PRIA
SA CAISSE
D'EPARGNE DE
BOURGOGNE
c/
Raphaélle G
ASSEDIC DE
FRANCHE
COMTE-BOURGOGN
E
1
REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL [JON
CHAMBRE SOCIALE
nN
REPERTOIRE GENERAL N° 04/00576
fe a la Cour : Jugement du 08 JUIN 2004, rendu par le
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIJON
RG 1 instance : 03/00552
APPELANTI
SA CAISSE D'EPARGNE DE BOURGOGNE
1 Rond Point de la Nation
21000 DIION
Représentée par Me Félipe LLAMAS, avocat au barreau de DON
INTIMEE :
Mademoiselle Raphaélle G
8, Voie Norges
21380 ASNIERES LES DION
Représentée par Me Francoise DEGOTT, avocat au barreau de DION
PARTIE INTERVENANTE :
ASSEDIC DE FRANCHE COMTE-BOURGOGNE,
Centre des 4 As
90005 BELFORT
assistée de Me Muriel LHOMME, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de 1° article 945-1 du nouveau
Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Mars 2005 en
audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant
Monsieur RICHARD, Conseiller chargé d’instruire l'affaire. Ce
magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant
alors composée de :2
Monsieur POISOT, Conseiller, Président,
Madame ROUX, Conseiller,assesseur,
Monsieur RICHARD, Conseiller, assesseur,
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme ARIENTA,
ARRET : rendu contradictoirement,
PRONONCE A I’audience publique de la Cour d’ Appel
de DIJON le 05 Avril 2005 par Monsieur POISOT, Conseiller,
SIGNE par Monsieur POISOT, Conseiller, et par Madame ARIENTA
agreffier présent lors du prononcé.
Par déclaration au seorétariat greffe le 1 juillet 2004, la Caisse
d'Epargne de Bourgogne a interjeté appel d’un jugement rendu le 8 juin
2005 par le Conseil de Prud’hommes de DIJON qui I’a condamnée
payer 4 M. Raphaille G. les sommes suivantes :
2 761,67 Euros a titre de salaire pour la période de mise a pied
annulée,
4 543,77 Euros A titre d’indemnité de préavis et 454,38 Euros de
congés payés afférents,
5.431,87 Euros A titre d’indemnité de licenciement,
15 000,00 Euros & titre de dommages-intéréts pour licenciement
abusif,
800,00 Euros au titre de article 700 du nouveau code de
procédure civile.
Ila été ordonné & Pemployeur : de rembourser aux organismes
concernés les indemnités de chmiage payées & Melle G. dans
la limite de six mois, et de remettre & Melle G des documents
légaux rectifiés,
La Caisse d’Epargne fait valoir que le licenciement de Melle
G repose incontestablement sur une faute grave.
Pour l’essentiel, il est soutenu que les agissements de la salarige
contreviennent aux dispositions du réglement intérieur, qu’ ensuite il ne
saurait étre sérieusement contesté que le pouvoir de direction autorise
Pemployeur a imposer les régles de conduite sur le lieu de travail, que de
pius T'argumentation de la salariée selon laquelle Iemployeur aurait
méconnu le caractére privé de sa boite aux lettres est totalement démentie
par les constatations de Maitre HOUSSIN, stice, qu’en
outre, d’une part le Conseil de Discipline a estimé justifige la demande
de licenciement, d’ autre part, Al’ examen des piéces produites aux débats,
il ne sagit pas simplement de «plaisanteries au gout douteux», mais, de
par leur fréquence et leur contenu, de messages générant un trouble
caractérisé au sein de l’entreprise,3
Il est demandé a la Cour de débouter Melle G de
V’ensemble de ses prétentions et de la condamner a payer la somme de
1.000,00 Euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure
civile.
