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RECHERCHES SUR L'HISTOIRE DE L'ANESTHESIE AVANT 1846 BAR MARGUERITE L. BAUR. INTRODUCTION. De tout temps, la médecine vest fait un devoir de soulager Jes douleurs humaines par les moyens A sa portée. ¢ moyens t les races et les varient beaucoup suiva 1 plete de la sensibilité nerveuse pendant les epenitions a toujours cpoques. * probleme qui concerne la suppression plus ou moins com occupe la pensce des chirurgiens. Cependant ce n'est gue de nos jours, grice au développement de la science et a la découverte de I'éther et du chloroforme que nous sommes parvenus 4 un resultat a peu pres satisfaisant. i] m’a semblé interessant d’exposer les moyens employ¢s an- ciennement pow provoquer une anesthésie, et jar essaye de les reproduire expérimentalement pour juger de leur efficacite. Malheureusement, les indiquations que j'ai trouvdes sont parfois fort incompletes, Dans la premicre partie de cette ctude, j¢numerai les diverses méthodes d’anesthtsie que j'ai trouve Dans la deuxiéme partie, je controler s clans les textes anciens, i par l'expérience quel- ques-uns de ces moyens, pour pouvoir me rendre compte de limportance d'une narcose ou d’une an thésic a cette cpoque. a pas parfaite, le mode de préparation n’étant souvent pas indiquc; une autre difficulte surgit 4 propos des simples. Ceux qui sont employs aujourd "hui La reproduction de ces experiences ne 25 correspondent-ils aux substances employées alors? Cette question ne peut étre résolue facilement; je m’en tiendrai au plus vraisemblable. J'estime toutefois que l'on parviendra quand méme a se rendre compte des moyens d’anesthésie qui étaient a la disposition des chirurgiens des temps passés. ANESTHESIE DANS L’ANTIQUITE. Peu de documents de l’époque ancienne nous renseignent sur les moyens d’anesthésie alors en usage, Mais je ne puis conclure de ce fait que ces moyens manquaient complétement ou n‘étatent pas connus. Un hasard quelconque a peut-étre détruit ces documents qui nous auraient orientés clairement; ou bien ces textes précieux, ces recettes si recherchées, n’ont-elles pas été écrites? Un secret qui dotait son possesseur d'un pouvoir quasi- surnaturel n'était pas fait pour étre divulgué facilement; en outre, if ctait important qu'il restat entre des mains habiles et honnetes. Ces médecins, qui avaient de la morale professionnelle, voulaient ainsi, grace A la transmission orale, éviter de livrer leur bien & un médecin indigne de porter ce nom. Quelle que soit la cause qui nous a frustrés de ces pieces, nous ne pouvons que la déplorer, car notre connaissance demeure rudimentaive et notre curiosité n'est pas satisfaite. De Vépoque gréco-latine, voici queiques passages que nous trouvons chez Dioscoride ') dans son chapitre sur la mandragore *). Aprés avoir fait une description de la plante, |’auteur nous parie des différentes maniéres de la préparer et de ses vertus. ‘ entur et conficiantur cum aqua tepida et liniatur ex eo pannus et intende cum eo ad frontem et timpora. Cum ergo tuur, J, terantur et yolueris, ut surgat ille, qui dermit, accipe Janam mundam ct madefac eam in aceto forti et exprime surget enim; aut fac sternutare cum condisi. m in aasum eius, En voici un du Codex palatinus latinus riips Sin stared nnd varsucht staff macitenie tranch *). «Nym eyn hantvol weysser mahen unde geusse daruff wasser, daz sy gar bedeckt, unde Jaz sy sten ein tag und eyn nacht. Darnach bewege sy oder rir unde