïne, l’halotane. Le paracétamol est une cause
importante d’hépatite fulminante, notamment en Grande-Bretagne et de plus en
plus fréquente en Amérique du Nord : des doses supérieures à 10 ou 15 g
génèrent une insuffisance hépatique aiguë, pouvant être fatale ; ce risque est
encore majoré chez l’alcoolique et chez le sujet à jeun, même à des doses
inférieures.
Certains médicaments provoquent préférentiellement une forme d’atteinte
hépatique à type de cholestase (phénothiazines, stéroïdes, etc.) ; d’autres (sulfa-
mides, divers antibiotiques, quinidine, allopurinol, acide valproïque, etc.) provo-
quent une forme mixte d’atteinte hépatique (cytolytique et cholestatique) ou
des lésions hépatiques difficiles à classer.
Ces accidents hépatiques d’origine iatrogène doivent inciter le pharmacien à
mettre en garde le patient lorsqu’un médicament est susceptible de générer de
tels effets indésirables ; bien entendu, cette recommandation devra être renforcée
lorsque le médicament est susceptible de faire l’objet d’une automédication.
26 Le zona

Le zona ou Herpes zoster est une infection aiguë de la peau et du système ner-
veux, d’origine virale. C’est une affection fréquente. Le zona est la conséquence
de la réactivation du virus zona-varicelle (VZV), dont l’infection initiale survient
souvent dans l’enfance sous la forme d’une varicelle. Lors de cette réactivation,
le virus migre des ganglions sensitifs le long des fibres sensitives jusqu’à la peau.
Le zona concerne 20 % de la population. Son incidence augmente avec l’âge et
devient maximale après 70 ans. On attribue son émergence au fléchissement de
l’immunité à médiation cellulaire, pathologique (patients infectés par le VIH, une
corticothérapie au long cours, une radiothérapie, des traitements immunosup-
presseurs…) ou le plus souvent, cette infection est inhérente au vieillissement. Le
zona est, en effet, beaucoup plus fréquent en cas d’immunosuppression : il
atteint environ 30 % des receveurs d’une greffe de moelle, 15 % des enfants
ayant une leucémie et il est 15 à 25 fois plus élevé chez les patients infectés par
le VIH. Pour cette raison, chez un adulte jeune présentant un zona, une sérologie
VIH doit systématiquement être proposée. Les douleurs disparaissent progressi-
vement en un mois dans 60 % des cas. Si elles persistent au-delà, on parle de
douleurs post-zostériennes ; celles-ci concernent environ un patient sur trois après
60 ans et un sur deux après 70 ans. Les douleurs post-zostériennes correspon-
dent à une douleur existant dans le territoire atteint après la cicatrisation de
l’éruption cutanée et présentant les caractères d’une douleur neuropathique ;
persistantes pendant des mois ou parfois des années, elles sont d’autant plus fré-
quentes que le sujet est âgé et la douleur initiale intense. Ces douleurs peuvent
constituer un véritable drame pour ceux qui sont concernés, altérant leur qualité
de vie. La prévalence de la douleur post-zostérienne est de 10 % quel que soit
l’âge et augmente de façon très importante après 70 ans. Leur soulagement est
difficile à obtenir et souvent incomplet.

La pathologie
Symptomatologie
Plusieurs formes cliniques sont décrites : le zona intercostal (objet de ce chapitre)
est le plus fréquent. Le zona ophtalmique est la conséquence d’une atteinte de la
première branche du trijumeau par le virus laissé latent dans le ganglion de
Gasser. Le zona ophtalmique nécessite une prise en charge spécialisée en
urgence compte tenu du risque de kératite et d’uvéite qui peuvent amener à la
perte fonctionnelle et même anatomique de l’œil concerné. De plus, les algies
post-zostériennes peuvent être particulièrement pénibles. Malgré le traitement
antiviral, des complications sévères peuvent survenir et, après guérison, l’œil
reste souvent fragile. Le zona auriculaire est caractérisé par des douleurs auricu-
laires violentes et une éruption cutanée dans le conduit auditif externe et le
pavillon de l’oreille, une surdité, des vertiges et une paralysie faciale homola-
térale. Le zona généralisé s’observe surtout en cas de déficit immunitaire impor-
tant (hémopathies graves, SIDA).
198 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

Le zona intercostal
L’éruption du zona intercostal est unilatérale, en hémi-ceinture, le long d’une
racine nerveuse mais elle peut déborder sur les métamères contigus. Elle est sou-
vent précédée de prodromes à type de brûlures ou de prurit sur le territoire
atteint. Le diagnostic est porté sur les éléments érythémateux, puis maculo-
papuleux et recouverts de vésicules groupées en bouquets puis en bulles polycy-
cliques confluentes. Ces vésicules se troublent puis forment des croûtes tombant
vers le dixième jour (les lésions cutanées n’évoluent pas toutes en même temps
et la durée de l’éruption est de l’ordre de 15 à 20 jours).
Cette éruption est très douloureuse, avec des paresthésies et des troubles
objectifs de la sensibilité, mais l’état général est conservé ; l’éruption est parfois
précédée de fièvre.
Les patients sont contagieux (à l’origine de varicelle) par contact direct, pen-
dant la semaine suivant l’apparition des lésions vésiculaires.

Le conseil face à la pathologie


Le zona pose des problèmes de trois ordres que le pharmacien doit connaître
car ces problèmes sont des éléments majeurs de l’éducation thérapeutique du
patient.

La phase aiguë
l La douleur en phase aiguë est parfois intolérable.
l Les douleurs séquellaires post-zostériennes sont volontiers persistantes et rebelles
au traitement ; elles sont la complication la plus fréquente du zona.
l Le risque de dissémination virale, cutanée et/ou viscérale chez l’immunodéprimé.

La phase post-zostérienne
Les douleurs post-zostériennes sont des douleurs de type névralgique persis-
tant au-delà du premier mois suivant l’éruption ; elles altèrent considéra-
blement la qualité de vie des patients.

La thérapeutique
La phase aiguë
Tout patient atteint d’un zona relève d’un traitement symptomatique mais tous
les patients ne nécessitent pas de recevoir un traitement médicamenteux par les
antiviraux.
Chez les patients de moins de 50 ans, non immunodéprimés, atteints d’un
zona intercostal sans gravité particulière, sans atteinte ophtalmique, le risque de
complication reste minime et un traitement antiviral n’est pas justifié. Le traite-
ment se limite pour eux aux soins locaux et aux antalgiques.
En revanche, un traitement antiviral est justifié chez :
n les patients de plus de 50 ans en prévention des algies post-zostériennes ;
n les patients atteints de zona ophtalmique ;
26. Le zona 199

n les patients immunodéprimés pour lesquels tout zona requiert un traitement


antiviral compte tenu du risque de survenue de complications graves. Si le zona
n’est pas compliqué, un traitement oral suffit, s’il est sévère ou si l’évolution est
importante, une hospitalisation s’impose pour un traitement antiviral par voie
parentérale pendant sept à dix jours ;
n les patients de moins de 50 ans en cas de facteurs prédictifs de douleurs post-
zostériennes (douleurs survenues plusieurs jours avant la phase éruptive, érup-
tion étendue, douleurs éruptives intenses).
Ce traitement est d’autant plus efficace qu’il est commencé dans les 72 heures
au plus tard suivant le début de l’éruption cutanée. Il faut traiter rapidement les
patients, à dose efficace, et en insistant sur l’observance pour prévenir au mieux
les douleurs post-zostériennes. Étant virostatiques, les traitements antiviraux
n’agissent que sur des virus en phase de réplication active et ne s’appliquent
donc qu’en phase aiguë.
Les antiviraux systémiques accélèrent la guérison de l’éruption cutanée et
atténuent les symptômes douloureux.
Trois antiviraux peuvent être prescrits par voie orale :
n l’aciclovir (Zovirax) : 800 mg, 5 fois par jour pendant 7 jours ;
n le valaciclovir (Zelitrex) : 1 g, 3 fois par jour pendant 7 jours (il a une meilleure
efficacité que l’aciclovir) ;
n le famciclovir (Oravir) : 500 mg, 3 fois par jour pendant 7 jours.
Leur posologie doit être adaptée chez l’insuffisant rénal. La tolérance de ces
antiviraux est excellente. Le valaciclovir et le famciclovir nécessitent moins de
prises médicamenteuses que l’aciclovir.
Les douleurs de la phase aiguë sont celles ressenties dans le mois suivant
l’éruption. Si le traitement antiviral est la première réponse, il n’est pas suffisant
pour traiter la douleur et des antalgiques sont habituellement nécessaires.
Soulager efficacement la douleur à la phase aiguë limite le risque d’évolution
vers le cercle vicieux de la douleur chronique. Les médicaments suivants contri-
buent à la prise en charge de la douleur :
n Les antalgiques de palier II sont efficaces sur les douleurs de la phase aiguë et
sont utilisés en première intention (paracétamol-codéine, paracétamol-dextro-
propoxyphène, tramadol, paracétamol-tramadol).
n L’association à l’amitriptyline augmenterait l’efficacité antalgique et participe-
rait à la prévention des douleurs post-zostériennes.
n Si les douleurs persistent, une morphine orale d’action brève (chlorhydrate de
morphine, sulfate de morphine à libération immédiate) ou prolongée (sulfate de
morphine LP) ou encore du fentanyl à action rapide ou transdermique peuvent
être prescrits.
n Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens n’ont pas d’indication et doivent être
évités. Seuls les corticoïdes locaux peuvent être utilisés (sur seul avis du spécia-
liste) en cas de complications ophtalmologiques.

La phase post-zostérienne
La thérapeutique doit faire appel à des médicaments divers pour la prise en
charge de cette douleur particulièrement invalidante.
200 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

Les antalgiques et médicaments associés


Les antalgiques de palier II et les morphiniques sont souvent insuffisants en rai-
son de l’origine neuropathique de la douleur.
Dans ce cas, il faut recourir à l’association à d’autres médicaments comme :
n un antidépresseur : l’amitriptyline est indiquée si les algies rebelles sont per-
manentes, en débutant à faible dose pour une meilleure tolérance, mais ses
effets anticholinergiques limitent son usage chez les personnes âgées ; la sécurité
d’emploi des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la nora-
drénaline (ex. : Cymbalta) est meilleure ;
n un anti-épileptique : la carbamazépine dont les effets indésirables et les inte-
ractions médicamenteuses peuvent limiter son utilisation ; la gabapentine a une
AMM spécifique dans le traitement des douleurs post-zostériennes de l’adulte ;
la prégabaline est indiquée dans le traitement des douleurs neuropathiques péri-
phériques et centrales de l’adulte.
Remarque : ces médicaments doivent être adaptés à la clairance rénale chez
les insuffisants rénaux. Leur posologie peut être augmentée en quelques jours,
en sachant que leur effet est dose-dépendant. Des effets indésirables sont possi-
bles, d’ordre neuropsychique (somnolence (27 %), sensations vertigineuses
(24 %), ataxie (7 %), nervosité…), ainsi que d’ordre digestif ; une prise de poids,
des œdèmes, des atteintes hépatiques (gabapentine) peuvent aussi se
manifester.

Le patch à la lidocaïne
La lidocaïne sous forme de compresses adhésives imprégnées a fait la preuve de
son efficacité. Actuellement indiquée en cas d’échec, de contre-indication ou
d’intolérance à un traitement antidépresseur ou épileptique ou lorsque ces trai-
tements ne sont pas recommandés, cette forme de lidocaïne est disponible dans
le cadre d’une ATU de cohorte. Ces patchs pourraient devenir un traitement de
première intention.

La cortisone intrathécale
Elle est utilisée en dernier recours et dans des cas exceptionnels car elle requiert
une injection rachidienne intrathécale hebdomadaire de méthylprednisolone
plus lidocaïne pendant plusieurs semaines… Mais cette technique n’est pas ano-
dine et des complications rares mais graves peuvent survenir.

La vaccination
Dans l’état actuel des connaissances, la vaccination large par le vaccin contre le
zona (Zostavax) n’est pas recommandée, notamment en raison des incertitudes
sur la durée de protection et du risque de survenue d’un zona plus tardif.
26. Le zona 201

Le conseil face à la thérapeutique


Les recommandations générales afférentes à la phase aiguë
Il est indispensable que le patient suive fidèlement la thérapeutique prescrite
par le médecin ; celle-ci comporte un volet médicamenteux variable selon la
forme clinique et un volet de mesures générales que le pharmacien pourra
valoriser. Ainsi, il sera nécessaire de rappeler au patient les conseils suivants :
l Une hygiène courante suffit avec des douches pour éviter la macération ou des

bains quotidiens à l’eau tiède et savon ou base lavante, sans utilisation


d’antiseptique.
l En cas de prurit intense et insomniant, un antihistaminique H1 sédatif peut être

indiqué.
l La douleur provoquée par le contact avec les vêtements peut être réduite grâce

à des pansements non adhésifs et humides ; parfois l’application de vessie de


glace apporte un soulagement.
l Il n’y a pas d’indications pour les traitements locaux antiviraux, antibiotiques,

anesthésiques ou antiprurigineux. En cas de surinfection locale, une antibiothé-


rapie à la fois anti-streptoccocique et anti-staphyloccocique est prescrite per os et
non par voie locale.

Les recommandations générales afférentes à la phase post-zostérienne


Cette phase douloureuse est toujours difficilement ressentie par le patient qui
considère souvent que la thérapeutique n’est pas suffisamment probante ; il
faudra rassurer le patient sur la réussite du traitement, même si son efficacité
peut se révéler tardive (souvent après plusieurs mois).
27 La pédiculose du cuir
chevelu
Les pédiculoses sont des infections dues à des arthropodes, insectes hémato-
phages, dépourvus d’ailes qui sont des parasites obligatoires et permanents des
mammifères. Les poux sont hématophages et ectoparasites à tous leurs stades
de développement ; ils ne quittent leur hôte qu’à leur mort ou lors de contact
avec un autre individu de l’espèce hôte. L’homme peut être parasité par trois
espèces de poux que l’on distingue en fonction de leur localisation : les poux de
tête (Pediculus humanus variété capitis), les poux de corps (Pediculus humanus
variété corporis), Phtirius pubis au niveau des poils pubiens.
Le pou adulte vit environ 4 à 6 semaines. Au cours de la vie, une femelle pond
une centaine de lentes. Un pou ne peut pas vivre plus de 24 à 48 heures en
dehors de son hôte.

La pathologie
Sur le plan épidémiologique, la pédiculose du cuir chevelu est extrêmement fré-
quente en France dans la tranche d’âge de 3 à 12 ans. Une recrudescence de
cette parasitose est observée depuis une trentaine d’années.
Les poux responsables de la pédiculose du cuir chevelu ne sont vecteurs
d’aucune maladie infectieuse. Ces poux vivent accrochés au cheveu ; trois fois
par jour ils prennent leur repas de sang en piquant le cuir chevelu, et cette
piqûre provoque un prurit occasionnant des lésions de grattage. Ces lésions
peuvent éventuellement se surinfecter pour aboutir à un impétigo ou à une pyo-
dermite. Des adénopathies sont fréquemment associées. Outre ce prurit qui pré-
domine au niveau des régions temporales et occipitales, on peut noter chez les
enfants atteints, une tendance à l’insomnie, à l’irritabilité, et une baisse d’atten-
tion scolaire.
Cette pédiculose du cuir chevelu est transmise par contact des chevelures et
des coiffures expliquant la fréquence des épidémies en milieu scolaire chez les
jeunes enfants. La pédiculose du cuir chevelu est également transmise par les
peignes et les brosses à cheveux ou en s’allongeant sur un lit qui est souillé.

Le conseil face à la pathologie


Le pharmacien est, avec certitude, le premier professionnel de santé consulté
lors d’une atteinte par les poux ; il aura soin de rappeler au patient que cette
pédiculose n’est pas le signe d’un manque d’hygiène.
Il faudra donc rassurer l’enfant et les parents, en précisant bien que ce para-
site ne véhicule aucune maladie.
D’autre part, le pharmacien informera sur le mode de transmission des poux,
notamment en précisant que ces parasites se transmettent par contact direct de
tête à tête ou éventuellement d’objet à tête. Pour cette raison, il est recommandé
204 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

de ne pas coiffer les enfants avec la même brosse ou le même peigne et de


déconseiller aux enfants de partager bonnets, chapeaux, écharpes, barrettes, etc.
Attacher les cheveux longs sous forme de natte est également une bonne
astuce pour limiter la transmission.
Enfin, il est primordial que les membres de la famille du sujet parasité soient
examinés pour éviter les ré-infestations et les échecs au traitement. Par la suite,
seuls ceux présentant des poux et/ou des lentes vivantes devront être traités.

La thérapeutique
Le traitement doit répondre à trois objectifs :
n il doit être pédiculicide, c’est-à-dire efficace sur les poux adultes, mais il doit
également être lenticide, c’est-à-dire détruire les lentes. Si ce dernier objectif
n’est pas atteint, les lentes vont en effet éclore une huitaine de jours après le
traitement et donner naissance à une nouvelle génération de parasites ;
n le traitement doit idéalement être réalisé de façon simultanée dans l’entou-
rage familial et éventuellement scolaire en cas d’épidémie scolaire ;
n enfin, il doit être associé à une décontamination de l’environnement (brosse à
cheveux, peluches, literie…).

Les différents produits utilisés


D’après le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF), deux classes
pharmacologiques d’insecticides sont reconnues efficaces dans le traitement des
poux : les dérivés du pyrèthre (extrait des fleurs de Tanacetum cinerariifolium,
Asteraceae) ou pyréthrinoïdes de synthèse et le malathion (composé organo-
phosphoré). Ces produits exercent une toxicité neurologique pour le pou, à
l’origine d’une hyperstimulation des neurones puis de la mort du parasite.
Remarque : le lindane (composé organochloré), n’a plus sa place dans la prise
en charge de la pédiculose du cuir chevelu. Elenol, seule crème à base de lin-
dane, a d’ailleurs été retirée du marché au 1er janvier 2009.
Exemples de produits pouvant être conseillés à partir de 30 mois : des sham-
poings comme Charlieu antipoux, Hegor antipoux, Parasidose, Pyreflor… ; des
lotions (les mieux adaptées au traitement) comme Item antipoux ou Pyreflor…
ou des crèmes comme Prioderm, Para plus, etc.
Avec le temps, le pou s’est adapté et a muté, devenant résistant aux produits
insecticides. L’apparition de ces résistances à conduit à rechercher de nouveaux
modes de traitement. Parmi les principales substances, on distingue les comple-
xes siliconés huileux (diméthicone et cyclométhicone), l’huile de noix de coco et
l’oxyphtirine (spécifique de Duo LP-Pro). Ces molécules, de par leur action méca-
nique et non plus chimique, garantissent l’absence de développement de
résistance.
Lors de l’application de ces produits, les poux et les lentes sont recouverts en
quelques minutes d’un film occlusif. Les orifices respiratoires et excrétoires du
pou et les micropyles de la lente sont obstrués. C’est l’association de cette
27. La pédiculose du cuir chevelu 205

encapsulation et du blocage des orifices qui empêche le pou d’éliminer l’eau


qu’il absorbe lors de son repas sanguin. Les poux éliminant l’eau en excès par
transpiration respiratoire via la trachée et les orifices respiratoires, un phé-
nomène important d’osmose inverse se crée, aboutissant souvent à la mort du
pou par rupture des intestins. Concernant l’huile de noix de coco et l’oxyphti-
rine, ces molécules agissent également en induisant une dissolution de la spu-
maline, colle qui permet l’attachement des lentes à la chevelure. Une fois
séparées du cheveu, les lentes ne peuvent plus se développer et sont éliminées
au lavage.
Ces nouveaux produits présentent les avantages d’être moins agressifs pour le
cuir chevelu, dénués de toxicité pour le patient et non polluants pour
l’environnement.
Exemples de produits pouvant être conseillés à partir de 2 ans : un shampoing
comme Poux paisyl, des lotions (les mieux adaptées au traitement) comme
Altopou dimeticone, Nyda, Pouxit (à partir de 6 mois), etc. ou un aérosol comme
Paranix.

Le conseil face à la thérapeutique


Stratégie thérapeutique
Le pharmacien doit insister sur deux données essentielles pour le traitement :
l le temps de contact du produit avec la chevelure. Le temps d’application des pro-

duits recommandés dans les mentions légales varie d’une molécule à l’autre. Ce
temps doit scrupuleusement être respecté. En effet, si les cheveux sont rincés
trop rapidement, les poux et les lentes peuvent survivre. Au contraire, si le pro-
duit est laissé sur les cheveux trop longtemps, la personne traitée est exposée
inutilement à des produits chimiques ;
l le nombre d’applications. Il tient compte du cycle de développement du pou. Le

premier traitement permet d’éliminer la première génération de pou. Un


deuxième traitement, 10 à 12 jours plus tard, doit permettre d’agir sur une éven-
tuelle deuxième génération de poux qui aurait eu le temps de se développer. Un
troisième traitement, 20 jours après le premier, est parfois nécessaire. Chaque
produit dispose de son propre schéma thérapeutique. C’est pour cette raison
qu’il est important de vérifier et de respecter les modalités d’emploi de chacun.
Après le temps d’application recommandé, il faut éliminer le produit en
effectuant un shampoing doux. Les cheveux sont ensuite passés avec un pei-
gne fin, dispensé avec les pédiculicides et permettant d’enlever les poux morts
et les lentes qui sont encore attachés aux cheveux.
Un examen de contrôle doit ensuite être effectué à J2 et J12 après la réali-
sation du traitement. Si le sujet présente des poux à ces examens, il faut traiter
à nouveau :
l en changeant de classe pharmacologique en cas de présence de poux vivants à

J2. Il s’agit certainement d’un cas de résistance ;


l avec le produit utilisé initialement en cas de présence de poux à J12.

En cas d’échecs répétés des traitements, il est conseillé de consulter un


médecin.
206 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

Au niveau environnemental, le CSHPF recommande de faire un traitement


des vêtements et de la literie uniquement dans le cas particulier d’une infesta-
tion massive chez un membre de la famille ou de la collectivité.
Ainsi, tous les objets qui ont été mis en contact avec le cuir chevelu de la
personne doivent être lavés à la machine avec le programme cycle long, à une
température supérieure ou égale à 60 °C, température à laquelle est détruit le
parasite.
Les objets concernés sont les draps, oreillers, bonnets, chapeaux, écharpes,
« doudou », peluches, serviettes, habits avec cols, peignes, brosses, barrettes,
pinces, etc.
Les vêtements ou objets ne supportant pas un lavage en machine peuvent
être imprégnés d’un spray parasitaire comme A-Par (à base de pyréthrinoïdes)
ou placés dans un sac plastique scellé pendant minimum 36 heures (48 heures
de préférence).
En effet, les poux de tête ne peuvent survivre plus de 36 heures en dehors
du cuir chevelu et les lentes sont peu susceptibles d’éclore à température
ambiante.
À noter que la mise en œuvre d’une désinfection des locaux à l’aide d’un
insecticide en aérosol est inutile et parfois dangereuse (piscine, pièce, classe…).
Enfin, au niveau des collectivités, il faudra conseiller à la famille de l’enfant
infecté qu’elle prévienne le responsable du groupe (école, crèche, centre
aéré…) afin de faciliter le dépistage.
Il est intéressant de remarquer que le traitement individuel ou collectif n’est
en rien obligatoire. Il est donc fortement conseillé d’inciter les parents, les asso-
ciations de parents d’élèves et les personnels de collectivités à appliquer ces
recommandations et de mettre en place des campagnes de sensibilisation à la
pédiculose du cuir chevelu, ainsi qu’une surveillance épidémiologique de la
résistance.
Certaines précautions d’emploi sont à respecter, quelle que soit la forme du
produit. Il faudra éviter de l’avaler, éviter le contact avec les yeux ou les
muqueuses, et ne pas l’appliquer sur une plaie ouverte ou surinfectée.
Par ailleurs, le pharmacien devra s’informer auprès du patient s’il est sujet à
des crises d’asthme. Dans ce cas, toute forme pressurisée lui sera
contre-indiquée.
D’autres précautions sont à prendre vis-à-vis de ces formes pressurisées, à
savoir :
l protéger les yeux, le nez et la bouche avec une serviette ;

l se tenir éloigné de toute flamme ou tout objet incandescent ;

l ne pas utiliser de sèche-cheveux ;

l effectuer la pulvérisation dans une pièce bien aérée ;

l chez l’enfant de moins de 2 ans, le produit doit être appliqué sur le cuir chevelu

à l’aide d’un tampon imbibé.


28 Les maladies infantiles

Si le rhume, l’angine et une méningite bactérienne peuvent survenir à tout âge,


certaines maladies infectieuses et parasitaires sont spécifiques, ou plus fré-
quemment rencontrées, chez l’enfant, d’autant que leur survenue n’a pu être
empêchée ou atténuée par une vaccination. Il en est ainsi de la rougeole, de la
varicelle et de l’oxyurose.
Parmi toutes les maladies infectieuses, la rougeole et la varicelle sont celles qui
se transmettent le plus facilement. La rougeole, les oreillons et la rubéole sont
trois maladies virales très contagieuses qui, la plupart du temps, restent
bénignes, surtout si elles sont contractées dans l’enfance. Cependant elles peu-
vent être parfois à l’origine de complications graves, voire mortelles.
Les conditions d’éviction scolaire et les mesures prophylactiques sont les
suivantes :
n La rougeole (due à Morbillivirus) est caractérisée par une fièvre prodromique,
une toux, un coryza, une conjonctivite, une éruption (signe de Koplik) sur la
muqueuse buccale ou labiale et une éruption cutanée maculopapuleuse
étendue ; la varicelle débute habituellement par une fièvre modérée et un
malaise général suivis rapidement d’une éruption apparaissant par poussées et
caractérisée par des macules, des papules, des vésicules et la formation de
croûtes.
n La varicelle (due au virus varicelle-zona, de la famille des herpès virus), très
contagieuse, survient surtout entre 3 mois et 10 ans. La transmission est interhu-
maine. La maladie se manifeste par une éruption de papules et vésicules (très
contagieuses) avec un prurit ; l’éruption disparaît en 10 à 15 jours.
Seul le médecin est habilité à poser le diagnostic et le traitement de ces maladies
qui, selon les sujets et leur prévention antérieure, peuvent parfois évoluer de
façon dramatique.
Le rôle du pharmacien se bornera à la dispensation des informations relatives à
l’incubation (rougeole : 2 à 14 jours ; varicelle : 14 à 21 jours), à la période de
contagiosité (rougeole : 2 à 4 jours avant l’apparition de l’éruption jusqu’à 2 à
5 jours après son début ; varicelle : de quelques jours avant les premiers symp-
tômes jusqu’à ce que toutes les vésicules soient recouvertes de croûtes) et à la
période d’éviction scolaire (pour les deux maladies : éviction jusqu’à la guérison
clinique).
n La coqueluche (due à Bordetella pertussis) peut se rencontrer en toute saison.
Sa survenue est possible dès la naissance (pas d’immunité transmise) ; elle est
grave chez le petit nourrisson. La contamination est interhumaine par voie
aérienne. L’incubation dure 7 à 14 jours, et elle est silencieuse ; la période d’iso-
lement tant que le malade est contagieux est de 7 à 15 jours : pendant la phase
invasive, présence d’une trachéobronchite banale accompagnée d’une toux
spasmodique (quintes), rebelle, à prédominance nocturne et parfois émétisante.
L’éviction est de 30 jours en l’absence d’antibiothérapie, à compter du début de
208 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

la maladie (après le début des quintes) ; il n’y a pas d’éviction pour les sujets
contacts.
Remarque : la coqueluche reste largement sous-diagnostiquée chez l’adulte,
car elle est souvent atypique et se manifeste parfois uniquement par une toux
persistante de 2 à 3 semaines ; ce diagnostic doit être systématiquement évoqué
devant une toux qui dure plus de 14 jours.
n Les oreillons représentent une maladie en régression nette grâce à la vaccina-
tion (ROR), mais très contagieuse (due à un paramyxovirus). Infection par la
salive. Incubation : 21 jours en moyenne ; éviction scolaire jusqu’à la guérison
clinique ; sujets contacts : pas d’éviction.
n La scarlatine est rare avant 2 ans, mais fréquente entre 5 à 10 ans ; elle est due
au streptocoque -hémolytique du groupe A. Incubation : 3 à 5 jours ; éviction
scolaire : 15 jours si attestation d’un traitement antibiotique bien conduit ; trai-
tement préventif des sujets contacts.
n L’oxyurose est une infestation intestinale par Enterobius vermicularis caractérisée
par un prurit périanal vespéral qui favorise l’auto-infestation (anus-doigts-bouche).
Elle touche 20 % de la population pédiatrique générale et peut atteindre 90 %
chez les enfants au sein de collectivités. Cette entérobiase est asymptomatique
dans la majorité des cas, mais elle peut, outre le prurit, se manifester par des
troubles intestinaux (douleurs, nausées, selles molles), génitaux (vaginite), voire
neuropsychiques (convulsions, insomnie, etc.). Le diagnostic de certitude est
obtenu par l’identification des œufs (scotch-test), parfois par celle du ver
(femelle  l0 mm ; mâle  3 mm). La thérapeutique de cette parasitose, rare-
ment nocive, repose sur l’éradication du parasite, le traitement du prurit et des
mesures d’hygiène.

La thérapeutique
Rappelons qu’il n’existe aucun traitement spécifique de la rougeole, des oreillons
et de la rubéole ; la vaccination permet de se protéger individuellement, mais
également de protéger les autres. Le vaccin (ROR) a été conçu pour garantir la
meilleure tolérance possible. L’immunité conférée par le vaccin est comparable à
celle qui est acquise naturellement ; les contre-indications sont exceptionnelles.
Le vaccin est gratuit jusqu’à l’âge de 13 ans. Le calendrier vaccinal est le sui-
vant : première dose à partir de 12 mois, deuxième dose entre 3 et 6 ans, rattra-
page entre 11 et 13 ans.
n Le traitement de la rougeole est symptomatique et peut notamment requérir
l’emploi d’antipyrétiques (ex. : paracétamol), d’antitussifs ou de vasoconstric-
teurs (Humex*, etc.). La guérison complète survient en 7 à 10 jours après le
début de la phase invasive. Un sujet contact sain ne sera pas traité ; en revanche,
un sujet fragilisé ou à risques, recevra une séro-prévention par les gammaglobu-
lines. Les surinfections bactériennes (rhinite purulente, pharyngite, otite, laryn-
gite, etc.) seront traitées par antibiothérapie. Le Haut conseil de la santé
publique souhaite augmenter le taux actuel de couverture par la vaccination
contre la rougeole. La forte résurgence de cas se confirme avec « des flambées
épidémiques ». Le retard de la couverture vaccinale a entraîné l’accumulation
d’une grande quantité de personnes qui ont à la fois échappé à l’immunisation et
28. Les maladies infantiles 209

à la maladie. Or, il est clair que le risque de complications est élevé chez l’adulte.
L’enjeu est de se rapprocher d’une couverture vaccinale de 95 % alors qu’elle
stagne autour de 87 % à deux ans. L’administration de la deuxième dose plus
tôt et une stratégie de rattrapage des sujets réceptifs devraient permettre d’envi-
sager l’interruption de la transmission de la maladie.
n Les cas légers de varicelle ne nécessitent qu’un traitement symptomatique. Il faut
éviter les lésions de grattage susceptibles de laisser subsister des cicatrices indél-
ébiles : couper et limer les ongles chaque jour ; ne pas appliquer d’antiseptiques
sur les lésions, mais des compresses tièdes ou imprégnées de Synthol* peuvent
calmer les démangeaisons. Les surinfections seront évitées avec l’emploi des anti-
septiques en séchant bien les lésions (éventuellement avec un sèche-cheveux).
L’éosine n’a aucune utilité. Le prurit peut aussi être calmé avec Polaramine, utile
chez le petit enfant pour ses propriétés sédatives. Les gammaglobulines sont
inutiles de même que les antibiotiques ou les corticoïdes (qui favorisent au
contraire l’ulcération des lésions).
La vaccination est notamment recommandée par la CSHPF en post-exposition
(dans les 3 jours suivant une exposition à un patient avec éruption), chez les
adultes de plus de 18 ans, immunocompétents, sans antécédents de varicelle,
ainsi que chez les professionnels de santé. La vaccination est indiquée chez l’en-
fant dès un an ; il n’est pas recommandé de vacciner systématiquement tous les
nourrissons.
n Le traitement curatif de la coqueluche fait appel à une prescription d’antibioti-
ques (macrolides) et d’antitussifs (souvent inefficaces) comme Toplexil* (à partir
de 1 an) et * suppo (après 30 mois) ; le traitement préventif consiste à privilégier
la vaccination (indiquée chez tous les enfants de moins de 7 ans, dès l’âge de
2 mois ; obligatoire pour tous les enfants vivant en communauté) et, dans le cas
où celle-ci ne serait pas à jour, il faut instaurer une antibiothérapie (macrolide
pendant 10 jours). La guérison est habituellement obtenue antre la 6e et la 8e se-
maine. Un traitement antibioprophylactique (macrolide) est indiqué chez les
sujets contacts. Il faut rappeler que les adultes sont à nouveau réceptifs à
Bordetella pertussis après l’âge de 23 ans (10 ans après le rappel de l’adoles-
cence), d’où l’intérêt de procéder à un rappel de vaccination : rappel coquelu-
cheux acellulaire ; chez les adultes susceptibles de devenir parents dans les mois
ou années à venir, à l’occasion d’une grossesse, aux membres du foyer qui ne
sont pas à jour de leur vaccination (la mère étant vaccinée dès que possible
après l’accouchement) ; chez les adultes en contact professionnel avec des nour-
rissons trop jeunes pour avoir reçu les 3 doses de vaccin coquelucheux.
n Les douleurs parotidiennes engendrées par les oreillons cèdent avec l’adminis-
tration d’aspirine ou de paracétamol ; la présence d’une orchite peut faire appel
à la prescription de corticoïdes.
n Une antibiothérapie (pénicilline ou macrolide) est indispensable pour éviter les
complications de la scarlatine ; ces antibiotiques seront également nécessaires
pour le traitement préventif des sujets contacts (fratrie, camarades d’école).
n L’oxyurose est rarement nocive, mais sa prévalence est élevée et la réinfestation
probable. Un traitement n’est pas toujours indiqué. Celui-ci fait appel à des
médicaments comme Helmintox* ou Povanyl* dont l’efficacité permet la cure en
prise unique (attention à la coloration des selles en rouge avec Povanyl*). Quel
210 V. Les maladies infectieuses et parasitaires

que soit le traitement prescrit, certaines mesures d’hygiène sont indispensables


pour éviter la récidive : couper les ongles courts et savonner les mains régu-
lièrement ; éviter de porter les mains à la bouche ; désinfecter les draps et les
effets personnels, éliminer autant que possible les poussières car l’œuf d’oxyure
peut survivre 2 à 3 mois. Le traitement systématique des sujets contacts (les
membres de la famille en particulier) permettra à lui seul d’éviter la récidive.
29 Les rhinites et
rhinopharyngites
Les rhinites sont des inflammations aiguës ou chroniques des voies aériennes
supérieures, le plus souvent d’origine infectieuse ou allergique. Elles se caracté-
risent par un œdème et une vasodilatation de la muqueuse nasale, une rhinor-
rhée et une obstruction nasale.
La rhinopharyngite est définie comme une atteinte inflammatoire de l’étage
supérieur du pharynx (cavum), à laquelle vient s’associer de façon variable une
atteinte nasale.

La pathologie
Symptomatologie et étiologie
Les rhinites aiguës
Elles peuvent être l’expression d’infections virales ou bactériennes : le coryza, le
rhume, la grippe, la rougeole, la scarlatine, la diphtérie. Le coryza aigu ou
« rhume de cerveau » est une affection essentiellement locale, d’origine virale.
La maladie se caractérise au début par un picotement nasal, des éternuements,
une sensation de « tête lourde », puis rapidement (au bout de quelques heures)
par une obstruction nasale, une rhinorrhée séreuse, une anosmie (diminution ou
perte de l’odorat), un catarrhe oculaire et des céphalées. Dans les jours qui sui-
vent, les signes généraux disparaissent, et l’écoulement nasal devient mucopu-
rulent. La phase de guérison survient entre 5 et 8 jours après le début de la
maladie, mais cette période correspond aussi à une éventuelle survenue de com-
plications : passage à la chronicité de la rhinite purulente, sinusite aiguë, catar-
rhe tubaire, otite aiguë (chez l’enfant), affections respiratoires inférieures (ex. :
bronchite). Le coryza peut être la première manifestation d’une maladie infec-
tieuse. Les rechutes sont très fréquentes.

Les rhinites chroniques


La maladie s’exprime, à des degrés divers, par une rhinorrhée : une obstruction
nasale continue ou discontinue, unilatérale ou bilatérale (intermittente au début,
l’obstruction est aggravée en décubitus), par des éternuements (en salves), une
perte de l’odorat et des céphalées. Une persistance des symptômes, généralement
supérieure à 3 mois, permet d’affirmer le caractère chronique de la rhinite. Les
causes sont variées et souvent difficiles à mettre en évidence ; l’interrogatoire est
un élément fondamental de la recherche diagnostique :
n la rhinite allergique survient préférentiellement chez le sujet jeune entre 10 et
30 ans ; en France, le rhume des foins affecte plus de 5 millions d’individus ;
n les rhinites non allergiques peuvent être inflammatoires ou non inflammatoires ;
n la rhinite vasomotrice (engorgement vasculaire intermittent) d’étiologie mal
connue, survient le plus souvent après 30 ans ;
214 VI. Les maladies en oto-rhino-laryngologie

n la rhinite iatrogène ;
n la rhinite de la grossesse qui disparaît généralement après l’accouchement ;
n la rhinite postchirurgicale après rhinoseptoplastie.
D’autres rhinites chroniques sont plus rares, telles la rhinite non allergique à
éosinophiles, les rhinites par « atteinte spécifique » (mucoviscidose, syndrome
de Kartagener, sida) ou les rhinites atrophique et hypertrophique.
Devant une rhinite chronique, la première étape est de savoir s’il s’agit d’une
rhinite allergique qui peut être affirmée par les tests cutanés de dépistage. Le
diagnostic des rhinites non allergiques est plus complexe.

Les rhinites d’origine iatrogène


Parmi les rhinites médicamenteuses, celle induite par l’exposition prolongée aux
vasoconstricteurs locaux est la plus caractéristique : la naphtazoline (Dérinox) et
les produits apparentés peuvent d’abord provoquer une vasoconstriction puis
une vasodilatation avec réapparition de l’obstruction nasale qui se prolonge plus
longtemps que l’obstruction primitive. Le patient est donc incité à renouveler de
plus en plus fréquemment les pulvérisations, dont l’effet est de plus en plus
court et de moins en moins efficace. Cette rhinite médicamenteuse survient
habituellement lorsque les décongestionnants locaux sont utilisés plus fré-
quemment que toutes les 3 heures et pendant plus de 3 semaines.
Les applications nasales ne sont pas seules en cause ; des rhinites iatrogènes
peuvent être induites par des médicaments administrés par voie générale : cer-
tains antihypertenseurs comme la prazosine (Alpress, Minipress), la guanéthidine
ou la méthyldopa (Aldomet), la réserpine, les anticholinergiques (antispasmodi-
ques, bronchodilatateurs, etc.), la néostigmine, les œstrogènes et certains
anorexigènes.
Certains sujets souffrent de rhinites chroniques (ou de sinusites et de polypes),
sans être atopiques. Ils présentent en fait une sensibilité particulière aux AINS et
surtout à l’aspirine. Certains d’entre eux sont également très sensibles à des
colorants alimentaires comme la tartrazine (colorant jaune) qu’on trouve aussi
dans un antiseptique local comme l’alcool médical Gilbert*.
Il appartiendra au pharmacien de suspecter une origine iatrogène si, par l’in-
terrogatoire, il semble exister une relation de cause à effet entre la survenue
d’une rhinite et la prise de médicaments ou la modification d’un traitement chez
un patient n’ayant jamais présenté d’antécédents de rhinite, et hors d’un
contexte particulier infectieux ou allergique.

Les rhinopharyngites
Elles sont surtout observées chez le nourrisson ; elles sont dues à l’inflammation
du tissu lymphoïde particulièrement abondant et dont le développement se
poursuit jusqu’à 4-5 ans. La rhino-pharyngite est extrêmement fréquente en pra-
tique médicale infantile.
Remarque : les rhinopharyngites aiguës touchent le plus souvent les enfants et
sont principalement d’origine virale. Il s’agit habituellement d’une pathologie
bénigne, d’évolution spontanément favorable en 7 à 10 jours. Cependant, les
rhinopharyngites du nourrisson et de l’enfant doivent être exclusivement prises en
charge par le médecin (généraliste ou ORL), compte tenu des éventuelles compli-
cations (graves) et des problèmes thérapeutiques qu’elles peuvent poser.
29. Les rhinites et rhinopharyngites 215

Chez le nourrisson, l’encombrement ORL est important ; l’intensité de la fièvre


expose aux convulsions hyperthermiques. La dysphagie est présente, et se tra-
duit par une anorexie brutale pour les aliments solides : seuls les liquides sont
avalés. L’inflammation nasale et le jetage qui en découle provoquent une gêne
respiratoire ; les glaires sont expulsées par des efforts de toux ou d’éternuement.
Une courte crise d’étouffement peut survenir, calmée par le rejet des glaires ;
des vomissements apparaissent suite à leur réingestion, laquelle peut encore per-
turber la flore intestinale et accélérer la fréquence des selles. Une diarrhée
authentique peut en résulter, sans gravité, mais elle peut durer 2 à 3 jours et
inquiéter les parents.
L’évolution est favorable dans la majorité des cas ; cependant, l’infection
secondaire et la chronicisation peuvent être des complications.
Chez l’enfant, le tableau clinique est peu différent du précédent. La fièvre est le
premier symptôme à apparaître, brutale et élevée (39-40 °C), en plateau pen-
dant 2 à 3 jours ; réagissant bien aux antipyrétiques, elle retentit peu sur l’état
général. La voix est nasonnée, l’enfant respire bouche ouverte. Une céphalée est
inconstante, de même que la toux et le larmoiement. La dysphagie traduit
l’énanthème diffus de la cavité buccopharyngée. Des douleurs auriculaires sont
parfois présentes, mais seuls les conduits auditifs externes sont irrités (les tym-
pans sont normaux). La présence d’adénopathies périphériques est fréquente.
L’évolution est favorable, l’état général est peu touché. Un traitement sympto-
matique permet le retour à l’état normal en quelques jours.

Le conseil face à la pathologie


En pratique, le pharmacien est surtout sollicité par le patient souffrant d’une
rhinorrhée ou d’une obstruction nasale. Il ne doit pas oublier que ces signes
fonctionnels apparemment banals peuvent être en rapport avec des affections
très variées et parfois graves, susceptibles de toucher la région rhino-
sinusienne, les oreilles et les voies aéro-digestives. Chez l’enfant, en particulier,
toute obstruction nasale, surtout unilatérale, impose un examen médical pour
ne pas méconnaître la présence d’un corps étranger, voire d’un processus
tumoral.

Cas de l’adulte jeune, en bonne santé, souffrant d’une rhinorrhée


d’apparition récente
Le pharmacien doit interroger le patient afin de rechercher la triade classique :
rhinorrhée, éternuements en salves, obstruction nasale qui, dans un contexte
saisonnier (printemps, été), fera penser à une cause allergique (rhume des
foins). Il se souviendra que dans cette éventualité, il existe un terrain particulier
(antécédents familiaux de rhinite et/ou d’asthme), le début des troubles a lieu
avant 40 ans, les signes cliniques sont évocateurs (conjonctivite et larmoie-
ments associés, etc.) de même que les circonstances de déclenchement (unité
de temps et de lieu). La rhinite aux acariens est apériodique et de survenue
nocturne ou au réveil, dans la maison.
Dans la circonstance d’une rhinorrhée liée à une rhinite allergique, le phar-
macien doit inciter le patient à consulter son médecin (généraliste ou
allergologue).
216 VI. Les maladies en oto-rhino-laryngologie

L’interrogatoire pourra révéler qu’il peut s’agir d’une rhinorrhée liée à un


coryza ; si celui-ci n’est pas infecté, le pharmacien pourra intervenir efficace-
ment en proposant simplement l’emploi d’un vasoconstricteur.
Dans le cas où le coryza paraît infecté, le pharmacien doit s’assurer qu’il
existe un mouchage muco-purulent ou purulent et que la gêne nasale est en
fait traînante : dans cette circonstance, l’avis médical s’impose.
Une mauvaise hygiène dentaire peut être responsable d’une sinusite chroni-
que (sinusite maxillaire).

Cas du sujet âgé se plaignant d’une gêne nasale persistante


Le pharmacien doit faire préciser le caractère de la gêne nasale : s’agit-il d’une
rhinorrhée ou d’une obstruction nasale (« nez bouché ») ?
l Il s’agit d’une rhinorrhée :

l celle-ci peut être « physiologique » : il s’agit de la rhinorrhée sénile du

vieillard ;
l elle est accompagnée d’une douleur ou elle survient dans un contexte de

mauvais état général : la consultation médicale est de rigueur ;


l elle semble liée à la prise de médicament chez un sujet recevant une polymé-

dication modifiée récemment : la suspicion d’une origine iatrogène doit inci-


ter à la consultation médicale.
l Il s’agit d’un encombrement nasal :

l une narine est bouchée continuellement : ce signe peut traduire la présence

éventuelle d’un polype ; la consultation médicale est recommandée ;


l une surdité (oreille bouchée) accompagne la gêne nasale : la consultation

médicale est recommandée.


À noter : un encombrement nasal peut traduire une rhinite d’origine
iatrogène.
Remarques : hormis le cas particulier de la rhinite sénile, chacun des cas pré-
cités peut survenir chez l’adulte jeune ; le pharmacien devra toujours faire
preuve de prudence lors d’une symptomatologie nasale, quel que soit le
patient. En revanche, il saura détecter, souvent le premier, la cause iatrogène
d’une rhinite. Toute obstruction nasale (surtout unilatérale) survenant hors
d’un contexte clinique évident est une indication formelle à la consultation
médicale car elle peut être l’expression de l’installation d’un processus tumoral
ou favoriser des complications par retentissement sur les organes de voisinage
(sinus, oreille, pharynx).

La thérapeutique
Le patient souffrant de rhinite (ou de sinusite) se rend d’abord à l’officine pour
que lui soit délivré un médicament permettant de réduire une gêne nasale ou
rhino-pharyngée. Le rôle du pharmacien sera strictement limité à la dispensation
de conseils de prévention et à la prescription de médicaments visant à soulager
soit une rhinorrhée soit un encombrement nasal. La consultation médicale doit
toujours être privilégiée.
Le traitement dépend strictement de la cause et sera adapté à chaque cas.
Une cause infectieuse nécessitera une antibiothérapie, tandis qu’une origine
29. Les rhinites et rhinopharyngites 217

allergique fera appel à un traitement anti-allergique, des modificateurs de terrain


(crénothérapie, climatothérapie, etc.), des traitements symptomatiques et à une
désensibilisation spécifique (en l’absence de toute contre-indication ou si le rôle
de l’allergène est bien précisé).

Le conseil face à la thérapeutique


Les conseils généraux
Ils sont essentiellement préventifs, notamment dans le cas d’une rhinite
allergique :
l L’éviction de la cause peut être facile : suppression des plumes (remplacement des

oreillers, couettes, édredons par du matériel synthétique), par exemple.


l L’éviction de la cause peut être possible : par exemple, dans le cas d’une allergie

aux poils d’animaux, l’éviction peut-être délicate, soit pour des raisons psycholo-
giques et affectives, soit pour des raisons professionnelles.
l L’éviction de la cause peut être difficile : l’allergie aux acariens nécessite des mesu-

res contraignantes : aspiration du matelas sur ses 2 faces au moins une fois par
semaine, aération fréquente de la chambre à coucher et élimination des tapis et
moquettes, suppression des peluches chez les enfants allergiques, lavage régulier
des couvertures à plus de 50 °C, pulvérisation d’acaricide.
l L’éviction de la cause peut être quasi impossible : dans le cas d’une allergie pollini-

que, il faut éviter un séjour prolongé à l’extérieur les jours de grand vent, durant
la saison pollinique (printemps et début de l’été). Une tension émotionnelle est
un facteur d’aggravation de la rhinite allergique. Un refroidissement ne déclenche
pas un coryza et la réceptivité n’est pas influencée ni par un mauvais état nutri-
tionnel, ni par une hypertrophie des amygdales ou des végétations. Une mise en
garde contre l’automédication est de rigueur, en particulier contre un usage
intempestif de gouttes ou de pulvérisations nasales.
l Dans tous les cas de rhinites, il faut recommander l’éviction de facteurs généraux

favorisants comme le froid, l’humidité et le tabagisme.

Le choix du traitement
Un coryza non compliqué requiert seulement une thérapeutique à visée
décongestionnante.
Dans le cas d’un coryza non infecté, le pharmacien peut prescrire un médi-
cament vasoconstricteur comme Humex* (décongestionnant) ou Valda Rhinite*
(vasoconstricteur, antalgique, antipyrétique) ; dans le cas d’une suspicion d’in-
fection, le pharmacien peut prescrire Nostril*.
Prendre garde à la prescription de ces médicaments souvent considérés
comme « mineurs » par le patient ; les précautions d’emploi doivent être sui-
vies rigoureusement : par exemple, les médicaments contenant de la phényl-
propanolamine ne doivent pas être prescrits chez le patient épileptique. Par
ailleurs, toutes les spécialités à base de phénylpropanolamine sont susceptibles
de favoriser la survenue d’une hémorragie cérébrale ; elles appartiennent
désormais à la liste I avec une durée de prescription limitée à 5 jours.
Le pharmacien s’abstiendra de délivrer s’il suspecte une origine allergique
non encore diagnostiquée : la consultation médicale doit être conseillée.
218 VI. Les maladies en oto-rhino-laryngologie

Un coryza chez la femme enceinte est souvent physiologique. La prescrip-


tion de vasoconstricteurs est déconseillée. Le lavage nasal (Physiomer*,
Prorhinel*, etc.) est souvent efficace.
Un coryza non compliqué, dans un contexte grippal, peut être traité avec
Actifed* (décongestionnant, antihistaminique, antalgique, antipyrétique),
Rhinofébral*.
Une rhinite survenant dans un contexte allergique, chez un patient connu
pour cette symptomatologie annuelle (« rhume des foins »), peut être traitée
par des antihistaminiques H1. Pour cette indication, le pharmacien dispose de
médicaments comme Aphilan* ou Périactine*. La prescription d’autres médica-
ments (corticoïdes, cromoglycate de sodium par voie nasale ou oculaire, etc.)
n’est pas de la compétence du pharmacien.
Quel que soit le médicament prescrit, le pharmacien veillera scrupuleuse-
ment aux contre-indications et aux interactions médicamenteuses ; il
conseillera expressément le respect du traitement en mettant en garde le
patient contre les effets pervers d’une automédication : un abus de pulvéri-
sation ou d’instillation de gouttes peut induire une rhinite iatrogène médica-
menteuse. La persistance des symptômes, malgré la médication, doit
impérativement conduire à la consultation médicale.

Les rhinopharyngites chez l’enfant


Le traitement antibiotique n’est pas justifié dans la rhinopharyngite aiguë non
compliquée, chez l’enfant (comme chez l’adulte). Son efficacité n’est
démontrée ni sur la durée des symptômes, ni pour la prévention des complica-
tions, même en présence de facteur de risque. En cas de rhinopharyngite non
compliquée, il convient de mettre en œuvre un traitement symptomatique,
comme ci-dessus (antipyrétiques, mouchage de nez) et d’assurer l’information
des parents/patients sur la nature virale de la pathologie, la durée moyenne
des symptômes, l’évolution généralement spontanément favorable, mais aussi
sur la survenue possible de complications et sur leurs signes évocateurs.
L’antibiothérapie n’est justifiée qu’en cas de complications avérées supposées
bactériennes, otite moyenne aiguë, sinusite. Elle n’est pas justifiée pour pré-
venir ces complications.
La présence ou la survenue de complications bactériennes conditionne donc
la prescription d’antibiotiques :
l l’otite moyenne aiguë (OMA) est le plus souvent précoce et survient le plus sou-

vent chez l’enfant de 6 mois à 2 ans ;


l les sinusites sont, précocement, une éthmoïdite aiguë (affection rare du nourris-

son) et, plus tardivement, essentiellement après l’âge de 3 ans, une sinusite
maxillaire.
Remarque : la survenue d’une infection respiratoire basse, telle qu’une bron-
chite, bronchiolite ou pneumopathie, n’est pas considérée comme une compli-
cation ou une surinfection d’une rhinopharyngite (la rhinopharyngite est, dans
ce cas, un prodrome ou un des signes d’accompagnement).
Les patients, notamment ceux qui présentent des facteurs de risque de com-
plication (otite moyenne aiguë récidivante, plus de 3 OMA par an, ou présence
d’une otite séreuse ; immunodépression), seront avertis de la nécessité de
contacter le praticien en présence de signes évoquant la survenue d’une com-
plication bactérienne : une apparition ou persistance d’une gêne respiratoire ;
29. Les rhinites et rhinopharyngites 219

une fièvre persistante au-delà de 3 jours ou d’apparition secondaire après ce


délai ; la persistance sans tendance à l’amélioration des autres symptômes
(toux, rhinorrhée, obstruction nasale) au-delà de 10 jours ; une conjonctivite
purulente, un œdème palpébral, des troubles digestifs (anorexie, vomisse-
ments, diarrhée), une éruption cutanée.
Le caractère purulent de la rhinorrhée et l’existence d’une fièvre (dans les
délais normaux d’évolution de la rhinopharyngite) ne sont pas synonymes
d’infection ou de surinfection bactérienne, et ne sont pas des facteurs de ris-
que de complications.
L’utilité des anti-inflammatoires non stéroïdiens à dose anti-inflammatoire et
des corticoïdes par voie générale n’est pas démontrée.
La thérapeutique des rhinopharyngites banales est donc avant tout à visée
symptomatique, avec un traitement de la fièvre (antipyrétiques, boissons abon-
dantes, enfant découvert, etc.) et un traitement de l’obstruction nasale et de la
rhinorrhée. Ainsi, en pratique officinale, le pharmacien peut proposer Prorhinel
solution nasale (nourrisson, enfant et adulte). Le lavage du nez ne doit jamais
être effectué la tête en arrière, car la solution descendrait dans la gorge ; le
nourrisson sera en position allongée, la tête inclinée sur le côté tandis que l’en-
fant sera plutôt en position assise ou debout (tête inclinée sur le côté). De
même, il peut délivrer Prorhinel mouche-bébé dans l’indication de rhinopharyn-
gite (ou de rhume) chez l’enfant de moins de 2 ans.
30 Le rhume

Le rhume peut être considéré comme une forme particulière de la rhinopharyn-


gite. Il s’agit d’une infection virale aiguë des voies respiratoires, très contagieuse,
pouvant survenir à toutes les périodes de l’année. Habituellement apyrétique, le
rhume se caractérise par une inflammation d’une partie ou de l’ensemble des
voies aériennes (nez, sinus, gorge, larynx, souvent aussi : trachée et bronches).
Certains groupes d’individus y sont particulièrement sensibles : les personnes
fragiles et âgées, les nourrissons et les jeunes enfants.

La pathologie
Le pharmacien est fréquemment sollicité (souvent le premier) pour évaluer ces
symptômes dont le caractère non spécifique, surtout au début de la maladie,
doit inciter à la prudence au niveau du conseil et de la prescription.
De nombreux virus provoquent le rhume commun : rhinovirus, virus influen-
zae, para-influenzae, adénovirus, etc. ; quant aux facteurs prédisposants, ils ne
sont pas nettement identifiés. Les infections bactériennes et la rhinorrhée allergi-
que peuvent être confondues au début avec un coryza (cf. chapitre 29). La pré-
sence de fièvre et de symptômes plus sévères caractérise plutôt la grippe (cf.
infra).

Symptomatologie
Après une période courte d’incubation (1 à 3 jours), le début de la maladie est
souvent brutal, marqué par des éternuements, une gorge douloureuse avec un
chatouillement laryngé, des céphalées, une rhinorrhée claire, fluide et abon-
dante. Le patient se sent fiévreux, bien que la maladie reste classiquement apy-
rétique ; la température peut quelquefois s’élever à 38 °C ou 39 °C, surtout chez
le nourrisson et l’enfant. Quelques jours plus tard (2 à 3 jours), l’écoulement
nasal s’épaissit et devient purulent. Une toux sèche et rauque est présente, le
malade se sent fatigué, sans appétit, et se plaint de courbatures. En l’absence de
complication, les symptômes évoluent favorablement après une période de 8 à
10 jours. La toux, ainsi que la rhinorrhée, peuvent cependant persister pendant
une quinzaine de jours ou plus.
Remarques : cette pathologie est fréquente mais les signes cliniques sont peu
spécifiques au début de la maladie : seul le médecin pourra déterminer et affir-
mer le diagnostic de rhume (une grippe modérée peut présenter la même
sémiologie). Le rhume peut favoriser les infections secondaires des poumons,
des sinus (sinusites) ou des oreilles (otites). L’accentuation d’une bronchite per-
sistante après un rhume est fréquente chez les sujets atteints d’infection respira-
toire chronique.
222 VI. Les maladies en oto-rhino-laryngologie

Le conseil face à la pathologie


Cas de l’adulte jeune, apparemment en bonne santé, désirant un médicament
contre le rhume
Le pharmacien doit faire préciser les caractères de cette pathologie « diagnosti-
quée » d’emblée par le patient : son ancienneté ? Présence de fièvre ? Type de
la toux ? Existence d’une rhinorrhée (et son caractère) ? Une obstruction
nasale ?
Les symptômes paraissent typiques du début d’un rhume et, s’ils existent en
dehors de tout contexte causal particulier (ex. : mauvais état de santé), le phar-
macien peut intervenir utilement par des conseils généraux et la prescription
d’un traitement local.
Les symptômes paraissent ambigus : malgré le bon état de santé apparent
du sujet, le pharmacien doit inciter à la consultation médicale.
La présence d’une fièvre persistante (plus de 48 heures), une douleur nasale
importante, une douleur ou un écoulement de l’oreille sont des motifs impé-
rieux de consultation médicale.

Cas du patient asthmatique ou bronchitique connu


La survenue d’un rhume banal chez le sujet asthmatique ou bronchitique
accentue le bronchospasme ; la toux sera donc exacerbée. Dans ce contexte, il
est préférable d’inciter le patient à consulter.

Cas du sujet âgé ou du jeune enfant


Le pharmacien doit se souvenir que ces patients sont particulièrement sensibles
à ce type de pathologie. Si les conditions sont toutes en faveur d’un rhume
banal (expression des signes cliniques a minima survenant dans un contexte de
bon état général, sans fièvre), le pharmacien peut délivrer un médicament
assorti des conseils généraux nécessaires à la bonne évolution de la maladie.
Chez ces malades, la présence d’une fièvre ou de tout autre signe indiquant
une phase évolutive (rhinorrhée purulente, gorge douloureuse, fatigue, etc.)
doit formellement recommander la consultation médicale.

La thérapeutique
Le traitement du rhume nécessite le repos, des mesures évitant la dissémination
directe de l’infection ainsi que l’utilisation d’antipyrétiques et de substances
décongestionnantes locales. Le traitement d’un rhume banal comprend des
conseils généraux et l’emploi de médicaments à action locale et générale.
30. Le rhume 223

Le conseil face à la thérapeutique


l Le sommeil et le repos au lit favorisent la guérison.
l Il ne faut pas surchauffer les lieux d’habitation, ni s’emmitoufler avec des vête-
ments supplémentaires en cas de fièvre ; il faut boire suffisamment pour éviter la
déshydratation (particulièrement sensible chez l’enfant).
l Il faut s’efforcer d’éviter la dissémination directe de l’infection à l’entourage du

patient.
l Il est conseillé de s’abstenir de fumer et d’éviter les fumées de tabac.

l L’infection peut être favorisée par une fatigue excessive, un stress, une allergie

au niveau du nasopharynx et aussi par un contact viral en milieu de cycle


menstruel.
Très souvent sollicité pour délivrer un médicament contre le rhume, le phar-
macien doit toujours évaluer le caractère des symptômes, notamment leur
localisation (nez et/ou gorge) et leur intensité. Il veillera à adapter la médi-
cation et les conseils à chaque cas, selon la qualité du patient (adulte jeune,
vieillard, enfant, femme enceinte).
Le conseil, face au choix des médicaments utilisés pour le traitement de la
sphère nasopharyngée, est identique à celui afférent au traitement des rhinites
et laryngites.
La toux est rarement sévère au cours du rhume, exception faite chez des
patients insuffisants respiratoires (le rhume exacerbe le bronchospasme). La
toux est habituellement sèche et rauque ; le pharmacien pourra, par exemple,
conseiller (chez l’enfant de plus de 30 mois) Paxéladine*.
La prise de vitamine C est souvent recommandée mais il n’existe pas de
preuves scientifiques de son efficacité. Le pharmacien pourra proposer l’acide
ascorbique seule : Laroscorbine*, Vitascorbol* ou associée à l’aspirine : Aspirine*
Vit C, ou à d’autres associations de principes actifs : Solutricine* Vit C, etc.
L’utilisation d’aspirine ne doit pas être systématiquement recommandée
dans le cas d’un rhume banal ; sa présence, en association avec d’autres princi-
pes actifs, dans les spécialités citées plus haut est habituellement suffisante.
Seul un avis médical justifiera son emploi univoque et systématique.
L’antibiothérapie n’est pas justifiée puisqu’il s’agit d’une infection virale.
31 Les laryngites

La laryngite est une inflammation du larynx, entraînant une dysphonie marquée


par un enrouement et parfois une extinction de voix. La laryngite aiguë survient
brutalement et dure peu de temps, tandis que la laryngite chronique persiste
plus longtemps, ou récidive.

La pathologie
Symptomatologie et étiologie
Les laryngites aiguës sont d’origine infectieuse (bactérienne ou virale) ; elles peu-
vent toucher l’adulte et l’enfant. La laryngite chronique est plutôt une maladie
de l’adulte.

La laryngite aiguë
La voix est enrouée, grinçante ou éteinte : une dysphonie et même une aphonie
peuvent être associées à une sensation de chatouillement ou d’irritation de la
gorge. L’élocution est souvent douloureuse. Les symptômes varient avec la
sévérité de l’infection ; la fièvre, habituelle chez l’enfant, est plus rare chez
l’adulte.

La laryngite chronique
La voix est éteinte et enrouée ; il n’existe pas de dysphagie, ni de douleur au
niveau de la gorge. Cette dysphonie dure plusieurs jours et rechute de temps en
temps. Les causes sont nombreuses et diverses : le tabac, les poussières, l’utilisa-
tion excessive de la voix, une bronchite chronique (toux chronique), l’inhalation
de substances irritantes… mais aussi l’émotion ou le surmenage.
Remarques : une laryngite aiguë peut survenir au décours d’une bronchite,
d’une grippe, ou encore chez l’enfant, au décours d’une coqueluche ou de la
rougeole. L’infection laryngée peut s’étendre aux poumons. Une dysphonie peut
être consécutive à l’absorption d’un corps étranger (surtout chez l’enfant), une
brûlure laryngée par ingestion de liquide brûlant ou de caustiques, une piqûre
provoquée par un insecte inhalé, etc. Toute dysphonie persistante nécessite un
examen laryngé car il n’existe pas de relation directe entre la gravité d’une
lésion et la dysphonie : le cancer laryngé peut ne provoquer qu’une discrète
altération de la voix. Chez l’adulte, une dysphonie qui persiste plus de 10 jours
doit impérativement conduire à un examen médical.
On peut distinguer :
n une laryngite sous-glottique, souvent virale, se caractérisant par une dyspnée
laryngée ;
n une laryngite sus-glottique ou épiglottite (maladie grave) avec abcédation
de l’épiglotte. Sa cause est souvent rapportée à Haemophilus influenzae. Il existe
des signes généraux importants : fièvre, dyspnée ; l’enfant est « à quatre
226 VI. Les maladies en oto-rhino-laryngologie

pattes » ou reste assis, la dysphagie est si importante qu’il bave : surtout ne pas
allonger l’enfant sous peine de risque de mort immédiate par arrêt
cardiorespiratoire.

Le conseil face à la pathologie


Suivant la cause, un adulte souffrant de laryngite peut bénéficier de conseils
prodigués à l’officine : la laryngite aiguë doit être diagnostiquée et traitée par
le médecin ; la laryngite chronique peut être prise en charge par le pharma-
cien, si elle survient dans un contexte clinique bien déterminé (ex. : utilisation
excessive de la voix par les cris ou le chant, inhalation de fumées ou de pous-
sières irritantes) chez un sujet en bonne santé, non tabagique ou non alcoolo-
tabagique. La présence de fièvre est un motif de consultation médicale.
Dans tous les cas, le pharmacien doit conseiller la consultation médicale
pour un enfant présentant une dysphonie, a fortiori s’il s’agit d’un petit enfant
car la dysphonie peut être consécutive à la présence d’un corps étranger intra-
laryngé : c’est un cas d’urgence.
Chez l’adulte jeune ou le sujet âgé, il faut se souvenir qu’une laryngite chro-
nique peut faire le lit d’un cancer : une laryngite chronique nécessite une sur-
veillance médicale régulière.
La survenue d’une laryngite chronique avec dysphonie chez la femme obèse
de type androïde (touchant le tronc et la partie haute de l’abdomen) peut faire
penser à une cause iatrogène (prise d’anabolisants) ; l’installation d’une laryn-
gite intermittente, avec dysphonie et voix grave, doit aussi faire penser à un
RGO.
Le pharmacien retiendra plus souvent la notion de dysphonie que la notion
de laryngite, laquelle ne peut être diagnostiquée qu’après un examen médical.
La dysphonie peut être aiguë et ne pose pas de difficulté majeure quand elle
survient dans un contexte infectieux ou un contexte traumatique (voix forcée)
évident. Elle peut être traînante, dans ce cas, il faut craindre le cancer surtout
au-delà de 30 ans dans un contexte défavorable (tabagique, alcoolo-tabagi-
que). La dysphonie peut enfin être chronique banale (ex. : laryngite du chan-
teur) ou au contraire récalcitrante au traitement et aggravante ; elle requiert
alors une exploration approfondie et une surveillance régulière (présence de
lésions souvent pré-cancéreuses). En règle générale, le pharmacien observera
toujours une grande prudence devant une laryngite ; le conseil le plus sûr et le
plus efficace sera l’incitation à la consultation médicale.

La thérapeutique
Le traitement d’une laryngite est spécifique de la cause ; une laryngite aiguë
d’origine infectieuse bénéficiera d’un traitement local et général adapté à la gra-
vité de la pathologie. Une laryngite chronique non compliquée, et en dehors de
tout contexte clinique défavorable, peut seulement bénéficier d’un traitement à
visée symptomatique. Les laryngites virales n’ont pas de traitement spécifique.
Selon la cause, le thérapeute peut prescrire un traitement local (antitussifs,
31. Les laryngites 227

vasoconstricteurs) ou général (antibiotiques et/ou anti-inflammatoires).


Dans tous les cas, le médecin recommandera le repos vocal, la suppression de
tout facteur irritant (ex. : tabac) et d’éviter les variations thermiques
importantes.

Le conseil face à la thérapeutique


Les recommandations générales
Quelle que soit l’étiologie de la laryngite, il faut recommander le repos vocal et
la suppression des facteurs irritants (tabac, poussières) mais aussi éviter autant
que possible les brusques variations thermiques. Ces conseils doivent être éga-
lement donnés au patient médicalement suivi, car le traitement ne supprime
pas la cause.

La prescription de médicaments
Le pharmacien précisera le but thérapeutique de la médication prescrite par le
médecin, selon qu’il s’agit de traitements locaux (aérosols, fumigations) ou
généraux (antibiotiques, anti-inflammatoires). Les inhalations ont un effet
symptomatique et favorisent la résolution de la laryngite. Le pharmacien doit
prévenir le patient que l’impression de bien-être rapidement obtenu ne doit
pas multiplier l’aérosol-thérapie ou accroître la fréquence des inhalations.
Dans le cas d’une laryngite d’origine nasale (due à une inhalation de pous-
sières irritantes et/ou allergisantes) avec un encombrement nasal, le pharma-
cien peut proposer Rhinofébral* ou Actifed*.
Une laryngite consécutive à une utilisation excessive de la voix peut être
traitée par Strepsils* ; des inhalations avec Aromasol*, Balsofumine*, Essence
Algérienne*, ou l’usage de collutoires comme Drill*, Eludril*.
Une toux associée doit être traitée, car elle entretient l’inflammation :
Euphon* peut être proposé.
La laryngite sous-glottique sera traitée par des antalgiques, des AINS, voire
des corticoïdes, en privilégiant une atmosphère humide.
La laryngite sus-glottique fera l’objet d’une prise en charge hospitalière avec
intubation, voire trachéotomie et antibiothérapie (ex : Augmentin) ; l’évolution
est habituellement favorable en 3 ou 4 jours. La prévention de cette laryngite
repose sur la vaccination contre la bactérie (primovaccination à l’âge de 2, 3,
4 mois).

Les cas particuliers


La dysphonie de l’enfant devra toujours faire l’objet d’un avis médical. La dys-
phonie liée aux troubles de la mue ne pose habituellement pas de problèmes,
mais elle peut nécessiter une rééducation orthophonique si le trouble est mal
supporté par l’adolescent.
Chez le vieillard elle peut être purement fonctionnelle, mais on ne doit pas
oublier qu’elle peut être un signe précoce d’une pathologie maligne. Une dys-
phonie fonctionnelle diagnostiquée comme telle requiert seulement un traite-
ment d’ordre général.
32 Les angines

Les angines sont des affections très fréquentes chez l’enfant et chez l’adulte. Les
causes bactériennes sont néanmoins minoritaires, mais, en cas de streptocoque
bêta-hémolytique du groupe A, la possibilité de complications persiste. L’angine
est une inflammation aiguë de l’oropharynx, en particulier des amygdales, très
fréquente chez l’enfant ; la pharyngite désigne une inflammation du pharynx
dans sa globalité (les Anglo-Saxons utilisent plutôt les termes amygdalite et pha-
ryngite streptococcique). La plupart des angines (50 à 90 %) sont des angines
virales (rhinovirus, virus respiratoire syncitial VRS, adénovirus influenzae et para-
influenzae, mononucléose infectieuse, Cytomégalovirus, parfois VIH). Le streptoco-
que est le germe prédominant responsable de 25 à 40 % des angines de l’enfant
et moins de 25 % chez l’adulte. Les angines ne doivent pas être négligées,
compte tenu du risque des complications potentielles (extension régionale de
l’infection, glomérulonéphrite, rhumatisme articulaire aigu postangineux).

La pathologie
Symptomatologie et étiologie
Les angines érythémateuse ou érythémato-pultacée
Elles se caractérisent par une douleur pharyngée, une dysphagie, une otalgie,
des céphalées et un malaise général avec fièvre (38,5-39,5 °C). Un début brutal,
une douleur pharyngée vive, une absence de rhinopharyngite et la présence
d’adénopathies sous-angulo-maxillaires bilatérales sont en faveur d’une origine
streptococcique. Les autres formes cliniques sont l’herpangine, l’herpès,
le zona pharyngien et la scarlatine : elles caractérisent les angines vésiculeuses.
Les complications sont le phlegmon péri-amygdalien et les syndromes
post-streptococciques.
Remarque : l’angine streptococcique peut s’exprimer de façon atypique.

Les angines ulcéreuse et ulcéro-nécrotique


Il s’agit de l’angine de Vincent qui touche plutôt l’adolescent et l’adulte jeune.
Elle est favorisée par un mauvais état bucco-dentaire. L’angine de Vincent s’ex-
prime de façon unilatérale par une douleur, une dysphagie, une langue chargée,
une haleine fétide caractéristique et une asthénie. La fièvre est peu importante ;
il n’y a pas de ganglions. Les autres causes beaucoup plus rares sont la syphilis,
les leucoses et les agranulocytoses.

Les angines pseudomembraneuses


Elles sont représentées par la diphtérie, devenue rare en France compte tenu de
la vaccination systématique, et par la mononucléose infectieuse (MNI) qui
domine en France. L’angine de la MNI peut revêtir tous les aspects cliniques. Le
diagnostic est orienté par la numération sanguine qui montre le syndrome
mononucléosique. La sérologie EBV lève le doute.
230 VI. Les maladies en oto-rhino-laryngologie

L’amygdalite chronique
Elle correspond à l’involution du tissu lymphoïde des amygdales palatines. La
symptomatologie montre une dysphagie, une langue chargée, une haleine
fétide, des adénopathies cervicales et parfois une otalgie. La gorge est doulou-
reuse surtout à la déglutition ; une fièvre et des céphalées sont fréquentes. Chez
l’enfant, la dysphagie se traduit souvent par un refus de manger. Les complica-
tions sont représentées par l’angine aiguë streptococcique et le phlegmon.

Le conseil face à la pathologie


À l’officine, chaque fois qu’un patient sollicitera un médicament pour « le mal
de gorge » et devant la suspicion d’une angine, le pharmacien ne devra pas
ignorer que toute angine peut être à l’origine de complications locorégionales
péripharyngées (phlegmon amygdalien), cervicales (adénite suppurée, cellulite
cervicale) ou générales (endocardite, glomérulonéphrite).
Devant tout symptôme bâtard touchant la gorge, et/ou le rhinopharynx, le
pharmacien devra observer une grande prudence. Hormis une amygdalite réci-
divante déjà diagnostiquée comme telle (par le médecin) et survenant chez un
adulte jeune en bonne santé générale, le pharmacien devra dans tous les
autres cas, conseiller l’examen médical.
Une amygdalite chronique ne sera pas traitée par le pharmacien ; celui-ci
devra recommander la consultation médicale et éventuellement se borner à
prescrire un antiseptique buccopharyngé.
Chez l’enfant, les angines bactériennes ne s’observent pratiquement jamais
avant l’âge de 3 ans. La consultation médicale doit toujours s’imposer chez le
nourrisson et l’enfant.
Le pharmacien doit se souvenir qu’il n’existe aucun caractère prédictif entre
l’aspect clinique d’une angine et son origine virale ou bactérienne. Un symp-
tôme apparemment banal peut être le prélude à une pathologie grave (angine
streptococcique).

La thérapeutique
Elle repose sur le fait qu’il faut éviter, dans tous les cas, un risque de survenue de
complications post-streptococciques cardiaques ou rénales : l’angine est donc
presque toujours considérée a priori comme streptococcique et doit toujours
être traitée comme telle, en particulier chez l’enfant et le sujet jeune ; l’antibio-
thérapie est de rigueur.
Il existe deux moyens de diagnostiquer une angine à streptocoque : la culture
d’un prélèvement pharyngé demandant plusieurs jours (effectuée dans 3 % des
cas) et le test de diagnostic rapide (TDR) encore appelé strepto-test (méthode
immunologique de sensibilité estimée à 80-90 %), pouvant être réalisé en quel-
ques minutes au cabinet médical ; celui-ci sera effectu���������������������������������
é apr��������������������������
ès avoir réalisé le
score de Mac Isaac���(Tableau 32.1).
L’amygdalite chronique est l’indication essentielle de l’amygdalectomie.
32. Les angines 231

Tableau 32.1
Score de Mac
���� Isaac
�������

Fièvre  38 °C  1


Absence de toux  1
Adénopathies cervicales sensibles  1
Atteinte amygdalienne (augmentation du volume ou exsudat)  1
Âge 15 à 44 ans  0
Âge  45 ans    1
Les patients ayant un score de Mac Isaac  2 ont au maximum une probabilité d’infection à streptocoque
de 5 % ; un tel score, chez l’adulte, permet de décider de ne pas faire de TDR et de ne pas prescrire
d’antibiotique. Rappelons que le score de Mac Isaac ne se pratique que chez l’adulte.

Le conseil face à la thérapeutique


En l’absence d’identification du germe (test de détection rapide), une éradica-
tion systématique d’un éventuel streptocoque -hémolytique du groupe A
requiert une antibiothérapie (l’Afssaps recommande l’utilisation de la péni-
cilline, de l’ampicilline ou d’une céphalosporine en privilégiant les traitements
courts, ex : amoxicilline 1 g 2 fois par jour pendant 6 jours ; les macrolides
sont réservés aux allergies aux bêta-lactamines car leur utilisation en première
intention facilite le risque de résistance bactérienne). Par conséquent, le rôle
du pharmacien se limite strictement aux conseils afférents à la prise d’antibioti-
ques lors de la délivrance des médicaments prescrits par le médecin. Une fièvre
sera traitée par les antipyrétiques classiques (paracétamol ou ibuprofène).
Le pharmacien peut être sollicité par le patient qui souhaite une médication
« contre le mal de gorge ». C’est seulement en présence des signes avant-coureurs
d’apparition récente (gorge qui gratte et/ou un peu douloureuse), en l’ab-
sence de fièvre importante et de toute altération de l’état général que le phar-
macien sera autorisé à prescrire un antiseptique buccopharyngé : toute
intervention opportuniste du pharmacien au cours d’une phase plus évolutive
de la maladie risquerait, en enrayant partiellement celle-ci, de retarder ou faus-
ser le diagnostic donc la mise en route d’un véritable traitement efficace.
Toute prescription d’antiseptiques buccopharyngés, comme Collunovar*,
Drill*, doit être évaluée en sachant que ces médicaments sont une thérapeu-
tique locale d’appoint de la cavité buccale et de l’oropharynx. Souvent, ces
spécialités contiennent un anesthésique local : un traitement excessif ou une
automédication mal conduite peut entraîner une possibilité de fausse route par
anesthésie du carrefour oropharyngé (notamment chez l’enfant et le vieillard)
et l’apparition d’effets systémiques (convulsions, dépression du système car-
diovasculaire). En pratique, le pharmacien prescrira de façon à ce que le condi-
tionnement ne permette pas un traitement supérieur à 5 jours.
Il ne faut jamais renouveler cette prescription si les symptômes persistent
ou, a fortiori, s’ils se sont aggravés (ex. : apparition de la fièvre) ; la consulta-
tion médicale sera alors vivement recommandée.
33 Les aphtes buccaux

Un aphte est une ulcération superficielle dont l’étiopathogénie (virale, chimique,


physique ou microbienne) reste mal connue ; il semble que le mécanisme soit
immunoallergique. Il peut exister un ou plusieurs ulcères, souvent douloureux,
qui ont tendance à récidiver. Toute lésion érosive n’est pas un aphte : les aphtes
peuvent être associés à une maladie inflammatoire digestive, un syndrome de
Behçet (aphtes buccaux, aphtes génitaux et lésions oculaires), une mononu-
cléose infectieuse, une stomatite virale (herpès) ou une fièvre prolongée. Le
pharmacien est seulement concerné par la survenue brutale et récente d’aphtes
buccaux chez un sujet en bonne santé. Tout autre contexte clinique est du res-
sort exclusif du médecin, car cette affection bénigne, le plus souvent isolée, peut
être le symptôme annonciateur d’une pathologie grave (maladie de Biermer,
anémie sidéropénique, leucose, etc.).

La pathologie
Symptomatologie et étiologie
Dans la plupart des cas, la survenue des aphtes coïncide avec l’absorption de
certains aliments : noix fraîches, amandes, gruyère, chocolat, fruits acides
(citron), ou certains types de stress plus ou moins associés à des écarts diét-
étiques inhabituels. Certains facteurs extérieurs peuvent favoriser l’apparition des
aphtes : les appareils dentaires, le mâchonnement des sujets nerveux, les trou-
bles digestifs, les chocs émotionnels, la grossesse, la menstruation, un mauvais
état bucco-dentaire, une carence en vitamines B12, fer, folates et… certaines
brosses à dents ! Les aphtes peuvent aussi être idiopathiques. Les lésions aphteu-
ses sont précédées de la formation de vésicules (uniques ou multiples) qui, le
plus souvent, disparaissent en quelques jours, après l’éviction de la cause ; les
aphtes peuvent siéger sur la face interne des joues ou des lèvres, le sillon gin-
givo-labial, le voile du palais, les bords ou la face inférieure de la langue, ou le
plancher de la bouche. Les aphtes sont souvent douloureux, à type de brûlures ;
ils provoquent une hypersalivation et gênent la mastication et la déglutition.
Une expression plus intense des signes cliniques, avec fièvre, céphalées, agita-
tion…, relève de la consultation médicale.

