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CHANTIER Quartiers durables

Avril 2007 Synthèse des travaux du groupe

VERS DES QUARTIERS DURABLES EN FRANCE


Janine BELLANTE,
Urbanistes des Territoires

Introduction
SOMMAIRE
OBJECTIF ET MÉTHODE DU CHANTIER Introduction
ENGAGEMENTS POUR DES QUARTIERS DURABLES

L’
échelle du quartier permet de fédérer
Qu’est ce qu’un quartier durable ?
de nombreux acteurs autour d’un pro-
Des quartiers durables pour qui ?
jet partagé axé sur le développement Des quartiers durables pour quoi ?
durable. Depuis peu les élus s’emparent de
cette démarche pour leur projet phare, mais RÉALISATIONS D’UN QUARTIER DURABLE
les difficultés sont multiples et la France reste Des quartiers comment ?
en retard sur les autres pays européens. L’approche environnementale : les éco quartiers
L’objectif du chantier “Quartiers durables”, L’approche technique : les quartiers HQE
du Conseil Français des Urbanistes (CFDU), est L’approche globale : les quartiers durables
de comprendre quels sont les freins à la réali-
RECOMMANDATIONS AUX ÉLUS
sation de tels quartiers en France et quel peut
Des préalables indispensables
être le rôle des urbanistes pour aider les élus
Outils et moyens d’actions
porteurs.
Des métiers renouvelés
La méthode employée consiste d’une part à
recueillir les contributions d’urbanistes qui Conclusion
chacun de leur côté sont amenés à passer du Annexes
concept au projet et à les encourager à dé-
crire les difficultés rencontrées, et d’autre
part à faire participer les universitaires volon-
taires. Le chantier sur les quartiers durables a
ment Bouvier. Le texte du Centre d’Études Ju-
débuté fin 2005 et après avoir désigné un res-
ridiques de l’Urbanisme (CEJU) est la synthèse
ponsable de mise en réseau, les urbanistes in-
d’un atelier action de 4 mois qui a été initié
téressés ont pu échanger leurs avis et
par la Communauté d’Agglomération du Pays
exprimer leurs attentes pendant plus d’un an
d’Aix (CPA) et le CEJU en 2005. Une quaran-
sur le site CFDU.org, rubrique “chantiers”.
taine d’étudiants de Master Professionnel
Certains textes ont été réalisés dans le cadre “droit et métiers de l’urbanisme et de l’im-
de l’atelier de travail dirigé par l’association mobilier” ont travaillé sur le projet de quar-
Urbanistes des Territoires (UT) pour les « En- tier durable de Pertuis (84) en relation avec la
tretiens Territoriaux de Strasbourg”, ETS, en commune, les responsables de la CPA, sous la
décembre 2005 sur le thème “Des quartiers direction d’enseignants-chercheurs du CEJU,
durables dans une cité harmonieuse” animé dirigé par Françoise Zitouni, directeur de re-
par Bernard Lensel. Une compilation des ex- cherche en politique de l’habitat. Tous ces
périences connues a été réalisée par Jean-Clé- textes sont disponibles sur le site du CFDU.

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Le colloque du 15 décembre 2005, réalisé compromis entre pays pauvres et pays nantis,
grâce au soutien de l’Association française de les premiers aspirant à réduire l’écart qui les
droit de l’urbanisme (AFDRU), du Groupe- sépare des seconds, au moment où ceux-ci
ment de recherche sur les institutions et le mesurent que le moteur de leur richesse gas-
droit de l’aménagement, de l’urbanisme et de pille les ressources naturelles, altère l’envi-
l’habitat (GRIDAUH), l’Association UT et cofi- ronnement et pourrait rapprocher l’humanité
nancé par la CPA, a réuni de nombreux parti- d’un abîme. La solution est donc de régler ce
cipants. Il était l’aboutissement de cette phase moteur de sorte que la richesse soit accessible
de questionnement et de défrichage. Mais il à tous sans risque pour la planète, par un dé-
se voulait avant tout le point de départ d’une veloppement auquel la langue anglaise et la
réflexion plus largement ouverte et plus am- langue française appliquent des qualificatifs
bitieuse à laquelle le CEJU souhaite participer qui sont complémentaires plutôt qu’équiva-
activement durant les années à venir, et ce lents, sustainable pour la première, durable
dans deux directions. pour la seconde. Une comparaison linguis-
- l’une consiste à réévaluer les pratiques des tique sommaire laisse apparaître que l’identi-
acteurs à l’aune du développement durable fication du concept est généralement plus
et à analyser leurs évolutions dans un proche de la désignation anglaise que de la
contexte juridique et territorial donné, désignation française : desarrollo sostenible
(espagnol), desenvolupament sostenible (ca-
- l’autre à appréhender la pénétration du
talan), sviluppo sostenible (italien), desenvol-
droit par le développement durable comme
vimento sustentàvel (portugais), nachhaltigen
un révélateur de nouvelles formes de produc-
Entwicklung (allemand), hàllbar utveckling
tion juridique, qui assignent aux acteurs pu-
(suédois) ; en revanche, duurzame ontwikke-
blics et privés la réalisation d’objectifs
ling (néerlandais) et baeredygtig udvikling
sociétaux prescrits par la loi, voire la Consti-
(danois). (1)
tution, et de nouvelles modalités de gestion
de l’incertitude scientifique, économique et En France, agir durablement, c’est engager
sociale par le droit. Les actes du colloque ont des actions qui répondent aux principes édic-
fait l’objet d’une publication dans la Revue tés lors de la conférence de Rio en 1992 et
Française de Droit Administratif (RFDA), n°4, réaffirmés en 2002 lors de la conférence de
juillet-août 2006. Johannesburg. De nombreuses directives, re-
Les réflexions qui suivent sont le reflet des commandations, traités (Kyoto) ont été signés
questionnements des participants au chantier par les gouvernements et déclinés en texte de
du CFDU et plus largement des acteurs de portée nationale : Stratégie Nationale et Dé-
l’urbanisme et de l’aménagement, au premier veloppement durable 2003 (SNDD), lois Che-
rang desquels les élus locaux, qui se sont en- vènement, Voynet, Solidarité et Renouvel-
gagés ou qui veulent s’engager dans la lement Urbain (SRU), Borloo.
construction ou la réhabilitation de quartiers Cela constitue autant d’outils qui sont à la dis-
en privilégiant le développement durable.. position des collectivités locales pour aména-
ger et développer durablement.

