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Divorces conflictuels et intérét de l'enfant L'intérét de l'enfant : critére ou alibi ? Actes du colloque Malonne — 23 septembre 2010 Couples et Familles, asbl Divorces conflictuels et intérét de l’enfant La Belgique compte environ 30.000 divorces par an, dont 20 a 25 % sont de type conflictuel et entrainent des situations difficiles a supporter et des dégdts psychologiques pour les parents et surtout les enfants. Depuis 2006, la Loi belge privilégie Vvhébergement égalitaire Pour mettre les deux parents sur un méme pied, mais aussi dans l'intérét de l'enfant Mais cette approche ne repose-t-elle pas sur une idée d'un divorce sans heurts, oit les deux parents, qui ont mis un terme a leur projet conjugal, arrivent @ s'entendre pour leur(s) enfant(s) ? Que faire lorsque le divorce est conflitctuel, lorsque l'un des parents (ou les deucx) utilise enfant contre l'autre et ne respecte pas les décisions de justice ? Quel réle doivent alors jouer le Juge et les autres intervenants ?Comment favoriser dans ces circonstances Uintérét de Venfant ? Liassociation « Couples et Familles » a édité il y a un an un livre consacré aux divorces conflictuels. Il était coordonné par le docteur Vanderheyden et proposait des approches complémentaires de ces divorces, en s‘attachant aux impacts négatifs sur les ex-conjoints, en particulier sur le parent secondarisé, et bien siir aux dégats provoqués chez les enfants Dans le prolongement de cette étude, nous avons voulu proposer une réflexion & la fois plus précise et plus large. Plus précise puisque nous ciblons la notion d’intérét de l'enfant, souvent mise en avant ces derniéres. années, Et plus large puisque nous avons sollicité d autres points de vues. Le Docteur Vanderheyden a réalisé un grande partie du travail préparatoire au livre « Approcher le divorce conflictuel », mais Monsieur Guy Blondeel y a également apporté sa contribution. Pour les approches complémentaires, nous entendrons les points de vue de Monsieur Olivier Limet et de Madame Christine de Scheemaecker, qui viennent de publier il y a peu des ouvrages sur la question. Un des éléments frappants dans cette problématique est la différence des représentations que chaque acteur impliqué dans une procédure de séparation se fait de Vintérét de Venfant. En tant qu’association d’éducation permanente spécialisée dans les questions familiales et relationnelles, nous espérons que les réflexions issues de ce colloque permettront de stimuler la réflexion et de favoriser de meilleures prises en charge des personnes confrontées a des séparations difficites. José GERARD, directeur Couples et Familles, asb! (éditions Feuilles Familiales) Rue du Fond de Malonne, 148 — 5020 Malone Tél : 081/45.02.99 — Fax : 081/45.05.98 www.couplesfamilles.be - mef@skynet, be Sommaire Premiere intervention : Quand l'enfant est utilisé contre l'autre. Par Jean-Emile Vanderheyden, neuropsychiatre, fondateur de « Parent violé », auteur de « Approcher le divorce conflictuel », éd. Feuilles Familiales, 2008. Deuxieme intervention L’intérét de l’enfant : une construction sociale ? Par Olivier Limet, licencié en sciences politiques et sociales, auteur de « Parents séparés : contraints d l'accord ? », Edipro, 2009. ‘Troisiéme intervention : L’hébergement égalitaire : modéle idéal ? ». Par Christine de Scheemaeker, criminologue, auteur de « Garde partagée : égalité parentale et intéréts de l'enfant enfin rencontrés ? », Edipro, 2009. Quatriéme intervention : Comment évaluer Vintérét de enfant ? Le point de vue d’un Juge. Par Guy Blonde ancien Juge de la Jeunesse, auteur de « Ce que je veux, c'est vous deux », &d. Bénévent, 2006, Quand I’enfant est utilisé contre l’autre... Jean-Emile Vanderheyden La nouvelle loi sur le divorce promeut Vintérét de enfant comme critére de décision. Mais comment favoriser cet intérét lorsque le divorce est conflictuel et que un des deux Parents utilise enfant contre Pautre? Une analyse des situations et de leurs conséquences sur les acteurs permet de dégager des pistes pour Paveni fréquent de « monter» ou utiliser un enfant contre autre parent ? Utiiser ou « instrumentaliser » un enfant contre l'autre parent, c'est un manque de respect pour celui- ci et Pautre parent ! Ceci ne se voit quasiment qu’en cas de conflit parental dans le cadre d’une séparation ou d’un divorce de type conflictuel ! Cela ne veut pas dire que la prévalence en est négligeable ! Que du contraire ! Le divorce