Melle G, demande a la cour de dire que son
licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse et de constater
quelle n’a pas été remplie de Pintégralité de ses droits pendant
Trexécution du contrat de travail ; en conséquence de condamner la Caisse
d'Epargne & lui payer les sommes suivantes :
2.741,67 Euros au titre du salaire de la période de mise a pied
conservatoire,
4 543,77 Euros a titre d’indemnité de préavis,
5 431,87 Euros & titre d’indemnité de licenciement,
15 000,00 Euros 8 titre de dommages-intéréts pour rupture
abusive,
2200,00 Euros a titre de dommages-intéréts pour préjudice moral,
113,59 Euros au titre d’une journée de déménagement le 30
septembre 2002,
1 500,00 Euros au titre des frais irrépétibles
L’ASSEDIC de Franche-Comté Bourgogne, partie intervenant a
instance, réclame le versement @’une somme de 2 883,16 Euros au titre
des dispositions de Particle L 122-14-4 du code du travail, outre une
somme de 300,00 Euros au titre de l'article 700 du nouveau code de
procédure civile.
Pour un exposé complet des faits, moyens et prétentions des
parties, la cour se référe expressément aux conclusions écrites
intégralement reprises a la barre.
SUR QUOI, LA COUR
Attendu qu’il est constant que Melle G aétéembauchée
Je 30 octobre 2000 dans le cadre d'un contrat de qualification prenant fin
Je31 aotit 2002 ; qu’ensuite un contrat de travail & durée indéterminée a
été conclu avec effets & compter du 1 septembre 2002 ;
Qu’a compier du 15 janvier 2003, elle a été affectée au service du
précontentieux de la direction des engagements ;
Que par courrier en date du 24 janvier 2003, il a été notifié a Melle
‘une mise a pied conservatoire ;4
Qu’aprés avoir été convoguée & un entretien préalable, Melle
a &té licenciée pour faute grave par lettre recommandée
datée du 16 avril 2003 ;
Sur le licenciement
Attendu que les motifs du licenciement énoneés dans la lettre de
licenciement adressée au salarié fixent les limites du litige ; qu’en matiére
de faute grave, il incombe a l’employeur d’apporter la preuve des faits
fautifs imputés au salarié et de la gravité ;
Attendu que la lettre de licenciement adressée a Melle
G est libellée ainsi :
«Suite @ votre mise & pied a titre conservatoire en date du 24 janvier
2003 et & Ventretien préalable qui s'est déroulé le 5 février 2003, en
présence du délégué syndical qui vous assistait et au cours duguel vous
ont été exposés les griefs retenus contre vous, et apres l’avis de partage
des voix rendu par le Conseil de Discipline National le 30 mars 2003,
nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision
de vous licencier pour faute grave
Les motifs justifiant cette décision sont les suivants
Vous avez enfreint le réglement intérieur de Ventreprise qui
interdit d'utiliser le matériel professionnel & des fins personnelles.
Vous avez, par la nature des messages et des photos & caractére
pornographique difjusé & vos collegues (qui se voyaient contraints et
‘forcés de les recevoir), porté atteinte & la pudeur et aux bonnes moeurs.
Vous avez, lors de vos premiers jours d'intégration au nouveau
poste que vous aviez choisi, consacré votre temps de travail, non pas
exécution de votre prestation de travail, mais d Iutilisation détournée
de Voutil de travail
Vous avez, par le volume des messages regus de lextérieur et
expédiés sur la messagerie de vos collégues, porté atteinte & la sécurité
du matériel de Ventreprise et & la sauvegarde de ses intéréts,
Vous avez joué un réle d’interface avec un réseau externe &
V'entreprise, qui expédie des messages & caractére pornographique, pour
les diffuser a l'intérieur de l’entreprise, exposant ainsi l'employewr d sa
responsabilité de commettant.
Au regard de tous ces faits, constitutifs de fautes professionnelles, nous
sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement
pour faute grave privatif de l’exécution de votre préavis et privatif de
toute indemnité de préavis et de licenciement.
