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D. W. WINNICOTT La crainte de Veffondrement et autres situations cliniques CXCeRST ey) D. W. WINNICOTT LA CRAINTE DE L’EFFONDREMENT UT AUTRES SITUATIONS CLINIQUES Eedité par Michel Gribinski Traduit de Vanglais par Jeannine Kalmanovitch et Michel Gribinski wf GALLIMARD LA PSYCHONEVROSE DANS L’ENFANCE* (1961) ‘Mon exposé avait été annoncé sous un titre diffrent «Lenfant névrosé», Toutefois nous avons pensé que ces mots du moins en anglais, font partie de usage populaire plut6t que de la terminologie diagnostique. Dans un traitement ana- Iytique, on s'apergoit en fait que les enfants dits névrosés sont souvent partiellement psychotiques. Un élément psychotique est caché chez Penfanc névrosé, et il peut se faire que cet élé- ment psychotique soit justement ce qu'il faut atteindre et trai- ter pour améliorer état critique de Fenfant, Pour rendre ma tiche un peu plus aisée, nous avons décidé de changer le titre en «Psychonévrose dans l'enfance», de la sorte, je dois essayer de vous exposer quelque chose qui est dif férent de la psychose. Il reste cependant une difficulté, méme avec ce titre simplifié, car il y a deux manitres de le lévelop per. Faut-il que je parle des origines de la psychonévroxe, ot gines que l'on trouve toujours dans l'enfance ce l'individu en question, ou faut-il que je parle de Pétat clinique des enfants qui sont eux-mémes, & ce moment du cours de l'enfince, pry chonévrosés? Je crois que je n’essaierai pas de faire wop ater tion & ce dilemme. Je vais donc décrire la psychonévrose en Ia distinguant det auites écats psychiatriques. II n’y a bien sr pas, en psychiattis de frontitxes nettes entee les états cliniques mais, pour pouvoir * Pycho-Newress in Childhood. Exposé fae au congsts «orthopsychiatle seandinave, A Hebink 164 La mire, Penne antiver ott que ce soit, nous avons besoin de faire semblant que des frontitres existent. La psychonévrose est principalement en balance avec la psychose. Disons que, dans la psychose, le désordre affecte la structure de la personnalité. On peut voir que le patient n'est pas intégré, ou qu'il se sent isxéel, ou quill a perdu le contact avec son propre corps ou avec ce que nous, observateurs, appelons la réalité externe. Les troubles du psy- chotique sont de cet ordre, En contraste, dans la psychonévrose, le patient existe en tant que personne, c'est une personne tout entire pour qui les objets sont entiers; il est ben logé dans son corps, et sa capacité d'établir des relations objectales est bien assurée, Cet avantage méme est le point de départ de ses diffi cultés, difficuleés qui s’élevent des conflits provenant de son expérience des relations objectales. Bien sti, les conflits les plus graves sont en relation avec la vie pulsionnelle, c’est-t-dite les différentes excitations accompagnées de manifestations corpo- relles dont la source est dans Pexcitabilité corporelle générale et locale. Voici présent deux sortes d'enfants : ceux dont les stades les plus précoces du développement ont été satisfaisants, et ceux dont ces mémes stades sont incomplets et dont l’incom- plétude domine le tableau clinique. La question est donc que la psychonévrose est un désordre chez des enfants dont la santé est suffisamment bonne pour quills ne soient pas psycho- tiques. Cette division en deux des éiats cliniques est évidemment beaucoup trop simple. Vous ne seriez guére satisfats si je ne ‘mentionnais pas trois complications : 1. Quelque part entre psychose et psychonévrose, il y a la dépression. Dans la dépression, la structure de la personnalité est bien établie. On peut s'arranger de cette complication en disant qu'il y a des dépressions plut6t psychotiques avec des phases de dépersonnalisation, et quill y a des dépressions prati- quement psychonévrotiques. Dans un et l'autre cas, le patient a du mal avec les pulsions et les représentations desteuctrices associées & I'expérience des relations objectales; je parle de Pex- pétience des relations objectales qui s'accompagnent (excita- tions, Cest-t-dize qui sont plus vitales et plus intenses que les La paychonéerose dans Venfince 165 sentiments que Pon peut déctite par des mots comme «affec- tueuxy, et qui comportent une acmé ou un orgasme. 2. La deuxitme complication vient du fait que certains patients sont dans Pattente d'une persécution, et cela peut méme remonter & la toute petite enfance. 3, La troisitme @ aflaire avec Pétat auquel on se réfere par- fois en parlant de «psychopathie». Je veux dire que les enfants ayant une tendance antisociale méritent qu'une classification leur soit réservée, parce quills peuvent étre essenticllement rnormatx, ou psychonévrosés, ou dépressifs, ou psychotiques. Le fait est que leur symptomatologie doit étre pensée en éva- Iuant Patteinte portée aux droits du public. La tendance anti- sociale représente le S.0.S. ou le ori di ceur' de Penfant qui & un stade ou A un autre, s'est trouvé dépossédé, dépossédé de apport de environnement qui aurait da étre le sien & Page ob iT Tui a fait défaut, La déprivation a remanié la vie de enfants elle a créé une cétresse intolérable, et il est dans son droit lors- quill manifeste, pour que ce soit reconnu, que «les choses allaient bien, et puis elles a’allaiene plus bien» — et ce fait provenait d’un facteur extérieur incontrdlable par enfant. Un tel enfant est embarqué dans un