> Certaines collectivités locales et territoriales


ENGAGEMENTS POUR DES
ont ainsi réalisé une déclaration dans laquelle
QUARTIERS DURABLES elles adhèrent aux principes du développe-
ment durable que sont la solidarité, la trans-
Qu’est-ce qu’un quartier durable ?
versalité, la participation, la responsabilité et
Le thème “quartier durable” est perçu la précaution.
comme “un quartier qui met en œuvre le dé- Ces principes serviront de référence pour
veloppement durable”.
l’édification et le choix des actions. La réhabi-
L’invention de la notion de développement litation ou la construction d’un quartier du-
durable résulte d’une convergence ou d’un rable est une de ces actions.

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Plusieurs définitions du quartier durable sont cepter le mélange de catégories sociales, il
apparues dernièrement, la plus aboutie est devra s’adapter aux techniques nouvelles
celle de l’association des Eco Maires : d’économie d’énergie, il devra trier ses dé-
chets, privilégier les transports en commun et
“Le quartier durable est un territoire qui,
les modes de déplacements doux, il devra
pour sa création ou sa réhabilitation intègre
miser sur l’économie locale et participer acti-
dans une démarche volontaire, une concep-
vement à la bonne marche du quartier.
tion et une gestion intégrant les critères en-
vironnementaux, un développement social Pour résumer, afin de devenir le moteur du
urbain équilibré favorisant la valorisation des quartier il devra donc être un habitant
habitants, la mixité sociale et des lieux de vie “éclairé”. Ceci induit une organisation très
collective, des objectifs de développement structurée de tous les modes de participation
économique, de création d’activités et d’em- locale.
plois locaux, les principes de la gouvernance
que sont la transparence, la solidarité, la par- Des quartiers durables pour quoi ?
ticipation et le partenariat”.
Pour renouveler la ville et construire un
À long terme, il n’y aura pas de développe-
nouvel imaginaire commun
ment possible, s’il n’est pas économiquement
efficace, socialement équitable et écologi- La ville et ses quartiers s’écrivent par addition
quement tolérable. La construction ou la ré- et compilation de fragments sans cesse re-
habilitation d’un quartier devra intégrer cette coupés, déplacés, avec des effets de reprise,
réalité. d’interférences, l’anticipation le disputant à
la mémoire. La cohérence va ou non apparaî-
Des quartiers durables pour qui ? tre, se faire ou se défaire dans, avec et par le
temps, au fur et à mesure des évolutions,
Pour des habitants “éclairés” dans un inachèvement permanent qui pose le
problème de fond, à savoir : le quartier dura-
Dans un monde tourné vers la consommation
ble est-il une utopie ? Utopie c’est U (ailleurs)
immédiate, que veut dire pour un habitant
et Topos (lieux) : histoires qui se déroulent
lambda habiter un quartier durable ?
dans d’autres lieux…, ce qui explique qu’elles
D’abord, a-t-on encore besoin de vivre dans peuvent très mal finir, une fois rapportées à
un quartier à l’heure de la communication à la réalité. Alors la maîtrise totale de l’aména-
distance et de l’étalement urbain ? gement est-elle possible, et même soutena-
Le quartier doit-il être durable au sens de ble ? Or, un quartier, c’est quand même
l’application du développement urbain dura- quelque chose qui doit, ne serait-ce que mo-
ble, ou doit-il être adaptable à l’évolution de mentanément, être concrétisé à travers le cri-
nos modes de vie? ble du réel ; Il faudrait donc parler “d’utopie
agissante” (cf. Ernst Bloch).
Dans un monde où les cigales sont devenues
fourmis pour consommer plus et plus rapide- Les systèmes de décision sont donc interpel-
ment, et où le quartier est un bien de lés car ces phénomènes sont encore très dé-
consommation comme un autre, ce concept stabilisants, non seulement pour les
représente un vrai défi pour leurs futurs ha- décideurs, mais également pour les profes-
bitants. sionnels pourtant présumés avertis. Intégrer
la confrontation au réel, c’est aussi mettre
En effet, les quartiers durables ne seront sup- l’accent sur la gestion des mises en relation
portables qu’aux personnes qui en ont com- des acteurs entre eux, la gouvernance des
pris le sens et qui sont prêts à faire les efforts projets, qui va de paire avec la gouvernance
nécessaires pour y vivre en harmonie avec ses de la ville. Elle exige rigueur et professionna-
valeurs. lisme, ainsi que des techniques de pilotage
Ainsi, l’habitant type des premiers quartiers des processus qui doivent être lisibles, acces-
qui seront réalisés ne sera pas “monsieur tout sibles pour tous, mobilisateurs, autour de
le monde”. Il devra être volontaire pour ac- quelques items porteurs et reconnus, en vue

