You are on page 1of 18
Les miettes ntiphilosophiques de Kierkegaard par Yves Depelsenaire «ll est assez étrange qu'on puisse se former une idée de Kéternité par les deux contraires les plus opposés. Si je pense & ce malheureux comptable, qui perdit 'esprit de désespoir pour avoir ruiné une maison de commerce en calculant, dans ses comptes que 7 et 6 faisaient 14 ; si je me imagine, jour aprés jour indifférent a toute autre chose, se répétant a lui-méme : 7 et 6 = 14, j'ai alors une image de I'éternité. Si je m'imagine dans un harem une femme belle et voluptueuse se reposant dans toute sa grace sur un divan, sans se soucier du reste du monde, j'ai alors une nouvelle image de I'éternité ». (Ou bien... ou bien - 1843) Cette conférence moffre lopportunité de rassembler un certain nombre de réflexions que, depuis un certain temps, jai pu me faire & propos de Kierkegaard. Mon propos tiendre en quatre points. Le premier point concerne la réception de Toeuvre de Kierkegaard en Frence sur fond de laquelle nous situerons mieux Toriginalité de Is lecture de Lacan. Le deuxiéme point sera un rappel des indications majeures de Lacan & propos de Kierkegaard. Le troisiéme exposera un condensé de quelques hypotheses quent & la construction de lceuvre et la logique de le vie de Kierkegaard qui lui est intimement lige. Enfin, quatriéme point, que jintitulersi « Du probléme des Miettes 4 Linstant » - du titre de lou- vrage Les Miettes philosophiques dont, bien sir, j'ai décalqué le titre de cette conférence - & Linstant, deriers mots de Kierkegaard. A vrei dire, Linstant est fa réunion d'une série c'articles polé- miques : ce sont ses Lettres & Iopinion éclairée @ ui, Les Miettes antiphilosophiques de Seren Kierkegaard La réception de Kierkegaard en France Elle fut tras lente, Si, en effet, en Allemagne une premiére édition des ceuvres completes vit le jour en 1909 pour étre achevée en 1924, il fallut attendre les années quatre-vingt pour que prenne corps une édition comparable en France avec la réunion des traductions de Paul-Henri Tisseau et de sa file! Crest un homme admirable que ce Paul-Henri Tisseau. Cet instituteur qui avait épousé une Danoise, Publiait ses traductions a ses propres frais et a de maigres tirages dans son petit village de Vendée. Snobé par les Universitaires et par les éditeurs, il vit une partie énorme de son travail partir en fumée lors de T'ncendie de sa maison, mais il remit Pouvrage sur le métier’ et mena pratiquement a bien son entreprise, sans en voir cepen- dant la réalisation matérielle. C'est _quelqu’un dont on peut dire quil sut au plus intime de lui-méme ce que voulait dire la répétition, au sens kierkegaardien du terme, et le prix subjectif qu'elle emportait. La pénétration de Kierkegaard dans la réflexion philosophique francaise fut donc loin d’étre fulgurante. Elle fut en tout cas infiniment plus lente que celle de Vautre grand solitaire du XIX sigcle — je veux bien sir parler de Nietzsche, quil rejoint pourtant dans la mame zone diinactuel. C’est une ceuvre qui a cheminé lentement dans les profondeurs du goat et qui est mar- quée d'un singulier effet retard. "Ceci est da @ plusieurs facteurs. D’abord, au fait que Kierkegaard a écrit dans une langue peu répandue, le danois. Mais cela sexplique aussi sans doute pour des raisons qui tiennent & son style méme, un style délibéré de communication indirecte quil 2 mis en ‘ceuvre dans le méme mouvement quiil le théorisait, un style dont il faut bien dire quill répugne profondément 20 a V'idéal d'exposition chére & la tradition philosophique francaise. A cela s'ajoute, et c'est le point majeur, que Kierkegaard a diabord été regu en Allemagne et qua partir de la, c'est essentiellement 4 travers Karl Jaspers et Martin Heidegger qu'on s'y est intéressé et qu’on en a parlé, les quelques études antérieures parues en France étant restées confidentielles et sans grand retentisse- ment, cependant qu'en Allemagne, les théses consacrées a Kierkegaard se multiplient dés les années vingt. Ainsi, aton pu récemment prendre connaissance dans une traduction francaise, publiée il y a quelques années seu- lement, de la thése sur lesthétique de Kierkegaard qu’Adorno a soutenue en 1932, Et, dans ce contexte, Crest la lecture de Kierkegaard par Heidegger qui fut certainement décisive. Il faut noter dailleurs que le public francais prend connaissance du Concept de Fangoisse, tra- duit une premiére fois en 1935, en méme temps quil découvre Sein und Zeit De Kierkegaard, Heidegger a dit quill était le seul Penseur véritablement & la hauteur du destin de son temps. C'est-i-dire, selon Heidegger, le temps de la fin de la philosophie. Mais od commence et oil finit ce temps? Quand Heidegger formule cela, en 1932, il est peu probable quill songe au Danemark de la premiére moitié du XIX siécle, En réalité, Kierkegaard, quoique mort en 1855, apparait comme un penseur du XX" siacle rhabillé par Martin Heidegger : c'est a ce titre quil est intégré dans ce qui germe alors