conflictuel représente 20 25% des 30 a 35 000 divorces annuels en Belgique , un des pays oii ’on retrouve le plus de divorces par million d°habitants. Cela représente environ 6 000 divorces conflictuels chaque année, avec une une moyenne de deux enfants par couple cela fait a peu prés 24 000 personnes chaque année et comme les procédures de réglement durent, dans ce cadre difficile, en moyenne 10 ans, on peut admettre qu’I/4 de millions de personnes sont directement touchées ! Et malheureusement les enfants y sont souvent pris, bon gré mal eré, en tages par [un et/ou l'autre parent qui y voit le moyen simple de faire pression sur l'autre pour un reglement 4 son avantage: par exemple sur au moins 30.000 plaintes annuelles pour non- présentation d’enfants , on estime 7.000-7.500 nouveaux dossiers /an (1) ! Le probléme est done majeur et nécessite des solutions & ’avenir si on veut éviter une génération désenchantée ! Comment est-ce possible ? Comment peut-on en arriver au XXléme sidcle a utiliser un enfant contre Pautre parent qui ¢: évidemment autre géniteur ? On peut mettre en évidence quatre raisons. 1. Le conflit peut déstabiliser certaines personnes Ces divorces conflictuels, qui ne sont done pas rares, se retrouvent au tribunal puisqu’on n’arrive pas a se mettre d'accord en consensuel! Cette « gue-guerre » ou jeu d’échecs parfois renforeée par le discours agressif’ des avocats ou autres conseillers entraine un retentissement surtout psychologique, mais parfois aussi physique avec par exemple des violences type crachats, voire des coups, des poursuites en voiture...(2) Ce conilit dés lors «armé » peut alors conduire & ce qu’on appelle la _déstabilisation des divoreés. Par analogie, le livre « Des hommes ordinaites » de Browning, nous permet de comprendre cette notion de déstabilisation = lors d’un conflit, on peut ne pas rester soi-méme, certaines personnes peuvent faire des choses qu’elles ne feraient jamais hors conilit. Ainsi de simples citoyens allemands devenus, par recrutement intensif, des soldats, en arrivent & tuer froidement des personnes désignées comme ennemies ! (3) En effet, le divorce est une onde de choc - moindre dans les divorces ot les deux partenaires se disent qu’il n’y a plus qu’une chose a faire: se séparer - mais sévére lorsque la «vietime » du divorce est celui qui apprend que l'autre veut divorcer, alors qu’il ne s'y attendait nullement. Cette « victime » abasourdie mais méme [’initiateur d’un divorce, et surtout sile divorce est conflictuel, sont atteints par cette onde de choc, ne serait-ce que parce qu’on ne sait quand méme pas tout prévoir. On pense: «Je vais divorcer, done je vais retrouver ma liberté, avoir un peu plus d'argent ». Mais on n’imagine pas toutes les conséquences, psychologiques, mais aussi matérielles, financiéres, les changements de vie concernant ritre autres la prise en charge des enfants, du logement, des repas, des déplacements... La déstabilisation est d’abord affective surtout en fonction de la gestion et la réaction des enfants. La déstabilisation est financiére : il y a des frais d’avocat, des frais d’installation dans un nouveau logement, les frais dus au fait qu’on se retrouve a vivre seul, au fait qu’il faut partager certaines choses et done en racheter d’autres (lave-linge, lave-vaisselle, ete.). C’est le cas en particulier du parent « secondarisé », non-gardien, qui doit quitter la maison et retrouver un autre logement. En outre, on doit faire face a de nombreux problémes. Il faut aller au tribunal, chez ’avocat, ce qui peut provoquer des problémes professionnels et les collégues de dire : « On ne le (la) voit plus, il (elle) est toujours dans ses démarches. » Dés lors, cette onde de choc tres perturbante provoque aussi des réactions dépressives, éventuellement des suicides. A inverse, dans certains cas, celui qui se sent déstabilisé essaie de se racerocher @ une indemnisation. Il demande A étre indemnisé au titre de I’intérét de enfant, en fusionnant ses intéréts avec ceux de enfant. 