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de capitaliser expériences et connaissances, > RÉALISATIONS D’UN
pour construire un imaginaire commun. (3) QUARTIER DURABLE
Pour définir avec les habitants les nouveaux
Des quartiers durables comment ?
enjeux et adopter des valeurs communes
Face à la réalité planétaire et à la limitation Par une pratique réfléchie et une
de nos ressources, face à nos questions de so- expérimentation critique
ciété, lutter contre l’exclusion, répondre au En matière de conception et de réalisation de
désir de nos concitoyens d’une meilleure qua- “quartiers urbains durables”, tout reste en-
lité de vie, nous devons repenser aujourd’hui core à faire. Les plus volontaires s’inspirent
les actions que nous engageons dans les com- d’expériences étrangères réussies, mais par-
munes. fois difficilement adaptables, telles que Bed-
L’urbanisme reste une entrée majeure de zed (Royaume-Uni) ou Fribourg (Allemagne),
notre opportunité à agir localement. pour ne citer que les plus connues, échangent
au sein d’associations les innovations et les
L’échelle du quartier permet ainsi de traiter bonnes pratiques locales, ou confrontent la
autrement les questions de l’utilisation opti- pratique des acteurs de terrain aux analyses
male de l’espace, de minimiser l’impact envi- d’universitaires et de chercheurs à l’occasion
ronnemental de la construction et de l’usage de colloques, de forums…
du bâti, tout en assurant au travers de la
mixité sociale, l’égalité des chances et le par- C’est à partir de tels échanges et confronta-
tage culturel. tions, qui en soi s’inscrivent déjà dans la dé-
marche de développement durable que les
Les Maires fondateurs de l’association des Eco membres du Conseil Français des Urbanistes
Maires le disent dans leur plaquette qui pré- (CFDU) entendent promouvoir une pratique
sente la charte pour des quartiers durables. réfléchie et une expérimentation critique des
L’objectif de réaliser un quartier durable ne quartiers durables.
doit pas être flou, car il peut alors se prêter à
diverses interprétations et traduire pour les Par le changement des mentalités
uns une grande générosité, ou, à l’inverse, Le développement durable semble la seule
pour les autres, une volonté de légitimation voie raisonnable. Sa déclinaison au niveau du
de politiques économiques soucieuses d’amé- quartier doit être recherchée. Pourtant, la
liorer leur image environnementale et so- mise en route des institutions, des structures
ciale.(3) locales et le changement des mentalités res-
Sur le terrain, réduire la consommation d’eau tent très difficiles en raison de la puissance
potable, favoriser la création d’entreprise des intérêts à court terme des entreprises, des
dans les quartiers marginalisés ou économiser décideurs et des individus…
le foncier peuvent relever d’objectifs de ren- La réalisation d’un quartier durable doit com-
tabilité comme de solidarité. Préserver des es- poser avec les styles de vie (pratiques distinc-
paces naturels, favoriser les transports tives individuelles), avec les modes de vie
collectifs, mobiliser les habitants peuvent (pratiques des groupes ou des classes liées à
s’inscrire dans deux directions ; l’une privilé- la vague uniformisante de la mondialisation)
giant des valeurs d’échange, l’autre des va- et avec les genres de vie (coutumes et habi-
leurs d’usage. tudes socio-économiques et culturelles pro-
Il est donc essentiel de se donner des enjeux, fondément ancrées dans les structures locales
des valeurs. Le référentiel élaboré par les Eco- des sociétés territorialisées).
maires est ouvert et ne se veut pas un carcan, Le développement durable impose des chan-
ni s’accommoder du plus petit dénominateur gements en profondeur des mentalités et des
commun. Il a été conçu par des élus respon- modes d’actions.
sables locaux conscients qu’il devait s’adapter
à des pratiques multiples.

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Par un portage politique fort et une la production de la ville et des quartiers. Le
gouvernance organisée temps long de la ville est percuté par les
temps courts du politique et les temps immé-
Entrée dans le droit français de l’urbanisme
diats de l’action.
avec la loi “Solidarité et renouvellement ur-
bains” (SRU) du 13 décembre 2000, la notion La réflexion théorique doit donc se conjuguer
de développement durable est en quête à la avec celle qui s’élabore dans l’action. (3)
fois d’un contenu et d’une voie d’intégration
dans les processus décisionnels des acteurs pu- L’approche environnementale :
blics et privés, en particulier dans les procé- les éco quartiers
dures d’aménagement.
Les Eco-quartiers, pour la plupart situés en
En fait, le développement durable à l’échelle
zone rurale, sont l’expression d’un courant de
du quartier doit se lire plutôt comme l’un des
pensée alternatif dans les pays développés, et
objectifs de la démarche de projet promue
leurs habitants restent assimilés à des margi-
par la loi SRU. Celle-ci consiste à concilier la
naux. Ils ne semblaient guère pouvoir séduire
prise en compte de contraintes environne-
les classes moyennes. Mais le réchauffement
mentales, économiques et sociales dans les
climatique, la sensibilisation croissante des
documents et les décisions d’urbanisme qui
gens à l’avenir de leur planète a renouvelé le
expriment un projet grâce à la mise en place
regard que nous leur portions.
d’un système de gouvernance fondé sur
la concertation, le partenariat, la transpa- Le succès médiatique de BedZed en est la
rence.(2) preuve.
Il est donc prioritaire de fixer le cadre poli- Ces quartiers sont la réponse à la théorie de
tique dès le lancement du quartier durable. l’empreinte écologique, concept élaboré par
Véritable engagement de la collectivité, Rees et Wackernagel, deux chercheurs de
il peut revêtir la forme d’une charte par l’université British Columbia de Vancouver. Il
exemple. désigne la surface de terres productives et
d’écosystèmes aquatiques nécessaires à la
Grâce à un suivi dans le temps production des ressources et à l’assimilation
des déchets d’une population définie, à un ni-
Pour s’inscrire dans la démarche de quartier
veau de vie spécifié, à un moment et dans un
durable, il est impératif d’inventer des grilles
lieu donnés.
de lecture et des critères du développement
En consommant les produits et services natu-
durable “acceptables” par tous les acteurs
rels et en rejetant leurs déchets dans l’envi-
(collectivités, aménageurs, constructeurs, ha-
ronnement, les humains exercent sur la
bitants ou usagers du quartier...) de concevoir
nature une pression que celle-ci ne peut ab-
des démarches stratégiques susceptibles de
sorber que dans les limites des capacités de ré-
s’intégrer dans les procédures et processus
génération des écosystèmes. Avec notre
d’aménagement en les enrichissant et en les
mode de vie actuel, la demande moyenne
prolongeant, comme le préconise par exem-
mondiale est de 2,2 ha par personne, alors
ple la démarche des Agendas 21 locaux, et
qu’en Suisse elle atteint 6 ha. Sachant qu’il n’y
enfin, de proposer des outils pour la conduite
a que 1,8 ha de surface de terre et de mer bio-
des actions, l’évaluation et la mesure du dé-
logiquement productif par personne, l’em-
veloppement durable simples (indicateurs).
preinte écologique montre que l’humanité
Mais il est impossible de tout modéliser, l’im- consomme plus de ressources et émet plus de
brication des échelles et des temporalités, les déchets que la planète ne peut en supporter.
logiques sectorielles, l’ancrage des représen- Notre empreinte globale dépasse à présent
tations et des pratiques, les singularités terri- de plus de 20% la capacité de charge de la
toriales ou sociologiques, les jeux d’acteurs planète (et c’est une moyenne).
pèsent sur les projets jusqu’à parfois les inflé- En d’autres termes, il faudrait donc un peu
chir profondément comme autant d’avatars plus d’un an et deux mois pour régénérer les
et de paradoxes qui contribuent fortement à ressources consommées par l’humanité en un