dans la tradition philosophique francaise et qui prendra bientét tout son fessor, & savoir le mouvement existentialiste avec Jean Wahl, Gabriel Marcel, avec Sartre naturellement et Merieau-Ponty. ‘Alors, comme on a pu faire un temps une lecture heideggerienne de Lacan, et comme Lacan lui-méme met- ‘ait Heidegger trés haut, on s'est d'abord peu apercu de Voriginalité de ses remarques a propos de Kierkegaard En dehors de la mouvance existentialist, il nly eut guére de travaux trés inspirés en France concernant Kierkegaard. La encore, le contraste est grand avec Nietzsche et les dizaines d'ouvrages qui lui ont été consacrés. Aprés les Etudes kierkegaardiennes de Jean Wahl publiées en 1938, il y eut certes d'autres travaux méri- toires pour introduire a ['ceuvre dans son ensemble, ceux d/André Clair ou de Jacques Colette, mais il faut bien dire que la littérature kierkegaardienne frangaise est terne. Une exception 4 cette grisallle, mentionner Aparté, premier livre dune jeune éleve de Jacques Derrida, un livre que dessert seulement ce qu'elle croit devoir 4 Nicolas Abraham et Maria Torok, auteurs d'un livre qui avait terrifié Lacan a Mépoque: Le verbier de homme aux loups. C'est un livre, ma foi, fort plaisane, passé un peu inapercu a 'époque, dont auteur est bien connu aujourd'hui, puisquill s'agit de Syiviane Agacinski Dans son Journal interrompu, dont je n’ai lu que quelques pages, elle réve, dans les circonstances que vous savez, de revenir a Kierkegaard! C'est méme li-dessus que le journal s‘interrompt, non sans avoir exprimé, semble-t- il, une certaine facherie avec Jacques Derrida. De maniére générale, deux écueils sont & éviter sur lesquels butent parfois délibérément certains auteurs. Soit quils veuillent restituer le message de Kierkegaard dans Une stricte perspective d'édification chrétienne, c'est-i-dire en disqualifant toute une partie essentielle de lceuvre pseudonyme; soit au contraire en se prenant au malen- tendu tramé par ses masques et ne retenant de Kierkegaard qu'une esthétique de la séduction superticelle On a pu aussi s'attacher 4 lire Kierkegaard pour des raisons cliniques parce que c'est un grand cas de mélancolie, Cela, c'est incontestable : c'est méme un auto- fiagnostic et cela nous a valu certaines études intéres- santes, celle de Jean Starobinski par exemple. Mais, il reste que c'est un angle a manier avec précaution et ce mest pas celui que Lacan a privilégie La question qui se pose, en raison de ce que j'ai évoqué des problémes de la traduction en langue fran- saise, est de savoir 4 quels textes Lacan a pu avoir accés. Sauf & apprendre qu'il pratiquait aussi le danois, outre le chinois, le grec, etc. - mais je ne le crois pas car quand parait, dans les années soixante-dix, une réédi- tion des Euvres de amour, il en fait aussitét mention dans son séminaire et invite a se précipiter sur Vie et regne de famour', selon un titre choisi par un traduc- teur qui n’est pas Tisseau. La traduction des CEuvres Completes lui restituera son titre, bien meilleur d'alleurs, car il s'agit en effet d'un éloge de l'amour mais le mot ceuvre nest pas moins essentiel. C'est de la tiche, du devoir de l'amour dont il est question. Alors, on ne peut bien sir exclure que Lacan ait eu connaissance de Kierkegaard en allemand. C'est diilleurs de I'édition allemande qu’est repris le titre Vie et régne de famour. Mais on ne pourrait alors que s’étonner de Tabsence de référence a certains textes. Ainsi, dans Le Séminaire Le transfert ‘fait-il allusion au pastiche kierke- grardien du Banquet, In vino veritas, qui est ainsi titré parce que les convives s'y enivrent joyeusement cependant que, comme vous le savez, au Banquet de Platon, les convives qui, il est. vrai ont déja la gueule de bois, commencent par décider quil ne sera ni nécessaire de senivrer ni @écouter jouer de la flate. Le banquet kierkegaardien Souvre, lui, sur une musique de Mozart Mozart, a qui Kierkegaard a consacré un texte tout & fait admirable qui Sappelle Les étapes spontanées de Pérotime musical EES Lacan mentionne done ce texte dans le Séminaire sur le transfert, mais il ne fait pas référence au Concept en terme «fin», Mais dans cette articulation, ce qui fait fa fin, c'est le moyen, [...] ily a confusion du moyen et de la fin. Toute fin peut servir de moyen. Faisons ici, justement cette simple parenthese [...] que, en prenant cette place, amour divin a chassé ce que je viens de définir comme le désir [...] avec ce gain dune vérité : la vérité du EES trois qui, si je puis dire, paye la chose et la compense. Ce qui est a proprement parler situable a cette place, 4 la place du symbolique en cant quill ne devient que moyen, c'est le désir. Je vous le note en passant, amour chrétien n’a pas éteint, bien loin de 1, le désir. Ce rap- port du corps 4 la mort, il la, si je puis dire, baptisé Lacuité de ces remarques diverses donne le témoi- gnage d'un intérét qui reste quand méme remarquable- ment méconnu. A propos de l'amour par exemple, j'ai €té sidéré, a simplement lire la table des matiéres et Vindex d'un livre récene d'un psychanalyste lacanien = livre qui se présente comme une somme des réfé- rences de Lacan en la matiére — cela s’appelle Lamour de Platon & Lacan: celui-ci réussit cette gageure de ne méme pas mentionner le nom de Kierkegaard en cing cent pages ! Si fai pensé utile de mettre ainsi en série - au risque que cela puisse étre fastidieux — ces remarques de Lacan, ce n'est pas seulement pour les remettre en mémoire. ll me semble que leur rapprochement rend deja parfaitement sensible la profonde cohérence de la lecture de Kierkegaard par Lacan. ll en dégage vérita- blement les points structuraux autour desquels.s'or- donnent les efforts de Kierkegaard pour s’arracher cette exténuation philosophique que Lacan évoque dans “@RSI. en s'exceptant, au travers de la répétition, & la dialectique ou Hegel veut abolir l'existence et en se fai- sant & sa maniére aussi bien ame de Dieu qu’ame de Régine pour se laver de la faute héréditaire a laquelle excsiste le genre humain, depuis le premier homme, ‘Adam, jusqu’a lui, Soren. w 28 SS ST La construction de Puvre et son lien intime a la logique de la vie de Kierkegaard Comment cette ceuvre est-elle construite? Elle se déploie selon deux axes apparemment paralléles, mais que des torsions complexes font se croiser étrangement, composant un édifice 4 architecture d'ensemble trés méditée, mais il faut dire extrémement déroutante et nouée au plus intime de la vie de son auteur. Diune pare, il y a les écrits pseudonymes, qui sont nombreux et chacun a déchifirer. D’autre part, les écrits édifiants, signés par Kierkegaard de son nom propre. Il s'agit, pour la plupart, de sermons mais enfin, trés peu dlentre eux [cing ou six, pas plus] ont été effectivement prononeés. Kierkegaard, qui était pasteur, n'a pas eu charge de paroisse. II publait presque toujours simultanément un écrit édifiant de la main droite et un écrit pseudonyme de la main gauche. Parfois, plusieurs ouvrages pseudonymes paraissent en méme temps, je Vai indiqué. Les choses se compliquent encore au point que lun des auteurs pseu- donymes peut s'étonner de ce quia chaque fois quill prend la plume, écrit auquel justement il était en train de pen- ser parait comme par miracle sous un autre pseudonyme. Sur ces stratégies éditoriales brouillant les pistes plaisir, Kierkegaard s'est expliqué dans un écrie que, fina- lement, il ne publia pas: «Poine de vue définiif sur: mon, ceuvre d'écrivain », C'est que ce point de vue allait fina- lement vaciller et basculer en acte. A la fin de sa vie, Kierkegaard renonce soudain a la pseudonymie et se rue a visage découvert dans une polémique violente avec Véglise danoise, polémique sur laquelle je reviendrai et dans laquelle il laisse diailleurs ses dernieres forces. Ce qui structure ordonnancement trés médité de Voeuvre est un ternaire au travers duquel se déploie a toute cette polyphonie. Ce ternaire est celui des Stades sur fe chemin de la vie par o¥ Kierkegaard fait valoir lune tout autre dialectique que celle de la Phénoménologie de Tesprit. Ces stades esthétiques, éthiques et religieux ne sont, en réalité, pas du tout les étapes d'un déve- loppement : d'un mouvement qui, partant du stade esthé- tique [celui de limmédiateté] passant par son contraire, celui du stade éthique [celui de la responsabilité sociale], conduirait & son dépassement ultime dans le stade reli gieux. Aucune médiation — ce concept hégélien consti- | ‘ue, pour Kierkegaard, le tour de passe-passe par excel- | lence — n'est a I'ceuvre dans les paradoxes qui animent chacun de ces stades. Il y a, c'est vrai, des confins entre | Véthique et lesthétique, des confins entre l'éthique et | le religieux. Mais pas plus quill n'y a de voie conduisant | rationnellement du monde paien celui de la grace, il| ny a de voie authentique qui puisse étre empruncée | | | dans existence singuligre d'un homme dont le tracé soit en rien ainsi prévisible | Diun stade a lautre s'opérent des sauts, aux risques et aux conséquences incalculables par avance. Et le décours de la vie de Kierkegaard luieméme en est un témoignage. Par la rupture de ses fiancailles, il se trouve rejeté du stade éthique oii il s'engageait, le mariage étant le symbole par excellence de ce stade. II se retrouve en apparence dans la peau d'un esthéticien cynique et il en prend trés complaisamment allure, dol, par exemple, Tronique exergue des Miettes philosophiques: Mieux vaut étre bien pendu que mal marié! Pourtant, le choix qui s'est opéré en lui a ce moment est celui du religieux, mais, paradoxalement, Crest a la tiche de douter de tout quil ne fait pas seu- lement semblant de s'appliquer, mais a laquelle il se plie avec zéle pour marquer avec éclat que ce quil désigne comme le stade religieux ne se rejoint que malgré la Joi, dans un désespoir redoublé dont il faie lécole de son christianisme, ‘Ala spéculation hégélienne ot tout est mis en rela- tion avec tout, oii [a vérieé