2. L’appait du gain ou le divorce « jackpot » (4) L’appat du gain est illustré par l’expression « gagner son divorce » ! Quand un couple se sépare, ily a souvent un ou l'autre (mauvais) conseiller pour dire : « Tu dois essayer de gagner ton divorce. Tu vas gagner de Pargent si tu vas au tribunal ». Ces conseilleurs ne sont évidemment pas les payeurs, mais ils ont suggéré la notion d’appat du gain. Malheureusement, les médias nous parlent quasi tous les jours des sommes faramineuses versées par les stars & leur ex-conjoint a la suite d’un divorce. Cela entretient dans le public I'idée que le divorce peut étre occasion de gagner (beaucoup) d'argent ou au moins des avantages en nature (loyer gratuit...), d’autant que la pension alimentaire ou part contributive, cet argent frais qui arrive sur le compte de I’un ou de autre est non surveillé, On ne doit pas rendre des comptes. Cet argent, on l’utilise comme on le veut, ce qui peut permettre quand méme tous les abus. Finalement, pour cet argent, y compris pour une hypothétique rente de rang (suggérée par avocat ou conseiller) on peut adopter une attitude agressive, qui va parfois jusqu’au viol de Pintimité de autre, hier dans le but de prouver par tous les moyens des éléments visant & démontrer la faute, aujourd'hui pour viser & la fusion de ses intéréts avec ceux de l'enfant. Et 1, tout est permis. On utilise des moyens licites, mais surtout (grice de bons (2) conscils) illicites, des allégations, des mensonges, etc... Cependant, tout le monde est perdant dans un divorce conflictuel quand on en arrive ce stade-Ia, car il n’y aura plus aucune confiance réciproque entre tous les intervenants et ce, sans doute et malheureusement a vie! Quel drame surtout pour les enfants qui doivent commencer leur vie d’adulte sur un terrain aussi détérioré ! 3. L’évolution de la loi ILy a de nombreuses années, le divorce était réglé selon la notion de faute conjugale, Depuis une bonne vingtaine d’années, et la loi sur le divorce datant de 2007 (2) a accentué le processus, Ia notion de faute conjugale passe 4 la trappe. Heureusement, car il est souvent bien difficile d’évaluer la responsabilité de chacun des partenaires dans I’échec d’une relation. C’est généralement la poule et Peeuf: qui a commence ?, qui a continué 2, qui a surenchéri 2... On ne le sait pas. Finalement, il est bien de mettre Pintérét de enfant en avant, mais cela met ’enfant au milieu du jeu. Et cet enfant est ‘une personnalité fragile, manipulable, qui rentre donc dans une «guerre» entre des parents déstabilisés, cherchant de l'aide au plus facile et pas cher : c"est comme cela qu’on en arrive a utiliser un enfant contre Pautre. 4. La manipulation des enfants Les enfants sont des personnes -et surtout des cerveaux - fragiles, influengables, manquant de repéres, de recul, de critique et d’autocritique! N’oublions pas que la mémoire est quelque chose de modulable de par la notion de mémoire transformée (5) : quelqu’un peut avoir vécu certaines choses et ne plus s’en souvenir ou s’en souvenir autrement plus tard, étant soumis & des influences, a des répétitions qui font que, finalement, la plupart des faits déclarés de mémoire ne correspondent plus tout 4 fait a la réalité. Ces répétitions peuvent émaner directement du parent toxique, soit indirectement (plus insidieusement via un effet subliminal), quand le parent toxique parle a d'autres personnes devant lenfant. On peut ainsi transformer progressivement la mémoire d'un enfant, qui Oublie les choses agréables qu’il a véeu avec une personne et finit par la rejeter sur base de quelques faits déplorables, pas toujours réels (6-7). Un enfant peut done étre conditionné pour agir et’ou mentir de bonne foi, s'il y a la volonté de le perturber. Il est clair qu’un enfant qui ne voit quasiment pas un de ses parents sera peu influencé par lui, alors qu'un enfant qui voit longuement un parent sera plus facilement influencé : le « temps d’exposition » au parent toxique est donc d'importance ! On admet qu’un enfant reste influengable par un ou les parents jusqu’a environ 26 ans, Age auquel en général il a trouvé son autonomie et peut, dés lors, avoir un acil tout a fait critique et de libre-pensée sur la situation parentale et ses relations avec ses parents. Cependant, le mal est fait et le retour complet & la normale est impossible : il gardera définitivement des marques psychologiques et mnésiques de ce qui s’est passé dans la période troublée vécue « au milieu » de ses parents. Les différentes facons d’utiliser un enfant De maniére non exhaustive, on peut envisager les cas de figure suivants, 1. L’enfant aliéné (8) Sans entrer dans le débat sur l’alignation parentale, ot! enfant dit aligné rejette sans raison évidente un parent «victime », on peut estimer que le parent dit aliénant « joue » volontairement ou involontairement — et ceci n’a pas tellement d’importance par rapport aux faits- un jeu délicat qui ressemble pour le moins 4 une