sewd sy bey cinem cleinen kolfewer wyss czwey teyl ein gesoten synt; daz dritte teyl saltu seyhen durch ein grob tuch und ausstriicken und dic j hefen wirff hinwegk. Darnach nym davan cawey teyl unde honigs ein teyl unde seude das, daz ess czu einer massa wirt unde dick das j lange, saltu ess syden, unde behalde daz, unde wen du sein Wilt gebrauchen, so cau lasse ess jn coriander wasser unde jus- probablement de 1300.V, Stentor, Chisirgie in Mirtelalter 1, 73 quiami unde Jactuce, mahend, safrani unde mandragore, czu reybe dy. unde conficir sy mit honig” '). Certains auteurs trouvent aux potions la méme valeur anesthé- siante qu’aux éponges soporifiques. Varignana dans son chapitre DE ViGILIA déja cité, les enchaine les unes aux autres sans faire de différence. Celle-ci fait suite a la formule de l’éponge citée. Rp. olei anetini: olei de croco: olei camomille, au fiat caput purgium: 9 si necessitas urget fiat additio: ex modico croco 9: opio ci eis: op 5 enim quado tanta somnt inducere ut possit incidi mébru absque dolore. GILBERT L’ANGLAIS ajoute également une potion au bas desa formule de l’éponge et ne semble donner de préférence ni 4 l'une a lautre. D’autres, comme BRUNSCHWIG, GERSDORFF et PFOLSPRUNDT ajoutent aprés leurs formules, qu'il y en a qui donne de l’opium a boire, mais qu'il faut s’en méfier. Certainement la racine de mandragore, a joué un tres grand réle comme narcotique. Nous l’avons vue indiqué comme narcotique chez PLINE et DrioscorIDE. GALIEN et DIOSCORIDE ayant pour ainsi dire servi de modéles 4 la médecine du moyen-dge, on comprend facile- ment que la mandragore, qui occupe déja une place importante chez DioscoribE, ait passé au premier rang comme narcotique chez les auteurs qui les suivent. Tantét le texte méme de Dios- CORIDE est répété en y ajoutant quelques substances indifférentes, tantét la mandragore y entre comme substance narcetique avec d'autres, comme la jusquiame et |’opium: c’est ce dernier genre de composé soporifique, qui a surtout la faveur de l'école arabe. Voici un exemple des formules narcotiques a base de man- dragore d’aprés DioscoriDs*), SNAELLERT cite un Antidotaire du chirurgien JEAN YPERMANN, extrait d’un manuscrit de 1305, (Biblioth. de Bourgogne), et liée 4 cet antidotaire, on trouve une traduction d’un liyre de Droscoripe. Le passage suivant se rapportant a la mandragore peut nous intéresser: 1) Voir aussi dans Jes collect. Salernit 11 97, les differents soporiféres indiqués. 2) SNAELLERT, Bulletin de Ia Soc, de med, de Gand. 1855, p. 54. i+ Mandragora sijn wortelen van cruden ende sijn tweerande ende wast alse man ende wipf.... Ende die Tsap drimet van den mannekine, hi leecht als of hi doot ware. Ende alse die surgine willen swerker, doense so den lieden hier met liggen als of si doat waren: also dat si net en weten wat dat men hem doet. Ende als sise willen doen waken, so nemen si tsap van ruten; een, ende downt hem aegsiju ende genciance ende munget? ov Jopen in die oren, ende dan aut wake Dans les chapitres sur la mandragore (voir aussi Il partie) | chez Aetius et Paul d'Egine on ne trouve quwune indication des qualités soporifiques de la mandragore et une description mtc- regsante d’empoisonnement par la mandragore. Aetius *) pourtant la nomme aussi parm! Jes stupéfiants contre les doulears avee de opium: ysucci mandragorae, styracis, alu- minis scissi cniusque sextantem excipe ac suibeige passo ct ad pastillorum formans reducito” Serapion ') se donne Ja