se déploie comme savoir de fagon telle que Pabsolu se déduit dans un résultat ration- nel, telle fa réalisation du sujet au travers de Histoire universelle dans ses aliénations et leur dépassement suc- cessifs, Kierkegaard oppose une autre dialectique: celle du choix et de la séparation, de Ou bien... ou bien, non pas dans Vexaltation romantique de la subjectvité mais dans un effort pour penser le réel particuligrement bien formulé dans ce passage du Concept de fangoisse fort judicieusement épinglé par Laura Sokolowsky pour cette conférence: «A couronner ainsi le fronton de la der- nigre partie de la logique du mot de Réalté, on se donne Var défa, sans sortir de la logique, d'etre arrive au fate de la connaissance ou, si on veut, a son minimum. La perte cependant saute aux yeux; car ni la logique ni le réel n'y gagnent. Ni le réel: car jamais le hasard qui lui est essentiellement inhérent, n'entre par la porte de la logique; ni cette demniére, car pour elle penser le réel, Cest absorber quelque chose dinassimilable et tomber dans une anticipation de ce qu'elle ne peut que prédis- poser. Le chatiment éclate: toute réflexion sur ce qu’est le réel en devient difficile ec méme, pour un temps, impossible, parce quill faut d'abord au mot comme un délat pour sy retrouver, pour oublier erreur »”. On peut évidemment tenir cette opposition entre Hegel et Kierkegaard comme, au fond, indépassable. Considérer, comme le formule Etienne Gilson, dans son ouvrage L'Etre et l'essence, que cette opposition consti- tue «un de ces dialogues inoubliables qui sont Thon- neur de la pensée humaine et, pour ainsi dire, ses som- EIS mets »'*, Mais, comme il ne s'agit pas pour nous de faire de Thistoire de la philosophie, et encore moins Thistoire des idées, je ne vais pas reprendre toutes les arcanes de ce dialogue et je me propose plutét de nous arré- ter a présent sur une petite miette, sur ce petit pas- sage de LAltematie que javais donné en annonce de cette conférence, o¥ nous trouvons, & vrai dire, conden- sées bien des choses déployées dans l'ceuvre sur ces deux axes: crits édiflants et écrits pseudonymes. «cll est assez étrange qu'on puisse se former lidée de l'éternité par les deux contraires les plus opposés. Si je pense & ce malheureux comptable qui perdit esprit de désespoir ~ il avait ruiné une maison de commerce fen calculant dans ses comptes que 7 et 6 faisaient 14; si je me imagine, jour aprés jour indifférene 4 toute autre chose, se répétant 4 luiméme: 7 et 6=14, jai alors une image de l'éternité. Si je m'imagine dans un harem une femme belle et voluptueuse se reposant dans toute sa grice sur un divan, sans se soucier du reste du monde, j'ai alors une nouvelle image de I'éternité »'s Ce petit texte est extrait des « Diapsalmata» qui ouvrent L’Akternative, son premier grand ouvrage source de tous les malentendus. C'est un des huit chapitres de la premiére partie, qui contient également «Le Journal du séducteur ». La premiére partie de Qu bien... ou bien [Enten-Eller] reprend les papiers de deux personages [désignés par A et B], et elle est publiée par un tre -siéme qui s'appelle Victor Eremita. En réalité, « Le Journal du séducteur» ne constitue donc que des papiers de un de ces deux personnages trouvés par Victor Eremita ! | faut resituer ce « Journal...» dans le contexte de 'en- semble. Bien entendu, dés la réception de l'ceuvre, on a isolé «Le Journal du séducteur», en y voyant le décalque cynique de l'histoire de Soren et de Régine, 29 30 Se Cet extrait des « Diapsalmata », lui aussi, condense bien des choses du drame personnel de Kierkegaard tan- t6t en proie a une malédiction familiale indélébile et tan- t6t en proie au ravissement divin ot! le transporte le mystére de la feminité. Enten-Eller c'est, entre parenthases, Je surnom qui lui fut donné a partir de la publication de ce livre dans le journal satyrique Le Corsaire, de sorte que les gamins dans les rues de Copenhague, quand ils voyaient passer Kierkegeard qui était trés reconnaissable car il était un peu disgracieux — il avait une bosse — le pourchassaient en lappelant Enten-Eller. C'est d'ailleurs dans Le Corsaire qu’a été publiée la caricature reprise également dans l'annonce de cette conférence. Deux images immobiles de ['éternité: l'une, celle d'un malheureux employé, coupable d'une erreur fatale dans ses comptes, ressassant les signifants de sa méprise dans une damnation éternelle; autre, celle d'une femme belle et voluptueuse, ignorante des affaires du monde, qui fait évidemment songer aux propos de Freud sur le nar- cissisme fascinant des femmes et des grands fauves. Comme dans ‘une peinture du Jugement Dernier, le rap- prochement de ces deux images accentue naturellement le caractére de damnation éternelle de la premiére et de voluptueuse béatitude de la deuxiéme. Un autre passage des «Diaspalmata» nous indique, si besoin était, qui il faut reconnaitre derriére cette figure du comprable. Crest le passage suivant dont on retrouve dans son Journal cer- taines parties quasi a Iidentique. «Je suis découragé - comme un Schéva, faible et négligé comme un Dagesch lene [il s'agit !