Les ulcérations buccales d’origine iatrogène


Plusieurs cas de stomatite, glossite, ulcération de la langue et d’aphtose ont été
rapportés, en particulier en Australie, suite à l’administration d’AINS. Les ulcéra-
tions buccales peuvent être secondaires à une réaction immuno-allergique aux
AINS (quelle que soit la famille), mais peuvent être aussi le premier signe d’une
agranulocytose. Le plus souvent, l’atteinte buccale paraît isolée. Les anticoagu-
lants oraux (dérivés de la coumarine et de l’indanedione) peuvent provoquer la
survenue d’ulcérations buccales.
236 VII. Les maladies en stomatologie

L’acide benzoïque (ou son sel de sodium) est largement utilisé dans les médica-
ments : Broncalène*, Codotussyl*, Pulmofluide*, etc. ; il est responsable d’ulcéra-
tions buccales. Le pharmacien devra être vigilant lorsqu’il conseillera ces
médicaments (surtout chez le nourrisson ou l’enfant) qui font souvent l’objet
d’une automédication. L’acide benzoïque et son sel de sodium sont également
utilisés comme conservateurs alimentaires, notamment dans les boissons
sucrées, les confitures, les œufs de lumps ou les crevettes en semi-conserve.
D’autres additifs comme le nitrite de sodium, les sulfites, le gallate d’octyle,
l’acide sorbique, peuvent également générer des ulcérations buccales.

Le conseil face à la pathologie


Avant toute chose, l’interrogatoire doit permettre au pharmacien de déceler
une cause alimentaire (de loin la plus fréquente) ; le conseil se bornera à
recommander l’éviction de certains aliments et éventuellement à prescrire des
bains de bouche. Dans le cas d’un sujet dont l’état général paraît médiocre, le
pharmacien conseillera la consultation médicale.
La survenue d’une poussée d’aphtes buccaux chez l’enfant doit aussi faire
penser au « syndrome main-pied-bouche » qui est une infection virale
bénigne, touchant surtout les enfants de moins de 10 ans, souvent à l’occasion
de petites épidémies contractées à la crèche ou à l’école. La symptomatologie
montre la présence de vésicules dans la bouche (douloureuses), sur les mains
et les pieds (indolores) et un petit fébricule. La guérison est spontanée, sans
séquelles, en une dizaine de jours. Le syndrome main-pied-bouche, les aphtes
géants et l’aphtose plurifocale sont du ressort du médecin.

La thérapeutique
Ni l’éviction de la cause ni le traitement ne préviendront la récidive. Les cas
bénins sont marqués par un caractère épisodique et inégalement récidivant,
mais leur guérison est pratiquement toujours spontanée, sans traitement, en 5 à
7 j. Les aphtes guérissent sans cicatrice ; seuls les aphtes géants (1 à 4 cm de
diamètre) peuvent persister jusqu’à 2 mois, en laissant des cicatrices.
Le traitement à domicile des aphtes buccaux est généralement simple et effi-
cace ; le principe du traitement est d’éviter les facteurs déclenchants, calmer la
douleur, désinfecter et attendre la cicatrisation spontanée (une huitaine de
jours). Le pharmacien peut contribuer efficacement à la guérison en donnant
des recommandations d’ordre alimentaire et en préconisant des soins de bou-
che. Un traitement local (antiseptique, anti-inflammatoire, antibiotique) doit
être instauré dans le cas d’aphtes buccaux multiples ou à récidives rapprochées.
33. Les aphtes buccaux 237

Le conseil face à la thérapeutique


Les recommandations générales
Elles concernent en premier lieu l’éviction de la cause. Le pharmacien saura
déconseiller la prise de certains aliments (certains fromages : gruyère en parti-
culier, les noix, les amandes, certains fruits secs comme les abricots, le chocolat
de qualité médiocre, les fruits acides, la charcuterie, les mets épicés, etc.). Il
recommandera une alimentation équilibrée de façon à favoriser autant que
possible un bon transit digestif.

Le choix des médicaments


Un traitement médicamenteux s’impose en présence d’aphtes buccaux multi-
ples ou à récidives rapprochées, d’aphtes géants ou d’aphtoses plurifocales et
en présence d’une grande aphtose (maladie de Behçet).
Les cas bénins d’aphtes buccaux en petit nombre et à récidive espacée, sur-
venant chez un sujet adulte en bonne santé, peuvent être traités à domicile et
bénéficier des recommandations du pharmacien qui peut recommander
l’usage de Aphtoral* indiqué pour le traitement des aphtes et des inflamma-
tions buccales.
Une bonne hygiène buccale est préconisée (soins dentaires en particulier),
elle peut être améliorée par des bains de bouche avec Bétadine*, Collunovar*,
Hextril*, Eludril* ou Synthol*. Si les aphtes sont douloureux, un attouchement
des aphtes peut être pratiqué avec un gel gingival comme Aftagel* (contient un
anesthésique : la lidocaïne), Borostyrol* (antalgique et antiseptique), Flogencyl*
(antalgique et anti-inflammatoire), Pansoral* (antalgique et antiseptique),
Pyralvex* (antalgique et anti-inflammatoire). Des tablettes ou comprimés à sucer
peuvent également être proposées : Lyso-6*, Solutricine*, Imudon*, Homéoaftyl*,
etc.
Chez l’enfant, à partir de 6 ans, de nombreuses spécialités peuvent être utili-
sées sauf Borostyrol* (présence de dérivés terpéniques) qu’il est préférable
d’utiliser chez les plus de 15 ans ; Oromédine* contenant un anesthésique (la
tétracaïne) doit être réservé aux enfants de plus de 12 ans (risque possible de
fausses routes) ; pour les enfants de plus de 30 mois, Bloxaphte gel peut être
conseillé.
Le pharmacien mettra en garde le patient devant tout abus des bains de
bouche et des gargarismes, compte tenu de l’action de certaines substances
présentes dans les solutions proposées (anesthésique, hydrate de chloral, men-
thol, etc.). Un usage abusif de ces substances (de nombreux antiseptiques
buccaux en contiennent) peut engendrer des effets indésirables, parfois
préoccupants.
Si, malgré le respect des conseils et une hygiène buccale bien conduite, les
aphtes ne guérissent pas dans les délais habituels ou récidivent fréquemment,
le pharmacien doit conseiller la consultation médicale.
34 Les gingivites

La pathologie
La gingivite est une inflammation aiguë ou chronique des gencives, caractérisée
par une tuméfaction avec rougeur, des exsudats séreux, et un saignement. Elle
peut être limitée à une ou plusieurs dents ; elle peut récidiver. La gingivite peut
être isolée ou associée à une stomatite (inflammation de la muqueuse buccale).
Elle peut provoquer une parodontite (début de résorption de l’os alvéolaire) qui
est la cause principale de l’édentation chez l’adulte.

Symptomatologie et étiologie
La gingivite semble d’apparition plus fréquente à la puberté et au cours de la
grossesse, sans doute à cause de facteurs hormonaux. En pratique, la principale
cause isolée, et de loin la plus fréquente, est un défaut d’hygiène bucco-dentaire.
Il ne faut pas oublier que ce symptôme apparemment banal, peut être le pre-
mier signe d’une véritable pathologie systémique : hypovitaminose, maladies
hématologiques (purpura thrombopénique, leucopénie…), trouble endocrinien
(diabète), virose (herpès), allergie. Pour cette raison, les signes cliniques seront
décrits en fonction de l’étiologie :
n La gingivite simple correspond à une tuméfaction œdémateuse des papilles
interdentaires ; la muqueuse gingivale saigne au moindre traumatisme (brossage
des dents). Elle est souvent indolore et disparaît avec la cause (tartre, prothèse
dentaire mal adaptée…).
n La gingivite du sujet diabétique résulte d’une hypersensibilité particulière de la
gencive aux substances irritantes.
n La gingivite de la femme enceinte associe une inflammation de la gencive à
une hyperplasie des papilles interdentaires. Elle apparaît plutôt au cours du 2e ou
du 3e mois et se poursuit jusqu’à la fin de la grossesse. Des pseudotumeurs
apparaissent sur les gencives ; bourgeonnantes, elles saignent au moindre
contact. Elles sont bénignes et disparaissent après l’accouchement. Les maladies
parodontales (sources d’infection) de la femme enceinte doivent être impérati-
vement soignées, car il existe un risque établi de probabilité de mettre au monde
un bébé prématuré de faible poids.
n La gingivite desquamative montre une gencive rouge foncé, douloureuse, très
fragilisée et saignant facilement. Elle est fréquente chez la femme, pendant la
ménopause.
n La gingivite des maladies hématologiques : les patients leucémiques pré-
sentent souvent des gencives tuméfiées, décolorées, œdémateuses, douloureu-
ses et saignant facilement.
n La gingivite des hypovitaminoses (scorbut, pellagre) est plus rare.
240 VII. Les maladies en stomatologie

Les gingivites d’origine iatrogène


Devant la certitude ou le doute d’une origine iatrogène, le pharmacien doit inci-
ter le patient à avertir le médecin traitant ou, mieux, il l’avertira lui-même. Les
médicaments classiquement incriminés dans la survenue d’une gingivite entrent
dans le cadre d’une thérapeutique au long cours : phénytoïne (épilepsie), nifé-
dipine (hypertension, angor) et ciclosporine (traitement immunosuppresseur).
Cependant, d’autres médicaments comme le probénécide ou des substances
irritantes peuvent induire cette symptomatologie ou l’exprimer a minima. Le
pharmacien doit aussi se souvenir qu’une gingivite est un facteur prédisposant à
la survenue de stomatorragies. Celles-ci peuvent avoir une origine iatrogène.

Le conseil face à la pathologie


Seule la gingivite simple peut relever du conseil à l’officine ; tous les autres cas
doivent être vus et traités sur avis médical (chirurgien-dentiste, médecin géné-
raliste ou stomatologue). Dans ce cas, le pharmacien se bornera à privilégier
les conseils généraux d’hygiène bucco-dentaire et à prescrire des antiseptiques
locaux.

La thérapeutique
Attitude thérapeutique
Selon la cause, le traitement privilégie ou associe des recommandations d’hy-
giène bucco-dentaire à une médication par antalgiques, antibiotiques ou anti-
inflammatoires. Parfois, une intervention chirurgicale est nécessaire. En pratique
officinale, le traitement reposera essentiellement sur les recommandations d’hy-
giène bucco-dentaire ; les femmes, du fait des répercussions sur les gencives des
variations hormonales sexuelles auxquelles elles sont soumises tout au long de
leur vie, doivent être particulièrement sensibilisées à ces recommandations.

Le conseil face à la thérapeutique


L’hygiène bucco-dentaire
Même si l’état dentaire des Européens s’améliore, plus de 80 % des adultes
ont besoin qu’on leur apprenne à quoi correspond une bonne hygiène bucco-
dentaire, car les saignements gingivaux, le tartre, et même les poches paro-
dontales, sont encore trop présents.
Quelques notions fondamentales simples doivent être retenues : la plaque
bactérienne est à l’origine de la plupart des affections des dents et des genci-
ves : elle forme un dépôt permanent qui engendrera la plaque dentaire si le
dépôt n’est pas régulièrement éliminé par un brossage efficace. La plaque den-
taire est le point de départ obligé de toutes les caries et des pathologies
34. Les gingivites 241

comme la gingivite, la stomatite et toutes les parodontopathies. En se


calcifiant, la plaque forme le tartre qui favorise l’installation d’une parodontite.
L’ensemble de ces processus est insidieux avec une évolution à bas
bruit se manifestant le plus souvent par une mauvaise haleine (halitose)
tenace.
Il ne faut pas ignorer que 30 % des sujets au moins présentent une hypersen-
sibilité dentaire ; celle-ci apparaît en présence de facteurs déclenchants banals :
le froid, la chaleur, le contact avec certains aliments (acides, sucres) ou avec
des objets (brosse à dents, couverts, etc.).
Le fluor présente une action endogène cariostatique et une action topique
au niveau de l’émail dentaire. Son utilisation prophylactique est réalisée grâce
à l’alimentation : l’eau potable (dose optimale en fluor  1,5 mg/L), les pois-
sons de mer, les lentilles, le thé, mais encore par l’utilisation de dentifrices fluo-
rés (150 à 250 mg de fluor pour 100 g de pâte). Le xylitol, édulcorant non
cariogène présent dans les dentifrices (ex. : Fluocaril*), les bains de bouche et
les pâtes à mâcher, contribue à diminuer la viscosité et l’acidité de la plaque
bactérienne.
La prévention repose sur la reconnaissance des facteurs nocifs, des mauvaises
habitudes et sur le brossage des dents :
l Les facteurs nocifs sont essentiellement représentés par l’alimentation : le raffi-

nage des sucres augmente le pouvoir cariogène ; les glucides apportés par le
miel, la confiture, les bonbons, le pain, appartiennent à cette catégorie. Les pro-
tides, grâce à la présence de lysine, ont un rôle cariostatique (le régime carné des
Esquimaux les protège des caries). Les graisses auraient une action protectrice.
Les vitamines ont un rôle variable : une carence en vitamine D favorise le déve-
loppement des caries tandis que la vitamine B6 a une action bénéfique sur les
lésions carieuses. La vitamine C est sans action à ce niveau. Les oligo-éléments ont
un rôle important lors de la formation des dents : le molybdène et le vanadium
ont une action cariostatique et anticarie contrairement au sélénium ; le fluor
augmente la résistance de l’émail, mais un excès peut occasionner une ostéose
fluorée (encore appelée darmous) tandis qu’une carence favorise la maladie
carieuse.
l Les mauvaises habitudes sont généralement faciles à éliminer : veiller à une ali-

mentation équilibrée et variée, éviter le grignotage dans la journée (les sucreries


consommées entre les repas sont les plus nocives), proscrire formellement le
« bonbon du soir » chez l’enfant, ne pas laisser au nourrisson le biberon dans la
bouche en permanence, surtout la nuit ; ne pas oublier que la prise d’un sirop
devrait toujours être suivie d’un brossage des dents. Les aliments qui se croquent
(pommes, carottes crues, etc.) stimulent la circulation gingivale et réalisent un
nettoyage partiel des dents.
l Le brossage des dents est indispensable pour éliminer la plaque bactérienne en

totalité. Une brosse devrait être changée tous les 3 mois ou dès que les poils
commencent à se courber ; il faut formellement déconseiller l’emploi d’une
brosse à poils durs chez les sujets présentant une hypersensibilité bucco-dentaire.
Les brosses à 2 rangs sont adaptées au nettoyage des poches parodontales et
des gencives atteintes de parodontopathies. Les brosses à 3 rangs permettent un
accès facile aux faces dentaires les plus reculées dans la cavité buccale ; elles doi-
vent être conseillées aux enfants. Les brosses à 4 rangs s’adaptent à toutes les
cavités buccales ; elles sont réservées aux adultes.
242 VII. Les maladies en stomatologie

Les dents du nourrisson et du petit enfant. En moyenne, les premières dents de


lait (souvent les incisives) apparaissent vers 6-8 mois, puis jusqu’à 2 à 3 ans appa-
raissent les 20 dents de lait (8 incisives, puis 4 premières molaires, puis 4 canines,
puis 4 deuxièmes molaires). En moyenne, il apparaît 2 dents tous les 2-3 mois,
mais il existe de grandes variations individuelles.
Attention : les dents de « 6 ans », c’est-à-dire les 4 premières molaires sont
définitives ; trop fréquemment, les parents ignorent ce fait et ces dents mal
soignées sont souvent cariées : le brossage des dents devra donc commencer
dès l’âge de 2 ans, sans dentifrice, en faisant faire des petits ronds avec une
brosse bien choisie.
Il est indispensable de se brosser les dents après chaque repas, pendant au
moins 3 minutes ; à défaut, utiliser un bain de bouche ou une gomme à mâcher
(Fluogum*, etc.). Certains accessoires sont parfois nécessaires pour assurer un
nettoyage interdentaire plus minutieux (ex. : présence de bridges) : les fils den-
taires, les brossettes interdentaires, les hydropulseurs, Les dentifrices (gel, pâte,
poudre, liquide) sont les produits de base de l’hygiène bucco-dentaire. Le
pharmacien pourra les recommander en tenant compte de leur composition,
adaptée au besoin de chaque sujet. Ils peuvent présenter un pouvoir anti-
inflammatoire et anti-infectieux (Sanogyl*), anti-inflammatoire et tonique
(Blend-a-myl*), antibactérien (Elgydium*), ou être encore plus spécifiquement
recommandés aux fumeurs : Kontrol*, Nicomint*, d’autres sont préventifs de la
carie dentaire (ex. : Fluocaril*), etc. Certains produits complémentaires peuvent
être proposés : les solutions « antiplaques » avant brossage (Lysoplak*,
Paroplak*, etc.) et après brossage ; les pâtes à mâcher (Fluogum*, etc.) prati-
ques chez l’enfant pour la prévention des caries. Les soins des prothèses den-
taires ne doivent pas être négligés (un Français sur 5 est concerné) ; les
produits nettoyants et adhésifs sont bien représentés (gammes Stéradent*,
Coréga*, Poligrip*, etc.).
La présence et la persistance d’une mauvaise haleine (halitose) doivent faire
rechercher la cause. Une mauvaise odeur de l’air expiré par le nez (bouche fer-
mée) signe une halitose d’origine nasale tandis qu’une mauvaise odeur de l’air
expiré par la bouche (nez fermé) signe une halitose d’origine buccale. Cette
dernière forme est la plus fréquente (60 à 80 % des cas) ; elle dépend de plu-
sieurs facteurs favorables comme une hygiène dentaire défectueuse, une gingi-
vite ou une parodontite. Les halitoses issues des voies aéro-digestives
supérieures peuvent être en relation avec une sinusite, une amygdalite, un
corps étranger des fosses nasales ou une ulcération néoplasique torpide. Les
halitoses d’origine digestive pure sont rares et controversées ; elles sont conco-
mitantes des éructations et d’un RGO. Les halitoses d’origine systémique peu-
vent être liées à un diabète (haleine acétonique de l’acidocétose), au jeûne, au
foetor hepaticus des hépatopathies sévères, plus fréquemment à l’alimentation
(consommation d’aliments forts : ail, oignon, charcuterie, alcool, etc.), au taba-
gisme ou encore être d’origine iatrogène (disulfirame, nitrates, neuroleptiques,
sédatifs, vitamines B, etc.). Enfin, il faut signaler les halitoses idéopathiques ou
illusoires qui ne sont perçues que par celui qui s’en plaint : il s’agit le plus sou-
vent de sujets jeunes (15 à 35 ans), de sexe masculin, célibataires et dans un
contexte anxiophobique. Cette dernière forme d’halitose peut nécessiter une
véritable prise en charge psychothérapique. Le pharmacien est souvent la seule
personne sollicitée pour traiter ce symptôme que le patient n’osera pas expri-
mer devant son médecin (ou alors, juste en fin de consultation). Les halitoses
34. Les gingivites 243

extrabuccales relèvent de la correction du facteur causal tandis que celles d’ori-


gine buccale nécessitent le plus souvent des soins dentaires et une hygiène
bucco-dentaire stricte qui peut faire appel à l’usage de bains de bouche et de
gargarismes.
Il est raisonnable de conseiller une consultation régulière chez le dentiste, au
rythme de 2 visites annuelles en moyenne, quel que soit l’âge du sujet, ne serait-
ce que pour pratiquer un détartrage et prévenir la maladie carieuse.

La prescription de médicaments
En présence d’une gingivite simple bien définie, le pharmacien prescrira seulement
des bains de bouche et des pâtes dentifrices visant à améliorer l’hygiène bucco-
dentaire. Parmi les solutions antiseptiques locales et les collutoires utilisables en
stomatologie, beaucoup possèdent une action antalgique et/ou anesthésique
locale : Hexomédine*, Colludol*, Synthol*, l’usage de pâtes et de gels dentifrices
comme Arthrodont*, Blend-a-myl*, Gingivyl*, Hexifrice*, Pyorédol*, à action anti-
inflammatoire et/ou antiseptique contribuera efficacement à la résolution de la
gingivite.
Comme toujours, le pharmacien mettra en garde le patient contre tout abus
dans l’utilisation des bains de bouche et gargarismes : la présence de certaines
substances (anesthésique, hydrate de chloral, menthol, dérivés iodés, etc.)
peut induire une pathologie iatrogénique. Un traitement mal conduit peut
également exposer à un déséquilibre de la flore microbienne normale de la
cavité buccale, avec un risque de diffusion bactérienne ou fongique
(candidose).

La prescription des baumes dentaires


Les baumes dentaires peuvent être utilisés pour le mal de dents, dont la cause la
plus fréquente est une carie (à 12 ans, 70 % des enfants ont des caries), mais
encore, chez le nourrisson, pour calmer une éruption dentaire s’accompagnant
de signes locaux plus ou moins douloureux. Le pharmacien doit savoir conseiller
l’emploi d’un baume dentaire chez le nourrisson, car un grand nombre d’entre
eux peut être potentiellement dangereux. Certains baumes (et solutions)
contiennent un anesthésique local comme la benzocaïne (inductrice de méthé-
moglobinémie), l’amyléine (Dentinette*, Dentabaume*, Gengibaume*). Tous les
anesthésiques locaux peuvent déclencher des réactions allergiques, voire un
choc anaphylactique (ne pas oublier que l’inflammation favorise la résorption).
Ils peuvent aussi renfermer du camphre qui, à forte dose, induit une excitation
psychomotrice et des convulsions. La présence de menthol peut entraîner des
irritations locales et même, à fortes doses, des convulsions. La majorité de ces
baumes et solutions dentaires sont des produits grand public : le pharmacien
doit mettre en garde les mères de nourrisson devant le risque d’apparition d’ef-
fets indésirables suite à une utilisation pratiquée de façon « anodine » avec des
produits considérés à tort comme « anodins » !
35 Les stomatites

La stomatite désigne une inflammation de la bouche pouvant toucher la


muqueuse des joues, le plancher de la bouche, le palais, les gencives et la lan-
gue. Les causes sont nombreuses et variables ; la stomatite peut être l’expression
symptomatique d’une maladie générale.

La pathologie
Symptomatologie et étiologie
Symptomatologie
Les symptômes sont variables selon la cause et l’intensité de l’affection. L’examen
anatomoclinique permet de distinguer : une stomatite érythémateuse se tradui-
sant par des douleurs, un œdème et une rougeur diffuse ; une stomatite ulcé-
reuse marquée par des ulcérations, une fétidité de l’haleine et des adénopathies ;
une stomatite gangréneuse (exceptionnelle) se traduisant par des régions
nécrosées et œdématiées.
D’une façon générale, la symptomatologie permet de décrire le plus souvent
une rougeur, un gonflement, des érosions, des dépôts blanchâtres, une douleur,
une sécheresse de la bouche ou au contraire, une hypersalivation… l’intensité
de ces signes varie avec l’étiologie.

Étiologie
Les stomatites peuvent être causées par une infection bactérienne ou virale
(streptocoques, gonocoques, spirochètes, Candida albicans, Mycobacterium
tuberculosis ; Herpes : simplex virus de la rougeole, virus Herpes de la mononu-
cléose infectieuse…), une avitaminose (maladie de Biermer, scorbut…), un trau-
matisme (dent lésée, prothèse dentaire inadaptée…), une substance irritante ou
toxique (stomatite tabagique, origine professionnelle, intolérance médicamen-
teuse, etc.) ou encore une allergie. Le pharmacien retiendra essentiellement
l’existence des causes traumatiques, toxiques et iatrogènes en particulier.

Les stomatites d’origine iatrogène


La plupart des médicaments les plus couramment prescrits sont susceptibles de
provoquer des réactions d’intolérance au niveau de la muqueuse buccale et oro-
pharyngée. Parmi ces réactions, les stomatites sont certainement les pathologies
les plus fréquemment rencontrées. Comme le médecin, le pharmacien peut suspec-
ter, voire découvrir, ce type de manifestation iatrogénique. Le diagnostic étiolo-
gique repose le plus souvent sur des coïncidences chronologiques concomitantes
de la prise ou de l’arrêt d’une médication : le pharmacien peut être ainsi la pre-
mière personne informée. Les stomatites iatrogéniques peuvent être classées
selon leur type anatomoclinique :
n Les stomatites érythémateuses se localisent à la face dorsale de la langue, au palais,
aux gencives, ou parfois à l’ensemble de la sphère labio-bucco-pharyngée.
246 VII. Les maladies en stomatologie

Elles peuvent être consécutives à un traitement général par les pénicillines, les
barbituriques ou les corticoïdes ; des traitements locaux par des bains de bou-
che, certaines pâtes dentifrices, des sulfamides, des antibiotiques ou des anes-
thésiques de contact peuvent s’accompagner de phénomènes œdémateux sur
l’ensemble de la muqueuse buccale, avec des dysesthésies (diminution ou exa-
gération de la sensibilité) à type de prurit et de picotements. Certains compri-
més laissés au contact de la bouche, alors qu’ils devraient être administrés
dissous ou avec un liquide (ex. : aspirine), peuvent entraîner des brûlures super-
ficielles de la muqueuse.
n Les stomatites candidosiques s’expriment par une glossite érythémateuse dépa-
pillante, une perlèche ou un muguet, chez les patients immunodéprimés. Les
principaux médicaments en cause sont les antibiotiques (pénicilline A, ticarcil-
line, etc.), les psychotropes, les immunodépresseurs, les contraceptifs, mais aussi
certains bains de bouche antiseptiques utilisés de façon abusive.
n Les stomatites bulleuses se caractérisent par une éruption cutanéo-muqueuse
précédée et accompagnée d’une sensation de cuisson ; elles se reproduisent au
même endroit à chaque prise médicamenteuse. Un pemphigus (dermatose bul-
leuse) peut survenir au décours d’un traitement de la polyarthrite rhumatoïde,
de même que le gravissime syndrome de Lyell est marqué à son début par une
éruption bucco-pharyngée. Les médicaments inducteurs de ces effets sont les
sulfamides retard, les pyrazolés, les barbituriques, l’aspirine, la D-pénicillamine,
certaines quinolones de 1re génération, les anticonvulsivants, la pénicilline…
n Les stomatites hyperplasiques semblent plus fréquentes chez les patients épilep-
tiques traités par la diphénylhydantoïne et chez la femme utilisant des contra-
ceptifs oraux.
n Les stomatites lichénoïdes sont essentiellement induites par la chrysothérapie
lors du traitement de la polyarthrite rhumatoïde, mais aussi par la D-péni-
cillamine, la streptomycine ou les antipaludéens de synthèse.
n Les stomatites aphtoïdes peuvent survenir lors d’un traitement par les sels d’or,
la D-pénicillamine, certains anticoagulants oraux (dérivés de l’indanedione).
n Les stomatites ulcéreuses sont habituelles d’un traitement par les immunosup-
presseurs ou les antimitotiques. Dans d’autres cas, elles peuvent apparaître avec
des médicaments comme les sulfamides, le chloramphénicol, les antithyroïdiens
de synthèse, l’amidopyrine, les sels d’or, les phénothiazines, les barbituriques ou
la phénylbutazone.
Remarques : les antidépresseurs, les neuroleptiques, les antiparkinsoniens et
toutes les substances à action parasympatholytique induisent une hyposialie,
voire une asialie (absence de salive), qui favorise la formation d’un érythème
buccal, de caries dentaires, de gingivite et une infection de la cavité buccale.

Le conseil face à la pathologie


L’implication du pharmacien dans le traitement d’une stomatite est certes limi-
tée, mais elle n’en demeure pas moins importante. Le sujet adulte en bon état
35. Les stomatites 247

général confiera au pharmacien qu’il souffre de « brûlures dans la bouche ».


Un interrogatoire rapide précisera s’il s’agit d’un épisode aigu inhabituel et for-
tuit, ou de la véritable expression d’une pathologie. Le plus souvent, le phar-
macien orientera le patient vers la consultation médicale (chirurgien-dentiste,
médecin généraliste ou stomatologue).
Si le patient est actuellement en bonne santé, connu du pharmacien, ce dernier
recherchera essentiellement une cause bucco-dentaire : mauvaise hygiène,
prothèses (ex. : dentier) mal adaptées, usage de substances irritantes (désin-
fectant buccal, pâte dentifrice…) ou une diététique inadaptée (abus d’épices
ou de certains aliments…). Si une de ces causes n’est pas rigoureusement éta-
blie, et après avoir éliminé une cause iatrogène (automédication), le pharma-
cien conseillera la consultation médicale en arguant la possibilité d’une cause
bactérienne ou virale.
Si le patient suit un traitement médicamenteux, le pharmacien s’inquiétera de
la nature du médicament et de son mode d’administration (prises trop rappro-
chées ? Inobservance ? Associations à d’autres substances ?). Si un médicament
est suspecté, la consultation médicale s’impose (substitution par une autre
substance, modification du rythme d’administration ou de la posologie, etc.).
S’il s’agit d’un enfant, la consultation médicale est de rigueur.

La thérapeutique
Un traitement symptomatique est indiqué dans tous les cas. Les maladies sous-
jacentes nécessitent un traitement spécifique. Une bonne hygiène buccale est
toujours nécessaire.
Les stomatites d’origine traumatique ou iatrogènique peuvent bénéficier d’un
conseil autorisé du pharmacien.

Le conseil face à la thérapeutique


Les conseils généraux
Le pharmacien doit contribuer à l’éviction des causes touchant l’hygiène
bucco-dentaire.
l Chez l’adulte jeune et plus encore chez l’enfant, le soin des dents cariées ou

fracturées devra être assuré rapidement. Chez le sujet plus âgé, une prothèse
dentaire (ex. : dentier, bridge) peut s’avérer défectueuse et devenir irritante pour
la muqueuse. Les traumatismes mécaniques (morsures des joues) peuvent être
dus à une dent ébréchée, un appareillage orthodontique, une prothèse mal ajus-
tée, une tétine de biberon trop longue et/ou trop dure.
l L’abus d’aliments trop chauds, d’épices, de tabac ou d’alcool est une source

d’agression permanente de la muqueuse buccale.


l L’allergie à une pâte dentifrice, à un désinfectant local, à des édulcorants (confi-

serie surtout), à un rouge à lèvres, n’est pas rare.


l La prise de certains médicaments (cf. infra) ou l’absorption de toxiques profes-

sionnels (colorants, métaux lourds, vapeurs acides, produits caustiques,


248 VII. Les maladies en stomatologie

poussières métalliques ou minérales, etc.), peut induire des réactions d’intolé-


rance touchant toute la cavité buccale.

Le choix des médicaments


Le rôle du pharmacien se limite aux conseils thérapeutiques afférents au traite-
ment symptomatique qui est indiqué dans tous les cas : il faut améliorer l’hy-
giène bucco-dentaire et atténuer la douleur. Le pharmacien dispose de
solutions ou de collutoires antiseptiques, anesthésiques et sédatifs : Colludol*,
Eludril*, Hextril*, etc.
���
Remarque : la chlorhexidine présente dans de nombreuses spécialités
(Collunovar*, Drill*, Eludril*, etc.) colore en brun la langue et les dents.
36 L’herpès labial récurrent

L’herpès oro-facial, plus communément appelé « bouton de fièvre », est une


infection virale récurrente particulièrement fréquente, due à Herpes simplex virus
(HSV ou hominis). Ce virus appartient au groupe des herpès-virus dont font aussi
partie le cytomégalovirus et le virus de la varicelle et du zona. C’est le type 1 de
l’HSV qui provoque habituellement l’herpès labial (et la kératite) ; le type 2 est
responsable de l’herpès génital, moins fréquent, bien qu’aux États-Unis, il repré-
sente 39 % des MST. Plus de 50 % de la population adulte ont déjà contracté
cette maladie ; dans la majorité des cas, le premier contact ou primo-infection
(entre 2 et 4 ans), est passé inaperçu. Le virus reste dans l’organisme sans se
manifester, jusqu’à sa réactivation par différents stimuli, comme un stress physi-
que, le soleil, le froid, etc. Ces manifestations récurrentes peuvent survenir à tout
âge ; le véritable mécanisme d’apparition est souvent inconnu.

La pathologie
Symptomatologie et étiologie
Symptomatologie
L’infection se caractérise par l’apparition, sur la peau ou les muqueuses, de bou-
quets isolés ou multiples de petites vésicules remplies de liquide clair. Les vésicules
sont particulièrement fréquentes autour de la bouche et sur la lèvre inférieure.
L’apparition des vésicules est toujours précédée d’une sensation locale de four-
millement, de démangeaison ou de cuisson désagréables. Les vésicules (5 à 20)
ont une taille variable (0,5 à 1 cm) et peuvent confluer pour former une phlyc-
tène à contours polycycliques reposant sur une base inflammatoire érythé-
mateuse. L’infection herpétique récurrente revient habituellement au même site.
Les vésicules se forment en quelques jours (1 à 3), persistent, puis se rompent et
se dessèchent en formant des croûtes jaunâtres. La guérison commence 5 à 7 j
après le début et devient complète après 2 à 3 semaines. Habituellement, les
lésions herpétiques bucco-labiales guérissent complètement sans laisser de traces ;
cependant, après un certain nombre de récidives, une cicatrice (ou une atrophie)
peut subsister. La période d’installation de la maladie peut s’accompagner d’un
fébricule et d’une sensation de fatigue générale. L’herpès survient dès qu’une alté-
ration de l’état général provoque une baisse de la défense immunitaire du sujet.
Les complications des poussées d’herpès labial récurrent sont rares chez l’adulte ;
néanmoins, il faut absolument éviter le contact direct avec un sujet porteur de
vésicules herpétiques. Herpes simplex peut provoquer une encéphalite ou une
kératoconjonctivite grave ; l’herpès labial peut être le prélude à une crise de palu-
disme, une pneumopathie ou une leptospirose ictérohémorragique.

Facteurs déclenchants
Les principales causes prédisposant au déclenchement de l’herpès labial
récurrent sont : le soleil (première exposition annuelle ou surexposition), le froid,
250 VII. Les maladies en stomatologie

un stress physique ou psychique (extraction dentaire, choc émotif, etc.), des


écarts diététiques, certaines perturbations hormonales (herpès cataménial), des
substances toxiques (ex. : professionnelles) ou certains médicaments. Les mala-
dies fébriles (ex. : angine) et les maladies focales (dentaires, sinusiennes) déclen-
chent souvent une poussée de la maladie.

Le conseil face à la pathologie


Si l’expression clinique de l’herpès labial peut a priori sembler évidente, elle ne
doit cependant pas inciter le pharmacien à établir d’emblée un diagnostic de
certitude : exception faite d’un cas patent de récidive survenant chez un
patient connu et dans un contexte de bon état général (absence de maladies
intercurrentes), le pharmacien se bornera à faire préciser les circonstances
d’apparition pour mettre en évidence, si possible, un facteur déclenchant.
Dans tous les autres cas, notamment chez l’enfant, le pharmacien devra faire
preuve de prudence et limiter son conseil à des recommandations de désin-
fection locale des lésions. La consultation médicale sera préconisée.
Avant toute initiative, le pharmacien doit savoir que le diagnostic différentiel
de l’herpès simplex n’est pas toujours facile : seul le médecin pourra recon-
naître un Herpes simplex, d’un herpès zoster (zona), d’une autre dermatose
vésiculaire (ex. : varicelle), d’une aphtose, voire d’une syphilis secondaire.
Quelle que soit la circonstance de survenue de la symptomatologie, le phar-
macien recherchera une relation de cause à effet avec la prise d’une médi-
cation prescrite ou non (automédication).

La thérapeutique
Attitude thérapeutique
L’évolution spontanée est pratiquement toujours bénigne ; la guérison est géné-
ralement complète après une quinzaine de jours. Le traitement symptomatique
dans les formes simples est fondé sur une désinfection locale. L’administration
d’un antiviral comme l’aciclovir semble réduire la fréquence et l’intensité des
récidives.
Le rôle du pharmacien est limité face à cette pathologie car habituellement,
elle évolue favorablement de façon spontanée. Toutefois, certaines recomman-
dations d’hygiène locale contribueront à favoriser la guérison, d’autant plus sou-
haitée par le patient que cette pathologie d’évolution normalement bénigne est
mal vécue, car inesthétique !

Le conseil face à la thérapeutique


Les recommandations générales
L’herpès est une maladie contagieuse comme toutes les maladies virales. Le ris-
que de contagion est maximum au moment des poussées.
36. L’herpès labial récurrent 251

Le nettoyage doux à l’eau et au savon n’est pas contre-indiqué, mais l’humi-


dité des lésions peut retarder la guérison et aggraver l’inflammation. Il faut
éviter tout contact avec un produit irritant ou allergisant (pas de produits de
maquillage !). Il faut utiliser du linge de toilette personnel. Il est conseillé de ne
pas gratter les vésicules et les lésions pour éviter la transmission virale, notam-
ment au niveau des yeux. Les porteurs de lentilles de contact ne doivent jamais
humidifier les lentilles avec leur salive (risque d’herpès oculaire) ; 40 à 70 %
des herpès oculaires proviennent d’un herpès oro-facial et 20 % d’entre eux
sont responsables de kératites profondes. Le contact rapproché avec l’entou-
rage doit être évité, en particulier avec les petits enfants. Le baiser est un
moyen important (25 %) de la transmission, entre la mère et l’enfant. Retenir
également que se protéger, c’est aussi protéger les autres !

Le traitement local
Le pharmacien pourra prescrire des solutions antiseptiques locales comme
Hexomédine (1 pour 1 000), Dermacide*, Septivon*, en conseillant une désin-
fection biquotidienne, sans excès.
Dans l’intention d’éviter une surinfection, il faudra conseiller de préférence
une poudre inerte qui contribuera aussi à l’assèchement des lésions, plutôt que
la prescription d’une pommade. Le pharmacien pourra proposer, par exemple,
Aloplastine*.
D’autres soins locaux adaptés au patient et à la gravité de l’éruption peuvent
être prescrits par le médecin : désinfection à l’éther officinal, application
précoce, fréquente et limitée de gels (Cuterpès*, Activir*, etc.) ou application de
Zovirax* crème (aciclovir).
Remarque : la conférence de consensus (2002) indique une absence de
démonstration de l’efficacité des traitements locaux (antiviral, antiseptique,
topique à base de corticoïde, etc.) quel que soit le type d’herpès.
Un traitement général par un antiviral peut être instauré à l’initiative du
médecin, avec l’administration d’aciclovir (Zovirax) ou d’alaciclovir (Zelitrex)
qui arrête l’évolution et semble atténuer la fréquence et l’intensité des pous-
sées ultérieures. La prise de l’antiviral pourra être faite à l’initiative du patient
(autoprescription), dès les premiers signes d’une nouvelle poussée d’herpès.
Dans tous les cas, l’usage d’un corticoïde local est formellement contre-indi-
qué car il expose à la kératite herpétique grave ou à l’extension des lésions
cutanées.
Les conseils généraux de prévention. Le pharmacien ne manquera pas de
dispenser les recommandations générales afférentes aux facteurs déclenchants
de la poussée d’herpès labial récurrent, dans trois circonstances au moins :
l lors de la délivrance de médications antiherpétiques, prescrites par le médecin ;

l lors de la sollicitation d’un sujet (connu du pharmacien), porteur d’un herpès

labial récurrent ;
l lors de la dispensation des conseils généraux relatifs aux voyages, à l’exposition

solaire et/ou au froid (ski), etc.


Exemple : une prophylaxie des poussées récurrentes, à l’exposition solaire,
peut être réalisée avec une photoprotection renforcée sur le visage (crème
écran total) et l’application régulière (toutes les heures) d’un écran total au
niveau des lèvres (un stick est préférable car une crème ne subsiste que quel-
ques minutes au niveau des lèvres).
VIII
Les maladies
neurologiques

37 La migraine 255

38 Le syndrome parkinsonien 263

39 La maladie d’Alzheimer 265


La neurologie comprend l’ensemble des affections touchant le système nerveux
central (encéphale et moelle), ou périphérique, auquel il faut ajouter la patholo-
gie musculaire et certaines affections touchant accessoirement le système ner-
veux… Il est évident que les pathologies neurologiques (et psychiatriques)
relèvent des compétences exclusives du médecin. En revanche, un symptôme
comme une céphalée ou la maladie migraineuse peut être le fait du pharmacien
(au moins dans leur expression commune) ; de la même façon, le pharmacien
est concerné par la reconnaissance de certains symptômes du syndrome parkin-
sonien qui peuvent, en fait, traduire les effets iatrogènes des neuroleptiques
(syndrome malin). Sa fonction de praticien de santé le conduit aussi à contribuer
à l’aide psychologique et à l’amélioration de la qualité de vie des patients
atteints de maladies invalidantes comme la maladie d’Alzheimer.
37 La migraine

Avec une prévalence de 15 % de la population mondiale, la migraine est l’une


des affections neurologiques les plus fréquentes. Il s’agit d’une maladie invali-
dante en raison de la fréquence des crises, de leur durée, de leur intensité, des
signes d’accompagnement digestifs et du retentissement sur la vie quotidienne,
professionnelle, sociale et familiale. La migraine est une affection paroxystique
caractérisée par des crises récidivantes de céphalalgies ; elle résulte de perturba-
tions vasculohumorales, accompagnées de phénomènes centraux. Toute per-
sonne peut, à un moment donné de sa vie, être atteinte d’une crise migraineuse
à l’occasion d’un abaissement momentané du seuil migrainogène dont les
éléments constitutifs sont multiples : facteurs génétiques, âge, sexe, facteurs
hormonaux, facteurs psychiques, etc. La migraine touche 12 % de la population
adulte (18 % des femmes et 6 % des hommes). Chez l’enfant, la fréquence de la
migraine atteint environ 50 % de la population d’âge scolaire. Environ 7 % des
consultations chez le généraliste sont motivées par des céphalées dont le tiers
d’entre elles exprime une migraine.

La pathologie
Symptomatologie et étiologie
La migraine peut survenir à tout âge, mais elle débute habituellement entre 10
et 30 ans, plus souvent chez la femme que chez l’homme. Une rémission n’est
pas rare après l’âge de 50 ans. Une prédisposition familiale est retrouvée dans
plus de 50 % des cas.

Facteurs déclenchants et causes favorisantes


De nombreuses circonstances sont à l’origine du déclenchement des crises : le
stress, les troubles hépato-biliaires ou gastriques (ex. : origine alimentaire), les
causes ophtalmologiques (ex. : myopie), la période cataméniale… ; certaines cri-
ses migraineuses sont parfois d’origine iatrogène, toxique ou sont réactionnelles
à un sevrage médicamenteux.
La céphalée est un symptôme fréquemment rencontré et souvent pris comme
synonyme de céphalalgie (douleurs crâniennes violentes et tenaces, quelle que
soit leur nature). Parfois, certaines causes des céphalées sont parfaitement éta-
blies (algies vasculaires de la face, névralgies du trijumeau, etc.) ; dans d’autres
cas, elles doivent être évoquées en présence des circonstances : hématologiques
(polyglobulie, anémie), infectieuses (toxoplasmose, bilharziose, etc.), endocri-
niennes et métaboliques (hypoglycémie, hyperglycémie, dysthyroïdie, insuffi-
sance hépatique, insuffisance rénale, etc.), toxiques (alcool, CO, nicotine,
organophosphorés, nitrites, etc.), neurologiques (affections posttraumatiques,
épilepsie, etc.), psychogènes… sans oublier encore les céphalées de causes arté-
rielles (ex. : HTA), ophtalmologique, ORL et stomatologique.
256 VIII. Les maladies neurologiques

Critères de reconnaissance d’une crise migraineuse


Il est habituel de distinguer une crise de migraine sans aura (80 à 85 % des cas),
encore appelée migraine commune, dont l’expression se résume à une céphalée,
d’une crise avec aura (15 à 20 % des cas). Cette dernière forme se caractérise par
la présence de manifestations neurologiques paroxystiques s’installant sur plus
de 5 minutes et disparaissant en 1 heure environ. Ces manifestations se tradui-
sent par des troubles visuels variables (phosphènes, scotome, flou visuel, etc.),
des troubles sensitifs (fourmillements, engourdissement, etc.) et aussi par des
troubles du langage. Les phases céphalalgiques et résolutives se déroulent
ensuite comme dans la migraine sans aura.
Les sujets migraineux connaissent bien leur maladie ; certains d’entre eux
(15 % environ) savent reconnaître les signes prodromiques de la crise.
La phase prodromique de la crise migraineuse est souvent caractérisée par des
troubles digestifs (modification de l’appétit, douleurs épigastriques, etc.), des
troubles urinaires (oligurie, polyurie), une modification de l’humeur (irritabilité,
anxiété), des troubles du sommeil (insomnie ou somnolence inhabituelle). Cette
phase prodromique est souvent stéréotypée chez un même malade, permettant
de prévoir l’imminence de la crise. La phase céphalalgique de la crise migraineuse
est d’abord frontale, sus-orbitale ou occipitale ; elle peut être localisée ou diffu-
ser à l’hémicrâne ou à l’ensemble du crâne. La douleur est souvent pulsatile et
exacerbée au moindre effort ; souvent, elle oblige à interrompre toute activité,
d’autant qu’elle est fréquemment accompagnée de nausées et de vomissements.
Cette phase peut s’étaler sur 48 heures dans les cas extrêmes. En l’absence de
traitement, la phase résolutive peut être suivie d’un état de malaise général ou
d’euphorie pendant 24 heures.
L’International Headache Society définit la crise migraineuse selon certains cri-
tères qui peuvent inégalement s’exprimer :
n Migraine sans aura :
l A : au moins 5 crises répondant aux critères B à D,

l B : durée des crises douloureuses (traitées sans succès) comprise entre 4 et
72 heures,
l C : céphalées possédant au moins deux des caractéristiques suivantes : uni-
latérales, pulsatiles, intensité modérée ou sévère (gênant ou empêchant
l’activité habituelle), aggravées par un petit effort (ex. : la montée des
escaliers),
l D : céphalées accompagnées d’au moins l’un des symptômes suivants :
nausées et/ou vomissements ; photophobie et phonophobie,
l E : l’examen clinique doit être normal entre les crises. En cas de doute, un
désordre organique doit être éliminé par les investigations complémentaires
appropriées.
Le terme de migraine sans aura a remplacé celui de migraine commune.
Si les 5 critères A, B, C, D, E sont présents, il s’agit d’une migraine sans aura
au sens strict du terme.
Si l’un des critères A, B, C ou D n’est pas rempli en totalité, il s’agit d’une
migraine sans aura probable.
37. La migraine 257

n Migraine avec aura :


A : au moins 2 crises répondant au critère B,
l

l B : au moins 3 des 4 caractéristiques suivantes :

– un ou plusieurs symptômes de l’aura totalement réversibles,


– le symptôme de l’aura se développe progressivement sur plus de 4 minu-
tes, et, si plusieurs symptômes sont associés, ils surviennent
successivement,
– la durée de chaque symptôme n’excède pas 60 minutes,
– la céphalée fait suite à l’aura après un intervalle libre maximum de
60 minutes, mais parfois commence avant ou pendant l’aura,
l C : l’examen clinique doit être normal entre les crises. En cas de doute, un

désordre organique doit être éliminé par les investigations complémentaires


appropriées.
Le terme de migraine avec aura a remplacé celui de migraine classique ou de
migraine accompagnée.
Il existe 4 types d’auras : visuelles (les plus fréquentes, 99 % des auras, ancien-
nement dénommées migraines ophtalmiques), sensitives, aphasiques et motrices.
Si les 3 critères A, B et C sont présents, il s’agit d’une migraine avec aura typique.
La migraine doit être distinguée de la céphalée de tension, céphalée plus dif-
fuse, non pulsatile, non aggravée par l’effort, moins intense, sans signes digestifs,
parfois accompagnée de phonophobie ou de photophobie. Migraine et céphalées
de tension sont souvent associées ou intriquées chez les mêmes patients.

Les céphalées d’origine iatrogène


Dans le cadre du traitement de la migraine, des céphalées d’origine iatrogène
peuvent survenir avec l’utilisation chronique des dérivés de l’ergot de seigle si la
prise quotidienne est supérieure à 2 mg par voie orale ou 1 mg par voie rectale ;
elles peuvent aussi apparaître lorsque la prise régulière d’antalgiques est égale
ou supérieure à 50 g d’aspirine par mois. De nombreux médicaments peuvent
induire des céphalées dont le mécanisme d’induction n’est pas toujours bien
défini : les médicaments vasodilatateurs (coronariens ou périphériques), les
médicaments vasoconstricteurs, les AINS, la pilule contraceptive ou la prise
d’œstrogènes.
Les céphalées d’origine toxique peuvent être dues à l’alcoolisme, à l’urémie, à
l’intoxication par le monoxyde de carbone, le plomb, les nitrites (attention aux
hot-dogs) ou le glutamate monosodique.
Les céphalées de sevrage peuvent survenir à l’arrêt d’un traitement quotidien
par le tartrate d’ergotamine (dose orale  2 mg ou dose rectale  1 mg) : les
céphalées surviennent 48 heures après le sevrage ; la céphalée de sevrage à la
caféine (consommation  15 mg/mois) survient dans les 24 heures suivant la
dernière prise. Il ne faut pas oublier les céphalées de sevrage aux narcotiques, ou
à certains traitements antihypertenseurs (clonidine, propranolol, etc.).
Le pharmacien doit encore mettre en garde le patient contre toute utilisation
abusive d’un traitement symptomatique antimigraineux, car elle prédispose à
l’apparition d’un cercle vicieux : « céphalées — traitement — céphalées » qu’il
sera difficile de rompre.
258 VIII. Les maladies neurologiques

Le conseil face à la pathologie


La migraine est une maladie handicapante, en raison de la fréquence des crises
(2 ou plus par mois chez 42 à 50 % des patients), de leur durée ( 24 heures
chez 39 % des patients), de leur intensité (sévère ou très sévère chez 48 à
74 % des patients), des signes d’accompagnement digestifs et du retentisse-
ment sur la vie quotidienne, professionnelle, sociale et familiale.
Afin d’optimiser la prise en charge du patient migraineux, il faudra lui
conseiller de tenir un agenda des crises, précisant la date de survenue, la durée
et l’intensité de la douleur, les facteurs déclenchants et les médicaments utili-
sés à chaque crise migraineuse (sur prescription ou non). Cet outil permettra
au médecin de mieux percevoir la sévérité de la migraine, de tenir compte du
retentissement de la maladie sur la vie quotidienne, de guider éventuellement
le choix thérapeutique et les modalités du suivi.
L’existence d’une association entre épisode dépressif majeur, troubles
anxieux et migraine renforce le handicap du sujet migraineux. Le médecin
recherchera à l’interrogatoire un syndrome dépressif ou anxieux, afin de pren-
dre en compte sur le plan thérapeutique, non seulement la douleur migrai-
neuse, mais aussi les troubles dépressifs et anxieux associés.

La thérapeutique
Il n’existe pas de schéma thérapeutique univoque du traitement de la migraine.
La mise au point du traitement le mieux adapté et le plus efficace est géné-
ralement longue et donne des résultats parfois modestes.
Le traitement de la migraine comprend 3 démarches thérapeutiques successi-
ves ou complémentaires :
n le traitement de la crise d ont le but est de soulager le patient de la douleur,
dans sa sévérité et sa durée ; on distingue :
l les traitements non spécifiques (antalgiques : aspirine, paracétamol et anti-

inflammatoires non stéroïdiens : naproxène, ibuprofène, kétoprofène et


diclofénac),
l les traitements spécifiques (triptans et dérivés ergotés) ;

n le traitement de fond dont le but est la prévention des crises, avec l’intention
d’en diminuer le nombre et la fréquence : la thérapeutique fait appel à des anti-
migraineux variés, qui sont des médicaments ayant des propriétés antisérotoni-
nergiques et/ou antihistaminiques (Désernil, Nocertone, Sanmigran), des
-bloquants (Avlocardyl, Lopressor, Séloken), des alcaloïdes de l’ergot de seigle
(Gynergène caféine, Migwell, Diergospray, etc.), ou d’autres substances comme
l’association aspirine et métoclopramide (Migpriv), l’indoramine (alphabloquant),
la flunarizine (inhibiteur calcique), l’amitriptyline (antidépresseur), voire les sels
de lithium.
  Remarques : l’apparition des triptans, agonistes sélectifs des récepteurs sérotoni-
nergiques de type 5HT1B/5HT1D (naratriptan, Naramig ; zolmitriptan, Zomig,
etc.) a changé la prise en charge thérapeutique des patients migraineux, car ils
permettent un soulagement de la douleur rapide et durable, d’où la suppression,
37. La migraine 259

pour certains patients, de l’instauration d’un traitement de fond. L’amélioration


apportée par la pose d’un bandeau cryogénique (Stop* migraine) sur la tête, dès le
début des symptômes, porte sur la douleur et sur les signes fréquemment associés
(nausées, vomissements, etc.) ;
n le traitement des signes associés : des médicaments adjuvants sont parfois uti-
les, tels que les antiémétiques (per os, voie rectale), les tranquillisants (BZD).

Le conseil face à la thérapeutique


La mise en route précoce d’un traitement est une condition certaine de succès,
mais la prise en compte des effets secondaires est obligatoire lorsqu’un traite-
ment de fond (ou préventif) est instauré. Il est recommandé de mettre en place
un traitement de fond en prenant comme critères :
l la fréquence, l’intensité des crises, mais aussi le handicap familial, social et pro-

fessionnel généré par les crises ;


l le fait que le patient utilise, depuis 3 mois, 6 à 8 prises de traitement de crise par

mois et cela même en cas d’efficacité.


Le traitement de fond permettra d’éviter l’abus médicamenteux par un
excès d’utilisation d’antimigraineux de la crise (non spécifiques et/ou spéci-
fiques) ; son instauration doit s’associer à une démarche d’éducation du
patient, à qui il faut expliquer que ce traitement ne supprime pas les crises
mais réduit leur fréquence et leur intensité. La tenue d’un agenda des crises
permettra de mieux apprécier l’efficacité du traitement de fond.
Aucune molécule n’a démontré de supériorité d’efficacité par rapport aux
autres. Le choix du traitement repose donc sur les effets indésirables, les contre-
indications, les interactions et les éventuelles pathologies associées du patient.

Adhésion du malade à son traitement


Pour obtenir l’adhésion du malade à son traitement de la crise, il est indispen-
sable d’expliquer longuement les raisons du choix des médicaments prescrits,
les avantages et les inconvénients, leur mode d’emploi et les précautions d’ad-
ministration. Dans cet objectif, le pharmacien saura utilement renouveler les
conseils dispensés par le médecin traitant.
Il n’existe pas d’ordre préétabli pour l’emploi des antimigraineux.
A priori, il n’existe pas d’antalgique ou d’anti-inflammatoire (AINS) plus effi-
cace qu’un autre dans le traitement de la migraine ; l’aspirine peut se révéler
très efficace pour une migraine avec aura typique.
Les conseils du pharmacien peuvent concerner le traitement de la crise ; quel que
soit le médicament choisi, certaines règles d’utilisation doivent être observées :
l prise du médicament exclusivement au moment de la crise (pour éviter l’ergo-

tisme avec les dérivés de l’ergot de seigle), pas plus de 2 fois par semaine pour
éviter une chronicisation de la migraine ; la prise de triptans peut se faire à n’im-
porte quel moment de la céphalée migraineuse (même tardivement), mais il faut
se souvenir qu’ils sont inactifs sur l’aura ;
l prise la plus précoce possible car la résorption digestive des médicaments est

diminuée pendant une crise de migraine ;


l choix de la meilleure voie d’administration (évaluer le risque de vomissement dû

à la crise migraineuse) ; dans ces circonstances, le sumatriptan (Imigrane), dans


260 VIII. Les maladies neurologiques

sa présentation en solution pour pulvérisation nasale, peut être utilisé efficace-


ment. Il doit être prescrit dans le cadre d’une monothérapie pour le traitement
de la crise de migraine et non en prophylaxie ;
l choix de la dose optimale de façon empirique en évaluant le rapport
efficacité/tolérance ;
l ne pas oublier les « petits moyens » : repos dans un endroit calme, sans bruit,

dans l’obscurité ou la pénombre, glace sur le front, etc. ;


l enfin, rappeler que les triptans sont préférentiellement indiqués chez les patients

sujets à de nombreuses crises par mois et en particulier lorsque les autres traite-
ments n’ont pas montré d’efficacité au cours des crises précédentes ; cependant,
il est possible de prescrire ces médicaments dès la première consultation
spécialisée.
Le pharmacien doit savoir que, le plus souvent, c’est le migraineux lui-même
qui trouve l’antalgique qui convient le mieux. Il sera alors judicieux et oppor-
tun de le mettre en garde contre un usage abusif, compte tenu du rapport
effet bénéfique/effets indésirables qu’il faut constamment réévaluer.
La survenue d’une dépendance aux antalgiques n’est pas rare ; elle s’ex-
prime par une céphalée de sevrage entre chaque prise, ainsi que par l’instaura-
tion de véritables toxicomanies. L’adjonction de codéine ou de barbituriques
favorise ces risques.
Pour évaluer l’efficacité du traitement de la crise, 4 questions peuvent être
posées au patient :
l êtes-vous soulagé de manière significative 2 heures après la prise ?

l votre traitement est-il bien toléré ?

l utilisez-vous une seule prise médicamenteuse ?

l la prise de ce traitement vous permet-elle une reprise normale et rapide de vos

activités sociales, familiales et professionnelles ?


Si le patient répond « oui » aux 4 questions, il est recommandé de ne pas
changer le traitement ; s’il répond « non » à au moins une des questions, il est
recommandé au médecin de prescrire un AINS et un triptan, ce dernier ne
devant être utilisé qu’en cas de secours, si le patient n’est pas soulagé 2 heures
après la prise d’AINS.

Traitement de fond et règles que le pharmacien doit connaître


Lorsqu’un traitement de fond est instauré, le pharmacien doit connaître les règles
qui lui sont associées :
l la dose efficace doit être atteinte de façon progressive car les migraineux sont

souvent « hypersensibles » à l’action des médicaments ;


l les contre-indications doivent être scrupuleusement respectées ;

l l’efficacité du traitement doit être évaluée de façon objective : un calendrier de

la fréquence des crises est établi par le migraineux ; mieux, un relevé quotidien
détaillé, pendant plusieurs mois, notant les habitudes alimentaires et les activités
(physiques et diverses) permettra d’identifier les facteurs déclenchants et d’esti-
mer l’efficacité du traitement ;
l chaque médicament prescrit doit être pris pendant une durée minimum de

2 mois (sauf en cas d’intolérance) avant de pouvoir en affirmer le succès ou


l’échec ;
l les médicaments sont toujours essayés successivement en évitant les associa-

tions, car leur supériorité thérapeutique n’est pas prouvée, et elles risquent de
37. La migraine 261

majorer les effets secondaires. Les médicaments utilisés au cours d’un traitement
de la migraine peuvent avoir des effets indésirables ayant valeur de contre-
­indication, notamment lors du traitement de fond. L’usage des triptans requiert
certaines précautions qu’il faut connaître : ils ne doivent pas être prescrits avec
les dérivés de l’ergot de seigle, ni avec les IMAO ; il ne faut pas passer d’un trip-
tan à un autre. Les triptans sont formellement contre-indiqués chez les malades
ayant des antécédents de pathologies ischémiques, ainsi que chez les patients
souffrant de troubles du rythme ou d’hypertension non contrôlée. Les triptans
ne doivent pas être prescrits chez les sujets de moins de 18 ans et de plus de
65 ans. Leurs effets indésirables doivent être connus : ils sont généralement mini-
mes et d’intensité modérée (nausées, vertiges, somnolence, asthénie) ; contrai-
rement au sumatriptan, ils n’induisent pas de sensation d’oppression thoracique
pouvant être mal tolérée. La présentation en solution pour pulvérisation nasale
(ex. : sumatriptan) est intéressante chez les patients souffrant de nausées ou de
vomissements ;
l le tabagisme sévère est une contre-indication à l’emploi du tartrate d’ergota-

mine : une synergie entre l’intoxication nicotinique et un vasospasme dû à l’er-


gotamine peut entraîner une gangrène ;
l le traitement de fond est jugé efficace lorsqu’il réduit la fréquence des crises d’au

moins 50 %. Il est important de tenir compte également de la diminution de la


consommation des traitements de la crise, de l’intensité et de la durée des crises.
L’évaluation se fait au terme de 3 mois. Si le traitement est efficace, il sera main-
tenu à dose efficace sur une période moyenne de 6 mois à 1 an, puis la posolo-
gie sera réduite. L’association du traitement de fond à celui de la crise est
recommandée, mais elle requiert des précautions particulières devant le risque
d’exacerbation des effets indésirables.
Remarque : la relaxation, le rétrocontrôle (biofeedback), les thérapies cogniti-
ves et comportementales de gestion du stress ont fait preuve d’efficacité, et
peuvent être envisagés dans certains cas, en fonction du profil psychologique
du patient. Les données de la littérature ne permettent pas de conclure quant
à l’efficacité de l’acupuncture, de l’homéopathie et des manipulations cervica-
les dans la prévention de la migraine.
Exemples de circonstances rencontrées en pratique officinale
Cas du patient migraineux connu et du diagnostic bien établi
Le patient connaît donc bien sa maladie et son traitement. Le pharmacien se
bornera à renouveler les conseils afférents au traitement, mais il se souviendra
que le traitement de tout véritable migraineux comporte une part de psycho-
thérapie : il conviendra donc de rassurer le malade sur le caractère fonctionnel
de l’affection ; autant que possible, il pourra l’aider à faire l’inventaire des cir-
constances du déclenchement de la crise (au moins les plus récentes), car leur
élimination peut largement contribuer à la résolution de la maladie.

Cas du patient souffrant de crises fréquentes de céphalées


Il peut s’agir de la maladie migraineuse (conduite à tenir : cf. supra). Mais il
peut s’agir aussi de céphalalgies sous-tendues par une cause organique ou psy-
chogène : la consultation médicale doit être vivement conseillée.
Remarque : chez la personne âgée, la survenue de céphalées lancinantes,
pulsatiles souvent localisées à la région fronto-temporale (surtout si elles sont
superficielles, réveillées par le contact de l’oreiller ou le passage de la brosse
262 VIII. Les maladies neurologiques

dans les cheveux) doit alerter : ces symptômes sont en faveur d’une maladie
de Horton (artérite temporale) dont le pronostic vital peut-être en jeu si cette
maladie est négligée.

Cas du patient souffrant épisodiquement de céphalées


Il peut s’agir du « mal de tête » commun survenant chez un sujet en bonne
santé, mais encore de céphalées accompagnatrices d’une autre affection :
rhume, grippe… ou de céphalées associées à une prescription médicamen-
teuse… Dans cette circonstance, le pharmacien devra analyser objectivement
les signes, et saura intervenir, soit en recommandant un avis médical, soit en
prescrivant un antalgique, avec les réserves et les précautions d’emploi habi-
tuelles : pas d’automédication inutile si les symptômes persistent plus de
24 heures, mais le recours à un avis médical. Un traitement de fond peut être
instauré lorsque les crises se reproduisent plus de 3 fois par mois ; la fréquence
des crises et la sévérité de la migraine doivent inciter le patient à une consulta-
tion spécialisée.

Cas de la grossesse
L’effet bénéfique de la grossesse sur la migraine est bien connu. Une amélio-
ration ou une disparition des crises est observée dans 50 à 90 % des cas. Pour
les femmes dont les crises persistent pendant la grossesse, le paracétamol doit
être utilisé en première intention. Les AINS sont permis jusqu’au 5e mois et for-
mellement interdits ensuite. Les triptans et les dérivés de l’ergot de seigle sont
interdits pendant toute la durée de la grossesse. Si un traitement de fond est
nécessaire, les traitements non médicamenteux doivent être privilégiés.
L’utilisation des -bloquants (propranolol, métoprolol) est également possible.
38 Le syndrome parkinsonien

Le tableau clinique parkinsonien a une valeur fondamentale en tant qu’entité


sémiologique au sein du vaste groupe des troubles neurologiques. Sur le plan
étiologique, on distingue d’une part la maladie de Parkinson due à une dégén-
érescence progressive des neurones pigmentés du tronc cérébral (neurones
dopaminergiques en particulier), d’autre part les syndromes parkinsoniens
secondaires à différentes atteintes de nature traumatique, vasculaire, toxique,
métabolique, infectieuse ou iatrogène (neuroleptiques).

La pathologie
Symptomatologie
Le syndrome parkinsonien se définit par la combinaison variable des quatre trou-
bles moteurs suivants :
n Un tremblement de repos statique, de fréquence lente, diminué par le relâ-
chement musculaire complet, aboli par le sommeil ; il augmente avec les émo-
tions et les efforts de concentration. Il est plus fréquemment observé au niveau
des mains.
n Une hypertonie (ou rigidité) dite « plastique », opposant une résistance conti-
nue à la mobilisation passive d’un segment de membre.
n Une akinésie concernant les mouvements automatiques : balancement des
membres supérieurs diminué (à la marche), visage figé, gestes spontanés rares
n’accompagnant plus le langage : tous les gestes paraissent lents. L’écriture est
modifiée (micrographie) ; la parole devient monotone.
n Des troubles de la marche et de la posture : la marche se fait à petits pas, le
malade « court après son centre de gravité » ; dans les cas sévères, le patient a le
dos courbé, la tête penchée en avant, les genoux légèrement fléchis et les bras
collés au corps.

Attitude thérapeutique
La maladie de Parkinson est une affection dégénérative évolutive ; le traitement
médicamenteux est uniquement substitutif et symptomatique. Au début de la mala-
die, un médicament antiparkinsonien autre que la dopamine sera préféren-
tiellement prescrit : un dopaminergique (Parlodel, Trivastal, Requip…), un
anticholinergique (Artane, Lepticur, etc.), un inhibiteur de la COMT (Comptan)
ou d’autres substances (Apokinon, Déprényl, etc.). La dopathérapie (Modopar,
Sinemet) reste la thérapeutique de référence de la maladie de Parkinson ; elle
sera mise en route le plus tard possible, seulement si elle devient indispensable à
l’amélioration motrice. Associée à un médicament dopaminergique, elle contri-
bue à retarder l’apparition des fluctuations motrices ; cette attitude permettra
de prolonger l’effet optimal de la dopathérapie.
264 VIII. Les maladies neurologiques

Remarques :
n Les inhibiteurs de la catéchol-o-méthyltransférase (COMT) comme l’entaca-
pone permettent de réduire les quantités de dopa dégradée en périphérie et
donc augmentent sa biodisponibilité et sa durée d’action.
n La chirurgie fonctionnelle est un traitement réservé à des formes sévères de la
maladie. La stimulation du noyau sous-thalamique permet la réduction de
l’akinésie, de la rigidité et des tremblements ; elle permet de diminuer les
doses de L-dopa et les dyskinésies induites par le traitement.

Le conseil du pharmacien
Tout syndrome parkinsonien débutant doit faire rechercher par l’interrogatoire et,
si nécessaire, avec l’examen des ordonnances, l’existence d’un traitement neuro-
leptique. En effet, les neuroleptiques sont des substances antagonistes dopami-
nergiques qui peuvent toutes créer (ou aggraver) un syndrome parkinsonien.
Ainsi, le pharmacien se souviendra qu’un traitement par les neuroleptiques fait
apparaître : des effets extrapyramidaux précoces (dans 50 % des cas lors des
2 premiers jours et dans 90 % des cas lors des 5 premiers jours) à type de dys-
kinésies aiguës, de syndrome parkinsonien (dans son expression iatrogène, le
tremblement associe un tremblement d’action à fréquence élevée et un trem-
blement de repos de basse fréquence) ; des effets cardiovasculaires (hypoten-
sion) ; des effets digestifs (hyposialorrhée, constipation, etc.) ; des effets
métaboliques et endocriniens (prise de poids, aménorrhée, galactorrhée, etc.) ;
des effets secondaires psychiques (indifférence, anxiété, confusion, etc.) ; des
accidents allergiques et toxiques (cutanés : photosensibilisation ; oculaires :
rétinite, etc.), etc.
Il faut aussi retenir que certains facteurs favorisent la survenue des effets secon-
daires des neuroleptiques : l’âge (prévalence accrue chez le sujet âgé), le sexe
(fréquence accrue chez la femme), la durée d’exposition au traitement et le
type du traitement (majoration avec les anticholinergiques). Il n’existe pas de
traitement préventif de la maladie de Parkinson, la seule prévention est celle des
complications. Comme le médecin, le pharmacien peut insister sur la nécessité
d’une bonne hygiène de vie :
l physique : gymnastique, kinésithérapie, marche, voyages,

l psycho-intellectuelle : le patient ne doit pas être materné, mais au contraire sti-

mulé et sollicité.
Le pharmacien peut contribuer à reconnaître et à évaluer la part des complica-
tions liées, soit au traitement (effets indésirables, mauvaise observance, etc.),
soit à l’inéluctable évolution de la maladie (aggravation de certains symptômes,
etc.).
39 La maladie d’Alzheimer

La pathologie
La maladie d’Alzheimer qui fait l’objet d’un plan gouvernemental (2008-2012)
est une affection neurodégénérative du système nerveux central, caractérisée
par une détérioration durable et progressive des fonctions cognitives et par des
lésions neuropathologiques spécifiques (dégénérescences neurofibrillaires et pla-
ques séniles). La maladie d’Alzheimer est le plus souvent sporadique, parfois
familiale et, dans un petit nombre de cas, expliquée par la mutation portant sur
des gènes impliqués dans le métabolisme du peptide -amyloïde qui s’accumule
au centre des plaques séniles où il peut prendre les caractéristiques des substan-
ces amyloïdes ; il se dépose aussi dans les vaisseaux (angioplastie amyloïde). La
protéine . normalement associée aux neurotubules, s’accumule dans le corps
cellulaire des neurones, dans les prolongements nerveux et dans la couronne
des plaques séniles qui entourent le noyau constitué de peptide bêta-amyloïde.
La perte neuronale est tardive, précédée par la perte de synapses. L’imagerie
met en évidence une atrophie très sévère de la partie interne du lobe temporal.
L’évolution naturelle de la maladie conduit à la démence (diminution irréversible
des facultés intellectuelles), avec retentissement sur la vie quotidienne du patient
et une désorganisation de sa personnalité. Cette maladie touche plus de
850 000 personnes en France, nombre qui augmentera avec le vieillissement
prévisible de la population, avec une prévalence 20 fois supérieure après 90 ans
que dans la tranche 65-69 ans. Les études épidémiologiques suggèrent que les
patients atteints de facteurs de risque vasculaire (HTA, diabète, troubles lipidi-
ques, etc.) ont un risque augmenté de développer la maladie.
Les signes cliniques mettent en évidence un syndrome amnésique : les trou-
bles de la mémoire épisodique (capacité à transformer en souvenir une informa-
tion précise) caractérisent les premiers stades de la maladie ; la désorientation
temporospatiale est présente, ainsi qu’une atteinte des fonctions instrumenta-
les ; cette atteinte se traduit par une aphasie (troubles du langage), une apraxie
(trouble de l’exécution des mouvements), une agnosie (perte de reconnaissance
des objets et des personnes), des troubles visuoconstructifs (recherchés par
la copie de dessins) et des troubles de la pensée abstraite (atteinte des capacités
d’abstraction et de conceptualisation) et une apathie (fatigue physique et
intellectuelle). Enfin, il faut ajouter que les symptômes psychologiques et
comportementaux de la démence sont fréquemment observés dans la maladie
d’Alzheimer.
Le Mini Mental Score (MMS) rapporté ici permet d’évaluer l’efficience cogni-
tive globale, ainsi que l’apparition du degré de sévérité de la démence ; il per-
met aussi de repérer rapidement un désordre cognitif (tableau 39.1). Un autre
test comme celui de l’horloge explore plus particulièrement la praxie (coordina-
tion normale des mouvements vers un but proposé).
266 VIII. Les maladies neurologiques

Tableau 39.1
Mini Mental State Test (extrait du site France Alzheimer :
www.francealzheimer.org)

Chaque réponse correcte rapporte 1 point


A. Orientation
Année
Saison
Date
Jour de la semaine
Mois
Pays
Canton
Ville/Agglomération
Hôpital/Cabinet médical/Maison de retraite
Étage
B. Apprentissage
Donner 3 noms d’objets et inviter le patient à les répéter (1 point par réponse correcte).
Répéter les mots jusqu’à ce que le patient les ait appris tous les trois (max. 6 fois)
Chaussure
Fleur
Porte
C. Attention et calcul
Compter à partir de 100 en retirant 7 à chaque fois. Si une faute est commise et
qu’ensuite les autres nombres sont décalés, ne compter qu’une seule faute
93
86
79
72
65
ou
si le patient ne peut ou ne veut exécuter cette tâche, lui demander d’épeler le
mot « monde » à l’envers : E-D-N-O-M
E
D
N
O
M
(Suite)
39. La maladie d’Alzheimer 267

Tableau 39.1  (Suite)

D. Rappel - mémoire
Demander les 3 noms d’objets présentés auparavant :
Chaussure
Fleur
E. Langage
Montrer 2 objets et demander au patient de les nommer :
Montre
Crayon
Inviter le patient à répéter :
« Il n’y a pas de mais, ni de si, ni de et »
Faire exécuter un ordre triple (après avoir donné les 3 ordres)
Prenez cette feuille de papier dans la main droite
Pliez-la au milieu
Jetez-la par terre
Montrer au patient une feuille avec le texte « Fermez les yeux » et lui demander
de :
Lire et exécuter l’ordre
Donner une feuille au patient et l’inviter à écrire une phrase entière
L’important est la phrase, ne pas accorder d’importance à la grammaire et à
l’orthographe
Faire copier le dessin suivant (1 point si tous les points et angles sont corrects et
que les figures s’entrecoupent en un carré)

Le conseil face à la pathologie


Il s’agit en fait de conseils qui doivent être prodigués autant à la famille et à
l’entourage qu’au patient.
l Le patient (et son conjoint) doit garder le maximum d’activités et de contacts

sociaux. Il est important qu’il conserve une activité physique aussi longtemps
que possible, en particulier la marche (trois quarts d’heure par jour).
l Il ne faut pas brusquer le malade mais, au contraire, l’encourager à faire tout ce

dont il est encore capable, tout en évitant de le placer dans des situations d’échec.
268 VIII. Les maladies neurologiques

l Ne pas se substituer au patient pour l’accomplissement des actes courants de la


vie quotidienne : n’apporter une aide fonctionnelle que si cela est nécessaire.
l Faire participer le malade aux moments importants de la journée : lui demander

de choisir ses vêtements, lui faire mettre le couvert, etc.


l Ne pas laisser le patient se replier sur lui-même du fait de ses difficultés de com-

munication, mais au contraire, stimuler son intérêt à l’égard de son environne-


ment familial et social.
l Essayer d’adopter une attitude pleine de bienveillance, de réceptivité, d’empa-

thie, qui donne au malade une sensation de sécurité et de confort.


l Ne pas répondre à l’agressivité du malade qui, souvent, est due au fait qu’il est

irrité de ne plus pouvoir faire quelque chose ou parce qu’il ne comprend pas ce
qu’on lui demande ou encore parce qu’il est contrarié.
l Abandonner tout raisonnement logique qui pourrait augmenter son irritation et

sa colère.
l Éviter à tout prix la confrontation, mais chercher ce qui a pu déclencher son

agressivité.
l Apporter une écoute, informer, comprendre, réconforter et soutenir les aidants.

l Ne pas hésiter à recourir à une association de familles de malades, comme l’as-

sociation France Alzheimer (http://www.francealzheimer.org). Indiquer l’adresse


de l’association départementale la plus proche et conseiller vivement à la famille
de se rendre aux réunions.

La thérapeutique

Le conseil face à la thérapeutique


Expliquer les objectifs du traitement à la famille, ainsi que les contraintes et le
l

bénéfice que l’on peut en attendre, ce qui est primordial pour favoriser l’obser-
vance thérapeutique. Le traitement repose principalement sur l’emploi d’anti-
cholinestérasiques, lesquels regroupent trois molécules différentes mais de même
efficacité : donépézil (Aricept), galantamine (Reminyl) et rivastigmine (Exelon) ;
ces médicaments présentent toutefois des effets indésirables fréquents d’ordre
digestif (nausées, perte d’appétit, diarrhées). Un autre médicament appartenant
à la classe des antiglutamates : la mémantine (Exiba) est indiqué chez les patients
à des stades plus avancés, modérément sévère à sévère de la maladie. La
mémantine est par ailleurs bien tolérée par les malades.
l Il sera nécessaire d’informer le patient à propos des troubles digestifs, notam-

ment associés aux médicaments anticholinestérasiques : nausées, vomissements


et diarrhées, rêves inhabituels, crampes musculaires, bradycardie, pour qu’il
accepte ces inconvénients et n’arrête pas le traitement de sa propre initiative ; il
faudra trouver des solutions pour y remédier : antinauséeux (dompéridone,
métoclopramide), antidiarrhéiques, etc.
l D’autres médicaments sont parfois nécessaires. Ainsi, 4 classes thérapeutiques

peuvent être utilisées au long cours : les inhibiteurs de la recapture de la séro-


tonine, les antiépileptiques thymorégulateurs, les nouveaux antipsychotiques
(olanzapine, rispéridone, etc.) et d’autres psychotropes. Il est évident qu’il
39. La maladie d’Alzheimer 269

faudra veiller à la survenue d’effets indésirables attachés à l’usage de ces


médicaments.
l Il faut veiller aux contre-indications et aux interactions avec les autres

médicaments.
l En cas de survenue de cauchemars, suite à la prise de donépézil (Aricept) le

soir au coucher, il faudra préférer l’administration le matin au petit-déjeuner.


l L’automédication est à déconseiller. Ainsi, il faut éviter notamment : les médica-

ments à effet anticholinergique, les agonistes dopaminergiques, les benzodiazé-


pines, les antiépileptiques classiques, les digitaliques, la méthyldopa, la clonidine,
les diurétiques, les hypoglycémiants oraux, le disulfirame, les bromures, la cimé-
tidine, etc.
l Préparer les médicaments : la situation est à adapter au cas par cas.

l Pour les patients qui vivent seuls, il est judicieux de noter les posologies sur les

boîtes, puis, les troubles s’accentuant, il est utile de préparer le traitement


dans un semainier qui doit être simple d’utilisation, compréhensible et clair
pour faciliter la prise et éviter les erreurs. Ainsi, la tacrine doit être prise en
quatre fois en dehors des repas ; il faudra fixer des repères avec le patient (au
réveil un peu avant le petit-déjeuner, en milieu de matinée après la toilette, en
milieu d’après-midi avant la promenade et le soir au coucher) ou recourir à de
petits pictogrammes, des couleurs, etc.
l En cas de troubles de la déglutition, les gélules peuvent être ouvertes avant

leur prise ; les comprimés d’Aricept peuvent être écrasés. L’amertume d’un
médicament peut être masquée par l’emploi d’une boisson sucrée.
Remarque : la dispensation à domicile permettra aussi de maintenir les
conseils, l’explication et la compréhension de l’ordonnance ainsi que le suivi
pharmaceutique du patient.
Aucune de ces thérapeutiques ne ralentit l’évolution de la maladie d’Alzhei-
mer. Mais elles améliorent les conditions de vie du patient et rendent plus
confortable la prise en charge par l’entourage. Ces médicaments ne repré-
sentent qu’une facette de la stratégie mise en œuvre dans la maladie d’Alzhei-
mer. Le rôle de la famille est essentiel. Les approches non médicamenteuses
rentrant dans le cadre de la rééducation et la réhabilitation cognitive ont elles
aussi prouvé leur efficacité. En tout état de cause, la stratégie doit être adaptée
aux besoins spécifiques et individuels de chaque patient. Dans le cadre du
mode de vie quotidienne du patient, les habitudes alimentaires devront être
conservées et renforcées.
l Donner des conseils diététiques : le pharmacien sera de bon conseil, notamment si

le patient est bien connu et vient régulièrement à l’officine ; ces conseils diét-
étiques s’intègrent dans le suivi pharmaceutique, car ils font partie de la stratégie
thérapeutique mise en œuvre.
l Conseiller une alimentation équilibrée, variée et régulière. Préconiser la prise

de trois vrais repas et des en-cas à intervalles fréquents pour assurer un apport
suffisant en protéines et en énergie.
l Respecter des horaires de repas réguliers, sans sauter un repas. La présentation

des repas doit être variée pour stimuler l’appétit du patient, tout en respec-
tant ses habitudes alimentaires.
l Peser le patient dès l’annonce du diagnostic, une fois par mois, toujours sur la

même balance ; il faudra signaler au médecin toute perte de poids supérieure


à 2 kg par rapport au poids habituel.
270 VIII. Les maladies neurologiques

En cas d’apports alimentaires insuffisants, une supplémentation peut s’avérer


l

nécessaire ; il faut conseiller un complexe antioxydant comme l’association


(vitamine C – vitamine E – -carotène – sélénium – zinc) par ex. : Bétasélen* à
administrer par voie orale, en cures mensuelles, un mois sur deux et le plus
tôt possible : vers 50 ans dans les populations à risque (antécédents de la
maladie dans la famille) et dès l’apparition des premiers troubles cognitifs
chez les autres sujets ; on peut conseiller jusqu’à 200 g de sélénium et 2 g de
vitamine E par jour.
40 L’acné

La pathologie
L’acné est une dermatose chronique évoluant par poussées, très fréquente à la
puberté. Elle est due à l’inflammation des follicules pilosébacés. Souvent
bénigne, elle touche environ 80 % des adolescents et nécessite, en fonction de
sa sévérité, un traitement est nécessaire dans au moins 20 % des cas.