peine de rendre la description de lie mandragore de Dioscoride en citent le chapitre. Voici ce qual ine: dit des effets de lara »Sunt quidam coquentes radicem mandragore cum vino, donee mMinuatur tertia pars elus et colait ac reponunt, et accipiunt iwilias ex €o quantir unius conos ¢t administrant ad superfluas v et ad sedandum dolores et qt fuerit necessarium incider cauterizave aliquod membrum et volumus quod dolor non sen- tiatur, detur in potu ex eo plus et si bibantur duo conos ex suceo ut cortex » aut radicis eius cum melicrato, facit evomere phlegme . radicis intrat in mediciais oculorum et in medicinis quae funt ad sedandos dolores et in nasilibus. Et quando accipitur ex eo medius onolos et quando ponitur in ano sicut suppositorium provocat somnum, Radix vero elus qQ teritur fortiter et fit cum ea emplastrum et aceto curat erisipilam et qt miscetur cum sanich, sedat dolores juncturarum et omnes altos dolores. gore, alia decoc- Fit autem vinum cum cortice radicis mandr: tione secundum istum modum: Accipitur ex ving dulci amphora 1) Prat, Venetiae 1330, De temperamentis: simpliciam, De inant, et morbo COCNNXNUTL 2) 3) Seiapiom, De simplicibus ex plautis cay, 343- jetrabibli teriae 5erma IV. afte 78 una et proijciuntur in ea tres mugnac Tadices clus, ct datue ia potu ex eo quatitas quatuor unalos, im quens necesse est Calte- rizate, aut incidere et non sentict cauterizationem, aut incisionem propter subeth, quod accidit, Exiceantur aut poma et folta mand. sicut dixi ct oportet quod in exicatione eorum: caneatur vapor ab ets; nam (2?) co Rp. odor facit subetu. Serapion donne aussi quelques indications sur le morion de Dioscoride: Est autem alia species plante quam quidam dicunt team miarbus. . ulus lrerbue esse specrem et yucur Radix vero eius est alba, mollis, longa pius parme une et est grossa sicut pollex. .~. Kt dicitur, quod quado existe radict datur alicut in potu aut la cibo, cum pane, aut cum quocumque alio cibe inducit sumentes eam in subeth et dicunt perseveratur <¢o tribus aul quatuor horis. Et ideo medici chirurgiae dant eam git voluat incidere seu itur, quod qui bibitur ista coquere aliqued membrum. Et radix post sulatrum, quod dicitur est tyrriaca suflucant, jl mentionne en plus que ce movion était employe comme cosmétique par les jeunes filles de Habylone, il les renduit toutes rubicondes, sipne de beauteé indénuiable, Avicenne est plus sommaire sur ia man tion spécisle de sun emplol conn gute et ne donne ce anesthesant. pas d'indie ll ja fait ciiteer dans ses compuses sedatits. De uarcolticis sedantibus dolorem. Sumantur opi) dure 5 & croci aure Gaim lacte uaccino © proijeiatur desuper medulia pans & terantur similaginet & fat lene, et fiat cx eis cuaplistruuk ek cowperutur cum 1, dat Incivere €t powatur veo patils wintagene: ceratu ia), rivrach. Vi. apy L crow 1 aint d seuten RB folis sick yusquiami nig cunfiviatar, es Mmiscvatur ¢ my). @b paydivuzn, et ACCS; et iMliigdt, seuAADSue, Jgcte UaALINNG, ct Teseru= quiami alla et Gp et informentur irocliscl ex is, ef Dmimute cua folio. (Et iterum aloes drach. XN. opi) drach, XN. sucer hyus- idos drach, V1. pormorun decnuantuc pam eu entar quianit drach, V. sucharan drach. IV. hypoquise mandragoras AX. ure croc) aure eroel aure IV cam aceta, donec dissuliuartlir, et proijerantur super medi ta proijcitur in Suryre mandragorae ay et fintatur cum ers. Ev iterum mand raz waccing trila: deme taut: coum va color, Ee wmantur, gf Gat ex ets cpitl ex