Nous vous ferons parvenir dans les plus brefs délais, le solde de vos
congés payés, votre dernier bulletin de salaire, votre certificat de travail
et l'attestation destinée & 1’ASSEDIC)» ;5
Attendu que Melle G disposait d’une boite aux lettres
électronique personnelle, nominative, protégée par un mot de passe ; que
Taccés a cette boite lui était réservé et que le contenu était protégé ;
Attendu qu’en vertu de l'article 8 de la Convention Eurospéenne
de sauvegarde des droits de Homme et des libertés fondamentales, de
Particle 9 du Code civil et de Particle L 120-2 du Code du travail, le
salarié a droit, méme sur le temps et sur le lieu de travail, au respect de
Vintimité de sa vie privée ; que ce respect impliquant en particulier le
secret des correspondances, un employeur ne peut, sans violation de cette
liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis
par le saiarié et regus par lui grace a un outil informatique mis a sa
disposition pour son travail, méme si lemployeur a interdit une
utilisation non professionnelle de cet outil informatique ;
Attendu que s’il est admis en matigre prud’homale que la preuve
est libre, elle doit néanmoins étre rapportée dans un cadre légal ;
Attendu que Melle G explique qu'il est de notorigté
publique que circule par la voie d’Intemet un certain nombre de
plaisanteries au gotit douteux parmi d'autres plus innocentes ; que
c'est ainsi qu’ elle a été destinataire, sans l’avoir demandé, d’envois de
cette nature et qu’elle a répercuté certains de ces messages a ses deux
puis trois collégues de travail qui travaillent dans son propre service ;
Attendu qu’en ce qui concerne le non respect du réglement
intérieur, les premiers juges ont relevé a juste titre que le réglement
intérieur est daté de 1992, a savoir le 10 décembre 1992 pour une date de
dépét au 5 janvier 1993 ; que le réglement intérieur incorporant des
dispositions relatives 4 la sécurité informatique en insiituant des
interdictions et prévoyant des dispositifs de controle, a été signé le 5 mai
2003 pour un dépét le 7 mai 2003, c’est & dire postérieurement au
licenciement de Melle G :
Qu’en tout état de cause, le fait qu'un réglement intéricur prévoit
Vinterdiction dutiliser le matériel informatique des fins personnelles,
n’est pas de nature & permettre 4 un employeur de prendre connaissance
des messages personnels émis par le salarié et regus par Iui grdce a un
util informatique mis a sa disposition pour son travail ;
Attendu que la Caisse d’Epargne fait valoir que I'argumentation
de Melle G. selon laquelle le caractére privé de la boite aux
lettres aurait été méconnu, est totalement démentie par les constatations
de Maitre HOUSSIN, huissier de justice ; que l’autorisation des
destinataires des messages transmis par Melle G de les fire et
de les éditer a préalablement été obtenue et qu’en aucun cas la Caisse
d'Epargne ne s’est autorisée & appréhender des données sur la messagerie
de Melle G 5
Mais attendu que le mémoire de I’entreprise relatif a la saisine du
conseil de discipline national, aprés avoir rappelé que Melle G
a pris son service le 15 janvier 2003, mentionne que « moins d'une
semaine aprés, la direction est informée dune utilisation abusive de la
messagerie informatique, de nature dcauser un trouble dans |’entreprise,
information confirmée par les services informatiques internes »; qu’ilest6
ajouté : « Melle G en effet, dés le lendemain de sa prise de
Jonction, diffuse a ses collegues de travail, par messagerie interne, des
messages et des photos & caractére pornographique, et autres, qu'elle
recoit de l'extériewr » ; observation faite que le Conseil de discipline
national s'est réuni le 25 mars 2003, ce qui induit nécessairement que le
mémoire a été déposé antérieurement alors que la lettre par laquelle il a
&8 notifié 4 Melle G une mise & pied conservatoire est datée
du 24 janvier 2003 ;
Qu'il résulte de ce mémoire que si les services informatiques ont
pu constater une utilisation de nature A causer un trouble dans