Symptomatologie et facteurs prédisposants


L’acné est une maladie d’étiologie plurifactorielle, probablement liée à une pré-
disposition génétiquement déterminée, aggravée à la fois par une hypersé-
borrhée, dont la production est sous contrôle hormonal, et par la présence
d’une prolifération microbienne anaérobie. La dermatose se traduit par la forma-
tion de comédons ouverts (points noirs), de comédons fermés ou microkystes
(points blancs), de papules (secondaires à l’inflammation du microkyste), de
pustules, de nodules inflammatoires, de kystes superficiels remplis de pus et,
dans les formes extrêmes, de poches creusantes et profondes, inflammatoires et
parfois purulentes.
L’acné vulgaire ou juvénile
Elle débute aux environs de la puberté, parfois elle la précède vers 11-13 ans
chez la petite fille, un peu plus tard chez le garçon. Elle se localise habituelle-
ment sur le visage, les faces latérales du cou, parfois les épaules, le décolleté, le
dos. L’évolution est habituellement favorable avec des rémissions spontanées
vers l’âge de 20 ans. Il existe des formes d’acné profuse, très inflammatoire et
d’évolution prolongée jusque dans la 3e décade. Il n’est pas rare qu’elle persiste
après 40 ans (1 % chez l’homme, 5 % chez la femme). Elle peut varier en fonc-
tion du cycle menstruel et peut s’améliorer ou s’aggraver durant la grossesse.
n L’acné aestivalis est une photodermatose de type lucite estivale bénigne dont
le facteur déclenchant paraît être l’exposition solaire, car les lésions sont maxi-
males en été et disparaissent sans cicatrices.
n L’acné conglobata est la forme la plus grave, heureusement rare, de l’acné vul-
gaire ; il s’agit d’une acné chronique intense, souvent prolongée au-delà de 40 ans.
n L’acné tropicalis et l’acné fulminans sont rares également ; l’acné « androgén-
étique » est une acné d’apparition tardive, provoquée, chez la femme, par une
hyperandrogénie importante. Cette forme peut accompagner une acné d’appa-
rition tardive ou résistante aux thérapeutiques habituelles.

Les acnés exogènes


Les acnés d’origine externe
Les acnés professionnelles peuvent être provoquées par les huiles minérales (bou-
tons d’huile), le pétrole brut, les dérivés du goudron de houille, les insecticides,
les huiles grasses de cuisine. L’acné chlorique (chloracné) est provoquée par les
274 IX. Les maladies dermatologiques

vapeurs chlorées ; il faut noter que l’eau chlorée de piscines n’est pas acnéigène.
Les acnés cosmétiques sont provoquées par l’usage de cosmétiques mal purifiés.
Les acnés physiques correspondent à une manifestation de la peau sénile, plus
fréquente chez l’homme âgé ayant travaillé toute sa vie au grand air ; les exposi-
tions solaires permanentes favorisent le vieillissement cutané. Ce type d’acné
peut également s’observer après une irradiation superficielle par les rayons X.
Les acnés d’origine iatrogène
Les éruptions acnéiformes d’origine médicamenteuse se distinguent de l’acné
vulgaire par des caractères cliniques et histo-pathologiques : l’apparition a lieu à
tout âge, la topographie peut déborder les territoires habituels de l’acné et elle
est surtout marquée par des lésions inflammatoires formées de papules et de
pustules ; les comédons sont absents ou rares. Les principaux médicaments res-
ponsables sont les corticoïdes (fluorés en particulier) et l’ACTH, les dérivés
halogénés (iode, brome), les sels de lithium, la vitamine B12, les antitubercu-
leux, le dantrolène, les hormones thyroïdiennes et certains antidépresseurs.
Certains médicaments sont susceptibles d’aggraver une acné, tels les anticonvul-
sivants ou les médicaments à activité androgénique (les contraceptifs oraux aug-
mentent la tendance à l’acné).

Le conseil face à la pathologie


À l’officine, le pharmacien sera surtout conduit à prodiguer des conseils face
à l’acné juvénile :
l soit il s’agit de sujets n’ayant pas consulté le médecin ;
l soit il s’agit de sujets en début de traitement, qu’il est utile de rassurer en expli-
quant la nécessité d’une médication de longue durée car les résultats seront
laborieux ;
l soit il s’agit de sujets traités depuis un certain temps déjà mais pour lesquels les

résultats thérapeutiques sont décevants.


Dans chaque situation, le pharmacien peut intervenir utilement, car il existe
un certain nombre de recommandations d’hygiène précises que le patient doit
nécessairement suivre ; elles sont en effet garantes d’une efficacité maximale
de la thérapeutique. En pratique officinale, le pharmacien saura différencier,
chez l’adolescent, une acné de grade I, comédonienne et microkystique, pré-
dominant habituellement sur le visage (front, menton) ; les acnés de grade II,
III ou IV sont du ressort du médecin, d’autant qu’il ne faut pas négliger le
retentissement psycho-affectif d’une acné : celui-ci peut être important chez
certains adolescents et d’intensité extrêmement variable, pas toujours propor-
tionnelle à la sévérité de la dermatose.

La thérapeutique
Règles générales d’utilisation des topiques
en dermatologie
L’application d’un médicament sur la peau est loin d’être un geste anodin. Le
pharmacien doit bien spécifier au patient que cette voie d’administration exige,
comme pour toute autre voie, le respect de certaines précautions d’emploi.
40. L’acné 275

Rappels fondamentaux
Le pharmacien doit se souvenir qu’un principe actif appliqué sur la peau (pom-
made, pâte dermique, gel, émulsion) peut diffuser à travers chacune des cou-
ches de l’épiderme jusqu’au derme et passer ensuite dans la circulation
systémique et lymphatique. L’action pharmacologique du principe actif s’exer-
cera en fonction de son niveau de pénétration : l’effet thérapeutique recherché
peut être local superficiel (ex. : action d’un antiseptique) ou plus profond (ex. :
action d’un corticoïde). La pénétration du principe actif est fortement augmen-
tée lors de l’utilisation d’un pansement occlusif : son passage systémique est
facilité avec une augmentation des risques de toxicité.
Le pharmacien se souviendra également qu’il existe plusieurs facteurs suscep-
tibles d’influencer la résorption transcutanée : les facteurs intrinsèques sont
représentés par l’âge (le rapport surface cutanée/poids du corps est plus élevé
chez l’enfant), par l’état de vascularisation dermique et par le territoire cutané
(épaisseur, teneur en graisse, degré d’hydratation, etc.) ; les facteurs extrin-
sèques concernent essentiellement la qualité de la forme galénique (excipients,
pH, etc.) et le mode d’application (étalement, friction, massages, etc.).

Cas particulier de l’emploi des dermocorticoïdes


Une bonne connaissance des dermocorticoïdes est une condition fondamentale
de la dispensation des conseils afférents à leur emploi : des règles d’utilisation
bien suivies permettront de prévenir les effets secondaires.

Rappels généraux
Il faut se souvenir que les dermocorticoïdes sont véhiculés dans un excipient de telle
façon que le complexe « principe actif-excipient » soit hydrosoluble, pour pénétrer
la couche cornée et liposoluble, pour exercer son action anti-inflammatoire. Cette
caractéristique fondamentale explique que les formulations magistrales sont (et doi-
vent être) de plus en plus abandonnées. Les actions pharmacologiques des dermo-
corticoïdes sont représentées par : une action anti-inflammatoire non spécifique
(car elle agit sur toute cause d’inflammation), une vasoconstriction (liée à l’effet
anti-inflammatoire), une action antimitotique non spécifique sur le cycle cellulaire,
une action immunosuppressive, minéralo- et glucocorticoïde et enfin une tachy-
phylaxie révélée par la résistance au traitement lors d’applications prolongées et
ininterrompues ; cette tachyphylaxie est molécule dépendante (un index important
de vasoconstriction entraîne une tachyphylaxie plus rapide et plus durable) et dose
dépendante. Les effets systémiques des dermocorticoïdes sont d’autant plus mar-
qués que le dermocorticoïde est fort et la surface traitée étendue. Ils se traduisent
essentiellement par un freinage de l’axe hypothalamo-hypophysaire qui, s’il est
chronique, expose au risque d’insuffisance surrénale aiguë ; un syndrome de
Cushing est habituellement rare, un ralentissement de la courbe de croissance peut
s’observer chez l’enfant.
Le choix du dermocorticoïde est lié à plusieurs facteurs :
n La puissance : la classe I d’activité très forte (bétaméthasone, clobétasol) est indi-
quée en cas de lésion de petite taille et très épaisse, contre-indiquée chez l’enfant
en cas de dermatose étendue sur les paupières et le scrotum ; la classe II d’activité
forte (bétaméthasone, diflucortolone, etc.) est la plus utilisée ; la classe III
276 IX. Les maladies dermatologiques

d’activité modérée (alclométasone, désonide, fluocortolone, etc.) est préférée si


l’indication nécessite une utilisation prolongée au visage, aux seins et aux plis ; la
classe IV d’activité faible (hydrocortisone) est souvent utilisée pour le visage et les
paupières.
n La forme galénique : les pommades occlusives (donc puissantes) sont indiquées
dans les lésions épaisses et sèches et contre-indiquées dans les plis ou sur une der-
matose suintante ; les crèmes peuvent être appliquées sans discrimination et sont
mieux acceptées par le patient ; les gels et les lotions sont plutôt indiqués pour les
dermatoses siégeant aux zones pileuses. Un même produit à concentration égale
est plus actif en pommade qu’en crème, laquelle est plus active qu’une lotion.
n Le mode de traitement : la prescription doit toujours indiquer la posologie, le
nombre de tubes et leur poids et la durée du traitement.
Les effets secondaires locaux sont le plus souvent réversibles. Ils peuvent
résulter d’une mauvaise indication ou de la transformation de la dermatose ; ils
peuvent se manifester par une atrophie pouvant toucher toutes les couches de
la peau. D’autres effets peuvent survenir, comme une rosacée du visage, des
effets oculaires (glaucome, cataracte, etc.), des effets hormonaux locaux (hyper-
plasie sébacée, etc.) ou généraux (risque majeur chez le nourrisson et l’enfant)
ou encore une hypersensibilité (eczéma de contact).
Modalités générales de prescription
n Les applications sont limitées : une application est souvent suffisante, voire
2 applications au plus, par jour, afin d’éviter les effets secondaires et la
tachyphylaxie.
n Les applications cutanées doivent être précédées d’une antisepsie.
n Les dermocorticoïdes peuvent être utilisés seuls ou en association avec l’acide
salicylique, des antibactériens, un anesthésique local, un antihistaminique, etc.
Ces associations ne sont pas forcément plus efficaces, et souvent, le traitement est
instauré en 2 temps avec l’utilisation d’un dermocorticoïde seul dans le 2e temps.
n Un traitement ne doit jamais être interrompu brutalement au risque de provo-
quer un effet rebond ; un arrêt du traitement doit toujours être proposé de
façon lente, soit par espacement des applications, soit grâce à l’utilisation d’un
autre dermocorticoïde moins puissant.

Le traitement de l’acné
Le choix du traitement de l’acné est déterminé par le type d’acné, la gravité des
lésions et le mode d’action des médicaments utilisés. Le traitement associe des
mesures générales (éviction de facteurs favorisants, traitement par voie générale)
et des mesures locales (hygiène, traitement local). Le pharmacien sera conduit à
prodiguer des conseils généraux pratiques mais aussi à expliquer, comme le
médecin, l’intérêt du traitement, non seulement à des fins esthétiques mais
encore pour prévenir la formation de cicatrices permanentes. Il saura aussi
reconnaître une acné iatrogénique.
La thérapeutique médicamenteuse
Le médicament miracle guérissant l’acné en quelques jours, n’existe pas : le
malade doit en être averti. La stratégie thérapeutique dépend : des motivations
40. L’acné 277

du patient, du grade de l’acné, des réponses éventuelles aux traitements anté-


rieurs et du rapport efficacité/tolérance des médicaments. Les traitements par
voie locale sont généralement indiqués dans les acnés mineures et moyennes, les
traitements par voie générale sont indiqués dans les acnés moyennes et sévères.
Aux mesures d’hygiène générales obligatoires, le médecin dispose aujourd’hui :
n D’antibiotiques locaux ou généraux (macrolides, lincosanides, tétracyclines) indi-
qués dans le traitement des acnés inflammatoires papulo-pustuleuses ; la durée
d’utilisation des antibiotiques dans l’acné ne peut généralement être inférieure à
3 mois. Les cyclines par voie orale sont indiquées dans l’acné inflammatoire
moyenne et sévère et dans la composante inflammatoire des acnés mixtes ; elles ne
doivent pas être associées à l’isotrétinoïne (risque d’hypertension intracrânienne).
Certains macrolides (érythromycine, roxithromycine, josamycine) peuvent être
prescrits quand les cyclines ne peuvent être utilisées (femme enceinte, enfant, etc.).
n De l’isotrétinoïne (Roaccutane), puissant antiséborrhéique dont l’usage est
réservé au traitement des acnés sévères compte tenu des précautions d’emploi
(cf. infra) et des effets secondaires préoccupants. L’isotrétinoïne orale est indi-
quée dans les acnés sévères : acné nodulaire, acné conglobata et acné résistant
à un traitement mixte d’au moins 3 mois ayant associé un antibiotique oral à
posologie standard et un traitement local.
n Des estrogènes, des estroprogestatifs (Varnoline) ou un antiandrogène (Androcur)
en association avec des œstrogènes, pour lutter contre la séborrhée ; l’associa-
tion éthinyl estradiol (35 g) avec acétate de cyprotérone (2 mg) peut être utili-
sée chez la femme en cas d’acné de sévérité mineure et moyenne, avec une
durée de traitement d’au moins 6 mois.
n De la vitamine A acide ou trétinoïne (Aberel, Effederm, Retitop, etc.) pour lutter
contre l’obstruction folliculaire ; l’adapalène à 0,1 % ou la trétinoïne à 0,025 %
sont recommandés à raison d’une application par jour. L’irritation locale peut
être prévenue ou limitée par un espacement des applications en début de traite-
ment et l’utilisation quotidienne d’émollients.
n D’anti-inflammatoires spécifiques comme le peroxyde de benzoyle (Cutacnyl,
Effacné, Pannogel, etc.), ou le gluconate de zinc ; ces anti-inflammatoires peu-
vent être utilisés dans les acnés inflammatoires mineures et moyennes, en cas
d’intolérance ou de contre-indication aux autres traitements.
Remarque : l’association d’un antibiotique oral et d’un ou deux traitements
locaux est une pratique courante consensuelle ; il n’y a pas d’argument en
faveur de la supériorité de l’association de deux traitements par voie générale
par rapport à la monothérapie ; il existe certaines associations fixes comme
Antibiotrex gel (traitement local de l’acné moyenne) associant l’isotrétinoïne à
0,05 % et l’érythromycine à 2 %.

Les traitements physiques de l’acné


Plusieurs traitements non médicamenteux peuvent être entrepris :
n Le nettoyage de peau est exclusivement pratiqué sous responsabilité médicale.
Le pharmacien déconseillera la réalisation de cette intervention par une
esthéticienne.
n La photothérapie UV améliore certaines acnés inflammatoires situées au
niveau du dos, mais aggrave les acnés rétentionnelles au niveau du visage.
278 IX. Les maladies dermatologiques

n Les traitements chirurgicaux (peeling, cryothérapie, dermabrasion, etc.) ne


sont effectués que sur des lésions cutanées stabilisées non évolutives (avec un
intervalle d’un an au moins sans récidives) et de profondeur moyenne.

Le conseil face à la thérapeutique


Le pharmacien, comme le médecin, doit informer le patient de l’évolution de
l’acné, de la durée prévisible des traitements et de leurs effets indésirables. Les
traitements médicamenteux de l’acné agissent lentement ; la durée du traite-
ment ne peut généralement pas être inférieure à 3 mois ; elle ne peut excéder
une année.
À l’officine, le pharmacien est surtout concerné par « les petits problèmes »
de l’acné de l’adolescent. Avant toute chose, le pharmacien saura évaluer la
gravité de la dermatose, non seulement en regard de l’expression esthétique
des boutons d’acné mais aussi au niveau du retentissement psychique vécu par
le sujet. L’adolescente supporte difficilement l’éruption acnéique et s’empres-
sera de cacher ces « imperfections cutanées » par l’emploi de crèmes teintées
souvent mal choisies et qui entretiennent, voire aggravent le mal. Le garçon
est moins demandeur de traitement, mais le rasage irrite et ouvre certaines
lésions acnéiques, ce qui prédispose l’adolescent à utiliser des lotions ou des
crèmes avant ou après rasage. Leur application n’est malheureusement pas
toujours de bon aloi. Le pharmacien expliquera donc à ces patients que l’acné
est un trouble fonctionnel qui requiert un traitement prolongé de plusieurs
mois (minimum 3 à 6 mois), voire de plusieurs années et qu’il n’existe pas de
thérapeutique miracle. Il précisera que l’isotrétinoïne est certes un progrès
notable du traitement de l’acné mais qu’elle n’est jamais utilisée en première
intention, ni en dehors d’une surveillance médicale stricte (veiller aux contre-
indications et précautions d’emploi) ; son indication est réservée aux formes
d’acné résistantes aux traitements usuels locaux et/ou généraux.

Les mesures générales d’hygiène cutanée


Si le manque d’hygiène n’est pas une cause de l’apparition de l’acné, certaines
précautions hygiéniques favorisent sa régression ou, au moins, évitent son
aggravation.
Il est inutile de se laver de multiples fois le visage au cours d’une même journée : la
détersion de surface n’a pas d’effet en profondeur sur le follicule pilo-sébacé et si
elle est trop énergique et constante, elle relance plutôt l’activité sébacée en favo-
risant la formation de comédons et elle prédispose à l’aggravation des lésions. La
méthode la plus efficace consiste à nettoyer la peau de son excès de sébum par
des lavages à l’eau additionnée d’un nettoyeur épidermique, 2 à 4 fois par jour.
Le pharmacien pourra prescrire un savon (les savons « ­médicamentés » ne sont
pas forcément supérieurs aux savons ordinaires) ; il mettra en garde le patient
contre l’appellation savon « doux » qui est souvent erronée et mensongère. Il
conseillera l’utilisation de savons surgras. Si les savons de toilette provoquent un
dessèchement cutané trop important, le pharmacien pourra conseiller des déter-
gents sans savon comme A-Derma* ou Neutrogéna*. Il évitera la prescription de
produits contenant des agents comédogènes comme la lanoline ou d’autres
40. L’acné 279

huiles ; les gels nettoyants ou certains laits de toilette peuvent être utilisés en
précisant bien au patient qu’il est nécessaire de rincer l’application du lait par
une lotion tonique ou de l’eau minérale. L’application d’un produit anti-acnéique
sera toujours réalisée sur une peau séchée, soit 20 à 30 minutes après son
lavage.
L’utilisation de cosmétiques doit être réduite en prenant soin de sélectionner des
produits non comédogènes, c’est-à-dire exempts d’huile d’amande, d’huile de
citron, d’huile de coco, de certains émulsifiants comme le stéarate de butyle, le
miristate d’isopropyle ou le sulfate de lauryle sodique. Attention aux produits
dits « hydratants » !
Les fonds de teint et les masques faciaux sont déconseillés. En revanche, l’em-
ploi de crèmes discrètement teintées (ex. : gamme Lutsine*, Avène*) pour peaux
acnéiques permet de dissimuler les imperfections causées par l’acné. Le pharma-
cien saura conseiller l’utilisation de produits de maquillage non comédogènes.
Les garçons acnéiques n’utiliseront pas de lotions après rasage alcoolisées et/
ou parfumées qui risquent d’exacerber l’irritation et l’inflammation. Il existe une
« acné des savons à barbe » provoquée par un mauvais rinçage des mousses à
raser ; il sera préférable d’utiliser des mousses adaptées aux peaux acnéiques
(ex. : Nobacter mousse*).
Le pharmacien saura mettre en garde les patients (surtout les jeunes adoles-
cents) contre l’automanipulation des lésions ; il en résulterait un entretien des
phénomènes inflammatoires, la survenue de cicatrices et la formation d’une véri-
table acné mécanique ou excoriée.
L’acné est souvent améliorée par le soleil, mais il existe un effet rebond fré-
quent après la période ensoleillée. Le pharmacien conseillera utilement la pro-
tection solaire.
Un traitement déjà instauré ne sera pas interrompu en périodes ensoleillées.
Le pharmacien conseillera l’utilisation de crèmes solaires adaptées aux peaux
acnéiques (crèmes avec indices de protection élevés). Pendant ces périodes, il
est recommandé d’appliquer le traitement anti-acnéique (local ou général) le
soir de préférence. Une exposition majeure au soleil doit inciter le patient à ne
pas appliquer son traitement la veille (si le jour de l’exposition est connu
d’avance), le soir même et le lendemain (si l’exposition est « accidentelle »).
Après un coup de soleil, le rétablissement devra être complet avant la reprise du
traitement.
Le pharmacien est fréquemment consulté avant le médecin, en particulier
pendant la période d’installation de l’acné. Il devra faire la distinction entre une
légère séborrhée avec quelques comédons et une acné inflammatoire. Seule la
première circonstance l’autorise à prescrire.
Exfoliac NC* gel est un dérivé de la vitamine B3. Il peut être délivré sans pres-
cription médicale. Exfoliac NC* est préconisé pour le traitement local des acnés
inflammatoires modérées ; ce gel n’induit pas de photosensibilisation et peut
être conseillé à la femme enceinte.
Remarques :
n Il existe des médicaments soufrés qu’il est préférable de ne pas prescrire à l’of-
ficine car ces produits sont comédogènes et séborrhéigènes ; une éruption pus-
tuleuse pourrait survenir plusieurs mois plus tard.
280 IX. Les maladies dermatologiques

n Certains produits locaux (le peroxyde de benzoyle en particulier) décolorent


les tissus : attention aux vêtements et aux draps !

Les faux mythes pathogéniques de l’acné


Il n’existe pas de connotation sexuelle liée à la survenue de l’acné. Il faut savoir
rassurer l’adolescent qui souvent, réagit vivement aux défauts physiques suscep-
tibles de menacer (ou altérer) son image.
Il n’est pas nécessaire de suivre un régime alimentaire particulier car il n’existe
pas de corrélation établie entre la survenue de l’acné et l’alimentation, mais il
faut veiller à ce que celle-ci soit équilibrée.

Les conseils afférents au traitement par voie générale


Hormis les recommandations générales (cf. supra), le pharmacien devra assortir
la délivrance des médicaments de conseils appropriés à chaque spécialité en
insistant bien sûr les contraintes (effets indésirables compris), l’astreinte et la
patience que le traitement antiacnéique requiert.
Ainsi, la prescription de cyclines impose d’éviter l’exposition au soleil (notam-
ment avec la doxycycline), compte tenu du risque de phototoxicité.
La plupart des effets indésirables (hors tératogénicité) de l’isotrétinoïne
dépendent de la dose quotidienne ; ces effets indésirables feront préférer un trai-
tement local symptomatique et/ou une diminution de la posologie. Compte
tenu de sa tératogénicité, la prescription d’isotrétinoïne exige une information
exhaustive par le pharmacien (comme par le médecin) pour toutes les patientes
sur le risque tératogène (consulter la mise en garde et les précautions d’emploi
répertoriées dans le Vidal) ; toutes les précautions d’usage devront être vérifiées
et mentionnées sur l’ordonnance. Suite à la commercialisation de plusieurs gén-
ériques de Roaccutane, l’Afssaps a renforcé les règles de prescription et de déli-
vrance des produits contenant de l’isotrétinoïne à l’administration par voie orale
et a modifié en conséquence le libellé des AMM correspondantes. Par arrêté du
9 juillet 2001, la prescription aux femmes en âge de procréer est limitée à un
mois de traitement. La poursuite du traitement nécessite une nouvelle prescrip-
tion avec un nouveau test de grossesse.
Avant toute prescription, une brochure comportant les informations contenues
dans l’AMM doit être remise à chaque patient, homme ou femme, pour préciser
les conditions de bon usage et les effets indésirables potentiels.
Remarque : un exemplaire d’accord de soins et de contraception, de brochure
d’information et de tableau de suivi des patients est consultable sur le site inter-
net de l’Afssaps (http://www.afssaps.sante.fr).
En conséquence, lors de la délivrance à l’officine, certaines règles doivent être
strictement observées :
n pour une patiente, toute délivrance d’un médicament à base d’isotrétinoïne
est subordonnée à la présentation d’une ordonnance faisant mention d’un test
de grossesse dont la date de réalisation est inférieure à 7 jours ; dans le cas
contraire, la prescription devra être refusée et la patiente devra refaire un test de
grossesse en début du cycle suivant ;
n l’ensemble des nouvelles mentions doit figurer sur l’ordonnance avec la date
de réalisation du test de grossesse et la contraception efficace en cours.
40. L’acné 281

La durée de la cure par l’isotrétinoïne est fonction de la dose cumulée opti-


male (dose totale prise pendant une cure) qui est de 100 à 150 mg/kg. Une
rechute est possible dans 20 à 40 % des cas après une cure à posologie opti-
male ; dans la majorité des cas, elle peut être traitée par un traitement local,
voire par une antibiothérapie par voie générale ; une 2e cure d’isotrétinoïne,
selon le même schéma posologique, peut également être prescrite.
41 Les maladies oculaires

En pratique officinale, le rôle du pharmacien est pratiquement inexistant face à


une symptomatologie oculaire. La pathologie oculaire est strictement du
domaine du spécialiste. Le pharmacien devra toujours s’abstenir d’intervenir
quel que soit le degré apparent du symptôme, car toute initiative malheureuse
peut avoir des conséquences dramatiques. Pour ces raisons, seule la clinique de
l’œil rouge sera décrite. Elle est fréquemment rencontrée en pratique médicale
et elle est donc susceptible d’être observée en premier lieu à l’officine.

La pathologie
Tout signe oculaire doit systématiquement alerter le pharmacien qui recomman-
dera presque dans tous les cas la consultation immédiate chez l’ophtalmologiste.
Le pharmacien doit reconnaître les situations d’urgence qui sont :
n la baisse brutale de la vision d’un œil ;
n les plaies et les contusions du globe oculaire souvent causées chez l’enfant par
un impact (ballon, balle de tennis…) : la consultation est obligatoire même si
l’œil n’est ni rouge, ni très douloureux et d’apparence normale ;
n les brûlures de l’œil par une substance acide ou surtout basique ;
n l’œil rouge ;
n la présence de phosphènes (sensation lumineuse perçue par l’œil sans qu’elle
ait été provoquée par la lumière) qui est souvent décrite comme l’impression
d’éclair lumineux ou de flash : signe précurseur d’une déchirure ou d’un décol-
lement de rétine ;
n une opacité partielle (ombre fixe ou voile gris) du champ visuel : suspicion
d’un décollement rétinien ;
n la présence de halos colorés, d’arc-en-ciel ou de brouillards visuels intermit-
tents : suspicion d’un glaucome subaigu ;
n la survenue d’une affection oculaire d’origine iatrogène (cf. infra).
Chacun de ces symptômes doit inciter le pharmacien à recommander formelle-
ment la consultation immédiate chez l’ophtalmologiste. Il est souvent de bon aloi
que le pharmacien fasse lui-même la démarche de la prise de rendez-vous.

L’œil rouge
Lorsqu’un patient se présente à l’officine avec un œil (ou les deux yeux)
rouge(s), le pharmacien doit savoir que ce symptôme peut être l’expression de
plusieurs pathologies oculaires. Un œil rouge peut effectivement conduire au
diagnostic d’une hémorragie sous-conjonctivale, d’une conjonctivite, d’une
kératite, d’une uvéite ou d’un glaucome aigu.
n Les hémorragies sous-conjonctivales peuvent survenir à tout âge, habituellement
à la suite d’un traumatisme minime, d’un effort physique, d’un épisode de toux
ou d’éternuements ; elles sont plus rarement spontanées. Ce type d’hémorragie
286 X. Les maladies oculaires

très fréquent est presque toujours banal : il s’agit d’une plaque de sang sous la
conjonctive, impressionnante pour le malade, mais sans gravité et indolore ; elle
est due à une fragilité capillaire purement locale. Ces hémorragies ont rarement
une signification pathologique sauf dans le cas où elles expriment un trouble de
la coagulation (une recherche de l’étiologie est donc nécessaire). Elles se
résorbent spontanément en 10 à 15 jours.
n Les conjonctivites sont souvent bilatérales. La rougeur conjonctivale est diffuse,
le patient ressent une sensation d’irritation oculaire ou une impression de sable
dans les yeux qui paraissent congestionnés. Le matin au réveil, les paupières sont
collées avec présence de croûtes. La conjonctivite peut être d’origine virale
(cause la plus fréquente), allergique ou bactérienne (rare de nos jours) ; elle peut
encore accompagner un rhume banal ou une irritation cornéenne aux rayons
UV (lampes à bronzer). L’irritation conjonctivale par le vent, la poussière ou la
fumée… est souvent associée.
Remarque : la survenue d’une hémorragie sous-conjonctivale ou d’une
conjonctivite n’altère pas l’acuité visuelle.

L’allergie oculaire
L’allergie oculaire est une affection très fréquente. Classiquement, on distingue :
une allergie immédiate de type I, avec des signes cliniques de survenue rapide
après le contact allergénique, associant des manifestations palpébrales et
conjonctivales ; une allergie de type IV (hypersensibilité retardée), qui est une
allergie retardée survenant à distance de l’application du contact.
Il n’existe pas de signes cliniques rattachés spécifiquement à l’allergie oculaire.
Néanmoins, le prurit (localisé sous les paupières et dans l’angle interne) et les
œdèmes des paupières sont des manifestations très évocatrices. L’interrogatoire
est le moment essentiel du diagnostic, car il recherchera les arguments en faveur
d’une allergie. Les 4 grands tableaux d’allergie oculaire sont l’allergie immédiate
de type I (pneumallergènes : acariens, pollens, etc.), l’allergie de contact
(type IV), la conjonctivite printanière (forme rare, mais plus grave) et le terrain
atopique (asthme, rhume des foins, urticaire, eczéma, etc.).

Les pathologies oculaires d’origine iatrogène


Les pathologies oculaires iatrogéniques sont nombreuses ; elles peuvent résulter
de l’administration de médicaments par voie locale ou par voie générale. Le
pharmacien doit donc, grâce à l’interrogatoire, savoir suspecter une origine iatro-
gène ; dans cette circonstance, il orientera le patient vers son médecin traitant.
Parmi les syndromes ophtalmiques iatrogènes les mieux décrits, il faut retenir :
n Le glaucome aigu, survenant toujours chez des patients prédisposés. Les colly-
res mydriatiques (atropine, phényléphrine, adrénaline, etc.) doivent être proscrits
dans le cas d’un œil à angle étroit. Les substances atropiniques administrées par
voie générale (antispasmodiques anticholinergiques, antisécrétoires gastriques
ou certains sédatifs) peuvent déclencher un glaucome aigu qu’il faut différencier
du glaucome à angle ouvert pour lequel la dilatation papillaire ne présente
aucun risque. Les collyres corticoïdes, divers anorexigènes, les antispasmodi­-
ques généraux, les antihistaminiques H1, les antidépresseurs imipraminiques, les
41. Les maladies oculaires 287

antiparkinsoniens, les IMAO, peuvent engendrer un glaucome aigu. Le glau-


come cortisonique (glaucome à angle ouvert chronique) est le plus souvent
asymptomatique, plus fréquent chez le sujet myope, le diabétique, le vieillard et le
sujet noir. Il survient plus fréquemment lors d’une corticothérapie locale : il est
régulièrement recherché car il entraîne une amputation progressive du champ
visuel, évoluant à bas bruit.
Remarque : l’indication « contre-indiqué dans le glaucome » devrait être plus
précise pour mieux apprécier le degré réel du danger potentiel.
n L’altération cornéenne et conjonctivale se traduit essentiellement par la surve-
nue de dépôts : avec les collyres contenant du bleu de méthylène (dépôt bleu)
ou des sels d’argent et de mercure, et lors d’instillations répétées de collyres
contenant de l’épinéphrine (dépôt marron foncé) ou suite à l’administration
au long cours d’amiodarone. Ces dépôts n’altèrent pas la vision et ne contre-
indiquent pas la poursuite du traitement.
n La cataracte peut survenir assez fréquemment avec les corticoïdes locaux et
généraux (surtout chez l’enfant), la PUVA-thérapie, les cytostatiques (ex. :
Oncovin), plus exceptionnellement avec l’administration d’allopurinol (Zyloric)
ou d’amiodarone (Cordarone). L’apparition d’une cataracte consécutive à l’admi-
nistration de corticoïdes survient en moyenne après une année de traitement
par voie générale et après 2 à 4 années de traitement par voie locale.
n Le syndrome sec (syndrome de Gougerot-Sjögren) peut survenir lors d’un traite-
ment par les antimuscariniques (atropine, antidiarrhéiques, antitussifs), les psy-
chotropes (hypnotiques, neuroleptiques, benzodiazépines), les antiparkinsoniens,
les -bloquants (voie générale et locale), certains immunosuppresseurs, l’isotréti-
noïne (traitement de l’acné), etc.
n Les rétinopathies peuvent apparaître lors de l’administration d’un antipaludéen
de synthèse et plus exceptionnellement avec l’emploi des phénothiazines
(Largactil, Nozinan, etc.), de certains antibiotiques (Apurone, Rimifon), de la défé-
roxamine (Desféral) ou de certains dérivés quinoléiques comme Intétrix. Les
contraceptifs oraux peuvent engendrer des rétinopathies d’origine vasculaire.
n Les neuropathies optiques se manifestent surtout par une altération de la vision
des couleurs, qu’il faut rechercher systématiquement lors de l’administration
d’éthambutol (principale cause), d’isoniazide, d’IMAO, de certains antimitoti-
ques (Vincristine, Vinblastine). D’autres substances peuvent engendrer des neuro-
pathies optiques iatrogènes : les tétracyclines, les corticoïdes, les contraceptifs
oraux, la perhexiline.
n Les troubles de la motricité oculo-palpébrale sont rares, mais ils peuvent appa-
raître avec l’administration de psychotropes, de neuroleptiques, d’anxiolytiques,
de certains antibiotiques (streptomycine, aminosides, polymixine, nitrofuran-
toïne), de cytostatiques (Vincristine, Vinblastine) ; la phénytoïne, le lithium et les
antipaludéens de synthèse peuvent générer un ptosis et des syndromes
myasthéniformes.
n Les hallucinations visuelles apparaissent plutôt dans un contexte neuropsychi-
que particulier ; elles surviennent avec des médicaments divers : pénicillines, flu-
méquine, antiparkinsoniens, analgésiques majeurs, psychotropes, atropine
(collyre), digitaliques.
288 X. Les maladies oculaires

Le conseil face à la pathologie


Le patient qui a « une poussière dans l’œil » sollicite fréquemment en premier
l’avis du pharmacien, dans l’intention de se voir délivrer un collyre. L’œil est
souvent d’une rougeur diffuse, parfois intense si le patient s’est frotté les pau-
pières avec vigueur. La douleur est présente, parfois intolérable, accompagnée
d’un larmoiement abondant et de cliquements spastiques des paupières. Si, à
l’interrogatoire du patient, la cause du mal est clairement établie (poussière d’ar-
bre, grain de sciure, cil ou cheveu, par exemple), le pharmacien peut intervenir
efficacement en procédant à l’ablation du corps étranger.
Compte tenu de la confusion possible avec d’autres pathologies comme les
rosacées oculaires et les blépharites (infection ou inflammation des paupières)
qui relèvent de traitements particuliers, il est vivement conseillé d’engager le
patient à consulter ; l’avis du spécialiste est nécessaire, car l’allergie oculaire
peut se compliquer de kératite. Une enquête allergologique sera effectuée en
fonction des éléments de l’interrogatoire. Il faut noter que la positivité d’un
test cutané n’est en aucun cas une preuve. Il est indispensable qu’il y ait une
cohérence avec la clinique.

La thérapeutique
Conseils généraux
Le pharmacien doit toujours faire prendre conscience au patient qu’une mau-
vaise utilisation d’un collyre est aussi dangereuse que la mauvaise utilisation d’un
médicament administré par voie générale.
n Des instillations répétées (dans une même journée) d’un collyre contenant un
vasoconstricteur (phényléphrine, synéphrine, etc.) peuvent entraîner une
mydriase.
n Des instillations trop fréquentes prédisposent au passage systémique de la
substance (ex. : les -bloquants, les antibiotiques) avec induction d’effets indé-
sirables (HTA, troubles du rythme, hypersensibilité, etc.). Elles peuvent aggra-
ver la pathologie et induire une affection nouvelle (ex. : avec les corticoïdes).
En comprimant avec l’index les canalicules situés dans le creux de l’œil, on
évite un drainage de la solution vers le sac lacrymal dans lequel le principe
actif pourrait être résorbé et entraîner un effet systémique.
n L’utilisation des collyres anesthésiques est exclusivement le fait du médecin.
n Le temps de contact entre le principe actif et l’œil ne dépasse pas quelques
minutes à une demi-heure pour les collyres ; le temps est un peu plus long pour
les pommades. Les pommades ont un effet thérapeutique supérieur à celui des
collyres (contact plus prolongé), mais elles entraînent un trouble de la vision ; la
pommade sera de préférence utilisée pendant le sommeil. Les formes Insert ou
Ocusert permettent une libération constante du principe actif, sur plusieurs
heures ; les inconvénients des conservateurs sont d’autant plus importants.
n Ne jamais oublier d’avertir les sujets porteurs de lentilles de contact de retirer les
lentilles pendant le temps de traitement par un collyre, quel qu’en soit le type.
n Un délai de 2 semaines après l’ouverture d’un flacon est une durée maximale
raisonnable pour l’usage d’un collyre. La forme unidose évite l’inconvénient
41. Les maladies oculaires 289

d’une contamination d’origine iatrogène ; le système « abak » (sans conserva-


teur) peut être utilisé pendant 1 mois. Seul un œil non lésé n’est pas exposé à
une contamination d’origine iatrogène.
n Les collyres sans conservateur n’entraînent aucune sensibilisation conjoncti-
vale : la chirurgie du glaucome est plus efficace sur un œil qui n’a jamais reçu
de collyre contenant un conservateur.
n L’automédication doit être formellement déconseillée : ne jamais utiliser un col-
lyre sans un conseil avisé (médecin ou pharmacien).

Le conseil face à la thérapeutique


Les hémorragies sous-conjonctivales et la conjonctivite peuvent parfois béné­
ficier du conseil à l’officine.
Une hémorragie sous-conjonctivale récidivante et diagnostiquée comme non
pathologique ne nécessite pas de traitement particulier, car elle se résorbe
spontanément ; l’utilisation de collyres (ex.: Vitarutine*) présente peu d’intérêt
pour hâter la résorption.
Le rôle du pharmacien est limité à la prescription (très réduite) de collyres
dans l’indication d’irritation conjonctivale parfaitement établie : poussières,
vent, etc. et notamment ressentie par les porteurs de lentilles de contact. Dans
l’indication d’une irritation conjonctivale, le pharmacien peut prescrire du col-
lyre comme Biocidan*.
Remarques : l’eau des piscines est une source fréquente de conjonctivite
d’origine virale ; l’œil rouge dû au port des lentilles de contact est décrit dans
le chapitre « contactologie ».
Certains conseils doivent être prodigués en présence d’une conjonctivite
infectieuse :
l expliquer au patient que la conjonctivite infectieuse est très contagieuse et qu’il

doit appliquer des mesures d’hygiène stricte pour éviter de la transmettre à son
entourage  ;
l éviter de toucher ou gratter ses yeux ;

l se laver souvent les mains, en particulier après tout contact avec les yeux,

notamment après avoir instillé un collyre ;


l veiller à utiliser des affaires de toilette et du linge personnels ;

l inciter les proches à consulter s’ils présentent des symptômes similaires ;

l un arrêt de travail peut être envisagé dans certains métiers (enseignants, person-

nels médical et paramédical, etc.) ;


l interdire le port de lentilles de contact pendant toute la durée de l’infection ;

l veiller à l’observance et éviter toute interruption prématurée du traitement ; ne

pas diminuer la posologie et/ou le rythme de l’administration des collyres quand


la pathologie s’améliore.
Le traitement de l’allergie oculaire fait d’abord appel aux antiallergiques
locaux ; cependant, l’hygiène des paupières et le traitement d’une sécheresse
oculaire sont des appoints thérapeutiques à ne pas négliger.
Deux familles de collyres sont utilisées : les stabilisants de membrane qui
s’opposent à la dégranulation mastocytaire (cromoglycate, nédocromil, lodo-
xamide, acide N-acétylaspartyl-glutamique), les antihistaminiques (antihistami-
niques H1 : lévocabastine).
290 X. Les maladies oculaires

Les corticoïdes locaux doivent être évités en raison des phénomènes de


rebond et des risques de complications graves (réactivation d’herpès, glau-
come cortisonique).
Hormis le traitement médicamenteux spécifique, le pharmacien doit expli-
quer et encourager la nécessité de traitements adjuvants locaux de la séche-
resse oculaire et/ou des paupières. Il s’agit en fait de petits moyens :
l les larmes artificielles ;

l le nettoyage des cils : sérum physiologique ;

l le réchauffement et le massage des paupières pour améliorer la vidange des

glandes sébacées du bord palpébral.


Remarque : l’irritation est diminuée en améliorant le film lacrymal. En effet,
dans certains cas, il peut y avoir une inflammation dont les signes cliniques sont
comparables à ceux de l’allergie aiguë. Il s’agit d’une phase inflammatoire post-
allergique ; ici, l’utilisation forcée des antiallergiques ne soulagera pas le patient.
Le pharmacien n’oubliera pas son rôle de prévention en informant les familles
d’allergiques sur les facteurs aggravants ou déclenchants de l’allergie, en parti-
culier sur la nocivité du tabac et la présence de certains animaux (chat, etc.). Il
devra systématiquement rappeler les mesures qui doivent être associées aux
traitements :
l s’assurer de l’éviction indispensable de l’allergène ;

l privilégier les collyres sans conservateurs ;

l préconiser l’emploi de larmes artificielles ;

l préconiser le port de lunettes de soleil en cas de conjonctivite printanière ;

l rechercher et traiter une insuffisance lacrymale, une blépharite, une rosacée ;

l éduquer le patient, par ex. : éviter le grattage qui entretient le prurit ;

l informer les porteurs de lentilles de contact des mesures d’hygiène à respecter ;

l proscrire toute automédication.

Le corps étranger oculaire peut également bénéficier efficacement du conseil à


l’officine. Si le corps étranger a été parfaitement identifié et n’a pas causé d’ef-
fets délétères, son ablation peut être obtenue par éversion de la paupière supé-
rieure de l’œil, selon la technique suivante :
l Instiller une goutte de collyre non anesthésique (seul le médecin est autorisé à

utiliser un collyre anesthésique), comme Biocidan* ou Sédacollyre* : ce geste


apaise (pendant un temps très court) et rassure le patient.
l Demander au patient de regarder vers ses pieds, sans contracter les paupières.

l Saisir les cils médians de la paupière supérieure, entre le pouce et l’index, les

attirer doucement vers le bas et, avec l’autre main, placer horizontalement à mi-
hauteur de la paupière supérieure, un coton-tige ; puis en tirant les cils vers le
haut, le mouvement fait s’éverser la paupière (vers le haut).
l Laver abondamment l’œil avec du sérum physiologique (ou des larmes artificiel-

les) ; ce geste élimine souvent le corps étranger. On peut aider son élimination
avec un coton-tige humecté de sérum physiologique.
l En règle générale, la douleur disparaît aussitôt avec l’élimination du corps étranger.

l Il suffit que le patient regarde vers le haut pour que la paupière reprenne sa

position normale.
l Après l’ablation du corps étranger, le pharmacien peut délivrer un collyre anti-

septique comme Biocidan*.


l Si le corps étranger est une particule métallique ou de verre (ou une particule de

nature agressive similaire) ou si le corps a pénétré la cornée, l’intervention devra


être réalisée en milieu médical.
42 La contactologie

De nos jours, les lentilles de contact sont adaptées à tous les défauts visuels :
myopie, hypermétropie, astigmatisme, presbytie, anisométropie ; certaines len-
tilles souples peuvent être spécifiquement prescrites pour le traitement de kéra-
topathies bulleuses et d’autres affections cornéennes (lentilles « pansements »).
On dispose actuellement de 4 types de lentilles de contact :
n Les lentilles souples hydrophiles à port journalier (lentilles classiques) posées le
matin et retirées le soir ; leur durée de vie est de 2 ans en moyenne, si leur entre-
tien est correct.
n Les lentilles souples hydrophiles à renouvellement fréquent, plus perméables à
l’oxygène, mais d’une durée de vie réduite à 1 mois.
n Les lentilles jetables après 7 à 15 jours de port.
n Les lentilles flexibles perméables aux gaz, de petit diamètre. Elles sont moins
confortables, mais elles présentent un risque septique bien moindre qu’avec les
lentilles souples.
n Les lentilles quotidiennes.

Certains inconvénients dus au port des lentilles de


contact doivent être connus
Remarques générales relatives au port des lentilles
de contact
Les lentilles sont contre-indiquées chez l’enfant (hormis le cas particulier des
cataractes congénitales opérées, de la très forte myopie), à cause des risques
septique et hypoxique.
La prudence s’impose chez l’adolescent, car bien souvent, il ne tient pas
compte du respect des contraintes du système : il ne pratiquera pas toujours,
chaque soir, l’ablation des lentilles ; de plus, par souci d’économie, il sera tenté
de ne pas renouveler les produits d’entretien ou de « les faire durer » plus qu’il
ne faut.
Les lentilles souples à port permanent exposent plus au risque d’infection et
de pathologies oculaires que les lentilles flexibles ; ce risque est bien entendu
fortement augmenté avec un temps de port continu exagéré (ex. : plusieurs
jours et nuits consécutifs) et avec le non-respect des règles d’hygiène.
La survenue d’une pathologie générale chez un patient porteur de lentilles de
contact doit parfois conduire à la consultation ophtalmologique : la pathologie
« type » est le syndrome sec, en particulier d’origine iatrogène (cf. chapitre 41) ;
un autre exemple est celui d’une intolérance survenant chez certaines
femmes lors de la grossesse ou lors d’une contraception par œstroprogestatifs
oraux.
292 X. Les maladies oculaires

Pathologies consécutives au port des lentilles


de contact
Quel que soit le type, les lentilles de contact (en particulier, les lentilles hydro-
philes à port prolongé) augmentent de façon significative le risque de survenue
d’une kératoconjonctivite microbienne.
Une hypoxie cornéenne importante (ex. : lors d’un séjour en altitude) peut
provoquer un œdème de la cornée.
La formation d’un abcès cornéen dû à des bacilles Gram négatif est à redou-
ter, car ceux-ci se multiplient dans le liquide de conservation des étuis à lentilles,
si l’entretien laisse à désirer.
Certains effets, tels les réactions conjonctivales (œil rouge) ou les allergies à
un produit d’entretien (lentilles mal rincées), sont relativement anodins et réver-
sibles à l’arrêt du port des lentilles.

Certains conseils généraux doivent être


systématiquement suivis
Conseils à donner à un patient porteur de lentilles
de contact
n Laver ses mains avant toute manipulation des lentilles.
n Rincer les lentilles avec un produit approprié, avant leur pose : ce rinçage ne
doit jamais s’effectuer avec l’eau du robinet ou avec de l’eau minérale, car ces
eaux n’excluent pas la possibilité de favoriser la survenue de kératites bacté-
riennes ou amibiennes.
n Respecter strictement la durée de port prescrite.
n Le soir, après leur ablation, placer les lentilles (non jetables) dans une solution
décontaminante jusqu’au lendemain.
n Éviter le port de lentilles souples pendant les activités en atmosphère pauvre
en oxygène (ex. : voyage en avion, séjour en altitude, plongée sous-marine).
n Changer fréquemment l’étui.

Conduite à tenir en cas de survenue d’une pathologie


oculaire chez un porteur de lentilles de contact
n Dès qu’un œil est rouge et/ou douloureux, il faut obligatoirement retirer la
lentille et consulter un ophtalmologiste.
n Toute conjonctivite, même bénigne, doit obliger le patient à retirer la (les)
lentille(s) en raison d’un risque septique ; le port ne sera à nouveau autorisé
qu’après un avis médical. Cette attitude doit être également adoptée dans le cas
d’un chalazion ou d’un orgelet.
n Un collyre ne doit jamais être instillé sur une lentille ; la prescription de collyre
anesthésique (ex. : Novésine) est formellement contre-indiquée, car elle expose
au risque majeur de perforation cornéenne d’autant plus redoutable que celle-ci
est asymptomatique.
42. La contactologie 293

n Il
est vivement conseillé à tout porteur de prothèse oculaire (lunettes, lentilles
de contact), de se soumettre régulièrement à un examen de fond d’œil : le
pharmacien conseillera toujours à ces patients de suivre scrupuleusement les
recommandations de leur ophtalmologiste.

L’entretien des lentilles de contact


L’entretien des lentilles de contact a deux objectifs : un rôle préventif et un rôle
de nettoyage.

Les règles générales


n L’utilisation d’une solution d’entretien non appropriée ou non renouvelée
expose à des contaminations bactériennes et fongiques.
n Les solutions salines sont rapidement souillées.

n Il est préférable d’utiliser des solutions antiseptiques stériles en petits condi-


tionnements (ex. : unidose).
n Il est préférable de renouveler régulièrement l’étui de conservation ; dans le
cas contraire, son nettoyage doit être fréquent et minutieux.
n Le tabagisme peut, à long terme, colorer les lentilles.

n L’utilisation de cosmétiques n’est pas souhaitable, car elle favorise la formation


de dépôts entre la lentille et l’œil.
n Les collyres colorés doivent être absolument proscrits, notamment dans le cas
des lentilles souples hydrophiles ; attention également à certains médicaments
administrés par voie générale, car ils peuvent les colorer irréversiblement (ex. :
rifampicine, rifabutine).

Les produits d’entretien


n Le mode d’emploi de chaque produit doit être suivi spécifiquement : respec-
ter les temps nécessaires à chaque opération indiqués par la notice.
n Un nettoyage efficace suppose que la lentille doit être massée avec les doigts
(en évitant de toucher avec les ongles) pendant 15 à 20 secondes.
n Le rinçage, avec un produit approprié, doit être abondant et effectué à cha-
que étape d’entretien, avant la pose et en cas de gêne. Une solution neuve doit
être utilisée chaque fois (veiller au respect du temps de conservation du
produit).
n Après la décontamination, la solution est jetée et l’étui est rincé.

n Certains procédés comme les systèmes oxydants nécessitent une phase de


neutralisation ; lorsque cette étape est omise, le patient ressentira une brûlure
après la pose de la lentille.
n La phase de déprotéinisation est habituellement effectuée chaque semaine.
Remarque : certains produits d’entretien permettent aujourd’hui d’effectuer
l’entretien en une seule étape.
294 X. Les maladies oculaires

Le conseil en contactologie en pratique officinale


Les conseils généraux
l Ne jamais utiliser la salive, de l’eau minérale ou l’eau du robinet pour hydrater
ou laver les lentilles, mais recommander l’emploi de solutions adaptées (ex. :
Chlorure de sodium 0,9 %).
l Veiller à manipuler les lentilles sur un espace propre, après s’être lavé et rincé

soigneusement les mains.


l Renouveler fréquemment le contenu de l’étui (renouvellement idéal  chaque

jour), quelle que soit la période de conservation des lentilles dans leur étui.
l Reboucher chaque flacon, après leur emploi et éviter autant que possible tout

contact direct (ex. : avec les doigts) de l’orifice du flacon.


l Changer périodiquement l’étui à lentilles.

l Respecter les consignes d’utilisation des produits d’entretien.

l Respecter les dates de péremption des produits d’entretien.

l Ne jamais instiller un collyre sur une lentille de contact.

La délivrance des produits de contactologie


l Cas du sujet demandant le renouvellement de produits d’entretien qu’il connaît
bien. Avant de délivrer les produits souhaités, le pharmacien pourra « d’un coup
d’œil » s’assurer que les lentilles ne causent pas de désagréments (ex. : par l’ab-
sence d’une rougeur conjonctivale).
l Cas du sujet porteur de lentilles depuis peu de temps, qui souhaite renouveler

(voire changer) les produits de nettoyage (ex. : pour une raison de coût !). Lors
de la délivrance du produit, le pharmacien pourra rappeler tout ou partie des
conseils généraux (cf. supra).
l Cas du sujet, porteur de lentilles, non connu du pharmacien, qui souhaite un

collyre pour une irritation conjonctivale. Dans cette circonstance, le pharmacien


doit recueillir un maximum d’informations qui orienteront la prescription, si
celle-ci est justifiée et de sa compétence :
l une gêne plus ou moins ressentie pendant la journée, accentuée en fin de

journée, est souvent le fait d’un dépôt protéique entre la lentille et l’œil ; une
insuffisance de sécrétion lacrymale augmente cette gêne qui peut quelquefois
s’accompagner d’une vision trouble ou légèrement floue. Le pharmacien peut
prescrire des larmes artificielles (Larmes artificielles*, Unilarm* etc.) ;
l un œil rouge, douloureux ou non, peut être la manifestation d’une allergie à

un produit d’entretien ou à un produit de maquillage, d’une durée de port


trop longue (hypoxie), mais aussi la manifestation d’une pathologie infec-
tieuse (ne pas exclure Herpes virus) ; toute suspicion de cette pathologie doit
impérativement conduire le pharmacien à conseiller la consultation ophtalmo-
logique. Cette dernière circonstance étant exclue, il pourra délivrer un collyre
(ex. : Vitabart, Bioridan) en recommandant d’enlever les lentilles pendant
toute la durée de la persistance de la rougeur conjonctivale et préconisera le
port de lunettes pendant cette période. Il s’informera sur la nature des pro-
duits de contactologie utilisés et pourra délivrer une solution de rinçage
comme Sorbisol* utilisable à la fois pour les lentilles de contact souples hydro-
philes, les lentilles rigides perméables à l’oxygène et les lentilles rigides. Ce
produit peut être utilisé pour le trempage lors de la décontamination thermi-
que des lentilles souples hydrophiles, lors de la phase de déprotéinisation et
42. La contactologie 295

avant la pose des lentilles. Certains produits d’entretien (Contaclair*, Bonjour*,


Solo Care*, Menicon Care*, etc.) sont multifonctions, permettant les opérations
de nettoyage, rinçage, décontamination, trempage et antidépôts.
Remarque : ne jamais oublier qu’une gêne persistante, une rougeur conjonc-
tivale, une douleur, en un mot toute anomalie d’origine oculaire occasionnée
par le port de lentilles de contact, doit conduire le patient à une consultation
ophtalmologique.
XI
Le conseil face aux
plaintes du patient

43 La fatigue 299

44 L’insomnie 303

45 La douleur 309
Certains symptômes prédisposent plus « naturellement » le patient à consulter
d’abord son pharmacien plutôt que son médecin. C’est le cas des plaintes plus
ou moins ressenties et formulées, comme la fatigue, l’insomnie ou la douleur.
Chacun de ces symptômes peut revêtir un caractère banal et bénin, mais il peut
être aussi le signe d’appel ou d’installation d’une pathologie grave que seul le
médecin est habilité à prendre en charge. Le rôle du pharmacien est essentiel, car
il devra fonder son conseil sur des signes que le patient n’exprime pas toujours
de façon objective. La prudence est donc requise d’emblée avant toute déli-
vrance d’un médicament jugé adapté à ce type de situation : c’est seulement au
terme d’un interrogatoire orienté et précis qu’une thérapeutique de première
intention pourra être envisagée.
43 La fatigue

Généralités
La plainte asthénique est un motif fréquent de consultation en médecine générale :
71 % de ces patients reçoivent une prescription de médicaments représentés
essentiellement par les antiasthéniques (35 %), les anxiolytiques (24 %), les anti-
dépresseurs (18 %) et des médicaments divers (23 %). Le pharmacien est solli-
cité pour délivrer un médicament « contre la fatigue » ; cette expression
« passe-partout » peut en fait regrouper des troubles variés plus ou moins res-
sentis par le patient, tels une faiblesse musculaire, une anxiété, des troubles du
sommeil, une « patraquerie », un stress, un surmenage, voire une dépression. Le
pharmacien se souviendra que le terme « fatigue » peut traduire une pathologie
authentique : organique, neurologique ou psychiatrique.

Comment interpréter une plainte de fatigue


La fatigue peut être un symptôme, mais aussi un syndrome. Elle peut être un état
d’urgence (dépression). La fatigue est un état résultant de l’activité prolongée
d’un organe ou d’un appareil doués de sensibilité, se traduisant par une diminu-
tion du fonctionnement et une sensation particulière (sensation de fatigue) pro-
pre à chaque organe. Le syndrome de fatigue chronique (maladie des Yuppies) est
décrit aux États-Unis : il associe une asthénie importante inexpliquée, persistant
pendant au moins 6 mois avec des signes mineurs (fébricule, adénopathies,
arthropathies, etc.). L’autonomie de ce syndrome a été discutée et la responsa-
bilité du virus Epstein Barr avec ou sans mononucléose infectieuse associée a été
évoquée ainsi que celle d’autres virus (cytomégalovirus, Herpes virus).
L’asthénie est définie comme une dépression de l’état général entraînant à sa
suite des insuffisances fonctionnelles multiples. Ce terme désigne également l’af-
faiblissement des fonctions d’un organe ou d’un système (ex. : neurasthénie,
myasthénie). L’asthénie somatique est d’origine physiologique et/ou organique.
Elle survient à la suite d’événements évolutifs ou résiduels : affections organiques
virales, intervention chirurgicale, accouchement, mais aussi au cours des
périodes « physiologiques » de la vie comme l’adolescence, la ménopause ou
l’andropause. Les troubles de l’homéostasie glucidique de même que les varia-
tions tensionnelles s’accompagnent fréquemment d’asthénie. L’asthénie réaction-
nelle est secondaire à de mauvaises conditions socioprofessionnelles ou
d’environnement : milieu bruyant, horaires décalés ou irréguliers, alimentation
insuffisante ou déséquilibrée (repas « sandwich », régime amaigrissant, etc.).
L’asthénie psychique est fréquemment présente dans la plainte de la fatigue
« courante » ; elle peut se traduire quelquefois par une apathie qui correspond à
une baisse de l’affectivité avec indifférence, une absence de réaction aux stimu-
lations psychiques et une inertie physique. L’apathie peut être constitutionnelle
ou acquise, de cause variable (hypothyroïdie, hypertension intracrânienne,
démence, etc.).
300 XI. Le conseil face aux plaintes du patient

Le conseil du pharmacien
Avant toute délivrance d’un médicament antiasthénique, il faut privilégier le
recueil des informations (importance de l’interrogatoire et qualité des rensei-
gnements) qui permettra de justifier la prescription.

Savoir évaluer la plainte


L’interrogatoire cherchera à préciser la date d’apparition du symptôme, les cir-
constances et l’horaire de survenue (au repos, après l’effort, le matin, le soir,
etc.), l’environnement et le mode de vie (retraite, week-end, au travail, etc.), la
notion d’un déséquilibre nutritionnel (en particulier chez la personne âgée), la
variabilité dans le temps, les signes associés (douleur, fièvre, troubles sexuels,
amaigrissement, prise de poids, etc.), L’existence d’un traitement en cours
(fatigue d’origine iatrogène),
Le pharmacien devra prendre son temps pour écouter et analyser les
réponses, car les expressions verbales du patient (notamment chez le vieillard)
sont souvent très significatives (attention au sens des mots utilisés) du type de
fatigue invoquée ; une fatigue musculaire pourra se traduire par : je n’ai plus de
force, je manque de force, je lâche tout ce que j’empoigne ; une fatigue
générale par : je n’ai pas la forme ; une fatigue morale par : je n’ai plus de goût
à rien, je suis las, je vieillis ; une fatigue sexuelle par : je manque de tonus, ; une
fatigue X    non étiquetable par : un ras-le-bol de l’entourage, du travail, de
l’environnement (appartement, quartier, etc.), du temps qu’il fait. Parfois, en
suscitant lui-même la réponse, le pharmacien pourra juger (en veillant à rester
objectif) du degré de l’intensité de la plainte du sujet.
Quel que soit le patient, le pharmacien s’efforcera de mettre en évidence
les signes principaux de la fatigue : des troubles du sommeil (présents dans
plus de 60 % des cas) ; des troubles intellectuels (difficultés de concentra-
tion, difficultés pour trouver ses mots, troubles de la mémoire, etc.) et psy-
chiques (nervosité, impatience, mauvaise humeur…) ; des douleurs (maux
de tête, myalgies, etc.) ; une perturbation dans le travail ; un manque de
force. Des troubles secondaires peuvent également être mis en évidence :
amaigrissement, tremblements, troubles digestifs, palpitations. La présence
de plusieurs de ces signes ainsi que l’évaluation de leur degré d’importance
devront conduire le pharmacien à orienter le patient vers la consultation
médicale, car ce syndrome peut être l’expression d’une véritable maladie
sociale.
Attention aux pièges :
l un sourire « pincé » peut cacher une pathologie préoccupante : la mélancolie

dite souriante est grave ; ne pas oublier que les troubles psychiques (anxiété,
stress, dépression) représentent près de 80 % des causes de fatigue ;
l l’âge du sujet ne renseigne pas obligatoirement sur le caractère organique ou

psychique de la plainte : les sujets de moins de 40 ans semblent plus « fatiga-


bles » que les sujets plus âgés et parmi ces derniers, les inactifs sont les plus
concernés ;
l la femme se plaint plus fréquemment d’une fatigue : ne pas oublier les périodes

particulières que sont le post-partum, la préménopause et la ménopause ;


l toujours veiller à ne pas interpréter abusivement le vocabulaire parfois standar-

disé ou stéréotypé du sujet, car la plainte peut cacher une demande d’aide psy-
chologique et/ou une dépression masquée ;
43. La fatigue 301

l la dépression masquée peut être une urgence psychiatrique. Dans cette circons-
tance, l’interrogatoire souligne l’importance des signes associés à la fatigue qui
est le symptôme le plus facilement repérable ; ces signes sont essentiellement
représentés par la tristesse, l’autodépréciation, la perte d’intérêt, le manque d’ar-
deur, l’insomnie surtout matinale, : la consultation médicale est impérative.
Attention aux fatigues d’origine iatrogène : l’interrogatoire doit toujours por-
ter, en premier lieu, sur la prise de médicaments, car certains d’entre eux sont
générateurs d’asthénie (antalgiques périphériques, psychotropes, sédatifs, diu-
rétiques, etc.) et d’autres peuvent induire une véritable dépression médicamen-
teuse (antidépresseurs centraux, clonidine, bloquants, corticoïdes,
anorexigènes, etc.).
Certaines pathologies sont fatigantes et a contrario, la fatigue peut être le
symptôme révélateur d’une maladie : c’est le cas pour les affections endocrinien-
nes et métaboliques (dysthyroïdie, hypoglycémie, diabète, etc.), neurologiques
(SEP, myasthénie, myopathie, maladie de Parkinson, etc.), les maladies infec-
tieuses (hépatite virale, infection à virus Epstein-Barr, tuberculose, brucellose,
sida, etc.), les pathologies hépato-digestives (cirrhose, hépatite iatrogénique,
etc.), les maladies cardiovasculaires (insuffisance cardiaque, etc.), les maladies
hématologiques (anémie, hémopathie, etc.), les maladies dysimmunitaires
(maladie de Horton, rhumatismes inflammatoires, etc.) et d’autres encore
(insuffisance respiratoire, insuffisance rénale, etc.).

Savoir évaluer la prescription d’un antiasthénique


l Avant toute prescription, il faut déterminer le type de l’asthénie et lui associer un
sens (cf. supra).
l Toute fatigue paraissant suspecte doit être explorée par le médecin.

l Une fatigue persistante, d’apparition brutale ou concomitante d’un mauvais état

général et sans signes étiologiques évidents, est un motif de consultation


médicale ; il en est de même si, « normalement » associée à une pathologie
connue et traitée, elle s’intensifie (cf. supra).
l Certaines asthénies sont l’expression de dépressions médicamenteuses que le

pharmacien ne peut ignorer (cf. supra).


l Il faut savoir évaluer les bonnes indications thérapeutiques : une asthénie à

dominante psychique sera adroitement orientée vers la consultation médicale ;


une fatigue occasionnelle fera d’abord l’objet de conseils hygiénodiététiques
(hygiène de vie, sommeil, alimentation) qui suffisent le plus souvent ; une
asthénie somatique ou réactionnelle peut être traitée par des médicaments (vita-
mines, fortifiants) mais aussi grâce à des mesures hygiénodiététiques, la pratique
d’un sport ou de massages, voire grâce à une thérapeutique par acupuncture.

Savoir délivrer l’antiasthénique approprié


L’effet placebo joue, à n’en pas douter, un rôle majeur dans le traitement de
certaines asthénies. Actuellement, plus d’une centaine de médicaments quali-
fiés d’antiasthéniques, de défatigants ou de tonifiants sont disponibles ; ils cor-
respondent essentiellement aux dérivés de l’acide phosphorique, de l’acide
ascorbique et de l’acide glutamique ou se composent d’éléments variés tels le
ginseng, la caféine et divers acides aminés, vitamines et oligo-éléments. Les
psychostimulants comprennent des dérivés du déanol (Acti 5*, Débrumyl*,
Pharmaton*, etc.), des acides aminés (Sargenor*, Stimol*, etc.) ou d’autres subs-
tances (Arcalion*, Olmifon, etc.).
302 XI. Le conseil face aux plaintes du patient

Certains antiasthéniques possèdent des contre-indications relatives ou absolues


qui doivent être rigoureusement respectées : ne jamais oublier qu’un antias-
thénique peut avoir des « effets pervers » alors qu’il est presque toujours consi-
déré, à tort par la population, comme « inoffensif » car « redynamisant » ou
simplement « tonifiant » ; les effets indésirables sont bien réels, ils ne doivent
pas être occultés, ni minimisés.
Avant toute délivrance d’un antiasthénique, il est judicieux de rappeler cer-
tains conseils d’hygiène de vie (horaires, exercices, etc.), la nécessité d’un som-
meil de qualité et celle d’une alimentation équilibrée.
Ne pas favoriser ni entretenir la prise médicamenteuse : attention à l’auto-
médication si fréquente et quasi « automatique » pour ce type de symptôme.
La durée de prescription doit toujours être la plus brève possible. On fera par
exemple une cure de vitamines (Vivamyne*, etc.) pendant 15 jours : il ne
s’agira en aucun cas d’un traitement de fond ! Ne pas oublier que les anti-
asthéniques peuvent générer une pharmacodépendance.
Un renouvellement de prescription ne doit jamais se faire sans avoir évalué à
la fois les bénéfices de la précédente thérapeutique, l’évolution de la fatigue
rapportée aux circonstances d’apparition et l’observance du traitement. Le
pharmacien devra conseiller la consultation médicale plutôt que renouveler un
traitement dont l’efficacité ne lui a pas semblé probante.
44 L’insomnie

Mal dormir est un véritable phénomène de société s’expliquant en partie par le


rythme de vie, le stress ou l’anxiété. Dix à 15 % de la population souffrent d’in-
somnie chronique et 40 % se plaignent de troubles occasionnels du sommeil. La
prévalence globale moyenne en Europe est de 34 % (46 % en France), avec une
majorité féminine (60 %), les différentes classes d’âge étant représentées. Le
pharmacien est souvent la première personne consultée pour traiter (surtout en pre-
mière intention) ce symptôme. Devant un patient qui se plaint de « ne pas dor-
mir », l’attitude différera selon qu’il s’agit d’un trouble de survenue récente ou
d’un état chronique. Le pharmacien devra savoir évaluer la plainte afin d’en cerner
l’importance qui décidera de la nécessité à consulter un médecin. En effet, les affec-
tions psychiatriques sont en cause dans 30 à 80 % des cas ; l’insomnie corres-
pond alors le plus souvent à des troubles de l’humeur, à l’anxiété et à un
phénomène dépressif. Il ne faut pas oublier non plus les causes organiques
(angor, maladie de Parkinson, hypothyroïdie, etc.). Les insomnies dites idiopathi-
ques ou psycho-physiologiques représentent environ 20 % des insomnies chro-
niques ; elles peuvent être considérablement réduites par l’apport d’une
psychologie comportementale. Dans le cas des insomnies transitoires (non psy-
chiatriques), le stress est souvent incriminé : c’est une des causes essentielles avec
l’anxiété, notamment en France. Si les facteurs externes de stress comme cer-
tains événements traumatisants de la vie (deuil, divorce, chômage, etc.) et les
contraintes (bruit, chaleur, etc.) ont été bien explorés, il n’en est pas de même
des facteurs cognitifs. Ainsi, la prise en charge d’une insomnie doit se faire dans un
contexte global, reposant sur l’ensemble du déroulement du nycthémère. Il faut
rappeler que le stress exprime l’état réactionnel d’un organisme soumis à l’ac-
tion d’un excitant quelconque. D’autres termes sont préférables, car plus précis :
agression, stimulation, choc, indisposition ou malaise ; l’excitant peut être animé
(microbe), physique (froid), chimique (toxique), un trouble ou une lésion orga-
nique (hémorragie), nerveux (effort, émotion). Le choix d’une stratégie thérapeu-
tique restera le fruit d’une discussion approfondie entre le médecin et son patient.
Malgré la complexité d’une définition objective de l’insomnie qui se révèle
souvent multisymptomatique (endormissement écourté, interruption de som-
meil, sommeil non réparateur, etc.), le pharmacien devra néanmoins savoir la
déceler. Il s’efforcera objectivement à évaluer son importance et il donnera les
conseils hygiénodiététiques appropriés ; il faudra aussi savoir sensibiliser le
patient sur les dangers d’une thérapeutique non adaptée ou mal suivie. Enfin, il
saura adroitement orienter le patient vers son médecin, chaque fois que le symp-
tôme lui paraîtra préoccupant.

Savoir évaluer un trouble du sommeil


L’insomniaque n’est satisfait ni de sa nuit, ni de sa journée ; il faut orienter l’in-
terrogatoire sur les fondements de la plainte du sujet et sur les conséquences
304 XI. Le conseil face aux plaintes du patient

psycho-intellectuelles de la privation de sommeil. Le pharmacien se souviendra


de quelques caractéristiques physiopathologiques fondamentales du sommeil :
n Les besoins en sommeil sont variables d’un individu à l’autre : les moyens dor-
meurs (60 à 70 % des sujets) ont besoin de 7 h 30 à 8 heures de sommeil ; les
gros dormeurs (10 à 20 % des sujets) ont besoin de 9 à 10 heures de sommeil,
tandis que les petits dormeurs (4 à 10 % des sujets) peuvent se contenter seule-
ment de 4 à 6 heures.
n Les besoins en sommeil augmentent après des travaux physiques ou intellec-
tuels accrus, lors d’un changement de mode de vie ou d’activités, parfois en
période dépressive ou de tension émotionnelle, lors d’une maladie et chez la
femme : en période cataméniale ou pendant la grossesse.
n Le sommeil évolue avec l’âge. Il se met en place de la naissance à l’adoles-
cence et se stabilise à l’âge adulte ; il se dégrade avec le vieillissement.
n L’insomnie peut-être d’origine iatrogène. L’existence d’une pathologie psychia-
trique personnelle et/ou familiale favorise sa survenue, de même que l’automé-
dication et les périodes de sevrage médicamenteux. L’insomnie d’origine
iatrogène peut relever d’un mécanisme direct (effet central sur le système de
vigilance : c’est le cas de l’insomnie induite par un traitement hypnotique) ou
d’un mécanisme indirect (par un autre effet indésirable d’origine médicamen-
teuse, ex. : prurit, hypoglycémie, etc.). Les principaux médicaments inducteurs
d’insomnie sont : les hypnotiques (effet paradoxal survenant au cours ou à l’ar-
rêt du traitement), les antidépresseurs (apparition ou majoration d’une insomnie
surtout en début de traitement), les neuroleptiques (surtout les déshinhibiteurs
comme le sulpiride), les psychostimulants (amphétamines, caféine, piracétam,
adrafinil, etc.), les opiacés, les antiépileptiques, les antiparkinsoniens, les corti-
coïdes, les œstro-progestatifs, les hormones stéroïdiennes, les sympathomimé-
tiques, les sympatholytiques, les antiarythmiques, certains anti-infectieux, les
antirhumatismaux (AINS, sels d’or), et d’autres encore, comme la théophylline,
les hypolipémiants, le rétinol, la trétinoïne, l’interleukine 2, etc.
Il faut noter cependant que tous ces médicaments n’induisent heureusement
pas systématiquement une insomnie majeure. Chez un patient traité par l’une de
ces substances, le pharmacien devra envisager la possibilité d’une relation directe
entre la thérapeutique et la survenue de l’insomnie. Il faudra distinguer néan-
moins les insomnies attendues (ex. : avec les psychostimulants) de celles qui sont
paradoxales (ex. : avec les hypnotiques), car il serait illogique et dangereux
d’augmenter une médication (avec la délivrance d’un hypnotique) pour traiter
un symptôme qui n’est peut-être que la conséquence directe d’une posologie
inadaptée ou d’une susceptibilité exacerbée (idiosyncrasie) à un médicament.

Savoir reconnaître les facteurs favorisant


une insomnie
Une insomnie vraie ne peut être reconnue comme telle qu’après avoir effectué
des investigations et un interrogatoire complet, car les facteurs sont souvent
multiples ; l’un d’entre eux est l’environnement du sommeil dont la connais-
sance est fondamentale.
n Le dérèglement dû, par exemple, au rythme du travail (la nuit, à contretemps
des rythmes biologiques : 10 à 15 % des sujets ne supportent pas les « 3/8 »),
44. L’insomnie 305

au voyage (changement de fuseaux horaires), de façon générale, tout ce qui ne


respecte pas ou tout ce qui perturbe la chronobiologie. Rappelons que le « jet
lag » recouvre l’ensemble des symptômes de l’adaptation de l’organisme à un
nouvel horaire lors d’un voyage transméridien (surtout à partir d’un décalage de
3 heures). L’adaptation est plus facile lors d’un déplacement vers l’Ouest (exten-
sion de la journée) que vers l’Est (réduction de la journée). Les perturbations
entraînées par des situations familiales ou professionnelles conflictuelles ou
anxiogènes, des problèmes affectifs entraînent une tension émotionnelle.
n L’effet de certains médicaments (cf. supra).
n La sédentarité.
n L’ambiance sonore, lumineuse, le défaut de détente et de calme avant l’en-
dormissement, les conditions matérielles de couchage (hygrométrie, literie,
etc.).

Savoir évaluer le fondement de l’insomnie


n S’il s’agit d’un trouble récent, il faut penser à trois éventualités : l’insomnie est
secondaire à une maladie aiguë (syndrome douloureux : ulcère, asthme, etc.) ;
l’insomnie est symptomatique d’un accès dépressif (insomnie du matin, réveils
fréquents secondaires à des rêves pénibles, etc.) ; l’insomnie est secondaire à un
état anxieux circonstantiel ou à un surmenage. Seule cette dernière forme peut
être raisonnablement prise en charge par le pharmacien, en première intention.
n S’il s’agit d’un état chronique, le pharmacien doit conseiller la consultation
médicale, car ce type d’insomnie doit faire rechercher une cause mentale ou
physique : un trouble psychopathologique chronique (névrose d’angoisse,
névrose obsessionnelle, etc.), une toxicomanie chronique (alcool, amphétamine,
etc.), une pathologie organique chronique (respiratoire, cardiovasculaire, etc.),
une irrégularité patente du rythme veille-sommeil due à une activité profession-
nelle astreignante.
n L’insomnie avec difficulté d’endormissement (type d’insomnie requérant le plus
l’utilisation de somnifères) est souvent liée à une anxiété fondamentale indépen-
dante de toute situation objective (peur sans objet, craintes phobiques, etc.) ;
l’insomnie avec réveil précoce est assez révélatrice d’un état dépressif endogène ;
le sommeil inefficace (impression de mauvaise nuit) est souvent en relation avec
la prise d’un excès de substances excitantes, de médicaments ou en relation
avec une maladie somatique ; la nuit blanche non occasionnelle est le fait des
états dépressifs et des accès maniaques.
n Les pseudo-insomniaques se plaignent de ne pas dormir, mais ils ont en fait une
activité diurne normale.
n Les insomnies du vieillard sont plus fréquentes et plus graves que chez l’adulte
jeune, car elles perturbent davantage le sujet pendant son activité de veille.

Le cas particulier de l’enfant


Environ 25 à 30 % des enfants âgés de 1 à 3 ans se réveillent la nuit ; ce taux
passe à moins de 10 % dès l’âge de 5 ans. L’insomnie est un trouble fréquent
qui peut être associé à des terreurs nocturnes ou à des cauchemars. Entre 6 et
12 ans, 95 % des enfants dorment bien. Les troubles du sommeil resurgissent à
306 XI. Le conseil face aux plaintes du patient

l’adolescence, plus fréquemment chez les filles que chez les garçons. Il s’agit le
plus souvent de difficultés d’endormissement ou de réendormissement.
n Le nourrisson dort 14 heures vers 1 an ; l’enfant dort 11 heures vers 3-4 ans et
10 heures (ou un peu moins) vers 10 ans.
n L’insomnie du petit enfant correspond souvent à une inadéquation entre son
propre rythme et les contraintes extérieures ; elle correspond aussi à des troubles
de l’endormissement avec un évitement du coucher, des réveils nocturnes
répétés prolongés avec des cris ou des réveils matinaux précoces.
n Il existe fréquemment une « pauvreté affective » des relations parents/enfants
insomniaques.
n L’enfant traverse des paliers « maturatifs » au cours desquels le sommeil s’amé-
liore : l’acquisition de la propreté, l’accès au langage, l’entrée à l’école, l’autono-
mie et la socialisation correspondent à une meilleure organisation du sommeil.
n À l’adolescence, le sommeil est soumis à des modifications physiologiques qui
ont tendance à déplacer les heures de sommeil plus tard dans la nuit, avec un
réveil également plus tardif. Il existe donc une privation de sommeil et une som-
nolence en fin de matinée.