& de signes de ponctuation hébraique dont je dois dire que je suis fort ignorant], je me sens comme lune lettre imprimée a rebours dans la ligne, et pourtant, hhautain comme un Pacha 4 trois queues, jaloux de moi méme et de mes pensées comme la Banque de ses billets ; en somme: aussi réfléchi en moiméme que simporte uel pronomen reflexium. Oui, si-ce qui Yaut_ pour les bonnes actions faites en pleine conscience vaut aussi pour | les malheurs et les peines, si ceux qui y partcipent récol | tent leur récompens, ici comme li, je seal alors Phomme le plus heureux du monde: car [antcipe sur tous. les chgrins et cependant je les garde toujours» Dune part done, un sujet identité & une coqulle, a une lettre en travers de fa ligne, 8 une faute de cal cul, bref, @ une erreur dans la chaine signifante, & une lettre hors. sens irrésorbable en clle-ci, sujet dont Vunique erésor,alousemene garde, ext la peine et le cha- grin, D'autre pare, un sujet pris dans la contiguté de sa propre jouissance, soustrait aux signfcations mondaines, Noisinage cruel que celui de ces deux figures dont ia rencontre ne peut tenir que de Timpossible, mais qui se recoupent cependant en ce que ces deux étres sont, un et autre, dans et hors du monde, indifférent & toutes | choses pour Tun, sans se soucier du reste du monde | pour Tautre. Pour le premier, le temps sabime dans ut | | passé réduit a la répétition incessante du méme compte fatal, gel du temps dont il n'est pas rare que témoigne la clinique de la mélancolie. Pour la deuxiéme, étrangére ‘au monde oi cependant elle repose gracieusement dans le harem, et, simultanément, pas-toute dans le harem, le ‘temps se dilue en un pur présent soustrait a toute ponc- tuation. Quant a la métaphore phallique des trois queues dans le second passage, elle ne doit pas nous abuser Ces plumes du paon ne sont que la transfiguration des pensées morbides dont jouit secrétement le pacha. I mest que de lire un passage confondant du Concept de rangoisse pour comprendre que la queue ne compte pas en Taffaire, Dans ce texte od Kierkegaard articule de maniére géniale la faute, le langage et la jouissance, la localisation phallique de la jouissance se dénude comme forclose. Sur ce qui imaginarise dans le texte de la Genése & savoir le serpent, Kierkegaard écrit en effet: «Javoue qu’a ce propos, je n'ai aucune espéce didée ». Mais sur fond de cette carence, cest au désir d'un bien au-dela de l'objet @, au « désir d'un bien au second degré» note Lacan dans Encore, que le conduit sa petite histoire de séducteur avec Régine”, «la rupture de mes fiancailles fut, si jose dire, éerit-il dans son Journal, mes fiancailles avec Dieu ». Evi- demment, 'amour qu'il ne cessera de porter a Régine, apres y avoir renoncé, sera, a tous égards, un amour fou et donc, un amour mort. C'est méme comme cela quiil Ia désigne expressément dans un passage de son Journal ots il évoque son défunt pére aimé et, dil, « une autre morte, notre petite Ra nous». Il la désigne [A de cette lettre: R, entourée d'un cercle. Son ceuvre, écrite pour étre déposée en hommage aux pieds de Regine, est ceuvre de lamour assurément, mais au sens ol! la plus haute des ceuvres de l'amour est amour porté aux défunts. C’est_ un amour qui, prenant le symbolique comme moyen, ainsi que lindique Lacan dans « Les non- dupes erent», chasse le désir de sa place et le sup- plante de facon telle que le rapport au corps vivant, au corps sexué, s'insensibilise et quil n'y ait plus de corps que mort et de mort que de corps. La lettre R, sym- bole de son union avec Régine, puisqu'l lavait fait d'abord graver sur leurs anneaux de fiancailles, devient alors 'em- blame de cette mort, de cette mort du corps et de la séparation radicale 4 travers laquelle l'amour est, pour Kierkegaard, émancipation d'une faute: un amour non réciproque, non reconnaissable 4 son objet. La répétition est linstrument de cette opération de séparation et de l'émancipation diavec la faute et Régine ees en est agent. La répétition est le signiiant nouveau & par- tir duquel les deux images immobiles de léternité se dia- lectisent et entrent dans une temporalité immédiate. Elle est le point d'Archiméde par ot) se réordonne le monde et par lequel est épargné & Kierkegaard le sort quill évoque dans les premiers paragraphes de U’Attemative: « Qu’est-ce quiun poste? se demande-til. Un homme malheureux qui cache dans son coeur de profondes souffrances et dont les levres sont ainsi faites qu’elles transforment le soupir et le cri qui en jallissent, en une musique belle. ll par- tage le sort des malheureux, torturés lentement, & petit feu, dans le taureau de Phalaris — leurs cris n/arrivaient pas 4 oreile du Tyran pour lépouvanter, mais résonnaient fen elle ainsi qu'une douce musique »! II s'agit la du récit de tortures auxquelles étaient soumises les victimes de Denis de