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Dans cette première partie, Normand Baillargeon met l’accent sur les effets de langage
et le pouvoir des mots, permettant à qui sait les manier habilement de convaincre, d’émouvoir
ou même d’exhorter son auditoire. Pour assurer notre autodéfense intellectuelle, il faut en
effet prendre conscience de cette influence, car « un outil aussi puissant [que le langage] peut
s’avérer une arme redoutable », comme Orwell a pu le démontrer dans ses écrits.
Il nous invite à observer les mots avec une grande vigilance, parce qu’ils ne sont pas neutres.
Leurs usages relèvent de choix bien déterminés selon l’effet escompté. À cet égard, il insiste
sur la connotation des mots, positive ou négative, opposée à la dénotation : deux mots
désignant la même chose peuvent susciter des réactions très différentes. Ainsi, si la dénotation
est identique, la connotation change profondément le discours et les idées qu’il véhicule.
Baillargeon pointe également l’imprécision : perpétuer sciemment le flou sur une situation
permet finalement de s’assurer une certaine crédibilité, laissant l’auditeur interpréter ses dires
dans ce sens au gré des circonstances. Par ailleurs, beaucoup de mots sont polysémiques, ce
qui peut donner lieu à des équivoques ou des ambiguïtés, dont certains peuvent jouer.
D’autres termes sont, au contraire, vidés de leur sens par des « mots-fouines » - des petits
mots qui annihilent la substance des autres pour en mystifier le message et tromper celui qui
le reçoit.
Il existe aussi des procédés qui changent la signification d’un texte original. Parmi eux,
l’auteur cite l’accentuation, visant à insister sur un mot en particulier, et la réduction, qui
consiste à isoler certains passages du texte pour en dénaturer les propos. Enfin, il aborde les
problèmes liés au vocabulaire scientifique et à son manque d’intelligibilité. S’il est nécessaire
pour désigner précisément certains phénomènes, ce jargon peut néanmoins être utilisé pour
complexifier faussement un discours et susciter un assentiment aveugle du public.
La partie s’achève sur l’importance de bien définir les termes pour garantir le bon
entendement des parties à une conversation. En dehors de ce que l’on peut trouver dans le
dictionnaire, il insiste sur les définitions conceptuelles et l’effet du contexte spatio-temporel
de leur construction, de l’usage des mots en question. Plus particulièrement, il évoque
l’opérationnalisation des concepts, soit l’exposé du cheminement intellectuel qui y conduit :
d’une représentation imagée, il faut extraire différentes dimensions que l’on peut observer
empiriquement via des indicateurs, des indices objectivement repérables.
Commentaire critique
Les mots sont les outils avec lesquels les humains se représentent ce qui les entoure et
construisent leurs réalités. Ce sont eux qui leur permettent de communiquer, donc de partager
leurs conceptions du monde et ainsi faire société. En particulier, l’univers social repose
presqu’entièrement sur le langage. N’étant pas préexistant à l’esprit humain, mais plutôt le
fruit de celui-ci, il est en effet façonné par les mots qui corroborent son existence. Les us et
coutumes, les manières d’être et de se comporter, voire les intérêts et les finalités, sont
finalement induits verbalement en fonction d’un contexte socio-culturel particulier.
Ce sur quoi l’auteur met véritablement en garde, c’est l’utilisation de ces biais cognitifs à des
fins de manipulation. Pour se prémunir contre de tels actes, il convient de bien connaître les
ruses qui peuvent être employées. L’idée étant d’être capable de les repérer, afin de pouvoir
les neutraliser. À cet égard, il attache un grand intérêt au débat et à la discussion : c’est par les
critiques et les réactions, les commentaires et les objections, que la liberté d’esprit peut être
préservée. Nous pourrions même aller jusqu’à dire que c’est le seul moyen de garantir la
démocratie. À condition néanmoins de bien définir ce terme et les enjeux qu’il comporte.