Le conseil à l’officine
Les conseils hygiénodiététiques sont fondamentaux ; ils sont susceptibles de facili-
ter l’endormissement et d’améliorer la qualité du sommeil.
l C’est l’interrogatoire minutieux qui permettra de personnaliser le conseil.

l Le sujet insomniaque doit se préparer au sommeil en acceptant de rester au lit

sans dormir immédiatement, en sachant obéir à son propre rythme (gros, petit,
moyen dormeur, couche-tôt, couche-tard, etc.).
l Le sujet devra éviter : la suralimentation, car elle prolongera la digestion, la sous-

alimentation (sensation de faim), certaines boissons à effets diurétiques (soupe


de poireaux, infusions de queues de cerises, bière, etc.), certaines substances
excitantes (thé, café, Coca-Cola, alcool, tabac, etc.).
l Il faudra plutôt recommander : de prendre le soir une douche ou un bain chauds

(relaxation musculaire), d’absorber des produits laitiers (lait, yaourt, etc.), de


boire une tisane sédative (camomille, tilleul, fleur d’oranger, verveine), de prati-
quer régulièrement quelques exercices physiques ou de relaxation avant le cou-
cher, d’écouter de la musique douce ou de lire un livre « apaisant ».
l Chez l’enfant, il faudra plus particulièrement veiller à la surveillance de l’alimen-

tation, à un environnement (extérieur et relationnel) calme et proscrire la sura-


bondance des peluches et des jouets dans les berceaux ou les lits. Il faudra
prendre garde aussi aux insomnies d’origine iatrogène (ex. : le vigabatrin induit
une insomnie chez plus de 8 % des enfants traités par cet anticonvulsivant).
l Il existe des alternatives aux médicaments ; celles-ci peuvent être valables et effi-

caces si le médecin et le pharmacien y adhèrent, en les considérant comme une


véritable thérapeutique. C’est le cas des techniques de relaxation ou de la diéto-
thérapie (hygiène de vie avec activités sportives et alimentation équilibrée). Le
plus souvent, des mesures éducatives simples et un soutien psychologique
permettent de bien améliorer la situation (veilleuse pendant la nuit, porte
entrouverte, respect des rites d’endormissement, etc.).
44. L’insomnie 307

Le pharmacien peut conseiller et délivrer un médicament comme Donormyl*,


(antihistaminique H1 phénothiazinique) dont l’indication relève essentielle-
ment des insomnies ponctuelles et/ou passagères. Ce médicament doit être
délivré avec certaines précautions d’usage en n’omettant pas de sensibiliser le
patient sur le fait que toute médication au long cours peut engendrer un ris-
que d’accoutumance et de dépendance ; il faudra recommander une stricte
observance du traitement, car ces patients sont presque toujours des consom-
mateurs abusifs de somnifères. Il faudra donc veiller au sevrage en préconisant
de diminuer lentement et progressivement la posologie. Donormyl* est contre-
indiqué (de façon absolue) chez l’enfant de moins de 15 ans (en revanche, un
médicament comme Euphytose* peut être prescrit à partir de 6 ans). L’idéal
doit toujours correspondre à une prise occasionnelle d’un somnifère chez un
sujet acceptant parfois de mal dormir. Le pharmacien évitera autant que possible
de renouveler « à la demande » la délivrance d’une médication officinale à visée
hypnotique, sans avoir recommandé vivement la consultation médicale. Cette atti-
tude sera d’autant plus justifiée et facilitée que le patient est bien connu du
pharmacien.
Les règles de prescription et les mises en garde relatives à l’emploi des hyp-
notiques doivent s’appliquer sans exception à tous les types de somnifères.
Le pharmacien n’oubliera pas que l’objectif de l’approche thérapeutique
d’un trouble du sommeil est de traiter la cause et non le symptôme.
45 La douleur

La douleur est un symptôme important, non seulement par son caractère rapi-
dement insupportable pour lequel le malade se plaindra et cherchera à être sou-
lagé, mais aussi parce qu’elle fournit des informations diagnostiques précieuses.
Toute douleur est par définition subjective et sa traduction par le malade sera
souvent difficile à interpréter car la douleur est à la fois sensorielle, émotionnelle
et culturelle (il existe des rites d’expression des sensations douloureuses selon les
cultures) ; si l’interrogatoire est insuffisant ou mal conduit (ex. : interrogatoire
suggestif), la douleur sera surestimée, sous-estimée, méconnue, voire invalidée…
alors qu’elle est déjà, peut-être, le signal d’alarme d’une pathologie grave.
Lorsqu’un patient requiert l’aide du pharmacien pour une douleur, ce dernier
doit constamment se souvenir que la plainte peut être exprimée de façon très
variable en fonction du sexe, de l’âge, de la race ou de la personnalité du sujet :
chez l’adulte jeune, paraissant en bonne santé, elle se traduira par l’expression
habituelle « j’ai mal partout » ou « j’ai mal aux reins » chez le vieillard ; la dou-
leur sera mise le plus souvent sur le compte des « rhumatismes », chez la per-
sonne s’exprimant difficilement ou pour l’étranger, les caractères de la douleur
seront peut-être mal définis, voire erronés ; pour le patient atteint d’une affec-
tion, la douleur pourra être l’expression « normale » de la pathologie, mais
encore un signe d’appel de son évolution. Il conviendra donc d’observer une
grande prudence devant une douleur aiguë d’apparition brutale ou devant une
douleur chronique peu invalidante, car toute administration d’un antalgique et/
ou d’un anti-inflammatoire risque de masquer des symptômes parfois pathogno-
moniques d’une affection sévère aiguë ou chronique, s’exprimant encore a
minima, ou du rebond d’une maladie déjà traitée ou encore de l’aggravation
d’une affection en cours de traitement.
À l’officine, le conseil s’adressera fréquemment à un patient souffrant de douleurs
chroniques (qu’il est préférable d’appeler résistantes) non invalidantes (elles concer-
nent 25 à 35 % de la population) et bien définies (ex. : céphalées, arthralgies,
etc.), ou à un patient souffrant de douleurs aiguës bien circonscrites (ex. : douleurs
consécutives à un petit traumatisme). Si le pharmacien est de surcroît impliqué
dans un réseau de soins, il devra contribuer à la gestion de la douleur lors de la
prise en charge polyvalente des malades soignés à domicile (ex. : malades atteints
d’un cancer ou du sida).

Savoir évaluer la douleur


Le malade est le seul véritable expert pouvant apprécier l’intensité de sa douleur.
n La réaction à la douleur est extrêmement variable et dépend de nombreux
facteurs propres à chaque malade et à chaque situation (âge, niveaux d’angoisse
et/ou de dépression, facteurs sociaux et environnementaux, etc.).
n L’interrogatoire doit permettre de reconnaître le type de la douleur en la fai-
sant décrire par le patient ; il faut faire préciser sa localisation, son étendue, ses
310 XI. Le conseil face aux plaintes du patient

irradiations (attention : le siège de la douleur n’est pas obligatoirement en rap-


port direct avec l’organe atteint, ex. : une douleur dorsale peut traduire un
ulcère duodénal) ; le patient devra préciser la durée (depuis quand), le rythme
(diurne, nocturne), la fréquence ainsi que les circonstances d’apparition, les fac-
teurs déclenchants (alimentation, effort, etc.), les signes éventuels d’accompa-
gnement (nausées, vomissements, amaigrissement, etc.). Il faudra aussi déceler
l’existence de facteurs aggravants ou calmants (l’intensité de la douleur peut
être atténuée par une position antalgique) et faire préciser son caractère (cram-
pes, brûlures, serrement, piqûre, etc.).
n Certains syndromes douloureux diffus d’origine somatique peuvent se pré-
senter de façon subaiguë ou chronique. Il est important d’évaluer la notion de
chronicité. Les rhumatologues considèrent habituellement que ce terme de
chronicité caractérise une douleur dont la durée dépasse 3 mois. Certains syn-
dromes douloureux ont une origine bien précise, mais les signes cliniques évi-
dents peuvent apparaître seulement après plusieurs semaines. Il peut s’agir de
syndromes articulaires d’origine inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde, scléro-
dermie, spondylarthrite, etc.) ou dégénérative (polyarthrose) ; de pathologies
osseuses (rachitisme, hyperparathyroïdie, etc.) ou musculaires (drépanocytose,
polymyosites, etc.) ; de syndromes endocriniens et métaboliques (myxœdème,
hyperthyroïdie, hypercorticisme, etc.), neurologiques (syndromes extrapyrami-
daux), toxiques et iatrogènes (alcool, phénobarbital, clofibrate et substances
apparentées, cimétidine, diurétiques, laxatifs, quinolones, etc.).
n Le « mal partout depuis toujours » est un syndrome polyalgique idiopathique
diffus (SPID), de longue durée et diversement exprimé. Il s’agit d’un syndrome
douloureux associé à des troubles du sommeil ; cet état est aggravé par l’an-
goisse, la fatigue, le travail répétitif et les agressions habituelles de la vie quoti-
dienne. L’intensité de la douleur est variable et bien souvent, les antalgiques et
les autres thérapeutiques conventionnelles (massage, physiothérapie) sont des
échecs ou ne connaissent que des succès transitoires.
Remarque : le travailleur immigré exprime fréquemment sa douleur par « j’ai
mal partout » : cette traduction linguistique désigne souvent un malaise général,
une asthénie, voire une dépression, mais elle peut traduire aussi une tuberculose
ou une hémoglobinopathie…
n L’évaluationd’une douleur impose de la situer dans son contexte. Il serait dan-
gereux d’identifier de la même façon une douleur chez un vieillard arthrosique,
une douleur chez un adulte jeune souffrant de dorsalgie et une douleur articu-
laire chez un enfant (cf. infra).
n Lepharmacien doit considérer les douleurs abdominales avec une grande pru-
dence, car de nombreuses douleurs extradigestives sont projetées au niveau de
l’abdomen, telles les douleurs d’origine thoracique (pneumonie, IDM, pleurésie,
péricardite), d’origine neurologique (tumeur, radiculalgie du zona ou du dia-
bète, etc.), d’origine pelvienne (ex. : grossesse extra-utérine). Il existe encore
bien d’autres causes de douleurs à projection abdominale : les causes métabo-
liques et endocriniennes (diabète, hypoglycémie, saturnisme, etc.), hématolo-
giques (ex. : polyglobulie), un syndrome néphrotique, une maladie
psychiatrique, une HTA.
45. La douleur 311

Savoir évaluer la prise en charge de la douleur


Les patients souffrant d’une douleur aiguë depuis plusieurs jours (certaines per-
sonnes supportent la douleur de façon étonnante) posent un problème urgent
de diagnostic, parfois de mise en route immédiate d’un traitement : ils doivent
être rapidement dirigés vers la consultation médicale.
Le soulagement de la douleur est obtenu par la suppression de la cause initiale
et, lorsque cela n’est pas réalisable, par atténuation ou élimination de la sensa-
tion de douleur (ex. : usage de stupéfiants à titre palliatif dans les cancers à un
stade terminal).
La douleur peut être traitée de manière non spécifique avec des antalgiques à
action périphérique et centrale, mais encore par des méthodes physiques (cha-
leur, froid, immobilisation), des substances bloquant l’influx nerveux (anesthésie
locale), par la chirurgie ou d’autres méthodes aux résultats variables (ex. :
l’acupuncture).

Le rôle du pharmacien
Tout le monde doit avoir droit au soulagement de sa douleur et mieux encore,
à la prévention de celle-ci lorsque cela est possible. Le soulagement de la dou-
leur chronique est un des problèmes les plus difficiles et les plus embarrassants
de la pratique médicale.
l La pharmacologie actuelle des antalgiques se résume, pour l’essentiel à 3 substan-

ces : l’aspirine, le paracétamol et la morphine. Cette dernière est le produit de réf-


érence des antalgiques centraux pour le traitement des douleurs aiguës ou
chroniques. Le paracétamol est très utilisé pour traiter les douleurs d’intensité
modérée ; sa tolérance est excellente, mais il ne faut pas sous-estimer le risque
d’intoxication hépatique (notamment facilitée par l’automédication). L’aspirine
est largement utilisée pour traiter les douleurs d’intensité modérée avec ou sans
composante inflammatoire.
l Le pharmacien peut délivrer « à la demande » certains antalgiques périphériques

(aspirine et paracétamol). Il ne doit pas ignorer cependant l’existence d’une


échelle de prescription des antalgiques (OMS) dans le traitement des douleurs :
palier I (douleur de faible intensité)  analgésiques « périphériques » (aspirine,
paracétamol, AINS) ; palier II (douleur d’intensité modérée) que l’on peut
décomposer en IIA  analgésiques centraux faibles (codéine, dextropropoxy-
phène seuls ou associés) prescrits seuls ou en association avec les analgésiques
« périphériques » ; palier IIB  morphiniques agonistes/antagonistes (buprénor-
phine, nalbuphine) ; palier III (douleur sévère)  analgésiques centraux forts
(IIIA  morphine par voie orale, IIIB  morphine par voie SC, IM, IV).
l De façon générale, il faut retenir qu’il existe cliniquement 3 grands tableaux phy-

siopathologiques de la douleur s’opposant par leur séméiologie, les mécanismes


mis en jeu et, par voie de conséquence, par les traitements à instaurer :
l les douleurs nociceptives représentées d’abord par la douleur aiguë postopéra-

toire, traumatique, infectieuse, mais encore par la douleur chronique dans


les pathologies lésionnelles persistantes, plus ou moins évolutives (cancer,
312 XI. Le conseil face aux plaintes du patient

rhumatologie, etc.) ; les douleurs nociceptives sont sensibles aux antalgiques


de palier I, IIA et IIB ;
l les douleurs neuropathiques ou neurogènes (ou par désafférentation) observées

à la suite d’une lésion nerveuse périphérique d’origine traumatique, toxique


et iatrogène (alcool, chimiothérapies, radiothérapie, etc.), virale (zona, etc.),
tumorale (par compression ou infiltration), métabolique (diabète, etc.) ; le
délai d’apparition de ces douleurs est toujours retardé par rapport à la lésion
initiale. Ces douleurs sont souvent décrites comme une brûlure et/ou comme
une douleur intermittente, fulgurante à type de décharge électrique. Les dou-
leurs neurogènes sont moins sensibles aux antalgiques sus-cités, mais parfois
sensibles aux antidépresseurs imipraminiques prescrits à faibles doses (ex. : 10
à 25 mg de clomipramine) ; les causalgies à type de décharges électriques
sont sensibles à certains anticonvulsivants comme la carbamazépine, le clona-
zépam ou la prégabaline ;
l le cas des douleurs post-zostériennes est significatif (cf. chapitre 26) ;

l les douleurs psychogènes qui, au sens propre du terme, sont des douleurs

associées à une séméiologie psychiatrique avérée (ex. : dans le cadre d’une


dépression).
Remarque : il existe des douleurs « mixtes » associant les différents méca-
nismes physiopathologiques.
l Le pharmacien pourra conseiller et délivrer des antalgiques du palier I, dans deux

circonstances bien définies :


l la douleur est manifestement banale (petit traumatisme, douleur dentaire,

céphalées simples, légère séquelle douloureuse d’une affection connue et trai-


tée, etc.),
l la douleur est bien connue et même souvent définie comme « habituelle » par

le malade : c’est le cas des douleurs « rhumatismales » du changement de


temps et le cas des douleurs prémenstruelles,
Remarque : toute douleur d’origine et d’expression douteuses doit faire l’ob-
jet d’une consultation sans délivrance préalable d’antalgiques et en conseillant
autant que possible toute abstention thérapeutique, afin de ne pas masquer la
véritable cause qui ne peut s’exprimer d’emblée qu’a minima.

Quelques circonstances particulières


Le patient souffre, mais ne prend pas d’antalgiques :
n Il s’agit le plus souvent d’une douleur intermittente, ne perturbant pas le
mode de vie : soit le patient résiste à la douleur, soit il craint de prendre des
antalgiques (« trop » de médicaments, peur de « s’abrutir », etc.). Le pharma-
cien saura informer le patient à propos des avantages d’une thérapeutique, sans
néanmoins occulter, ni minimiser ses inconvénients.
n Le patient prend des antalgiques qui le calment insuffisamment : le pharma-
cien devra faire préciser si l’observance du traitement est correcte et constater si
les doses employées sont suffisantes. Soit il y aura lieu de rectifier la qualité de
l’observance, soit il faudra, en regard du contexte médical (pathologie traitée,
lourdeur du traitement), conseiller la consultation auprès du médecin traitant.
45. La douleur 313

n La douleur chez l’enfant est souvent méconnue : elle se heurte à une difficulté
supplémentaire liée à la maturation psychologique, motrice, intellectuelle et
affective de l’enfant. La signification est différente selon l’âge et le contexte : un
enfant n’ayant jamais été malade ne décrira pas sa douleur de la même façon
qu’un enfant ayant déjà été hospitalisé, même si la cause de la douleur est iden-
tique. La sémiologie de la douleur est particulière chez l’enfant : les pleurs et les
cris sont de mauvais indicateurs de la douleur, particulièrement chez le tout-
petit. En revanche, l’observation de manifestations émotionnelles hostiles, d’une
diminution de la mobilité (voire une prostration), d’une perte d’intérêt pour le
monde extérieur ou d’une intolérance à tout contact, même familier est des
signes très évocateurs.
En pratique, on peut considérer que l’évaluation d’une douleur par l’enfant
est fiable à partir de l’âge de 5 ou 6 ans ; des échelles d’évaluation (échelle
visuelle analogique  réglette EVA, dessins, scores) permettent de mieux quanti-
fier et qualifier la douleur. Comme chez l’adulte, le choix de l’antalgique dépend
de l’intensité de la douleur, la prescription est individuelle, à horaire fixe, par
voie orale autant que possible et en tenant compte des effets secondaires. Des
médicaments potentialisant l’effet des antalgiques peuvent être associés à cha-
que niveau.
Le paracétamol, bien toléré et bien maniable, est l’antalgique de première
intention : par voie orale, il est préconisé à la dose de 60 mg/kg/j comme l’aspi-
rine, en 2 à 4 prises. Le sirop de phosphate de codéine (Codenfan) est un antal-
gique de palier II, indiqué chez l’enfant dès l’âge d’un an pour les douleurs
d’intensité modérée à intense ne répondant pas à l’utilisation d’antalgiques péri-
phériques utilisés seuls.
On doit traiter préventivement la douleur provoquée par certains soins, soit
en utilisant des antalgiques, des anxiolytiques et en généralisant l’utilisation des
anesthésiques locaux (ex. : crème EMLA) pour les ponctions transcutanées ; de
même, il est conseillé de pratiquer davantage d’anesthésies locales, locoré-
gionale ou par inhalation.
n La douleur chez le sujet âgé. Le grand âge est un facteur conduisant souvent à
une sous-évaluation clinique de la douleur, du fait des difficultés de communi-
cation et d’expression du patient, donc à une restriction de la prescription
(encore minorée par la crainte des effets secondaires des morphiniques et par la
crainte de la iatrogénicité). L’évaluation de la douleur devrait faire l’objet d’une
synthèse entre l’appréciation de la douleur par le patient (), par la famille
et par les soignants. Il existe des échelles qui, sans représenter une fin en soi,
constituent un bon instrument de communication ; il s’agit d’échelles unidi-
mensionnelles (la plus connue est l’échelle visuelle analogique EVA), pluridi-
mensionnelle (Mac Gill Pain, questionnaire de Saint-Antoine : QSDA) et
comportementales (échelle de Gustave-Roussy, etc.). Enfin, le patient lui-même
a tendance à considérer la douleur comme un signe de vieillissement normal et
à ne pas s’en plaindre.
Les difficultés du traitement tiennent aussi à la polypathologie souvent
polymédicamentée. La posologie des antalgiques doit tenir compte de la fonc-
tion rénale et s’accompagner (comme chez le sujet jeune) d’une surveillance des
314 XI. Le conseil face aux plaintes du patient

effets secondaires éventuels ; la diminution de la filtration glomérulaire,


l’augmentation de la masse grasse, la diminution de l’albuminémie altèrent
le métabolisme des antalgiques. La dose initiale de morphine est d’environ
30 mg/j (50 % de la dose de l’adulte jeune), avec une augmentation ultérieure
de la posologie en fonction de la tolérance et de l’efficacité antalgique. La mor-
phine solution doit être préférée, avec parfois la nécessité d’espacer les prises de
6 à 8 heures ; la dose de morphine retard doit, au début, être de 10 mg toutes
les 12 heures : il ne faut absolument pas donner cette forme de morphine pour
calmer les douleurs entre deux doses, du fait de la différence pharmacocinétique
des produits. La voie transdermique peut être utilisée avec le patch de fentanyl
(Durogésic) qui a une efficacité comparable à celle d’un antalgique de palier III.
La voie transmuqueuse (réservée aux accès paroxystiques) est possible avec
Actiq. La voie injectable doit être réservée à des circonstances particulières : chez
le patient qui ne peut plus avaler (ex. : cancer de l’œsophage), en présence de
vomissements, chez le patient comateux ou lorsque la douleur est insupportable
et nécessite un contrôle antalgique avec des doses rapidement croissantes.
Lorsque le traitement d’un patient âgé est équilibré par la voie injectable et qu’il
peut à nouveau avaler, il faut toujours privilégier la voie orale. La voie IM doit être
proscrite ; la dose injectable par voie sous-cutanée est égale en pratique à la moi-
tié de la dose orale (voir aussi l’exemple de la prescription de morphine chez le
patient âgé cancéreux : cf. infra).

La prise en charge de la douleur cancéreuse

À l’officine, le pharmacien a un rôle indéniable et incontournable au niveau des


informations relatives à la survenue des effets secondaires des médicaments. Ce
rôle doit naturellement s’exercer à l’égard de la morphine. Cinquante-six pour cent
seulement des pharmaciens d’officine connaissent le protocole de soulagement de
la douleur cancéreuse proposé par l’OMS. La prescription de morphine n’est pas
réservée au stade terminal d’une maladie, aussi, le pharmacien doit connaître et
reconnaître les effets secondaires des morphiniques ainsi que les moyens permet-
tant de les prévenir ou de les traiter.

La douleur des cancéreux


Dans 75 à 80 % des cas, la douleur est directement liée à l’évolution du cancer
(atteinte locale, régionale ou métastatique des structures pariétales, osseuses ou
viscérales) ; les douleurs par excès de nociception (excitations nerveuses dont le
point de départ est le siège de la tumeur) sont justifiables d’analgésiques puis-
sants plus ou moins associés à des co-analgésiques (psychotropes, AINS, etc.) ; il
s’agit de patients posant un véritable problème du suivi thérapeutique. Dans
20 % des cas, les douleurs sont séquellaires (post-radiochirurgicales) ; ce sont
des douleurs par défaut d’inhibition justifiables d’une prescription de psychotro-
pes et de moyens physiques.
45. La douleur 315

Le traitement de la douleur cancéreuse


Le traitement médicamenteux symptomatique est la première réponse à la
douleur. Il obéit à des règles rigoureuses selon les 3 premiers paliers (cf. supra)
conseillés et validés par l’OMS.
l Le traitement débute avec un antalgique non opiacé : aspirine, paracétamol,

AINS ou dextropropoxyphène. Pour une douleur persistante d’intensité


moyenne gênant les activités d’un patient encore valide, la codéine (palier II)
peut être ensuite utilisée par voie orale ; l’association codéine/paracétamol
(Efferalgan* codéine, Dafalgan* codéine) permet un relais rapide par les morphini-
ques. Dans le cadre de la stratégie thérapeutique de la « rotation des opïoides »,
le chlorhydrate d’oxycodone (Oxycontin LP et Oxynorm) et l’hydromorphone
(Sophidone) ont l’AMM dans le traitement en première intention des douleurs
chroniques, intenses ou rebelles aux antalgiques de palier II, chez l’adulte atteint
de cancer ; leurs rapports d’équianalgésie sont respectivement : 10 mg d’oxyco-
done  20 mg de morphine orale ; 1 mg d’hydromorphone  7,5 mg de mor-
phine orale. Pour une douleur sévère, le recours aux morphiniques doit être
systématique, la morphine est l’opiacé de choix.
l Le passage d’un palier au palier supérieur est motivé par l’échec avéré des théra-

peutiques du palier précédent correctement prescrites, administrées et


métabolisées.
l L’association d’antalgiques de même niveau ne se justifie pas.

l Le traitement d’une douleur doit prévenir sa réapparition ; c’est la demi-vie du

médicament qui détermine l’espacement régulier des prises, mais une dose sup-
plémentaire peut être nécessaire si l’on craint la survenue d’une douleur aiguë
d’origine iatrogène. Cette nouvelle dose sera programmée en fonction de l’acte
iatrogénique (ex. : ponction, exploration fonctionnelle, etc.).
l Les doses efficaces sont déterminées individuellement en fonction de l’état phy-

siopathologique du patient.
l Tout effet indésirable d’un médicament doit être recherché et prévenu grâce à

des prescriptions adjuvantes.


l La voie d’administration requise est toujours la plus simple : voie orale ou rectale

pour un traitement chronique, IV si le malade est en situation postopératoire ou


si la voie digestive n’est pas utilisable. Les voies IM ou SC itératives doivent être
évitées autant que possible.
l Au palier III, la survenue d’effets secondaires disproportionnés par rapport au

bénéfice peut motiver un changement de molécule, de mode et de voie d’admi-


nistration ou encore de technique.

La morphine dans le traitement de la douleur cancéreuse de la


personne âgée
L’insuffisance rénale et/ou hépatique présente chez les personnes âgées ne
contre-indique pas l’utilisation des morphiniques, mais demande juste un manie-
ment plus fin, avec des doses plus faibles que chez l’adulte, au moins durant la
phase de titration.
La phase de titration consiste à établir la posologie de morphine sur 24 heures, afin
d’obtenir un contrôle rapide et optimal de la douleur. La voie d’administration
316 XI. Le conseil face aux plaintes du patient

privilégiée (la plus simple) est la voie orale si le patient peut s’alimenter. Il faut
commencer par administrer toutes les 4 heures des doses faibles de morphine,
soit sous forme buvable (5 mg voire 2,5 mg de chlorhydrate de morphine), soit
sous la forme de comprimé sécable (Sévredol 10 mg), soit sous forme de gélules
ouvrables (Actiskénan 10 mg). Si ces doses sont inefficaces avec une recrudes-
cence des douleurs avant la 4e heure, elles seront augmentées d’environ 20 % à
chaque prise (ou toutes les 2 prises chez les sujets très âgés et fragiles). Quand la
voie orale ne peut être privilégiée, l’initialisation du traitement peut se faire avec
la morphine injectable par voie sous-cutanée (2,5 mg à 5 mg au début) toutes
les 4 heures. Cette phase de titration requiert une surveillance, compte tenu
d’une majoration possible des effets secondaires chez ces patients : nausées,
vomissements, pause respiratoire, confusion ; soit ces effets sont corrigeables,
soit il faut envisager une baisse des doses ou une rotation d’opiacés.
n L’administration orale de la morphine doit toujours être préférée en première
intention. Ce n’est qu’en cas d’échec ou d’impossibilité d’utilisation de cette voie
(syndrome occlusif, intolérance digestive, constipation opiniâtre) que la voie
parentérale SC ou la voie médullaire (péridurale ou intrathécale) est requise.
L’effet antalgique de la morphine est obtenu de façon égale, soit avec la solution
de chlorhydrate de morphine (Chlorhydrate de Morphine), administrée en 6 pri-
ses de 1 mg/kg/j, soit avec les formes retard de sulfate de morphine par prise
toutes les 12 heures : Moscontin (cp. à ne pas écraser ni piler) ; Skenan LP
(gélules de microgranules pouvant être ouvertes et administrées dans l’alimenta-
tion ou les sondes gastriques). Une forme retard sur 24 heures de sulfate de
morphine (Kapanol) se présente en gélules contenant des microgranules ; ces
gélules doivent être avalées entières, non mâchées et non croquées (pendant ou
entre les repas), mais elles peuvent aussi être ouvertes et administrées dans l’ali-
mentation ou par sondes de gastrostomie ou gastrique.
n La sédation douloureuse doit être obtenue en 2 à 3 jours en augmentant les
doses en fonction des résultats : de 50 % toutes les 8 à 12 heures jusqu’à
sédation complète. Ce protocole thérapeutique est parfaitement réalisable en
ambulatoire.
n La dose initiale de morphine recommandée pour une douleur sévère est de
30 mg par prise toutes les 12 heures, à heure fixe et non à la demande.
L’ajustement des doses se fait habituellement sur 48 à 72 heures, par paliers de
20 mg puis de 10 mg par prise. La plupart des patients sont correctement équi-
librés avec des doses comprises entre 60 et 240 mg/j ; exceptionnellement, les
doses peuvent atteindre 400 mg/j ou plus. Quelle que soit la voie d’administra-
tion, il n’existe pas de limite supérieure réelle pour les doses administrées, car
c’est l’intensité de la douleur qui est le seul indicateur.
n La prescription d’une entredose (une entredose correspond en général à 10 à
15 % de la dose totale per os administrée par 24 heures) est justifiée par l’appa-
rition de douleurs incidentes chez un patient traité par des formes à libération
prolongée ; on utilisera le chlorhydrate de morphine.
n Lorsqu’un patient ne peut plus avaler, sa dose totale quotidienne de morphine
sera divisée par 2 et administrée par voie sous-cutanée, soit toutes les 4 heures,
soit en continu à la seringue électrique. Miniaturisées, les pompes à morphine
sont utiles (même à domicile) pour prévenir ou soulager les douleurs intenses
45. La douleur 317

instables. Ce système autorise une grande latitude d’utilisation : le médecin pro-


gramme le débit de base, le nombre, la dose des bolus et les périodes réfrac-
taires selon la durée d’action des produits. Le malade peut ensuite décider
d’adapter individuellement ses doses jusqu’à une limite maximale préétablie par
unité de temps (1 heure ou 4 heures).
n Malgré ses effets secondaires (cf. infra), la morphine reste d’utilisation très sim-
ple et confortable chez le sujet cancéreux âgé.
Remarque : en cas d’erreur de dosage ou d’hypersensibilité rapide, il est possi-
ble d’administrer la naloxone (Narcan).
n La buprénorphine (Temgésic) par voie sublinguale, toutes les 8 heures, peut
être proposée.
n Un agoniste morphinique pur hautement sélectif, le fentanyl (Durogésic) admi-
nistré par voie transdermique (patch) est indiqué dans le traitement des dou-
leurs chroniques d’origine cancéreuse, intenses ou rebelles aux autres
antalgiques, en cas de douleurs stables. La voie transdermique offre plusieurs
avantages : contrôle continu de la douleur, biodisponibilité élevée du principe
actif, absence de premier passage hépatique, alternative à la voie orale, amélio-
ration de l’observance thérapeutique. Il est possible de coprescrire un antalgique
à libération immédiate en cas de douleurs paroxistiques, mais il est contre-indi-
qué d’associer le fentanyl à un agoniste-antagoniste (buprénorphine,
nalbuphine).
n L’emploi de médicaments adjuvants est utile, en association avec les opiacés, lors-
qu’il existe des symptômes pouvant être soulagés par des médicaments spéci-
fiques : la carbamazépine (Tégrétol), le clonazépam (Rivotril), la gabapentine
(Neurontin) ou encore la prégabaline (Lyrica) pour traiter les névralgies et les
atteintes plexiques ; les antidépresseurs imipraminiques (Anafranil, Laroxyl,
Tofranil) pour traiter les neuropathies périphériques (notamment chimio-indui-
tes) ; les AIS comme la prednisolone (Hydrocortancyl, Solupred) en utilisation
courte pour son effet antitumoral direct et anti-inflammatoire non spécifique.
n La radiothérapie est rapidement efficace pour traiter les algies osseuses (métas-
tases du cancer prostatique, du cancer du sein, d’un myélome, etc.).
n La chirurgie est parfois utilisée pour pallier un syndrome douloureux aigu ou
en cas d’échec des traitements médicamenteux.

Les effets indésirables induits par le traitement morphinique


Il est nécessaire de les prévenir. Les nausées et les vomissements (apparaissant
souvent en début de traitement) sont habituellement réduits avec Anausin et
Primpéran ; la constipation (constante, gênante et douloureuse pour le patient),
avec Duphalac, Jamylène*, Relistor dans les cas rebelles.
Remarque : la constipation iatrogène doit toujours être prévenue, car elle
peut être un facteur d’échec du traitement morphinique ou compliquer ce trai-
tement par l’utilisation d’une voie d’administration moins confortable. Le phar-
macien n’omettra pas de dispenser les conseils hygiénodiététiques nécessaires
à la prévention de la constipation.
318 XI. Le conseil face aux plaintes du patient

Un prurit est rarement incoercible, des antihistaminiques H1 peuvent être


utiles ; une protection gastrique par Cytotec (ou en association, ex. : Artotec)
sera systématique pour toute utilisation d’AINS, d’aspirine et de Propofan.
L’administration d’un AINS doit être arrêtée pendant les 2 semaines qui suivent
une cure de chimiothérapie. Les fonctions rénales (si morphiniques, AINS) et
hépatique (si paracétamol, tricycliques) doivent être régulièrement surveillées.
La dépression respiratoire est un effet indésirable classique et redouté des
morphiniques ; cet effet est heureusement réversible sous naloxone. Il s’ob-
serve plutôt après une administration brève, d’emblée importante. Une poso-
logie progressive et renouvelée limite considérablement le risque, y compris
chez l’insuffisant respiratoire ; ce risque est par ailleurs quasi inexistant tant que
le patient reste algique.

La douleur cancéreuse de l’enfant


L’approche thérapeutique de la douleur cancéreuse chez l’enfant répond aux
recommandations de l’OMS. Il est nécessaire d’adapter les doses et il faut se
souvenir que certains médicaments n’ont pas obtenu d’AMM pour l’enfant (mé-
dicaments orphelins) et qu’il n’existe pas toujours des formes galéniques
appropriées.
Les douleurs nociceptives sont calmées par les antalgiques de paliers I, II ou III.
La codéine (Codenfan) peut être prescrite pour les douleurs modérées à intense,
chez l’enfant de plus d’un an ; la prescription doit être libellée en mg/kg puis
convertie en mg/prise, en tenant compte du poids de l’enfant (précision de l’Afs-
saps), car la pipette n’est pas graduée en dose/kg. Le recours aux opiacés est fré-
quent pour traiter la douleur de l’enfant en fin de vie. Les doses nécessaires sont
supérieures à celles de l’adulte, dès l’âge de 6 mois (morphine  1 mg/kg/j par
voie orale) ; les douleurs neurogènes peuvent être calmées par les anticonvulsi-
vants, les antidépresseurs, ainsi que par les techniques de contre-stimulation
(chaud, froid, neurostimulation transcutanée). Après instauration des traitements
antalgiques, une évaluation quantitative doit rapidement confirmer ou infirmer
l’effet antalgique ; elle doit être répétée et accompagnée d’une surveillance et
d’un contrôle des effets secondaires. Chez l’enfant, la crainte de voir survenir une
dépendance immédiate ou à distance avec les opiacés est totalement infondée.

L’implication du pharmacien dans la prévention et la


prise en charge de la douleur est impérative

La douleur est une constante du cancer et du sida ; la réponse de ces patients à la


douleur et au traitement est spécifique. Le pharmacien, comme le médecin (et l’in-
firmière), est impliqué dans la prévention et la prise en charge de la douleur, que
celle-ci soit d’origine endogène (liée à l’évolution de la maladie) ou d’origine iatro-
gène (médicaments et gestes thérapeutiques).
Quel que soit le patient, une règle importante est celle de toujours prévenir la dou-
leur, en évitant sa réapparition et l’angoisse qui lui est associée.
46 La contraception

La contraception constitue l’ensemble des méthodes permettant d’empêcher la


survenue d’une grossesse non désirée. La contraception idéale se doit d’être sim-
ple, bien tolérée, sans risques majeurs, efficace et réversible. La contraception est
une nécessité afin de planifier une grossesse et d’essayer de diminuer le nombre
d’interruption volontaire de grossesse (IVG), de l’ordre de 200 000 chaque
année en France.
En France, plus de 2 femmes sur 3 utilisent un moyen de contraception, le
principal étant la contraception orale. Le choix de la méthode contraceptive
dépend de nombreux facteurs : médicaux, sociologiques, périodes de vie… mais
le dernier mot revient à la femme.
L’efficacité des méthodes est évaluée par l’indice de Pearl exprimé en pour-
centage années/femme (% AF)  nombre de grossesses survenues chez
100 femmes exposées pendant 12 cycles (tableau 46.1).

Tableau 46.1
Efficacité comparative des principales méthodes contraceptives

Méthode Indice de PEARL (% AF)


Œstroprogestatifs combinés 0.15 - 0.45
Microprogestatifs 0.5 - 2
Dispositif intra-utérin 0.3 - 2
Préservatifs 0.6 - 8
Ovules 6-8
Spermicides 1-6
Tampons, éponges 3-5
Continence périodique 15
Implanon / 0

Les différentes méthodes contraceptives


La contraception hormonale
Contraception œstroprogestative
Elle comprend la pilule utilisée par 60 % des patientes ; mais aussi depuis peu
un patch (Evra) et un anneau vaginal (Nuvaring).
322 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

L’efficacité de cette méthode est grande avec un indice de Pearl proche de 0


et ce grâce à quatre verrous :
n blocage de la maturation folliculaire ;
n absence de pic de LH et FSH sous la dépendance de l’œstrogène et surtout du
progestatif ;
n modification de la glaire cervicale gênant l’ascension des spermatozoïdes ;
n atrophie endométriale rendant difficile la nidation sous la dépendance du
progestatif.
La pilule est la méthode contraceptive de choix de la femme nullipare. Il s’agit
d’une association d’éthinyl-estradiol (EE) avec un progestatif antigonadotrope.
En fonction de la concentration en éthinyl-estradiol (EE), sont définies les pilules
normodosées (50 g) et minidosées ( 50 g jusqu’à 15 g). En fonction de la
délivrance de progestatifs sont définies les pilules monophasiques (tous les com-
primés sont identiques), biphasiques (2e partie de la plaquette plus dosée en
progestatifs) et triphasiques (3 doses successivement croissantes de progestatifs).

Le schéma de prise est généralement le suivant : débuter la première plaquette le


premier jour des règles (1er jour du cycle) et poursuivre la prise d’un comprimé, à
heure fixe, pendant 21 jours en suivant l’ordre indiqué sur la plaquette ; arrêter 7 j
puis recommencer selon le même schéma.

Le patch contraceptif combiné (Evra) est un dispositif transdermique de


20 cm2 délivrant sur une durée hebdomadaire une dose d’éthinyl-estradiol et de
norelgestromine. Le timbre est renouvelé chaque semaine pendant 3 semaines
consécutives, suivies d’un intervalle libre d’une semaine (avec une sécurité de
2 jours supplémentaires, car le patch délivre des hormones durant encore
9 jours). Cette méthode s’adresse plutôt aux femmes lassées de la voie orale ou
non observantes ou encore chez les jeunes filles qui craignent d’oublier leur
pilule (y compris en première intention).
L’anneau vaginal contraceptif (Nuvaring) flexible et transparent, libère de façon
continue une dose quotidienne d’éthinyl-estradiol et d’étonogestrel. Son effica-
cité est comparable à celle de la contraception estroprogestative orale.
Les complications de la contraception œstroprogestative sont les mêmes
quelle que soit la voie d’administration. Le risque vasculaire est la principale com-
plication des œstroprogestatifs. En effet, les œstroprogestatifs engendrent une
hyperagrégabilité plaquettaire ; une augmentation des facteurs de la coagula-
tion VII, VIII et X (via une action des œstrogènes au niveau hépatique) et une
diminution des inhibiteurs de la coagulation (protéine C, protéine S, anti-throm-
bine). Ainsi, le risque thrombo-embolique est multiplié par 4, le risque corona-
rien multiplié par 2 et le risque vasculaire cérébral multiplié par 1,5. De plus, par
une augmentation de la synthèse hépatique de l’angiotensinogène provoqué
par les œstrogènes, une HTA est diagnostiquée dans 5 % des cas.
Des effets métaboliques surtout dus à l’éthinyl-œstradiol sont observés : gluci-
dique (diminution de la tolérance au glucose, élévation de l’insulinémie par
diminution de la glycogénolyse et insulinorésistance périphérique) et lipidique
46. La contraception 323

en augmentant tous les paramètres lipidiques (contrairement aux œstrogènes


naturels).
Des petits ennuis, de courte durée sont à connaître par le pharmacien :
métrorragies ou spotting par atrophie endométriale, prise de poids modérée de
1 à 2 kg par rétention hydrosodée, oligoménorrhée, jambes lourdes, sécheresse
vaginale, modification minime du système pileux, diminution de la libido.
Enfin, les œstroprogestatifs augmentent discrètement le risque de dysplasie
cervicale et du fait du métabolisme hépatique d’ictère cholestatique et de
lithiase biliaire.

Contraception progestative
Il s’agit bien souvent de la méthode contraceptive choisie en cas de contre-indi-
cation à une pilule œstroprogestative classique.
Il est distingué :
n les micropilules faiblement dosées en progestatifs agissent par modification de
la glaire cervicale et par modifications endométriales (nidation impropre). La
contraception par microprogestatifs est un facteur de risque de grossesse extra-
utérine car elle ralentit le transit tubaire et ne bloque pas l’ovulation. Plus de
3 patientes sur 10 présentent des troubles du cycle à type d’aménorrhée et de
spotting ;
e
n les macroprogestatifs : ce sont des progestatifs de synthèse en prise orale du 5
au 25e jour du cycle. Il s’agit d’un agent antigonadotrope assurant un vrai blo-
cage de l’ovulation. Ils n’ont pas l’autorisation AMM comme contraceptifs ;
e
n le desogestrel (Cerazette) est un progestatif de 3 génération n’entrant ni dans
le cadre des microprogestatifs, ni dans le cadre des progestatifs. Cette pilule a
un effet antigonadotrope en plus des effets sur la glaire cervicale. Les troubles
du cycle sont moins fréquents avec cette pilule ;
n l’implant contraceptif (Implanon) est un bâtonnet souple (4 cm/2 mm) de pro-
gestatif pur, implanté sous anesthésie locale en sous-cutané dans le bras. Il
assure une contraception efficace dès 24 heures après la pose et pour une durée
de 2 ans. La sécurité et l’efficacité contraceptives ont été établies chez les fem-
mes entre 16 et 40 ans.

Le stérilet
Le stérilet ou dispositif intra-utérin (DIU) est une méthode contraceptive efficace,
bien tolérée et durable (efficacité de 3 à 5 ans). Cette méthode s’adresse idéa-
lement aux femmes multipares ne désirant plus d’enfants et ayant une vie conju-
gale stable (risques infectieux avec les partenaires occasionnels multiples).
Il existe des stérilets délivrant des progestatifs (ex : Mirena) engendrant une
atrophie endométriale et des stérilets au cuivre.
Les stérilets agissent par un effet anti-nidatoire en exerçant un traumatisme
direct de l’endomètre et une réaction inflammatoire locale empêchant la nida-
tion. De plus, les stérilets au cuivre ont une toxicité directe sur les spermato-
zoïdes et les stérilets à la progestérone engendrent une modification de la glaire
cervicale et une atrophie endométriale.
La pose se réalise durant les règles (col ouvert) chez une patiente informée par
un médecin (loi n° 74-1026 décembre 1974).
324 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

La crainte de la salpingite et de la grossesse extra-utérine le fait contre-indi-


quer chez la femme nullipare.
Les recommandations professionnelles éditées en décembre 2004 par l’ANAES
précisent :
n les DIU ne sont pas uniquement destinés aux multipares. Il s’agit d’une
méthode contraceptive de première intention, considérée comme toujours très
efficace, de longue durée d’action et pour laquelle aucun risque cancéreux ou
cardiovasculaire n’est établi ;
n si le risque de maladie inflammatoire pelvienne (MIP), lié à la pose, est avéré,
sa survenue est essentiellement limitée aux 3 semaines qui suivent l’insertion.
Aucun risque de stérilité tubaire n’a été démontré, y compris chez les nullipares.
Étant donné la grande efficacité contraceptive des DIU, le risque de grossesse
extra-utérine (GEU) est extrêmement faible et inférieur d’un facteur 10 à celui
associé à l’absence de contraception ;
n un DIU peut être proposé à toute femme dès lors que :
l les contre-indications à sa pose sont prises en compte :

– antécédents de GEU,
– antécédents de salpingite,
– malformation uterine,
– post-partum immédiat (attendre un délai de 3 mois),
– trouble de la coagulation et traitement anticoagulant,
– valvulopathie (risque de greffe bactérienne depuis le stérilet),
– corticothérapie au long cours (risque infectieux ),
– maladie de Wilson (pour les stérilets au cuivre) ;
l les risques infectieux et de GEU ont été évalués et les situations à risque

écartées.
Les troubles fréquents du cycle doivent être rappelés par le pharmacien :
règles abondantes avec les DIU au cuivre et aménorrhée ou spotting avec les
DIU aux progestatifs.

La contraception locale
Le préservatif masculin
C’est la contraception de choix en cas de partenaires multiples. La mauvaise
acceptabilité des préservatifs a longtemps limité leur utilisation. Leur efficacité
n’est pas parfaite, mais si les précautions d’utilisation sont observées, l’efficacité
est optimale : ne pas mettre le préservatif avant l’érection ; vérifier que le préser-
vatif est orienté dans le bon sens du déroulement ; dérouler le préservatif le long
du pénis jusqu’à la racine en manipulant seulement l’anneau avec le pouce et
l’index ; retirer le pénis du vagin rapidement après l’éjaculation en tenant le pré-
servatif et le jeter. Ne pas appliquer de produits gras sur le préservatif ou dans le
vagin (vaseline, huile minérale ou végétale, crème de soins, pommades…) ; en
cas de lubrification additionnelle, utiliser exclusivement des lubrifiants non gras,
hydrosolubles, car les produits à base de vaseline ou de corps gras risquent de
rendre le latex poreux.
C’est le seul moyen de prévention des maladies sexuellement transmissibles
(syphillis, Chlamydia, gonocoque, herpès) et, surtout, VIH.
46. La contraception 325

La contraception vaginale
n Les spermicides ont une action bactéricide et spermicide. Les ovules ou la crème
spermicides doivent être appliqués au fond du vagin au moins 10 minutes avant
le rapport ; ils assurent une protection de 4 heures. Il est impératif de s’abstenir
d’une toilette vaginale dans les 2 heures qui précèdent le rapport et dans les
2 heures qui le suivent. Les tampons et les éponges spermicides ont une effica-
cité immédiate se maintenant pendant 24 heures. Ils ne doivent jamais être reti-
rés moins de 2 heures après le rapport. Il faut s’abstenir d’une toilette intime
dans les 4 heures qui précèdent le rapport et dans les 2 heures qui le suivent
(l’utilisation de savon ou d’ovules antiseptiques pour la toilette intime détruit le
principe actif, le chlorure de benzalkonium). Les échecs de cette méthode sont
généralement liés à une mauvaise utilisation.
n Le diaphragme : la taille de cet obturateur vaginal doit être déterminée par le
médecin qui en explique le maniement correct ; le diaphragme, placé au moins
2 heures avant le rapport sexuel, doit être laissé en place au moins 6 heures
après le rapport ; bien utilisé, son efficacité est comparable à celle du stérilet.
L’efficacité de cette méthode est augmentée avec l’utilisation simultanée d’un
spermicide devant être appliquée sur les 2 faces de la cupule ; l’imprégnation
par un spermicide doit être renouvelée lors de chaque rapport.
n Le préservatif féminin : très efficace contre les MST, il nécessite une période
d’apprentissage ; il est plutôt adapté aux femmes qui ont une vie sexuelle irré-
gulière et espacée. Il doit être lubrifié sur les 2 faces.

La stérilisation
Qu’elles soient masculines ou féminines, les méthodes de stérilisation sont sus-
ceptibles, sur simple demande du couple ou de la personne concernée ou sur
proposition du médecin, d’apporter une réponse contraceptive appropriée dans
certaines situations médicales, sociales ou culturelles particulières. Elles ont
l’avantage de n’avoir aucune contre-indication permanente. En pratique, elles
doivent être présentées comme généralement irréversibles.
Le Code de santé publique précise que « la ligature des trompes ou des
canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée sur une personne
mineure ». Un délai de réflexion de 4 mois (loi n°  2001-588 du 4 juillet 2001)
doit être respecté, après décision initiale de stérilisation et recueil du consente-
ment. La signature d’un consentement éclairé est obligatoire.

Les conseils du pharmacien


Au préalable, il faut aussi rappeler d’autres recommandations éditées par l’ANAES.
La contraception œstroprogestative est l’une des méthodes de première
intention, pour les femmes ne présentant pas de facteur de risque particulier
(cardiovasculaire, hépatique, etc.) ; à cela, il faut ajouter la dangerosité de l’as-
sociation tabac et pilule.
Toutes les générations de pilules œstroprogestatives sont associées à une
augmentation du risque d’accident thrombo-embolique. Le plus grand danger,
326 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

en prescrivant une contraception œstroprogestative, qu’elle soit de 2e ou de


3e génération, est d’ignorer la présence de facteurs de risque cardiovasculaire
associés pour lesquels elle est contre-indiquée.
Il est possible d’utiliser la contraception par progestatif seul, dans certaines
situations où les pilules œstroprogestatives sont contre-indiquées, notamment
en cas de risque cardiovasculaire.
La contraception par progestatif seul est à classer, de même que les œstro-
progestatifs, au rang des méthodes efficaces dans leur emploi courant et très
efficaces en utilisation optimale. En l’état actuel, il s’agit essentiellement de la
pilule microprogestative, laquelle implique une prise rigoureuse : tous les jours
à la même heure, même pendant les règles. La bonne efficacité des méthodes
par progestatif seul doit être envisagée au regard de leur tolérance (mauvais
contrôle du cycle, risque accru de saignements, etc.).
La prise d’anti-inflammatoires au long cours (pas en cure courte) peut
réduire sensiblement l’efficacité d’un DIU par effet anti-nidatoire.
Dans le cadre des nouvelles missions du pharmacien (loi HPST), celui-ci est auto-
risé à d������������������������������������������������������������������������
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livrer des contraceptifs oraux pour une p������������������������������
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riode de 6 mois, non renouve-
lable, en cas d’ordonnance datant de moins d’un an et dont la validit��������������
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est expir���
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(avec prise en charge par l’assurance maladie si le contraceptif est remboursable).

Questions fréquemment posées


En pratique quotidienne, le pharmacien est souvent sollicité pour répondre aux
interrogations suivantes.

Que faire lorsque l’intervalle d’arrêt entre deux plaquettes a excédé 8 jours ?
Si l’intervalle d’arrêt entre 2 plaquettes a excédé 8 jours, une maturation folli-
culaire a pu se produire. L’efficacité contraceptive n’est donc plus assurée pen-
dant la prise des premiers comprimés de la plaquette suivante. Il faut
recommander à la patiente de prendre des précautions contraceptives supplé-
mentaires pendant tout le cycle.

Conduite à tenir en cas d’oubli de prise d’un ou de plusieurs comprimés


contraceptifs
Pour les EP :
l oubli de moins de 12 heures : prendre le comprimé dès le constat de l’oubli et

continuer la plaquette ;
l oubli de plus de 12 heures : prendre le comprimé et continuer la plaquette en

associant une autre contraception (préservatif) jusqu’à la fin du cycle.


Pour les microprogestatifs : les pilules doivent être prises à heure régulière
dans un intervalle de 4 heures. En cas d’oubli, continuer la prise en ajoutant
une contraception locale pendant 14 jours.

Que faire après un rapport non protégé ? Comment bénéficier de « la pilule
du lendemain » ?
Cette contraception post-coïtale ou « pilule du lendemain » doit être occasionnelle
et doit rester exceptionnelle ; il s’agit d’une contraception d’urgence. L’action
46. La contraception 327

recherchée est l’interception de l’ovule avant la nidation (d’où facteur de risque


de grossesse extra-utérine). Dans les 3 jours suivant le rapport sexuel non pro-
tégé ou mal protégé, le choix peut se porter vers la contraception œstroproges-
tative, la contraception progestative seule ou le dispositif intra-utérin ; entre le 3e
et le 5e jour, après ce rapport à risque, seul le dispositif intra-utérin est indiqué.
Dans un délai qui doit être obligatoirement inférieur à 72 heures après le rap-
port supposé fécondant non ou mal protégé, le pharmacien peut délivrer, en
dehors de toute prescription médicale, le lévonorgestrel (Norlevo*). Les condi-
tions de la délivrance à titre gratuit et anonyme de la contraception d’urgence
aux mineures par les pharmaciens d’officine ont été fixées par le décret
N° 2002-39 du 9 janvier 2002 ; celui-ci institue la gratuité de cette délivrance
pour les mineures, qu’il y ait ou non prescription médicale. Pour que soit res-
pecté l’anonymat, l’article 2 du décret prévoit que la constatation de la mino-
rité repose sur la déclaration de l’intéressée : « la minorité à laquelle est
subordonnée la gratuité de la délivrance prévue à l’article L.5134-1 est justifiée par
la simple déclaration orale faite au pharmacien par l’intéressée. ».
Le pharmacien a un devoir d’information, car le décret précise que « la déli-
vrance par le pharmacien est précédée d’un entretien visant à s’assurer que la
situation de la personne mineure correspond bien aux critères d’urgence et aux
conditions d’utilisation de cette contraception ». Il précise en outre que le phar-
macien « doit fournir à la mineure une information sur l’accès à une contraception
régulière, sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles et sur l’intérêt
d’un suivi médical » ; enfin, il complète ce devoir d’information par l’obligation
de remise « d’une documentation sur le sujet » ; « le pharmacien communique
également à la mineure les coordonnées du centre de planifaction ou d’éducation
familiale le plus proche ».
Le pharmacien devra essentiellement estimer le temps passé depuis le rap-
port sexuel non protégé et se renseigner sur la prise éventuelle d’autres traite-
ments, si la patiente n’est pas connue à l’officine (absence de dossier
pharmaceutique) ; cette dernière précaution permet de repérer des interac-
tions médicamenteuses délétères, en particulier une induction enzymatique.
Norlevo* 1,5 mg doit être administré le plus rapidement possible après le
rapport sexuel non protégé, si possible dans les 12 heures, et au plus tard dans
les 72 heures (taux d’efficacité : 95 % dans les 24 heures). Norlevo* peut être
pris à n’importe quelle période du cycle.
Après son utilisation, il est recommandé d’utiliser un moyen de contracep-
tion local (préservatif, spermicide, cape cervicale) jusqu’au retour des règles
suivantes. Il est important de le préciser aux femmes, et de leur indiquer que
l’utilisation de la contraception d’urgence doit rester occasionnelle, qu’elle ne
peut se substituer à une contraception régulière et que seul le préservatif pro-
tège des infections sexuellement transmissibles (IST).
Le pharmacien doit signaler l’existence d’effets secondaires parfois impor-
tants : nausées, vomissements, tension mammaire, céphalées, sensations verti-
gineuses, douleurs abdominales, fatigue, etc. C’est pourquoi ce type de
contraception doit rester exceptionnel.

Conseils sur la conduite à tenir après la prise de la « pilule du lendemain »


Il est important d’insister auprès de la jeune fille sur des précautions de
conduite après la prise de Norlevo*.
328 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Il faut toujours orienter vers un médecin ou un centre de planning familial,


pour choisir une contraception régulière et, éventuellement, demander un
dépistage de MST.
Remarque : la pilule du lendemain peut être délivrée par les infirmières sco-
laires dans les collèges et les lycées ; la délivrance doit être limitée aux situa-
tions d’urgence et de détresse. Les parents devront être informés, sauf si la
jeune fille s’y oppose. La patiente devra être mise en contact avec un médecin
ou un centre de planning familial et suivie psychologiquement.
La contraception médicamenteuse d’urgence n’est efficace que sur le rapport
sexuel non protégé précédent. Jusqu’aux règles suivantes, tout rapport non
protégé doit être évité ; pendant cette période, une méthode contraceptive
locale devra être utilisée (préservatif, diaphragme, spermicide, etc.). Les règles
suivantes surviennent généralement à la date prévue ; elles peuvent cepen-
dant apparaître plus tôt (15 % des cas, mais attention, des traces de sang peu-
vent survenir dès les jours suivant la contraception d’urgence : ce ne sont
pas les règles). Un retard de règles de 8 jours après la date prévue (dans 25 %
des cas, un retard de règles est observé) doit faire réaliser un test de grossesse
et consulter son médecin. La patiente devra obligatoirement consulter à
nouveau 3 à 4 semaines plus tard pour vérifier l’absence d’une grossesse
évolutive.
L’administration de Norlevo*, chez une femme ne se sachant pas enceinte,
ne compromet pas la grossesse qui pourra se poursuivre normalement, sans
risque pour l’enfant. La prise de Norlevo* est déconseillée en cas d’antécédents
de grossesse extra-utérine ou de salpingite. Dans ces situations, un avis médical
est indispensable.

La contraception d’urgence est-elle l’équivalent d’un avortement ?


La contraception d’urgence inhibe ou retarde l’ovulation, modifie l’endomètre
et le rend impropre à une éventuelle nidation. La grossesse ne commence que
lorsque l’œuf s’est fixé sur l’utérus. À partir de ce moment-là, la contraception
d’urgence est sans effet : il ne s’agit donc pas d’un avortement.

Que faire si un vomissement se produit après l’absorption d’un comprimé


contraceptif ?
Un vomissement précoce risque d’entraîner le rejet du comprimé. Il faut
recommander la prise immédiate d’un autre comprimé si le vomissement sur-
vient dans les 2 heures (voire 4 heures) après l’absorption. Pour remédier aux
nausées et aux vomissements consécutifs à la prise d’EP (devenus exception-
nels avec les EP minidosés), il est préférable de prendre le comprimé avant le
repas du soir.

Que faire en cas de nausées ou de vomissements survenant chez une femme


prenant des estroprogestatifs (EP) ?
Les troubles digestifs sont rares avec les produits minidosés. Ils sont parfois
observés en début de traitement, lors des 3 premiers cycles et disparaissent sou-
vent spontanément. Il faut donc : rassurer la femme et lui expliquer le caractère
transitoire du phénomène, lui recommander de ne pas interrompre la médi-
cation, conseiller la prise des comprimés avant le repas du soir pendant quelque
temps, ce qui suffit souvent pour faire disparaître les troubles.
46. La contraception 329

Quelle doit être la durée de l’intervalle d’arrêt entre 2 plaquettes de


contraceptifs oraux ?
Les contraceptifs oraux sont présentés sous forme de plaquettes de 21 ou de
22 comprimés. L’intervalle d’arrêt entre chaque plaquette doit être fixe, afin
d’éviter tout risque d’erreur. Il sera de 7 j si les plaquettes contiennent 21 com-
primés et de 6 jours pour celles de 22 comprimés.
Remarque : certaines plaquettes comptent 28 comprimés, dont 24 actifs et
4 comprimés hormonalement neutres, évitant ainsi l’arrêt entre 2 plaquettes.

Les tests de grossesse sont-ils praticables pendant la prise d’EP ?


Les réactions biologiques ou immunologiques de grossesse consistent à mettre
en évidence dans le sang ou les urines de la femme la présence de gonadotro-
phines chorioniques. La prise d’œstroprogestatifs ne perturbe absolument pas
ces réactions, qui conservent donc leur valeur chez les femmes soumises aux
inhibiteurs de l’ovulation.
Les tests vendus en pharmacie s’utilisent à partir des urines. Le test peut être
pratiqué à partir du premier jour de retard des règles (le faire plus tôt serait
une erreur, car l’ovulation peut être retardée et les avortements spontanés sont
fréquents en début de grossesse).
Le test doit être réalisé sur les urines du matin en conseillant à la personne
de boire peu la veille pour augmenter la concentration des urines (en gras). La
lecture est aisée et rapide : il s’agit de lire soit un signe, soit un point, une barre
ou un changement de couleur d’un liquide ou d’une bandelette. Un résultat
positif devra être confirmé par un dosage sanguin en laboratoire ; devant un
résultat négatif, en présence d’un retard de règles, le pharmacien devra orien-
ter la patiente vers la consultation médicale.

À partir de quel moment commence la protection ?


Si la première pilule de la première plaquette a été prise le premier jour des
règles, la protection a lieu dès la prise de la première pilule.

Comment décaler la survenue des règles (vacances, etc.) ?


Pour décaler d’une semaine, par exemple, il suffit de ne pas respecter la
semaine d’intervalle et donc de démarrer une nouvelle plaquette dès la fin de
la précédente ; les règles reviendront à l’arrêt de la prise de la pilule, à la fin de
cette dernière plaquette.
Dans le cas de prise de pilule en continu (sans semaine d’intervalle), il faut pas-
ser les pilules placebo (couleur différente) et commencer une nouvelle plaquette.

Comment arrêter la pilule pendant plusieurs mois et la reprendre après ?


Aucune difficulté, il sera préférable d’arrêter en fin de plaquette ; pour la
reprendre, il sera impératif de démarrer le premier jour des règles.

L’ingestion accidentelle massive de comprimés œstroprogestatifs par un


enfant est-elle dangereuse ?
La toxicité aiguë des EP est pratiquement nulle. Le seul incident possible est la
possibilité transitoire de gynécomastie ou la survenue, chez la fillette, d’une
légère métrorragie qui cédera spontanément. Cette circonstance ne nécessite
aucune mesure thérapeutique particulière.
330 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Remarque : le site internet www.Pilado.com permet de trouver des informa-


tions sur la contraception ainsi que sur les MST.

La prise d’autres médicaments peut-elle altérer l’efficacité de la


contraception ?
Deux notions importantes doivent être en mémoire :
l Certains médicaments peuvent diminuer l’efficacité des contraceptifs oraux,

comme les inducteurs enzymatiques (phénobarbital, phénytoïne, rifadine, rifam-


picine, etc.) ou certains antirétroviraux comme le ritonavir.
l Certains médicaments ont leur activité ou leur toxicité augmentée (ciclosporine,

flunarizine) ou diminuée (insuline, metformine, sulfonylurées) par les contracep-


tifs oraux ; ils nécessitent une adaptation éventuelle de leur dose.
l La prise d’AINS au long cours peut diminuer l’efficacité du stérilet (risque d’at-

ténuer l’inflammation de l’endomètre et de diminuer l’efficacité du DIU).


l Éviter de prendre de l’aspirine (risque hémorragique).
47 La ménopause

La pathologie
Le terme ménopause signifie étymologiquement « arrêt des règles », et désigne
ainsi la période qui survient au moment où les ovaires arrêtent de produire les
hormones de la reproduction : estrogène et progestérone.
La ménopause est un événement physiologique survenant chez la femme
adulte, l’âge moyen se situant autour de 50-51 ans. En France, plus de 10 millions
de femmes sont concernées et 50 % des femmes le seront en 2025 !
La ménopause confirmée ne s’installe pas brutalement. Elle est généralement
précédée par une période de perturbation du cycle : la périménopause.
Chronologiquement, 3 éléments sont indispensables pour la compréhension de
la physiologie de la ménopause :
n apparition d’une résistance ovarienne aux gonadotrophines (FSH et LH) ;
n épuisement du capital folliculaire ovarien ;
n carence œstrogénique.
La périménopause, précédant la ménopause est due à des perturbations hor-
monales liées à l’épuisement du capital folliculaire ovarien :
n baisse de la sensibilité ovarienne aux gonadotrophines ;
n diminution de la sécrétion de progestérone engendrant une insuffisance
lutéale et donc à un état d’hyperœstrogénie relative ;
n diminution progressive de la sécrétion de 17-œstradiol engendrant des trou-
bles de l’ovulation et ainsi des cycles dysovulatoires puis anovulatoires.
Les manifestations cliniques liées à l’état d’hyperœstrogénie relative sont des
perturbations du cycle menstruel : cycles irréguliers et de durée anormale, métror-
ragies et/ou ménorragies.
Le diagnostic de ménopause est posé sur la simple observation clinique : elle cor-
respond à un épuisement du capital folliculaire ovarien avec arrêt du fonctionne-
ment des ovaires. Sur le plan clinique, les femmes présentent une aménorrhée et
des troubles génito-urinaires progressifs (sécheresse vaginale, dyspareunie d’in-
tromission, infections urinaires…) associés à des signes climatériques (bouffées de
chaleur durant de 8 à 10 minutes et récidivantes, sudation en particulier noc-
turne, troubles de l’humeur à type d’irritabilité, insomnie, prise de poids de 2 à
10 kg, baisse de la libido).
Après une année sans menstruations, la femme entre en période de postmé-
nopause. Les œstrogènes sont effondrés et les gonadotrophines constamment
élevées. Une disparition progressive des signes climatériques va être observée.
En revanche, les troubles génito-urinaires vont persister.
Du fait de la carence œstrogénique, une accélération de la perte osseuse et
une augmentation du risque cardiovasculaire sont observées.
332 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Quels sont les risques liés à la ménopause ?


Le risque cardiovasculaire
La femme a un risque cardiovasculaire 15 fois moindre que l’homme entre 45 et
50 ans. Après la ménopause, ce risque augmente pour rejoindre celui de
l’homme vers 70-75 ans. Les modifications du risque cardiovasculaire sont attri-
buables à :
n une augmentation du taux de cholestérol corrélée à la durée ;
n une diminution du rapport HDL/LDL ;
n une augmentation du taux des triglycérides ;
n une diminution de la tolérance aux sucres ;
n une augmentation des facteurs thrombogènes cardiovasculaires (attribuable à
la carence œstrogénique).

Le risque osseux
La masse osseuse s’acquiert progressivement au cours de la croissance de la nais-
sance à l’âge de 25 ans. Une phase de plateau est observée ensuite jusqu’à
35 ans. Puis, par diminution de l’activité ostéoblastique, débute une phase de
perte osseuse de 0,2 à 0,5 % par an. Chez la femme, à la ménopause (du fait de
la carence œstrogénique), elle s’accélère brutalement pour atteindre un rythme
de perte osseuse de 3 à 5 % par an pendant 5 à 10 ans. Ensuite, la perte osseuse
reprend son rythme habituel de 0,2 à 0,3 % par an. La perte osseuse ménopau-
sique touche surtout l’os trabéculaire (vertèbre) ; l’os cortical (col du fémur)
étant beaucoup moins touché.
L’ostéoporose correspond à une diminution de la masse osseuse avec alté-
ration de la microarchitecture du tissu osseux. La masse osseuse est explorée par
ostéodensitométrie, la microarchitecture de l’os seulement par biopsie. Le
tableau 47.1 ci-dessous définit, selon l’OMS, l’ostéoporose en fonction des
résultats de l’ostéodensitométrie.
La conséquence est l’apparition de fracture pour des traumatismes bénins. Les
sites les plus fréquents sont le poignet (fracture de Pouteau-Colles vers 60 ans), les
vertèbres (vers 70 ans, responsables d’une diminution de la taille du sujet et d’un
déplacement en position antérieure du centre de gravité du sujet engendrant
d’autres tassements vertébraux), du col du fémur (vers 80 ans, cervicale vraie avec
risque de nécrose de la tête fémorale, ou per-trochantérienne). D’autres fractures,
comme celles du bassin ou des pieds sont possibles, mais moins typiques.

Tableau 47.1

Normalité Densité minérale osseuse (DMO) de


moins d’un écart type par rapport à
celle de l’adulte jeune (T-score > -1 DS)
Ostéopénie 1 DS  T-score   2,5 DS
Ostéoporose T-score  2,5 DS
Ostéoporose sévère T-score   2,5 DS et présence d’une ou
plusieurs fractures
47. La ménopause 333

Un certain nombre de facteurs de risque associés à la survenue de l’ostéo-


porose a été répertorié ; les plus fréquents sont les suivants :
n puberté tardive ;
n nulliparité ;
n longue période sans règles (sujet anorexique) ;
n précocité de la ménopause (facteur familial, facteur iatrogène comme la
chimiothérapie anti-cancéreuse) ;
n corticothérapie prolongée ;
n tabagisme, alcoolisme ;
n antécédent de fracture spontanée ;
n faible capital osseux de départ ;
n BMI faible (synthèse d’œstrogène à partir du cholestérol présent dans le tissu
adipeux via une aromatase) ;
n sédentarité ;
n stress ;
n carence calcique.

Les troubles cognitifs et la qualité de vie


L’ostéoporose peut être responsable d’une altération de la qualité de vie repré-
sentée par le bien être physique, mental et social.

Le conseil face à la pathologie


L’apparition de la ménopause ne marque ni la fin de la féminité d’une femme,
ni la fin de sa sexualité : seule la fécondité est concernée. Lorsque les signes
accompagnateurs (bouffées de chaleur, etc.) sont mal ressentis par la patiente,
lorsqu’il existe des risques pathologiques potentiels (ex. : ostéopénie) augmen-
tés par la survenue de la ménopause, il faut encourager la patiente à consulter
son médecin qui jugera de l’opportunité de mettre en route un traitement
hormonal substitutif adapté, personnalisé.
Dans tous les cas, il faut recommander une bonne hygiène de vie :
l activité physique (30 à 45 minutes de marche rapide par jour) pour la pré-

vention des risques cardiovasculaires et osseux ;


l ne pas fumer ;

l hygiène alimentaire : calcium 1 200 à 1 500 mg/j et vitamine D ;

l consommation de phyto-œstrogènes (ex : isoflavone). Ce sont des compléments

alimentaires (n’ayant pas l’AMM des médicaments). Leur efficacité est discutée
et des réserves ont été émises par l’Afssaps.

La thérapeutique
Le traitement hormonal substitutif (THS) permet de supprimer la plupart des troubles
vasomoteurs et fonctionnels (bouffées de chaleur, sudations, troubles du sommeil,
nervosité, etc.) dont se plaignent les femmes en période de ménopause. L’objectif
du traitement est d’obtenir un THS personnalisé, c’est-à-dire bien accepté, bien
compris, bien toléré et efficace sur la symptomatologie en respectant les contre-
indications (Tableau 47.2).
334 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Tableau 47.2

Contre-indication du THS
1. Cancer du sein. Tumeurs œstrogénodépendantes
2. Accident thromboembolique veineux, en évolution ou récidivant
3. Hémorragie génitale
4. Thrombose artérielle grave : AVC ; infarctus du myocarde
5. Affection hépatique aiguë/chronique

Le THS fait appel :


n aux œstrogènes (patchs hebdomadaires et bihebdomadaires ; gel ; voie orale ;
voie nasale ; voie vaginale) : c’est l’œstrogène physiologique, le 17-estradiol,
qui est utilisé le plus souvent. En l’absence de risques vasculaires, le meilleur
choix (patch, gel, comprimé) est celui qui recueille l’adhésion de la patiente,
ce qui permettra une meilleure observance. Les traitements par patchs ont
l’avantage de maintenir un taux d’estradiol stable pendant la durée du traite-
ment et, à effet thérapeutique égal, les doses administrées sont moins élevées
qu’avec les autres voies d’administration.
L’ajustement de la posologie œstrogénique s’appuie essentiellement sur la clini-
que : il faut savoir reconnaître les signes de surdosage (mastodynie, sensation de
« gonflement », œdèmes, anxiété, nervosité, irritabilité) et les signes de sous-
dosage (bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, asthénie, tendance dépressive).
n et aux progestatifs (voie orale) : la progestérone naturelle ou l’un de ses dérivés
est prescrite à la posologie préconisée par les laboratoires, quelle que soit la
posologie estrogénique définie. Dans tous les cas, la durée de la séquence
progestative ne doit pas être réduite et être au moins égale à 10 jours (ou
mieux 12 jours), par cycle de traitement.
Remarque : les femmes ayant subi une hystérectomie ne peuvent recevoir que des
œstrogènes, les progestatifs n’étant prescrits que pour leurs effets anti-œstrogènes.
Trois schémas thérapeutiques peuvent être proposés :
n le schéma séquentiel discontinu, le plus classique et le mieux toléré. Il com-
prend l’administration d’un œstrogène (patch, 2 fois par semaine ; gel ou
comprimé tous les jours) pendant 25 jours par mois et l’administration d’un
progestatif pendant les 12 à 14 derniers jours du traitement estrogénique (ce
schéma respecte la survenue des règles) ;
n le schéma « combiné-continu » comprend l’administration sans interruption
d’un œstrogène et l’administration d’un progestatif à mi-dose ; ce schéma
présente l’avantage de ne pas faire apparaître d’hémorragie de privation (trai-
tement sans règles), mais présente l’inconvénient de l’apparition de fré-
quentes métrorragies pendant les premiers mois du traitement, assez mal
supportées par les patientes ;
n le schéma « combiné-discontinu » comprend l’administration d’un œstrogène
pendant 25 jours par mois et l’administration d’un progestatif à mi-dose.
Remarque : toutes les femmes ne souhaitent pas voir leurs menstruations dis-
paraître au moment de la ménopause ; rappelons que les pertes sanguines sous
47. La ménopause 335

THS ne sont pas des vraies règles, mais il s’agit d’une hémorragie de privation
due à l’élimination progressive de l’endomètre en manque d’hormones.
Dans le cas du traitement « sans règles », le traitement hormonal est pris quoti-
diennement, durant tout le mois, sans aucune interruption. Dans la version
« avec », il n’est suivi que pendant vingt à vingt cinq jours par mois ; il en résulte
que lorsque le traitement est suspendu, les règles surviennent sur une période varia-
ble (entre trois et six jours) et s’arrêtent à la reprise du traitement.
La durée d’un THS fait toujours l’objet de débats. Les effets protecteurs du
traitement concernent la masse osseuse, qui est maintenue et le risque fractu-
raire qui est divisé par 2 ou 3.
Dans une mise au point récemment actualisée sur le traitement hormonal
substitutif de la ménopause, l’Afssaps répond aux interrogations suivantes.

Quel est le rapport bénéfice/risque du THS en fonction


des indications (recommandations de l’Afssaps) ?
Chez les femmes souffrant de troubles du climatère
Le rapport bénéfice/risque du THS reste favorable dans les troubles du climatère
perçus par la patiente comme altérant sa qualité de vie.
Dans cette situation, le traitement peut être instauré si la femme le souhaite, à la
dose minimale efficace. Le choix de la durée optimale du traitement n’est pas clai-
rement établi. Le collège des gynécologues obstétriciens français recommande de
limiter la prescription à 5 ans et d’évaluer tous las ans la balance bénéfice/risque.
À l’instauration du traitement, les patientes doivent être clairement informées
des risques afférents au traitement.

Chez les femmes ménopausées ayant des facteurs de risque


d’ostéoporose
Dans la prévention du risque fracturaire, le rapport bénéfice/risque du THS, quel
que soit le produit envisagé, est défavorable sur la base des données actuelle-
ment disponibles.
Chez ces femmes, il faut donc se tourner vers une autre alternative médica-
menteuse comme les SERM (raloxifène) ou les biphosphonates.

Chez les femmes ménopausées en bonne santé sans trouble


du climatère et sans facteur de risque d’ostéoporose
Dans cette situation, la prescription de THS n’est pas recommandée, en raison
d’un rapport bénéfice/risque défavorable.

Résultats établis sur le THS (rapport de l’Afssaps)


Ce qui est établi en termes d’efficacité
Dans ce même rapport, l’Afssaps précise encore ce qui est établi en termes d’ef-
ficacité et de risques du THS.
Troubles du climatère
L’efficacité du THS dans le traitement des troubles du climatère, notamment sur
les symptômes vasomoteurs, a été largement démontrée.
336 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Ostéoporose
Effet sur la densité osseuse
La perte osseuse, qui est associée à un risque fracturaire, est rapide, la première
année de ménopause. Le THS permet de prévenir cette perte osseuse et l’effet
est dose-dépendant. À l’arrêt du THS, la perte osseuse reprend au rythme
physiologique.
Effet sur les fractures
Le THS est le seul traitement ayant démontré son efficacité dans la prévention pri-
maire des fractures ostéoporotiques, dans la population générale (en l’absence de
mesure de la densité minérale osseuse – DMO). Le bénéfice antifracturaire (en ter-
mes de risque relatif) est identique, quel que soit le risque fracturaire initial. La
durée, après l’arrêt du traitement et pendant laquelle le risque fracturaire est réduit,
n’est pas connue, mais il semble qu’elle ne soit pas supérieure à quelques années.
Il n’est pas établi non plus qu’un THS administré en début de ménopause pré-
vienne les fractures à distance de l’arrêt du traitement.
Enfin, il n’y a pas ou peu de données d’efficacité sur la prévention des fractu-
res en cas de ménopause précoce, de DMO basse, ainsi que chez les femmes
ayant des antécédents de fractures vertébrales.
Cancer colorectal
Actuellement, les données sont trop limitées pour se prononcer sur un éventuel
effet protecteur du THS sur la survenue d’un cancer colorectal, notamment sur
la durée de cette protection.

Ce qui est établi en termes de risques


Risque thromboembolique veineux
Le THS augmente le risque thromboembolique veineux (phlébite, embolie pul-
monaire), surtout la première année de traitement, ce qui nécessite de respecter
scrupuleusement les contre-indications de prescription. Ce risque augmente
avec l’âge. Les antécédents familiaux thromboemboliques veineux représentent
un facteur de risque à prendre en considération.
Cancer du sein
Le risque de cancer du sein est corrélé à l’imprégnation estrogénique, qui
dépend, d’une part, de la durée de la période qui se situe entre la puberté et la
ménopause, d’autre part, de la dose et la durée d’un éventuel traitement estro-
génique (par exemple, la contraception orale). Le THS prolonge l’imprégnation
estrogénique naturelle, et place la femme traitée dans une catégorie de risque
supérieur à celui d’une femme de même âge non traitée.
Le risque de cancer du sein est plus important chez les patientes traitées par l’as-
sociation estrogène/progestatif que chez les patientes traitées par estrogène seul. Il
diminue dès l’arrêt du THS pour disparaître progressivement dans les 5 ans, au plus.

Ce qui reste à préciser


Cancer de l’ovaire
Quelques données suggèrent que le THS pourrait être associé à une augmenta-
tion du risque de cancer de l’ovaire, mais ceci reste à confirmer. Ce risque sur-
viendrait après 10 ans.
47. La ménopause 337

Risque cardiovasculaire
Les nouvelles données confirment que le THS ne protège pas du risque d’acci-
dent coronaire, et entraînerait même une augmentation du risque d’infarctus du
myocarde et d’accident vasculaire cérébral au cours de la première année de
traitement, chez les femmes sans antécédents cardiovasculaires. Cette augmen-
tation du risque d’accident ischémique a été observée chez des femmes de plus
de 60 ans.
Troubles cognitifs
Contrairement à ce qui était attendu, il n’y a pas aujourd’hui de données met-
tant en évidence un effet protecteur du THS sur les troubles cognitifs. Le THS
pourrait même accroître le risque de démence (chez des femmes de plus de
65 ans).

Le conseil face à la thérapeutique


Le pharmacien sera fréquemment sollicité pour informer la patiente sur les ris-
ques et l’efficacité du THS ; les principales données du rapport de l’Afssaps
énoncées ci-dessus lui permettront d’aider la patiente à envisager une décision
de traitement. Un autre rôle du pharmacien sera celui d’encourager les patien-
tes à poursuivre un traitement initialisé.
Des conseils relatifs à l’administration peuvent être prodigués selon la forme
galénique choisie :
l l’utilisation du gel requiert certaines précautions d’emploi : le gel doit être bien

étalé, une fois par jour, sur une grande surface, sans frotter ; il doit être étalé sur
des zones dépourvues de graisse (bras, avant-bras, épaule, etc.), jamais sur les
seins. Il est fortement conseillé de faire l’application le matin plutôt que le soir
pour ne pas « faire profiter » au partenaire de l’effet de l’estrogène qui pourrait
se traduire par la survenue d’une gynécomastie ;
l le patch doit être appliqué sur une zone (jamais la même 2 fois de suite)

dépourvue de plis et non exposée aux frottements ; il sera renouvelé 1 ou 2 fois


par semaine selon la spécialité. Les patchs sont imperméables à l’eau, et autori-
sent donc les bains et les douches.
Le pharmacien peut contribuer à la vérification d’une bonne surveillance cli-
nique et para-clinique (mammographie indispensable).
Certains conseils généraux peuvent être prodigués avec le traitement,
notamment des conseils hygiénodiététiques : alimentation équilibrée (supplé-
mentée en vitamines si cela est nécessaire), activité physique régulière.
Le pharmacien doit mettre en garde la patiente devant l’usage de phytœs-
trogènes qui sont des produits non évalués pour la thérapeutique de la
ménopause.
Pour pallier les inconvénients de la sécheresse vaginale, il est possible de pré-
coniser pour les rapports sexuels, l’utilisation d’un lubrifiant comme Try ou
Sensilub.
48 Les maladies sexuellement
transmissibles
Le sida
Les maladies sexuellement transmissibles (MST) constituent une menace pour la
santé publique car elles sont en nette recrudescence. En effet, si la syphilis et la
gonococcie étaient en régression ces dernières années, elles sont maintenant en
nette expansion, de même que les infections à Chlamydiae (première cause de
MST d’origine bactérienne, dans le monde), l’herpès génital, les lésions virales
dues aux papillomavirus, les hépatites. Leurs conséquences sont graves et peu-
vent entraîner des séquelles irréversibles et préoccupantes : salpingite, vulvo-
vaginite mycosique, trichomonase urogénitale, stérilité, grossesse extra-utérine,
cancer du col utérin, etc. La pandémie de sida ne laisse aucun continent
indemne : chaque jour, quelque 5 000 nouveaux cas d’infection se déclarent
dans le monde. La prévention en direction des jeunes est une priorité. Comme
le médecin, le pharmacien doit, autant qu’il est possible, informer et conseiller
tant au niveau de la prévention qu’au niveau des risques encourus face à la
négligence, l’ignorance ou l’indifférence.