cis fs, Pune stuTax 5 sunt Wie Faye pinrinse, Cam oyu sun 76 infundatur in aqua calida: ct cum inflatur, conquassetur cum oleo rosaceo, et infrigidetur, et liniatur cum co, Parmi les auteurs de |'époque classique et de la premiere partie du Moyen-dge on retrouve des passages dans PAUL D’EGINE'), qui sont une répétition de Galien. Chez ARETEE*) de Cappa- doce, chez APULEIUS ), ct chez Oxmastus ‘), plus tard chez SERAPION ®) et AVICENNA; plus tard encore on les retrouve chez THOMAS DE CANTIMPRE %), ORIBASIUS recommande la mandragore contre les maux d'yeux, sous forme d'emplitre, elle gudrit l'erysipcle. Il ccrit d’autre nart: ,radix cum aceto trita et illata. Item ad morsum serpentis. Radix eius cum aloe aut melle imposita, morsus serpentium sedat, cum aqua folia trita et imposita quira¢las dissolvunt. Item ad articulorum dolores. Praeterea cortici radicis cius lib. et in vino muste amphoram mittite et reponatur ad medicationis usum ut matures exinde potui date unc ij mox ut biberit soporem facit, et ncisionem non sentiet. Le fait que les chirurgicns donnaicnt a leurs malades une potion narcotisante avant de les opérer était connu du public, et il a méme été utilisé dans la littérature de l"epoque. BOCCACE nous en donne un exemple spirituel dans la Xm¢ nouvelle de la qme journée. Un célébre médecin de Salerne, Mazzeo, qui, selon quelques auteurs serait MATHEUS SEVATICUS, chirurgien salerni- tain, contemporain de Boccacs, ayant a faire amputation d'une jambe et craignant que le malade ne puisse supporter la douleur de Vintervention, résolut de l’endormir préalablcment avec une eau que lui seul savait fabriquer. L’opération fut donc différée. Le chirurgien se mit aussitét a distiller cette eau soporifique, et dés qu'il en eut une quantite suffisante, il en remplit unc fiole. Alors BoccacEe développe sur ce théme une intrigue 4 la mode du temps. Le médecin est uppelé au dehors, un jeune galant 1) Pauu Agcineras L. VIL. 2) Aretseus. De causis et signis diuturnorum morborum lib. I. C. 6. 3) Apuleius,.De herbarum viriutis: chap. sur Ia maidragore. 4) Oribasius, de simplici medicina lib. 1, cap. CXVI, mandragorae, 5) Serapion: de simplicibus ex plantis. 77 de sa femme boit par méprise le contenu de la fiole, ct ne se réveille qu'aprés un laps de temps trés prolongé. Voir aussi: Escursioni d’un medico nel Decamerone. (Prof. ALFONSO CoR- RADI. R. Instituto Lombardo. 18 VII. 1878). Trois siécles plus tard, au 16i¢me, CONRAD DE MENGENBERG dans son livre sur la nature, sans mentionner toutefois d’ou il tient ses renscignements, Gcrit encore sur la mandragore comme le faisaiént les auteurs du moyen-age: WILtu ') einschlaffen machen der in einer sOcht liget so nim alraun pulver und misch das mit frauwen milch und mit cyer- klar und Jeg im das mit ein pflaster aff die stirn und boiden ohren aff die schlaff wider den hauptschmerzen der vore hitz kompt. Send sein wurtz mit wein-und gibs dem zetrincken dem man seine glider sol abhawen der besfindet des schmertzens nit vor iibrigen schlaff.... Man macht alraun also man soll des krautsbletter zerstossen mal und mischen mit baumél und das mit cinander sieden dor- nach seiben durch ein tuch das bringt den schlaff und vertreibt den hauptschmertzen und die siebe rigenhitz. A l’époque de la Renaissance, et au commencement des temps modernes, aux i6i¢me et rzitme siécles, ce n'est plus dans les livres de médecine et les pratiques chirurgicales qu’il faut chercher les recettes