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an. Nous utilisons actuellement 1,2 planète, belles machines seront vite en panne et rem-
alors qu’il en existe qu’une de disponible. (8) placées par des machines moins contrai-
gnantes.
C’est le message que le sénateur Al Gore s’est
attelé à passer pendant des années et qui est Ensuite, il importe de savoir à quoi ou à qui
au centre de la prise de conscience mondiale s’applique la notion HQE. Un quartier entiè-
à laquelle on assiste aujourd’hui. rement composé de bâtiments HQE est-il un
quartier durable ?
L’intégration d’une politique environnemen-
tale dans la conception ou l’amélioration de Les quatorze cibles de la qualité environne-
nos quartiers apparaît comme un vecteur pri- mentale des bâtiments sont ;
mordial pour la réconciliation de l’homme - harmonie entre le bâtiment et son site
avec le milieu urbain. Le travail à accomplir - choix intégré des procédés constructifs et
est complexe au vu de la diversité des do- des matériaux
maines et des caractéristiques qu’il faut pren- - chantier “propre” et à faibles nuisances
dre en compte.
- gestion de l’énergie
Afin d’aider les collectivités, l’Agence de l’en- - gestion de l’eau
vironnement et de la maîtrise de l’énergie - gestion des déchets d’activités
(ADEME) a réalisé une méthode en 100 fiches - gestion de l’entretien et de la maintenance
pour une approche environnementale de l’ur-
- confort acoustique
banisme (AEU) (7).
- confort visuel
L’AEU permet, aux collectivités qui s’engagent - confort olfactif
dans une démarche de planification urbaine - conditions sanitaires des espaces
ou d’aménagement opérationnel mais aussi à
- qualité de l’air
leurs mandataires et à tous les professionnels
- qualité de l’eau
de l’urbanisme, d’identifier et d’évaluer les
différents impacts environnementaux de leur Philippe Madec, architecte (4), nous dit : “Si
projet urbain ainsi que les mesures et les ac- on lit les textes de la HQE, on remarque qu’il
tions à mettre en œuvre pour mieux les maî- y est question d’art de bâtir environnemen-
triser. Son objectif est de faciliter la prise en tal, pas d’architecture. Dans cette procédure
compte des facteurs environnementaux. Dans française visant à répondre à la norme euro-
son principe, l’AEU consiste à ne pas considé- péenne de qualité des constructions environ-
rer les préoccupations environnementales nementales, on ne trouve pas une seule fois le
comme de simples problèmes annexes, mais mot “architecture”, ni dans les cibles, ni dans
comme autant de facteurs décisifs à orienter les textes d’accompagnement. Ses rédacteurs
l’économie générale d’un projet urbain. ont été très clairs sur ce point : la HQE
concerne le bâtiment, l’acte de construire.”
Une autre approche est apparue dans les an-
nées 90, plus technique, la HQE (Haute Qua- C’est pourquoi l’association HQE a pensé à
lité Environnementale). une approche plus globale : la méthode
HQ2R.
L’approche technique : les quartiers HQE Cette méthode se veut plus complète et
aborde le social et l’économique, mais elle
Il s’agit de mettre en place des technologies
laisse les élus perplexes par sa complexité.
de haute qualité environnementale principa-
lement pour et autour des bâtiments.
Les méthodes et labels sont foison. Bien qu’ils L’approche globale : les quartiers
soient indispensables, ils ne suffisent pas à durables
eux seuls à opérer le changement. D’abord les Le recours à la transversalité des approches
usagers doivent apprendre à utiliser ces tech- sectorielles provient de l’obsolescence de la
nologies, comprendre et adhérer à leurs avan- pensée mécaniste en matière de développe-
cés en matière de réduction de l’impact ment durable et a réintroduit l’approche glo-
humain sur leur environnement. Sans cela, les

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bale au niveau du quartier, approche qui a qu’équité sociale. Il est jusqu’à présent le pa-
souvent été oubliée par les élus et les aména- rent pauvre, l’absent des quartiers durables
geurs locaux ces dernières années. en projet ou en cours de réalisation, en France
Dans une optique de choix entre le curatif ou et en Europe. Les quartiers durables sont une
le préventif, l’application d’une démarche de nécessité pour économiser les ressources, ils
développement durable aux quartiers devrait peuvent aussi être une alternative crédible
permettre de résoudre les problèmes à la pour les quartiers populaires accumulant les
source. Les malentendus sont pourtant très difficultés sociales.
courants dans la réalisation d’un quartier Mais, toute seule, la mixité sociale ne résistera
ayant les caractéristiques du développement pas aux attraits d’un quartier de grande qua-
durable. La démarche HQE n’est qu’une étape lité de vie. D’autant que la mixité sociale n’est
dans la réalisation d’un quartier de ce type. qu’une contrainte supplémentaire, dans une
Elle doit absolument être combinée avec société individualiste et consumériste où les
d’autres outils et d’autres démarches. Si ce habitants, en particulier, ne veulent pas vivre
n’est pas le cas, les seules caractéristiques du avec d’autres habitants qui leur soient socia-
projet seront environnementales. lement différents. Ceci est le discours d’un
Le quartier urbain durable se veut donc une grand nombre de maires confrontés aux 20%
réflexion environnementale, mais également de la loi SRU. Les nombreux travaux de la
économique et sociale. Les trois facteurs doi- concertation entre habitants confirment la
vent être pris en compte pour qu’une zone difficulté à organiser et à maintenir une
d’aménagement acquière une dimension de mixité sociale dans un quartier. C’est pour-
quartier. Grâce à une gouvernance adaptée cet quoi, le projet ne peut pas faire l’économie
espace doit être pensé comme un lieu de vie, d’un volet social imposant des logements so-
de développement et de mixité. En effet, le ciaux et intermédiaires, si on veut que le pro-
quartier est un espace micro urbain, qui doit jet reste à long terme un quartier durable.
être pensé comme une ville, avec une multi- Un volet social développé autour du rappro-
tude d’interrelations à des échelles différentes. chement de tous les acteurs locaux serait un
Le volet social est une composante à part en- rempart contre les risques de “gentrification”
tière du développement durable en tant et de spéculation immobilière.