Les conseils fondamentaux


Le seul moyen efficace de prévention est le préservatif : il est non seulement un
moyen de contraception, mais aussi un moyen de protection des risques de
transmission du VIH et des autres germes sexuellement transmis. Il protège
l’homme et la femme des contaminations sexuelles : l’effet anti-MST du préser-
vatif masculin est d’autant plus efficace qu’il est associé à un spermicide utilisé
au même moment par la partenaire. Toutefois, le préservatif n’apporte pas de
protection de la région périanale ou vulvaire et son efficacité vis-à-vis de l’herpès
reste imparfaite. Concernant le condylome génital et l’herpès, le préservatif
féminin devrait (en théorie) assurer une meilleure sécurité du fait qu’il recouvre
une partie plus importante des organes génitaux externes.
Rappels des signes significatifs d’une MST féminine :
n des leucorrhées qui représentent souvent le premier motif de consultation ;
n une urétrite souvent asymptomatique quand elle est isolée ou responsable de
brûlures mictionnelles et de pollakiurie ;
n une vulvite souvent d’origine mycosique ;
n une bartholinite qui se manifeste par une tuméfaction vulvopérinéale doulou-
reuse accompagnée de signes inflammatoires cutanés.
La contamination par le VIH met en jeu le sperme mais aussi les sécrétions du
col, du vagin, de la vulve. Le VIH se transmet principalement lors de rapports
sexuels non protégés ; comme les autres MST, il se transmet aussi par contact
avec du sang ou des produits sanguins infectés et par transmission périnatale
(contact d’une mère infectée avec son enfant avant, pendant ou peu après la
naissance).
340 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Le pharmacien, acteur de la prévention du sida, doit savoir diffuser un certain


nombre d’informations.

Au niveau de la transmission du VIH


Le sang et le sexe sont en premier lieu les deux modes majeurs de
contamination.
n Il faut éviter tout contact entre son propre sang et celui d’autrui. Un sujet
toxicomane, dans l’incapacité de se désintoxiquer, ne devra utiliser que ses pro-
pres seringues et ne jamais les prêter. Le pharmacien peut lui proposer Steribox*.
n Il faut avoir un comportement sexuel responsable, c’est-à-dire, soit une rela-
tion exclusive avec un partenaire indemne et strictement fidèle, soit être utilisa-
teur systématique de préservatifs. Il faut à tout prix éviter de jouer à la roulette
russe : s’il est vrai que chaque rapport avec un sujet contaminé n’est pas systé-
matiquement contaminant, il est vrai aussi (les médecins le constatent tous les
jours) qu’un seul rapport — et parfois le premier — peut suffire pour contracter
la maladie : d’où la nécessité absolue de se protéger en toutes circonstances.
n Il faut bien noter que, chez la femme, le sang des règles combine les deux ris-
ques sang/sexe.
n Le lait maternel transmet le virus : l’allaitement est donc formellement décon-
seillé aux mères séropositives.
n La salive, les larmes, de même qu’en général tous les liquides corporels et les
déjections peuvent, chez un sujet contaminé, contenir le VIH ; cependant, pour
que la transmission soit possible, il faudrait que les contacts soient prolongés
avec le produit contaminant.
n Les moustiques ne sont pas transmetteurs.

Au niveau de la vie quotidienne


Le VIH ne se transmet pas au cours des actes de la vie courante. La maladie n’est
pas contagieuse. Les sujets atteints ne doivent pas être isolés des autres person-
nes. La maladie ne doit pas être dissimulée car cela complique et fausse l’action
pour la prévention et la prise en charge.
Le contact lors de la vie quotidienne avec un sujet séropositif ou malade, même
en famille, ne comporte aucun danger. On peut sans aucun risque : serrer la main
d’un séropositif ou d’un malade, les embrasser, utiliser le même téléphone, les
mêmes toilettes ; un verre, un couvert, une serviette, des draps mal lavés… ne
communiquent pas la maladie.
Le partage d’objets pouvant être en contact avec du sang (brosse à dents, rasoir,
mouchoir, etc.) doit être évité. Si un sujet atteint se blesse, la plaie doit être immé-
diatement pansée ; les objets tachés de sang seront lavés à l’eau de Javel
ménagère ou à l’alcool à 90 °. Une lessive ordinaire suffit à décontaminer le linge.
Si les piscines, les salles de sport, les appareils de musculation, le sauna, sont
sans danger, la pratique des « sports de contact » (boxe, rugby et autres sports
collectifs violents) peut transmettre le virus, par les blessures provoquées.
Le don du sang par les personnes indemnes est sans danger, car les matériels
utilisés pour les prélèvements (aiguilles, tubulures) sont à usage unique.
Certaines professions comme les acupuncteurs, les dentistes, les gynécologues,
les pédicures, sont concernées en premier lieu : l’utilisation de matériel jetable, à
48. Les maladies sexuellement transmissibles 341

usage unique ou stérilisable apporte une grande sécurité tant pour le patient
que pour l’opérateur. Chez le coiffeur, c’est surtout le rasoir qui pourrait être mis
en cause (préconiser le rasoir jetable).

Au niveau des pratiques sexuelles


Le baiser est sans danger s’il est superficiel ; il comporte des risques s’il devient
« profond » car la salive contaminante peut se trouver en contact avec une
muqueuse buccale très souvent porteuse de lésions minimes.
La muqueuse vaginale, de même que les muqueuses génitales masculines, est
favorablement réceptrice au passage du virus, sans effraction.
La sodomie est doublement dangereuse : la muqueuse rectale est fine et riche-
ment vascularisée ; malmenée par les pratiques sodomiales, elle peut subir des
lésions qui seront de véritables portes ouvertes à la contamination.
Les pratiques « bucco-génitales » mettent en contact la bouche, la langue et
leur muqueuse avec le sexe masculin ou féminin : elles sont dangereuses pour les
deux partenaires. Le préservatif est la seule protection pour le sexe masculin ;
l’abstention est donc de rigueur pour ce type de pratiques avec une femme dont
la séropositivité n’est pas prouvée.
Les facteurs aggravants sont représentés essentiellement par la multiplicité des
partenaires et la présence chez l’un ou l’autre des intéressés, d’une autre MST :
la présence d’une inflammation ou de lésions amoindrit les défenses générales
de l’organisme.
La fausse sécurité et les fausses solutions : le sujet contaminé n’est pas for-
cément malade ; chez certains adultes, la maladie peut mettre plus de 10 ans à
se développer : attention à la transmission « occulte » pendant la période clini-
que muette. Ne jamais se fier à la bonne mine du (de la) partenaire, a fortiori si
celui (celle)-ci est une rencontre occasionnelle.
Ni la pilule contraceptive, encore moins le stérilet ne protègent de la contamina-
tion ; le stérilet aurait plutôt tendance à favoriser les infections. Le retrait avant
l’éjaculation, les ablutions immédiates après l’acte sexuel sont totalement ineffi-
caces, contrairement à l’usage de certains spermicides qui possèdent in vitro un
pouvoir virucide : ils peuvent être utilement utilisés, mais en complément du
préservatif qui, il faut toujours le rappeler, est actuellement le seul système de
prévention efficace dans la lutte contre le sida.
Chacun peut contribuer à maîtriser la pandémie en s’éduquant, en éduquant les
autres et en les incitant (notamment les jeunes) à changer leur comportement
sexuel. Le risque de survenue d’une MST doit conduire le sujet à consulter son
médecin dès que l’un des symptômes suivants apparaît : un écoulement puru-
lent à l’extrémité de la verge, une brûlure lors de l’émission d’urine, un bouton
sur les organes génitaux, une inflammation, une démangeaison vaginale, une
douleur du bas-ventre ou lors des rapports sexuels, un écoulement anal… et
aussi, si le partenaire semble (ou est) atteint. Quel que soit le symptôme, ne
jamais pratiquer d’automédication.

Modalités de prescription des antirétroviraux


Depuis le 30 octobre 1997, les antirétroviraux peuvent être dispensés en officine. Les
antirétroviraux sont des médicaments à prescription initiale hospitalière (PIH)
342 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

annuelle ; un grand nombre d’entre eux est disponible en ville, qu’il s’agisse des
inhibiteurs de la transcriptase inverse (didanosine, lamivudine, zalcitabine, etc.)
ou des inhibiteurs de la protéase virale (indinavir, ritonavir, etc.).

Initiation
La première prescription d’un traitement antirétroviral est faite par un médecin
hospitalier. Lors d’une consultation à l’hôpital. Une ordonnance est alors établie.
Le renouvellement du traitement antirétroviral est assuré par le médecin de ville
ou par le médecin hospitalier.

Renouvellement
À l’issue de la durée de la première prescription du traitement antirétroviral, une
nouvelle consultation médicale est nécessaire pour renouveler le traitement.
Cette consultation peut avoir lieu à l’hôpital ou auprès d’un médecin de ville qui
peut renouveler le traitement pendant un an à compter de la date de la dernière
prescription hospitalière.
En conséquence, le malade doit consulter le médecin hospitalier au minimum
une fois par an, afin de faire le point et d’évaluer le traitement. Le malade peut,
bien entendu, le consulter plus souvent, si besoin est, par exemple pour une
éventuelle modification du traitement.
La présentation de la dernière ordonnance hospitalière au médecin de ville est
nécessaire pour que celui-ci rédige l’ordonnance de renouvellement.

Modalités de renouvellement des antirétroviraux


(Tableau 48.1)

Tableau 48.1  

Type de Lieu de Documents à présenter au


prescription prescription pharmacien
Prescription Initiation du Hôpital – Ordonnance hospitalière
initiale traitement – Carte d’assuré(e) social(e)
hospitalière (PIH) Modification mentionnant la durée
du traitement des droits ou carte d’aide
médicale ou décision
d’admission à l’aide médicale
précisant la date d’effet et la
durée de validité de la prise
en charge.
Renouvellement Hôpital – Ordonnance hospitalière de
du traitement renouvellement (elle a valeur
de PIH).
(Suite)
48. Les maladies sexuellement transmissibles 343

Tableau 48.1 (Suite)

Type de Lieu de Documents à présenter au


prescription prescription pharmacien
– Carte d’assuré(e) social(e)
mentionnant la durée
des droits ou carte d’aide
médicale ou décision
d’admission à l’aide médicale
précisant la date d’effet et la
durée de validité de la prise
en charge.
Renouvellement Ville – Ordonnance hospitalière
du traitement datant de moins d’un an.
– Ordonnance de
renouvellement de ville.
– Carte d’assuré(e) social(e)
mentionnant la durée
des droits ou carte d’aide
médicale ou décision
d’admission à l’aide médicale
précisant la date d’effet et la
durée de validité de la prise
en charge.

Analyse de l’ordonnance, délivrance et conseils pharmaceutiques

Mentions permettant d’identifier le prescripteur


Lorsqu’un malade présente une ordonnance pour un traitement antirétroviral,
le pharmacien doit vérifier les points suivants :
l Nature du prescripteur.

l Date de la prescription.

l Durée du traitement.

l Date de fin de validité de la PIH.

l Signature.

Le médecin doit préciser le nom, le prénom, le sexe et le poids du malade.


La connaissance du poids du malade est primordiale car elle permet d’évaluer
l’état nutritionnel du malade (amaigrissement).

Mentions concernant le traitement


l Le médecin doit clairement indiquer le nom du médicament avec le dosage et la
forme pharmaceutique choisis. L’utilisation du sigle (3TC, AZT…) de la dénomi-
nation commune internationale (DCI) n’est pas admise car elles peuvent être la
source d’une confusion entre les différentes spécialités.
344 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Pour chaque médicament le médecin doit préciser les conditions particu-


lières d’utilisation : le nombre et le moment des prises.
l Tous les médicaments prescrits doivent être inscrits sur la même ordonnance afin

de faciliter la recherche des interactions médicamenteuses, et de permettre l’éla-


boration du plan de prises le plus adapté. S’il s’agit d’un renouvellement d’ordon-
nance par un médecin de ville, il faut demander la prescription initiale hospitalière ;
le pharmacien pourra ainsi constater que celle-ci est conforme à la PIH. Si le
médecin a apporté une modification quelconque à la PIH, l’ordonnance est irrece-
vable. Il faut contacter le médecin pour éclaircir ce point. Si l’état du patient
nécessite une modification du traitement, le malade doit se rende auprès de son
médecin hospitalier pour que ce dernier procède aux changements nécessaires.

Droits des patients infectés par le VIH


Tout patient assuré social qui le demande, y compris s’il est asymptomatique,
bénéficie de la prise en charge à 100 % des soins et médicaments liés à l’infec-
tion à VIH, qui constitue une affection à longue durée (ALD).
Les antirétroviraux sont pris en charge à 100 % par l’assurance-maladie, que
le malade soit ou non exonéré du ticket modérateur au titre d’une affection de
longue durée (ALD). Partout en France, les malades peuvent bénéficier d’une
dispense d’avance de frais.
Pour aider les malades dans leurs démarches administratives, le pharmacien
peut conseiller aux malades de s’adresser à :
l un(e) assistant(e) social(e) de secteur correspondant au domicile du malade ou à

celle de l’hôpital ;
l une association ou à tout organisme agréé à cet effet dans le département.

Aide médicale
L’aide médicale est accordée sous conditions de ressources :
l aux personnes de nationalité française résidant en France, l’aide médicale couvre

l’ensemble des soins à domicile ou hospitaliers ;


l aux personnes de nationalité étrangère résidant en France ;

L’aide médicale hospitalière concerne l’ensemble des soins d’hospitalisation.


Elle donne accès également à toutes les consultations externes, pourvu que
celles-ci soient effectuées dans un établissement de santé (public, privé partici-
pant au service public hospitalier ou privé conventionné).
L’aide médicale permet également d’obtenir les médicaments à la pharmacie
de l’hôpital ou à la pharmacie de ville ; de même, les analyses médicales prescri-
tes dans le cadre de cette consultation externe peuvent être effectuées en ville.
Enfin, l’aide médicale à domicile permet la prise en charge des dépenses de
soins « de ville ».

Conseils pour une prise optimale des antirétroviraux : observance


La multiplication du nombre d’unité de prise (ex. : 12 gélules par jour pour
Norvir) associée à des effets indésirables parfois handicapants (nausées, vomisse-
ments), rend l’observance difficile dans le cadre du VIH.
Une mauvaise observance pour un traitement antirétroviral est d’autant plus
préjudiciable qu’elle conduit à des concentrations insuffisantes de médicament
et donc permet une réplication virale résiduelle.
48. Les maladies sexuellement transmissibles 345

La poursuite de la réplication virale sous un traitement insuffisant provoque


une sélection de virus résistants.
La non-observance concerne :
n la réduction de la fréquence des prises ;
n la réduction du nombre d’unités administrées ;
n la mauvaise répartition des doses dans la journée ;
n le non-respect des recommandations sur les modalités de prise.
L’effet thérapeutique peut donc être compromis lorsque le patient :
n ne prend pas régulièrement ses médicaments ;
n ne respecte pas les doses prescrites, les horaires de prise ou le moment de la
prise par rapport aux repas.
Une mauvaise observance peut se traduire en pratique par :
n un arrêt définitif (forme de non-observance la plus aiguë et comportement le
plus visible) ;
n un arrêt momentané décidé par le patient ; cette attitude est plus difficile à
cerner par le médecin traitant ;
n un (ou des) oubli(s) : ce comportement est le plus fréquent et il est difficile à
évaluer ; cependant, la quasi-totalité des patients avoue oublier fréquemment ou
occasionnellement certaines prises ou médicaments ;
n des prises groupées : ce fait est plus rare ; il s’agit plutôt des conséquences
d’une adaptation du traitement au mode de vie (exemple, 2 prises par jour au
lieu de 3).

Le rôle du pharmacien
Le rôle du pharmacien, comme celui du médecin, a plusieurs objectifs :
l l’assurance d’une bonne observance ;

l l’information relative aux effets indésirables et aux interactions médicamenteuses

potentielles, ainsi que la gestion de ces problèmes ;


l la surveillance clinique et biologique du patient ;

l l’accompagnement psychologique du patient ;

l la prise en compte de l’entourage du patient.

À l’officine, le pharmacien doit participer à l’information des patients en leur


donnant les conseils pratiques nécessaires au moment de la délivrance des
médicaments.
Si la confidentialité est plus aisée au cabinet du médecin, elle est parfois plus
difficile à mettre en place à l’officine. Afin de garantir aux patients une confi-
dentialité de qualité, chacun devra trouver la formule la plus adaptée :
l rendez-vous dans le bureau du pharmacien ;

l préparation des médicaments pendant que le malade fait d’autres courses ;

l remise des médicaments dans un sac, sans les déballer sur le comptoir et expli-

cation du traitement en s’appuyant sur des documents (photocopies, imprimés,


etc.) montrant les différents médicaments ;
l portage des médicaments au domicile du malade pour une entrevue plus

longue.
346 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Il n’est pas nécessaire d’aménager un espace de confidentialité spécifique : la


confidentialité est une règle générale sous-tendue par le secret professionnel, et
doit permettre à chaque patient de se sentir à l’aise quelle que soit la situation ;
il est évident qu’un espace réservé de l’officine permettra un dialogue discret.
Les conseils du pharmacien concernent :
l le traitement (conseils généraux sur le traitement ; préparation des médicaments

pour la journée ; modalités de prises pour limiter certains effets indésirables,


etc.) ;
l la gestion des difficultés inhérentes à la prise des médicaments ou à l’apparition

d’effets indésirables.

Conseils généraux relatifs au traitement


l Le traitement ne doit pas être suspendu sans avis médical, même en cas de sur-
venue d’effets indésirables majeurs.
l Le malade doit se conformer strictement à la prescription hospitalière (le

médecin généraliste ne doit pas apporter de modifications au traitement).


l Les traitements antirétroviraux ne dispensent pas le patient de prendre les mesu-

res de protection adaptées à la transmission de la maladie.


l La prise d’antirétroviraux ne dispense pas du traitement préventif des maladies

opportunistes.
l Le traitement nécessite une surveillance médicale régulière et des examens de

contrôles à périodes fixes. Le malade doit retourner consulter son spécialiste hos-
pitalier au moins une fois dans l’année, afin de faire le point sur l’évolution de la
maladie. Cette consultation permet également au malade d’obtenir une prescrip-
tion qui à valeur de PIH et donc permet l’accès au renouvellement du traitement.

Préparation des médicaments pour la journée


En raison de leurs activités, de leur travail ou encore du lieu où ils se trouvent
au moment de la prise du traitement, les malades vont spontanément mettre
au point des petites astuces pratiques pour garder la plus grande discrétion
possible. Afin d’éviter toute altération des principes actifs par la pratique de tels
arrangements le pharmacien peut apporter ses conseils en matière de prépa-
ration des médicaments à prendre au cours de la journée :
l pour les gélules et les comprimés conditionnés sous blister, il est conseillé de ne

pas déconditionner les médicaments. Au contraire, il est préférable de garder le


conditionnement prévu par le fabricant qui comporte à la fois le nom et la date
de péremption du médicament ;
l pour les comprimés et les gélules présentés en flacon, le pharmacien peut

conseiller l’utilisation d’un pilulier contenant si possible un déshydratant (anciens


tubes de comprimés effervescents par exemple) ;
l pour les formes liquides, le déconditionnement n’est pas possible ; il faut insister

sur la nécessité de bien nettoyer le verre doseur ou la pipette après chaque


utilisation.

Gestion des difficultés inhérentes à la prise des médicaments ou à l’apparition


d’effets indésirables
Lorsqu’une prise a été omise, il faut poursuivre le traitement normalement dès la
l

prise suivante. Dans le cas où l’oubli date de moins de 2 heures, prendre le


médicament immédiatement (après avoir vérifié la compatibilité avec les délais à
respecter par rapport au repas et autres traitements).
48. Les maladies sexuellement transmissibles 347

l En cas de vomissement dans les 30 minutes suivant une prise, le(s) médicament(s)
doit (vent) être repris immédiatement ; au-delà de ce délai, attendre l’heure de la
prise suivante et poursuivre normalement le traitement.
Pour faciliter la mémorisation des conseils que le pharmacien donne à ses
patients, il peut utiliser des fiches rappelant les principales recommandations
concernant :
l la présentation ;

l la posologie et le nombre de prises ;

l les modalités de prise ;

l les précautions particulières ;

l les modalités de conservation.

Le pharmacien doit garder à l’esprit que ces conseils ne permettent pas de


réduire l’incidence de certains effets indésirables. Il doit donc rester vigilant et
doit savoir reconnaître certains signes majeurs :
l anémie sévère (Rétrovir, Crixivan, Epivir.). Le malade présente une asthénie qui lui

rend la vie pénible ;


l neutropénie (Rétrovir). Le malade présente une altération de l’état général avec

de la fièvre et des frissons ;


l neuropathies périphériques (Hivid, Zerit, Videx). Elles se traduisent par des

engourdissements, des sensations de fourmillement, et des douleurs bilatérales


au niveau des pieds ;
l une pancréatite (Hivid, Zerit, Videx). Le malade décrit des douleurs abdominales

transfixiantes ;
l une crise de colique néphrétique (Crixivan). Le malade présente des douleurs

violentes unilatérales à type de dorsalgies ;


l des lipodystrophies (anomalies de la distribution des graisses entraînant des atro-

phies/hypertrophies, notamment au niveau des membres).


Par ailleurs, même si tous les mécanismes ne sont pas encore bien compris, il
apparaît que l’infection par le VIH, d’une part, et le traitement antirétroviral (en
particulier la durée d’exposition aux inhibiteurs de protéase) d’autre part, confèrent
au patient un surrisque cardiovasculaire, en particulier d’infarctus du myocarde.
Enfin, le pharmacien n’oubliera pas de mettre en garde le patient contre
l’usage de médicaments adjuvants susceptibles de contrarier l’effet thérapeu-
tique des antirétroviraux. Ainsi, le millepertuis (inhibiteur enzymatique) dimi-
nue sensiblement la concentration plasmatique de l’indinavir (Crixivan) et
vraisemblablement celle des autres inhibiteurs de protéases. Pour la même rai-
son, le millepertuis est également contre-indiqué en association avec la ciclos-
porine, la warfarine, la théophylline, les contraceptifs oraux ou encore les
antidépresseurs. Par extension, l’utilisation concomitante d’un médicament
avec le millepertuis doit être vivement déconseillée.
49 Éléments de diététique
pédiatrique

L’alimentation du nourrisson doit lui permettre de se développer de façon satisfai-


sante sur le plan somatique et sur le plan psycho-intellectuel. La diététique doit
encore permettre d’éviter les maladies auxquelles les enfants sont exposés en rai-
son d’erreurs de régime. Les apports susceptibles de satisfaire les besoins de l’en-
fant sont variables en fonction de l’âge et d’un enfant à l’autre. Le médecin et/ou
le pédiatre suit (-vent) régulièrement la croissance de l’enfant ; cependant, le phar-
macien est fréquemment en contact avec la mère du nourrisson puisque c’est pra-
tiquement toujours lui qui délivre les laits artificiels et les petits pots pour bébés. Il
n’est donc pas inutile de rappeler très brièvement les règles diététiques fondamen-
tales notamment applicables pendant les premiers mois de l’alimentation.

Les apports nécessaires


Les apports caloriques recommandés sont approximativement de : 120 cal/kg/
jour durant les 2 premiers mois, 110 cal/kg/jour de 2 à 6 mois, 100 cal/kg/jour
de 6 mois à 1 an, 90 cal/kg/jour de 1 an à 2 ans et demi. Cet apport calorique
est essentiellement fourni par les glucides et les lipides. L’apport protéique est
d’environ 2,5 g/kg/jour chez le nourrisson et 1,5 g/kg/jour chez le grand enfant.
Un apport insuffisant calorico-protidique peut être responsable de malnutri-
tion ; un apport excédentaire peut être responsable d’une acidose métabolique
et de déshydratation, en particulier lors de l’ingestion de lait en poudre mal
reconstitué (ex. : dilution insuffisante).
Un apport insuffisant en un ou plusieurs acides aminés essentiels (apportés par
le lait maternel ou le lait maternisé) limite l’utilisation des autres acides aminés.
L’apport en lipides est essentiellement à visée énergétique. L’acide linoléique est
indispensable au nourrisson ; il doit représenter 2 à 3 % de l’apport calorique total.
Les besoins en vitamines sont habituellement couverts par l’alimentation à
l’exception de la vitamine D ; il faut donc supplémenter le régime quotidien en
ajoutant 1 000 à 2 000 unités, quel que soit le type d’allaitement.
Les apports en eau doivent être importants (teneur en eau de l’organisme du
nourrisson  75 %, rôle important de la transpiration dans la thermolyse, diu-
rèse élevée). L’apport nécessaire est de l’ordre de 150 mL/kg/jour durant les
3 premiers mois puis de 120 mL/kg/jour. L’apport en sodium est de l’ordre
de 0,5 à 2 meq/kg/jour.

L’alimentation de la naissance à 4 mois


L’allaitement maternel
Le lait maternel est le meilleur lait et le plus favorable au niveau de la digestibi-
lité, de la croissance, de la défense immunologique contre les infections.
L’allaitement maternel favorise les relations affectives mère-enfant.
350 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

n Ses avantages : la composition adaptée et variable pendant la tétée et la


période d’allaitement, une protection contre les infections, une absence de pro-
téines allergisantes.
n Ses inconvénients : la survenue d’effets indésirables d’origine iatrogène par le
passage de certains médicaments dans le lait.
n Ses contre-indications : certaines maladies aiguës, graves et récentes ; des
antécédents tuberculeux récents, une cardiopathie décompensée, une affection
psychiatrique sévère, une galactosémie congénitale, une affection locale mame-
lonnaire ou certaines maladies dont le traitement de fond comporte des médica-
ments passant dans le lait maternel.
La conduite de l’allaitement maternel consiste en une première mise au sein (si
l’allaitement est désiré) dans les heures qui suivent la naissance. Pendant les
5 premiers jours, le premier lait ou colostrum est particulièrement riche en anti-
corps, en enzymes et en sels minéraux. Puis, la mère donne 8 à 10 tétées cour-
tes par 24 heures (toutes les 2 à 3 heures) pendant les premiers jours, en
donnant les deux seins à chaque tétée pour favoriser la montée laiteuse. La
durée d’une tétée et de l’ordre de 20 minutes ; en fait, le bébé prend ce dont il
a besoin en 10 minutes environ. Après 2 à 3 semaines, le rythme des tétées se
régularise à 6 à 8 tétées par jour (toutes les 3 heures environ). Un nouveau-né
convenablement nourri au sein s’endort après la tétée et grossit régulièrement.
Pendant 8 semaines au moins, le nourrisson ne prend que du lait, puis d’autres
aliments (légumes, jus de fruits, fruits, etc.) seront introduits progressivement.
La mère doit pratiquer des soins locaux du mamelon : lavage à l’eau bouillie (pas
à l’alcool !). Avant et après chaque tétée ; bien sécher le mamelon entre chaque
tétée ; la prévention des crevasses peut être assurée avec une pommade glycé-
rinée ou Calendula* pommade qui sera appliquée seulement après chaque tétée.
Il faut aussi veiller à prévenir les engorgements en vidant bien le sein à chaque
tétée, avec un tire-lait si nécessaire (son utilisation est encore indiquée si le bébé
n’a pas la force de téter ou s’il existe des crevasses mamelonnaires). Si l’engor-
gement mammaire est douloureux, il faut appliquer une douche chaude sur le
sein, plusieurs fois dans la journée puis presser progressivement et doucement
sur les seins pour évacuer l’excédent de la sécrétion lactée.

L’allaitement artificiel
L’allaitement au sein est le mode idéal d’alimentation du nourrisson de 0 à
4 mois ; le lait de la mère répond parfaitement aux exigences nutritionnelles,
digestives et d’hypoallergénicité. Les laits artificiels destinés aux enfants de
moins de 4 mois sont classés en 3 groupes.
L’apport calorique de ces aliments lactés diététiques (ALD) est de 60 à
70 Kcal/100 mL. On distingue :
er
n les ALD pour nourrisson de 0 à 4 mois (laits 1 âge) ;
e
n les ALD de suite pour nourrisson de 5 à 12 mois (laits 2 âge) ;
n les laits de croissance.
Certains ALD sont particulièrement bien adaptés à certaines pathologies ; il
s’agit de laits de régime comme les laits anti-reflux (AR) caractérisés par l’adjonc-
tion d’un épaississant (caroube, amidon, etc.) afin d’augmenter la viscosité du
lait : Nutrilon AR*, Milumel AR*, Nidal AR*, etc. ; les laits acidifiés ou fermentés,
49. Éléments de diététique pédiatrique 351

enrichis en ferments (bifidobactéries essentiellement) : Bioguigoz*, Pelargon* ; les


laits sans lactose ou appauvris en lactose : Diargal*, Olac* ; les laits de soja pro-
posés lors de l’allergie aux protéines du lait de vache : Prosobee*, Modilac soja* ;
n les hydrolysats de protéines, qui sont des produits de référence dans l’allergie
aux protéines du lait de vache ; il faut les proposer aux nourrissons de moins de
2 mois, en cas de gastro-entérite : Prégestimil, Galliagène ;
n les laits hypo-allergéniques (HA) ou hypo-antigéniques (Gallia HA, Guigoz HA,
Nidal HA, etc.), dont le but est de réduire le risque de sensibilisation aux pro-
téines du lait de vache. Ce type de lait est plutôt réservé aux enfants lorsqu’il
existe un antécédent d’intolérance aux protéines du lait de vache dans la fratrie,
ou en remplacement de l’allaitement maternel si celui-ci est impossible ou refusé
par la mère, afin de retarder le contact avec les protéines du lait de vache aux 4e
et 5e mois, lors du passage aux laits de suite (cf. infra). Les laits hypoallergéniques
peuvent être également préconisés en complément transitoire d’un allaitement
maternel à son début, ou lors d’une interruption momentanée de ce type
d’allaitement.
Lors du conseil dans le choix d’un lait pour nourrisson, le pharmacien veillera à
« regarder les étiquettes », car les limites théoriques de la composition des laits
(teneur en protéines, sels minéraux, sucres, taux de caséine, etc.) sont des four-
chettes de valeurs, à partir desquelles les fabricants peuvent sélectionner des
taux variables. Il sera judicieux de se souvenir que la teneur en lactose est par-
tiellement responsable de la rapidité du transit et de la survenue éventuelle de
ballonnements et de coliques chez certains enfants ; en revanche, un lait riche
en lactose sera préféré pour les enfants souffrant de constipation, tandis qu’un
lait riche en dextrines sera justifié devant l’existence de selles liquides.
Le rythme et le volume des biberons sont habituellement les suivants :
n de la naissance à 8 jours, l’augmentation est progressive, de 100 ml à 600 ml
par jour, en 8, 7 ou 6 repas ;
n de 8 jours à 1 mois, 600 mL en 7 à 6 repas ;
n de 1 mois à 2 mois, 700 mL en 6 à 5 repas ;
n à 3 mois, 700 à 800 mL en 5 repas ;
n à 4 mois, 800 mL en 4 repas.

L’alimentation du nourrisson de 4 mois à 1 an


Le premier ralentissement de la croissance staturopondérale de l’enfant survient
vers l’âge de 5 mois, et entraîne un fléchissement des besoins caloriques,
contemporain d’une diminution de la consommation de lait. La période située
entre 6 mois et 1 an est celle des premiers déséquilibres alimentaires. Les laits de
suite (ou laits 2e âge) constituent un complément de la diversification alimen-
taire ; ils peuvent être considérés comme un facteur de régulation (apport de fer
en particulier) des apports nutritionnels pour les enfants de 5 à 12 mois.
Vers 3-4 mois, une bouillie préparée avec une farine sans gluten (instantanée
ou à cuire) peut déjà être donnée au nourrisson ; la ration est 1 à 2 cuillerées à
café dans un biberon de lait. À cette même période, l’introduction des légumes
(sauf les féculents et les choux) peut être faite avec les petits pots. À partir de
5 mois, les produits laitiers comme les yaourts, les fromages frais ou fermentés
352 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

peuvent être utilisés (1 yaourt  2 petits suisses  150 mL de lait  20 g de


gruyère). Vers 5-6 mois, les farines instantanées ou à cuire, les bananes, les pom-
mes de terre peuvent être données tandis que le pain, les pâtes et les biscuits
seront utilisés seulement vers 7-8 mois et le riz vers 1 an.
Les viandes, les œufs et le poisson doivent être donnés en très petites quanti-
tés à partir de 5-6 mois. Jusqu’à cette période, les matières grasses sont égale-
ment inutiles car la quantité de lipides apportée par les produits laitiers est
suffisante.
Les laits de régime (laits sans lactose, laits semi-élémentaires à base d’hydroly-
sats de protéines, aliments pour bébés de faible poids de naissance) doivent être
réservés au traitement diététique de maladies particulières. Les laits au bifidus
comme Bioguigoz* 1er et 2e âge et Gallia lactofidus*, facilitent la digestion des
protéines, du lactose et assurent une protection contre certaines infections ; ils
favorisent ainsi le confort digestif des nourrissons.

L’alimentation de 1 à 3 ans et au-delà


Après 9 à 12 mois, une croissance encore relativement rapide, un dévelop-
pement et une maturation rendent les besoins en protéines, calcium, fer et aci-
des gras essentiels toujours très importants. Actuellement, il est préconisé, pour
éviter des risques de déséquilibres de la diversification, de proposer un apport
lacté poursuivi, avec un apport protéique moindre que dans le lait de vache, des
graisses végétales enrichies en acides gras essentiels et un enrichissement en fer
(intérêt des laits pour enfants en bas âge ou laits de croissance). À cette période
de la vie, le type varié de l’alimentation est déjà quasiment celui de type adulte.
50 L’autosurveillance et
l’autocontrôle du diabète
Parmi les objectifs appartenant à l’éducation thérapeutique du patient diabétique,
deux d’entre eux sont essentiels : responsabiliser le patient et favoriser son autonomie ;
ces progrès peuvent être atteints grâce aux techniques permettant l’autocontrôle de
la glycémie par la surveillance de l’évolution dans le temps de cette constante biolo-
gique ; l’autosurveillance glycémique (ASG) permet au patient, après une éducation
dispensée par chaque acteur de soins et de santé, d’adapter lui-même son traite-
ment en fonction des résultats obtenus. Le maintien de l’équilibre glycémique est
primordial pour la prise en charge du diabète. L’autosurveillance glycémique et la
surveillance du taux d’hémoglobine glyquée sont les éléments clés du contrôle de
cet équilibre.

Le rôle du pharmacien n’est pas seulement technique, se rapportant aux informa-


tions liées à la prescription, il est aussi éducatif et relationnel : convaincre le patient,
valoriser ses efforts et ses compétences, l’inciter à ne pas arrêter l’ASG est un véri-
table défi pour l’équipe pluridisciplinaire tant hospitalière que libérale. Dans le cadre
de l’éducation thérapeutique du patient diabétique, le pharmacien, comme l’infirmière
ou le médecin, doit savoir évaluer, pendant l’apprentissage puis lors du suivi, la
pratique gestuelle du patient et l’observation des protocoles d’autosurveillance
glycémique et urinaire, préconisées par le laboratoire fabriquant les bandelettes et
les lecteurs de glycémie.

Surveillance et contrôle du diabète de type I


L’autosurveillance glycémique doit être systématique et pluriquotidienne dans le
diabète de type 1.
Pour ce type de diabète, la condition première du contrôle est l’adaptation
des doses d’insuline aux chiffres obtenus par l’ASG. Quel que soit le schéma thé-
rapeutique, il apparaît nécessaire de mesurer la glycémie capillaire au moins
quatre fois par jour. Il est également souhaitable, lors d’une situation particulière
(modification des horaires habituels, décalage horaire, voyage, activité physique,
stress inhabituel, etc.) d’inciter et de motiver les patients à augmenter la fré-
quence des contrôles glycémiques. L’ASG étant un moyen fiable de confirmer la
nature hypoglycémique d’un malaise, elle reste le moyen de détection d’une
hypoglycémie asymptomatique.

Surveillance et contrôle du diabète de type II


La prescription de l’autosurveillance glycémique ne doit pas être systématique
chez les diabétiques de type 2. Elle est indiquée :
n chez les patients insulinotraités ;
n chez les patients chez qui l’insuline est envisagée à court ou moyen termes et
avant sa mise en route ;
354 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

n chez les patients traités par insulinosécréteur, afin de rechercher ou confirmer


une hypoglycémie et d’adapter si besoin la posologie de ces médicaments ;
n afin d’améliorer l’équilibre glycémique lorsque l’objectif n’est pas atteint,
comme instrument d’éducation permettant d’apprécier l’effet de l’activité physi-
que, de l’alimentation et du traitement. Une autosurveillance plusieurs fois par
semaine à heure variable est recommandée dans ce cas.
Dans tous les cas, la prescription et l’utilisation de l’autosurveillance glycé-
mique doit s’inscrire dans une démarche bien construite et aider aux choix thé-
rapeutiques, de concert avec le patient et son entourage.
L’autosurveillance passive ne débouchant pas sur des conséquences thérapeu-
tiques (meilleure observance, adaptation des doses) n’est pas recommandée.
Le rôle du pharmacien consiste à sensibiliser le patient à prendre en considé-
ration les conseils diététiques et thérapeutiques et à le motiver à pratiquer un
exercice physique régulier ainsi qu’à effectuer régulièrement une ASG. En
général, il est recommandé de pratiquer une ASG au moins deux jours par
semaine, à des moments différents de la journée.
Remarque : la metformine peut entraîner ou favoriser la survenue d’une acidose
lactique (rare mais préoccupante, car souvent fatale) caractérisée par une dyspnée
acidosique, des douleurs abdominales, une hypothermie puis un état comateux.
Son incidence peut être réduite par une bonne surveillance des facteurs de risque :
le diabète mal équilibré, la cétose, le jeûne prolongé, l’éthylisme, l’insuffisance
hépatocellulaire, l’insuffisance rénale aiguë, organique ou fonctionnelle.

Règles de l’autosurveillance
Quel que soit le matériel d’autosurveillance, pour que le résultat soit fiable,
quelques règles simples doivent être respectées :
l Les mains doivent être propres et sèches.

l Le volume de la goutte de sang doit être suffisant : lors de l’utilisation d’un appa-

reil de lecture, la totalité de la plage réactive doit être imprégnée de sang ; pour
l’utilisation des bandelettes qui n’absorbent pas de sang, la goutte déposée sur le
réactif doit être épaisse et « bombante » ; le dépôt de la goutte doit se faire en
une seule fois ; l’essuyage, lorsqu’il y en a un, doit être rapide et complet.
l Les bandelettes doivent être conservées à l’abri de la lumière et de l’humidité

(flacon bien refermé après chaque usage) ; vérifier la date de péremption ; utili-
ser la bandelette correspondant à l’appareil de lecture ; calibrer l’appareil en
fonction du code des bandelettes.
l L’appareil de lecture ne doit pas être sale et sa propreté doit être vérifiée au

moins une fois par semaine et plus souvent si le sang est déposé directement
dans ou sur l’appareil. Pour vérifier sa fiabilité, une comparaison doit être faite à
chaque mesure glycémique en laboratoire. Une marge d’erreur de 20 % est
tolérée ; à partir de 30 %, il faut téléphoner au laboratoire (numéro vert).

Les recommandations générales afférentes au patient diabétique


l Insister sur l’autosurveillance glycémique aux heures essentielles de la journée :
le matin à jeun et en fin d’après-midi ; si en phase stable, un contrôle une ou
deux fois par semaine est correct, il doit être quotidien en phase instable (chan-
gements thérapeutiques, infections récurrentes).
50. L’autosurveillance et l’autocontrôle du diabète 355

l Surveiller l’hémoglobine glyquée (HbA1c) tous les 3 à 4 mois ; l’objectif étant


d’obtenir un taux inférieur ou égal à 6,5 %.
l Faire un bilan lipidique (cholestérol total, HDL, LDL, triglycérides) une fois par an.

l Faire un bilan ophtalmologique au moment du diagnostic et une fois par an.

l Faire un électrocardiogramme une fois par an.

l Faire une créatininémie et une protéinurie par bandelette standard une fois par

an ; si ce dernier test est négatif, faire une microalbuminurie une fois par an.
l Conseiller une activité physique régulière au moins 30 minutes par semaine.

l Surveiller l’état des pieds () et choisir des chaussures adaptées.

l Éviter à tout prix les sauts de repas et le grignotage.

l Boire régulièrement tout au long de la journée.

Les particularités du diabète du sujet âgé


Il faut connaître certaines particularités du diabète, spécifiques du sujet âgé :
l Les objectifs glycémiques « confort » et « sécurité » se situent aux alentours de

1,50-1,80 g/L.
l Il faut conseiller de manger du sucre devant tout malaise, d’avoir toujours du

sucre à portée de main, d’absorber des apports glucidiques sous une forme sim-
ple (purée, compote, etc.) en cas de petit appétit, de ne pas sauter de repas et
d’appeler le médecin en cas de vomissements.
l La polypathologie caractérise le sujet âgé : le diabète est le plus souvent associé

à d’autres maladies de type vasculaire (HTA, AVC, insuffisance coronaire, artérite,


etc.) ou dégénératif, qui conditionnent l’attitude thérapeutique et le pronostic.
l Il est fortement recommandé de maintenir un certain exercice physique

« domestique », surtout pour la conservation de l’autonomie, l’entretien de l’état


artério-veineux et le ralentissement de la déminéralisation.
l Il ne convient pas de proposer de restriction calorique, même en cas de surcharge

pondérale, car elle risquerait d’entraîner une perte irréversible de la masse maigre.
L’alimentation doit être équilibrée, avec des apports de nutriments proches de
ceux des non-diabétiques. Il faut insister sur la régularité des horaires de prises ali-
mentaires avec au moins 3 repas par jour et des collations, surtout si le patient est
traité par insuline ou par sulfonylurées.
l Il faut assurer une qualité de vie tout en évitant les incidents et accidents. Il fau-

dra surveiller régulièrement l’état de la rétine. Il faudra également surveiller l’état


des pieds (risques d’amputation par artériopathie distale et/ou neuropathie dis-
tale) : le moindre traumatisme, la simple coupe des ongles peut avoir de graves
répercussions.
l La prudence doit être constante à propos des associations médicamenteuses ; le

pharmacien sera très vigilant à cet égard ; il veillera en particulier aux risques
potentiels induits par l’automédication.
51 Les conseils au voyageur

Le pharmacien est très fréquemment consulté pour donner des conseils avant
un départ en voyage, surtout si celui-ci a lieu à l’étranger. Il pourra prévenir le
voyageur de la survenue de certains désagréments et lui prodiguer les conseils
nécessaires pour y pallier. Les recommandations seront d’autant plus utiles qu’il
s’agit d’un voyageur particulier comme le nourrisson, la femme enceinte, le dia-
bétique ou le sujet âgé.
Dans tous les cas, lors d’un voyage dans l’un des pays de l’espace économique
européen, penser à rappeler au patient voyageur qu’il doit demander un formu-
laire E111 à sa caisse primaire d’assurance-maladie. Ce document, valable un an,
est délivré sur présentation d’un justificatif d’affiliation à la Sécurité sociale. On
doit y faire inscrire le nom de toutes les personnes susceptibles de l’utiliser (l’as-
suré et ses ayants droit). Ce formulaire permet d’obtenir le remboursement des
soins de santé de première urgence auprès de l’organisme de Sécurité sociale du
pays de séjour. Il n’est pas obligatoire pour le Royaume-Uni où les soins dispen-
sés par les praticiens du National Health Service (NHS) sont gratuits.

Le mal des transports


Le mal des transports (cinétose) peut se manifester quel que soit le mode de
transport et varie du simple malaise (somnolence, nausées, vomissements) à la
perte de conscience. Le pharmacien peut prescrire (avec les réserves d’usage :
contre-indication, etc.) Des antinaupathiques (ou antiémétiques) qu’il faudra
prendre une demi-heure à une heure avant le départ : Dramamine*, Mercalm*,
Nautamine*, etc., car lorsque les premiers symptômes apparaissent, il est déjà
trop tard. Leur durée d’action n’excède par 5 à 6 heures, il conviendra de
répéter la prise en fonction de la longueur du voyage. L’utilisation d’un dispositif
transdermique (Scopoderm TTS) permet une efficacité évaluée à 72 heures après
la pose qui sera effectuée la veille au soir du voyage ou 6 à 12 heures avant le
départ ; il sera retiré dès la fin du voyage. Les antinaupathiques peuvent induire
certains effets indésirables (ex. : troubles psychiques chez le sujet âgé, somno-
lence, etc.).
Lors d’un voyage en mer, si les antinaupathiques sont en général actifs, ils peu-
vent induire une somnolence difficilement supportable et qui, de toute façon,
gêne l’activité. Il est donc judicieux de respecter des consignes à ne pas suivre :
avoir peur d’être malade en mer, boire du vin blanc, du café en excès ou du café
au lait, s’empêcher d’uriner, effectuer un travail exigeant une attention visuelle
intense (calculs, lecture, etc.), se laisser aller au ballottement du bateau, se
réfugier dans la cale sans regarder l’horizon ou rester allongé… En revanche, il
est des conseils à suivre : se tenir debout, les jambes écartées pour compenser
musculairement la houle, se placer au centre de gravité du bateau, regarder les
vagues qui arrivent pour prévenir l’amplitude des mouvements du bateau, fixer
l’horizon qui est la seule référence immobile, bien dormir la veille, avoir mangé
358 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

un aliment neutre avant le départ (de préférence compact et nourrissant) et


éviter le jeûne, trouver une activité sur le bateau afin d’avoir l’esprit occupé.
En voiture : voyager en place avant et mieux, être le conducteur ; diminuer les
mouvements de tête.

Les décalages horaires


Le décalage horaire d’Est en Ouest (la journée est allongée) est habituellement
mieux supporté par l’organisme que le décalage en sens contraire. Le pharmacien
déconseillera la prise d’excitants (ex. : café) dans le but de rester éveillé ; en revan-
che, il recommandera de dormir s’il est possible pendant le voyage et d’organiser
à son arrivée une adaptation sur 24 heures Des troubles digestifs (inappétence,
fringale, diarrhée, constipation, etc.) sont fréquents du fait de la modulation
horaire des repas : attention à la prise de certains médicaments (ex. : cardiovascu-
laires, insuline) qui doit être régulière.

Les vaccinations et la chimioprophylaxie


du paludisme
Avant de partir en voyage, le pharmacien doit formuler deux recommandations
majeures : la régularisation des vaccinations et la chimioprophylaxie du
paludisme.

Les vaccinations
La destination du voyage précise l’obligation d’une ou de plusieurs vaccinations.
Le pays de transit peut entraîner la même exigence. La durée du séjour et le
mode de vie dans le pays visité détermineront les risques particuliers dont le
voyageur devra se prémunir.
Les vaccinations dépendent de l’état sanitaire du pays, des conditions et de la
durée du séjour, de l’âge et du statut vaccinal. Certaines vaccinations sont indis-
pensables : un voyageur doit toujours être correctement vacciné contre le
tétanos et la poliomyélite et l’hépatite B ; l’enfant doit être à jour pour toutes les
vaccinations prévues dans le calendrier vaccinal. D’autres vaccinations sont spé-
cifiques : fièvre jaune, hépatite A, thyphoïde, méningite A et C, rage, diphtérie,
encéphalite à tiques et japonaise, et d’autres pouvant être exigées dans certains
pays.
n Chez le sujet âgé, il faut tenir compte des pathologies associées.
n Quel que soit le voyageur, la mise à jour doit être vérifiée ou effectuée avant le
départ.

La chimioprophylaxie du paludisme
Le paludisme est l’une des maladies tropicales les plus fréquentes et les plus gra-
ves. Chaque année, le nombre annuel de décès attribuables au paludisme varie
entre 1 et 3 millions ; l’enfant est particulièrement touché. Le voyageur devra
toujours se renseigner à l’avance sur le degré de risques de paludisme propres à
la région qu’il visite et les mesures prophylactiques auxquelles il doit
s’astreindre.
51. Les conseils au voyageur 359

Le voyageur doit savoir se protéger des piqûres de moustiques, car aucune pro-
phylaxie ne peut garantir une protection absolue dans tous les cas. Le pharma-
cien pourra conseiller un certain nombre de précautions : porter des vêtements
suffisamment épais, à manches longues et des pantalons longs lorsque le sujet
se trouve dehors après le coucher du soleil car le moustique pique presque
exclusivement entre le coucher et le lever du soleil. Éviter les couleurs sombres
car elles attireront les moustiques. Sur les parties découvertes, on utilise des
répulsifs qui contiennent du diéthyltoluamide (DEET), de l’éthylhexanediol
(EHD), du diméthylphtalate (DPM) ou du N-butyl-N-acétyl-3-éthylaminopropio-
nate (35/35). Leur efficacité varie entre 20 et 50 % selon la concentration en
principe actif et la présentation ; elle persiste durant 2 à 5 heures. Leur innocuité
n’est pas établie avant l’âge de deux ans et ils sont a priori contre-indiqués
chez la femme enceinte. Dormir dans une pièce dont les ouvertures sont bien
protégées et fixer des moustiquaires autour du lit. Pulvériser des insecticides
(insecticides pyrethrinoïdes rémanents) dans la pièce pour éliminer les mousti-
ques qui auraient pu pénétrer ; utiliser des diffuseurs électriques ou faire brûler
des serpentins antimoustiques.
La chimioprophylaxie médicamenteuse commence le jour du départ ou
1 semaine avant le départ (selon le degré de chimiorésistance), elle doit être
impérativement prolongée pendant toute la durée du séjour et quatre semaines
après le retour (sensibiliser le voyageur à l’observance stricte du protocole théra-
peutique). La chimioprévention utilise principalement l’association chloroquine-
proguanil et la méfloquine. Elle concerne aussi les Africains qui se déplacent en
zone impaludée, en particulier les enfants qui n’ont pas eu d’immunité anté-
rieure. Elle doit être constamment associée à la prophylaxie contre les piqûres de
moustiques. En présence de tout épisode fébrile 7 j ou plus après la première
exposition possible à l’infection, le voyageur doit consulter sans retard un
médecin. Rappelons que l’immunité n’est acquise qu’après 5 ou 6 ans dans un
pays impaludé et se perd en moins de 2 ans.

Les pathologies gastro-intestinales du voyageur


La diarrhée des voyageurs
La « turista » touche en moyenne 30 % des migrants ; la fréquence varie selon
les individus et les conditions de voyage. Le risque dépend avant tout du pays
visité. Il n’existe pas de variations saisonnières. Les deux sexes sont atteints de
façon égale.
La prévention repose sur l’hygiène alimentaire : 98 % des personnes atteintes
ne suivent pas une hygiène rigoureuse des mains, des boissons et de l’alimenta-
tion : ne boire que de l’eau minérale ou gazeuse encapsulée. Le pharmacien peut
conseiller la pratique de traitements chimiques de l’eau avec Hydrochlonazone*.
Éviter les fruits et les glaces (de fabrication locale) ; éviter aussi les glaçons. Le thé
chaud n’est pas contaminant, mais le récipient peut l’être. Le lait doit être bouilli
pendant 20 minutes et placé au réfrigérateur pour la conservation. Les légumes
doivent être convenablement lavés et parfaitement cuits. Les fruits doivent être
pelés (couteau et mains propres) ou lavés soigneusement s’ils sont consommés
avec la peau. Ne manger que de la viande ou du poisson bien cuit.
360 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

L’hygiène générale et sanitaire (souvent le reflet des cuisines des restaurants)


doit être rigoureuse.
L’évolution est habituellement favorable (symptomatologie : cf. page 161). Et
rapide (3 à 4 jours). Dans 10 % des cas seulement, l’épisode peut être plus
sévère : hyperthermie, selles muco- ou glairo-sanglantes avec un risque de dés-
hydratation. Le traitement général repose sur l’hydratation (thé chaud, jus de
fruits additionnés de sel, bouillon de légumes, eau de riz). Le Coca-Cola non light
est une boisson suffisamment répandue dans tous les pays pour être utilisée
comme moyen intéressant, rapide mais non suffisant, de réhydratation compte
tenu de son apport en glucides (110 g/L), sodium (6,4 mmol/L), potassium
(13 mmol/L) et en calories (440 cal/L).
Le traitement médicamenteux repose sur la prescription de ralentisseurs du
transit intestinal (Imossel*, Imodium, Diarsed, etc.), d’antiseptiques intestinaux
d’antibactériens intestinaux (Ercéfuryl, etc.), voire d’antibiotiques (ex. : les quino-
lones) et d’adsorbants. Une chimioprévention est discutable. Elle ne peut s’ap-
pliquer qu’en cas de voyages brefs (8 à 15 jours) et à des sujets à risque,
susceptibles de faire une diarrhée plus perturbatrice. C’est le cas des sujets
atteints de colopathie chronique, des personnes âgées sous diurétiques ou por-
teuses d’une prothèse de hanche (attention aux salmonelles) ou des cas particu-
liers (ex. : raisons professionnelles exigeant une grande activité). Cette
chimioprévention se limite dans la majorité des cas à la prescription d’un anti-
bactérien intestinal.

La constipation
Elle est fréquemment le fait du changement des habitudes alimentaires et de
l’hygiène de vie (traitement : cf. page 168).

Les nausées et les vomissements


Ces symptômes peuvent résulter de toxi-infections alimentaires.
n Toxi-infections à salmonelles : les signes sont d’apparition brutale, entre 12 et
24 heures après l’ingestion de l’aliment (le plus souvent cru ou peu cuit) conta-
miné. La diarrhée est fébrile, accompagnée de céphalées, de vomissements et
de douleurs abdominales.
n Toxi-infections à staphylocoque doré : le début est brutal, 2 à 4 heures seule-
ment après l’ingestion de l’aliment contaminé (le plus souvent par des manipu-
lations de personnes porteuses de staphylocoque doré : furoncle, panaris). Les
nausées et les vomissements sont présents ainsi qu’une diarrhée fébrile.
n D’autres germes peuvent être en cause : klebsielles, proteus, pyocyaniques,
Clostridium perfringens, Escherichia coli entérotoxigène.

Le soleil et la peau
Les méfaits du soleil
Le voyageur ne se méfie pas suffisamment des effets du soleil sur sa peau. Les
effets néfastes du soleil peuvent s’exprimer notamment par le coup de soleil, le
coup de chaleur et l’insolation.
51. Les conseils au voyageur 361

Le coup de soleil
Le bronzage léger est dû aux ultra-violets A, tandis que le coup de soleil et le
bronzage sont dus aux ultra-violets B. Les UVA sont préoccupants, ils traversent
le verre, au contraire des UVB qui sont plus dangereux. Le coup de soleil n’est
pas un signe d’alarme d’un excès d’exposition solaire : il est déjà une brûlure. Il
existe 4 degrés de coup de soleil :
er
n Le 1  degré est caractérisé par une couleur rosée qui naît dans la journée de
l’exposition et qui disparaît 2 ou 3 jours plus tard, sans desquamation et sans
laisser de hâle.
e
n Le 2  degré est une irritation rouge vif légèrement douloureuse, apparaissant
entre la 2e et la 12e heure, disparaissant en 3 jours avec une légère desquama-
tion et une pigmentation transitoire.
e
n Le 3  degré est un érythème cyanique, œdémateux et douloureux, apparais-
sant entre la 2e et la 6e heure d’exposition. Il évolue vers une desquamation
exfoliatrice et une pigmentation durable.
e
n Le 4  degré équivaut en fait à une brûlure superficielle du deuxième degré ;
elle peut être plus grave et s’accompagner de troubles de l’état général (fièvre à
40 °C, hébétude, vertiges, nausées, céphalées). L’évolution se fait vers une des-
quamation intense sans pigmentation résiduelle.
Le traitement du coup de soleil est habituellement celui d’une brûlure sèche
limitée et superficielle (cf. supra). Tout signe général inquiétant doit inciter à la
consultation médicale (risque de coup de chaleur).

Le coup de chaleur et la protection à l’égard de la canicule


Coup de chaleur
Le coup de chaleur est provoqué par une perte d’eau et d’électrolytes corporels,
plus souvent chez des sujets non accoutumés à une atmosphère chaude et
humide. Il se traduit par des céphalées, des éblouissements, une somnolence, un
bourdonnement d’oreilles, des nausées, des vomissements et une sensation de
malaise intense avec des crampes musculaires, parfois des convulsions et une ven-
tilation rapide et superficielle ; la peau est chaude, rouge et sèche. Le traitement
consiste à transporter le sujet dans un endroit frais et à compenser ses pertes en
eau et en sel. Si le malade devient inconscient et ventile normalement, il doit être
placé en position latérale de sécurité en attendant les secours médicalisés. La per-
sonne âgée est très sensible au coup de chaleur ; chez l’adulte jeune, il peut se pro-
duire au cours d’un exercice physique en climat chaud.

Recommandations de l’Afssaps relatives à la canicule


L’Afssaps a édité (juin 2004) un certain nombre de recommandations relatives à
la canicule et aux conséquences (parfois réciproques) sur la thérapeutique des
patients, notamment celle du sujet âgé.
Certains médicaments augmentent l’élimination d’eau au niveau des reins (diu-
rétiques) et peuvent donc majorer le manque d’eau au cours d’une déshydratation
liée à une température élevée. La déshydratation peut aussi avoir des consé-
quences sur le métabolisme de certains médicaments. D’autres médicaments peu-
vent empêcher le fonctionnement normal des mécanismes de refroidissement du
362 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

corps. Pour que le corps se refroidisse, il faut notamment que le système nerveux
central puisse commander une dilatation des vaisseaux à la surface de la peau,
afin de permettre une meilleure circulation de sang, une meilleure évacuation de
la chaleur et une meilleure transpiration. Enfin, certains médicaments peuvent
aussi aggraver les effets de la chaleur, en abaissant la tension artérielle ou en
altérant la vigilance.
Certains médicaments peuvent aggraver le danger d’une trop longue ou
d’une trop forte exposition à la chaleur. Cet effet sera la conséquence de leur
mécanisme d’action dans l’organisme. De ce fait, quelques médicaments néces-
sitent une vigilance accrue :
n les médicaments à visée cardiovasculaire : les diurétiques peuvent aggraver la
déshydratation, de même, les antihypertenseurs peuvent aggraver une hypoten-
sion et tous les médicaments antiarythmiques peuvent devenir toxiques en cas
de déshydratation ;
n les psychotropes, les neuroleptiques peuvent dérégler le thermostat central de
l’organisme et provoquer une augmentation de la température ;
n les sels de lithium peuvent devenir toxiques en cas de déshydratation ;
n les antiépileptiques peuvent devenir toxiques en cas de déshydratation ;
n les antimigraineux peuvent empêcher la vasodilatation cutanée ou diminuer la
transpiration ;
n certains antibiotiques (en particulier les sulfamides), l’aspirine à une dose
supérieure à 500 mg/j (ou un autre AINS) peuvent perturber la fonction rénale
en cas de déshydratation.
Il faut se souvenir également que, dans la plupart des cas, un médicament ne
représente pas à lui seul un facteur de risque, surtout s’il est bien utilisé ; d’autres
facteurs de risque, comme la maladie ou le grand âge, doivent être pris en
considération. Le pharmacien, comme le médecin, saura mettre en garde le
patient à l’égard de ces risques.
Les recommandations générales suivantes doivent être largement suivies en
période de forte chaleur :
n respecter les conseils habituels d’hygiène et de diététique, en particulier veiller
à boire régulièrement ;
n se protéger du soleil et de la chaleur et se rafraîchir par les moyens appropriés
(douche, bain, serviettes humides appliquées sur la peau, etc.) ;
n ne pas prendre de médicaments sans avis autorisé, médical ou pharmaceuti-
que (attention à l’automédication) ;
n consulter le médecin lorsque le suivi médical n’est pas assuré régulièrement,
en particulier lorsque la dernière consultation remonte à plusieurs mois : un réa-
justement du traitement peut être nécessaire.
Le pharmacien devra informer le patient de la nécessité de suivre rigoureuse-
ment la prescription (observance), en se gardant de toute automédication non
contrôlée. Ainsi, une fièvre ou des douleurs, apparaissant spécifiquement dans
ce contexte de forte chaleur, ne pourront être résolues ni par l’aspirine, ni par le
paracétamol (inefficacité pour traiter le coup de chaleur). L’alcool et les boissons
alcoolisées aggravent la déshydratation.
51. Les conseils au voyageur 363

Concernant la conservation des médicaments au cours des périodes de forte


chaleur, il existe un certain nombre de précautions utiles à connaître :
n les médicaments, pour lesquels est indiquée une conservation à une tempé-
rature inférieure à 25 °C ou à une température inférieure à 30 °C, peuvent être
conservés dans leur rangement habituel ;
n les médicaments, pour lesquels est indiquée une conservation entre  2 et
 8 °C, doivent être conservés au réfrigérateur ; une fois sortis du réfrigérateur,
ils doivent être utilisés assez rapidement. Dans tous les cas, ils ne doivent pas
être exposés au soleil ;
n tous les médicaments, hormis ceux qui se conservent habituellement au réfrig-
érateur, seront transportés dans un emballage isotherme non réfrigéré. Les médi-
caments habituellement conservés au réfrigérateur seront transportés dans un
emballage isotherme réfrigéré, tout en veillant à ce qu’ils ne soient pas congelés.

L’insolation
Elle provient d’une augmentation de la température corporelle due à une tem-
pérature extérieure très élevée. Elle peut résulter de l’effet direct du soleil sur le
crâne et/ou sur la nuque. Elle se traduit par des céphalées, une agitation, une
hyperthermie (40 °C et plus). Devant cette situation, il faut placer le sujet dans
un endroit frais, l’envelopper dans un drap froid et humide et l’éventer pour
faire baisser la température en attendant l’arrivée des secours médicalisés.
Remarque : parmi les autres pathologies liées à la chaleur, il faut encore citer
les crampes de chaleur, surtout si le sujet transpire beaucoup lors d’activités phy-
siques intenses, et le syndrome d’épuisement-déshydratation, qui survient après
plusieurs jours de chaleur et se manifeste par des étourdissements, une faiblesse,
une fatigue, une insomnie ou une agitation nocturne inhabituelle.

Le cas particulier des sports d’hiver


Les lèvres réagissent comme une peau sans mélanine. La protection requiert l’utilisa-
tion de produits antisolaires spécifiques ou, à la rigueur, l’utilisation de ceux
utilisés pour la peau. Attention aux risques de poussées récidivantes d’herpès labial
(cf. chapitre 36). L’effet du soleil sur les yeux peut provoquer l’ophtalmie des neiges
qui correspond à une brûlure cornéenne. Elle apparaît 6 à 12 heures après une
exposition excessive de l’œil aux rayons UV. Elle débute par des picotements oculai-
res qui deviennent rapidement douloureux (à type de brûlure) accompagnés parfois
de céphalées, d’une fièvre et d’un malaise général. Une photophobie est présente
ainsi qu’un larmoiement abondant. Les paupières sont gonflées et les conjonctives
sont rouges. La douleur est calmée par l’obscurité. La guérison survient en 2 ou
3 jours. Un collyre antiseptique comme Biocidan ou Septisol* peut être prescrit.

La protection du soleil
Le pharmacien peut proposer deux classes de photoprotecteurs : les écrans et
les filtres. Il doit bien connaître la spécificité de ces produits.
n Les écrans agissent comme une barrière en s’opposant à la pénétration des
rayons UV. Ils empêchent le bronzage. Le qualificatif de « total » exprime seule-
ment le fait qu’ils sont efficaces à la fois à l’égard des UVA et des UVB, sans pos-
séder une efficacité totale de 100 %. L’agent « écran » le mieux accepté au plan
364 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

cosmétique semble être le micatitane, plus transparent que les autres et il ne


forme pas de « masque blanc ».
n Les filtres à spectre étroit absorbent sélectivement les UVA et les UVB. Ils sont
plus photoprotecteurs que les écrans et empêchent aussi le vieillissement cutané.
L’addition d’huiles végétales naturelles (aloès, camomille, etc.) permet de dimi-
nuer les doses de filtres chimiques et permet ainsi une meilleure tolérance.
n La photoprotection interne s’adresse essentiellement aux sujets atteints de pho-
todermatoses. Cette médication préventive est instaurée une quinzaine de jours
avant l’exposition solaire. Elle fait appel aux antipaludéens de synthèse, aux
caroténoïdes à l’acide para-aminobenzoïque (Pabasun*, Paraminan*), la vitami-
ne PP (Nicobion*) ou à la puvathérapie (psoralène  irradiation UV).
n Ne pas oublier que les vêtements demeurent le moyen de photoprotection le
plus sûr, le plus simple, le plus pratique et le moins onéreux.

Les produits antisolaires


Ils arrivent en 3e position de la prévention solaire, après l’éviction solaire relative
et la protection vestimentaire systématique qui sont les deux mesures essentiel-
les à recommander. Il n’existe pas d’indice de protection universel, mais diffé-
rents coefficients de protection, en fonction :
n du rayonnement que l’on cherche à réduire : UVB, UVA, visible ou infrarouge ;
n des méthodes d’évaluation (in vitro ou in vivo) ;
n de l’effet dont on veut se protéger.
Le tableau 51.1 ci-dessous donne l’indice de Facteur de protection solaire
(FPS) minimal, permettant une protection efficace chez 90 % des sujets.

Tableau 51.1  

Force de l’antisolaire Degré de Indice FPS moyen


photoprotection
Classe 1 Protection maximale S 50
Classe 2 Très haute protection 30 (S 20 et  50)
Classe 3 Haute protection 15 (S 12 et  20)
Classe 4 Protection modérée 8 (S 6 et  12)
Classe 5 Protection minimale 4 (S 2 et  6)

L’indice de protection indiqué n’a qu’une valeur approximative, car il varie


avec de nombreux paramètres comme la quantité du produit appliqué, les
conditions d’application (baignades, hypersudation, durée de l’exposition, etc.).
En pratique, la prise en compte de ces paramètres justifie le fait qu’il est prudent
de diviser systématiquement par 2 ou 3 l’indice de protection annoncé.

Les photodermatoses
Lors d’une allergie solaire, l’éviction solaire est la première règle. Si l’allergie
vraie est rare, les fausses allergies sont plus fréquentes. Elles se traduisent par la
51. Les conseils au voyageur 365

survenue tardive (parfois après plusieurs jours) de plaques rouges surmontées de


petits boutons et d’un prurit important. La disparition des signes est lente. Elles
sont encore appelées « fausses allergies », car on retrouve presque toujours une
cause déclenchante qui peut être : une substance locale photosensibilisante : plan-
tes (persil, fenouil, etc.), des produits d’hygiène et de cosmétologie (eaux de
toilette et parfums, savons, etc.) ; un médicament photosensibilisant (AINS, anes-
thésiques, antiacnéiques, antibiotiques, antidépresseurs tricycliques, antisepti-
ques, diurétiques, phéniothiazines, psoralènes quinolones, sulfamides,
sulfonylurées, thiazidiques, etc.) ; mais aussi des maladies avec photosensibilisa-
tion : porphyrie cutanée, lupus, ou un terrain particulier : l’albinisme.
Remarque : lors d’une photosensibilisation secondaire à l’usage local d’agents
photosensibilisants (antiseptiques, vernis à ongles, rouge à lèvres, parfums, déo-
dorants, plantes, etc.) La réaction phototoxique se manifeste dès la première
exposition et son intensité sera toujours la même si les mêmes conditions sont
reproduites. Cette réaction reproduit le plus souvent un coup de soleil dans sa
forme sévère.

Les conseils généraux face à la protection solaire


Le pharmacien peut formuler un certain nombre de recommandations essen-
tielles à un sujet partant en vacances dans un pays ensoleillé :
l Choisir les produits solaires selon les types de peau et les modalités d’exposition.

Commencer par une forte photoprotection la première semaine, avant de pour-


suivre avec un produit d’indice moins élevé. Savoir que plus l’indice du produit
sera élevé, plus la durée d’exposition pourra être allongée.
l L’exposition doit toujours être progressive et d’autant plus que le phototype est

sensible. Elle ne devrait pas dépasser 30 minutes le premier jour quel que soit le
type de peau. Éviter l’exposition entre 11 heures et 14 heures (car le soleil est à
la verticale et les UV arrivent en plus grande quantité). Éviter la position couchée
sans mouvement. Bouger au soleil fait varier continuellement la surface d’exposi-
tion et permet une meilleure tolérance du soleil.
l L’application du produit solaire doit être renouvelée toutes les 2 à 3 heures

Effectuer de préférence la première application 1 heure à 1 heure et demie avant


toute exposition. Éviter l’usage de substances photosensibilisantes externes (déo-
dorants, parfums, etc.) Ou internes (sulfamides, tétracyclines, etc.).
l Être plus vigilant encore en montagne : le soleil et la neige sont deux facteurs qui

nécessitent une protection spécifique. La réverbération en montagne est très


forte : la neige réfléchit 85 % du rayonnement. La peau n’est pas exposée pro-
gressivement comme en été. Enfin, le froid et le vent s’ajoutant au soleil, il faut
conseiller un produit qui protège, nourrit et empêche le dessèchement de la
peau. À la montagne, le brouillard ne protège pas, il laisse passer presque autant
d’uvb que par temps clair sur neige fraîche.

Le conseil face aux situations particulières


Les conseils généraux sont certes applicables mais le pharmacien doit les com-
pléter par d’autres recommandations directement liées à l’état physiologique
particulier ou pathologique du sujet.
366 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Le nourrisson et l’enfant
Les enfants s’adaptent en général mieux que les adultes aux changements d’ho-
raires et de climat. Leur résistance est cependant moindre. Un état de déshydra-
tation aiguë peut frapper un enfant en quelques heures.
Les voyages aériens incommodent parfois les nourrissons qui sont gênés par
l’augmentation de la pression atmosphérique au cours de l’atterrissage. La prise
d’un biberon résout le problème. Les voyages aériens ne sont pas recommandés
aux nouveau-nés de moins de 7 j, ni aux prématurés. Le mal des transports n’est
généralement pas ressenti chez les nourrissons. Les antinaupathiques sont
d’ailleurs tous contre-indiqués avant 2 ans.
Certaines vaccinations sont impératives : DTP, coqueluche, tuberculose, rou-
geole. Les vaccins inoffensifs sont : choléra (enfant  6 mois), méningites A et
C, hépatite B ; d’autres vaccins sont contre-indiqués : typhoïde (enfant  2 ans
pour le TAB, enfant  6 ans pour le DT TAB), fièvre jaune (enfant  1 an).
La prophylaxie du paludisme concerne les nourrissons et les enfants : en principe,
ils ne devraient être emmenés en zone impaludée qu’en cas de nécessité abso-
lue. Les nourrissons allaités au sein ne sont pas protégés par une prophylaxie
chez leur mère, qui doit veiller à sa propre prophylaxie. Le médecin prescrira
une chimioprophylaxie adaptée et expliquera aux parents les modalités d’un trai-
tement présomptif : celui-ci doit être administré à tout enfant voyageur qui pré-
sente une fièvre non expliquée par une cause évidente, et ce, quel que soit le
type de chimioprophylaxie auquel l’enfant est soumis, si un médecin ne peut
être consulté dans les 6 ou 8 heures qui suivent l’apparition des signes.
Les troubles gastro-intestinaux peuvent se manifester par les diarrhées : le phar-
macien conseillera à la mère de l’enfant de le faire boire abondamment (atten-
tion à la déshydratation) et de veiller constamment à assurer une hygiène
rigoureuse pour la préparation des biberons (attention à l’eau). La constipation
doit être prévenue et traitée en veillant à l’hygiène alimentaire et à l’équilibre
diététique.
La protection solaire chez l’enfant peut être assurée par des moyens simples. La
mère doit veiller à protéger la tête avec un chapeau de soleil ; Il faut se méfier des
coups de chaleur et insolations, en évitant le plein soleil ou en évitant de rester
dans une voiture exposée. Il faut donner fréquemment à boire et utiliser une
crème protectrice pour la peau fragile et la protection des lèvres. Les piqûres et
morsures d’insectes peuvent être prévenues et traitées par des crèmes insecticides.
L’altitude est déconseillée au petit enfant : elle doit être inférieure à
1 000 mètres pour les moins de 4 mois et inférieure à 1 800 mètres pour les
moins de 2 ans. À la montagne, il faudra donner souvent à boire au bébé pour
qu’il déglutisse, évitant ainsi les douleurs d’oreilles dues aux différences baromé-
triques. Le risque d’hypothermie est rapide chez un bébé : un bébé installé dans
un « kangourou » bouge très peu ses membres et peut facilement se refroidir.

La femme enceinte
L’interdiction de tout voyage est absolue lorsque la grossesse n’évolue pas nor-
malement. L’interdiction, sauf nécessité, est impérative au cours des 2 derniers
mois de grossesse à cause de la proximité du terme, et jusqu’au 7e jour après
l’accouchement. L’interdiction vaut encore quand le lieu de séjour est dépourvu
51. Les conseils au voyageur 367

de structures obstétricales. Certains conseils doivent être prodigués : Le voyage


en cabine pressurisée n’entraîne aucun risque pour le fœtus. La femme enceinte
peut demander à son médecin la prescription de bas de contention pour éviter
les problèmes de « jambes lourdes » déjà majorés par la grossesse. Il faudra
autant que possible préférer le train à la voiture car il permet une liberté de
mouvements qui contribuent à éviter la stase veineuse. La voiture et l’avion sont
des moyens de locomotion à l’origine de secousses et de stress ; une congestion
pelvienne peut résulter de la position assise pendant une trop longue durée.
Chez la femme enceinte, les antihistaminiques (Nautamine*, Nausicalm*, etc.),
les substances anticholinergiques ou les associations (Mercalm*, etc.) sont
contre-indiquées.
Certaines vaccinations peuvent être réalisées sans danger au cours de la gros-
sesse : tétanos, grippe, poliomyélite inactivée, choléra ou hépatite B. Certaines
vaccinations peuvent être exceptionnellement prescrites au cours de la grossesse
en raison du risque d’avortement ou d’accouchement prématuré (risque lié à
l’hypertermie postvaccinale éventuelle). En cas de voyage la vaccination contre
la fièvre jaune est admise au-delà du 6e mois si la situation épidémiologique
l’exige. La vaccination antiméningococcique et contre la typhoïde est aussi sou-
mise à cette restriction d’indication.
La prophylaxie du paludisme exige certaines précautions : les femmes encein-
tes ne devraient visiter des zones impaludées qu’en cas de nécessité absolue.
Seuls quelques antipaludéens, dont la chloroquine (Nivaquine) peuvent être
prescrits sans danger.
La survenue de troubles gastro-intestinaux comme les diarrhées (et la déshy-
dratation) doit faire préserver la volémie de la femme enceinte. Pour cela, il est
nécessaire de boire abondamment (eau, coca-cola), de respecter une hygiène
diététique et de prendre si nécessaire un antidiarrhéique (ex. : Imossel*,
Carbolevure*, etc.). Certains médicaments sont contre-indiqués : Diarsed, Intétrix,
des sulfamides intestinaux ou certains antibiotiques (quinolones, sulfamides).
Les conseils généraux relatifs à la protection solaire sont applicables. Une pro-
tection correcte évitera au soleil d’accentuer le « masque de grossesse » qui
apparaît aux environs du 3e mois, s’intensifie au cours de la grossesse puis dispa-
raît après l’accouchement. En cas d’exposition sans protection, des taches indé­
lébiles peuvent apparaître.

Le sujet diabétique
Sujet diabétique de type II
Il n’existe pas de contre-indication aux déplacements. Le patient doit poursuivre
son traitement, en prévoyant largement la quantité de médicaments nécessaire
à emporter (prévoir une prolongation du séjour). Éventuellement, il peut envisa-
ger avec le médecin, la prescription de formes à libération prolongée qui
réduirait le nombre de prises. Il doit tenir compte du décalage horaire pour la
prise des médicaments. Il n’existe pas d’interactions médicamenteuses connues
entre les sulfamides hypoglycémiants ou les biguanides et les médicaments cou-
rants auxquels on peut avoir recours lors d’un voyage (Imodium, Imossel*,
Ercéfuryl, Primpéran, etc.).
368 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Sujet diabétique de type I


Il n’existe pas de contre-indication aux déplacements, à condition de prendre
quelques précautions supplémentaires.
Il faut être prévoyant
n La thérapeutique : emporter des provisions d’insuline, des seringues, de l’al-
cool, du coton, le matériel nécessaire pour les analyses d’urine et de sang.
Prévoir une quantité plus importante au cas où le séjour se prolongerait. Le
patient doit toujours garder ce matériel avec lui. Ne pas le mettre avec les baga-
ges à enregistrer, pour éviter les pertes.
n Les papiers : ne pas oublier le carnet de surveillance où figurent le traitement
et les doses habituelles d’insuline. Il faut emporter la carte de diabétique et un
certificat médical attestant la maladie et la nécessité de faire des injections : ce
peut être utile à la douane pour justifier la possession de seringues et ce sera un
précieux renseignement en cas d’incident.
n Le médecin doit être consulté pour lui signaler le voyage. Il prescrira alors les
médicaments nécessaires pour les petits problèmes susceptibles de se poser :
mal des transports, nausées, diarrhées.

La manière de voyager
n En voiture : emporter un sandwich et un fruit pour assurer les besoins en sucres
lents et rapides. Cette collation peut être utile en dehors des lieux de restaura-
tion, ainsi qu’en cas de panne. Si la personne conductrice est diabétique et que
le parcours dure longtemps, il vaut mieux, au départ, baisser un peu la quantité
d’insuline et augmenter la quantité de sucres d’absorption lente : le patient évi-
tera ainsi les malaises hypoglycémiques qui pourraient être dramatiques. Il faut
avoir du sucre à portée de main pour stopper immédiatement tout début de
malaise. Lors des pauses, il faut surveiller la glycémie : si elle est inférieure à
0,80 g, prendre un fruit, ou 2 morceaux de sucre ou des biscuits…
n En avion, les changements de fuseaux horaires doivent être pris en considé-
ration : La dose habituelle d’insuline est prévue pour protéger l’organisme pen-
dant 12 à 24 heures Avec le changement de fuseau horaire, il faut adapter le
dosage. Le pharmacien conseillera au patient de laisser sa montre à l’heure du
point de départ pour évaluer le temps écoulé depuis la dernière injection. Des
changements d’horaire de 2 heures et plus obligeront à adapter les horaires
d’injection. C’est le médecin qui donnera alors les instructions particulières. En
montant dans l’avion, le malade doit avertir l’hôtesse du fait qu’il est diabétique
traité par l’insuline : les repas lui seront servis en priorité.