Syracuse et cette his- toire avait aussi beaucoup fasciné Léopold Sacher-Masoch. A partir du signifiant sans pair de la répétition, ce «bon viewx mot danois sans équivalent dans aucune autre langue», Kierkegaard échappe a cette esthétique du désespoir a laquelle sa vocation de poate le condam- nait, Il sera poste, oul, mais poste religieux, prétant pas- sionnément sa voix aux autres pseudonymes dont cha- cun indique un des paradoxes de existence. La répétition, elle, est & proprement parler répétition d'au- cun terme puisque sa voie ne se fait jour qu'une fois que tout ce qui s'annongait précédemment s'est avéré -autant de signes d'une répétition impossible. La répéti- tion vient arracher le sujet a toutes ses déterminations antérieures, de méme que, dans I’histoire biblique, le sur- gissement du bélier se substituant a Isaac réalise la méta- phore primordiale par oti le pére innommable de la jouissance s'efface derrigre le Nom-du-Pére : E/ Choddai, le dieu des montagnes, avide de sang — comme tous les 2 autres dieux avec lesquels il rivalise — s'efface derriére le Diou sans pair d’Abraham, d'lsaac et de Jacob. De mame, Régine, La femme, vient-elle se loger en cette place laissée vacante par le signifiant jamais advenu du Nom-du-Pére. Occupant la place du partenaire man- quant, de celle qui se trouve en se perdant, Régine fait signe & Kierkegaard de la face Dieu de la jouissance fémi- nine. Le singulier «cas Régine», comme évoque Lacan dans Encore, se situe ainsi «entre une existence qui se trowe de saffrmer, et la femme en tant quelle ne se ‘trouve pas»!?, Régine sans doute existait et en méme ‘temps, son nom ne designe plus aucun étre fini. Elle est sa fiancée pour I'éternité et son mariage avec le dénommé Schlegel la constitue de fait dans le réel en partenaire manquant. Paradoxalement, le réel de fa rencontre man- quée se retourne dans la répétition qui en procede en signe de Tinfn ‘On voit en quoi cette catégorie de la répétition S‘oppose & la fois a lidée platonicienne de la réminis- cence et a Tidée hégélienne de fa médiation. Elle est un saut, une création ex nihilo, & la suite de laquelle le sujet ne retrouve rien mais qui, nouant le temps et l'éternité dans instant de son surgissement, produit du nouveau. au coeur du sujet lui-méme dans une précipitation qu’aprés tout nous pourrions peut-étre comparer 4 un effet de passe. Encore seraitil plus juste de dire que leffet de passe a la structure de la répétition comme création. Je ne me risquerai pas 4 trop de considérations hasardeuses - lasdessus et jen viens donc 4 mon, point ultime. Du problame des Miettes @ Vinstant Les Miettes philosophiques paraissent en 1841, en méme temps donc que Le concept de langoisse et, dans ce titre, le mot «philosophique» est naturellement a entendre de fagon dévalorisante, voire antiphrasique. | Crest pourquoi Lacan I'a un jour paraphrasé en quali- fiant son enseignement ~ son effort pour appréhende des bouts de réel — de «miettes certes peu philoso- | phiques ». Ce sont des riens, mais des riens aux consé- | quences dévastatrices pour la philosophie, comme Sartre | sich gue MerlntPoreyTavlet mesuré en ui, | les premiers, Kierkegaard d'antiphilosophe. A ces riens | succédera ailleurs un PostScriprum aux Miettes, titre | ironique puisqu'll s'agit d'un livre au moins cing fois plus } voluminebx que ces Miewerellex-mémes Vous voyer done | que ces dernigres ont de lourdes conséquences, | Quel est le probléme des Miettes? C’est la : question de savoir si la vérité peut s'apprendre. Pour Socrate, au fond, tout homme posséde la vérité et il Siagit de Ten accoucher. Mais & instant ol homme découvre que, de toute éternité, il a su la vérité sans le savoir, cet instant se résorbe dans l’éternel, sincor- pore en lui, de sorte que, si on le cherchait, cet ins- tant resterait introuvable car il n’est pas ici ou la, mais il est partout et nulle part. A cette conception socratique, Kierkegaard oppose celle d'un disciple qui est hors savoir, mais qui a recu la condition de savoir. Un disciple qui est non-vérité, Gui, de cette condition recue, a été dépouillé et cela, ar sa propre faute. C'est la conception de la faute que développe Le concept de langoisse. Un tel disciple ne Pourra retrouver la condition de la vérité qu'avec le secours d'un maitre qui, 4 la fois, le sauve, le délivre et le réconcilie. Linstant de ce secours est d'une nature particuligre. Sans doute est-l bref et temporel comme Vest tout instant, passant comme tout autre dans I'ns- tant daprés, et pourtant il est instant décisif, plein déternité : il est « plénitude du temps» dit Kierkegaard reprenant une expression de Saint-Paul. Pourquoi ? Parce quil fait de "homme un autre homme, un homme nou- veau, recevant la condition et par la la vérité. Il s'opere en lui un changement comme le passage du non-étre a Tetre, Celui qui existe ne peut naitre et pourtant il naft. La est le paradoxe, Cet homme qui est re-né doit tout 4 ce maltre divin et, dés lors, il doit