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> RECOMMANDATIONS tous les documents de planification et
AUX ÉLUS d’orientation communaux et supra commu-
naux.
Des préalables indispensables
Leurs déclinaisons seront traduites au niveau
Une volonté politique forte intercommunal dans
Bâtir : plus que jamais un acte politique ? C’est - le SCOT, document de planification straté-
la question que pose Dominique Jourdain, gique et son volet développement durable
Maire de Château-Thierry, Président des Eco (ordonnance du 3 juin 2004 obligeant à inté-
Maires. Et il démontre qu’il s’agit de fixer un grer une évaluation des incidences de ses dis-
cadre politique et des objectifs partagés positions sur l’environnement et à définir des
avant toute tentative, car les premiers por- mesures de compensation),
teurs de l’opération sont les élus locaux. Ils
- le PDU, Plan de Déplacement Urbain, qui
ont compétence en urbanisme et sans eux
doit promouvoir les transports en commun et
rien ne se fait. Qu’il s’agisse des élus de la
les modes de déplacements doux,
commune ou de l’intercommunalité, leur vo-
lonté est essentielle. - le PLH, document de programmation de
l’habitat sur l’ensemble de l’intercommuna-
Les quartiers durables peuvent être de nou-
lité qui décline des objectifs quantitatifs et
veaux quartiers, mais l’enjeu le plus impor-
qualitatifs de logements à construire ou à ré-
tant en France reste la rénovation de
habiliter, garant de mixité urbaine et sociale,
quartiers. Dans les deux cas l’étape impor-
tante avant tout choix politique est celui de - les agendas 21 locaux, outils spécifiques du
la compréhension du concept. Et c’est bien là développement durable, qui déclinent au ni-
que le bât blesse aujourd’hui. Les élus des veau local les propositions de l’agenda 21 issu
grandes villes ont à leur disposition, archi- de la conférence de Rio de 1992,
tectes, urbanistes, paysagistes, techniciens, - une charte environnementale, engagement
alors que les élus des petites et moyennes multilatéral qui définit toutes les actions de
communes, qui ont peu de moyens, ne peu- long terme destinées à promouvoir une ges-
vent même plus se retourner vers les agents tion environnementale du territoire. En ins-
de l’État pour se faire une idée sur les quar- crivant la politique de la collectivité dans la
tiers durables. Et les intercommunalités, qui
durée, cette charte permet, en outre, de ga-
ne sont pas compétentes en urbanisme, ne
rantir la pérennité du projet et ouvre la porte
sont pas organisées pour leur apporter l’aide
à une éventuelle labellisation du projet. Elle
requise.
prend généralement la forme d’un “code de
On voit bien que les quartiers durables ne bonne conduite environnementale” établi
pourront être réalisés que par une infime par- conjointement par la commune, le gestion-
tie des communes françaises. Pourtant la re- naire et les différents acteurs de l’aménage-
structuration des centres anciens, les ment.
rénovations des quartiers en difficultés qui ne
Au niveau communal les principes du déve-
sont pas classés prioritaires par l’ANRU sont le
loppement durable seront traduits dans le
terreau de la mise en œuvre de ce nouveau
PLU, qui comporte un document de présenta-
concept. Alors, volonté politique, oui, mais
tion de l’ensemble des projets, le Plan d’Amé-
comment les élus pourront-ils trouver les
nagement et de Développement Durable
moyens techniques et financiers ? La remise à
(PADD). Ce dernier revêt un caractère obliga-
plat des mécanismes de la décentralisation
toire, toutefois son contenu n’est pas oppo-
sera nécessaire.
sable, il est souvent minimaliste et ne joue pas
le rôle de prise de conscience du projet dans
Une planification urbaine préalable
le temps pour lequel il avait été conçu. Pour
Les principes du développement durable ne les petites communes la carte communale
pourront être appliqués au quartier que si la permet de prévoir la préservation des pay-
commune entreprend de les intégrer dans sages et des zones sensibles, mais elle ne

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constitue pas un outil de projet, il sera re- compte d’une mutation des formes de l’ac-
commandé de passer au PLU et de concevoir tion. Pour reprendre l’idée de Patrice Duran,
une charte comme le préconise les Éco-maires “les institutions du gouvernement n’ont plus
pour exprimer la volonté de décliner le déve- le monopole d’une action publique qui relève
loppement durable dans les projets de la com- aujourd’hui d’une multiplicité d’acteurs, dont
mune. la capacité d’action collective détermine la
qualité. Elle est prioritairement une interro-
Des objectifs partagés gation sur le pilotage de l’action publique”.(5)
Pour ne pas passer à côté de l’essentiel, il est Pris dans ce sens, la gouvernance représente
recommandé de faire un choix partagé et ré- la somme des voies et moyens à travers les-
fléchi des objectifs et des critères incontour- quels les individus et les institutions gèrent
nables que l’on va s’imposer et des critères leurs affaires communes. L’important dans la
vers lesquels on va tendre en expliquant notion de gouvernance, c’est l’idée de pro-
chaque mot pour qu’il ait bien la même si- cessus interactif : une succession d’étapes à
gnification pour tout le monde. travers lesquelles de nombreux acteurs
n’ayant pas le même intérêt et agissant à dif-
Les Eco maires ont déterminé quatre familles
férentes échelles, mais confrontés à un même
d’objectifs à respecter :
problème, vont progressivement construire
Urbanisme et aménagement : assurer l’inté- des solutions puis les mettre en œuvre collec-
gration et la cohérence du quartier avec le tivement.
tissu urbain et les autres échelles de territoires
Le développement durable renvoi nécessaire-
(4 critères incontournables et 4 critères re-
ment à l’idée de gouvernance parce que le
commandés)
jeu des valeurs et des intérêts des acteurs de
Qualité environnementale du tissu urbain : in- la ville est conflictuel, mais aussi parce que les
citer les constructeurs à viser la qualité envi- choix possibles sont complexes et incertains.
ronnementale pour l’ensemble des bâtiments Plus qu’une question technique, c’est une
(5 critères incontournables et 8 critères re- question d’essence politique.
commandés)
Organiser la gouvernance nécessite de mettre
Développement social et économique : repé- en place un contexte permettant à tous les ac-
rer et appuyer les ressources dynamiques et teurs de pouvoir pleinement jouer leur rôle. À
initiatives locales (4 critères incontournables ce titre, il faut donc envisager quels sont les
et 3 critères recommandés) modes de participation qui entourent la no-
Gouvernance et pilotage : se doter d’une am- tion de gouvernance et quels types d’acteurs
bition commune et partagée pour le quartier rentrent en jeu dans ce cadre-là.
(4 critères incontournables et 3 critères re-
commandés). Un pilotage spécifique

D’autres démarches sont possibles, les exem- Il doit viser une ambition commune et parta-
ples étrangers nous le montrent. Il s’agit de gée pour le quartier.
concevoir ensemble un cadre de vie intelli- Un pilotage spécifique sera donc nécessaire
gent, créé et porté par ses habitants sur le via la création d’une structure propre au pro-
long terme. jet bénéficiant d’une certaine autonomie, de
compétences transversales et d’un budget
Outils et moyens d’actions propre. Il sera nécessaire de se situer dans une
démarche de qualité : évaluer et adapter le
Une gouvernance dans le temps projet à chaque étape ; de mettre en commun
Définir la gouvernance, notion vaste s’il en promotion, capitalisation et partage des ex-
est, c’est tout d’abord analyser à partir de périences.
concepts qui nous sont connus, comment tirer Mais aussi, reconnaître, valoriser et faire évo-
une réalité applicable au quotidien. Le terme luer les métiers, les compétences et les dispo-
de gouvernance est apparu pour rendre sitifs, notamment par la formation et les