La manière de passer le séjour


n La conservation de l’insuline : l’insuline se conserve plusieurs mois, dans une
pièce à température modérée. Toutefois, des températures extrêmes peuvent
altérer l’efficacité de l’insuline. Si la température est supérieure à 35 °C, l’activité
diminue. Les flacons peuvent être glissés dans une bouteille thermos. Si l’insuline
est restée moins de 72 heures à une température proche de 35 °C et qu’elle est
ensuite placée au réfrigérateur, le produit ne sera pas dégradé. Si l’insuline est
restée plus de 72 heures à une température proche de 35 °C, le produit risque
d’être altéré.
51. Les conseils au voyageur 369

n La concentration de l’insuline : si le patient doit acheter de l’insuline à l’étranger,


il doit vérifier que sa durée d’action est identique à l’insuline habituelle et vérifier
la concentration figurant sur l’étiquette. Dans certains pays, notamment aux États-
Unis et en Grande-Bretagne, la concentration peut être différente et, en général,
plus forte (100 UI/mL), il faut alors acheter les seringues correspondantes pour
mesurer avec précision le nombre d’unités d’insuline nécessaire.
Remarque : depuis le 30 mars 2000, la concentration de l’insuline est de 100 uni-
tés/mL ; les flacons d’insuline portent la mention U-100 et les seringues sont gra-
duées en 100 unités/mL. Retenir en pratique que : une unité reste une unité.
n Les repas et les boissons : les horaires des repas seront plus irréguliers et la
nourriture locale différente de celle à laquelle le malade est habitué. Il devra s’ef-
forcer de respecter l’apport en glucose et l’horaire des repas. L’autosurveillance
et l’autocontrôle (cf. supra) devront être respectés, en adaptant leur réalisation
aux circonstances.
Le malade devra prévoir des collations pour éviter la survenue de malaises
hypoglycémiques. Dans certains pays, l’eau et les aliments risquent d’être conta-
minés et peuvent déclencher une diarrhée ; en plus de la gêne qu’elle occa-
sionne, elle risque de déséquilibrer le diabète par élimination d’eau et d’une
quantité non négligeable de sucres. Les recommandations hygiénodiététiques
communes à tous les voyageurs sont applicables et devront également être for-
mulées par le pharmacien.
n Les activités physiques : le malade tiendra compte des efforts supplémentaires,
notamment de l’activité physique car si elle est plus importante il sera nécessaire
d’augmenter la consommation de glucides. Si un exercice physique important
est prévu, il est conseillé de diminuer la dose d’insuline correspondante, tandis
que pour les activités de longue durée, il faudra prévoir une collation. Il faut
autant que possible éviter d’injecter l’insuline au niveau des muscles qui vont
travailler.
n L’hygiène : éviter de marcher pieds nus : une simple égratignure peut s’infec-
ter, déséquilibrer le diabète et parfois avoir des conséquences très péjoratives. Le
malade devra prévoir des chaussures confortables et, s’il apparaît des ampoules
aux pieds, il évitera de les percer car une peau intacte est une meilleure protec-
tion contre l’infection.
n La surveillance du diabète : le malade continuera à pratiquer les analyses de
surveillance (les changements des habitudes de vie risquent de déséquilibrer le
diabète) et adaptera les doses selon les règles prescrites par le médecin. Il faut
toujours avoir du sucre à portée de main en cas de malaise hypoglycémique et
des sucres d’absorption lente (biscuit) pour compléter l’action des sucres rapi-
des. Il faut, en outre, avoir une ampoule de Glucagon avec le matériel nécessaire
à son injection et en informer une personne de l’entourage qui saura intervenir
en cas d’hypoglycémie avec perte de conscience.
n La trousse à pharmacie du diabétique doit contenir : l’insuline habituelle en
quantité suffisante pour une semaine de plus que la durée prévue du voyage ;
une insuline d’action rapide à utiliser en cas d’hyperglycémie avec cétonurie ;
Des seringues à usage unique, du coton, de l’alcool ; le matériel nécessaire pour
faire les analyses d’urines (sucre et acétone) et de sang ; le carnet de sur-
veillance ; la carte de diabétique mentionnant le type, la dose de l’insuline et les
370 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

horaires d’injection ; des médicaments contre le mal des transports et contre la


diarrhée ; l’ordonnance et le certificat du médecin ; du Glucagon et le matériel
nécessaire pour son injection ; le carnet de vaccination.

Le sujet atteint d’une maladie cardiovasculaire


Pour ces malades, le pharmacien s’efforcera de renouveler certains conseils déjà
prodigués par le médecin traitant, car ils sont essentiels au bon déroulement
d’un voyage.
n Certaines affections cardiovasculaires contre-indiquent un voyage aérien : ce sont
les affections évolutives ou accompagnées de troubles fonctionnels sévères.
n Certaines affections cardiovasculaires sont autorisées : les cardiopathies valvulai-
res compensées, les cardiopathies congénitales bien tolérées, les coronarites à
crises très peu fréquentes (mais à condition qu’il y ait de l’oxygène disponible à
bord), les troubles du rythme et de la conduction chez un cœur sain, l’hyperten-
sion artérielle modérée et bien tolérée. Le vol est habituellement bien supporté
mais il peut cependant être à l’origine d’un accident évolutif.
En pratique, la plupart des personnes présentant une pathologie cardiaque traitée
et suivie peuvent voyager et, après avis médical, emprunter les transports aériens.
n En vol, les pacemakers fonctionnent normalement et n’interfèrent pas avec les
équipements électroniques de l’avion (et réciproquement) ; au sol, les appareils
de détection des aéroports sont sans danger ; cependant, s’ils sont mal calibrés,
ils pourraient déprogrammer un pacemaker. Dans le doute, les cardiologues
conseillent à leur patient d’éviter les portiques de détection électromagnétique.
Quels que soient le mode et le type de voyage, le pharmacien (comme le
médecin) conseillera au malade de conserver sur lui : sa dernière ordonnance,
son carnet de santé, les derniers électrocardiogrammes, le compte rendu d’une
éventuelle intervention cardiaque ainsi que les derniers examens biologiques
indispensables (ex. : les paramètres de surveillance d’un traitement anticoagu-
lant). Le patient porteur d’un pacemaker devra le signaler aux services de
contrôle des aéroports. Le médecin prescrira éventuellement des médicaments à
usage plus approprié lors de déplacement, notamment avec des formes à libé-
ration prolongée qui pourront limiter le nombre de prises.
Le pharmacien vérifiera que les quantités de médicaments sont suffisantes
pour la durée du séjour. Il reprécisera le moment des prises en fonction d’un
éventuel décalage horaire. Il recommandera au malade de mobiliser à intervalles
réguliers, ses membres inférieurs (ne pas rester constamment assis) surtout s’il
existe des antécédents de phlébite.
Tous les conseils généraux concernant le mal des transports, les troubles gas-
tro-intestinaux, les vaccinations, sont applicables à ces malades.

Le voyage du sujet âgé


La préparation du départ
Dès lors que le voyage et le départ en vacances sont décidés, le sujet âgé devra
s’y préparer. Chez ces sujets, il existe une diminution des facultés d’adaptation
aux modifications physiques, sociales, culturelles brusques, qu’apporte le
changement d’environnement propre aux vacances (adaptations aux change-
ments d’altitudes, aux changements de températures extrêmes, mais aussi aux
51. Les conseils au voyageur 371

changements d’habitudes alimentaires). Une affection aiguë banale chez l’adulte


peut devenir grave chez la personne âgée ; une affection chronique bien com-
pensée dans un mode de vie habituel peut se décompenser très vite loin de chez
soi, dans des conditions climatiques et d’accès aux soins différents.
Le pharmacien recommandera de consulter son médecin traitant (parfois le
spécialiste) qui saura attirer l’attention des intrépides sur certaines précautions à
prendre, et tranquilliser les anxieux. Il recommandera aussi de poursuivre le trai-
tement habituel, de faire examiner la denture et procéder à des soins éventuels,
d’avoir une paire de lunettes de rechange, de se munir de vêtements adaptés,
avec chapeaux pour les hypertendus, de prévoir des bagages légers, d’utiliser
des chaussures confortables et adaptées. En cas d’incontinence, il conseillera des
protections discrètes et adaptées selon l’activité. Enfin, il conseillera de se méfier
des climatisations qui peuvent favoriser certaines pathologies ORL.

Les recommandations pendant le transport


L’avion est adapté à tous les voyageurs hormis ceux présentant certaines patho-
logies cardiaques. Chez la personne âgée, il peut exister un risque de déshydra-
tation dû à l’air sec de la cabine. L’assourdissement aux escales en avion (bruit
engendré par les réacteurs) devra être prévu : les porteurs de prothèse auditive
devront l’enlever pour éviter un traumatisme sonore. Le port de pacemaker
devra être signalé lors des contrôles électroniques dans les aéroports.
L’immobilisation prolongée des membres inférieurs, en avion et en automobile,
peut créer une gêne à la circulation sanguine de retour, facteur de douleur et
d’œdèmes des jambes et des pieds. Il est conseillé de se lever, et marcher un
peu pour se « dégourdir les jambes ». Le port de bas de contention peut être
recommandé.

Les vaccinations et la chimioprophylaxie du paludisme


Les vaccinations doivent être mises à jour.

On trouve des informations validées et remises à jour sur les vaccinations obligatoi-
res ou recommandées, sur internet, à la rubrique « conseils aux voyageurs » du site
du ministère des Affaires étrangères (http://www.france.diplomatie.fr) ou sur des
sites à contenu médical validé, consacrés à la santé et aux voyages (ex. : http://
www.astrium.com). Ces informations sont également disponibles par téléphone
auprès du service vaccination des compagnies aériennes.

Certaines sont essentielles : fièvre jaune, choléra, tétanos, poliomyélite, diph-


térie. Pour le paludisme, la chimioprophylaxie est habituelle (cf. page 366).

Les troubles gastro-intestinaux


Les conseils généraux sont applicables, il faut insister sur le fait que le sujet doit
se méfier de la nourriture locale et doit veiller à bien se réhydrater, notamment
en cas de diarrhée.

La protection solaire
Elle est identique à celle préconisée dans les cas généraux (cf. page 363).
52 Le sevrage du patient
tabagique
Deux millions de morts dans le monde, sont dus chaque année au tabagisme
plus d’un million d’entre eux ont moins de 69 ans ; en France, le tabagisme est
responsable de 60 000 décès par an, soit 1 décès sur 9, ce qui est en fait de loin
le facteur le plus important de maladies et de décès évitables. Un quart des
fumeurs ont une espérance de vie diminuée de 20 ans. 58,3 % des femmes et
52 % des hommes entre 18 et 24 ans fument régulièrement. Les chiffres de
décès par cancer dû au tabagisme sont stabilisés chez l’homme, tandis qu’ils
sont en réelle augmentation chez la femme dont la consommation est certes
plus récente, mais plus effrénée ; la proportion de femmes enceintes qui conti-
nuent à fumer pendant la grossesse augmente également.
Les difficultés d’arrêt du tabagisme s’expliquent par l’existence d’une dépen-
dance pharmacologique liée à la nicotine. La dépendance psychologique est liée
aux propriétés psychoactives de la nicotine tandis que la dépendance physique
(présente chez certains fumeurs) apparaît chaque fois que la nicotinémie tombe
au-dessous d’un certain seuil. Seule une forte motivation du sujet permettra
d’engager un véritable traitement médical du tabagisme.

Le rôle du pharmacien consistera essentiellement à informer et prévenir le fumeur


des risques auxquels il s’expose et auxquels il expose son entourage (notamment
les enfants). Le pharmacien a en effet un rôle central à jouer ; de nombreux phar-
maciens sont formés et impliqués dans la sensibilisation, le dépistage, la mise en
place, la conduite, l’accompagnement et le suivi des fumeurs. Cette implication est
à l’origine d’un nombre important de délivrance de substituts nicotiniques. Il devra
recommander l’arrêt du tabac chez tous les fumeurs, en se souvenant qu’il n’est
jamais trop tard pour arrêter.

Les méfaits du tabac


La fumée de tabac est un agresseur plurifactoriel de
l’organisme
n Lessubstances irritantes de la fumée provoquent des lésions de l’épithélium
bronchique ainsi qu’une ciliostase augmentant le temps de contact d’agents
microbiens, chimiques, allergéniques ou cancérigènes. Elles « font le lit » de la
bronchite chronique. Elles occasionnent aussi un syndrome obstructif, un emphy-
sème et des troubles de la diffusion. Enfin, ces substances irritantes lèsent les
macrophages alvéolaires pulmonaires perturbant ainsi les activités enzymatiques,
bactéricides et immunitaires. La relation entre le tabagisme et le cancer du pou-
mon est incontestable ; une molécule cancérogène présente dans la fumée de
374 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

tabac agit directement sur le gène P53, connu pour être impliqué dans le pro-
cessus cancéreux. Le cancer bronchique est beaucoup plus fréquent chez les
fumeurs (11 fois plus environ ; 24 fois plus si le fumeur consomme 40 cigaret-
tes/jour). Les fumeurs de pipe ou de cigare ne sont pas exempts de la prédispo-
sition au cancer bronchique, mais le risque est moindre. Les cancers buccaux et
linguaux sont hautement liés à la triple association : tabac-alcool-absence d’hy-
giène buccale.
n Les goudrons du tabac (benzopyrène en particulier) majorent le risque de sur-
venue des cancers des bronches et du larynx. L’oxyde de carbone inhalé est un
facteur d’hypoxie. Au-dessus de 20 cigarettes par jour, 10 à 15 % de l’hémo-
globine deviennent impropres à la respiration : cette situation est évidemment
préjudiciable aux insuffisants respiratoires, aux ischémiques et aux sportifs. Le
monoxyde de carbone augmente l’agrégation plaquettaire, indépendamment
de la nicotine (cumul des deux mécanismes) et a des effets importants sur le
myocarde.
n La nicotine (une cigarette en contient 10 à 25 mg, un cigare 15 à 40 mg) agit
sur les ganglions sympathiques et parasympathiques et exerce ainsi des effets à
la fois cardiovasculaires, métaboliques et nerveux. Le tabac est un facteur de ris-
que cardiovasculaire indépendant de tous les autres ; le simple fait de fumer
double le risque cardiaque et artériel cérébral. Le type de cigarettes (ex. : ciga-
rettes légères) n’a aucune influence sur l’intensité du risque. Le risque est élevé
même si la consommation quotidienne se limite à 2 cigarettes. La nicotine aug-
mente la pression artérielle (PA. S     1 à 2 ; PA. D     0,5 à 1,5). Elle aug-
mente fortement le risque d’artériopathie des membres inférieurs. Elle abaisse la
température cutanée des extrémités. Elle peut favoriser ou générer une aryth-
mie, des extrasystoles, voire des fibrillations. Les troubles sont plus sévères chez
le coronarien.
n D’autres effets, surtout nicotiniens se manifestent sur la lipolyse (augmentation
des acides gras libres et de la cholestérolémie), les glucides (hyperglycémie pas-
sagère trompant la faim), l’insuline (inhibition de son action et dérèglement de
l’insulinosécrétion). Les systèmes enzymatiques sont perturbés. L’ascorbémie est
diminuée (la vitamine C est vasculoprotectrice et réduit la fixation artérielle du
cholestérol).

Les méfaits généraux du tabagisme


Le tabagisme augmente la viscosité sanguine et diminue le temps de survie pla-
quettaire. Il induit des troubles sensoriels : hypoacousie, diminution de l’olfaction
et de la gustation. Le tabagisme peut causer des œsophagites catarrhales, des gas-
trites hautes, des troubles dyspeptiques. Le tabac intervient dans le déterminisme
et surtout l’aggravation de la maladie ulcéreuse. La relation qui pourrait exister
entre le tabagisme et la pathologie cancéreuse digestive est moins évidente que
celle qui existe avec la pathologie pulmonaire. Il est cependant bien établi mainte-
nant que le risque de cancer de l’œsophage s’élève avec la consommation tabagi-
que [risque non-fumeur  1 ; risque fumeur (20 g de tabac/jour)  5,1] ;
les fumeurs de cigares doublent leur risque de cancers aérodigestifs. De même,
le risque de survenue du cancer du pancréas est multiplié par 2 ou 3 chez les
grands fumeurs ( 30 cigarettes/jour) ; après 10 années de tabagisme, il est
52. Le sevrage du patient tabagique 375

de 30 % ; ce risque est même persistant plusieurs années après le sevrage. Le


tabac augmente encore le risque d’adénome colo-rectal chez l’homme. Son rôle
est encore bien établi dans la récidive de l’ulcère duodénal et semble aussi dimi-
nuer sa vitesse de cicatrisation : le taux de récidive est supérieur à 70 % chez les
fumeurs contre 20 % chez les non-fumeurs. Chez certains fumeurs s’observent
des diarrhées intermittentes, des constipations atoniques plus tardives. L’effet
laxatif (fréquent) de la première cigarette résulte d’une sécrétion biliaire ; cet
effet peut être mis à profit au cours du traitement de la constipation. Les fem-
mes fumeuses de 40 à 49 ans acquièrent autant de rides du visage que les non-
fumeuses de 60 à 69 ans. L’association du tabac à la pilule œstroprogestative
majore le risque de thrombose. Le risque d’accident vasculaire cérébral est mul-
tiplié par 22. La contraception orale seule, ne modifie pas le risque cardiaque.
C’est l’association pilule-cigarettes qui est responsable d’accidents cardiovascu-
laires graves : le risque d’infarctus du myocarde est multiplié par 21 chez la
femme prenant la pilule et fumant plus de 15 cigarettes par jour. L’effet du tabac
sur la grossesse et la périnatalité est bien établi : l’intoxication fœtale est cer-
taine : le cœur du fœtus s’accélère de 5 à 40 pulsations/minute, pendant
20 minutes, après que la mère a fumé 2 cigarettes. Les effets peuvent être vas-
culaires et hypoxiques. La taille et le poids des nouveau-nés de mères fumeuses
pendant la grossesse, sont inférieurs à la moyenne. Le nombre de prématurés
est 2 fois plus important chez les mères fumeuses ; le tabagisme augmente le
risque d’avortement spontané ; la mortalité de leurs enfants (syndrome de mort
subite) est également plus élevée. Le tabagisme est générateur d’hypovitamino-
ses diverses, d’une baisse de l’hormone lactogène et de l’hormone de crois-
sance. La nicotine passe dans le lait maternel. Le retard statural moyen des
nourrissons de mères fumeuses persiste durant une année environ. L’exposition
à la fumée du tabac est un des facteurs de risque connus de la mort du nourris-
son. Chez les fumeuses, on observerait 3 fois plus de troubles des règles, une
stérilité plus fréquente, plus d’avortements et une précocité de la ménopause.
Remarque : le tabagisme raccourcit le délai d’entrée dans le sida d’environ
50 % chez les sujets séropositifs.

Les indications au sevrage


n Le sevrage est indiqué devant toute affection liée directement au tabac ou que le
tabac peut aggraver. C’est le cas des affections cardiovasculaires (ex. : angor,
claudication intermittente, extrasystoles, etc.) et des affections respiratoires.
Ainsi, le sevrage diminue de 50 % le risque d’infarctus du myocarde.
n Le sevrage est également indiqué lorsqu’il existe d’autres facteurs de risques tels
certains troubles métaboliques (cholestérolémie, lipidémie, obésité, etc.), une
hérédité vasculaire, des erreurs diététiques (alcoolisme, etc.).
n Le sevrage s’impose dans le cas de souffrance artérielle ou cardiaque (HTA,
coronarite, artérite cérébrale ou jambière, etc.) et dans le cas de souffrance
bronchique ou laryngée.
n Le sevrage devrait s’imposer chez le jeune adolescent, chez la femme gestante
et allaitante, chez toute femme soumise à une contraception œtroprogestative
et chez tout sujet que le tabac peut desservir (ex. : les ulcéreux).
376 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

n D’une façon générale, il est contre-indiqué de fumer trop tôt, de fumer en


inhalant et de fumer intensément : la consommation de 20 cigarettes par jour,
associée à l’inhalation des fumées doit être considérée comme un niveau de
haut risque qui favorise dans 50 % des cas la survenue d’une pathologie grave.
n Les enfants exposés au tabagisme passif ont une augmentation de près de 60 %
du risque d’infection des voies aériennes supérieures et inférieures. L’ingestion
de 3 cigarettes apporte suffisamment de nicotine pour tuer un enfant, de même
que 12 mégots ou 2 cigares ou encore 2 pincées de tabac à priser. La nicotine
absorbée par la bouche est hautement toxique : 2 à 5 mg peuvent entraîner des
nausées et des vomissements chez l’enfant, 40 à 60 mg peuvent être mortels. La
conduite à tenir d’emblée consiste à évacuer de la bouche de l’enfant tous les
brins qu’il n’a pas encore avalés et à alerter le centre antipoison le plus proche.
n Le risque estimé de cancer du poumon est augmenté d’un quart environ et il
est d’autant plus grand que l’exposition au tabagisme passif a été plus longue ;
le risque d’accident ischémique est augmenté de 30 % chez les non-fumeurs
vivant avec des fumeurs.
n Ne pas oublier que la cigarette et l’activité sportive ne font pas bon ménage :
chez le sportif occasionnel comme chez le sportif entraîné, la « cigarette après
l’effort » (ou la cigarette « d’après match ») est particulièrement dangereuse
compte tenu des phénomènes vasculaires qui accompagnent et suivent l’effort
physique.

Les interactions tabac-médicaments


Le tabagisme provoque des perturbations des mécanismes pharmacocinétiques
et pharmacodynamiques. Les effets se manifestent essentiellement au niveau de
la biodisponibilité, de l’induction ou de l’inhibition enzymatique et au niveau de
la fixation des médicaments sur leurs récepteurs. Toutes les grandes classes de
médicaments sont concernées : analgésiques et anti-inflammatoires, anticoagu-
lants, antiulcéreux, antidépresseurs, benzodiazépines, -bloquants, diurétiques,
etc. Si les données actuelles ne permettent pas de définir des règles générales de
thérapeutique médicamenteuse chez le fumeur, elles doivent néanmoins inciter
à la prévention et à la mise en garde notamment lorsque les substances prescri-
tes sont à marge thérapeutique étroite.

Les modalités thérapeutiques du sevrage


Pour la première fois, la France se dote d’un plan antitabac important avec
5 mesures majeures : la vente libre en pharmacie de substituts nicotiniques, la
fin des sevrages sauvages, la gratuité des substituts nicotiniques dans les centres
de santé et des efforts ciblés vers les femmes enceintes et les jeunes.
L’Afssaps a édité une « recommandation de bonne pratique relative aux stratégies
thérapeutiques médicamenteuses et non médicamenteuses de l’aide à l’arrêt du tabac ».

Les facteurs de dépendance


Le tabagisme peut être défini comme un comportement renforcé par une
dépendance pharmacologique dont la nicotine est responsable. La persistance
52. Le sevrage du patient tabagique 377

du tabagisme est favorisée par le développement d’une double dépendance


pharmacologique et non pharmacologique. Le questionnaire de dépendance de
Fagerström est le test préconisé pour l’évaluation de la dépendance nicotinique ;
ce test repose sur des questions simples permettant d’établir un score en relation
avec l’intensité de la dépendance (Tableau 52.1).
La dépendance peut encore être étudiée à partir de critères de dépendance à
la nicotine du DSM-IV. Enfin, il existe des marqueurs biologiques du tabagisme
(CO expiré, cotinine urinaire et plasmatique) non utilisables en pratique
médicale ambulatoire ; le recours à ces marqueurs n’est pas indispensable pour
l’appréciation de la dépendance dans les conditions cliniques habituelles.

Tableau 52.1
Questionnaire de dépendance de Fagerström

1. Dans quel délai après le réveil fumez-vous votre première cigarette ?


– moins de 5 min 3
– 6 à 30 min 2
– 31 à 60 min 1
– après 60 min 0
2. Trouvez-vous difficile de ne pas fumer dans les endroits interdits ?
– oui 1
– non 0
3. Quelle cigarette trouvez-vous la plus indispensable ?
– la première 1
– une autre 0
4. Combien de cigarettes fumez-vous par jour ?
– 10 ou moins 0
– 11 à 20 1
– 21 à 30 2
– 31 ou plus 3
5. Fumez-vous de façon plus rapprochée dans la première heure après le réveil
que pendant le reste de la journée ?
– oui 1
– non 0
6. Fumez-vous, même si une maladie vous oblige à rester au lit ?
– oui 1
– non 0
Total … /10
Interprétation :
Score de 0 à 3 points : peu ou pas dépendant à la nicotine
Score de 4 à 7 points : moyennement à fortement dépendant à la nicotine
Score de 8 à 10 points : très fortement dépendant à la nicotine
378 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Les modalités d’aide à l’arrêt du tabac


De nombreuses situations influencent la prise en charge du sevrage tabagique ;
seul l’état anxieux dépressif la modifie profondément, nécessitant une prise en
charge des troubles anxiodépressifs avant le sevrage.
n La dépendance à l’alcool favorise la dépendance tabagique ; les alcooliques
meurent en majorité de pathologies liées au tabac, puisque la double intoxica-
tion est fréquente. Le sevrage initial en alcool favorisant la resocialisation, il per-
met un sevrage tabagique plus facile.
n La crainte de la prise de poids constitue un frein au sevrage tabagique qu’il ne
faut pas sous-estimer, surtout chez la femme ; la prise de poids est rarement
supérieure à 6 kg. Un encouragement psychologique pour valoriser l’image cor-
porelle, la pratique d’un sport doivent être préconisés ; les substituts nicotini-
ques sont un moyen utile pour freiner la prise de poids.
n Le statut socio-économique du patient doit être pris en compte car un certain
nombre de déterminants socio-économiques influencent la consommation du
tabac ; l’accessibilité au dispositif de soins doit être facilitée pour les sujets en
situation de précarité.
n L’offre de soins actuelle est spécifiquement orientée vers les adultes et s’avère
peu adaptée au cas des adolescents ; des programmes d’intervention spécifiques
devraient être développés à leur intention.
n Le désir de conception (25 % des femmes enceintes fument) et les suites de
grossesse sont des circonstances pouvant motiver et devant conduire à des
actions d’aide à l’arrêt du tabac ; le risque fœtal et infantile du tabagisme des
parents doit être connu et rappelé.

Les techniques d’arrêt du tabac


Toutes les recommandations insistent sur l’importance du conseil minimal donné par
tous les professionnels de santé aux patients. Ce conseil minimal consiste à deman-
der systématiquement à chaque patient s’il est fumeur et s’il a envisagé la possibi-
lité de s’arrêter de fumer. Le conseil minimal pour tous s’adresse à tous les patients :
n fumeurs qui ne sont pas venus consulter pour cela ;
n fumeurs heureux de l’être ;
n fumeurs pas encore prêts pour l’arrêt ;
n fumeurs qui ne demandent pas d’aide.
Le conseil minimal est efficace ; il consiste à poser les 2 questions suivantes :
« Est-ce que vous fumez ? » puis « Voulez-vous vous arrêter de fumer ? » et offrir
une brochure à ceux qui répondent « oui » à la seconde question. Ce procédé
double le taux de succès de l’arrêt à long terme, par rapport à l’arrêt spontané.
Quel que soit le type de fumeur, il faut l’informer des méfaits du tabac mais
sans le terroriser car dans bien des cas, celui-ci renforce ses convictions de
fumeur en bravant « héroïquement » les interdits. Le pharmacien conseiller et
informateur devra toujours ménager la susceptibilité du fumeur en s’efforçant
plutôt de le motiver au sevrage. Plusieurs stratégies thérapeutiques peuvent être
envisagées lorsque cette décision a été acceptée. Parmi les techniques utilisées
dans la prise en charge globale du fumeur, les produits à base de nicotine et la
thérapie comportementale et cognitive sont mis en avant. Les autres techniques
52. Le sevrage du patient tabagique 379

(acupuncture, homéopathie, hypnose, etc.) n’ont pas été retenues par la confé-
rence de consensus compte tenu d’un manque de preuves d’efficacité.
Quelle que soit la thérapeutique choisie, le patient doit se soumettre à un cer-
tain rythme de consultations médicales qui peut être le suivant : J0    arrêt du
tabagisme ; J8    adaptation du traitement pharmacologique et recherche des
compensations ; J15    recherche des compensations ; J30    prévention de la
prise de poids ; J60    adaptation du traitement ; J90    fin du traitement, si la
thérapeutique choisie est le dispositif transdermique.
Remarque : une consultation de 40 minutes avant la fin du 3e trimestre de
grossesse, axée sur les méfaits du tabac, est habituellement réalisée par les
médecins ou par les sages-femmes.

Les traitements médicamenteux


Les substituts nicotiniques
L’utilisation des substituts nicotiniques s’intègre dans le cadre d’une prise en
charge globale prenant en compte l’ensemble des dépendances (pharmacologi-
que, psychique, sociocomportementale) souvent intriquées et les perturbations
associées. La prescription doit être rigoureuse car certains médicaments exigent
des précautions d’emploi particulières notamment quand ils sont administrés à
des sujets souffrant de troubles cardiovasculaires ou à des sujets diabétiques.

Différentes formes galéniques


Il existe différentes formes galéniques disponibles des substituts nicotiniques.
La gomme à mâcher, le premier des substituts nicotiniques, existe en 2 dosa-
ges (Nicorette) : 2 et 4 mg. La dose libérée est approximativement de 1 mg pour
les gommes de 2 mg et d’un peu moins de 2 mg pour les gommes de 4 mg. Il
existe des gommes de saveurs différentes (menthol, orange, fruits, etc.). La nico-
tine est absorbée par la muqueuse buccale. L’efficacité de la nicotine libérée par
la gomme est optimale lors de la mastication de la gomme et non lors de la
déglutition. Les taux plasmatiques de nicotine obtenus sont moindres que ceux
qui sont obtenus par la prise de cigarette. Il faut préciser au patient que la
gomme ne doit pas être utilisée comme un chewing-gum mais, à l’inverse, être
mâchée très lentement et que la salive ne doit pas être déglutie ; dans le cas
contraire, le patient risquerait d’avoir des effets indésirables buccaux ou gastri-
ques. Le risque de transfert de la dépendance aux cigarettes vers une dépen-
dance à la gomme, sans être nul, reste marginal.
Le système transdermique (timbre ou patch) a été développé pour éviter ces dif-
ficultés d’usage liées aux gommes. Le timbre permet une meilleure observance,
en rapport avec une plus grande facilité d’utilisation. Pour diminuer le risque de
réaction cutanée locale, il faut changer le site d’application du timbre quotidien-
nement. Il existe des systèmes (Nicopatch, Nicotinell TTS) pouvant être portés
durant 24 heures, qui délivrent une dose de 21 mg de nicotine par jour et des
systèmes (Nicorette) pouvant être portés 16 heures, qui délivrent une dose de
15 mg de nicotine par jour.
Les pastilles sublinguales ou les pastilles à sucer ont une pharmacocinétique proche
de celle de la gomme à la nicotine. Contrairement aux gommes, les pastilles n’ont
pas de matrice retenant une partie de la nicotine. Une pastille (Nicorette-Microtab)
380 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

de 2 mg libère approximativement 2 mg de nicotine ; celle de 4 mg libère


approximativement 4 mg de nicotine.
L’inhaleur est désormais disponible en France (Nicorette inhaleur). Il peut être
utilisé seul ou en association avec d’autres substituts nicotiniques. Son usage est
bien toléré, bien que l’on observe parfois une irritation buccale locale, une toux
ou une rhinite. Ces effets indésirables sont d’intensité faible en général, et dispa-
raissent en quelques jours.
Modalités du traitement de substitution nicotinique
Il est conseillé d’ajuster les doses de substituts nicotiniques en fonction du score
de Fagerström et de l’existence de symptômes de surdosage (bouche pâteuse,
diarrhée, palpitations, insomnie) ou de sous-dosage (apparition d’un syndrome
de sevrage marqué : troubles de l’humeur, insomnie, irritabilité, agitation,
anxiété, majoration de l’appétit). Le patient doit être informé de ces symptômes,
afin de pouvoir adapter la dose. Pour les formes orales de substituts nicotiniques,
la consommation de boissons acides, de café, de jus de fruit est déconseillée
dans les 15 minutes précédant leur utilisation, car ces boissons modifient l’ab-
sorption de la nicotine au niveau buccal.
Le choix de la dose constitue un facteur important du succès. Les taux de suc-
cès sont améliorés si les substituts nicotiniques apportent une quantité de nico-
tine proche de celle que le fumeur retirait de sa consommation de cigarettes.
Toutes les formes galéniques de substituts nicotiniques ont une efficacité simi-
laire à posologie égale. Le choix entre les différentes formes galéniques peut être
fondé sur la sensibilité aux effets indésirables, la préférence du patient ou la dis-
ponibilité (selon les pays). Les fumeurs les plus dépendants présentent plus de
succès avec la gomme dosée à 4 mg qu’avec celle à 2 mg. Chez les gros
fumeurs, l’efficacité en pratique courante des timbres utilisés sur 16 heures et
24 heures semble similaire. L’utilisation du système transdermique au-delà de
8 semaines de traitement ne semble pas augmenter les taux de succès.
Habituellement, le traitement par patch est diminué progressivement par paliers
sur 8 à 12 semaines. L’association des substituts nicotiniques avec une prise en
charge psychologique augmente les taux d’abstinence. Plusieurs études
contrôlées ont montré une bonne tolérance et parfois une efficacité majorée de
l’association de 2 substituts nicotiniques, afin d’obtenir une posologie optimale
chez les patient(e)s les plus dépendant(e)s. Cette stratégie peut être recomman-
dée chez les patient(e)s très fortement dépendant(e)s ou « sous-dosé(e)s » par
un seul type de substitut. Néanmoins, l’association de différentes formes galé-
niques de substituts nicotiniques doit s’effectuer sur prescription médicale.
La durée d’administration des substituts nicotiniques est variable selon les
patients : de 6 semaines à 6 mois.
Effets indésirables des dérivés nicotiniques
Les effets indésirables des dérivés nicotiniques doivent être connus, car ils peu-
vent faire l’objet d’un abandon du traitement.
Certains effets indésirables peuvent être observés avec les gommes et les pas-
tilles, souvent en cas d’utilisation inadéquate : brûlures pharyngées, hoquets, brû-
lures d’estomac. L’utilisation des gommes à mâcher expose certains patients aux
risques de décollement de prothèse dentaire. Les timbres exposent au risque de
dermite d’irritation avec prurit et à l’eczéma de contact. Les substituts nicotiniques
52. Le sevrage du patient tabagique 381

n’induisent pas d’accidents cardiovasculaires, même chez les patients atteints de


maladie coronarienne, d’hypertension artérielle ou d’artérite. Certaines formes
de traitement nicotinique de substitution peuvent présenter un potentiel addic-
tif, d’autant plus grand que la nicotine est délivrée plus rapidement. L’incidence
d’usage abusif est nulle pour le timbre, faible pour la gomme ou l’inhaleur et
plus élevée pour le spray nasal.
Modalités thérapeutiques pratiques conduites à l’officine lors de la
délivrance des substituts nicotiniques
Si la dépendance est importante, la gomme à 2 mg ne permet pas d’apporter
les doses de nicotine suffisantes ; il faut alors recourir soit à un dosage plus fort,
soit au patch (les apports peuvent être plus importants, plus réguliers et modu-
lés selon les besoins avec les timbres). La dose initiale à prescrire est adaptée au
niveau de dépendance (test de Fagerström) ; une substitution de l’ordre de
70 % semble suffisante pour atténuer les symptômes de sevrage : ainsi, pour le
patch, on débutera avec le plus fort dosage (15 ou 21 mg) si le test de
Fagerström est supérieur ou égal à 7. Le patch appliqué le matin sur la peau gla-
bre sera laissé en place 16 (ou 24) h (cette forme étant préférable si la première
cigarette était fumée dans la première demi-heure après le lever), puis retiré. Le
patch suivant sera placé au réveil sur une autre surface cutanée, pour diminuer
les risques de réaction cutanée. Les gommes doivent être mâchées légèrement
pendant quelques secondes, chacune à intervalle régulier, puis laissées entre la
joue et la gencive pendant 30 minutes environ ; le patient en utilise 10 à 15 par
jour avec possibilité d’en prendre chaque fois qu’il ressent l’envie de fumer.
Pour les deux formes de substitution, on maintiendra la même dose pendant
3 à 4 semaines initialement, puis on commence une réduction progressive des
doses en fonction de la tolérance clinique, pour aboutir à un arrêt après un délai
de 3 mois en moyenne ; pour le patch, on effectue une diminution progressive
de la dose, donc de la taille, sur des périodes de 3 à 4 semaines.
Remarque : le comprimé sublingual permet un sevrage discret (on ne mâche
pas) ; il se délite en 20 à 30 minutes. La posologie initiale préconisée est de 1 cp.
toutes les heures, en moyenne.
Chez un fumeur sous substitution nicotinique, la dose est adaptée en fonction
des signes de sous-dosage (forte envie de fumer, boulimie, nervosité, etc.) ou de
surdosage (nausées, vertiges, palpitations, diarrhée, etc.) et éventuellement des
marqueurs biologiques. En cas d’insomnie, le patch sera retiré avant la nuit.
Lors de la délivrance des substituts nicotiniques, le pharmacien se souviendra
des contre-indications cardiovasculaires avérées (angor instable, AVC récent,
arythmie, etc.) et des contre-indications dues à la grossesse et à l’allaitement. Il
ne manquera pas de préciser un certain nombre de conseils fondamentaux :
n L’arrêt total du tabagisme est impératif dès le début du traitement. L’arrêt doit
être absolu pendant le port du patch.
n Prévenir que certains effets secondaires gênants peuvent apparaître tels que
des céphalées ou une insomnie : dans ce cas, il faut retirer le patch au coucher ;
d’autres effets indésirables peuvent se manifester : irritabilité, vertiges, nausées,
douleurs abdominales, troubles du transit. Les gommes induisent une irritation
pharyngée ; les patchs peuvent provoquer un prurit ou un érythème léger : il
suffira de changer le site d’application chaque jour.
382 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

n Prévenir le patient que l’observance est indispensable à l’obtention d’un bon


résultat.
n Préconiser certains conseils diététiques : éviter les sucreries, le grignotage et
privilégier les légumes. Les pratiques diététiques consistent à instaurer un régime
hypotoxique, c’est-à-dire dénué d’excitants comme le café, le thé ou l’alcool et
à compenser par la prise d’un verre d’eau chaque fois que le sujet est tenté de
fumer. Le fumeur est fréquemment un grand buveur de café. L’arrêt du tabac
provoque une augmentation de 250 % du taux de caféine plasmatique ! Tout se
passe comme si ces sujets buvaient 2 fois et demie plus de café. Le phénomène
cesse au bout de 5 à 6 jours de sevrage, mais dans la plupart des cas, il faut
attendre plus de 6 mois pour pouvoir observer une légère diminution de la
consommation de café chez le fumeur sevré. Le pharmacien doit aussi informer
le sujet des risques qui peuvent survenir lorsqu’il cherche à compenser la ciga-
rette par la mastication de bois de réglisse (attention à l’HTA) ou de sucreries
(attention chez le diabétique).
n Encourager le sport (ex. : la marche) qui, associé aux mesures précédentes,
permettra de limiter la prise de poids (3 kg en moyenne). Les exercices respira-
toires, les exercices physiques ainsi qu’une régularité du temps de sommeil sont
souvent bénéfiques et bien acceptés par le sujet.
n Apporter une contribution au soutien psychocomportemental : prévenir l’en-
tourage, éviter les tentations en évitant les fumeurs ! ; si le conjoint est fumeur,
arrêter ensemble ; encourager la consultation régulière chez le médecin, surtout
s’il existe une composante anxio-dépressive.
Remarque : quels que soient les moyens employés pour le sevrage du taba-
gisme, le succès repose sur le principe fondamental que pour s’arrêter de fumer,
le sujet doit être absolument motivé.

Le sevrage par administration de bupropion


Le bupropion (Zyban LP) est un traitement oral non nicotinique d’aide au
sevrage tabagique indiqué chez l’adulte présentant une dépendance à la nico-
tine. Son administration doit débuter avant l’arrêt effectif du tabac : le fumeur et
son médecin choisissent d’un commun accord une date d’arrêt, de préférence
au cours de la seconde semaine de traitement.
La durée habituelle de traitement par le bupropion est de 8 semaines (7 à
9 semaines). Il n’y a pas de bénéfice actuellement à associer substituts nicotini-
ques au bupropion : cette association n’est pas recommandée.
Modalités de prescription recommandées par l’Afssaps
Les modalités suivantes de prescription du bupropion sont recommandées par
l’Afssaps :
n il faut respecter strictement les contre-indications :
l antécédents d’hypersensibilité au bupropion, à l’un de ses excipients,

l troubles convulsifs évolutifs,

l antécédents de convulsion,

l tumeur du système nerveux central,

l troubles bipolaires (ex. : psychose maniacodépressive),

l sevrage alcoolique,
52. Le sevrage du patient tabagique 383

l sevrage en benzodiazépine et produits apparentés,


l traitement par IMAO,
l anorexie, boulimie, actuelles ou anciennes,

l insuffisance hépatique sévère ;

n les facteurs de risque de convulsions, qui abaissent le seuil épileptogène, doi-


vent systématiquement être recherchés, chez tous les patients :
l administration concomitante d’autres médicaments connus pour abaisser le

seuil épileptogène. (ex. : antipsychotiques, antidépresseurs, antipaludéens,


tramadol, théophylline, stéroïdes administrés par voie systémique, quinolo-
nes et antihistaminiques sédatifs). En cas de prescription de médicaments
de ce type chez un patient en cours de traitement par le bupropion, la dose
maximale de 150 mg par jour est préconisée pour la durée de traitement
restante,
l abus d’alcool,

l antécédent de traumatisme crânien,

l diabète traité par antidiabétiques oraux ou par insuline,

l utilisation de produits psychostimulants ou anorexigènes ;

n il est recommandé de se référer au résumé des caractéristiques du produit


(RCP) lors de sa prescription, en raison des précautions d’emploi et des modali-
tés posologiques particulières ;
n l’administration du bupropion LP est déconseillée au cours de la grossesse et
de l’allaitement.
Effets indésirables du bupropion
Le bupropion présente un risque de convulsions (estimé à 0,1 %). Ces crises sont
principalement généralisées de type tonicocloniques. Il s’agit de l’effet indésirable
le plus grave et le plus redouté du produit, d’où ses contre-indications d’emploi.
D’un point de vue pratique, l’effet indésirable le plus fréquemment rencontré est
l’insomnie, qui impose de décaler la prise du 2e comprimé en respectant toujours
un intervalle de 8 heures. Il ne faut pas méconnaître la possibilité d’usage
détourné du bupropion dans un but psychostimulant et/ou récréatif.
Pendant toute la durée du traitement, il est nécessaire de vérifier son efficacité
et la bonne tolérance du sevrage ; une prise en charge cognitive et comporte-
mentale (cf. infra) peut parfois s’avérer utile pour renforcer la motivation, l’auto-
contrôle ainsi que la gestion des situations à risque et le stress. À l’arrêt du
traitement, il est conseillé de diminuer progressivement la posologie.
Le sevrage par administration de varenicline
Le tartrate de varénicline (Champix) est une nouvelle substance active, agoniste
partiel des récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine de type 42, indiqué dans
le sevrage tabagique chez l’adulte. Champix doit être administré à des fumeurs
motivés à l’arrêt dans le cadre d’une prise en charge globale (conseils  suivi).
Administré par voie orale, la dose recommandée est de 1 mg deux fois/jour,
après une semaine d’augmentation posologique (0,5 mg une fois/jour durant
les 3 premiers jours de traitement, puis 0,5 mg deux fois/jour les 4 jours sui-
vants). Le patient doit fixer une date pour arrêter de fumer. L’administration de
Champix doit débuter 1 à 2 semaines avant cette date. La durée d’une cure de
384 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Champix est de 12 semaines. En cas d’échec après la première cure, aucune don-
née n’est disponible sur l’efficacité d’une cure supplémentaire. Champix sera
délivré sur prescription médicale. Il ne doit pas être utilisé chez la femme
enceinte et les sujets de moins de 18 ans, en raison d’une insuffisance de don-
nées concernant la sécurité et l’efficacité.
Les effets indésirables sont essentiellement des nausées (30 %) apparaissant
plutôt en début de traitement et n’entraînant que rarement l’arrêt du traite-
ment. Des céphalées, des rêves anormaux, une insomnie, moins fréquents, ont
également été rapportés. Depuis l’autorisation de mise sur le marché, l’analyse
des données de pharmacovigilance a conduit les autorités européennes à identi-
fier deux nouveaux risques : l’infarctus du myocarde et les idées suicidaires et
tentatives de suicide. Ces risques restent potentiels, la relation de causalité
n’étant pas établie entre la prise du médicament et ces symptômes. Néanmoins,
ils ont été introduits dans le RCP de Champix et la notice destinée au patient. Par
ailleurs, certains groupes à risque n’ont pas été étudiés : sujets très âgés
( 75 ans), sujets de moins de 18 ans, femmes enceintes, patients présentant
une pathologie cardiovasculaire, une broncho-pneumopathie chronique obs-
tructive, des troubles psychotiques, et chez les patients avec convulsions.
Aucune donnée n’existe quant au risque en cas de surdosage. Il est indispensa-
ble de surveiller les risques liés au sevrage tabagique lui-même (insomnie, irrita-
bilité, dépression). Il est également à noter qu’à la fin du traitement, l’arrêt de
Champix a été associé à une augmentation de l’irritabilité, de l’envie de fumer,
de la dépression, et/ou de l’insomnie, pour tout au plus 3 % des patients. Par
conséquent, un arrêt progressif du traitement doit être envisagé.
L’Afssaps a mis en place une surveillance de pharmacovigilance renforcée avec
un suivi national de pharmacovigilance. L’Afssaps rappelle que tout effet indési-
rable grave ou inattendu susceptible d’être lié à la prise de Champix doit être
déclaré par les professionnels de santé au Centre Régional de Pharmacovigilance
de rattachement géographique.

L’usage d’autres médicaments pendant le sevrage


L’usage d’antidépresseurs
Une dépression diagnostiquée au moment de la consultation pour sevrage taba-
gique nécessite d’être traitée par antidépresseurs, mais doit faire repousser de
deux semaines la mise en route du sevrage pour laisser le temps à l’antidé-
presseur de faire son effet.
Inversement, un patient suivant régulièrement et depuis assez longtemps un
traitement antidépresseur ne doit pas le réduire au cours du sevrage tabagique.
Si cette réduction était dans son projet ou celui de son psychiatre, il faut atten-
dre que le sevrage tabagique soit bien supporté depuis quelque temps pour
envisager une diminution de posologie d’antidépresseur.
Enfin, si un syndrome dépressif se déclare au cours d’un sevrage, on poursuit
le sevrage tabagique et l’on met en place un traitement antidépresseur, volon-
tiers par inhibiteur de capture de la sérotonine (IRS).
L’usage d’anxiolytiques
Les anxiolytiques, en particulier les benzodiazépines, ne sont pas souvent utilisés
pour traiter l’anxiété du patient en sevrage tabagique, car, chez le fumeur, le risque
52. Le sevrage du patient tabagique 385

est grand d’ajouter une dépendance à une autre ; par ailleurs, l’anxiété se majo-
rant au cours du sevrage exprime souvent un état de manque ou une inefficacité
thérapeutique. Un sous-dosage nicotinique doit être corrigé par une augmenta-
tion de posologie des substituts. S’il s’agit d’une vraie anxiété, un traitement
anxiolytique peut être envisagé, mais sur une courte durée pour limiter le risque
de dépendance.
L’usage de vitamines
Souvent, en début de traitement, se manifestent un ralentissement, une fatigue,
des bâillements, etc. Il est nécessaire de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un syndrome
dépressif débutant.
Mais parfois cela est dû à l’absence du shoot de nicotine et peut être amélioré
par une cure de quinze jours de vitamine C (500 mg matin et midi), en sachant
que les fumeurs, surtout les gros fumeurs sont probablement carencés en
vitamine C.

Les thérapies cognitivo-comportementales (TTC)


Les thérapies cognitivo-comportementales ont pour but de favoriser le main-
tien de l’abstinence tabagique par un nouvel apprentissage. Elles interviennent
à un niveau comportemental, cognitif et émotionnel. Elles font référence aux
modèles issus des théories de l’apprentissage (conditionnement classique,
opérant et apprentissage social), ainsi qu’aux modèles cognitifs fondés sur
l’étude du traitement de l’information (processus de pensée conscients et
inconscients qui filtrent et organisent la perception des événements qui se
déroulent dans l’environnement du sujet, et qui interviennent dans les proces-
sus émotionnels). Ces techniques semblent particulièrement intéressantes dans
le cadre du sevrage tabagique, car il apparaît que le tabagisme est un compor-
tement qui se caractérise par un trouble de l’apprentissage, qui aboutit à une
perte de contrôle de la consommation. De plus, comme dans d’autres toxico-
manies, des facteurs cognitifs et émotionnels peuvent contribuer à la rechute
ou au maintien de la consommation. L’utilisation des thérapies comportementa-
les et cognitives permet de multiplier par deux le taux d’abstinence tabagique à
6 mois. Les thérapeutiques cognitivo-comportementales peuvent être conseillées en
première intention, pour tout sujet décidé à s’arrêter de fumer. L’approche par
TCC est complémentaire à la prise en charge pharmacologique de la pré-
vention de symptômes de sevrage (par les substituts nicotiniques ou le bupro-
pion), et les taux d’abstinence sont supérieurs quand les 2 approches sont
combinées. Elles peuvent être employées lors des 3 phases de l’arrêt du tabac :
la préparation, le sevrage puis la prévention de la rechute. Les techniques
issues des entretiens motivationnels sont particulièrement utiles dans la phase
de préparation, mais également dans le suivi, afin de soutenir la motivation du
patient. Une fois l’arrêt instauré, la prise en charge s’oriente sur la prévention
de la rechute. L’objectif est alors d’aider les patients à identifier les situations
dans lesquelles ils sont le plus susceptibles de fumer, à les éviter si nécessaire,
et surtout à y faire face plus efficacement.
Les thérapies comportementales et cognitives sont des techniques validées et
recommandées dans l’aide à l’arrêt du tabac. Il s’agit de moyens efficaces d’aide
à l’arrêt du tabac et de prévention des rechutes.
386 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Thérapeutiques non recommandées


Pour bien informer le patient, le pharmacien doit encore connaître les thérapeu-
tiques qui ne sont pas recommandées par l’Afssaps, dans le cadre du sevrage
tabagique :
n des médicaments comme la clonidine, les antidépresseurs tricycliques, la bus-
pirone, les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), les inhibiteurs sélectifs
de la recapture de la sérotonine (IRS) ;
n d’autres médicaments comme les anorexigènes, les bêtabloquants, Nicoprive,
caféine/éphédrine, la cimétidine, la lobeline, les médicaments homéopathiques,
le méprobamate, les benzodiazépines, l’ondansétron, l’acétate d’argent ;
n l’acupuncture, la vaccinothérapie, la mésothérapie, l’auriculothérapie, les ciga-
rettes sans tabac, l’hypnose, le laser.

Quelle que soit la méthode utilisée, la stratégie du sevrage va de la demande du


patient − ou de sa préparation à cette demande − à la construction de son sevrage,
la prévention et la gestion des situations de crise et de rechute, pour arriver à un
stade de sevrage complet ou de réduction plus ou moins importante du tabagisme.
À chaque stade, le pharmacien, comme le médecin, peut aider le patient, mais
c’est lui qui décide. C’est pourquoi les techniques comportementales et cognitives
d’aide au sevrage demeurent les plus efficaces.
53 Les traitements de
substitution
Le sevrage aux opiacés

Une conférence de consensus, relative aux modalités de sevrage chez les toxico-
manes dépendants des opiacés, des 23 et 24 avril 1998 réactualisée (ANAES,
HAS) en juin 2004 a permis de dégager plusieurs recommandations essentielles.

Le toxicomane
Le toxicomane est un patient dès lors qu’il entre dans un système de soins avec
une demande d’aide, du fait de sa dépendance, notion différente d’un usage ou
d’un abus d’opiacés ; l’incidence de la morbidité est plus importante pour les
personnes dépendantes que pour les consommateurs de drogue. La dépendance
est la source de dommages biopsychosociaux et d’une souffrance véritable justi-
fiant des soins.
La cure de sevrage a une utilité directe (diminution, voire arrêt de la consom-
mation de produits opiacés) et indirecte (prise de conscience de la dépendance,
désir du sujet d’intégrer le système de soin médical et médico-social, amélioration
de la qualité du suivi et des aides à l’insertion familiale, professionnelle et sociale).
La substitution est un outil de régulation de l’addiction et non un sevrage.

Objectifs individuels et de santé publique


des sevrages
Le soignant devra faire part au patient des objectifs pouvant être mis en œuvre à
court, moyen et long terme pour inscrire le soin dans la continuité. À court
terme, les objectifs pourront être médicaux, sociaux, psychologiques prévenant
les effets des rechutes ; à long terme, le maintien de l’abstinence restera un but
non exclusif des traitements. Les objectifs de santé publique sont dominés par la
réduction des risques que sont les infections virales, les conséquences sociales de
la dépendance aux opiacés, etc.

Les méthodes de sevrage


Le sevrage ambulatoire est réalisable sous condition qu’il existe un suivi rappro-
ché, en prévoyant, pour un sevrage court, de rencontrer le patient en consulta-
tion tous les 2 ou 3 jours, voire initialement tous les jours.
Le sevrage en milieu hospitalier est réalisable en service de médecine non spé-
cialisé, en service psychiatrique ou en institution spécialisée ; la durée de l’hospi-
talisation varie selon les patients et selon le produit. Les polytoxicomanies
justifient une prolongation de séjour ; la durée de celui-ci ne peut plus être
388 XII.
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Les conseils spécifiques et de prévention

arbitrairement limitée à 8 jours. L’approche chimiothérapique est destinée à


réduire la symptomatologie du manque ; le traitement chimiothérapique est
adapté à chaque patient, car il varie en fonction du produit responsable et du
degré de la dépendance.
Pour le sevrage des opiacés, plusieurs types de traitements peuvent être
proposés :
n Les traitements spécifiques tentent de s’opposer à l’hyperfonctionnement adré-
nergique, considéré comme responsable des symptômes. Le produit le plus uti-
lisé est un antihypertenseur adrénergique : la clonidine (Catapressan) ; la
guanfacine (Estulic), dérivé d’action prolongée de la clonidine serait d’un manie-
ment plus aisé.
n Les traitements symptomatiques sont destinés à atténuer et, si possible, faire
disparaître les manifestations du manque : antalgiques, spasmolytiques, antinau-
séeux, antidiarrhéiques, sédatifs et hypnotiques. Les produits sédatifs sont le plus
souvent indispensables, surtout les premiers jours. Les benzodiazépines sont uti-
lisées dans certains protocoles pour leur effet anxiolytique. Certains produits
sont nettement contre-indiqués à cause de leurs effets toxicomanogènes : le flu-
nitrazépam (Rohypnol), le chlorazépate disodique fortement dosé (Tranxène 50),
lesquels à très fortes doses peuvent induire une agressivité difficile à contrôler.
L’alternative peut être l’utilisation d’un neuroleptique sédatif comme l’almé-
nazine (Théralène) ou la cyamémazine (Tercian).
n D’autres méthodes de sevrage font appel au sevrage dégressif avec diminution
régulière de la consommation sur une durée de quelques jours, semaines ou
mois (ex. : pour les sevrages ambulatoires).
n Le sevrage des toxicomanies associées relève de la pratique et de l’expérience
de chaque équipe soignante.
n Le sevrage des benzodiazépines fait appel à des modalités spécifiques de la
molécule consommée.
n Le sevrage de l’alcool consiste en une phase de sevrage physique suivie par
une phase de sevrage psychologique et de sevrage médicamenteux (cf.
chapitre spécifique).
n Le sevrage des polydépendances aux opiacés, benzodiazépines et alcool et le
sevrage de la cocaïne et des amphétamines n’ont pas encore fait l’objet d’études
suffisantes pour définir des recommandations spécifiques.

Objectifs de la substitution
Ces objectifs sont bien définis :
n réduction et suppression de la consommation des drogues ;
n amélioration de l’humeur, du comportement et de l’état de santé du patient ;
n obtention par le patient d’un meilleur autocontrôle de ses envies de drogue ;
n réduction des comportements à risque de contamination infectieuse (VIH en
particulier) ;
n accessibilité aux soins et à un suivi médical psychiatrique et social au sein d’un
réseau de prise en charge multidisciplinaire ;
n facilitation d’une réinsertion affective et sociale du patient ;
53. Les traitements de substitution 389

n possibilité
d’envisager, à plus ou moins long terme, un arrêt du traitement et
un état d’abstinence sans autre phénomène toxicomaniaque (alcool, psychotro-
pes, etc.).

Les soins après le sevrage et le suivi


Les soins après sevrage et le suivi se définissent sur le long terme ; le patient doit
être pris en charge dans sa globalité, tant au niveau psychologique que médical
et social. Le but est de permettre au sujet de trouver ou de retrouver une auto-
nomie et une liberté psychique. Le médecin et le pharmacien (comme tout autre
personnel de santé) doivent rechercher, tout au long du suivi, les indices de
souffrance psychique, d’affections mentales, de troubles de la personnalité et les
considérer comme autant d’éléments jouant un rôle pronostique dans la desti-
née des patients dépendants des opiacés.
Quelle que soit la forme du sevrage, un accompagnement doit toujours être
proposé :
n Le suivi médical tient compte des pathologies contractées pendant la période
de dépendance.
n L’accompagnement social vise à restaurer l’insertion sociale du patient.
n Le suivi éducatif cherche à résoudre les problèmes rencontrés dans la vie
quotidienne.
n Le soutien psychologique est nécessaire tout au long de la prise en charge ; la
famille devant pouvoir s’impliquer dans le processus de soins et de suivi.

Principes généraux des traitements de substitution


Les traitements de substitution sont une modalité de prise en charge des per-
sonnes pharmacodépendantes aux opiacés.
Les relations entre les médecins, les pharmaciens et les toxicomanes sont délicates.
Il existe, en effet, une relation de confiance obligatoire entre le personnel soi-
gnant et le toxicomane, tant du point de vue de la prescription (pour le
médecin) que de l’observance et de la dispensation.
Dans chaque département, il existe un comité de suivi des toxicomanes au
sein duquel le Conseil départemental de l’ordre des médecins et le Conseil
régional de l’ordre des pharmaciens sont impliqués. L’échange des informations
avec les médecins est une des clés de la réalisation et de la réussite du pro-
gramme de substitution des pharmacodépendances aux opiacés : respect rigou-
reux des règles de prescription et de l’usage d’ordonnances sécurisées,
adaptation et modalités de prescription, vigilance à l’égard de toute tentative de
détournement ou de fraude.
Deux substances morphiniques ont l’AMM comme médicaments de substitution
des opiacés (MSO) : la méthadone et la buprénorphine ; elles ont une indication de
traitement des pharmacodépendances majeures aux opiacés. Ce traitement a pour
objectif d’améliorer la situation du patient d’un point de vue social, affectif et
somatique ; ces substances de substitution réduisent les manifestations aiguës
du sevrage et le besoin irrépressible de consommer, chez la personne dépen-
dante, sans donner d’expériences comparables à celles de la consommation
390 XII. Les conseils spécifiques et de prévention
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d’héroïne. Les autres substances morphiniques d’action rapide (dextromora-


mide, péthidine, sulfate de morphine) ne présentent pas ces caractéristiques :
elles ne sont donc pas adaptées au traitement de substitution.
Les traitements de substitution exigent une surveillance médicale importante
et régulière. Par conséquent, ils doivent être réservés aux pharmacodépendances
majeures aux opiacés. Ils nécessitent donc un protocole thérapeutique indivi-
dualisé, en prenant en compte les composantes psychologiques, médicale et
sociale du toxicomane.

Le sevrage aux opiacés


Modalités de prescription de la méthadone
Un traitement par méthadone ne peut être débuté qu’en centre de soins spécia-
lisés en toxicomanie (CSST) – devenus Centres de Soins, d’Accompagnement et
de Prévention en Addictologie (CSAPA) – ou en établissement de soins (ES)
public et privé, à l’exception des services d’accueil et de traitement des urgen-
ces. La méthadone est à prescription initiale dans un CSAPA ; la durée de prescrip-
tion est illimitée, en référence à un médecin de ville désigné ; elle n’est indiquée
qu’après vérification de la réalité d’une pharmacodépendance aux opiacés et
d’une méthadonurie négative.
Le relais vers un médecin de ville est possible dès que le patient est stabilisé
(gestion autonome de son traitement, posologie de méthadone stable, dosages
urinaires négatifs aux opiacés). Le médecin de ville est choisi par accord entre le
patient et le prescripteur initial. Au moment du relais, l’ordonnance du prescrip-
teur initial doit mentionner le nom du médecin choisi. La prescription obéit aux
règles inhérentes aux stupéfiants. Lors de la prescription par le médecin de ville,
celui-ci doit déterminer, en accord avec le patient, le pharmacien qui réalisera la dis-
pensation du traitement, et il doit le contacter. Le nom du pharmacien doit être ins-
crit sur l’ordonnance. Le patient doit par ailleurs se soumettre à des contrôles
urinaires réguliers, à la recherche d’opiacés ou d’autres produits illicites. La
forme gélule est réservée aux patients traités par la forme sirop depuis au moins
un an et stabilisés notamment sur le plan médical et des conduites addictives.
Dans une lettre aux prescripteurs, l’Afssaps précise que la primo-prescription de
la forme gélule doit être effectuée par un médecin exerçant en CSAPA ou dans
un service hospitalier spécialisé dans la prise en charge des addictions. Ceci
même lorsque le renouvellement de la forme sirop était assuré jusqu’alors par un
médecin de ville. Celui-ci peut de nouveau prendre le relais une fois le patient
stabilisé. Lors du premier renouvellement en ville, le patient doit alors présenter
au pharmacien la primoprescription et l’ordonnance du médecin traitant. Par
ailleurs, la primo-prescription doit être renouvelée tous les 6 mois. Enfin, pour
être pris en charge par l’assurance-maladie, le traitement par méthadone gélule
doit faire l’objet d’un protocole de soins, comme l’indique l’arrêté du 1er avril
2008 pris en application de l’article L.162-4-2 du Code de la Sécurité sociale.
La méthadone est disponible sous forme de gélules dosées à 1, 5, 10, 20 et
40 mg ; la forme sirop est disponible à 5, 10, 20, 40 et 60 mg ; cette forme
galénique reste la forme utilisée lors de l’instauration du traitement. Les gélules
sont réservées aux patients stabilisés par ce traitement depuis au moins un an.
53. Les traitements de substitution 391

Les posologies moyennes se situent entre 60 et 160 mg/j, en une prise quoti-


dienne unique. Certaines personnes nécessitent des posologies supérieures,
d’autres sont correctement équilibrées par des posologies inférieures. Le RCP de
la méthadone ne mentionne pas de posologie maximale. En cas de mésusage, le
médecin doit arrêter les gélules et prescrire à nouveau la forme sirop ou envisa-
ger un autre traitement. La prescription en gélules est soumise à prescription ini-
tiale semestrielle réservée aux médecins exerçant dans un CSAPA ou dans un
service hospitalier spécialisé dans les soins aux toxicomanes. Entre ces prescrip-
tions initiales semestrielles, le renouvellement peut être assuré par tout autre
médecin.
n La méthadone est prescrite (en toutes lettres et sur ordonnance sécurisée)
pour une durée maximale de 14 jours avec une dispensation par période de 1 à
14 jours maximum.
n Une prise quotidienne en officine est recommandée en début de traitement.
n Si le patient veut changer de pharmacien, il doit avertir son médecin. Celui-ci éta-
blira une autre ordonnance précisant le nom du nouveau pharmacien qu’il aura
préalablement contacté pour obtenir son accord.
n Le pharmacien doit avertir le patient que des informations concernant le suivi
de son traitement sont régulièrement échangées entre lui et le médecin
prescripteur.
n Si le patient vient chercher son traitement alors qu’il paraît être manifeste-
ment sous l’effet d’autres substances, le médecin devra être contacté ; si néces-
saire, une consultation sera rapidement organisée.
Le traitement pourra être interrompu au bout de plusieurs mois (ou plusieurs
années), de façon concertée, avec réduction prudente et progressive des
posologies.
Le risque de surdosage existe en particulier chez le sujet à faible imprégnation
opiacée, en début de cure ou après une suspension de la cure. La dose létale pour
une personne non dépendante aux opiacés est de l’ordre de 1 à 1,5 mg/kg ;
l’absorption par un enfant peut être fatale. Les surdosages surviennent de façon
retardée par rapport à la prise ; ils sont favorisés par la prise concomitante de
substances sédatives, d’alcool ou de benzodiazépines. En revanche, La métha­
done peut être associée à des antidépresseurs ou à des neuroleptiques, si des
troubles psychopathologiques surviennent.
Remarque : le tableau clinique de l’intoxication par les produits de substitution
est classique : il s’agit d’un tableau d’intoxication opioïde décrit au cours des
overdoses ; la seule particularité réside dans le délai d’apparition des signes après
la prise orale qui peut atteindre 3 heures ou plus dans le cas de la méthadone.
Le tableau clinique de l’intoxication aiguë associe : sédation, coma, myosis et
bradypnée, laquelle peut confiner à l’arrêt respiratoire ; en l’absence de traite-
ment, l’évolution se fait vers un arrêt cardiaque qui semble être la principale
cause de décès des patients.
Les décès liés à la prise de méthadone correspondent à des situations à risques
bien identifiées : 50 % d’entre eux sont dus à un trafic illicite. Dans tous les cas,
un des facteurs suivants est retrouvé : la cure est à son début, une substance
toxique est associée, un trouble psychopathologique est apparu ou une patholo-
gie somatique est sous-jacente.
392 XII. Les conseils spécifiques et de prévention
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Les effets secondaires sont variables selon qu’il s’agit de la période de mise en
route de la cure (euphorie, sédation, vertiges, somnolence, constipation, aller-
gies) ou de la phase d’entretien (hypersudation, nausées, constipation, allergie,
baisse de la libido, bradycardie, HTA, prise de poids).
Certaines interactions médicamenteuses doivent être connues : la méthadone
majore la concentration plasmatique des antidépresseurs imipraminiques tandis
que les antidépresseurs sérotoninergiques majorent les taux de méthadone. Les
inducteurs enzymatiques (rifampicine, phénytoïne, etc.) diminuent ses effets ;
les antihistaminiques sédatifs, la clonidine et les neuroleptiques sédatifs peuvent
potentialiser les effets morphiniques de la méthadone et favoriser les risques de
surdosage. Les inhibiteurs enzymatiques (cimétidine, érythromycine, etc.)
Potentialisent les effets de la méthadone en réduisant son inactivation hépa-
tique ; l’alcool (dépresseur du SNC) est déconseillé lors d’une cure, car il peut
induire un coma et la mort par overdose.
Les agonistes partiels (buprénorphine, nalbuphine, pentazocine) et la
naloxone (antagoniste) peuvent induire un syndrome aigu de sevrage.
A noter pour information au patient : lors d’une intervention dentaire (ou
chirurgicale), le praticien doit être informé que le patient est sous traitement à la
méthadone, car une forte tolérance aux opiacés nécessite une adaptation de la
posologie des anesthésiques ; la méthadone est nocive pour les dents : le patient
ne doit pas négliger de se brosser les dents et doit consulter régulièrement son
dentiste.

Modalités de prescription de la buprénorphine


(Subutex)
Alors que la méthadone est un morphinique agoniste pur des récepteurs opia-
cés, la buprénorphine est un agoniste partiel qui, dans certains cas, agit comme
antagoniste ; cette dernière propriété justifie le fait que lorsqu’un patient est
dépendant des opiacés à courte durée d’action (ex. : l’héroïne), l’administra-
tion de buprénorphine ne doit pas être trop précoce après la dernière prise
de drogue : il est conseillé d’attendre les premiers signes du syndrome de man-
que et jamais moins de 4 heures Si la buprénorphine est administrée trop tôt,
le syndrome de manque peut être immédiat, important et difficile à prendre
en charge.
La buprénorphine haut dosage représente environ 80 % des traitements de
substitution aux opiacés. La buprénorphine haut dosage, définie par des doses
unitaires supérieures à 0,2 mg par prise, se présente sous forme de comprimés
sublinguaux, dosés à 0, 4, 2 ou 8 mg. De nouveaux dosages sont désormais dis-
ponibles : comprimés sub-linguaux à 1 mg, 4 mg et 6 mg.
Remarque : les comprimés de buprénorphine nouveau dosage doivent être
gardés sous la langue pendant une durée de 7 à 8 minutes, autant que le com-
primé princeps car plus petits, ils peuvent donner l’impression de fondre plus vite
(le temps d’absorption sublinguale du principe actiof reste compris entre 5 et
10 minutes).
Tout médecin (hospitalier ou libéral) peut, à la suite d’un examen médical, pres-
crire la buprénorphine (qui ne figure pas sur la liste des stupéfiants, mais en par-
tage les règles de prescription et de délivrance) dans le cadre d’une stratégie
53. Les traitements de substitution 393

globale de prise en charge d’un patient présentant une pharmacodépendance


majeure aux opiacés. L’ordonnance sécurisée est établie pour une durée n’ex-
cédant pas 28 jours ; cependant, il est recommandé au médecin, notamment en
début de traitement, de prescrire pour une durée plus courte, compte tenu
notamment du risque d’utilisation détournée (aisément réalisable avec cette
forme galénique) par voie IV. Si l’ordonnance est présentée plus de 24 heures
après son établissement, elle ne peut être exécutée que pour la durée de la pres-
cription restant à courir, avec la nécessité pour le pharmacien de déconditionner
obligatoirement la prescription.
La mention du nom du pharmacien sur l’ordonnance est désormais obliga-
toire depuis la parution de l’arrêté du 1er avril 2008.
Remarque : l’ordonnance prescrivant ce médicament doit indiquer, en toutes
lettres, le nombre d’unités thérapeutiques par prise, le nombre de prises et le
dosage. Le pharmacien doit archiver par ordre alphabétique et par nom de pres-
cripteur, et il doit conserver les ordonnances pendant 3 ans.
Le médecin doit préciser s’il souhaite une délivrance fractionnée (différente
des 7 jours) et, dans ce cas, il doit en définir le rythme (28 jours maximum).
La prise quotidienne à l’officine assure le non-détournement du produit et une
prise en charge de meilleure qualité.
Le chevauchement est interdit, sauf mention expresse du prescripteur (par
exemple : « complément de ma prescription du… »).
Avant la prescription et en accord avec le patient, le médecin choisit et
contacte le pharmacien qui délivrera la prescription ; son nom sera inscrit sur
l’ordonnance.
Lorsque le patient sera stabilisé, la prescription pourra être délivrée pour
28 jours, sans fractionnement.
Comme pour la délivrance de la méthadone, le pharmacien doit travailler en
collaboration étroite avec le médecin prescripteur et lui signaler toutes surve-
nues de difficultés.
La prescription concomitante d’autres médicaments, notamment de benzo-
diazépines, devra faire l’objet d’un contact étroit entre le pharmacien et le
médecin prescripteur, en raison des risques d’effets secondaires (dépression res-
piratoire en particulier).
L’hypersensibilité à la buprénorphine est une contre-indication, de même que
l’association à un IMAO qui ne pourra être prescrit qu’après 2 semaines d’arrêt
du traitement à la buprénorphine.
Les sujets asthmatiques, insuffisants rénaux, hépatiques ou respiratoires
devront bénéficier d’une surveillance médicale renforcée.
Remarque : la buprénorphine, administrée en dehors de toute autre substance
active sur le SNC, présente une marge de sécurité importante en face de la sur-
venue d’une dépression respiratoire dont il ne faudra pas néanmoins sous-esti-
mer le risque. Cette éventualité est d’autant plus à craindre que le patient est
susceptible d’absorber de l’alcool et surtout des benzodiazépines.
La buprénorphine provoque certains effets secondaires dont les plus fréquents
sont l’insomnie et les céphalées ; les troubles du sommeil sont majorés lors
d’une association avec d’autres substances (alcool, sédatifs, tranquillisants, hyp-
notiques, etc.). La buprénorphine n’est pas recommandée chez la femme
enceinte et elle passe dans le lait maternel.
394 XII. Les conseils spécifiques et de prévention
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Le protocole thérapeutique se déroule habituellement en 3 phases :


n La phase d’initiation au traitement est une phase d’induction destinée à déter-
miner la posologie la mieux adaptée. Cette phase est simple et rapide ; elle
consiste à augmenter la posologie par paliers de 2 mg (prise unique par voie
sublinguale) jusqu’à disparition des signes de manque et apparition du senti-
ment d’amélioration du patient (et réduction de l’envie de drogue). La majorité
des personnes sont stabilisées entre 8 et 16 mg/j ; cependant, quelques-unes
nécessitent des posologies supérieures à 16 mg/j (jusqu’à 32 mg/j), c’est-à-dire
au-delà de la posologie autorisée par l’AMM.
n La phase de substitution est la phase de stabilisation (maintenance en anglais)
qui correspond à une réadaptation globale du patient. Cette phase est longue et
variable ; elle devra être maintenue tant que le sujet n’a pas retrouvé un équi-
libre général (sur tous les plans). La posologie sera adaptée en fonction des évé-
nements intercurrents. Au cours de cette phase, la prise en charge psychologique
et sociale est indispensable pour que le patient puisse obtenir une indépendance
à l’égard de la drogue.
n La phase de réduction progressive et d’arrêt du traitement permettra, à terme,
le sevrage du patient à tout opiacé. Cette phase doit être abordée sans précipi-
tation, en accord avec le patient. Les étapes peuvent être très variables, de plu-
sieurs semaines à plusieurs mois. Certains patients sous posologie très basse de
buprénorphine ne rechutent pas. L’arrêt du traitement conduit soit directement
à l’abstinence, soit à un traitement par la naltrexone (Nalorex) ; cette substance
opiacée psychotrope peut être effectivement utilisée dans le cadre d’un traite-
ment de soutien ou de consolidation des patients peuvent être très variables, de
plusieurs semaines à plusieurs mois. Certains patients sous posologie très basse
de buprénorphine ne rechutent pas. L’arrêt du traitement conduit soit directe-
ment à l’abstinence, soit à un traitement par la naltrexone (Nalorex) cette subs-
tance opiacée psychotrope peut être effectivement utilisée dans le cadre d’un
traitement de soutien ou de consolidation des patients.

Le conseil du pharmacien
En premier lieu, il convient de respecter les recommandations pour le pharma-
cien émises par l’Afssaps en juin 2004, à propos de la pratique clinique de la
réduction des mauvaises utilisations des médicaments de substitution des
opiacés.
Ainsi, il est recommandé au pharmacien de ville :
l de réitérer les informations concernant le MSO prescrit, en particulier la voie

spécifique d’administration (sublinguale pour la buprénorphine et orale pour la


méthadone) et la prise unique journalière. La dangerosité des MSO, en particu-
lier de la méthadone, pour les personnes non dépendantes des opiacés (notam-
ment les enfants) et la nécessité d’un stockage sécurisé doivent être rappelées
(des conditionnements sécurisés pour les enfants sont à développer) ;
l de délivrer le MSO, quel qu’il soit, de façon quotidienne, selon l’ordonnance du

prescripteur, en particulier en début de traitement ou lors de difficultés ulté-


rieures, y compris parfois les traitements associés ;
53. Les traitements de substitution 395

l de vérifier l’ordonnance nominative émise par le CSST ou l’ES, en cas de dispen-


sation de méthadone en ville ;
l de délivrer le nombre exact de comprimés de buprénorphine prescrits, si néces-

saire après déconditionnement, comme le permet la réglementation ;


l de rester en contact régulier avec le médecin prescripteur pour l’informer de

l’évolution du patient ;
l de prévenir le médecin prescripteur en cas de constatation de falsifications ou de

vols d’ordonnances, de rythmes de dispensation trop ou pas suffisamment rap-


prochés ou de l’existence de multiples prescripteurs ;
l de faire une copie des ordonnances falsifiées et de les adresser au Centre d’éva-

luation et d’information sur la pharmacodépendance (CEIP) correspondant (liste


disponible sur le site de l’Afssaps et dans le dictionnaire Vidal).
Rappelons que le chevauchement d’ordonnances est possible, dans la
mesure où il est mentionné sur l’ordonnance, conformément à la réglemen-
tation en vigueur. Il est recommandé que le médecin prescripteur informe au
préalable le pharmacien.
Qu’il s’agisse de la délivrance de la méthadone ou celle de la buprénorphine, le
pharmacien doit faire face à certaines contraintes. S’il est possible de satisfaire
facilement à plusieurs d’entre elles, d’autres, en revanche, seront plus difficiles
à assumer :
l acceptation de la marginalité des patients dont la prise en charge nécessite une

délivrance fréquente des produits stupéfiants ;


l obligation d’un espace de confidentialité, d’autant plus nécessaire que le phar-

macien est appelé à voir fréquemment le malade (beaucoup plus souvent que le
médecin) ;
l assistance psychologique du patient (d’où la nécessité d’une formation
appropriée) ;
l instauration d’un dialogue permanent avec le patient, le médecin, l’éducateur et

le psychologue ;
l explication au patient des modalités techniques et des contraintes de ce type de

traitement, ainsi que celle de la stratégie globale de la prise en charge et ses


limites ;
l vigilance à propos de la consommation d’autres produits et du risque de rechute :

il faut se souvenir que des substances comme le mannitol, le paracétamol, la


caféine, la codéine sont utilisées par les dealers comme diluants de drogues ; que
les benzodiazépines sont utilisées comme complément en cas de pénurie de dro-
gues ; que les comprimés de Temgésic sont facilement hydrosolubles, donc injecta-
bles ; que Maalox renforce l’effet de l’ecstasy et des amphétamines ; que les
héroïnomanes utilisent de l’acide citrique ou de l’acide ascorbique pour dissoudre
l’héroïne et, s’ils ne peuvent obtenir ces produits en pharmacie, ils utiliseront du
jus de citron le plus souvent infecté par des champignons… ;
l savoir (comme le médecin) avertir le patient que l’association à certains médica-

ments expose à des effets délétères à plusieurs niveaux : apparition et/ou majo-
ration d’effets indésirables, déséquilibre de la thérapeutique (potentialisation ou
diminution de l’effet) ; le pharmacien devra toujours en avertir le prescripteur ;
l renforcer le contrôle de la prise sublinguale de la buprénorphine chez les patients

« injecteurs », en préconisant l’absorption à l’officine ; en accord avec le pharmacien


et le patient, le prescripteur peut mentionner sur l’ordonnance le mode de déli-
vrance (exemple : délivrance et prise sur place, un jour sur deux, etc.) ;
396 XII. Les conseils spécifiques et de prévention
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l ne jamais perdre sa qualité professionnelle face aux conditions imposées de déli-


vrance : il faudra savoir reconnaître ou suspecter la falsification d’une ordon-
nance et veiller au respect formel des règles de prescription.
Dans tous les cas de figures, seule une coordination étroite et rigoureuse
entre le médecin, le pharmacien et le patient pourra garantir une finalité posi-
tive dans la conduite des traitements de substitution des pharmacodépen-
dances aux opiacés.
La consommation répétée tabac-alcool-cannabis est particulièrement fré-
quente à la fin de l’adolescence. Le syndrome de sevrage du cannabis est sem-
blable à celui observé avec la nicotine. Les patients dépendant au tabac et au
cannabis répondent moins bien au sevrage que les non-fumeurs et les ex-
fumeurs de tabac. Ils ont plus de difficultés psychologiques, juridiques et socia-
les (moins d’éducation, moins de revenus), plus d’abus de substances et
commencent à un âge plus précoce. Il faut préconiser un arrêt simultané des
deux substances, d’autant qu’elles mettent en jeu la même voie d’administra-
tion et les mêmes types de comportements.
Il n’est pas inutile de rappeler les recommandations de l’Afssaps ayant trait à
la continuité des soins et à l’information et l’accompagnement des personnes,
éléments clés pour la qualité de la prise en charge ; ces recommandations doi-
vent être suivies par le médecin et le pharmacien.

La continuité des soins


La prescription des MSO s’intègre dans un projet thérapeutique au long cours. À
cet égard, l’existence d’un réseau de soins est un atout pour la prise en charge.
Dans les situations de relais, d’urgence et de dépannage, la réglementation en
vigueur, concernant la méthadone, prévoit la demande systématique de l’avis
du médecin prescripteur initial.

Le relais de prescription
Lors des relais de prescription motivés par des raisons diverses, notamment un
déménagement ou le départ en vacances du patient ou du praticien, il est recom-
mandé au médecin prescripteur de contacter au préalable le pharmacien et le
médecin, qui prendra le relais, en indiquant au patient le nom et les coordon-
nées de ce dernier.
En cas de déplacement à l’étranger au sein de l’Espace Schengen, le patient
doit être muni d’une autorisation délivrée par la DDASS. En cas de déplacement
à l’étranger en dehors de l’Espace Schengen, il est recommandé que le médecin
prescripteur prenne contact avec l’Unité stupéfiants et psychotropes de l’Afssaps
pour connaître les modalités qui s’appliquent.

La prescription d’urgence
Elle doit être évitée. À titre exceptionnel, dans le cas où la prescription d’urgence
est cliniquement argumentée (syndrome de sevrage, etc.), elle peut être faite en
dépannage (la prescription d’urgence n’est pas une primoprescription). Mais,
53. Les traitements de substitution 397

elle est limitée à quelques jours (2-3 jours), avec dispensation quotidienne et


prise sur place. Un contact avec le prescripteur habituel ou le pharmacien dis-
pensateur habituel est recommandé.

La prescription au service des urgences hospitalières


Dans le cas où un patient traité par un MSO se présente en état de sevrage au
service d’accueil des urgences hospitalières, il convient de prévenir l’équipe de
liaison en addictologie, si elle existe, et de proposer une réponse adaptée :
n traitement symptomatique du sevrage sans utilisation d’agonistes opiacés ;
n traitement symptomatique du sevrage avec utilisation d’agonistes opiacés.
Dans ce cas, la méthadone et la buprénorphine peuvent être utilisées. Il ne
faut ni faire de prescription, ni donner le MSO à emporter. Le MSO est à prendre
sur place de façon supervisée.
Un traitement par MSO, dans le cadre d’une prise en charge adaptée, ne doit
pas être débuté au service d’accueil des urgences.