voyage en arritre, viala déprivation et la détresse intolérable, pour revenir & l'état qui ptécédait la déprivation, quand les choses n’allaient pas trop mal, Cet état peut conduire & la délinguance ou at récidi- visme, et on ne peut le ranger dans une classification au méme titre que ce que nous étiquetons avec les mots «psychose», adépression» et «psychonévrose». Vous conviendrea, jespéte, qu'il me fallait d'abord déplier la carte du relief psychiatrique avant de pouvoir développer ma thése selon laquelle la psychonévrose est un état des enfants (ou des adultes) dont fe développement affect @ atteint un stade de relative santé mentale. Ayant traversé les stades les plus précoces qui sont propres & la dépendance absolue, et ayant connu les stades quand méme plus tardifs ott la dépriva- tion est un traumatisme, ces gens sont & présent en position avoir leurs difficulsés propres. Ce sont essentiellement les dif- 1, Br fangats dans le texte 166 La mere, Venfant ficultés de la vie, et celles des relations interpersonnelles et, somme toute, les gens n'y voient pas offense parce que ces dif- ficultés sont les leurs et rion les consequences des échecs ou des ‘manques de l'environnement. ‘Ainsi envisagée, Ia psychonévrose prend forme et sa des- cription gagne considérablement en clarté, Je dirais que Anna Freud en dresse un bon tableau dans Le Moi et les mécanismes de défense’, que sans doute vous connaisse2 tous. Vous vous demande peut-étre & quels Ages je pense lorsque je parle des origines de la psychose et de la psychonévrose. En ce qui concerne la psychose, je pense & la route petite enfance, Cest-icdire au stade de la plus grande dépendance, oi il n’y aurait guére de sens, en psychologic, & parler d'un enfant, tant la présence et le comportement de la mére sont une part vitale de ce qu’on pourrait appeler le potentiel de l'enfant en voie de devenir un enfant. Je pense a un stade plus rardif de la petite enfance, tandis que Ja dépendance devient moins conséquente, lorsque je me réfere aux origines des angoisses dépressives. En ce qui concerne l'age oit la déprivation conduit a instauration d'une tendance an sociale, je me rapporte ila période qui vat peu prés de dix mois acdeux ou trois ans, et [8 je suis d’accord avec les travaux bien connus de John Bowlby. Et lorsque j’en viens & apparition de la psychonévrose, je me réfre & ’4ge ott l'enfant commence & marcher, lorsque, dans la famille il prépare 'avénement du complexe d’Gidipe. A condition que sa santé soit sufflsamment bonne pour qu'il (ou elle) alle jusque-Ia. Mais je ne veux pas me laisser enfermer par vous dans cette question ages, c'est moins précis que cela, il s'agit bien plus de stades que d’ages. Les stades de la petite enfance et de la dépendance refont surface et il en va de méme pour tous les stades ultérieurs, de sorte qu'il n'y a pas d’@ge qui corresponde exactement &.un stade et, la puberté, out cela doit en grande partie se rejouer pour que le garcon ou la fille integre le déve- Joppement précoce a la vie adulte. Ta nous en sommes done vers trois, quatee, cing ans, Le gar 1, A, Freud, Le Moi et les méaeniimes de defense, PLUT.y 1969, La prychontorose dans Venfance 167 gon ou la fille se sont bien développés et, dans le jew comme dans le réve, ils sont capables de s‘identifier & l'un des parents, tandis qu’en méme temps que le jeu et le séve, il y a la vie pulsionnelle et les excitations corporelles. Nous considérons comme acquis un développement satisfaisant de Pusage des symboles. La vie de Venfant reste en grande partie inconsciente, mais & mesure que l'enfant acquiert une plus grande conscience de lui-méme, la distinction entre ce qui est conscient et ce qui estinconscient devient plus nette. La vie inconsciente, ou la réa- lité psychique de enfant, se manifeste principalement dans la représentation symbolique, I nous faut maintenant faire une déclaration générale sur les enfants en Age de marcher, en considérant ceux qui vivent chez eux et ont de bons foyers. Crest cetige, voyez-vous, que sil'enfantest en bonne santé, a psychonévrose se structure. Lorsqu’on analyse des patients de tous ages, on trouve Vorigine de la psychonévrose & cette Période, entre deux et cing ans. Que se passe-til cependant si on observe 'enfant directement? ‘Nous devons dire clairement que enfant en bonne santé a toutes les sortes possibles de symptdmes psychonévrotiques. Prenons un garon. Il est plein de vie et physiquement actif, et, ildevient si pale et si mou que sa mere pense que la vies’échappe de lui, Hest gentil est aimable, etl est aussi cruel avec le chat et, avec les insectes, il ressemble au pire des bourreaux de tous les temps. Il est tendre er il est brutal, il donne des coups de pied dans le ventre de sa mtre si celui-ci parait sarrondir, il veut mettre son pire dehors, ou peut-étre en fait-il son allié pour mépriser les femmes. Il a des accts de colése, ce qui, en plein milieu de High Street, peut étre embarrassant; il ait des cau- chemars, et quand sa mére veut le consoler, il Iui dit : «Va-’en, la sorcitre, je veux ma maman!» Ila peur de tout et de n’im- porte quoi, bien qu'il soit ts courageux et méme trop. Il est franchement méfiant si sa nourriture contient un cheveu, ou si cle n’a pas la couleur habituelle, ou si elle n’a pas été préparée par sa mére; ou bien peut-

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