Synthèse des travaux du groupe - Chantier “quartiers durables” - Avril 2007 - p. 9


échanges ; mettre en place un système de ma- - Degré 3, la concertation : la collectivité
nagement adapté au projet et le faire évaluer concerte avec le public sur le projet. Elle re-
dans le temps en changeant parfois les ac- cueille son avis et lui soumet, après consulta-
teurs (passer le relais aux habitants lorsque le tion, le projet amendé. Le public peut être
quartier est fini ou réhabilité), favoriser une amené à faire des contre-propositions. La
meilleure coordination entre la collectivité et prise en compte de l’avis du public est indis-
les organismes institutionnels. pensable à la poursuite du projet.
Mais avant tout prévoir et organiser l’impli- - Degré 4, la co-élaboration ou co-production :
cation des citoyens dans l’action publique. la collectivité invite le public à participer à
l’élaboration collective d’un projet. Elle asso-
Les mécanismes permettant cette participa-
cie le plus grand nombre d’acteurs possible
tion sont inégaux du point de vue de l’impli-
aux choix, à la définition d’enjeux, à l’élabo-
cation des citoyens et plusieurs degrés
ration du projet, à sa réalisation, dans sa ges-
peuvent se dégager de l’analyse de ces
tion et son évaluation. La création d’un
modes. L’action des pouvoirs publics pourra
espace de participation se construit avec mé-
d’ailleurs être évaluée sur les moyens em-
thode et rigueur sur la durée. Ceci implique
ployés pour prendre en compte l’avis des dif-
de mettre au point des outils pédagogiques
férents acteurs, et plus largement sur la
susceptibles de mettre chacun des partici-
politique soumise à ces avis. Quel que soit le
pants (élus, techniciens, citoyens…) en capa-
mode de participation utilisé, nous verrons
cité de contribuer activement à la réflexion.
quand même que des recommandations gé-
Par rapport à la concertation, la co-élabora-
nérales peuvent se dégager pour mener au
tion apporte en plus la notion d’association
mieux la conduite de l’action.
(au sens le plus fort du terme) des acteurs au
processus d’élaboration des décisions, à la
Des modes de participation hiérarchisés
mise en œuvre et à l’évaluation.
Afin que les acteurs consultés jouent pleine-
ment leur rôle (éclairer la décision publique), Une adaptabilité constante des acteurs et
il faut mettre en débat plusieurs types de des techniques
contributions : le témoignage, l’information,
Lors des 5èmes Entretiens de l’Aménagement à
l’expertise technique, la vision politique du
Marseille, les professionnels de l’aménage-
changement. Il faut aussi que le résultat de
ment ont posé le principe d’adaptabilité
ces processus ait une réelle force dans la déci-
comme principe d’aménagement durable.
sion politique.
“Opérations de long terme, les aménage-
À ce titre, l’implication des citoyens à l’élabo- ments et les processus d’aménagement ren-
ration de leur cadre de vie peut se représen- contrent des situations et intègrent des
ter selon une échelle de degrés, allant de la logiques économiques qui évoluent de plus
forme la moins participative à la plus active : en plus rapidement (contexte politique, fi-
- Degré 0, la démarche unilatérale : la collec- nancier, évolution des priorités internatio-
tivité ou le maître de l’ouvrage étudie et dé- nales, nationales et locales) au moment
cide d’un projet au travers de ses processus même où le développement durable leur de-
internes de décision sans en informer le pu- mande d’intégrer le très long terme.
blic. Comment dans ces conditions concevoir un
programme suffisamment souple pour laisser
- Degré 1, l’information : la collectivité in- à l’opération d’aménagement les marges de
forme le public d’un projet, sans attendre de manœuvres nécessaires pour s’adapter à ce
retour. contexte en évolution ? Il semble que ce soit
- Degré 2, la consultation : la collectivité le processus de programmation qui soit à mo-
consulte le public sur le projet pour recueillir difier. L’opération d’aménagement, de sa pro-
son avis par le biais d’une procédure obliga- grammation à sa livraison, ne peut plus être
toire (type enquête publique) ou volontaire pensée de façon linéaire, avec la perspective
(type référendum). d’un produit fini, dessiné, unique objectif des

Synthèse des travaux du groupe - Chantier “quartiers durables” - Avril 2007 - p. 10