La prescription dite de « dépannage »


Au même titre que la prescription d’urgence, la prescription dite de « dé-
pannage » doit être exceptionnelle. Elle est limitée à quelques jours. Un contact
avec le prescripteur habituel ou le pharmacien dispensateur habituel est
recommandé.
Une demande de prescriptions de « dépannage » répétée doit amener le pres-
cripteur à réévaluer la prise en charge du patient (efficacité du traitement, moti-
vation du patient, etc.). Si nécessaire, le patient est orienté, de façon transitoire
ou définitive, vers une structure de prise en charge spécialisée (CSST, ES).

Cas particuliers de la personne qui s’injecte ou sniffe de la


buprénorphine
Chez un patient injecteur ou sniffeur de buprénorphine :
n une dispensation quotidienne et contrôlée de buprénorphine est recomman-
dée dans un premier temps ;
n en cas d’impossibilité ou d’échec, la prescription de méthadone est une possi-
bilité à prendre en compte, car le risque d’injection est plus faible ;
n une prise en charge en CSST ou en ES peut être utile si la personne est prise
en charge en ville ;
n une réévaluation complète de l’indication du MSO et des problèmes de la
personne est à faire dans tous les cas.

L’information et l’accompagnement des personnes


L’information des patients, comme la réévaluation régulière des attentes, des
besoins et difficultés rencontrées, est un élément clé pour la qualité de la prise
en charge. L’information est une obligation légale. Il est recommandé que la trans-
mission d’information soit faite tout au long du suivi, et soit répétée et actuali-
sée. L’information peut être transmise oralement, mais aussi par un livret que le
médecin remet au patient. Elle peut se faire à trois niveaux.
398 XII. Les conseils spécifiques et de prévention
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Au niveau de toutes les personnes dépendantes des opiacés qui


consultent pour une substitution
L’information porte essentiellement sur les effets, les objectifs, les conditions
d’efficacité des MSO et leurs modalités pratiques d’utilisation, comme leur mode
d’administration, leurs effets indésirables, les précautions à prendre vis-à-vis de
l’entourage (en particulier des enfants), l’organisation du traitement en cas
de voyage, etc. Le prescripteur informe la personne que la prescription des MSO
s’inscrit dans un cadre de prise en charge globale et à long terme. Il insiste sur le
fait que ces médicaments ne sont pas destinés à être pris en association avec
d’autres substances comme l’alcool et des psychotropes, en particulier des BZD,
hors prescription.

Au niveau d’une population plus à risque de mauvaises utilisations


des MSO
Ce sont, par exemple, les toxicomanes dépendants continuant à s’injecter des
drogues par voie IV, les polyconsommateurs, les sujets dans des situations socia-
les défavorisées, etc.
L’information porte essentiellement sur les risques liés aux mauvaises utilisa-
tions des MSO et leurs conséquences (notamment la survenue de décès). Elle
peut être relayée auprès des personnes dépendantes par les associations
d’usagers.

Au niveau de l’ensemble des usagers d’opiacés illicites


Une information sur les MSO, visant à modifier leurs mauvaises représentations,
doit être proposée.
54 Le sevrage du patient
alcoolodépendant
Dans la clientèle d’un médecin généraliste, un homme sur cinq et une femme sur
vingt ont un profil à risque face à l’alcool ; avec 45 000 morts par an, l’alcool est
la deuxième cause de décès évitable, après le tabac. Les enquêtes montrent que
17 % des hommes et 5 % des femmes ont une consommation d’alcool à risque et
que, respectivement, 5 % et 3 % en sont dépendants. C’est chez les 55 à 64 ans
que le risque est le plus fréquent (2 % des hommes et 10 % des femmes). Les
femmes qui ont une consommation à risque sont plus souvent repérables par les
médecins que les hommes ; il est vrai qu’elles sont davantage conscientes de leur
dépendance (de même pour le tabac) et consultent plus souvent pour ce motif ou
pour des troubles anxieux et psychiques associés. L’alcool entraîne une diminution
des échanges fœto-maternels (spasmes des vaisseaux sanguins et toxicité directe
sur les tissus en formation). Il faut se souvenir que, dans cette circonstance, « le
fœtus boit ce que la mère boit », car l’alcoolémie fœtale est équivalente à l’alcoo-
lémie maternelle.

Les circonstances d’usage d’alcool


Le risque encouru peut être précisé par les circonstances d’usage d’alcool ; il ne
peut être ignoré du pharmacien.
n Usage considéré comme « non à risque » : consommation d’alcool non quoti-
dienne ou quotidienne inférieure à 5 verres pour les hommes et 3 verres pour les
femmes et surtout, consommation de 6 verres ou plus au cours d’une même
occasion, moins d’une fois par mois.
n Usage « ponctuel à risque » : consommation d’alcool non quotidienne ou quo-
tidienne inférieure à 5 verres pour les hommes et 3 verres pour les femmes, mais
consommation de 6 verres ou plus au cours d’une même occasion, au moins
une fois par mois.
n Usage « régulier à risque » : consommation quotidienne d’au moins 5 verres
pour les hommes et 3 verres pour les femmes.
n Dépendance : besoin d’alcool le matin pour se sentir en forme ou consomma-
tion quotidienne d’au moins 7 verres d’alcool au cours des 12 derniers mois ou
présence de signes spécifiques identifiés par le médecin.
n L’alcoolodépendance se manifeste par la présence d’un syndrome de manque
(tremblements, anxiété, au maximum delirium tremens ou crise comitiale), lors de
l’arrêt volontaire ou non de la prise d’alcool. Sa réalité n’est acquise par le théra-
peute que lorsque le sujet ne parvient pas à arrêter de lui-même sa consommation
pendant un temps fixé d’un commun accord. La physiopathologie de l’alcoolodé-
pendance, telle qu’elle est actuellement comprise, est sous-tendue par le côté frei-
nateur de l’éthanol sur le système nerveux. Pour lutter contre ce ralentissement, le
sujet est obligé de mettre en œuvre de puissants moyens de stimulation : c’est
leur suractivité en l’absence brutale d’alcool dans le sang qui serait à l’origine des
signes de sevrage.
400 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Malgré une diminution régulière de la consommation moyenne d’alcool pur par


an et par habitant depuis 1970, la France se situe actuellement au troisième rang
européen, pour la morbidité et la mortalité qui en découlent. L’usage inadapté
de l’alcool est la cause directe ou indirecte de 15 à 25 % des hospitalisations ; il se
traduit aussi par de nombreux passages à l’acte, des violences, des suicides, des
accidents, etc.
Les modes de prise de boissons alcoolisées sont très variables : abstinence
pour une faible minorité, consommation coutumière pour une large majorité.
Parmi les consommateurs coutumiers, les plus nombreux usent de l’alcool sur
un mode culturel et convivial non dangereux, mais une forte minorité pose un
problème de santé publique :
n deux millions et demi d’entre eux (le plus souvent dénommés consommateurs
« menacés », « à risque », « abuseurs ») peuvent encore contrôler leur
consommation ;
n un million et demi ont perdu cette liberté : ce sont les alcoolodépendants.

Le sevrage
L’alcoolisme est désormais considéré comme une maladie dont le traitement relève de
l’intervention médicale et médico-sociale. Sa prise en charge s’impose d’abord et
avant tout au regard des souffrances individuelles, familiales et sociales qu’il
entraîne. Elle s’impose aussi du point de vue économique. Le sevrage correspond
à l’arrêt de la consommation d’alcool, qu’il soit accidentel, à l’initiative du sujet
ou qu’il s’inscrive dans une perspective thérapeutique chez l’alcoolodépendant.
En France, le sevrage, à bien distinguer de la mythique cure de désintoxi-
cation, est souvent pratiqué au cours d’une hospitalisation de durée variable. En
l’état actuel, les méthodes thérapeutiques utilisées lors du sevrage sont très
variées, parfois iatrogènes. Les traitements médicamenteux, non médica-
menteux, les indications d’hospitalisation, la durée optimum des traitements
adaptée aux différentes formes cliniques d’alcoolodépendance sont très varia-
bles selon les lieux, les modes d’exercice, le type de formation des soignants.
Le pharmacien doit, au cours de son exercice professionnel, savoir reconnaître
les principaux signes de l’alcoolodépendance. À ce sujet, les classifications interna-
tionales récentes ne considèrent plus les symptômes physiques de sevrage
comme indispensables au diagnostic d’alcoolodépendance ; en effet, ce dernier
recouvre aussi d’autres manifestations :
n d’ordre psychique : désir compulsif de boire de l’alcool qui rend le sujet inca-
pable de maîtriser sa consommation ;
n d’ordre comportemental :
l recherche de la consommation d’alcool qui prend le pas sur la plupart des

activités du sujet,
l phénomène d’évitement : le sujet consomme de l’alcool, souvent dès le matin,

dans l’intention de prévenir ou de supprimer les symptômes de sevrage,


l fixation progressive des modalités de consommation de l’alcool, dictée par

la nécessité de maintenir une alcoolémie suffisante,


l augmentation de la tolérance amenant le sujet dépendant à consommer

des quantités croissantes d’alcool.


54. Le sevrage du patient alcoolodépendant 401

Les sujets alcoolodépendants doivent bénéficier d’une proposition de sevrage théra-


peutique. L’objectif d’un tel sevrage est l’entrée dans un processus d’abstinence
complète et durable de l’alcool. Il s’impose chaque fois qu’il y a alcoolodépen-
dance, exprimée ou non par des signes physiques. En effet, lorsqu’une dépen-
dance est installée, le retour à une consommation modérée est considéré comme
très difficile (voire impossible) par de nombreux experts. Pour obtenir un sevrage
thérapeutique de bonne qualité, plusieurs conditions doivent être réunies :
n réaliser les conditions de confort et de sécurité optimales visant à prévenir ou
à traiter le syndrome de sevrage ;
n assurer un suivi thérapeutique prolongé en institution ou en ambulatoire ;
n aider le patient à faire du processus de sevrage une expérience à long terme
positive et valorisante sur les plans personnels, familial et professionnel.
Le sevrage ambulatoire est proposé dans 70 à 90 % des cas. Les seules indications
du sevrage institutionnel sont : la dépendance physique sévère ; les antécédents
de delirium tremens ou de crise convulsive généralisée ; les problèmes somatiques,
psychiatriques ou socio-environnementaux patents et les poly-addictions.
En pratique, le protocole de sevrage consiste en une phase de sevrage physique
de 7 jours, obligatoirement suivie par une phase de sevrage psychologique durant
au moins un an.

Le sevrage physique
Il peut, après avoir soigneusement choisi le premier jour avec le patient, se
dérouler (sur une période de 7 jours) entièrement à domicile, sous l’unique auto-
rité du médecin traitant avec :
n une prescription d’un arrêt de travail de 7 jours ;
n une visite quotidienne du médecin traitant ;
n un arrêt brutal et total de toute prise d’alcool dès J1 ;
n une hydratation orale minimale de 2 litres, en limitant la quantité de sucre
pour éviter les risques d’hypoglycémie (modifications paradoxales du métabo-
lisme hydrocarboné chez l’alcoolique) ;
n un traitement par une benzodiazépine, destiné à lutter contre l’hyperexcitabi-
lité cérébrale liée à l’arrêt de l’alcool (fortement hypo-excitateur), avec la mise
en route dès J1 d’un traitement susceptible de diminuer l’alcoolodépendance.
À l’issue de cette phase totalement sous le contrôle du médecin traitant, le
patient est le plus souvent physiquement sevré de l’alcool et en état d’aborder la
phase suivante.

Le sevrage psychologique
Le patient sevré est fragile, il continue d’avoir besoin de son médecin. Un
contrôle somatique tous les 8 jours, puis tous les 15 jours et enfin tous les mois
est nécessaire.
Le médecin ou l’alcoologue (ou encore le psychiatre) met en place un proces-
sus d’accompagnement psychologique avec des entretiens prolongés, à interval-
les réguliers, d’abord hebdomadaires, puis bimensuels, puis mensuels, afin de
comprendre au mieux le fonctionnement du sujet et la signification du recours à
l’alcool. Le sujet doit apprendre à vivre sans alcool.
402 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Cette phase, longue et difficile, nécessite des contacts entre le médecin traitant
et/ou l’alcoologue, ne serait-ce que par la fréquence des réalcoolisations (dites à
tort « rechutes ») qui ne sont jamais la signature de l’échec d’un traitement, mais
bien le signe qu’il se passe quelque chose de nouveau pour le sujet. D’autres évé-
nements, comme la survenue d’un état dépressif, peuvent nécessiter une prescrip-
tion médicamenteuse adaptée au terrain particulier (risque iatrogène ). Cet
état dépressif survient volontiers dans les 2e et 3e semaines de sevrage, et ne
nécessite un traitement que s’il persiste.
Le pharmacien pourra apporter efficacement son concours à l’obtention de la
qualité du sevrage thérapeutique, en instaurant un suivi pharmaceutique person-
nalisé évolutif adapté à l’amélioration clinique, psychique et sociale du patient.

Le sevrage médicamenteux
Le score de Cushman (Tableau 54.1) est un bon outil diagnostique et thérapeu-
tique couramment utilisé en médecine générale car il donne une indication fiable
sur l’intensité des symptômes de sevrage et sur leur évolution. Ceci permet d’éviter
les accidents de sevrage. Le patient doit être hospitalisé lorsque le score atteint ou
dépasse 8 points car ce score témoigne d’une dépendance physique intense.

Tableau 54.1  

Points 0 1 2 3
Fréquence
cardiaque <�� 80
��� 81 à 100 101 à 120 >�� 120
����
Pression artérielle
systolique
18 à 30 ans <�� 125
���� 126 - 135 136 - 145 >�� 145
����
31 à 50 ans <�� 135
���� 136 - 145 146 - 155 >�� 155
����
> 50 ans < 145 146 - 155 156 - 165 > 165
Fréquence
respiratoire <�� 16
��� 16 à 25 26 à 35 >�� 35
���
Tremblements 0 Main Membre Généralisés
supérieur
Sueurs 0 Paumes Paumes et Généralisées
front
Agitation 0 Discrète Généralisée et Généralisée et
contrôlable incontrôlable
Troubles sensoriels 0 Phonophobie Hallucinations Hallucinations
Photophobie critiquées non critiquées
Prurit
Score  7 : état clinique contrôlé
Score 7 à 14 : sevrage modéré
Score  14 : sevrage sévère
54. Le sevrage du patient alcoolodépendant 403

Selon l’Anaes et la Société française d’alcoologie, le traitement médica-


menteux préventif par benzodiazépines (BZD) réduit la fréquence des accidents
(delirium tremens et/ou convulsions généralisées) de 10 % à moins de 2 %. La
prévention médicamenteuse des accidents de sevrage doit être systématique
lors d’un sevrage ambulatoire s’il existe une dépendance physique. Les BZD sont
aujourd’hui le traitement médicamenteux de première intention du syndrome
de sevrage alcoolique. Les BZD à demi-vie longue comme le diazépam pré-
viennent mieux les crises comitiales.
Remarques : la dépendance aux BZD doit être évitée avant comme après le
sevrage. Il est recommandé de respecter un délai d’au moins 2 à 4 semaines
de sevrage avant de prescrire un antidépresseur, sauf si l’intensité du syndrome
dépressif ou l’importance du risque suicidaire nécessite une prise en charge
immédiate, à commencer alors en milieu hospitalier. En effet, les troubles
dépressifs sont souvent secondaires à la consommation d’alcool, et seuls 10 à
15 % des épisodes dépressifs majeurs présents au moment du sevrage persistent
après un mois. La dépression et l’anxiété accompagnant l’alcoolodépendance ne
sont pas traitées avant d’avoir abordé la question de l’alcool.
Concernant la « compensation » de soif du patient, celui-ci doit boire selon sa
soif, en évitant les boissons sucrées. L’administration de thiamine (vitamine B1)
est nécessaire à titre préventif (500 mg/j 14 jours per os en l’absence de signe
neurologique central ou périphérique).
Outre la qualité de l’observance du suivi médicamenteux, deux autres
éléments interviennent sur la prévention de la rechute : la prise en charge psycho-
thérapique (cf. supra) mais également la prise en charge pharmacologique par les
médicaments d’aide au maintien de l’abstinence. Dans cette indication, deux
médicaments sont disponibles : l’acamprosate qui doit être administré le plus
tôt possible après l’arrêt de la consommation d’alcool et prescrit au maximum
pour un an. La naltrexone peut être instituée après la phase de sevrage pour une
durée de 3 mois. La naltrexone ne doit jamais être utilisée chez des sujets en état
de dépendance aux opiacés. En cas de besoin, l’acamprosate et la naltrexone
peuvent être associés.
Remarque : le disulfirame (effet antabuse) ne fait plus partie des traitements de
première intention après sevrage.

Recommandations générales
Tout syndrome d’alcoolodépendance justifie un sevrage complet et prolongé,
qui sera intégré dans un projet thérapeutique dont les objectifs doivent être pré-
cisés avec le patient. Toute proposition de sevrage doit tenir le plus grand
compte de la personne (et son entourage) en difficulté, qui doit être consultée
et informée. Son consentement éclairé doit être recueilli pour la réalisation du
projet thérapeutique.
Il existe des contre-indications au sevrage ; les contre-indications absolues
n’existent pas, mais il existe des non-indications au sevrage immédiat :
n la non-demande ;
n les causes alcoologiques : dépendance physique sévère ; antécédents de deli-
rium tremens ou de crise convulsive généralisée ; échec d’un essai sincère d’un
sevrage ambulatoire ;
404 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

n les causes somatiques : affection somatique sévère justifiant une hospitalisation ;


n les causes psychiatriques : syndrome dépressif ou autre pathologie psychiatri-
que sévère associée ; dépendance associée à certains produits psycho-actifs ;
n les causes socio-environnementales : demande pressante de l’entourage familial
ou professionnel ; entourage non coopératif ; processus avancé de désocialisation.
Elles n’empêchent pas la prise en charge et l’accompagnement du patient
dans une perspective d’un sevrage ultérieur. Le sevrage thérapeutique nécessite
une prise en charge médicalisée et pluridisciplinaire dans une action sanitaire en
réseau.
Il existe des situations particulières :
n alcool et tabac : 80 à 95 % des malades de l’alcool sont également des
fumeurs. La surmortalité engendrée par cette double dépendance est supérieure
à la surmortalité imputée séparément au tabac ou à l’alcool. Un sevrage alcooli-
que associé à une substitution nicotinique permet en fait de différer le sevrage
tabagique. Il sera nécessaire de prendre en compte le tabagisme précoce et de
renforcer les actions d’information (en particulier auprès des adolescents) sur les
dangers des consommations de substances psycho-actives. Dans cette circons-
tance, l’action en réseau est évidemment obligatoire ;
n alcool et opiacés : chez le sujet en traitement de substitution, le sevrage alcoolique
est possible, mais le risque d’induire une dépression respiratoire par l’association
méthadone ou buprénorphine et benzodiazépines impose une extrême vigilance.
Le sevrage simultané de l’alcool et de l’héroïne impose une hospitalisation ;
n alcool et médicaments : le rôle du pharmacien est primordial dans la prévention
des méfaits iatrogènes parfois très graves (avec risque de mise en jeu du pronos-
tic vital), dus à l’association de l’alcool avec certains médicaments. Il faut noter
que les médicaments concernés par cette iatropathologie alcoolodépendante
sont de plus en plus nombreux.
55 Le don du sang

Il n’existe aucun risque à donner son sang. Le pharmacien peut être conduit à
conseiller certaines personnes (le plus souvent sur leur demande) à participer à
un don du sang. Il pourra les informer de certaines causes d’éviction plus parti-
culièrement lorsque cette éviction est d’ordre médicamenteux.
Le donneur potentiel peut se présenter à un centre de prélèvement, ou aux
collectes mobiles organisées sur le lieu de travail, dans sa localité de résidence
ou au chef-lieu de canton.
Chaque don est obligatoirement précédé d’un entretien médical confidentiel
et d’un examen clinique. Des examens complémentaires peuvent être effectués
par exemple pour le don en aphérèse (plasmaph����������������������������
ér������������������������
èse, cytaph�����������
ér�������
èse) ;�� ainsi,
������������
pour
un donneur de plaquettes, le bilan comporte un électocardiogramme, un hémo-
gramme et un bilan d’hémostase.
Les formalités préalables consistent à mesurer la tension artérielle et à
répondre à un questionnaire probatoire portant sur l’état de santé du sujet (ex. :
hospitalisation récente, prise particulière de médicaments, etc.). Les voyages à
l’étranger, le mode et les habitudes de vie (renseignements privés, ex. : « Avez-
vous plusieurs partenaires sexuels ? »). Ces informations strictement confiden-
tielles sont codées et ne peuvent être lues que par le médecin du Centre de
prélèvement concerné. Ces informations sont protégées par le secret médical.
L’une des clés de la sécurité du don est donc la nécessité d’une franchise absolue
lors de l’entretien.
Après le recueil effectué avec un matériel stérile à usage unique, le sang est
soumis systématiquement à onze tests, dont la détermination du Rhésus, le
dépistage d’anticorps irréguliers, la recherche de l’hépatite B… et bien entendu
la recherche rigoureuse des virus VIH-1 et VIH-2 (dépistage systématique depuis
août 1985) ; en cas de dépistage positif, un contrôle complémentaire spécifique
est nécessaire. Après confirmation, l’information est apportée dans le cadre
d’une consultation spécialisée.
Le don peut être différé de quelques jours à quelques semaines dans certaines
circonstances comme par exemple, pour les plus courantes :
n voyage ou séjour depuis moins de 4 mois dans une zone où existe le
paludisme ;
n accouchement ou fin d’allaitement depuis moins de 6 mois ;
n prise d’antibiotique au cours des 8 derniers jours ;
n nouveau partenaire sexuel au cours des 6 derniers mois, sans usage de
préservatif ;
n piercing ou tatouage datant de moins de 6 mois ;
n détartrage dentaire, soins de carie, pose de couronne au cours des 3 derniers
jours.
406 XII. Les conseils spécifiques et de prévention

Enfin, par précaution, il est demandé aux personnes ayant, dans le passé, été
transfusées ou ayant séjourné entre 1980 et 1996 plus d’un an cumulé dans les
îles britanniques, de ne pas offrir leur sang.
Parmi les causes d’éviction du don de sang il en est une que le pharmacien
doit bien connaître : la cause médicamenteuse. L’utilisation de médicaments (sur
prescription médicale ou par automédication) apporte deux informations : l’une
concerne la pathologie ou le symptôme qui justifie la prise des médicaments (ce
qui peut être une contre-indication au don de sang), l’autre concerne le risque
de contamination potentielle (ainsi induite par le donneur) pour le receveur. La
présence de médicaments dans le sang des donneurs peut entraîner la survenue
d’effets indésirables chez le receveur. Certains médicaments, parmi lesquels des
antibiotiques, des antifongiques, des antihistaminiques H1 ou H2, des AINS, la
quinine, certains diurétiques, sont inducteurs potentiels de réaction d’hypersen-
sibilité et parfois aussi d’une action antiagrégante plaquettaire. La présence de
ces médicaments dans le sang des donneurs est une condition d’éviction du don
de sang ; le temps d’éviction est directement corrélé à la fois au temps d’éli-
mination du médicament dans l’organisme du sujet donneur et à ses effets phar-
macodynamiques (ex. : persistance de la perturbation de l’hémostase après la
prise d’aspirine). Il importe donc au sujet donneur d’informer correctement le
médecin du centre de prélèvement de la prise de médicaments, même si celle-ci
est « fortuite » (automédication de durée brève).

Principaux types de prélèvements régulièrement pratiqués


l le don de sang total : 5 dons/an pour l’homme, 3 dons pour la femme ; le don
est possible à partir de 18 ans, jusqu’à 65 ans ; un intervalle de 8 semaines est
obligatoire entre chaque don ;
l le don de plaquettes peut se faire à partir de 18 ans jusqu’à 65 ans, 5 fois par an

au maximum avec un intervalle de 8 semaines entre chaque don ;


l le don de plasma peut se faire à partir de 18 ans, jusqu’à 65 ans ; un intervalle de

2 semaines est nécessaire entre chaque don, sachant qu’un individu peut don-
ner 20 fois par an. Les dons de plasma peuvent s’intercaler entre 2 dons de sang
total. Il est simplement nécessaire de respecter un délai de 8 semaines entre
chaque don de sang total.
XIII
L’urgence et les
soins à l’officine

56 L’urgence 409

57 Les premiers soins 423


Le pharmacien est fréquemment sollicité pour soigner les petites plaies ou
renouveler un pansement. Il est aussi celui qu’on consulte pour un petit malaise
(ex. : lipothymie) ou un petit traumatisme. Certaines situations demandent la
connaissance de gestes de premier secours. Il faut savoir maîtriser la situation,
intervenir à bon escient et alerter les services médicalisés chaque fois que la
situation paraît grave ou inquiétante. Seules sont envisagées ici les conduites à
tenir devant quelques urgences susceptibles d’être confiées en première inten-
tion au pharmacien, et pour lesquelles il peut efficacement réaliser les gestes de
premier secours et/ou les premiers soins.
Il faut ajouter que l’organisation des soins figure parmi les nouvelles missions
conférées au pharmacien par la loi HPST. Ainsi, le pharmacien d’officine, dans les
conditions définies par le Code de la Santé publique, contribue aux soins de
premier recours. Ces soins comprennent « la prévention, le dépistage, le dia-
gnostic, le traitement et le suivi des patients ; la dispensation et l’administration
des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharma-
ceutique ; l’orientation dans le système de soins et le secteur médico-social ;
l’éducation pour la santé… »
56 L’urgence

Les petites hémorragies


En pratique quotidienne à l’officine, le pharmacien peut être conduit à intervenir
devant une épistaxis et à donner des conseils ou prescrire pour des petits saigne-
ments comme les gingivorragies. Le petit saignement est parfois trompeur car il
peut être l’élément révélateur d’une pathologie grave. Quel que soit le type
d’hémorragie, il faudra toujours s’enquérir si le patient est sous anticoagulants
ou souffre d’éventuels troubles de l’hémostase.

L’épistaxis
L’épistaxis est le plus souvent bénigne, isolée et représente à elle seule toute la mala-
die : c’est l’épistaxis essentielle ; elle touche avec prédilection le sujet jeune. Plus
souvent, l’épistaxis est le symptôme d’une affection locale ou générale. Elle peut
être grave par son abondance ou sa répétition : c’est l’épistaxis secondaire.
La plupart des saignements viennent de la région de l’artère sphénopalatine
ou postéronasale, système qui dépend de la carotide externe.
Devant toute épistaxis, il faut :
n apprécier sa gravité immédiate ;
n assurer l’hémostase ;
n rechercher impérativement sa cause.
Dans tous les cas, il faut se souvenir que l’intensité du saignement ne préjuge pas
la cause.
L’épistaxis est une récidive d’autres épistaxis survenues dans la
même journée ou de façon répétitive depuis quelques jours
Que le saignement soit abondant ou non, le pharmacien doit formellement
conseiller la consultation médicale, car dans cette circonstance, l’épistaxis peut
paraître bénigne par son expression mais la gravité tient à la répétition ou à la
durée de l’hémorragie.
Si l’épistaxis est importante, voire bilatérale… elle peut révéler une maladie
grave (maladie hémorragique, causes tumorales, etc.).
Le pharmacien n’oubliera pas une cause iatrogène : une épistaxis répétitive
peut survenir lors de l’emploi d’un médicament hypotenseur à action rapide
(ex. : prazosine), lors de la prise d’un médicament anti-vitamine K (première
cause d’itrogenèse médicamenteuse) ou, de la prise d’aspirine.
L’épistaxis est isolée, sans cause évidente
Quel que soit l’âge de survenue, il ne faut pas sous-estimer cette hémorragie car
elle peut être le premier symptôme d’une pathologie grave : hémophilie, hémo-
pathie, tumeur.
n Toute épistaxis impose de juguler l’hémorragie, de juger le retentissement
hémodynamique et de rechercher l’étiologie.
410 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

n L’épistaxis est une urgence, car elle peut évoluer rapidement sur un mode dra-
matique pouvant imposer une hospitalisation, une réanimation et une transfusion.
n L’épistaxis est habituellement bénigne lorsqu’elle survient, chez l’enfant ou
l’adulte jeune, après grattage, exposition solaire, après un coup reçu sur le nez,
un éternuement ou après s’être mouché un peu trop énergiquement. Chez la
jeune fille, elle peut être favorisée par les périodes prémenstruelles.
e e
n Les épistaxis liées à la grossesse surviennent surtout aux 2 et 3  trimestres ;
elles peuvent être bénignes (hyperhémie des taches vasculaires) ou sévères (dé-
veloppement d’un polype de la cloison nasale, aggravation d’une maladie de
Rendu-Osler).
Les causes des épistaxis d’origine locale peuvent être : infectieuse, vasculaire,
tumorale, traumatique ou essentielle. Les épistaxis d’origine générale peuvent
survenir au cours de maladies infectieuses (dont la grippe), hématologiques
(troubles de la coagulation, hémophilie, leucoses, thrombopathies, etc.), vascu-
laires (HTA), carentielles (avitaminoses) ou au cours d’une intoxication (ex. : par
le monoxyde de carbone).

Conduite à tenir devant une épistaxis


l Faire asseoir le patient avec la tête légèrement inclinée vers le bas et desserrer
ses vêtements au niveau du cou et du thorax ; cette position favorisera l’hé-
mostase. Ne jamais faire pencher la tête en arrière car le sang serait dégluti et
l’hémorragie pourrait persister, en passant inaperçue.
l Conseiller au patient de respirer par la bouche et de se pincer le nez (au besoin le

faire soi-même si le patient ne le peut). Si le blessé a du sang dans la bouche, le


faire rejeter car la déglutition du sang provoque des nausées et des vomisse-
ments. Relâcher la pression sur les narines au bout de plusieurs minutes (5 à 10)
et recommencer si nécessaire. La mise en place d’un coton imbibé d’eau oxy-
génée peut être très efficace. L’utilisation d’une éponge de gélatine hémostatique
(Bloxang*) est pratique notamment chez l’enfant pour des saignements du nez
légers à moyens.
l Quand le saignement est arrêté, conseiller au patient d’éviter tout effort et

d’éviter de se moucher pendant au moins 4 heures après l’arrêt du saignement,


afin de permettre la coagulation. Si le saignement persiste après une demi-heure
ou recommence, il est impératif de solliciter un avis médical.
Remarque : tout signe accompagnateur de l’épistaxis qui paraîtrait inquiétant :
coloration, sueurs, hypotension, pouls rapide est une indication impérative de
prise en charge par un milieu spécialisé. Un méchage avec une mèche grasse type
Tulle* Gras Lumière peut être effectué en attendant la prise en charge médicale ; la
mèche peut être imprégnée par un hémostatique.

Les gingivorragies
Pathologie et étiologie
La gingivorragie se définit comme une hémorragie survenant au niveau des gen-
cives. Celle-ci peut avoir des causes simples et bénignes telles qu’un brossage
des dents trop énergique ; elle peut survenir aussi après une extraction dentaire
ou suite à une dent cassée. Il existe aussi d’autres causes plus sérieuses : les
56. L’urgence 411

gingivorragies (comme l’épistaxis) peuvent révéler une pathologie grave telle


qu’un purpura thrombopénique.

Conduite à tenir devant une gingivorragie


Si la gingivorragie est due à un brossage des dents trop vif, il suffit de conseiller
au patient d’utiliser une brosse plus douce et de lui recommander de faire
quelques bains de bouche avec Synthol ou de l’eau oxygénée à 10 volumes, si
la gencive est un peu enflammée.
Dans le cas d’une gingivorragie due à la perte accidentelle d’une dent ou
après une extraction dentaire : il faut demander au patient de s’asseoir en incli-
nant la tête du côté blessé pour faciliter le drainage du sang ; appliquer une
compresse de gaze directement sur l’alvéole dentaire (la compresse peut être
imbibée d’eau oxygénée 10 vol.) ; faire cracher le sang contenu dans la bouche,
sans enlever le tampon de gaze car le sang dégluti prédispose aux nausées et
aux vomissements ; enlever le tampon après 10 minutes au moins, en évitant
d’enlever le caillot. Si le saignement persiste, renouveler l’application avec une
autre compresse de gaze. Si le saignement persiste encore ou recommence, aler-
ter le médecin ou le dentiste. Conseiller au patient d’éviter de se laver la bouche
pour ne pas gêner la coagulation, de s’abstenir de boire des boissons chaudes
pendant 10 heures au moins et d’éviter de prendre un antalgique comme l’aspi-
rine qui entraîne une perturbation de l’hémostase pendant 8 jours environ.
Remarque : les coupures de la langue ou de la muqueuse buccale peuvent
être provoquées par la chute d’une dent. L’hémorragie peut être importante
car il s’agit de tissus très vascularisés. La conduite à tenir est identique à celle
précédemment décrite.

Les syndromes hémorragiques d’origine iatrogène


Le pharmacien ne peut ignorer la survenue d’une hémorragie dont l’origine est
iatrogène. Cette étiologie est la cause la plus fréquente des hémorragies spontanées
multiples ou localisées, ou de saignements disproportionnés par rapport à la cause.
La prise d’antivitamines K ou d’aspirine peut être responsable d’hémorragies
diverses : ecchymoses, épistaxis, gingivorragies, mais aussi d’hémorragies géni-
tales et digestives. Comme les AINS, l’aspirine induit une gastrite hémorragique.
D’autres médicaments peuvent induire des syndromes hémorragiques qui sont
l’expression d’une thrombopénie (quinidine, quinine, thiazidiques, sulfamides,
fluoroquinolones, phénylbutazone, acétazolamide, acide aminosalicylique, sels
d’or, allopurinol, héparine, etc.) ou de thrombopathies (antiagrégants plaquettai-
res, certains AINS et antibiotiques, théophylline, propranolol, chloroquine, etc.).
La survenue d’une thrombopénie iatrogénique n’est pas dose-dépendante.
L’évolution est habituellement favorable de façon spontanée après 10 à 15 jours.
Attention aux boissons qualifiées de « tonic », car elles contiennent de la quinine.

Le malaise à l’officine
Un patient peut avoir un malaise à l’officine. La seule conduite raisonnable est
celle d’avertir un service d’urgence médicalisé. Cependant, un patient diabétique
412 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

connu (ou non) peut présenter des symptômes d’hypoglycémie. Le pharmacien


doit savoir reconnaître ces symptômes ; leur reconnaissance précoce permettra
d’éviter une situation pouvant avoir des conséquences dramatiques.

L’hypoglycémie
Les symptômes de l’hypoglycémie doivent être bien connus : lorsqu’un sujet diabé-
tique fait une hypoglycémie, il se sent faible, étourdi et éprouve une sensation
de vertiges. Le sujet peut être conscient de son hypoglycémie. Parfois, il est
confus, désorienté, agressif et son attitude simule l’état d’ivresse. Les signes de
l’hypoglycémie peuvent être classés :
n En signes directs (témoins de la réaction catécholergique) : sueurs profuses
froides, pâleur, palpitations, troubles du rythme (fibrillation auriculaire), voire
une crise d’angor.
n En signes digestifs : sensation de faim impérieuse, nausées, vomissements,
diarrhée.
n En signes neuropsychiques (témoins du déficit cérébral en glucose) : asthénie,
baisse de la concentration intellectuelle, confusion  désorientation  amnésie,
agitation psychomotrice, vertiges  lipothymie, crampes  paresthésies des
extrémités, céphalées, troubles visuels  hallucinations, convulsions localisées ou
généralisées, voire mono- ou hémiplégie. Ces troubles neurologiques peuvent
évoluer vers le coma qui est l’accident le plus classique et le plus grave : il peut
apparaître sans prodrome, de façon brutale. Il faut encore noter que plus long-
temps un diabétique est sous insuline, moins les signes annonciateurs de l’hypo-
glycémie sont évidents.
Il faut noter que l’hypoglycémie peut survenir sous forme de malaise ou de
coma chez le diabétique de type II traité par insuline ou par les sulfonylurées.
Les biguanides ne provoquent pas, en général, d’hypoglycémie sévère, en
dehors des jeûnes prolongés.
Les hypoglycémies peuvent être provoquées ou réactionnelles. Chez l’adulte,
elles sont le plus souvent secondaires soit à la prise d’alcool à forte dose (blo-
cage de la néoglucogenèse), soit à la prise de médicaments (cf. infra).
Les hypoglycémies peuvent être spontanées ; leurs causes sont organiques
(tumeurs pancréatiques ou extrapancréatiques, tumeur hépatique ou surrénalienne)
ou fonctionnelles. Dans ce dernier cas, elles ne s’observent jamais à jeun, mais tou-
jours en période postprandiale. D’autres causes d’hypoglycémies spontanées sont
plus difficiles à classer : les insuffisances antéhypophysaire et surrénalienne, l’insuffi-
sance hépatique sévère, la dénutrition ou l’exercice physique intense.

Les hypoglycémies d’origine iatrogène


Elles sont fréquentes chez le sujet âgé diabétique, car il cumule divers facteurs
de risque : polymédication, ration alimentaire insuffisante ou déséquilibrée,
insuffisance hépatique et/ou rénale.

L’hypoglycémie peut survenir lors d’une insulinothérapie


Avec l’administration concomitante de médicaments potentialisateurs de l’action
insulinique : IMAO, réserpine, oxytétracycline, halopéridol, certains inhibiteurs
de l’enzyme de conversion, les salicylés à forte dose.
56. L’urgence 413

L’arrêt d’une médication hyperglycémiante peut faire apparaître une hypogly-


cémie si les doses d’insuline ne sont pas adaptées : l’emploi des corticoïdes, des
progestatifs macrodosés, des contraceptifs hormonaux, des 2-sympathomimé-
tiques, ou de la chlorpromazine nécessite une surveillance de l’insulinothérapie.
Tous les -bloquants peuvent masquer certains symptômes de l’hypoglycémie
(palpitations, sueurs, tachycardie) ; la plupart des -bloquants non cardiosélectifs
peuvent augmenter l’incidence et la sévérité de l’hypoglycémie. L’association de
l’insuline avec les antidiabétiques oraux n’est pas encore suffisamment docu-
mentée pour l’évaluation du risque d’hypoglycémie qu’elle peut engendrer.

L’hypoglycémie peut survenir lors d’un traitement


avec les antidiabétiques oraux
n Lessulfonylurées peuvent être déplacées de leur liaison aux protéines plasmati-
ques par d’autres médicaments eux-mêmes fortement fixés (ex. : les AINS). Leur
métabolisme peut être altéré en présence d’inducteurs enzymatiques (ex. : la
rifampicine) ainsi que leur élimination.
n La metformine n’est pas insulinosécrétrice ; en monothérapie, elle n’expose pas
au risque d’hypoglycémie. Son association avec les sulfonylurées ou avec un
antigonadotrope comme le danazol peut générer une hypoglycémie.

L’hypoglycémie peut être induite par l’emploi de médicaments


possédant un effet hypoglycémiant propre
n Certains antalgiques comme l’acide acétylsalicylique à fortes doses, le dextro-
propoxyphène seul (Antalvic) ou associé (Di-Antalvic) exposent à la survenue
d’hypoglycémie.
n Parmi les médicaments à visée cardiovasculaire, des antiarythmiques comme le
disopyramide (Isorythm, Rythmodan) et la cibenzoline (Cipralan, etc.) peuvent
provoquer une hypoglycémie, plus particulièrement chez le sujet âgé ou l’insuf-
fisant rénal. Un antiangoreux comme le maléate de perhexiline (Pexid) exige un
contrôle rigoureux de la glycémie, dès le début du traitement, afin d’éviter l’ap-
parition d’hypoglycémies graves.
n Un antiparasitaire comme la pentamidine (Pentacarinat) induit une hypogly-
cémie immédiate suivie d’une hyperglycémie ; un diabète (secondaire) s’installe
après quelques semaines de traitement.
n D’autres substances comme le nialamide, et certaines bases xanthiques,
comme la théophylline, la caféine, favorisent une hypoglycémie. Il faut noter
aussi que la consommation excessive de café ou de thé expose au risque de l’hy-
poglycémie réactionnelle, majorée si la boisson est sucrée.

Conduite à tenir devant une hypoglycémie


Dans le cas d’un sujet diabétique (cas le plus fréquent) : s’il est conscient et
s’il peut avaler, il faut procéder immédiatement au resucrage en lui donnant
du sucre : morceaux de sucre, chocolat, sucre en poudre dans un verre d’eau
ou de jus de fruit, Coca-Cola… ou toute autre boisson et aliment sucrés. Ce
414 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

resucrage rapide sera suivi d’une prise d’hydrates de carbone, comme le pain
ou des biscuits.
Dans tous les autres cas où le resucrage per os paraît impossible, il faut aler-
ter le service médical d’urgence ou le médecin le plus proche. En attendant,
placer le patient en position latérale de sécurité.
À son arrivée, le médecin administrera du sérum glucosé hypertonique
(30 %) en IV, ou, si le patient est agité, il pratiquera une injection de glucagon
(1 mg) en IM.
Si un médecin est indisponible, si l’arrivée des secours semble trop tardive et
l’état du patient paraît critique, le pharmacien (ou une personne de l’entourage)
peut (et doit) sous couvert de l’avis du médecin pratiquer l’administration de glu-
cagon (1 ampoule en IM) chez le diabétique insulinonécessitant : Glucagon ne
présente aucun danger et n’aggravera jamais la situation (cette attitude peut
être de grand secours devant la suspicion d’un malaise hypoglycémique, ou lui
ressemblant, chez un patient non diabétique). L’administration de Glucagon est
contre-indiquée chez le diabétique non-insulinodépendant traité par sulfami-
des hypoglycémiants, car Glucagon conserve alors son effet insulinosécréteur,
facteur potentiel d’aggravation ; il faut toujours hospitaliser le malade, car l’hy-
poglycémie risque de réapparaître quelques heures après le traitement initial
en raison de la durée d’action des sulfamides hypoglycémiants.
Un patient non diabétique qui avoue « faire de l’hypoglycémie » corrigée par
l’ingestion de sucre doit être orienté vers la consultation médicale. Il peut s’agir
d’une véritable hypoglycémie ou encore d’une hypoglycémie réactive, fonc-
tionnelle ou post-stimulative dont les causes et les mécanismes sont mal
connus. Ce dernier type d’hypoglycémie survient plus favorablement chez le
sujet jeune, neurotonique, grand consommateur de café et surtout d’aliments
sucrés. Le seul traitement consiste à fragmenter les repas et à répartir les hydra-
tes de carbone.
D’autres causes que l’hypoglycémie peuvent se traduire par une perte de
connaissance brève. Parmi les plus fréquentes, le pharmacien retiendra : l’hypo-
tension orthostatique (le plus souvent d’origine iatrogène : antihypertenseurs,
mais aussi : insuffisance rénale, anémie…), les lipothymies (malaise vagal, ictus
laryngé, etc.), les causes cardiaques (troubles du rythme, maladie angineuse,
infarctus du myocarde, etc.), les accidents vasculaires cérébraux et, bien
entendu, l’épilepsie.
La survenue de vertiges isolés, même d’apparence bénigne, est un motif
fondé de consultation médicale ; des vertiges associés à des céphalées sont une
indication d’urgence, quel que soit l’âge du patient. Certains vertiges isolés
peuvent être d’origine iatrogène (ex. : avec les quinidiniques, les fluoroquino-
lones ou les AINS).

Les intoxications
Les intoxications par les produits ménagers
Les substances classées comme extrêmement dangereuses causent moins d’in-
toxications que l’on ne pourrait le penser. L’eau de Javel diluée est responsable
de 25 % des intoxications aiguës chez l’enfant ; cette substance est, de loin, la
première cause des accidents. Le White-spirit vient en seconde position mais
56. L’urgence 415

dans une plus faible proportion. Ces d’intoxications sont souvent dues à un
déconditionnement des produits dans des récipients alimentaires et à un mau-
vais étiquetage.

Recommandations générales afférentes à la conduite à tenir


l D’une manière générale, il ne faut pas faire boire l’enfant s’il a ingéré un produit
toxique. Faire boire de l’eau dilue le toxique, mais en même temps, l’eau absor-
bée dilate les intestins, ce qui facilite l’absorption :
l contrairement aux idées reçues, il ne faut pas donner de lait, car les lipides

contenus dans le lait dissolvent les toxiques liposolubles et l’absorption sera


facilitée. Les boissons gazeuses doivent être proscrites, car le dégagement
gazeux distend la paroi digestive ce qui facilite le passage des substances à
travers celle-ci ;
l remarque : l’absorption d’eau n’est pas contre-indiquée lors d’une intoxication

par de l’eau de Javel diluée.


l Ne jamais faire vomir un enfant qui a absorbé un produit ménager, ceci est

d’autant plus vrai :


l si le toxique est caustique ou corrosif, car un second passage aggraverait les

lésions déjà présentes ;


l si le produit est moussant, car il existe un risque de fausse route qui induirait

une pathologie pulmonaire, voire une asphyxie ;


l si l’enfant a moins de 6 ans ou s’il est dans un état comateux, car il y a un

risque de fausse route ;


l si l’enfant est convulsif, car la manipulation risque d’augmenter les convulsions.

l Ne pas donner de neutralisant car la réaction exothermique qui en résulterait aug-

menterait les brûlures.

L’eau de Javel
En cas d’intoxication par l’eau de Javel (hypochlorite de sodium) il est important
de différencier les produits concentrés des produits dilués.
n Si l’eau de Javel est diluée : son ingestion est suivie d’une sensation de brû-
lures buccale, rétrosternale et épigastrique, de nausées et de vomissements. Les
muqueuses digestives sont simplement érythémateuses.
n Si l’eau de Javel est concentrée : elle est alors un corrosif majeur responsable
d’ulcérations, de perforations et d’hémorragies digestives. À terme, les lésions
du tractus digestif supérieur peuvent évoluer vers la sténose.

Eau de Javel diluée


Quantité minime

Faire boire de l’eau pour diluer l’eau de Javel.


l

Donner un pansement digestif.


l

Un pansement digestif a pour but de protéger la muqueuse gastro-intestinale,


en la tapissant totalement et complètement. On distingue deux types de panse-
ment digestif : les argiles et les silicones. Les argiles (Actapulgite*, Bedelix*,
416 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

Smecta*, etc.) sont des silicates d’aluminium et/ou de magnésium, d’extraction


ou de synthèse. En plus du pouvoir protecteur, les argiles sont détoxifiantes, car
elles ont un fort pouvoir absorbant. Le seul effet indésirable à prendre en compte
est une constipation en cas de prise à forte dose.
Les silicones ne jouent pas le rôle détoxifiant des argiles, ils sont seulement pro-
tecteurs de la muqueuse digestive. Le principe actif utilisé est le diméticone (Gel
de polysilane Upsa* ; Pepsane*, Siligaz*) appelé encore polysilane ou diméthyl-
polysilane ; l’effet secondaire le plus fréquemment rencontré est une
constipation.
Quantité importante d’eau de Javel diluée (supérieure à 100 mL)

l Ne pas faire boire.


l Pas de pansement digestif.
l Hospitaliser pour une endoscopie digestive dans les 6 heures.

Eau de Javel concentrée


n Une seule gorgée : ne pas faire boire. Pas de pansement digestif. Hospitaliser
pour une endoscopie digestive dans les 6 heures.
n Quantité massive : transport médicalisé vers un service spécialisé. Traitement
symptomatique d’urgence de maintien des fonctions vitales.

Cas d’une projection oculaire


La projection oculaire d’eau de Javel est responsable d’une conjonctivite associée
à une douleur locale immédiate. Si le contact est prolongé, l’eau de Javel, même
diluée, est responsable d’ulcérations des muqueuses oculaires.
Le plus rapidement possible : effectuer une décontamination oculaire qui
consiste à laver à grande eau pendant au moins 15 minutes Le lavage d’un œil
lésé se fait en aval de l’œil sain. Les paupières sont maintenues ouvertes, le jet
doit être tiède, doux et « agréable ».
Ne pas neutraliser la solution par une base car on observerait une réaction exo-
thermique qui aggraverait les lésions.
Consulter un ophtalmologiste dans les plus brefs délais et en urgence si l’eau de
Javel est concentrée.

Cas d’une projection cutanée


L’eau de Javel peut provoquer des dermites chez certaines personnes. En cas de
contact prolongé avec de l’eau de Javel concentrée, des brûlures cutanées
sévères peuvent apparaître.
n Laver la région lésée à l’eau tiède pendant un quart d’heure.
n Déshabiller rapidement l’enfant, sous l’eau, lorsque les vêtements ont été
imprégnés.
n Si l’eau de Javel est concentrée, demander un avis médical pour faire le bilan
des lésions.
56. L’urgence 417

Cas d’une inhalation de chlore


L’eau de Javel doit toujours être utilisée seule ; certains mélanges sont à
proscrire :
n associée à un acide fort, par exemple un détartrant pour les toilettes, il se
dégage du chlore ;
n associée à de l’ammoniaque ou à un ammonium quaternaire, il se dégage de
la chloramine qui est un gaz aussi irritant que le chlore.
Le principal risque survenant lors d’une exposition massive est un œdème
aigu du poumon ; cet épisode peut survenir immédiatement mais plus fré-
quemment de façon retardée, dans les 6 à 48 heures qui suivent l’exposition. Il
apparaît aussi des céphalées, des vomissements ainsi qu’une hypoxie. L’évolution
peut être très péjorative dans un tableau de détresse respiratoire aiguë ou favo-
rable avec une régression lente des troubles.
n Dégager la victime sans s’exposer soi-même.
n Contacter les services d’urgence qui évacueront le patient. Le traitement est
symptomatique (mise au repos en position demi-assise, oxygénothérapie,
aérosols de 2-mimétiques et/ou corticoïdes).

Le White-spirit

L’ingestion de cet hydrocarbure est immédiatement suivie de troubles digestifs


à type de sensation de brûlures buccopharyngées et épigastriques, de nausées,
de vomissements et de diarrhées. Une fausse route pulmonaire peut survenir,
avec apparition d’une toux très importante, de douleurs rétrosternales, d’une
gêne respiratoire, d’une pneumopathie chimique et exceptionnellement d’un
œdème aigu du poumon. Enfin, un risque de passage systémique est possible,
marqué par une dépression du système nerveux central (sensation ébrieuse,
excitation, vertiges, céphalées, nausées et asthénie, somnolence). Le sujet peut
entrer dans un état de torpeur qui peut conduire au coma.

Cas d’une ingestion minime (une gorgée)


n Administrer un pansement digestif.
n Régime alimentaire sans graisse pendant 2 à 3 jours car les corps gras solubili-
sent les solvants organiques ce qui favorise leur absorption digestive et donc leur
passage systémique.
n En présence d’une toux, consulter un médecin.

Dans le cas d’une ingestion importante (un demi-verre chez l’adulte, un


quart de verre chez l’enfant) :
n Mise en position latérale de sécurité.
n Hospitalisation du malade afin d’effectuer un éventuel lavage gastrique, des
radiographies pulmonaires.
n Régime alimentaire sans graisse pendant 2 à 3 jours.
418 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

Cas d’une projection oculaire


Elle est à l’origine d’une simple conjonctivite. Si le contact a été prolongé, on
peut observer des lésions caustiques locales.
n Effectuer une décontamination oculaire.
n Consulter un ophtalmologiste en cas d’ulcération.

Cas d’une projection cutanée


Il apparaît un érythème parfois associé à une phlyctène. La grande lipophilie de
ce solvant rend le passage systémique possible.
n Effectuer une décontamination cutanée : elle consiste en un lavage abondant et
immédiat ; l’intoxiqué est ensuite déshabillé sous l’eau avec prudence. Le lavage
doit se poursuivre pendant 15 minutes, avec de l’eau à 15 °C et à 15 centimètres de
la peau.
n En cas d’apparition d’une dépression du système nerveux central, prévenir
immédiatement les secours.

Il s’agit de produits moussants et irritants : cas d’une inhalation de vapeurs


Une inhalation de vapeurs de White-Spirit est responsable d’irritations oculaires,
ORL et respiratoire. On observe aussi des nausées, des vomissements, des douleurs
rétrosternales et gastriques. De plus, il existe un risque de passage systémique :
n effectuer une décontamination oculaire ;
n consulter un médecin pour traiter les divers symptômes.

Les détergents multi-usages


Il s’agit de produits moussants et irritants ; ils ont une composition très variée.
Par mesure de prudence, en cas de suspicion d’intoxication par un détergent
multi-usages, il faut contacter un centre antipoison car il connaît la composition
exacte de ces produits.
Absorbés par voie orale, ils produisent des nausées, des douleurs abdominales
et plus rarement des vomissements et des diarrhées.
n Ne pas faire vomir car cette manœuvre produirait une grande quantité de
mousse qui risquerait d’entraîner une pneumopathie d’inhalation.
n Ne pas faire boire pendant 2 à 3 heures.
n Donner de la mie de pain qui absorbe la mousse.
n Donner un pansement digestif.
n Les lavages gastriques sont contre-indiqués à cause des propriétés moussantes.
Les sujets ayant reçu des projections dans les yeux présentent une conjonctivite,
accompagnée d’une douleur oculaire. Si le contact est prolongé il y a un risque
d’ulcérations conjonctivales et cornéennes.
n Effectuer une décontamination oculaire
n Si les signes d’irritation persistent une demi-heure après le lavage oculaire,
consulter un ophtalmologiste.
Lors de projections cutanées : il peut éventuellement survenir une simple irrita-
tion cutanée ; il suffira de rincer abondamment la région irritée.
Remarque : les principaux risques des produits pour la vaisselle tiennent à leur
pouvoir moussant et irritant ; la conduite à tenir, au niveau des différentes voies
d’entrée, est identique à celle préconisée pour les détergents multi-usages.
56. L’urgence 419

Les détartrants
Ils contiennent souvent des acides sulfamique ou sulfanilique. Ce sont des pro-
duits non caustiques ; ils sont simplement irritants au niveau digestif. Les signes
observés sont des nausées et des vomissements. En cas de projection oculaire, il
apparaît une conjonctivite associée à une douleur oculaire.
n En cas d’ingestion : ne pas faire vomir, ne pas faire de lavage gastrique, donner
un pansement digestif, consulter un service d’urgence en cas d’ingestion d’une
grande quantité de substance.
n En cas de projection oculaire : effectuer une décontamination oculaire, si les dou-
leurs persistent 30 minutes après le lavage, consulter un ophtalmologiste.
n Les détartrants pour W-C sont un mélange d’acide chlorhydrique et de ten-
sioactifs (anioniques et non-ioniques). Le pH de ces solutions aqueuses est bas, il
s’agit de produits caustiques.
L’ingestion d’un acide est suivie de douleurs buccales, rétrosternales et épigas-
triques. Le tableau clinique est souvent impressionnant d’emblée. L’enfant est
angoissé, agité, dysphagique et rejette une salive sanguinolente ; des vomisse-
ments sanglants sont fréquents. Un examen de la cavité buccale révèle habituel-
lement des brûlures sévères. Il faut noter qu’il n’existe aucun parallélisme entre
l’atteinte buccopharyngée et les lésions œsogastriques. Elle doit être prise en
charge rapidement en milieu hospitalier, dans les premières 24 heures.

Conduite à tenir
En cas d’ingestion
l Ne pas faire vomir car le passage du contenu de l’estomac aggraverait les lésions
œsophagiennes et oro-pharingées.
l Ne pas neutraliser le produit caustique car après l’ingestion il peut survenir des

vomissements et les réactions de neutralisation étant exothermiques, il apparaî-


trait une aggravation des lésions locales.
l Ne pas administrer de pansements digestifs qui gêneraient l’examen
endoscopique.
l Consulter le plus rapidement un service d’urgence.

En cas de projection dans l’œil


l Au niveau de l’œil, les acides produisent des lésions sévères de la cornée (conjonc-
tivite et sclérose), plus rarement de l’iris et du cristallin.
l Ne pas neutraliser.

l Effectuer une décontamination oculaire.

l Consulter rapidement un service d’urgence qui poursuivra l’irrigation oculaire.

Une consultation ophtalmologique sera demandée.

En cas de projection cutanée


Les projections cutanées sont responsables de l’apparition d’un érythème, d’un
œdème, de phlyctènes et, si la solution est très concentrée, d’ulcérations.
l Effectuer une décontamination cutanée.

l Déshabiller l’enfant.

l Consulter rapidement un service d’urgence.


420 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

Les colles à base de cyanocrylates


Leur principale propriété est de coller de nombreux matériaux (le verre, la por-
celaine, le bois, le plastique…). Elles se solidifient presque instantanément avec
une production minime de chaleur.
Remarque : Les colles blanches en pâte ou en bâton ne sont pas toxiques en
cas d’ingestion.
Dans le cas d’une application sur les lèvres :
n Ne pas tirer brutalement.
n Appliquer de l’eau tiède.
n Encourager l’enfant à humidifier ses lèvres avec sa salive et à exercer une
pression constante.
n La colle s’élimine en 1 à 2 jours, l’alimentation doit donc être adaptée
pendant cette période.
n Consulter un médecin si les lèvres restent totalement collées malgré l’eau
tiède et l’humidification.
Appliqués sur la cornée, les cyanocrylates entraînent un larmoiement et une
diplopie ; les paupières sont adhérentes. Ces troubles disparaissent sans
séquelles, lorsque le produit est éliminé.
n Ne pas tenter d’ouvrir les paupières, ni d’éliminer les fragments de colle adhé-
rents aux muqueuses oculaires, car il se produirait des ulcérations cornéennes et
conjonctivales.
n Laver abondamment les paupières à l’eau tiède.
n Appliquer une compresse humide.
n L’élimination de l’adhésif a lieu dans un délai d’1 à 4 jours. Un simple lavage à
l’eau ou au sérum physiologique suffit ensuite à éliminer les corps étrangers.
Le collage des doigts entre eux ou sur un objet est l’incident le plus fréquent.
n Ne pas tenter d’arracher le film qui adhère à la peau, le tégument sous-jacent
suivrait.
n L’application de solvants (alcool, éther, trichloréthylène…) est inefficace et
peut se révéler dangereuse.
D’une manière générale il faut être patient, la colle se détache spontanément au
bout de quelques heures.
n Si deux surfaces cutanées sont collées, plonger la partie collée dans l’eau
chaude savonneuse 30 à 45 minutes. Ensuite, gratter en roulant les deux parties
l’une sur l’autre.

Les déboucheurs de canalisation


Ils sont composés de soude ou de potasse. Ces bases fortes, dont le pH est supé-
rieur à 11, sont très caustiques. Les produits commercialisés se présentent en
solution aqueuse ou sous forme de granulés solides. Leur action corrosive est uti-
lisée domestiquement pour déboucher les canalisations. La seule différence entre
les déboucheurs de canalisation et les détartrants pour WC est due au pH de ces
deux substances.
Les déboucheurs de canalisation ont un pH très élevé ; ces bases saponifient les
lipides tissulaires et sont responsables de lésions profondes.
56. L’urgence 421

Les détartrants pour WC sont des acides qui provoquent une nécrose superfi-
cielle de la muqueuse. La forme sous laquelle le produit est commercialisé joue
aussi un rôle : un liquide provoquera des lésions étagées, alors qu’un solide induira
des lésions localisées.
En cas d’ingestion d’un produit caustique, la conduite à tenir est identique
à celle décrite dans le chapitre relatif aux produits détartrants pour les W-C
(cf. supra).
Remarque : il faut considérer les lessives pour lave-vaisselle comme des bases
fortes, ainsi, leur toxicité sera celle des caustiques. La conduite à tenir en cas
d’ingestion est de consulter, dans les plus brefs délais, un service d’urgence.

Les lessives pour les lave-linge


Leur pH en solution aqueuse est voisin de 10 ; ce sont des produits moussants et
surtout irritants.
Après absorption, il existe des signes discrets d’irritation digestive à type de
nausées, de douleurs abdominales et plus rarement de vomissements et de
diarrhées.
n La propriété moussante interdit les vomissements et les lavages gastriques.
n Ne pas donner de liquide pendant 2 à 3 heures après l’intoxication, afin de
réduire les risques de pneumopathie d’inhalation dus aux propriétés
moussantes.
n Donner un pansement digestif afin de réduire les risques d’irritation.
Après une projection au niveau de l’œil, l’enfant présente une douleur oculaire
et une conjonctivite. En cas de contact prolongé, il existe un risque d’ulcérations
conjonctivales et cornéennes.
n Effectuer une décontamination oculaire.
n Si les signes d’irritation persistent une demi-heure après le lavage, consulter
un ophtalmologiste.

Conseils généraux relatifs à la prévention des accidents


l Ranger les produits ménagers hors de portée des enfants, dans un placard fermé
par des fixations de sécurité, ou en hauteur ; ils sont à l’écart des aliments et des
boissons.
l Lors de l’achat, lire attentivement l’étiquette et choisir le produit qui sera le moins

dangereux, tant au niveau de sa composition qu’au niveau de son conditionne-


ment. Ne pas oublier qu’une substance peut être efficace tout en étant non
toxique.
l Ne jamais mettre de l’eau de Javel ou un autre produit dangereux dans une bou-

teille banalisée : jus de fruits, eau minérale…


l Pendant l’utilisation, respecter scrupuleusement les précautions et les conseils d’utili-

sation : certains mélanges sont à proscrire et une aération efficace est nécessaire
à l’emploi de produits tels que les insecticides.
l Diluer l’eau de Javel concentrée immédiatement après son achat.

l Fermer et ranger les produits après leur utilisation.

l Boucher les emballages vides avant de les jeter.


422 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

Les intoxications par les produits de substitution aux


opiacés
Les traitements par les produits de substitution aux opiacés ne sont pas dénués
de risques ; par ailleurs, parallèlement au développement des traitements de
substitution, s’est développé un trafic de produits exposant aux risques d’intoxi-
cations aiguës. Comme le médecin, le pharmacien à l’officine (a fortiori s’il est
impliqué dans un réseau de soins aux toxicomanes) doit connaître les situations
susceptibles de se présenter lorsqu’un patient présente des signes d’intoxication
aux opiacés.

Conduite à tenir en attendant le SAMU


l Si le patient présente des troubles de la conscience et une fréquence respiratoire
inférieure à 8/min, le traitement repose d’une part sur la stimulation (éventuelle-
ment nociceptive) afin d’améliorer l’état de conscience du patient, d’autre part
sur l’apport en oxygène ; ces mesures permettent de prévenir la survenue de
l’arrêt ventilatoire.
l Si le patient est en arrêt ventilatoire, la ventilation artificielle (bouche à bouche

ou ballon autoremplisseur avec valve unidirectionnelle), ou mieux avec apport


en oxygène, permet d’éviter l’arrêt cardiaque.
l Si le patient est en arrêt cardiocirculatoire, le traitement associe massage cardia-

que externe et ventilation (bouche à bouche ou ballon autoremplisseur avec


valve unidirectionnelle), ou mieux avec apport en oxygène.
57 Les premiers soins

Les brûlures
Les brûlures sont des lésions tissulaires dues à un contact thermique, chimique
ou électrique, provoquant une dénaturation des protéines, un œdème et une
perte de liquides intravasculaires par augmentation de la perméabilité des vais-
seaux. Des signes généraux comme le choc hypovolémique, l’infection ou les
lésions de l’arbre respiratoire constituent une menace vitale plus grave et préoc-
cupante que celle liée aux effets locaux.

Appréciation de la brûlure
La profondeur
Une brûlure du premier degré ou brûlure superficielle atteint la couche cornée de
l’épiderme ; elle est rouge, très sensible au contact (hyperesthésie), sans phlyc-
tènes (cloques). La surface blêmit à la pression légère. Le type courant est
l’érythème solaire (cf. infra). Une brûlure du deuxième degré peut être superficielle,
avec des phlyctènes et une sensibilité intacte ; la cicatrisation est spontanée en 2
à 3 semaines (ex. : coup de soleil plus intense). Elle peut être intermédiaire, sans
phlyctène ; la sensibilité est intacte et la cicatrisation est possible (2 à 4 semai-
nes). Elle peut être profonde : la peau est blanchâtre, la sensibilité douloureuse
est intacte ; la cicatrisation spontanée est aléatoire. Une brûlure du troisième degré
montre un derme blanchâtre (couche basale totalement détruite) ; les vaisseaux
sous-dermiques ne s’effacent pas à la pression. La cicatrisation spontanée est
impossible ; une brûlure du troisième degré est une indication à la greffe de
peau.

Le siège
Les brûlures localisées dans les zones péri-articulaires sont de mauvais pronostic
fonctionnel. Les brûlures des voies aériennes supérieures, des yeux et des orifices
anatomiques naturels ont un pronostic vital. Elles sont une indication d’hospita-
lisation immédiate.

L’étendue
La « règle des 9 » permet d’apprécier la surface corporelle atteinte : la tête et le
cou  9 %, chaque membre supérieur  9 %, chaque membre inférieur  18 %
(cuisse  9 %, jambe et pied  9 %), face antérieure du tronc  18 % (thorax
antérieur  9 %, abdomen  9 %), face postérieure du tronc  18 % (thorax
postérieur  9 %, région lombaire  9 %), demi-bras  demi-thorax  9 % et
les organes génitaux  1 %. Toute brûlure qui atteint 8 à 10 % chez l’adulte,
5 à 8 % chez l’enfant ou 3 % chez le nourrisson, est un motif immédiat d’hospitali-
sation. L’étendue d’une brûlure peut facilement s’apprécier avec la paume de la
main du sujet qui représente 1 % de sa surface corporelle.
424 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

Les signes associés


Atteinte respiratoire, atteinte neurologique (coma), etc.

Le terrain
Les personnes âgées ou atteintes de tares et les petits enfants sont plus vulné-
rables. Un nourrisson brûlé à 5 %, un enfant brûlé à 10 %, un vieillard (ou un
porteur de tares) brûlé à 5 % sont en danger : l’hospitalisation doit être
immédiate.

Conduite à tenir devant une brûlure


La brûlure est sèche, limitée et superficielle
C’est le type de brûlure le plus fréquemment rencontré lors des accidents
domestiques (écoulement rapide de liquide bouillant sur la peau nue, fer à
repasser, flamme, etc.), industriels (ex. : jet de vapeurs bref) ou lors de coups
de soleil. Particulièrement fréquentes chez l’enfant (2 à 3 % des accidents
domestiques), fort heureusement, la majorité des plaies se révèlent minimes
puisque 75 % d’entre elles mesurent moins de 2 cm2. Les brûlures du 1er et du
2e degrés peu profondes peuvent être traitées en ambulatoire.
La zone brûlée doit être soigneusement lavée à l’eau froide (faible débit) ou
immergée dans l’eau froide pendant une dizaine de minutes (l’eau froide
calme la douleur), ou plus longtemps si la douleur persiste. Enlever si néces-
saire bagues, montre, ceinture, ou tout objet ou vêtement entourant la zone
brûlée qui peut enfler. Le lavage de la brûlure peut se faire avec du savon ou
avec Bétadine*, Cetavlon* ou Hibitane* 5 %.
Dans le cas d’une brûlure sans phlyctène, on peut appliquer une émulsion
très hydratante et calmante comme Biafine ou une pommade anti-infectieuse
comme Flammazine en couche épaisse. La présence de phlyctènes est une indi-
cation à l’application d’un pansement gras comme Biogaze* ou Tulle gras
Lumière ; puis, recouvrir de compresses sèches et faire un pansement (bande
Velpeau*, bande Nylex* ou seulement des bandes étroites de sparadrap). Laisser
6 jours environ. Si le bourgeon est correct après ce temps, laisser la plaie à l’air
(appliquer Hibidil*).
Toute évolution suspecte d’une brûlure superficielle avec ou sans phlyctène
doit conduire à un avis médical.
Les erreurs à éviter : ne pas s’obstiner à traiter une brûlure qui n’a pas guéri
en 15 jours. Ne pas négliger de surveiller l’état local, en quête d’une infection.
Ne pas appliquer de corticoïdes (l’usage de pansements à base de corticoïdes :
Corticotulle, sera seulement nécessaire pour obtenir l’affaissement de bour-
geons exubérants). Ne jamais appliquer de pommade camphrée (convulsions
chez l’enfant). Ne pas utiliser de pansement adhésif. Éviter d’appliquer des
colorants sur une brûlure, et ne pas utiliser d’antibiotiques pour prévenir une
surinfection. Ne pas utiliser d’eau oxygénée ou d’alcool sur une plaie à vif, ni
les remèdes de grand-mère (huile, pomme de terre, etc.).

La brûlure est profonde


Les causes les plus fréquemment rencontrées sont l’immersion dans un liquide
bouillant, un jet de vapeur prolongé, le contact avec un objet brûlant ou un
57. Les premiers soins 425

corps incandescent, l’électricité, les substances caustiques, la combustion des


vêtements.
Dans tous les cas, la prise en charge médicale est obligatoire ; les premiers
soins (limités) peuvent être prodigués :
l devant une brûlure chimique : laver la zone touchée sous l’eau courante froide,

puis légèrement tiède, pendant au moins 10 minutes ;


l devant une brûlure chimique des yeux : laver l’œil aussi rapidement que possible

en maintenant la moitié affectée du visage sous le robinet d’eau froide (ou tiède)
courante à faible débit ; dans le cas d’impossibilité, placer la tête du sujet en
arrière et tournée du côté atteint : verser de l’eau sur l’œil. Effectuer cette opé-
ration pendant 10 minutes au moins.

Les plaies
Les plaies des parties molles se répartissent en plaies ouvertes et fermées. Les
premières s’accompagnent d’un écoulement de sang plus ou moins important
tandis que les secondes s’accompagnent d’une hémorragie interne dont le
degré est variable suivant la nature du traumatisme. Le pharmacien est concerné
par les premiers soins des plaies cutanées simples en n’oubliant pas que tout sai-
gnement doit faire l’objet des mêmes précautions requises devant une hémor-
ragie (cf. chapitre précédent).

Les différents types de plaies simples


La plupart d’entre elles peuvent être prises en charge à l’officine ou du moins
bénéficier des conseils de soins appropriés.
n Les plaies par coupure provoquées par des objets tranchants (couteau, rasoir,
etc.) peuvent entraîner un saignement abondant.
n Les plaies par lacération : la peau est déchirée (fil barbelé, griffes d’un animal,
etc.) ; le saignement est quelquefois minime mais le risque infectieux est impor-
tant. Les plaies par lacération sont fréquentes chez les sujets âgés institutionnali-
sés ; elles peuvent être superficielles ou profondes.
n Les plaies punctiformes provoquées par des objets pointus (clou, aiguille, four-
che, etc.) peuvent s’accompagner de lésions internes graves. Le risque d’infec-
tion est grand.
Les piqûres par objets (métal, bois, etc.) se compliquent essentiellement d’in-
fections à pyogènes (Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes, anaérobies,
etc.) ; il s’agit surtout de suppurations locales qui seront traitées par pénicillino-
thérapie. Les piqûres par épines végétales peuvent donner lieu à des infections à
Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes, mycoses, exceptionnellement
pasteurelloses ; elles peuvent se compliquer à distance par bactériémie.
n Les excoriations sont des écorchures le plus souvent consécutives à une chute
par glissade. Les couches superficielles de la peau sont abrasées et laissent les tis-
sus sous-jacents à nu. Elles contiennent souvent des souillures (petits corps
étrangers : sable, terre, etc.) enchâssées dans la blessure. Les excoriations s’in-
fectent facilement. Les dermabrasions sont fréquentes chez le sujet âgé et sont
souvent douloureuses.
426 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

n Les plaies contuses peuvent être dues à une chute ou à un coup donné avec un
objet contondant. Le choc provoque l’ouverture des téguments et une ecchy-
mose (un bleu). Une contusion peut masquer une lésion des structures sous-
jacentes (ex. : fracture).
n Une ecchymose est une hémorragie interne due à la rupture des capillaires san-
guins endommagés ; le sang infiltre les tissus et apparaît comme une tache colo-
rée (bleu-mauve) sous la peau. Elle s’accompagne d’une douleur et d’un œdème
au niveau de la zone lésée.
n Un hématome est une collection de sang enkystée (formation de « bosse »).
Dans la plupart des cas, il disparaît comme l’ecchymose mais si son volume est
trop important, il nécessite une évacuation chirurgicale.
n Les plaies par morsure animale présentent un risque septique majeur (cf. infra).
n Les plaies ulcéreuses (ex. : les plaies variqueuses) sont des plaies quelquefois
simples mais la cicatrisation est très longue à obtenir (plusieurs mois, voire
années) et elles sont souvent récidivantes.

Les antiseptiques
Les antiseptiques courants appartiennent à une douzaine de familles chimiques.
Ils exercent sur les micro-organismes un effet létal (bactéricide, fongicide, éven-
tuellement virulicide) ou d’inhibition de croissance (bactériostatique, fongistati-
que). Certains d’entre eux présentent les deux modes d’action en fonction des
doses : un antiseptique bactéricide peut devenir bactériostatique ou même per-
dre son efficacité s’il est trop dilué ; au contraire, un produit trop concentré sera
efficace, mais deviendra potentiellement agressif à l’égard des tissus sains sur
lesquels il est appliqué.
La présence de résidus issus de la plaie (sang, sérum, pus, etc.) contribue à la
diminution de concentration de l’antiseptique et à une baisse de son activité ;
l’augmentation du temps de contact, de même que l’action de frotter en l’appli-
quant intensifient son efficacité. La température influe également, puisque le
développement des micro-organismes est sensible à ce paramètre.
Quel antiseptique doit-on utiliser ? Il faut choisir un produit d’action rapide,
bien toléré, efficace. L’antiseptique « idéal » n’existe pas, cependant il existe
des règles générales d’utilisation, car la difficulté majeure de l’emploi de ces
produits concerne leur conservation, dépendante de la contamination micro-
bienne et de l’inactivation. L’inactivation est plus particulièrement liée à l’expo-
sition à la lumière ou à une température trop élevée, de même qu’à une
conservation dans un récipient non adapté. La contamination est essentielle-
ment due aux erreurs de manipulation. Lors de la délivrance d’antiseptiques,
les conseils suivants doivent être prodigués au patient qui, avant toute utilisa-
tion devra :
n vérifier la date limite d’utilisation ;
n inscrire la date d’ouverture sur le flacon (la durée d’utilisation est limitée) ;
n refermer soigneusement et systématiquement le flacon après usage ;
n éviter de mettre les doigts sur l’orifice du flacon (contamination) ;
n préférer la présentation en doses individuelles, en petits conditionnements, en
sprays ou encore les compresses imprégnées ;
57. Les premiers soins 427

n ne jamais transvaser l’antiseptique dans un autre flacon ;


n conserver le produit à l’abri de la lumière et de la chaleur (attention à l’été et
aux vacances : pas d’antiseptiques dans le coffre d’une voiture !) ;
n s’abstenir de son usage chez le nourrisson ou le nouveau-né, sans avis
médical ;
n s’assurer qu’il n’existe pas de risque d’allergie (attention à l’iode) à la fois pour
le soigné et le soignant ;
n interdire tout mélange d’antiseptiques (incompatibilité, sélection de germes),
même s’ils sont de composition identique ;
n éviter de mélanger l’antiseptique avec un autre produit à usage local ;
n éviter impérativement d’avaler du produit, même si l’antiseptique est applica-
ble sur les muqueuses ;
n rincer abondamment dans le cas de projections oculaires.
Certains antiseptiques ont des spectres d’action étroits : l’hexamidine
(Hexomédine*) et les ammoniums quaternaires (Cétavlon*, Dermaspray*) Il est
conseillé d’utiliser des antiseptiques bactéricides à spectre large, ex. : les dérivés
iodés (Teinture d’iode à 50 %, Alcool iodé à 1 %, Bétadine*), la chlorexidine
(Biseptine*, Hibiscrub*, Hibitane*, Mercryl, etc.).
Le pharmacien ne devra pas oublier de rappeler au patient que les antisepti-
ques sont des médicaments à part entière et qu’il est donc impératif de respec-
ter scrupuleusement les indications, contre-indications et précautions d’emploi
attachées à leur utilisation.

Les pansements
Les pansements d’aide à la détersion combinent le principe de la cicatrisation en
milieu humide, un fort pouvoir d’adsorption et un effet local émollient : les
hydrocolloïdes ne sont pas indiqués dans les états nécrotiques noirs et carton-
nés ; les lipido-colloïdes sont très utiles dans le traitement des brûlures ; les algi-
nates présentent des possibilités d’adsorption supérieures et peuvent donc être
utilisés durant cette phase de détersion ; les pansements dérivés du charbon per-
mettent d’adjoindre un effet local antiseptique et d’absorber les tissus nécro-
tiques et malodorants, en permettant leur dégradation. Ils sont aussi utiles
localement pour prévenir la surinfection ; les hydrogels (en plaque ou en pâte)
ont un rôle de ramollisseur (détersion autolytique). Ils transforment un tissu
nécrotique dont l’arrachage serait traumatique en tissu plus mou, plus facile à
détacher des tissus avoisinants ; les hydrocellulaires favorisent la prolifération
fibroblastique.

Les soins des plaies à l’officine


Toute plaie douteuse, tout traumatisme suspect, toute expression importante
d’un symptôme associé (douleur, fièvre, etc.) imposent la consultation
médicale. La localisation de certaines plaies doit immédiatement conduire le
pharmacien à orienter le patient vers un milieu spécialisé : plaies profondes ou
428 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

superficielles de la face, des yeux ou des paupières, plaies de la main (risque


fonctionnel), plaies profondes du cuir chevelu, ainsi que toute plaie avec perte
de substance. Quel que soit le type de plaie, le pharmacien doit toujours s’in-
former des circonstances de survenue et de la nature de l’agent causal.
La consultation sera conseillée dans les circonstances suivantes :
l il existe des signes associés (fièvre, douleur, etc.) ;

l il s’agit d’une plaie profonde au niveau des yeux ou de la face ;

l la plaie est superficielle, mais il s’agit d’un terrain particulier (diabétique, hémo-

phile, etc.) ;
l la plaie présente des signes d’infection et/ou d’inflammation importante ;

l il s’agit d’une plaie qui présente un retard de cicatrisation malgré des soins

appropriés.

Attitude thérapeutique générale


La difficulté majeure est d’évaluer rapidement le degré de gravité de la plaie.
Une plaie simple ou superficielle est bien visible : elle touche le derme ou le
tissu cellulaire sous-cutané, sans atteindre les plaies profondes. Les corps étran-
gers sont facilement extractibles ; la vascularisation et l’innervation locale (et
du membre) sont intactes. Il n’existe pas de dégâts ni osseux, ni tendineux, ni
musculaires.
Pour comprendre les indications et le mode d’utilisation des principales
familles de pansements modernes, il est nécessaire de rappeler qu’une plaie
évolue en 3 phases avant de se fermer :
l la phase de détersion est caractérisée par un fond de plaie essentiellement jaune

et/ou noir ;
l la phase de bourgeonnement au cours de laquelle le fond est essentiellement

rouge et mamelonné ;
l la phase d’épidermisation au cours de laquelle se ferme la plaie.

Le milieu idéal pour favoriser la fermeture d’une plaie est un milieu chaud et
humide, mais cette humidité ne doit pas être excessive.
Lors de la phase de détersion, s’il existe des exsudats modérés et si la plaie
n’est pas creusante, les hydrocolloïdes seront choisis en première intention ;
dans le cas d’une plaie sèche, les hydrogels sont indiqués.
Lors de la phase de bourgeonnement, une plaie modérément exsudative est
une indication soit à un hydrocolloïde en sachant qu’il peut être responsable
d’un hyperbourgeonnement, soit à un hydrocellulaire. Dans le cas d’une plaie
très faiblement exsudative, un hydrocolloïde peut être choisi.
L’état des vaccinations antitétaniques doit systématiquement être vérifié ; si
la vaccination est ancienne (plus de 10 ans) ou s’il existe un doute, une vacci-
nation, un sérum antitétanique, ou seulement un rappel de vaccination est
indispensable, même si la blessure est minime. Les inclusions de corps étrangers
doivent être systématiquement recherchées et enlevées.
Les plaies même superficielles peuvent survenir sur un terrain particulier :
diabète, artérite, insuffisance veineuse chronique, et peuvent évoluer de façon
péjorative et se transformer en ulcérations évolutives rebelles.

Préparation de la plaie
En phase de détersion, les produits sont appliqués après un lavage à l’eau et au
savon, un rinçage et un séchage par tamponnements du pourtour de la plaie.
57. Les premiers soins 429

À cette phase, l’utilisation des pansements modernes ne dispense pas d’une


détersion manuelle associée avec une bonne prévention des douleurs.
Au stade de bourgeonnement et d’épidermisation, la plaie est tout au plus,
et de façon facultative, rincée au sérum physiologique ; la peau périlésionnelle
étant lavée comme en phase de détersion.