soporifiques, elles font partic, maintenant, des livres trai- tant des sujets plus généraux. On les trouve chez des auteurs comme Baptista Porta, dans sa ,Magie naturelle” et chez Alber- tus Magnus ,de mirabilibus Mundi”, chez Bodia sans son livre sur la Demonomanie des sorciers, et parmi des crits juridiques, comme la Pratique criminelle de Marsilius Hippolytus, dans des manuels des Inquisiteurs comme celui de Eymericus Nicolaus, et enfin chez les poetes. . SHAKESPEARE fait un emploi assez copieux des soporifiques, dans ses tragédies; et encore il y en a tant d’autres chez qui les’ intrigues se nouent et se dénouent au moyen de drogues stu-, péfiantes. Dans les récits des grands voyageurs aux pays chauds, on 1) Naturbuch von nute, eigenschafft, wunderwirkung und gebrauch aller Gesch6p: Element und Kreaturen etc, Frankfurt 1540, 1V, 48. 78 trouve aussi parmi les descriptions des moeurs des indigénes, de nombreux passages faisant allusion 4 l'emploi de breuvages nar- cotiques. Je citerai quelques exemples. Voici un extrait de la vie de St. KENTECGERNI ') Vita Kentegerni autore jocelino monacho furnensi — Scripsit Jocelinus circa A.D. 1180, Glasguensi ab A.D. 1174 ad 1199. Jocelyn nous raconte l'histoire de Kentegerni. Il vivait environ vers l'année 580 p. J.C.; il le dit ,dce virgine conceptum” et en donne !’explication suivante: Uterinam ad presens silentio servamus quae in poeticis car- minibus, sive in hystoriis non canonicis, inserta reperimus, ad Sacra volumina accedentes, in libro Genesis filias. Lott non solum primos complexus furtim sibi surripuisse sed et-ab ecoden inela- riato, et rei penitus ignaro utramque concepisse legimus.” ,Constat nihilominus nobis multos sumpto patu oblivionis quem physici lethragion vocant, obdormisse, et in membris incisionem et aliquociens adustionem, et in vitalibus abrasionem perpessos, minime sensisse, et post somni excursionem, quae ergo ses¢ actileta fuerant ignorasse, audivimus frequenter sumptis transfi- giis puellarum. pudicitiam expugnatam esse, istamque defloratam corruptorem sui minime nosse.” MIDDLETON, encore*) au milieu du i7itme siécle, utilise dans une tragédie l'image des chirurgiens insensibilisant leurs malades avant de les opérer, pour exprimer l'idée de la pitié humaine. (Hippolite). She shall never know till it be acted And when she wakes to honour she'll thank me for it J'll imitate the pities of old surgeons To this lost lumb, who, ere they show their ant Cast one asleep, then cut the diseased part. Du BarTas*) en nous racontant la création du monde, ne peut se figurer Dieu moins clément qu'un chirurgien: c'est ainsi que daprés lui, Dieu le Pére a endormi Adam, avant de lui extraire sa céte, 1) Jou. Pinkerton. Vitae antiquae sanctorum pag. 200. Voir aussi Veilth Cala- logue of Scotch Bishops. 2) Beware of Women Act. 1V. Scene I. London 1657. 4) Saluste Tae Gieme joie de da Sepmaine pray, YO, 1644, 79 comme le médecin qui désire trancher 2Quelque membre incurable, avant que d'approcher Les glaives impiteux de la part offencée »Endort le patient d'une boisson glacée »Puis sans nulle douleur, guidé d'usage ct d'art »Pour sauver l'homme entier il en coupe une part; »Le Tout-Puissant ternit de notre Ayeul la face »Verse dedans scs os une mortelle glace woille ses yeux ardans d'un froid bandeau de fer ,Guide presque ses picds jusqu’au seuil de I'enfer »Bref, si bien engourdit et son corps et son ame »Que sa chair sans douleur par ses flancs il entame.” Dans