actions des divers partenaires, projet qui tion urbaine évolutive et interactive ;
n’évoluerait que sous la pression des faits ex-
- l’adaptabilité des projets urbains non seule-
térieurs, alors que le contexte lui est incer- ment dictée par les nécessités du marché mais
tain.” (6) aussi par l’évolution d’une demande sociale
de plus en plus éclatée et de plus en plus évo-
Des métiers renouvelés lutive ;
La prise en compte du développement dura- - l’évolution des formes de gestion des es-
ble, nous l’avons vu, aura un impact certain paces urbains plus soucieux des équilibres na-
sur les modes d’habiter et plus encore sur les turels, de l’énergie ou de leur accessibilité.
métiers liés à l’aménagement de la ville. Les Ces évolutions qui restent à analyser, posent
professionnels de l’aménagement (archi- la question de la durabilité des choix en amé-
tectes, urbanistes, société d’aménagement, nagement alors même que les produits im-
bureaux d’études, logeurs sociaux, acteurs de mobiliers sont eux-mêmes de plus en plus
la politique de la ville...) ont donc une res- segmentés et spécialisés.
ponsabilité importante en matière de déve-
loppement durable. Les urbanistes
Aussi depuis deux ou trois ans, en France, de L’attention sera portée sur les rôles que l’ur-
nombreuses études et voyages d’études sont baniste peut jouer :
réalisés par les professionnels de la ville, sur
- L’urbaniste planificateur
les premières réalisations européennes, afin
de réfléchir aux changements de pratiques Il devra être celui qui incite les communes à
qu’ils devront mettre en œuvre pour que les établir un cadre de référence au niveau local
villes et leurs habitants apprennent à limiter en cohérence avec les principes du dévelop-
les impacts du développement sur la nature. pement durable et à mettre l’accent sur la
manière systémique de penser globalement
Les aménageurs l’organisation du territoire en s’assurant de la
cohérence des politiques (habitat, déplace-
Lors du dernier colloque du Club Ville Amé-
ments, développement économique...).
nagement à Marseille en février 2007, les
aménageurs ont pris conscience qu’ils sont au - L’urbaniste coordinateur
cœur des enjeux de société qui vont nécessiter
Les contraintes imposées au quotidien dans
des modes de vie plus durables. De part leur
un quartier durable sont de deux ordres. Elles
métier, les aménageurs possèdent des leviers
relèvent du social avec la mixité des catégo-
forts pour intégrer cette nouvelle forme de
ries de la population et de la technique avec,
développement dans leurs réflexions, leur
entre autres, un tri des déchets plus perfor-
programmation, leur conception, leurs réali-
mant, des économies de ressources et des
sations. Par leurs impacts à long terme sur les
changements dans les pratiques de déplace-
territoires, ils sont des acteurs “clés” qui peu-
ment. Comment faire accepter autant de
vent être, qui doivent être sollicités pour
changements ? Comment faire pour que les
construire collectivement ce cadre de ville
habitants / acteurs ne reprennent pas les
soutenable. Il ressort des débats que les diffi-
« mauvaises pratiques» ? La contrainte n’est
cultés méthodologiques auxquelles vont être
pas envisageable. L’éducation n’empêche per-
confrontés les aménageurs sont importantes.
sonne d’être indifférent ou inconscient. On
En effet le développement durable interroge
prendra pour exemple le mode de vie améri-
la programmation et la gestion urbaine.
cain qui depuis Rio “n’est pas négociable”.
La prise en compte du caractère non définitif
Il reste à l’urbaniste coordinateur la voie
des choix initiaux provoque une évolution
d’une concertation effective. Le développe-
forte du métier qui pourrait être marquée par:
ment durable doit être une opportunité pour
- la disparition d’une programmation-planifi- réaliser une concertation qui ne se limite pas
cation statique au profit d’une programma- à l’étape de l’information et de la communi-

Synthèse des travaux du groupe - Chantier “quartiers durables” - Avril 2007 - p. 11


cation, comme on le constate çà et là. Com- L’urbaniste devra dès l’avant-projet proposer
ment mobiliser la population impactée par un les conditions nécessaires pour qu’une GUP se
projet si, après lui avoir demander de s’expri- mette en place et soit pérennisée dans le
mer, elle s’entend répondre que ses re- quartier.
marques sont pertinentes mais qu’elles ne
pourront pas être retenues en raison de l’état Les autres métiers renouvelés
d’avancement du projet ? La signature d’une
Les énergéticiens, les logeurs sociaux, les pro-
charte de la concertation doit devenir un outil
fessionnels de la politique de la ville, les ar-
commun de tout projet de l’urbanisme dura-
chitectes, les paysagistes, les métiers du
ble. Ne perdons pas de vue que l’objectif n’est
bâtiment, sont aussi conscients des change-
plus de faire accepter un projet d’urbanisme
ments à opérer dans les modes opératoires
classique mais d’assurer la pérennité des
liés au concept du développement durable.
changements nécessaires dans les pratiques
Mais il convient de fédérer leurs démarches
domestiques du quotidien, voire le renonce-
de progrès, et là encore pour un quartier, le
ment à des aspirations personnelles et d’au-
politique et l’urbaniste doivent être les ga-
tant plus légitimes qu’elles ont été réalisées
rants devant la population de leur implication
par certains : l’accession à la propriété d’une
effective et conforme au projet.
maison individuelle avec son terrain d’agré-
ment, dans un espace périurbain.
Le rôle de l’urbaniste coordinateur consiste à
articuler trois catégories d’acteurs; les élus, la
population et la société civile (comme cela se
fait en Allemagne avec les politiques tempo-
relles par exemple) qui devront être impli-
quées aux autres volets du projet intégré de
quartier durable. Ici, la concertation ne peut
pas se limiter à de l’information si on veut
que les oppositions à l’action entreprise
soient marginalisées et que la population im-
pactée fasse en sorte que le projet reste un
quartier durable sur le long terme.

- L’urbaniste gestionnaire du territoire


De la même façon que ce type de projet est
une opportunité pour renouveler et renfor-
cer les pratiques de la concertation, le quar-
tier durable est aussi une opportunité pour
encourager des rapprochements pour une
meilleure gestion du quartier dans le temps.
La méthode de Gestion Urbaine de Proximité
(GUP) mise en place dans les quartiers de la
politique de la ville peut apporter des idées
et du savoir-faire.
Elle organise autour d’un chef de projet les
interventions de tous les gestionnaires du
quartier, bailleurs sociaux, copropriétés, ser-
vices municipaux, services privés (eau, gaz,
électricité…), et les confronte aux aspirations
des habitants.

Synthèse des travaux du groupe - Chantier “quartiers durables” - Avril 2007 - p. 12


Conclusion

AVONS-NOUS ENCORE LE CHOIX ?


mais celle qui sépare les adeptes du souci
Dans la revue “Urbanisme” de mai juin 2006, écologique des prédateurs. Il y a celles et ceux
Thierry Paquot écrit : qui mènent leur existence en rapport avec
l’environnement et celles et ceux qui consom-
“Pour de nombreux praticiens, l’inscription
ment de la Nature, sans commune mesure.
bien timide de la préoccupation environne-
L’éco-urbanisme et la diversité de ses expéri-
mentale dans la loi apparaît comme une
mentations et propositions doivent devenir la
contrainte de plus dans leur métier. Ils sou-
règle et non pas l’exception, il ne s’agit pas
rient lorsque l’un d’entre eux, durant une réu-
d’idéologie politicarde, mais d’une démarche
nion, s’exclame “on a oublié le durable”, et
soucieuse de la dimension cosmique de la vie
ensemble tentent d’en trouver une justifica-
humaine.”
tion. C’est dire si ce qui devrait être au cœur
du projet urbain et constituer le socle de l’ur- L’homme se trouve à un tournant de l’huma-
banisme, fait figure de cerise sur le gâteau, nité. Des choix sont à faire, en urbanisme plus
sorte de décoration inutile et plus ou moins qu’ailleurs. L’Europe peut donner l’exemple
facultative. Il y a là une révolution culturelle à avant qu’il ne soit trop tard et que tous les
accomplir : penser l’écologie comme une res- pays émergeants ne reproduisent nos erreurs
ponsabilité élémentaire de tout être humain. d’enfants gâtés destructeurs de notre propre
L’écologie, n’est pas l’apanage des partis verts planète. La France doit rattraper son retard et
ou de post-soixante-huitards sur le retour, s’interroger sur les raisons qui font que l’ur-
c’est la conscience du devenir de la planète et banisme réglementaire reste encore souvent
de ses habitants, du Sud comme du Nord, des la seule référence dans les communes sans
campagnes comme des mégapoles. Doréna- qu’il traduise un projet commun et une pro-
vant, la véritable dualité politique n’est plus jection des habitants dans l’espace et le
celle qui distingue la “droite” de la “gauche”, temps.