Le risque infectieux
Les antiseptiques ne doivent plus être utilisés systématiquement sur les plaies pour
les raisons suivantes :
l toute plaie est nécessairement colonisée par une flore bactérienne qui, dans la

majorité des cas, évolue de façon spontanée vers la disparition, au fur et à


mesure de l’évolution de la plaie vers la cicatrisation ; cette flore bactérienne est
le plus souvent utile aux phénomènes cicatriciels ;
l les antiseptiques, pour la plupart, n’ont, dans cette indication, qu’une efficacité

réduite et transitoire puisqu’ils sont inhibés par les matières organiques ;


l enfin, en regard d’absence de bénéfice, les antiseptiques ont des effets secondai-

res potentiels bien réels, à type d’allergie, de causticité, de sélection de germes


résistants et de cytotoxicité pour les cellules favorisant la détersion et limitant la
prolifération bactérienne (polynucléaires, macrophages) ainsi que pour les cellu-
les assurant la reconstruction cutanée (fibroblastes, kératinocytes).

Cas de la blessure qui paraît grave car elle semble profonde


Couvrir la zone lésée par une compresse stérile et sèche ; la maintenir par un
bandage, sans trop serrer. Recommander la consultation immédiate ; si néces-
saire appeler le médecin.

Cas de la plaie superficielle bénigne (ex. : petite coupure, écorchure)


Laver à l’eau jusqu’à nettoyage complet si la blessure est souillée. Le net-
toyage peut être complété en utilisant des compresses de gaze et une solu-
tion antiseptique : Cetavlon*, Cytéal, Hibidil*. Le nettoyage est toujours réalisé
du centre de la plaie vers l’extérieur. La plaie est rincée, puis désinfectée à l’al-
cool à 70 °C (l’alcool à 70 °C a un pouvoir mouillant supérieur à l’alcool à
90 °C).
Lorsque la plaie est petite, elle peut être recouverte avec un pansement
adhésif (aéré). Si la plaie doit être protégée, elle sera recouverte d’une com-
presse de gaze fixée par du sparadrap. Les bords d’une petite coupure peuvent
être rapprochés avec une suture de type Stéri-Strip*.

Cas de l’ecchymose ou de l’hématome chez un enfant


l S’assurer de leur cause : leur survenue spontanée ou consécutive à un trauma-
tisme trop minime peut révéler un trouble de la coagulation. Chez l’adulte, il
faudrait penser aussi à la prise de médicaments anticoagulants ou de modifica-
teurs de l’agrégation plaquettaire (ex. : aspirine).
l L’application d’un pansement glacé est le geste le plus efficace s’il est effectué

tout de suite après le traumatisme.


l Le pharmacien peut conseiller à la mère de l’enfant d’avoir dans sa pharmacie

une lotion ou une pommade à base de teinture d’arnica (Arnican*, Teinture


Arnica*, etc.) ; la seule précaution à suivre et de ne pas l’appliquer à proximité
des yeux, ni sur les plaies ouvertes (l’arnica empêche la cicatrisation).
430 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

Cas d’une plaie par dermabrasion chez le sujet âgé


Après exploration de la plaie, un pansement occlusif est appliqué afin de main-
tenir l’humidité et favoriser ainsi l’épithélialisation. Le risque infectieux existe, il
ne doit pas être négligé.

Cas d’une plaie par lacération chez le sujet âgé


Le nettoyage de la plaie est réalisé avec des compresses imbibées de sérum
physiologique. Un pansement primaire peut être réalisé avec des bandes adhé-
sives (Stéri-Strip) car une suture est rarement nécessaire. Un pansement secon-
daire légèrement compressif sera changé quotidiennement jusqu’à ce qu’il n’y
ait pratiquement plus d’exsudat, puis il sera laissé en place plusieurs jours.

Les piqûres et morsures d’animaux


Les vacances sont particulièrement propices aux piqûres et morsures d’animaux.
Des conseils et des gestes simples doivent être connus du pharmacien : les pre-
miers serviront à informer et prévenir, les seconds à donner les premiers soins au
blessé.

Les insectes
Les piqûres de mouches, moustiques, taons
Éviter tout grattage, qui prolonge et aggrave la réaction locale. Désinfecter, puis
appliquer une crème calmant la démangeaison (Calmiphase*, Onctose*,
Parfénac*). Si la démangeaison est importante et mal supportée, le médecin
peut prescrire un antihistaminique (effet sédatif) comme Polaramine*.

Les piqûres d’hyménoptères


La majorité des accidents est bénigne ; les accidents allergiques sont fréquents ;
ils sont moins graves chez l’enfant que chez l’adulte. Le plus souvent, il s’agit de
réactions locorégionales qui inquiètent les parents mais qui sont rarement
sévères. Environ 1 % de la population générale présenterait des réactions ana-
phylactiques après piqûres d’hyménoptères et tous les ans, des accidents graves,
parfois mortels, surviennent (10 à 20 par an en France). Ces derniers résultent
essentiellement de piqûres oro-pharyngées, d’une envenimation par piqûres
multiples ou d’un choc anaphylactique.
Les hyménoptères sont représentés par les abeilles, les guêpes (et les frelons)
et les fourmis. Les abeilles ne piquent qu’une seule fois, leur dard, cranté comme
un harpon, reste dans le derme au contraire du dard des guêpes qui est plus
lisse ; les guêpes peuvent donc piquer plusieurs fois. Le venin a des propriétés
neurotoxiques et allergisantes. À chaque piqûre, 50 à 100 g de venin sont
injectés et on estime que 100 piqûres sont létales pour un enfant et 500 pour un
adulte… mais une seule piqûre peut entraîner une réaction anaphylactique chez
un sujet hypersensible. Les fourmis sont surtout dangereuses aux États-Unis : la
fourmi Solenopsis engendre une morbidité et une mortalité préoccupante, tant
pour le bétail que pour l’espèce humaine.
57. Les premiers soins 431

Signes cliniques
Les signes cliniques sont représentés par :
n Une réaction locale associant une démangeaison et un œdème dont la locali-
sation bucco-pharyngée est la seule dangereuse.
n Des réactions générales variées : une urticaire (35 % des cas), un œdème de
Quincke (10 % des cas), un prurit associé à un érythème généralisé (50 %
des cas), une dyspnée asthmatiforme (10 % des cas), des troubles cardiovascu-
laires (hypotension) avec au moins tachycardie. D’autres signes comme une
rhinite aiguë, des nausées, des vomissements, des troubles du transit ou des ver-
tiges ne sont pas rares. La manifestation la plus grave est représentée par le choc
anaphylactique. Les manifestations allergiques peuvent être retardées de 1 à
15 jours après la piqûre ; elles sont plus rares et conduisent à des tableaux
variés : maladie sérique, encéphalite, syndrome de Guillain-Barré, maladie de
système.
n Les réactions toxiques, indépendantes d’un phénomène allergique, peuvent
être locales ou généralisées. Leur gravité dépend de la localisation de la piqûre
et du nombre de piqûres (donc de la dose de venin injecté). L’envenimation
massive peut entraîner le décès dans un tableau de perte de connaissance,
convulsions, coma avec dyspnée, troubles digestifs et finalement collapsus
cardiovasculaire.

Conduite à tenir
Seul le cas d’une piqûre simple (ou en faible nombre) pourra être traité par le
pharmacien, à condition que la réaction soit strictement locale (absence de
signes généraux) et que la localisation ne présente aucun risque potentiel de
gravité (ex. : sphère ORL). Dans toutes les autres circonstances, la consultation
médicale d’urgence s’impose. Les accidents graves surviennent en général
dans les 5 premières heures qui suivent la piqûre ; dans les deux tiers des cas,
ils surviennent dès la première heure.

Dans le cas d’une réaction locale simple


Si l’aiguillon est enchâssé dans le derme, il faut retirer le dard en évitant
d’écraser la poche à venin : pour éviter ce risque, il est judicieux de détruire le
venin par la chaleur en approchant à quelques millimètres de la plaie un bout
de cigarette allumée (ou un allume-cigare de voiture) pendant plusieurs minu-
tes. Ce petit moyen est par ailleurs très efficace sur la douleur et la réaction
anti-inflammatoire. Il faut agir rapidement car la glande à venin déverse habi-
tuellement son venin dans les 5 à 10 minutes suivant la piqûre. Dans le cas où
le procédé d’incandescence n’est pas possible, mais si la zone lésée peut être
immergée, la plonger dans l’eau très chaude (à la limite de la tolérance : envi-
ron 45 °C) pendant plusieurs minutes. Il est aussi permis d’utiliser un Aspivenin
(cf. infra).

Désinfecter la plaie (Bétadine*, Cetavlon*, Dermaspray*, etc.).


l

Un anesthésique de surface peut être appliqué : Mousticologne*, Quotane*, etc.


l
432 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

l Vérifier la vaccination antitétanique.


l Surveillance à domicile et recommandations : toute apparition de signe général
et/ou toute réaction extensive (œdème durable et prenant des proportions supé-
rieures à 10 cm de diamètre) doit faire penser à un processus allergique.
Remarque : à l’officine, dans le cas d’une piqûre bucco-pharyngée, dans l’at-
tente du médecin ou du transfert, le pharmacien peut faire pratiquer un garga-
risme avec de l’eau hypersodée additionnée de 0,5 mg (2 ampoules)
d’adrénaline. En cas de bronchospasme, utiliser par exemple Bricanyl ou
Ventoline.
Il est important de donner des consignes de prudence aux sujets allergiques afin
de diminuer la fréquence des piqûres : les hyménoptères piquent préféren-
tiellement les personnes qui s’agitent beaucoup, qui portent des vêtements de
couleurs vives, qui sont parfumées ou en sueur. Il est déconseillé aux sujets
allergiques de pique-niquer en campagne l’été, de marcher pieds nus et de
stationner près des ruches.
Conseiller au sujet allergique voyageur de consulter son médecin pour qu’il lui
prescrive une trousse d’urgence (adrénaline, corticoïdes et instructions
d’administration).
La prophylaxie consiste à utiliser des insectifuges : par voie orale, la vitamine
B1 à la dose quotidienne de 250 mg, est éliminée par la peau à une concentra-
tion telle qu’elle peut éloigner certains insectes. Au niveau local, divers produits
insectifuges peuvent être employés, en sprays (Akipic*, etc.) ou en crème
(Akipic*, Moustidose*, etc.) ; ils assurent une protection sur 5 à 8 heures après
leur application ; l’effet demeure cependant aléatoire.

Les petits animaux terrestres


Les tiques
La tique s’accroche à la peau pour s’y gorger de sang. Sa piqûre est indolore et
sa découverte est souvent due au hasard. Les tiques sont des vecteurs de nom-
breuses maladies (maladie de Lyme, encéphalite, etc.) ; elles abondent dans les
bois, les bordures de chemin, les grandes herbes…

Conduite à tenir
Le traitement consiste à ôter la tique sans l’arracher car la tête est enchâssée
dans le derme : saisir la tique au plus près de la peau à l’aide d’un tire-tiques
ou à défaut avec une fine pince à épiler non-coupante, en prenant soin de ne
pas laisser la tête de la tique enchâssée dans la peau. Désinfecter soigneuse-
ment la plaie (cf. supra).
Il faut informer le patient qui doit surveiller le(s) point(s) de piqûre à la recher-
che d’un érythème qui commence par une macule ou une papule rouge et
qui s’étend avec un blanchiment central pour atteindre une surface importante
(50 cm de diamètre) : 75 % au moins des patients atteints de la maladie
de Lyme présentent cette manifestation précoce. Celle-ci se manifeste
57. Les premiers soins 433

habituellement 3 à 32 jours après la piqûre. Apparaissent ensuite les autres


manifestations cliniques de la maladie de Lyme : troubles neurologiques, attein-
tes myocardiques et manifestations articulaires.
Un traitement préventif antibiotique per os est instauré dans le cas de piqûres
multiples survenant chez la femme enceinte (risque de contamination fœtale),
le jeune enfant (fréquence des formes sévères), ou dans le cas où la (les)
tique(s) demeure(nt) fixée(s) plus de 24 heures.

Les araignées
La douleur peut être intense avec formation d’un érythème ou d’une ecchy-
mose. De la glace (vessie de glace) ou une pommade (Parfénac*) peut être
appliquée sur la plaie après désinfection. Des antalgiques per os parfois même
un anxiolytique peuvent être administrés.

Les aoûtats, taons, moustiques, mille pattes


Idem supra ; une pommade antihistaminique et antiprurigineuse peut être appli-
quée : Parfénac* ; la prise d’un antihistaminique per os peut être nécessaire.

Les chenilles et les papillons


Laver à l’eau ou au sérum physiologique dans le cas d’une atteinte oculaire :
dans ce cas il faut consulter l’ophtalmologiste (donner un collyre antiseptique
comme Biocidan*). S’il existe une irritation locale, utiliser Parfénac*. Un antihista-
minique local (pommade), voire per os peut être nécessaire.

Les petits parasites


Malgré l’amélioration des conditions d’hygiène, les poux sont les parasites qui
envahissent le plus souvent et le plus régulièrement les écoles en particulier
(cf. chapitre 27).

Les animaux marins


Les méduses et anémones de mer
Laver la zone atteinte avec de l’eau de mer ; enlever les tentacules à la pince ;
appliquer de l’alcool à 90 °C (ou de l’eau de Cologne ou du vinaigre) ; puis sau-
poudrer avec du sable ou du talc et laver à l’eau de mer. Le médecin prescrira
une pommade anti-inflammatoire (corticoïdes) et/ou antihistaminique ainsi que
des antalgiques.

Les oursins
Ôter les piquants (pince, cire), désinfecter. Si la plaie paraît infectée, consulter le
médecin.
434 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

Les vipères
En France, le seul serpent venimeux est la vipère (vipera berus, vipera aspis et
plus rarement vipera zinnereki). Tout à fait exceptionnellement, la couleuvre de
Montpellier peut provoquer un envenimement. Ces populations de vipères sont
largement répandues sur l’ensemble du territoire mais surtout dans la région du
Massif Central et du Poitou-Charente. Dans les Alpes, la vipère aspis peut être
retrouvée jusqu’à 2 500 m d’altitude ; la vipère d’orsini n’existe que dans le Sud-
Est de la France. Le pronostic des morsures de vipère est, dans la majorité des
cas, excellent. Les formes graves sont rares, elles sont décrites chez l’enfant ou
après morsure de la tête ou du cou chez l’adulte (formes suffocantes par œdème
laryngé).
Les morsures de vipères surviennent surtout au cours des promenades, en terrain
rocailleux sec, de préférence dans la matinée ou en fin de journée (les vipères,
contrairement aux couleuvres, sont dissimulées en pleine chaleur). Les vipères
vivent souvent dans des zones peu éloignées d’un point d’eau (zones maréca-
geuses, puits, etc.). La morsure survient toujours par inadvertance (cueillette de
fleurs, engagement d’une main ou d’un pied à l’aveugle, dans une anfractuosité,
etc.) : 95 % des morsures siègent aux extrémités distales des membres supérieurs
ou inférieurs.
La symptomatologie permet de décrire une sensation de piqûre (attention au
petit enfant qui ne peut expliquer cela). Il faut chercher systématiquement les
traces de morsure : 2 traces punctiformes (plus si les morsures sont multiples)
équidistantes de 5 à 10 mm qui ne se voient parfois que lorsque l’œdème appa-
raît. Ces effractions cutanées sont cernées d’une ecchymose.
La morsure peut ne pas être douloureuse, la douleur peut même être inexis-
tante. L’œdème se développe en 10 à 15 minutes ; il est ferme, élastique, ne pre-
nant pas le godet et se développe en amont et en aval de la morsure. Il atteint
son maximum vers la 48e heure. L’œdème peut entraîner une augmentation de
poids supérieure à 10 kg s’il déborde au niveau du thorax ou de l’abdomen.
C’est l’œdème qui guide la thérapeutique : de nombreuses morsures peuvent
s’accompagner seulement d’une simple effraction cutanée, sans œdème et
nécessitant alors qu’une conduite simple. L’œdème régresse après 72 heures,
lentement sur 2 à 3 semaines. Les douleurs sont constamment associées à
l’œdème et sont vives. Les signes accompagnateurs sont représentés par une
sensation de malaise général avec sueurs, hypotension artérielle (constante),
lipothymie, parfois fébricule (38 °C), nausées voire vomissement. La tendance
au collapsus cardiovasculaire est un signe de gravité de l’envenimement : il peut
exister même si l’œdème est modeste.
Les facteurs procoagulants contenus dans le venin peuvent conduire au syn-
drome de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), habituellement discret.
Les signes neurotoxiques sont généralement limités au visage (ptosis, trouble de
la motricité extrinsèque de l’œil). Exceptionnellement existent des troubles de la
déglutition. Pour certaines espèces de vipères, il est possible de noter des four-
millements, un engourdissement du pourtour de la bouche ou des doigts et des
orteils, ou encore un goût métallique (ou de caoutchouc) dans la bouche.
Parfois aussi une lymphangite.
57. Les premiers soins 435

Traitement
Le traitement impose des mesures simples dans tous les cas :
l immobilisation du sujet et du membre mordu par une bande Velpeau* : membre

supérieur contre le thorax, membres inférieurs l’un contre l’autre (bandages


compressifs : les pouls périphériques doivent être perçus) ;
l rassurer le sujet et rechercher les signes de gravité ;

l nettoyer et désinfecter soigneusement la plaie (ex. : Bétadine*) ;

l vérifier la vaccination antitétanique ;

l en attendant les services médicalisés, donner des boissons et des couvertures si

nécessaire, éviter tout effort au blessé ; prescrire un antalgique : paracétamol


(éviter l’aspirine qui fausserait l’hémostase et donc la conduite thérapeutique
dans le cas d’une CIVD).
Certains gestes doivent être proscrits car ils sont dangereux, inutiles et souvent
une source de complications supplémentaires.
l L’incision et la succion au niveau de la morsure (risque d’infection). L’aspiration

instrumentale (Aspivenin) n’a pas vu son efficacité validée dans les morsures de ser-
pent ; en revanche, elle paraît plus utile lors des piqûres d’hyménoptères.
l Un garrot artériel.

l La cautérisation de la plaie.

l L’injection de sérum à proximité de la morsure (inefficace et souvent très

douloureuse).
l L’application directe de glace sur la plaie ou la projection répétée d’un aérosol

réfrigérant.
Si l’œdème ne s’est pas développé, le patient sera mis simplement en obser-
vation avec un antalgique et une benzodiazépine que le médecin prescrira si
nécessaire.
La sérothérapie est seulement pratiquée en cas d’envenimement réel. Elle ne
doit pas être faite au cours de la première heure car son indication doit être
précisée. Même réalisée tardivement, elle conserve une efficacité réelle. Elle est
bien tolérée chez l’enfant : elle est indiquée en cas d’œdème important (au
moins une paume de main), même en l’absence de signes d’accompagne-
ments ; elle est évidemment indiquée en présence de signes généraux, même
s’ils sont mineurs. La mise en route d’une sérothérapie s’impose chez l’adulte
devant des signes généraux majeurs (ex. : tendance au collapsus cardiovascu-
laire) ; la présence de signes neurotoxiques est une indication formelle.
Les mesures prophylactiques sont simples : Il faut porter des chaussures cou-
vrant bien le pied (ex. : baskets), battre les fourrés (bâton) car les serpents sont
plus craintifs qu’agressifs, et éviter de mettre la main dans des infractuosités. La
sérothérapie est un geste médical ; il est donc inutile que le promeneur se
munisse dans ses déplacements de sérum antivenimeux, lequel, de toute façon
doit se conserver au froid (réfrigérateur). En revanche, il peut avoir à sa disposi-
tion des bandages, des antiseptiques, des antalgiques (paracétamol) et éven-
tuellement demander à son médecin la prescription d’une benzodiazépine.
Attention à ne pas confondre avec l’entorse, notamment chez l’enfant, d’autant
que certaines morsures au niveau de la cheville peuvent engendrer la forma-
tion rapide d’un œdème.
436 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

Les morsures de chien


Les plaies par morsures de chien sont hautement septiques. Deux pathologies
principales doivent être redoutées : la pasteurellose d’inoculation et la rage. La
morsure de chien est la première cause de pasteurellose d’inoculation. L’enfant
de 0 à 10 ans est le plus touché ; il s’agit le plus souvent d’enfants mordus à la
face par leur propre animal de compagnie. Le chien est porteur sain, mais
héberge ce type de bactéries dans sa salive.
Le diagnostic de la pasteurellose est facile, fondé sur deux signes : l’œdème
intense, toujours précoce (première heure) et les douleurs très intenses, suivant
un trajet tronculaire : elles remontent plus ou moins haut le long du bras (zone
la plus souvent mordue), à partir du point de morsure. Un état fébrile ou sub-
fébrile peut apparaître dans les heures qui suivent.

Traitement
Le traitement des morsures de chien comporte essentiellement des mesures
prophylactiques :
l désinfecter localement soigneusement les plaies, avec savonnages et rinçages

abondants ;
l antisepsie avec Bétadine* ou Hibidil* ;

l vérifier l’état de la vaccination antitétanique ;

l instaurer une antibiothérapie (tétracyclines) si une inflammation aiguë, doulou-

reuse, apparaît dans les heures qui suivent la morsure ;


l s’assurer que l’animal a été vacciné contre la rage : même dans ce cas, le pro-

priétaire du chien en cause peut être mis dans l’obligation de soumettre son ani-
mal à une surveillance ;
l si le chien et/ou son propriétaire n’ont pas été identifiés, une consultation dans

un centre antirabique s’impose ;


l en cas de contamination d’une personne préalablement vaccinée, la sérothérapie

n’est pas indiquée ; seules 2 injections de vaccin effectuées à 3 jours d’intervalle


sont nécessaires si la vaccination date de moins de 5 ans ;
l le protocole de vaccination rabique avant exposition est le suivant : une injection

intramusculaire dans le muscle deltoïde à J0, J7, J21 ou J28 ; un rappel un an


plus tard puis tous les 5 ans. La surveillance sérologique n’est actuellement indi-
quée que chez les sujets qui travaillent en laboratoire sur le virus de la rage ou
sur les virus apparentés. Une vaccination antirabique sera débutée, quand elle
est indiquée, dans les 48 heures après l’inoculation potentielle.

La fièvre chez l’enfant


La fièvre est le symptôme le plus habituel de l’enfant malade. L’homéothermie
résulte d’un équilibre entre la thermogenèse (qui provient à la fois des réactions
métaboliques intenses au niveau de la graisse brune et des muscles et aussi de
l’activité musculaire) et la thermolyse qui s’effectue au niveau du revêtement
cutané et des voies respiratoires. Cet équilibre est sous la dépendance d’un
centre thermorégulateur hypothalamique. Au cours de la fièvre, le point
d’équilibre thermique est déplacé vers le haut ce qui, par effet réactionnel,
57. Les premiers soins 437

provoque l’apparition d’une vasoconstriction diminuant la thermolyse et l’appa-


rition de frissons diminuant la thermogenèse.
La fièvre se distingue en cela de l’hyperthermie, où l’augmentation de la tem-
pérature est due à une accumulation de chaleur d’origine exogène (coup de
chaleur) ou endogène (effort physique intense par exemple). La fièvre est un des
moyens de réponse de l’organisme aux infections. Elle est également présente
dans les maladies inflammatoires.

Sémiologie de la fièvre
Pour mieux appréhender la gravité et le degré d’urgence de la prise en charge
médicale d’une fièvre, il est nécessaire que le pharmacien se souvienne de quel-
ques notions fondamentales de la sémiologie de la fièvre.

La température
Au repos, la température normale est comprise entre 36,7° et 37 °C le matin et
le soir entre 37° et 37,3 °C. Après l’effort, la température s’élève de plusieurs
dixièmes ; la mesure sera donc effectuée une demi-heure après le repos. Chez la
femme, la température varie au cours du cycle menstruel : Elle s’élève de 2 à
3 dixièmes 14 jours avant les règles et revient à son chiffre antérieur le jour des
règles. Chez certains sujets, la température peut avoir une valeur différente de la
valeur normale habituelle, en dehors de tout contexte pathologique.

La fièvre proprement dite


L’ascension thermique peut être brutale (en quelques heures) et immédiatement
élevée ou au contraire lente (plusieurs jours) et progressive (ex. : un degré par jour).
L’ascension thermique est accompagnée de frissons dont l’intensité est proportion-
nelle à la rapidité de la montée de température (les frissons sont constants dans
toutes les formes de septicémies). Certains signes sont toujours présents (à des
degrés variables), quel que soit le type de la fièvre : un malaise général, une accél-
ération du rythme respiratoire et du rythme cardiaque, une augmentation de la
température cutanée… Les fièvres sont habituellement classées en fonction de l’as-
pect de la courbe thermique. Les courbes thermiques peuvent être caractéristiques
de certaines pathologies : une ascension thermique progressive est évocatrice d’une
typhoïde. Une ascension thermique brusque peut évoquer une angine, une grippe,
une méningite, Une fièvre ondulante fait rechercher une brucellose ou une maladie
de Hodgkin. Une fièvre prolongée peut être l’expression de nombreuses patholo-
gies : maladies infectieuses aiguës, maladies parasitaires, tuberculose, hémopathies,
cancers. Ne pas oublier le cas particulier de l’accès fébrile du paludisme pernicieux
survenant chez un sujet (enfant ou adulte) ayant voyagé en Afrique intertropicale
depuis moins de 2 mois. Enfin, il existe des fièvres d’origine iatrogène (cf. infra)
dont le mécanisme peut être immuno-allergique ou directement lié à la thermoré-
gulation ou encore inconnu.

Les causes de la fièvre chez l’enfant


Certaines causes sont « évidentes » : la poussée dentaire peut être responsable
d’un fébricule ne dépassant guère 24 heures Certaines vaccinations peuvent
provoquer des fièvres élevées. D’autres causes sont « moins parlantes » : les
438 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

causes digestives, nerveuses, respiratoires, ORL… ont souvent des signes d’ex-
pression bâtards surtout dans la phase d’installation de la maladie.

Les fièvres d’origine iatrogène


La fièvre représente 3 à 5 % des effets indésirables liés à l’administration des
médicaments. Elle apparaît plus fréquemment chez la personne âgée polymédi-
camentée ou atopique (d’où la difficulté du diagnostic). La fièvre survient habi-
tuellement 7 à 30 jours après le début du traitement, mais elle peut survenir plus
rapidement si le patient a déjà été en contact avec la substance. Il s’agit fré-
quemment d’une fièvre en plateau avec une température oscillant autour de
40 °C, voire plus ; elle est parfois rythmée par la prise du médicament (ex. :
amphotéricine B). Seule, l’interruption du traitement peut supprimer la fièvre.
Les mécanismes des fièvres médicamenteuses sont variables, mais il s’agit le plus
souvent d’un phénomène immuno-allergique : la fièvre est alors associée à d’autres
signes évocateurs comme une éruption urticarienne, des arthralgies, plus rare-
ment une éosinophilie (l’immunité humorale est très souvent impliquée). Parmi
les médicaments responsables, il faut citer le procaïnamide, la quinine, l’allopuri-
nol, l’azathioprine, les céphalosporines, l’hydralazine, l’isoniazide, la nitrofuran-
toïne, la rifampicine, la streptomycine et les -lactamines. La fièvre liée à un
déficit enzymatique est moins fréquente : la cause essentielle est un déficit en glu-
cose-6 phosphate déshydrogénase ; les médicaments les plus incriminés sont les
agents oxydants comme les sulfamides, l’isoniazide, la quinine, l’hyperthermie
maligne peranesthésique est rare : elle survient à la prise d’un médicament lors
d’une induction anesthésique : il s’agit d’une maladie familiale autosomique
dominante. Une action directe iatrogénique sur les mécanismes de thermorégulation
est possible avec des médicaments comme les IMAO, les antidépresseurs, les
catécholamines ou les hormones thyroïdiennes. D’autres causes plus exception-
nelles peuvent être rencontrées, telle la fièvre liée à la lyse bactérienne sous l’ef-
fet d’un antibiotique et à la libération de toxines ; un mécanisme semblable peut
être observé avec les anticancéreux lors de la lyse des cellules tumorales. Il faut
encore préciser qu’une fièvre peut être secondaire au mode d’administration : la
veinotoxicité de certains produits injectés est une cause d’hyperthermie à
laquelle il faut penser. Enfin, il existe des fièvres médicamenteuses pour lesquelles le
mécanisme d’action est encore inconnu : c’est le cas des fièvres induites par les
barbituriques, la phénytoïne ou la vancomycine.

Le conseil à l’officine
Le conseil avant la consultation médicale
Quel que soit le degré de fièvre annoncé par la mère de l’enfant, le pharmacien
devra toujours faire préciser son ancienneté, son évolution depuis l’apparition,
ainsi que les signes associés (douleur, vomissements, etc.). Il fera également pré-
ciser s’il existe une prise de médicaments avant la fièvre ou à cause de la fièvre.
Quelle que soit l’expression d’une fièvre installée (et non élucidée) chez un
enfant, le pharmacien doit systématiquement inciter à la consultation médicale
immédiate. Les renseignements qu’il recueille à l’interrogatoire sont destinés à éva­­-
luer le degré présent de gravité du symptôme et le degré d’urgence de la situation.
57. Les premiers soins 439

Les convulsions fébriles surviennent plutôt chez 2 à 5 % des enfants de


6 mois à 5 ans, sans antécédents neurologiques, avec une incidence maximale
entre 18 et 24 mois. Parmi les risques, il faut habituellement redouter la surve-
nue d’un état de mal fébrile ou d’une épilepsie ultérieure. Dans 90 % des cas,
la fièvre est d’origine virale.
Il faut se souvenir que la fièvre n’est qu’un symptôme et n’entraîne que très
rarement des complications.

Les conseils généraux


Conseils simples
Certains conseils simples peuvent être donnés de façon systématique par le
pharmacien, lorsqu’une mère s’inquiète devant la possibilité de survenue d’une
fièvre chez son enfant, surtout s’il s’agit d’un nourrisson. Ces conseils peuvent
également être prodigués lors de la délivrance des médicaments après consul-
tation médicale. Dans la plupart des cas, le prescripteur aura consigné ses
recommandations par écrit, mais, même dans ce cas, il n’est pas inutile que le
pharmacien reprécise les règles générales de surveillance.
Parmi les conseils simples à donner aux parents d’un nourrisson fébrile, le
premier concerne le chiffrage correct de la température :
l température rectale comprise entre 36,5 °C et 37,5 °C  absence de fièvre ;

l température rectale comprise entre 37,5 °C et 38,9 °C  fièvre modérée ;

l température rectale supérieure à 38,9 °C  fièvre élevée.

La fièvre est définie par une élévation de la température centrale au-dessus


de 38 °C, (recommandations de l’Afssaps, janvier 2005) en l’absence d’activité
physique intense, chez un enfant normalement couvert, dans une température
ambiante tempérée ; ce n’est qu’à partir de 38,5 °C qu’il est éventuellement utile
d’entreprendre un traitement.
La température peut être mesurée au niveau de plusieurs sites : la mesure de la
température buccale (sublinguale) est effectuée avec un thermomètre placé sous
la langue, au fond de la bouche. La température est lue après une minute avec
un thermomètre électronique. Ce procédé présente certains inconvénients car
la mesure doit être effectuée à distance de toute variation provoquée de la
température de la cavité buccale (ex. : ingestion de boissons ou d’aliments
chauds ou froids) ; un risque infectieux n’est pas exclu. La température buccale
doit être augmentée de 4 dixièmes pour définir la température centrale. La
mesure de la température axillaire est effectuée en plaçant le thermomètre au
creux de l’aisselle. Ce procédé de mesure est relativement court avec le ther-
momètre électronique (2 à 3 minutes). Ce type de mesure a l’avantage d’éviter
un risque traumatique ou infectieux. La température axillaire doit être augmen-
tée de 6 à 7 dixièmes (voire 1 °C et plus !) Pour définir la température centrale.
La mesure de la température auriculaire semble avoir beaucoup d’avantages en
médecine générale : la mesure tympanique est un bon reflet de la température
centrale ; la mesure par infrarouge est fiable, non dangereuse et hygiénique
grâce à ses protections à usage unique et rapide (en une seconde). Cependant
quelques remarques doivent être prises en compte : la lentille du thermomètre
doit être dirigée vers le tympan (et non vers le conduit auditif), une traction du
pavillon vers l’arrière est nécessaire ; le positionnement de l’embout doit être
maintenu immobile pendant une seconde ; enfin, la température auriculaire
n’a pas tout à fait les valeurs habituelles et varie avec l’âge (0-2 ans  36,4-
38 °C ; 3-10 ans  36,1-37,8 °C ; 11-65 ans  35,9-37,6 °C ; plus de 65 ans
440 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

 35,8-37,5 °C). La mesure de la température frontale est rapide et simple


(bandeaux à cristaux liquides) mais elle est tributaire de nombreux paramètres
qui peuvent être très fluctuants : température ambiante, transpiration cutanée,
La température frontale doit être augmentée de 2 dixièmes pour définir la tem-
pérature centrale. La mesure de la température rectale est rapide (2 minutes)
mais varie avec la position du thermomètre ; il existe un risque infectieux et
aussi un risque d’ulcérations rectales. La température rectale doit être diminuée
de 3 à 4 dixièmes pour définir la température centrale. Le pharmacien devra
rappeler à la mère de l’enfant que la mesure correcte de la température exige
qu’elle soit effectuée avec le même thermomètre, au même site et à des moments
déterminés (noter l’heure et les circonstances, ex. : le soir après le repas…) ;
après chaque usage, le thermomètre doit être désinfecté (alcool à 90°).
Rappelons qu’un arrêté du 24 décembre 1998 (JO du 31 décembre 1998)
précise qu’à compter du 1er mars 1999, il est interdit, en France, de mettre sur
le marché des thermomètres médicaux à mercure destinés à mesurer la tempé-
rature interne chez l’homme ; cette mesure faisait suite à la prise en compte
des risques toxiques, infectieux, traumatiques et mécanismes susceptibles
d’être générés par ce type de thermomètre.
Si la fièvre est modérée, il faut découvrir l’enfant et réduire la température
de la pièce si elle est trop chaude. La température de l’enfant sera reprise 3 ou
4 heures plus tard.

Objectifs et méthodes physiques de traitement


Les objectifs du traitement ne portent pas sur la recherche systématique de
l’apyrexie, et ne doivent pas conduire à des traitements médicamenteux systé-
matiques. En revanche, la fièvre s’accompagne fréquemment d’un inconfort
plus ou moins important (réduction de l’activité, de la vigilance, de l’appétit ;
présence de céphalées, etc.) qu’il faut prendre en compte et soulager tout en
recherchant la cause de la fièvre.
Il est nécessaire de privilégier les méthodes physiques de traitement, car elles
reproduisent les échanges que l’organisme met naturellement en jeu avec le
milieu extérieur pour assurer sa régulation thermique :
l par radiation (déshabillage) ;

l par conduction (prise de boissons fraîches, bain frais, poches de glace) ;

l par évaporation (brumisation, mouillage) ;

l par convection (utilisation d’un ventilateur, qui potentialise par exemple l’effet

du mouillage ou du déshabillage).
Ainsi, 3 mesures simples, en association au traitement médicamenteux
devront être privilégiées :
l proposer à boire fréquemment, en préférant une boisson bien acceptée par l’en-

fant à une boisson très fraîche, qui n’entraînera au mieux qu’une baisse limitée
de la température ;
l ne pas trop couvrir l’enfant ; si la fièvre est élevée (supérieure à 38,9 °C), il faut

déshabiller l’enfant en lui laissant seulement un maillot de coton, veiller à ce que


la température de la pièce soit seulement modérée ;
l aérer la pièce.

L’utilité des autres mesures, en particulier le bain frais, est remise en cause
au regard de leurs inconvénients.
Il est des gestes à proscrire comme l’utilisation des vessies de glace et les
enveloppements frais qui produisent une vasoconstriction cutanée, entraînant
57. Les premiers soins 441

une diminution de la thermolyse ; celle-ci se produit essentiellement au niveau


de l’abdomen ; le coucher à plat ventre doit être évité.

Les conseils à la remise des médicaments


Médicaments de première intention
Les médicaments agissent principalement sur les mécanismes de régulation
centrale de la température corporelle ; 4 médicaments peuvent être utilisés en
première intention :
l le paracétamol, l’ibuprofène et le kétoprofène sont les seuls AINS ayant une

autorisation de mise sur le marché pour le traitement de la fièvre chez l’enfant ;


il faut cependant noter que 3 autres AINS peuvent être utilisés en pédiatrie
(l’acide méfénamique, l’acide niflumique et l’acide tiaprofénique), mais pas pour
leurs propriétés antipyrétiques ;
l l’aspirine (acide acétylsalicylique) se distingue des autres AINS, car elle peut

conduire au syndrome de Reye, maladie rare mais grave, associant des troubles
neurologiques et une atteinte hépatique, fait observé chez des enfants atteints
de maladie virale, comme la varicelle ou un épisode d’allure grippal.
Hormis le kétoprofène (liste II), la plupart des spécialités, utilisées pour le
traitement de la fièvre chez l’enfant, sont disponibles sans ordonnance.
Il faut rappeler que, plus que la lutte contre la fièvre, c’est l’amélioration du
confort de l’enfant qui est désormais l’objectif principal du traitement ; ainsi, le
paracétamol semble efficace sur l’activité et la vigilance. En pratique, on peut
considérer que le paracétamol, l’ibuprofène et l’aspirine, utilisés aux posologies
recommandées par l’AMM, ont une efficacité identique. En revanche, le profil
d’effets indésirables des 3 molécules diffère sensiblement, ce qui en fait un cri-
tère de choix déterminant ; le pharmacien veillera au respect de ces critères. Il
faudra encore veiller au respect des indications, aux conditions de prescription
et au risque de survenue d’aitropathologie :
l l’ibuprofène est indiqué chez l’enfant de plus de 3 mois et le kétoprofène chez

l’enfant de plus de 6 mois ;


l la prise d’AINS doit être évitée dans un contexte de varicelle, car elle peut,

exceptionnellement, être à l’origine de graves complications infectieuses de la


peau et des tissus ;
l la déshydratation favorise la survenue d’autres effets indésirables, notamment

digestifs.

Observance de la prescription médicale


Le pharmacien doit recommander l’observance rigoureuse de la prescription
médicale. Durant les 24 premières heures, le traitement symptomatique doit
être systématique, même si la fièvre a chuté. Les antipyrétiques sont prescrits
lorsque les moyens physiques sont insuffisants. Passée la première journée, la
poursuite du traitement est obligatoire chez les nourrissons de moins de
18 mois ; elle permet d’éviter les complications comme les convulsions, la dés-
hydratation et le syndrome malin fébrile.
L’aspirine est utilisée toutes les 4 heures ���������������������������������������
(60 à 80 mg/kg/j),�������������������
c’est-à-dire en
6 prises avec des doses de 10 à 13 mg/kg à chaque prise�������������������������
 ;�����������������������
la prise nocturne est
indispensable et peut faire l’objet d’un biberon complémentaire. Une relation
entre le syndrome de Reye (maladie rare et grave associant principalement des
troubles neurologiques et une atteinte hépatique) et la prise d’aspirine a été
442 XIII. L’urgence et les soins à l’officine

établie chez des enfants atteints de virose (en particulier varicelle et épisodes
d’allure grippale).
Le paracétamol est utilisé en 4 à 6 prises quotidiennes, per os ou rectales,
avec une dose totale journalière ne dépassant pas 60 mg/kg. Une vigilance
particulière s’impose, car les doses thérapeutiques sont proches des doses toxi-
ques ; en pratique : il doit être utilisé en première intention (recommandations
de l’Afssaps).
Le kétoprofène et l’ibuprofène ont une activité antihyperthermique compara-
ble à celle du paracétamol ; ils ne doivent pas être associés à l’aspirine.
La bithérapie peut être envisagée quand la tolérance à la fièvre est médiocre
ou quand la tolérance des parents à la fièvre de l’enfant n’est pas bonne. Dans
ces circonstances, une solution intermédiaire est préconisée : si au bout de 2 à
3 heures la fièvre n’a pas chuté, on peut ajouter à la même dose ou à demi-
dose, l’autre famille d’antipyrétiques. Le choix d’une administration alternée
aspirine/paracétamol n’a pas démontré d’intérêt thérapeutique particulier. La
voie intrarectale est réservée aux cas d’intolérance digestive haute ou lors-
qu’une action antihyperthermique prolongée est recherchée. La prescription
de diazépam (Valium) peut être proposée chez l’enfant ayant des convulsions
hyperthermiques (crise supérieure à 15 minutes) et n’étant pas sous traitement
anticonvulsivant. Le plus souvent, les convulsions hyperthermiques sont brèves
et ne nécessitent pas de traitement antiépileptique.
Le pharmacien préviendra les parents des accidents qui pourraient survenir
dans le cas d’une inobservance thérapeutique ou d’une automédication. À la
remise des médicaments, il s’assurera que l’enfant n’a pas déjà reçu de l’aspi-
rine (ou du paracétamol) avant la mise en route de la prescription médicale :
Plusieurs cas de décès ont été rapportés chez des nourrissons ayant reçu pour
une hyperthermie, des doses d’aspirine dépassant souvent le gramme en 24
ou 48 heures, données par la mère (ou prescrites par le médecin ignorant la
dose déjà donnée par la mère). Attention également à la prise de sirops sou-
vent considérés comme « inoffensifs », car certains d’entre eux contiennent du
paracétamol, de même que des décongestionnants comme Actifed, Humex,
Fervex, etc. (en France, plus de 140 spécialités à usage pédiatrique renferment
du paracétamol).
Le pharmacien précisera à nouveau les signes afférents à la fièvre et, sans
alarmer, expliquera la façon dont pourraient s’exprimer des signes de gravité :
anomalies du teint de l’enfant, anomalies des cris, troubles de la conscience,
l’apparition de ces signes doit conduire à l’avis médical immédiat.
La fièvre de certaines maladies (ex. : les maladies virales) ne chute pas immé-
diatement ; les parents de l’enfant doivent être informés de ce fait. En l’ab-
sence de signes de gravité, une fièvre peut être bien supportée par l’enfant.
Traduction anglaise
des questions utiles à
l’interrogatoire d’un patient
Quelques expressions courantes

Comment allez-vous ? How are you ?


Comment vous sentez-vous ? How do you feel ?
Qu’est-ce que vous avez ? What’s the matter with you ?
Qu’est-ce qui ne va pas ? What’s wrong with you ?
Ça va ? Are you all right ?
Vous sentez-vous mieux ? Do you feel better ?
Cela vous fait-il mal ? Does it hurt ?
J’ai bien peur que vous ayez la I’m afraid you’ve got flu
grippe
Voici l’ordonnance Here is the prescription
Prenez ces pilules régulièrement Take these pills regularly
Buvez ce sirop et vous vous sentirez Take that cough mixture and you’ll
mieux feel better
Ceci est un médicament antalgique This is a pain-relieving drug
Ce n’est rien de grave, ne vous It’s nothing serious, don’t worry
inquiétez pas
Vous feriez mieux d’aller voir un
��� You’d better go and see a doctor
docteur�
Prenez-vous d’autres médicaments Are you taking any other medecine
en ce moment ? at the moment ?
Suivez-vous actuellement un Are you being treated for anything
traitement particulier ? in particular at present ?
Ce médicament ne peut être délivré This article can only be given with
que sur ordonnance a doctor’s prescription
Ne pas dépasser la dose prescrite Don’t exceed the prescribed dose
Où avez-vous mal ? Where do you feel the pain ?
Êtes-vous fatigué ? Do you feel a lack of energy ?
Avez-vous déjà eu la même chose ? Have you already experienced the
same symptoms ?
Avez-vous de la température ? Do you have any fever ?
– combien ? – how much ?
– depuis quand ? – since when ?
Souffrez-vous : Do you complain of :
– de diabète ? – diabetes mellitus ?
– d’hypertension artérielle ? – high blood pressure ?
– de rhumatisme ? – rheumatism ?
– d’asthme ? – asthma ?
– d’angine de poitrine ? – angina ?
446 �������
Annexes

Est-ce que vous fumez ? Do you smoke ?


– combien de cigarettes par jour ? – how many cigarettes a day ?
Buvez-vous de l’alcool ? Do you drink alcohol ?
Prenez-vous des médicaments ? Are you on any treatment ?
– antibiotiques – antibiotics
– insuline – insulin
– antidiabétiques oraux – oral antidiabetic drug
– antihypertenseurs – antihypertensive drug
– diurétiques – diuretics
– corticoïdes – steroids
– anticoagulants – anticoagulants
– pilule contraceptive – contraceptive pill
– autres médicaments – other medicine
Avez-vous déjà pris des Have you been under medication
médicaments ? in the past ?
– matin, midi, soir, « X » fois par – morning, midday, night, « X »
jour times a day
– avant, pendant, après le repas – before, during, after the meals
– pendant « X » jours, semaines – for « X » days, weeks
– comprimés – tablets
– piqûres – injections
– suppositoires – suppository
– sachet – pill
– goutte – drop
Êtes-vous allergique à des Are you allergic to any drugs ?
médicaments ?
Avez-vous tendance à saigner Do you have any bleeding
facilement ? tendencies ?
Votre appétit a-t-il diminué ? Has your appetite decreased ?
Avez-vous maigri ? Have you lost weight ?
Digérez-vous mal ? Do you feel uncomfortable after
eating ?
Êtes-vous ballonné ? Do you notice any abdominal
distension ?
Avez-vous des régurgitations dans la Do you regurgitate ?
bouche ?
– est-ce acide ? – is it acid ?
– est-ce que ça remonte ? – does it come up ?
– est-ce que ça s’aggrave quand – does anything, such as stooping,
vous vous penchez en avant ? precipitate it ?
Avez-vous l’impression d’une Do you feel a burning sensation ?
brûlure ?
Avez-vous des nausées ? Do you have nausea ?
Vomissez-vous ? Do you vomit ?
Avez-vous des douleurs Do you suffer from any abdominal
abdominales ? (mal au ventre) pain ? (pain in the stomach)
Avez-vous de la diarrhée ? Have you diarrhoea ?
Traduction anglaise des questions utiles à l’interrogatoire d’un patient 447

Êtes-vous constipé ? Are you constipated ?


Combien de fois allez-vous à la selle ? How often do your bowels move ?
– par semaine ? – per week ?
Avez-vous déjà eu du sang dans vos Did you ever pass any blood in
selles ? your stools ?
Le sang était-il Was the blood
– mélangé aux selles ? – mixed with the faeces ?
– à la surface des selles ? – on the surface ?
– après les selles ? – apparent after passing the stools ?
Souffrez-vous d’hémorroïdes ? Do you suffer from hemorrhoids ?
Depuis combien de temps avez- How long have you had this pain ?
vous cette douleur ?
Quand la douleur a-t-elle When did the pain start ?
commencé ?
– heure de début – at what time ?
– date de début – at what date ?
La douleur a-t-elle commencé Did the pain begin
– de façon progressive – little by little ?
– d’un seul coup ? – suddenly ?
La douleur survient-elle Does the pain start
– immédiatement après le repas ? – straight after the meal ?
– 1 h après ? – an hour after ?
– plus de 2 h après ? – more than two hours after ?
Combien de temps dure-t-elle How long does the pain last when
quand vous l’avez ? you get it ?
La douleur vous oblige-t-elle à Does the pain prevent you from
arrêter vos activités ? carrying out your activities ?
La douleur vous réveille-t-elle la Does the pain wake you up at
nuit ? night ?
Est-ce une douleur continue ? Is it a nagging pain ?
Avez-vous l’impression d’un Is it constricting ? (like a tightness)
serrement ?
Avez-vous l’impression de recevoir Is it a stabbing pain (a sharp pain,
un coup de poignard ? « like a knife ») ?
Avez-vous eu Have you ever had
– de l’angine de poitrine ? – angina ?
– une crise cardiaque ? – a heart attack ?
Qu’est-ce qui déclenche ou aggrave What triggers off the pain or what
la douleur ? makes it worse ?
– l’effort ? – exercice ?
– une émotion ? – stress ?
– le froid ? – cold weather ?
– le vent ? – wind ?
– la digestion ? – digestion ?
– certains mouvements ? – movements ?
Avez-vous en même temps que la When you have the pain
douleur
448 �������
Annexes

– de la fièvre ? – do you have a temperature ?


– des crachats de sang ? – do you spit bloody sputum ?
– des difficultés pour respirer ? – are you short of breath ?
Est-ce que la douleur irradie Does the pain spread
– dans le dos ? – to the back ?
– dans l’épaule ? – to the shoulder ?
– dans les mâchoires ? – to the jaws ?
– dans les bras ? – to the arms ?
– vers le haut ? – upwards ?
– vers le bas ? – lower down ?
Est-ce que cela entraîne une gêne Does it affect respiration ?
respiratoire ?
Cette douleur est-elle calmée par Does anything ease the pain ?
– la position ? – position ?
– des médicaments – medicine
• antalgiques ? • pain killers ?
• antiacides ? • antiacids ?
– des aliments ? – food ?
Toussez-vous ? Do you cough ?
Est-ce une toux Is it a
– sèche ? – dry cough ?
– grasse ? – loose cough ?
Toussez-vous par quintes ? Does the coughing come in bouts ?
– la nuit – during the night
– le jour – during the day
Y a-t-il des facteurs déclenchant la Does anything precipitate the
toux tels que : coughing such as
– poussière ? – dust ?
– pollen ? – pollen ?
– froid ? – cold ?
Y a-t-il des facteurs calmant la Does anything relieve the
toux ? coughing ?
– sirop contre la toux – cough mixture
Êtes-vous essoufflé ? Do you get short of breath ?
– est-ce après un effort ? – does it occur after exertion ?
– en marchant ? – does it occur when you walk ?
– en montant les escaliers ? – climbing upstairs ?
Êtes-vous essoufflé au repos ? Do you feel short of breath at rest ?
Depuis combien de temps ? Since when ?
– mois – months
– jours – days
Avez-vous des mouches ou des Do you see any floating spots or
points brillants devant les yeux ? stars in front of your eyes ?
Avez-vous des bourdonnements Do you have any buzzing in the
d’oreilles ? ears ?
Avez-vous des céphalées ? Do you get any headaches ?
Avez-vous les chevilles enflées ? Do your ankles swell ?
Valeurs biologiques usuelles
humaines

Unités du système international (SI)


et correspondances
Abréviations des milieux dans lesquels les constituants
ont été dosés

Se Sérum
Pl Plasma
Erc Érythrocytes
LCR Liquide céphalorachidien
dU Urines de 24 heures
U Urines
Su Sueur
Sg Sang
SgA Sang artériel
SgV Sang veineux

Abréviations placées entre parenthèses

(H) Homme
(F) Femme
(NN) Nouveau-né
(8 h) Prélèvement réalisé à 8 heures

Symboles des multiples et sous-multiples utilisés dans


la liste des valeurs usuelles

G giga  109
T téra  1012
m milli  103
 micro  106
n nano  109
p pico  1012
f femto  1015
450 Annexes

Valeurs usuelles rencontrées chez l’adulte


(sauf exceptions mentionnées)
Biochimie
Constituants azotés non protéiques

(H) Se ou Pl Créatinine..............................60-115 mol/L 7-13 mg/L


(F) Se ou Pl Créatinine............................. 45-105 mol/L 5-12 mg/L
(H) Se ou Pl Urate.................................... 180-420 mol/L 30-70 mg/L
(F) Se ou Pl Urate.................................... 150-360 mol/L 25-60 mg/L
     Se ou Pl Urée..................................... 2,5-7,5 mmol/L 0,15-0,45 g/L
(H) dU Créatinine.................................... 10-18 mmol 1 100-2 000 mg
(F) dU Créatinine..................................... 9-12 mmol 1 000-1 350 mg
      dU Urate............................................ 2,4-4,8 mmol 400-800 mg
      dU Urée............................................. 300-500 mmol 18-30 g
Clairance rénale de la créatinine
relative à la surface corporelle
de référence (1,73 m2)........................... 1,35-2,30 mL/s 80-140 mL/min

Électrolytes — Éléments minéraux

Pl Sodium...................................... 135-145 mmol/L 135-145 mEq/L


Pl Potassium.................................. 3,5-4,5 mmol/L 3,5-4,5 mEq/L
Pl Chlorure.................................... 95-105 mmol/L 95-105 mEq/L
Pl CO2 total................................... 22-28 mmol/L 22-28 mEq/L
Pl Osmolalité................................. 295-310 mmol/kg 295-310 mOsm/
d’eau kg d’eau
Pl Ammonium............................... 25-40 mol/L 0,45-0,70 mg/L
Se ou Pl Calcium............................ 2,25-2,62 mmol/L 90-105 mg/L
(H) Se ou Pl Fer.............................. 10-30 mol/L 0,55-1,65 mg/L
(F) Se ou Pl Fer............................... 9-29 mol/L 0,50-1,60 mg/L
Se ou Pl Capacité totale de fixation
en fer de la transferrine.................. 50-70 mol/L 2,80-3,90 mg/L
Se ou Pl saturation de la
transferrine.................................... 0,20-0,40 20-40 %
Se ou Pl Magnésium...................... 0,75-1,00 mmol/L 18-24 mg/L
Se ou Pl Phosphate
(inorganique)................................ 0,95-1,25 mmol/L 30-40 mg/L
(exprimé en P)
Erc Magnésium.............................. 2,14-2,65 mmol/L 52-65 mg/L
LCR Chlorure................................. 120-130 mmol/L 120-130 mEq/L
dU Calcium................................... 2,50-6,00 mmol 100-240 mg
dU Phosphate (inorganique).......... 16-32 mmol 500-1 000 mg
(exprimé en P)
Su Chlorure...................................  60 mmol/L 60 mEq/L
Valeurs biologiques usuelles humaines 451

Équilibre acido-basique

SgA pH (à 37 °C)....................................... 7,35-7,45


SgA PCO2.................................................. 35-45 mmHg
SgA PO2.................................................... 80-100 mmHg
SgA Oxyhémoglobine/
Hémoglobine totale (SaO2)........................ 0,94-1,00 94-100 %
SgA Bicarbonate........................................ 22-26 mmol/L
SgA CO2 total............................................ 26-30 mmol/L

Enzymes

Les valeurs usuelles des activités enzymatiques sont très variables selon les tech-
niques et notamment la température de détermination. Les valeurs retenues ici
correspondent aux résultats obtenus avec les méthodes recommandées par la
S.F.B.C. à la température de 30 °C.
Se Alanine aminotransférase (ALAT, TGP) 30 °C SFBC........... 4-40 UI/L
Se Aspartate aminotransférase (ASAT, TGO) 30 °C SFBC....... 4-40 UI/L
Se Créatine kinase (CK) 30 °C SFBC..................................... 30-200 Ul/L
Se Gamma glutamyltransférase (GGT) 30 °C SFBC............... 8-35 UI/L
Se Lactate déshydrogénase (LDH) 30 °C SFBC..................... 100-350 UI/L
Se Phosphatase alcaline (PAL) 30 °C SFBC............................ 30-100 UI/L

Glucose et métabolites dérivés

Pl Glucose......................................... 3,90-5,30 mmol/L 0,70-0,95 g/L


SgV Lactate....................................... 0,5-2,0 mmol/L 45-180 mg/L
LCR Glucose..................................... 2,50-3,50 mmol/L 0,45-0,65 g/L

Hémoglobine et dérivés

(H) Sg Hémoglobine....................................... 130-170 g/L


(F) Sg Hémoglobine........................................ 120-150 g/L
(NN) Sg Hémoglobine.................................... 140-195 g/L
 Sg Hémoglobine A2/
Hémoglobine totale........................................  0,035  3,5 %
 Sg Hémoglobines glyquées/
Hémoglobine totale........................................  0,07  7 %
 Se ou Pl Bilirubine totale.................................  17 mol/L  10 mg/L
 Se ou Pl Bilirubine conjuguée......................... 0 0
 Se ou Pl Bilirubine non conjuguée..................  17 mol/L  10 mg/L
452 Annexes

Hémoglobine et dérivés

Se ou Pl Tétraiodothyronine libre (T4l)....... 10-23 pmol/L 8-18 ng/L


Se ou Pl Hormone thyréotrope (TSH)........ 1,8-36 pmol/L 0,3-6 mU/L
Pl (8 h) Cortisol total................................. 275-555 nmol/L 100-200 g/L
dU Cortisol libre........................................ 80-270 nmol 30-100 g

Lipides et lipoprotéines

Se Cholestérol total...................... 4,10-6,20 mmol/L 1,60-2,40 g/L


Se Cholestérol HDL...................... 0,90-2,00  mmol/L 0,35-0,75 g/L
Se Triglycérides............................ 0,40-1,40  mmol/L 0,35-1,25 g/L
Se Lp (a)......................................  0,20 g/L

Protides

   Se Protéines............................................. 65-80 g/L


   LCR Protéines.......................................... 0,15-0,30 g/L
   Se Haptoglobine...................................... 1-3 g/L
   Se Orosomucoïde
(1 glycoprotéine acide)........................... 0,4-1,3 g/L
   Se Protéine C Réactive.............................  10 mg/L
   Se Transferrine......................................... 2-4 g/L
(H) Se Ferritine.......................................... 20-250 g/L
(F) Se Ferritine........................................... 15-150 g/L
   Se Immunoglobulines A (IgA).................. 0,90-4,50 g/L
   Se Immunoglobulines G (IgG)................. 8-18 g/L
   Se Immunoglobulines M (IgM)................ 0,60-2,50 g/L

Protéinogramme

Se Albumine.......................... 38-48 g/L
Se 1 globulines.................... 1-3 g/L
Se 2 globulines.................... 4-9 g/L
Se Globulines....................... 5-10 g/L
Se globulines....................... 5-15 g/L

Hémostase

Sg Temps de saignement
  Technique d’IVY trois points..................  5 min
  Technique d’IVY incision........................  10 min
PI Temps de céphaline activée (malade/
témoin).................................................... 0,8-1,2
Valeurs biologiques usuelles humaines 453

PI Taux du complexe prothrombinique..... 0,75-1,00 75-100 %


PI Fibrinogène.......................................... 2-4 g/L
Sg Thrombocytes (plaquettes).................. 150-400 G/L

Hématologie
(H)  Sg Vitesse de sédimentation
érythrocytaire (1 h)...................................  5 mm
(F) Sg Vitesse de sédimentation
érythrocytaire (1 h)...................................  7 mm
(H)  Sg Érythrocytes................................... 4,5-5,7 T/L
(F) Sg Érythrocytes.................................... 4,2-5,2 T/L
(H) Sg Hématocrite................................... 0,42-0,54 42-54 %
(F) Sg Hématocrite.................................... 0,37-0,47 37-47 %
(H) Sg Hémoglobine................................. 8,0-10,5 mmol/L 130-170 g/L
(F) Sg Hémoglobine.................................. 7,5-9,3 mmol/L 120-150 g/L
  Sg CCMH................................................ 18-22 mmol/L 32-35 %
  Sg TCMH................................................. 1,65-2 fmol 27-32 pg
  Sg VGM................................................... 80-100 fL
  Sg Réticulocytes....................................... 20-80 G/L
  Sg Leucocytes.......................................... 4,0-10 G/L
(H) Sg Volume des érythrocytes par
kg de masse corporelle............................. 30 mL
(F)  Sg Volume des érythrocytes par
kg de masse corporelle............................. 26 mL

Formule leucocytaire (adulte)

Concentration  Valeur relative


absolue (G/L)
Polynucléaires neutrophiles......................... 2-7,50 0,50-0,75
Polynucléaires éosinophiles......................... 0,04-0,8 0,01-0,05
Polynucléaires basophiles............................  0,10  0,01
Lymphocytes.............................................. 2-4 0,20-0,40
Monocytes.................................................. 0,2-1 0,02-0,1

Population lymphocytaire (adulte)

Concentration   Valeur relative


absolue (G/L)
Sg Lymphocytes T CD4............................. 0,5-1,6 G/L 0,35-0,51
Ces valeurs sont extraites du fascicule de préparation aux épreuves nationales
d’admissibilité au concours d’internat en pharmacie, rédigé par le Conseil scien-
tifique pédagogique de pharmacie et édité par le centre national des concours
d’internat, 45, rue des Saints-Pères, 75270 Paris cedex 06.
Glossaire

ambulatoire :  qui n’exige pas l’hospitalisation.


anamnèse :  renseignements que fournit le malade lui-même ou son  
entourage sur le début de la maladie jusqu’au moment où il se trouve sou-
mis à l’observation du médecin.
anosmie :  diminution ou perte complète de l’odorat.
bradypnée :  respiration lente.
catarrhe ����
 :��  terme ancien pour désigner toutes les inflammations aiguës
ou chroniques des muqueuses avec hypersécrétion des glandes de la région
enflammée.
collapsus����
 :��  un collapsus cardiovasculaire correspond à une chute bru-
tale du débit cardiaque s’accompagnant d’un effondrement tensionnel,
d’accélération et même de disparition du pouls, de refroidissement et d’une
diminution de la conscience.
compliance����
 :��  rapport entre le volume d’un réservoir élastique et la pres-
sion du fluide qu’il contient.
cytaphérèse����
 :��  extraction des cellules (hématies, leucocytes, plaquettes)  
du sang total.
dysarthrie :  difficulté de la parole.
dysphagie����
 :��  difficulté ou impossibilité de la déglutition.
dysphonie :  difficulté de la phonation, quelle que soit son origine.
dyspnée����
 :��  difficulté de la respiration.
hypoacousie����
 :��  diminution de l’acuité auditive.
hypocondre���� :��  région abdominale antéro-latérale située en dehors de
l’épigastre, sous les cartilages costaux.
hypocondriaque���� :��  état dans lequel un sujet est en permanence inquiet
pour sa santé, se croyant atteint d’une maladie affectant les organes situés
dans les hypocondres (foie, estomac).
hippocratisme :  l’hippocratisme digital désigne la déformation particu-
lière des doigts : élargissement et bombement de la dernière phalange des
doigts observés par exemple au cours de la dilatation des bronches.
iatrogène ou iatrogénique :  qui est provoqué par le médecin, par  
extension, qui est engendré par le médicament.
456 Annexes

idiopathique :  maladie existant par elle-même, indépendante de tout état


morbide.
idiosyncrasie����
 :��  susceptibilité personnelle innée, constitutionnelle d’un
sujet, sous l’influence de divers agents qui agissent sur son organisme.
lipothymie :  malaise passager caractérisé par une impression angoissante
d’évanouissement imminent avec pâleurs, sueurs, vue trouble. La lipothymie
ne doit pas être confondue avec la syncope et avec le coma.
macule :  lésion élémentaire de la peau consistant en une tache rouge de
dimensions variables, ne faisant pas de saillie notable à la surface des tégu-
ments et qui disparaît momentanément par la pression du doigt.
nystagmus :  mouvements oscillatoires et quelquefois rotatoires du globe
oculaire. Ces mouvements sont involontaires, saccadés, horizontaux ou
verticaux.
observance :  l’observance thérapeutique est le respect des prescriptions
médicales par le malade. Le terme anglais équivalent est compliance.
papule :  lésion élémentaire de la peau, caractérisée par une élevure solide,
de forme variable, dont les dimensions varient d’un grain de millet à une
lentille ou même plus, de couleur rose, rouge ou plus rarement brune.
parodontite :  inflammation du parodonte, c’est-à-dire des tissus de sou-
tien de la dent : gencive, ligament alvéolaire, cément, os alvéolaire.
pathognomonique����
 :��  qui est spécifique d’une maladie.
pemphigus����
 :��  désigne toutes les dermatoses dont la bulle (vésicule de
grande dimension) constitue l’élément essentiel.
phlyctène����
 :��  soulèvement de l’épiderme, rempli de sérosité transparente.
phonophobie����
 :��  crainte de parler à voix haute.
phosphène����
 :��  sensation lumineuse perçue par l’œil sans qu’elle ait été
provoquée par la lumière.
photophobie����
 :��  crainte de la lumière.
pléthorique :  ce terme est souvent employé comme synonyme d’obésité.
polypnée :  respiration rapide et superficielle.
prévalence����
 :��  nombre de cas ou de malades dans une population donnée,
sans distinction entre les cas nouveaux et les cas anciens.
prodrome����
 :��  signe avant-coureur d’une maladie.
ptosis :  chute de la paupière supérieure.
pyrosis :  sensation de brûlure qui remonte le long de l’œsophage jus-
qu’à la gorge et s’accompagne d’éructations et de renvois de liquide acide
brûlant.
Glossaire 457

rhinorrhée����
 :��  écoulement de liquide par le nez, en dehors de tout phé-
nomène inflammatoire.
scotome����
 :��  lacune fixe dans une partie du champ visuel, située tantôt au
centre, tantôt à la périphérie.
somatique :  qui concerne le corps ou qui lui appartient.
wheezing����
 :��  bruit respiratoire perceptible à n’importe quel temps de la
respiration. Il est de timbre variable : sifflement, bruit de râpe…
Index

A – opiacés, 106
1-bloquants, 72 Antiviraux, 188
Abak, 289 Anusol, 179
Acardust, 125 Aphilan, 218
Acné, 273 Aphtes, 235
Actapulgite, 415 Aphtoral, 237
Acte de substitution, 39 Araignées, 433
– iatrogénique, 315 Arcalion, 301
Acti 5, 301 Arnican, 429
Actifed, 186, 218, 227 Aromasol, 227
Activir, 251 Arthrodont, 243
A-Derma, 179, 278 Ascabiol, 125
Affection de longue durée (ALD), 344 Aspirine, 186
Akipic, 432 – Vit C, 223
Alcool médical Gilbert, 214 Associations fixes, 67, 72
Alginates, 427 – microdosées, 72
Aliments lactés diététiques (ALD), 350 Asthénie, 299
Alka Seltzer, 142 Asthme, 117
All Bran, 173 Athérosclérose, 75
Allaitement artificiel, 350 Autocontrôle de la glycémie, 353
– maternel, 349 – du diabète, 353
Allergie oculaire, 286, 289 Automédication, 6, 39, 53
Alliance thérapeutique, 38 Auto-observation, 329
Aloplastine, 251 Autoprescription, 31
Alzheimer, 265 Autosurveillance, 354
Amygdalite, 230 – du diabète, 353
Analogues des prostaglandines, 156 – glycémique (ASG), 353
Anémones de mer, 433 Avène, 179, 279
Angine(s), 229
– de poitrine, 87 B
Antagonistes de l’angiotensine II, 71 Bains de bouche, 237
Antiacides, 156 Balsofumine, 227
Antiasthénique, 301 Bande Nylex, 424
Antibactériens, 155 Baumes dentaires, 243
Antihistaminiques H2, 155 Bedelix, 415
Antihypertenseurs centraux, 72 Bêta-bloquants, 70
Antinaupathiques, 357, 366 Bétadine, 237, 424, 431, 435, 436
Antirétroviraux, 341 Biberons, 351
Antiseptiques, 426 Biocidan, 289, 290, 433
Antitussifs antihistaminiques, 107 Biogaze, 424
– non opiacés, non antihistaminiques, 108 Bioguigoz, 351, 352
460  Index

Biolane, 179 Coup de chaleur, 361


Blend-a-myl, 242, 243 – de soleil, 361
Blépharites, 288 Coupure, 429
Boldoflorine, 175 Crénothérapie, 175
Bonjour, 295 Crevasses, 350
Bouton de fièvre, 249 Crise de foie, 141
Broncalène, 106, 107, 110, 236 Cuterpès, 251
Broncathiol, 109 Cyclo 3, 179
Bronchiolite, 115
Bronchite aiguë, 111 D
Bronchodilatateurs, 126 Dafalgan codéine, 315
Bronchokod, 109 Daflon, 179
Brûlures, 423 DCI, 55
Buprénorphine, 317, 392, 395 Déboucheurs de canalisation, 420
Débrumyl, 301
C Décalages horaires, 358
Calcibronat, 135 Dénoral, 106
Carbolevure, 367 Dentabaume, 243
Cataracte, 287 Dentinette, 243
Celluson, 173 Dépuratif des Alpes, 175
Cémaflavone, 94, 179, 180 Dérivés du charbon, 427
Cetavlon, 424, 429, 431 – nitrés, 82
Chenilles, 433 Dermacide, 251
Chimioprophylaxie du paludisme, 358 Dermaspray, 431
Chronopharmacologie, 14 Dermocorticoïdes, 275
Cinétose, 357 Détartrants, 419
Coagulation intravasculaire disséminée Détergents multi-usages, 418
(CIVD), 434 Détersion, 427
Codotussyl, 106, 236 Dexir, 106, 110
Colles à base de cyanocrylates, 420 Dextrométorphane, 106
Collunovar, 231, 237 Diabète insulinodépendant, 353
Collyre, 288, 292 – non-insulinodépendant, 353
Conférence de consensus, 376, 387 Diabétique, 367
Conjonctivite(s), 286, 289 – de type I, 368
– infectieuse, 289 – de type II, 367
Conseils au voyageur, 357 Diaphragme, 325
Constipation, 167 Diargal, 351
– iatrogène, 169 Diarrhée(s), 159
Contaclair, 295 – aiguë, 159
Contactologie, 291 – chronique, 160
Contraception, 321 – du voyageur, 161, 359
– masculine, 324, 325 – iatrogène, 161
– post-coïtale, 326 Diététique pédiatrique, 349
– vaginale, 325 Digitaliques, 81
Coqueluche, 207 Dispositif intra-utérin
Coquelusédal, 109 (DIU), 323
Coréga, 242 Diurétiques, 69, 79, 81
Corps étranger oculaire, 290 Don du sang, 405
Coryza, 213, 217 Donormyl, 307
Index  461

Dossier médical, 42 Fièvre, 436


Douleur(s), 309 – iatrogène, 438
– cancéreuse, 314 Filtres, 364
– digestives, 88 Fluidifiants bronchiques, 108
– neurotoniques, 88 Fluimucil, 108
– pleurale, 88 Fluisédal, 107
– thoracique, 87 Fluocaril, 241, 242
Dragées Fuca, 175 Fluogum, 242
Dramamine, 357 Formation pharmaceutique continue, 45
Drill, 231, 248
Droit(s) de substitution, 55 G
– des malades, 39
Gallia, 176
Dulcolax, 175
– lactofidus, 352
Duphalac, 174
Gastrex, 135
Dyspepsie, 133
Gastrite, 137
Dysphonie, 226, 227
Gastro-entérites aiguës, 159
E Gaviscon, 149, 150
Gel de polysilane Upsa, 416
Eau de Javel, 414, 415
Gélusil, 135, 139
Ecchymose, 426, 429
Gengibaume, 243
Échelle de prescription des antalgiques, 311
Gerber, 164
Écorchure, 429
Gingivite(s), 239, 240
Écrans, 363
Gingivyl, 243
Ecstasy, 395
Ginkor, 179
Efferalgan codéine, 315
– gel, 94
Elgydium, 242
Glaucome aigu, 286
Eludril, 248
Glycérine, 176
Embolie pulmonaire, 88
Grippe, 183
Enfant, 366
– aviaire, 183
Engorgements, 350
Guigoz, 164
Entecet, 135
Entéromucilage, 179
Entredose, 316 H
Épigastralgies, 139 Halitose, 242
Épistaxis, 409 Hegor antipoux, 204
Érythème solaire, 423 Hélicidine, 109, 110
Essence Algérienne, 227 Helicobacter pylori, 133, 137, 144, 152, 155
Eucalyptine, 109 Helmintox, 209
Euphon, 227 Hématome, 429
Excoriations, 425 Hémorragies, 409
Exfoliac NC, 279 – sous-conjonctivales, 285, 289
Exomuc, 108 Hémorroïdes, 177
Hépatite(s), 193
F – à virus A, 193
Fagerström, 377, 380 – à virus B, 193
Farine sans gluten, 351 – à virus C, 193
Fatigue, 299 – à virus D, 194
Femme enceinte, 51, 366 – à virus E, 194
Fentanyl, 317 – à virus G, 194
462  Index

Herpès labial récurrent, 249 K


Hexifrice, 243 Karayal, 174
Hexomédine, 251 Kéal, 170
Hextril, 237, 248 Kontrol, 242
Hibidil, 429, 436
Hibitane 5%, 424
L
HPST, 10, 326, 408
Lactéol, 166
Humex, 106, 208, 217
Lait(s)
Hydrochlonazone, 359
– acidifiés, 350
Hydrocolloïdes, 427
– antireflux, 350
Hydrogels, 427
– artificiels, 349
Hydrolysats de protéines, 351
– au bifidus, 352
Hyménoptères, 430
– de régime, 350, 352
Hypertension artérielle, 61
– de soja, 351
Hypoglycémie, 412
– de suite, 351
Hypothermie, 366
– fermentés, 350
– hypo-allergéniques ou
I hypo-antigéniques, 351
Iatrogenèse, 9 – maternel, 349
Iatropathologie, 39 – sans lactose, 351
Idiosyncrasie, 10 Larmes artificielles, 294
IEC, 79, 81 Laroscorbine, 223
Importal, 174 Laryngites, 225
Indigestion, 141 Laxamalt, 175
Infarctus du myocarde, 87 Laxatifs, 174
Infibran, 176 – de lest, 174
Information au malade, 39 – lubrifiants, 175
Inhibiteurs calciques, 71 – osmotiques, 174
– de l’enzyme de conversion, 70 – stimulants, 175
– de la pompe à protons (IPP), 155 Lentilles de contact, 291
– des phosphodiestérases, 79 Lessives, 421
Insectes, 430 Lubrifier le canal anal, 179
Insolation, 363 Lutsine, 279
Insomnie, 303 Lysoplak, 242
Insuffisance cardiaque, 75
– veineuse, 91 M
– ventriculaire droite, 76 Maalox, 139, 149, 150
– – gauche, 76 Mac Isaac (score), 231
Interrogatoire, 37 Magnesie S Pellegrino, 174
Intoxications, 414 Mal des transports, 357
Intrait de marron d’Inde, 94, 179 Maladie(s) de Parkinson, 263
Isotrétinoïne, 277, 280 – des laxatifs, 175
Item antipoux, 204 – hépatiques, 194
– infantiles, 207
J – oculaires, 285
Jacquemaire, 164 Malaise à l’officine, 411
Jamylène, 317 MAPA, 63
Jeune enfant, 50 Maxilase sirop, 110
Index  463

Médicaments génériques, 55 O
– grand public, 32 Observance, 344, 345
– orphelins, 318 – thérapeutique, 3
– vasodilatateurs, 79, 82 Œdème aigu du poumon (OAP), 76
Méduses, 433 Œil rouge, 285
Méfaits du soleil, 360 Olmifon, 301
Méningites, 189 Opiacés, 317
Ménopause, 331 Opinion pharmaceutique, 41
Mercalm, 357, 367 Oreillons, 208
Méthadone, 390, 395 Oxyurose, 208
Méthodes de sevrage, 387
Microlax, 175, 176 P
Migraine, 255 Pabasun, 364
Milumel AR, 350 Palpitations, 85
Mini Mental State Test, 266 Paludisme, 358
Modalités d’aide à l’arrêt du tabac, 378 Panadol, 157
Modilac soja, 351 Pansements, 427
Morphine, 315, 316 Papillons, 433
Morsures d’animaux, 430 Paracétamol, 186
– de chien, 436 Paraminan, 364
Mouches, 430 Parasites, 433
Mousticologne, 431 Parfénac, 430, 433
Moustidose, 432 Paroplak, 242
Moustiques, 359, 430 Pasteurellose d’inoculation, 436
MST, 330 Peau, 360
Mucinum, 175 Pectoral, 148
Mucivital, 174, 179 Pelargon, 351
Mucomyst, 108 Pepcidac, 145, 155
Mustela, 179 Pepsane, 416
Périactine, 218
N Péricardite aiguë, 87
Nausées, 360 Périménopause, 331
Nausicalm, 367 Pharmaceutical Care, 37
Nautamine, 357, 367 Pharmaco-dépendances aux opiacés, 387
Neuroleptique, 264 Pharmacovigilance, 17
Neuropathies optiques, 287 Phase d’initiation, 394
Neutrogéna, 278 – de réduction progressive et d’arrêt du
Nicobion, 364 traitement, 394
Nicomint, 242 – de substitution, 394
Nicotine, 373, 374 Pholcones, 110
Nidal, 150 Phosphalugel, 139
Nobacter mousse, 279 Photodermatoses, 364
Norlevo, 327, 328 Photoprotection, 364
Normacol, 174, 176 Photosensibilisation, 365
Nostril, 217 Physiomer, 218
Nourrisson, 50, 349, 366 Pilule du lendemain, 326
Nujol, 175, 176 – microdosée, 322
Nutrilon, 150 Pilulier, 346
– AR, 350 Piqûres, 430
464  Index

Plaies, 425 S
Plainte(s), 297 Sacolène, 166
– asthénique, 299 – pédiatrique, 166
Plaque bactérienne, 240 Sanogyl, 242
Polaramine, 430 Sargenor, 301
– pectoral, 107 Scarlatine, 208
Poligrip, 242 Schéma « combiné-continu », 334
Pompes à morphine, 316 – « combin������������������������������
é-discontinu », 334
Poux, 203 – séquentiel discontinu, 334
Povanyl, 209 Schoum, 142
Préparation H pom, 179 Sclérothérapie, 93
– H suppo, 179 Secret des informations, 40
Prescription initiale hospitalière (PIH) – professionnel, 44
annuelle, 341 Sédacollyre, 290
Préservatif, 324, 339 Sénokot, 175
– féminin, 325 Septivon, 251
Pression artérielle, 62 Sevrage, 375
Prioderm lotion, 433 – alcoolodépendant, 399
Produits de substitution, 422 Siligaz, 416
– ménagers, 414 Sirop, 106
Prophylaxie du paludisme, 366 Smecta, 415
Prosobee, 351 Soins, 423
Pulmofluide, 236 – pharmaceutiques, 37
Pyorédol, 243 Soleil, 360
Pyrosis, 133 Solo Care, 295
Solutricine Vit C, 223
Q Sorbitol, 174
Spagulax, 174
Quotane, 431
Spasfon, 166
Spermicides, 325
R Sports d’hiver, 363
Rage, 436 Stéradent, 242
Rectopanbiline, 175, 176 Stérilet, 323
Rédaction d’une ordonnance, 55 Stéri-Strip, 429
Reflux gastro-œsophagien, 143 Stimol, 301
Règle des 9, 423 Stomatites, 245
Rennie, 135, 139, 162 Stomédine, 155
Rétinopathies, 287 Stop migraine, 259
RGO, 143 Strepto-test, 230
Rhinathiol, 107, 109 Stress, 303
Rhinites, 213 Stripping, 93
Rhinofébral, 218 Substituts nicotiniques, 379
Rhinopharyngite, 214, 221 Subutex, 392
Rhinorrhée, 216 Sucralfate, 156
Rhume, 221 Suivi de santé, 37
– de cerveau, 213 – pharmaceutique, 37
RMO, 17 Sujet âgé, 53
Rougeole, 207 Syndrome de Cushing, 275
Index  465

– de Reye, 186 Ulcère duodénal, 153


– sec, 287 – gastrique, 154
Synthol, 209, 237, 243 – gastro-duodénal, 151
Unilarm, 294
T Urgence, 409
Tabac, 373
– médicaments, 376 V
Tabagisme, 374 Vaccinations, 358, 366
Tamarine, 175 – antitétaniques, 428
Taons, 430 Valda Rhinite, 217
TDR, 230 Végébom, 179
Techniques d’arrêt du tabac, 378 Veinobiase, 94
Teinture Arnica, 429 Veinamitol, 94
Température, 437 Velpeau, 424, 435
Tension artérielle, 61 Vicks, 109
Tiques, 432 Vipères, 434
Titanoréine, 179 Vitarutine, 289
– pommade, 179 Vitascorbol, 223
Tixair, 108 Vivamyne, 302
Topaal, 150, 162 Vomissements, 360
Toplexil, 107, 209 Voyage du sujet âgé, 370
Toux, 97 – en mer, 357
Toxicomane, 387 – en voiture, 358
Traitement hormonal substitutif (THS), 333
W
Transmission du VIH, 339
White Spirit, 414, 417
Trétinoïne, 277
Trophirès, 109 Z
– suppo, 209 Zona, 197
Tulle Gras Lumière, 410 Zovirax crème, 251 
Turista, 359

U
Ulcar, 170
Ulcérations buccales, 235

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