Fentreprise, c'est nécessairement parce qu’ils ont pu prendre
connaissance du contenu des messages transmis ; que cette connaissance
n’a pu se faire que par la consultation de la messagerie de Melle
G et non pas par Ie seul contrdle des flux ;
Qu’au demeurant la Cour constate d’une part que l'Huissier a
effectué ses constatations le 24 et le 27 janvier 2003, alors que c'est par
lettre du 24 janvier 2003 que Melle G arecunotification de la
mise & pied conservatoire pour agissements graves de nature & causer un
trouble dans l’entreprise, d’autre part qu’aucun élément du dossier ne
permet d’établir que les salariés destinataires des messages s’en seraient
plaints auprés de l'employeur avant le constat de lhuissier ;
Attendu en outre, que les premiers juges ont relevé a juste titre que
la Caisse d’Epargne ne démontre pas que Melle G aurait
consacré son temps de travail l’activité reprochée, alors qu'il n’est
rapporté que la présence de quelques courriers sur une période de
quelques jours ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précéde que le jugement doit étre
confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement était dépourvu de cause
réelle et sérieuse ;
Attendu que Melle G a droit a lindemnité
compensatrice de préavis et a l’indemnité de licenciement ;
Que les sommes allouges par les premiers juges n’étant pas
contestées, elles doivent étre confirmées ;
Attendu que Melle G a droit également au paiement du
salaire pendant la période de mise a pied injustifiée ;
Que c'est une somme de 2 741,67 Euros, congés pays inclus, qui
Ini est due et non pas 2 761,67 Euros, ce qui conduit a la réformation du
jugement sur ce point ;
Attendu qu’au vu des divers éléments soumis a son appréciation,
la Cour confirme Ja somme allouée par les premiers juges A Melle
G a titre de dommages-intéréts pour licenciemient sans cause
réelle et sérieuse ;
Attendu que Melle G. réclame le paiement de
dommages-intéréts pour préjudice moral ;Mais attendu qu’elle ne produit aucun élément permettant de
justifier une demande de réparation distincte de celle résultant du
licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que dés lors, sa demande doit étre rejetée ;
Attendu que Melle G réclame le paiement d'une somme
de 113,59 Euros a titre de récupération d’une journée de déménagement
de agence de CHATILLON le 30 septembre 2002 ;
‘Mais attendu qu'il n’est pas contesté que Melle G a
bénéficié d’une autorisation d’ absence de deux jours rémunérée pour sa
prise de fonction, ce qui constitue une récupération du travail effectué ;
Qu’en conséquence sa demande doit étre rejetée ;
Attendu qu’il convient de donner acte a l’ ASSEDIC de Franche-
Comté Bourgogne de son intervention dans la cause ;
Qu’en vertu des dispositions de l'article L 122-14-4 du code du
travail la Caisse d’Epargne doit étre condamnée a rembourser a cet
organisme les indemnités de chémage versées & Melle G dans
la limite de six mois ;
Que le quantum du remboursement n’étant pas contesté, la Caisse
d'Epargne doit tre condamnée & payer la somme de 2 883,16 Euros ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réformant le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a
condamné la Caisse d’Epargne de Bourgogne @ payer 4 Melle
G la somme de 2761,67 Buros, et statuant & nouveau
sur ce seul point ;
Condamne la Caisse d’Epargne de Bourgogne a payer a Melle
G la somme de 2 741,67 Euros A titre de salaire pour la
période de mise a pied conservatoire, congés payés compris ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Donne acte 4 l'ASSEDIC Franche-Comté Bourgogne de son
intervention dans la cause ;
Dit que la Caisse d'Epargne doit rembourser 4 I’ASSEDIC
Franche-Comté Bourgogne la somme de 2 883,16 Euros ;
Vu article 700 du nouveau code de procédure civile ;8
Condamne la Caisse d’Epargne de Bourgogne & payer & Melle
G la somme de 800,00 Euros ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la Caisse d’Epargne de Bourgogne aux dépens.
Le Greffier Le Président