J.P. Brouant, H. Jacquot, J.P. Lebreton, Développement durable, urbanisme et droit, rfda juillet-
(1)

août 2006, p.750.


(2)J.P. Ferrand, F. Zitouni, Construire des quartiers durables : du concept au projet urbain, rfda,
juillet-août 2006, p. 748.
(3)“Des quartiers durables dans une cité harmonieuse” intervention de Jean-Claude Margueritte,
Directeur des Services Techniques et de l’Urbanisme - architecte-urbaniste, Ville de Lormont, aux
Entretiens territoriaux de Strasbourg 2005.
Revue URBANISME mai-juin 2006. Entretiens sur la Haute Qualité Environnementale (HQE)
(4)

De la bonne architecture
Patrice Duran, “Action publique, action politique”, sous la direction de J.P. Leresche, “Gouver-
(5)

nance locale, coopération et légitimité”, Paris, Pédone, 2001.


(6)Synthèse des travaux du groupe “développement durable et gestion urbaine” animé par Alain
Bertrand (SEMAVIP), Olivier Piron (CGPC) et François Wellhoff (Mission EPA Saint-Etienne) le
2 février 2007 à Marseille.
Réussir un projet d’urbanisme durable, méthode en 100 fiches pour une approche environne-
(7)

mentale de l’urbanisme (AEU) ADEME, Édition Le Moniteur.


Entre Éco-villages et projets d’architectes : les Éco-quartiers. Camille Bierens de Haan pour
(8)

URBANISME, mai-juin 2006.

Synthèse des travaux du groupe - Chantier “quartiers durables” - Avril 2007 - p. 13


ANNEXES

Chantier “Vers des quartiers durables en France”


Animatrice :
Janine Bellante ................................................................................. jbellante@agglo-paysdaix.fr
Urbaniste OPQU, Directrice de l’habitat et de la politique
de la ville de la Communauté d’agglomération du Pays d’Aix.

Participants et associations représentées

Courriels ou autres adresses :


Centre d’Études Juridiques d’Urbanisme (CEJU) Aix- en- Provence.................cejuaix@yahoo.fr
Marie-Laure Lambert (CEJU) ..................................................................ml.lambert@wanadoo.fr
Jacques Bedu (FNC Pact-Arim) ........................................Jacques.bedu@pact-arim-hts-seine.org
Bernard Lensel (UT)...................................................................................blensel@grandlyon.org
Christian Legrand (UT)...............................................................christian.legrand@mairie-lyon.fr
Jean-Claude Margueritte (UT) ...................................jean-claude.margueritte@ville-lormont.fr
Jean- Clément Bouvier (UT)...........................................................Bouvier.jean-clement@neuf.fr

Actes du colloque parus dans la revue RFDA

“Construire des quartiers durables : du concept au projet urbain”. - Introduction de Jean-Pierre


Ferrand et Françoise Zitouni, co-directeurs du Centre d’Études Juridiques d’Urbanisme (CEJU),
Université Paul Cézanne.
“Développement durable, urbanisme et droit”, de Jean-Philippe Brouant, Maître de confé-
rences en droit public à l’Université de Panthéon-Sorbonne (Paris I), chargé de recherche au GRI-
DAUH, Henri Jacquot, Professeur émérite de l’Université d’Orléans, directeur scientifique du
GRIDAUH, Jean-Pierre Lebreton, professeur à l’Université de Versailles- Saint-Quentin-en-
Yvelines, directeur scientifique du GRIDAUH.
“Comment introduire des critères de développement durable dans les opérations d’aména-
gement urbain ?” de Marie-Laure Lambert-Habib, Maître de conférences à l’Université Paul Cé-
zanne - Aix-Marseille III .
“Comment introduire des critères dans les procédures contractuelles des opérations d’amé-
nagement urbain ?” de Malicia Donniau, juriste, Etude Cheuvreux et de Michèle Raunet, No-
taire- Etude Cheuvreux.
“La participation du public de Erwan Le Cornec”, Maître de conférences en droit public à l’Uni-
versité de Bretagne Occidentale, Avocat au Barreau de Quimper.
“Rapport de synthèse du colloque” par Jacqueline Morand-Devillers, Professeur à l’Université
Panthéon-Sorbonne (Paris

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Liste des expériences étudiées
Projet de renouvellement urbain de Champfleuri de Bourgoin L’Éco-ZAC de la place de Rungis
La ZAC du Théâtre, le quartier durable de Narbonne
Le quartier de Bourtzwiller, quartier durable à Mulhouse
La ZAC de la Couronne à Rennes
Dunkerque- Grand Large : nouvelle approche pour un nouveau quartier durable -Jallieu
Le quartier durable du Junot dans le Grand Dijon
La ZAC Andromède à Blagnac
L’Eco quartier des Rives de la Haute Deûle
Le quartier des Brichères à Auxerre
Les nouvelles maisons de ville dans le quartier Pleyel, ville de Saint-Denis
La version québécoise de l’Éco-quartier, 50 Éco-quartiers à Montréal
Le projet de quartier durable de Zas de Beaumont à Pertuis.

Liste des documents à consulter

Pour une approche environnementale de l'urbanisme – Réussir on projet d'urbanisme


durable. ADEME – Édition du MONITEUR.
Recueil de bonnes pratiques à destination des aménageurs-lotisseurs. SNAL et EDF.
Développement durable et gestion urbaine. Club Ville Aménagement février 2007.
Développement durable, écoute des habitants. Inscrire le projet d’urbanisme dans la vie
locale. Conseil Français des Urbanistes, 7ème Université d’été. Édition ADIFF.
Désirs d’habiter : Quelles réponses des urbanistes aux nouvelles attentes des habitants.
Conseil Français des Urbanistes, 8 ème Université d’été. Édition ADIFF.

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