s‘oublier lui-méme fen pensant 4 ce maitre et témoigner de ce quill saisit dans cet instant sans égal ot! la vérité lui est révélée, Instant inoubliable parce que léternel qui n'était pas auparavant est advenu dans Finstant. Le vrai probléme des Miettes est done de savoir comment une béatitude éternelle peut ére édifiée sur une connaissance historique. Autrement dit, on ne nait pas chrétien : appartenir 2 V'Eglise est pour Kierkegaard tun signe trés douteux d'étre chrétien. «De méme, écrit- il dans le Post-Scriptum..., que naguére il a fallu de la force et de la conviction pour se dire chrétien, il en faut davantage aujourd'hui pour renoncer a étre chrétien ». Kierkegaard était, bien entendu, un adversaire farouche du baptéme des enfants et Johannes Climacus qui écrit ce livre ne se donne pas lui-méme pour un chrétien ‘Tout le paradoxe du christianisme tient done en ceci que le Christ a été effectivement un personnage historique, que l'éternel s'est fait chair, que le fils de Dieu est venu parmi les hommes comme celui par qui le scandale arrive. La question de Linstant est donc de savoir comment étre lun contemporain du Christ. Avec la venue du Christ, ame de Dieu, qui a poussé les choses jusqu’au dernier terme de Vangoisse dans le sacrifice «commence, disait Lacan, un drame qui bouleverse notre rapport a Dieu». ‘On saisit donc que Régine, pour Kierkegaard, fut en somme la condition, l'occasion de s'éprouver comme ee pécheur, cependant que instant, la possibilité de lins- tant décisif qui se fait jour 4 ce moment, se juge, lu, & toutes ses consequences dans le franchissement de an- goisse. A cet égard, ce qui nous donne la pleine mesure de ce franchissement et de cette angoisse ce sont les textes ultimes crits par Kierkegaard et publiés sous ce titre : Linstant. Quil ny ait qu’une preuve de la vérieé du christia- nisme, soit Vangoisse du péché et le courment qui pous- sent homme a franchir la mince démarcation entre le désespoir qui confine a la folie et le christanisme, voila ce quill sagit pour Kierkegaard de chmer a la face du monde en ses textes ultimes oi il satraque & visage décou- vert, dans une héroique fureur, a Eglise officielle luthé- rienne, au gouvernement, & "Etat et méme a la personne du roi. Ce sont des textes d'une violence inouie ot les fonctionnaires de IEgise, ce bataillon de parasites auquel Etat offre des allocations, qui vivent bourgeoisement a Tabri de leurs rentes de situation, ces menteurs, ces rhé teurs hypocrites, ces médiocres, ces cannibales sont vil pendés comme des traftres qui professent un christianisme douillet qui est le contraire du christianisme, Aujourd’hui, tempéte Kierkegaard, tout le monde est chrétien, de sorte quion ne considére plus quil faut des pasteurs pour le troupeau des fidales, mais quill faut un million de chré- tiens pour justiier existence de mille fonctionnaires <'E- ‘at. II faut naturellement veiler au maintien de ce chiffre pour assurer leur traitement. Le christianisme est devenu une comédie, FEgise fait insulte au Christ. Cela n’engage pas plus de se dire chrétien a présent que de se dire homme. On n’en tire pas plus de conséquence que si on décrétait que tout le monde est repris de justice. Il y aurait des repris de justice professeurs, prétres, médecins, 3 34 ministres et d'autres repris de justice qui seraient des repris de justice. Voila, les choses continueraient comme avant, ni mieux, ni moins bien. Sa tache socratique, car Kierkegaard non plus n’ose pas se dire chrétien, consiste dés lors réviser la notion de la condition de chrétien et 4 montrer que, en réa- lité, il nly a plus de chrétien, que le christianisme est tombé dans un abime. C’est done pour lui instant. instant est venu quand homme opportun est venu. Et cet homme, cette exception, cette singularité qui fait tache dans le tableau de son époque, ce sera lui, Soren Kierkegaard, Qu’est-ce qui décide Kierkegaard a partir ainsi en croisade? C'est une oraison funébre prononcée aux obséques de l'évéque Mynster qui fut lami et le confes- seur de son pére. Mynster quill tenait pour responsable de cet abaissement de la chrétienté. Martensen, qui sera le successeur de Munster, avait salué le disparu comme un martyr témoin de la vérité. Cet éloge est insuppor- table pour Kierkegaard et il lui faut d&s ce moment se séparer de VEglse. Kierkegaard était tout de méme pas- teur, son frére était évéque, son pére était lami intime de Mynster. Cette séparation davec MEglise entraine du méme coup séparation avec ce qui lui reste de famille. Crest & nouveau 'heure d'un choix radical, comme au moment de fa rupture des fiancalles et il lui faut agir cela doit étre dit, que ce soit done dit. Mais il y a un autre horizon a ce passage a Vacte.” En se montrant sur la scéne du monde, en se ruant sur cette scéne, Kierkegaard en réalité en sort. En se mariant avec Schlegel, Régine avait, au fond, comme mieux, assuré sa place structurale de partenaire manquant. C'est son mariage que Kierkegaard apprend