un manuscrit ') du moyen-dge nous voyons la méme com- paraison utilisée par ABELARD lorsque il conimente ce passage de la Genése, mais il y met un peu d’ironie. Non hunc soporem consuetum et naturalem dormitionem ho- minis crede, sed talem qua redderet hominem ipsum _insensibilem ut ab extractione costae nullam doloris incurreret passionem, sicut et medici*) nunquam facere solent his quos incidere volunt. SHAKESPEARE et MARLOWE?) se servent tous deux de potions soporifiques dans leurs drames. Ainsi Jago craint pour Othello que ni les pavots, ni la mandragore ne lui rendent un sommeil tranquille. »Not poppy, nor mandragore nor all the drowsy situps of the world, shall ever medicine thee to that sweet sleep which thou owedst yesterday. Barabas ayant bu du jus de pavot et de la mandragore, est laissé pour mort et jeté pardessus les murs. Cléopatre demande de la mandragore & boire, pour pouvoir dormir pendant toute l’absence d'Antoine. Mais laissons la littérature et revenons aux autres ouvrages. 1) M. Havriau. Notice sur le N°. 17—251 dans M.S.S., de la Bibl. Nat. t. XXXI, zitme partie p. 9 tirage & part. 2) Maurice Perrin. Art. Anesthésie chirurgicale du Dict. encyclopédique des sciences médicales. 3) The Jew of Malta, Act. § sc. I, Othello Act. If! sc. IIL. Cleopatra and Anto- nio Act. I, sc. Vi 80 Dans la ,magia naturalis” de B. Porva') qui 4 eu un grand retentissement en Italie et 4 I'étranger, ctant une oeuvre com- pléte en son genre, on trouve plusieurs passages traitant la question des narcotiques. Ainsi au chapitre intitulé ,De sopori- feris medicamentis” on lit: Docebimus primo mandragora somnium inducere. Dioscorides eos homines protinus dormituros co habitu dicit; quo mandragoram hauferunt ereptis omnibus sensibus in ternas; quaternasque; A que potionati sunt horas, et hac ut miedicos quum urere, aut secare quem volunt. Et mandragoram produnt, viri periti vitibus adnatam, transmittere in illas potestatem somnificam, ut vinum ex cis bibentes facilius, pocliviusq; in soporem collabantur.” Puis l'auteur cite J. FRON'TINUS qui raconte une ruse D’ANNIBAL. Celui-ci devant prendre un camp de l’armée adverse, fit remplir une quantité de cruches avec du vin mélangé & du suc de mandragore. Il engagea alors le combat, et fit bientét semblant d’étre mis en fuite, les barbares pénétrérent dans ison camp, se jetérent sur le vin et bientdt aprés tombérent dans un profond sommeil. — ANNIBAL saisit cet instant pour faire un massacre général. CAESAR fait de méme pour prendre un camp de voleurs. Il traite ensuite les qualités soporifércs des solances. Somnificum med. ex solano Conficere, nam hypnoticon ob effectum cognominant, cuius cortex in vino potus drachmae pondere somnificam vim obtinet sed blandé et mité. Solanum vero manicum ignorare videtur recens estas, quippe in descriptine Dioscoridis sibi constare non videtur, sed meo judico duas eo loco plantas describit stramonium Fuchsiji et herbam vulgo vocatam belladonna, quarum vires mité somni- ficae sunt nam et aquas sine odore, et sapore conficiunt etc. Il fait suivre la formule pour un composé soporifique: Pomum somnificum conficere: Constat enim opio, mandragora, cicute succo; hyoscyami seminibus, hisq’ moschum, additur, ut odore illectum olitorem feriat, in pilam conglobato, quantum pugno quis comprehendat, hac saepius odorando lumina somno demulcet ac ligat. 1) B. Pours. Magiae nat 1b, U1, lib. VII. 1579.

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