d’ailleurs pendant. quil écrit La Répétition — la nouvelle, bien sir, en infié- chit Véeriture — qui lui a ouvert la voie de la répéti tion au sens quil a indiqué, d'une sortie du désespoir et fait de lui le vigile de Copenhague, ville de sa bien- aimée. igilius Haufniensis est ainsi quil signe Le concept | de Fangoisse. Or en 1854, année du décés de Mynster, Schlegel est nommé gouverneur des Antilles danoises et va done quitter le Danemark avec son épouse. i ‘On peut des lors, sans risquer de beaucoup se | tromper, présumer que cette nowelle fut pour | Kierkegaard un nouveau et ultime tremblement de terre, expression quill employait pour évoquer le moment | déclenchant de sa mélancolie, celui ol la malédiction | paternelle lui apparait comme Iinfaillible loi, écrit-il dans | son journal, guidane tous les phénoménes. | In a, disait Lacan, qu'une maniére de pouvoir écrie La femme sans avoir a barrer le La: C'est le niveau oi La femme, cest la vérité. La femme disparue emporte la | wire Ee Yon vie Han di lors pour Ia cacnrs A | pseudonymie s'effondre. Kierkegrard qui se disait ironi quement, comme auteur, le rebut des ceuvres pseudo- riymes se trouve réellement 4 cette place de rebut. I appelle alors sur lui les persécutions et les crachats et i ne cache pas que clest ce quill veut obtenir par cere polémique. Régine peut-étre bien existait, note done Lacan Sans doute lui était-elle devenue inaccessible. Elle n’en était pas moins la, unie & lui pour 'ternité, pensait-i Et cet impensable départ, et la mince démarcation entre la folie et le christianisme apparait alors dans toute sz lumiére. Non pas que les textes de Linstant’ soient les textes d'un fou: ce sont des textes ole christianisme lui-méme est présenté comme un acte de folie, comme une passion au sens de Limitation de Jésus-Christ, comme un martyr, au sens oi se réalise pour Kierkegaard son destin christique dame de Dieu, a ce niveau petit a de résidu, dobjet chu, dont il s'agit essentiellement dans Vaventure chrétienne comme T'indique Lacan A la question socratique de savoir sila vérité peut sapprendre, Kierkegaard répond donc: oui, elle peut s'appendre. Lhomme qui est dans la non vérité a regu pour cela la condition. I! n'a pas oublié la vérité, comme le pensait Socrate, mais il a perdu la condition. A la recevoir une deuxiéme fois, il peut donc apprendre la vérité. Mais surtout, il peut en témoigner. Et jusqu’a cet instant final, Kierkegaard fut en effet un témoin, un témoin de ce qu'une de nos collégues, Pauline Prost, dans un colloque & Nantes, avait joliment nommé «son analyse avec Dieu ». Yves DEPELSENAIRE |1On peue trouver aujourd'hui plusieurs traductions differences de la lupare des ceuvres maeures de Kierkapiard, Celle des, uvres Completes par PaulsHenri Tisseau, publiée aux écltions de TOrance [Paris, 1966-1987), reste inconcaurmable, A noter qu'elle ne com. rend pas les « Papirer», soit les textes inédis, dont une part cone. fue ce quil est convenu eappeler son Journal [Kierkegeard 5. Journal, Exoits, traduction frangaise de K.Ferlov & Je}. Gateau, § volumes, Paris, Galimard, 1950-196}. 2Adorno T. W,, Kierkegaard: const ration de Vesthésque, Pars, Payot, 3 Wahl Jn Etudes kieregoardionnes, Paris, Aubier, 1938; Agacinski S, Aparté Conceptions et morts_de Soren Kierkegord, Paris, Aubler? Flammarion, 1977; Agacinslé 5, Jounal interompu, Pars, Seul, 2002 “Kierkegsard 5, Yie et régne de lamour, trad, BVilladsen, Pais, Aber 194s, Stacan J. Le Séminaire Ure I, Le moi dans a théorie de Freud et dans fo technique de lo psychonalyee, Pars, Seul, 1978, p. 110. Glacan J, Le Séminaire Lire XI les quae concepts fondamentaux de |e psychanalyse, Paris, Seu, 1973, p59 eee 7lacan J. Le Séminaire Lire X, « Uangoisse» [1962-1963], legon du Sears 1963, ined. Btacan J, Le Séminaire Lvre Xi, op. cit, p. 3. 9 Lacan J. Le Séminaire Lime XXU, « RS.» (1974-1975), Omicar?, n° 4, Paris, Navarn. 1975, legon du 18 février 1975, pp. I04-105, Lacan J, Le Séminaire Lire XX, Encore, Paris, Sell 1975, pp. Tl & 94 Lacan J, Le Séminaire Live XX), «Les non-dupes errene [1973. 1974}, legon du 18 décembre 1973, inécie !2«Une bonne pendaison évite souvent un mawvis mariage n Shakespeare W Lo nuit des Ras, Pars, Sylepse, 1996, p.25. | 3 Klercegaard S, Le concept de Fangs, rad de K, Feriow & J+, Gateau, Paris, Gallimard, 1935, p16 4 Gilson E. Vive et festence, Paris, Vrin, 1987, p. 251 |Skierkegnard S, « Diapsalmata », Qu bien... ov bie, trad, de Fee O.Prior & MH. Gulgnor, Paris, Gallimard, 1943, p28, 16 bid, . 20. 7acan Jj Le Séminaire Live XX, op. ct, p71 '8Kierkegiard S, «Diapsalmata», op ot. p17 19lacan J, Le Séminaire Le XX, ep. ct, . 94 * Kierkegaard S, Linton, trad BH Tisseau,Bazoges-on-Pareds (France), Ed, Tisseau, 1948. Grice 4 doux auditeurs présents A catte soiree de FEnvers de Faris, j3i pris connaissance d'une allusion de Lacan t ostant comme au «testament de Kierkegtard dans une conte Fence prononeée au Grand-Orient de France le 25 avril 1969, 35

You might also like