utilisation ou au minimum a une fusion d’intéréts & son avantage et probablement, du moins au long cours, au désavantage de enfant 2, L’enfant mercenaire (2), ou enfant torpille. C'est un enfant qui est « programmé » contre récompense par un des parents, pour pourtir la vie de autre. L’enfant s’y comporte de maniére désagréable. Il peut voler des objets et les transférer & autre maison, apporter des sacs de linge sale et repartir avec uniquement du linge propre, ne pas écouter du tout le papa et éventuellement sa nouvelle compagne ou la maman et son nouveau compagnon... Ce parent receveur est bien mal pris au niveau éducatif car ila d’abord essuyé quelques non-présentations d’enfant avant de voir débouler ce petit « diable » qui téléphone réguligrement Pautre parent pour donner des «nouvelles » de tout ce qu’il voit, entend, fouille...II peut étre conditionné a la recherche d’indices « utiles », de factures, de numéros de code.... Cet enfant est ainsi « sacrifié » par le parent « envoyeur » que I'on appelle « Médéen(ne) », en référence a fa mythologie grecque oit la mére Médée tue ses enfants pour « se venger » de son ex-poux Janus ! (2). En 2009, on ne tue plus ses enfants, sauf rare exception. Mais on peut trés bien sacrifier son enfant en. coupant un enfant de ses liens avec ’autre parent. Par exemple, il suffit de demander & cet enfant : « Quand tu vas chez ton pére/ta mére, essaye de me rapporter des informations sur son compte en banque, sur son code téléphonique... Tu_vas dans sa bofte aux lettres, et tu me _raménes des documents...tu fouilles aussi ses tiroirs en son absence... ». Le jour oi autre parent apprend, i! lui est difficile de garder le ‘méme comportement et de voir son enfant de la méme fagon. Bt si cela se répite, cela peut détruire tune relation enitre un parent et un enfant. On a sacrifié un enfant parce qu'il est malléable, qu’il peut faire des bétises sans s'en rendre compte! Il peut devenir le bouc émissaire pour le parent ainsi rmanipulé ! 3. Lenfant otage «Si tu veux voir ton fils/fille, n’oublie pas que je voudrais que tu... » avec d’évidentes difficultés dobtenir enfant pour le week-end, la semaine ou les vacances...suivies de pénibles démarches « énergétivores » et souvent vaines auprés de la police et de la Justice. C’est probablement le cas de figure le plus traumatisant , énervant et affaiblissant pour les enfants, parents et proches...malheureusement — généralement mal considéré jusqu’a présent par les « structures aide ».2) 4, L’enfant messager «Tu diras & ton papa/ta maman que... ». Cet enfant maintient le lien entre ses parents qui ne communiquent plus autrement. Pour maintenir ce contact, s'il le veut, l'enfant doit dépenser beaucoup énergie mentale. Il est dés lors épuisé et démobilisé pour d’autres activités propres a son ge.(9) 5. L’enfant soldat ou combattant Il s’agit généralement ’un enfant acceptant les avances fusionnelles d’un parent (Ie plus souvent le fils-ainé et la mére): il devient alors, en |’absence du pére manquant ou écarté ou secondarisé) le premier défenseur de sa mére, pour laquelle il peut aller jusqu’é combattre aussi le pére de maniére physique (surveillances, poursuites, coups...) ou plus psycho-sociale (vol de documents de codes...) Il ne se rend pas compte & ce moment qu’il est probablement en train de se mettre dans de « vilains draps » pour !’avenir de sa relation avec son pére ! D’ autre part, ces enfants, devenus plus tard adultes, sont décrits comme anxieux et instables entre autres sur le plan sentimental (10), et donc fonciérement malheureux d’autant que l'énergie consacrée a leur mére rend Ia progression de leurs études plus aléatoire, Dans tous ces cas, l'enfant est pris dans un conflit de loyauté «Comment obgir ou faire plaisir & mes deux parents ? Si je vais dans le sens de I"un, je fiche ’autre ! ». L’enfant ainsi martyr vit dans une sorte de non sens destructeur, II se demande si son pére/sa mére est devenu(e) fow/folle. Parfois, il se demandera méme si ce n’est pas lui qui devient fou ! Cette situation méne l’enfant a 1’épuisement mental. Inversement, dans certains cas, I’enfant peut en tirer un certain bénéfice et devenir l'enfant roi ou dictateur (tyran). « Maman/papa, je veux bien faire ce que tu me demandes, mais alors c’est moi qui décide ceci ou je te demande cela... » Quoiqu’il en soit, ces deux situations sont atroces A vivre au long cours et laisseront des séquelles psychologiques pénibles pour tous/tes d’autant que les enfants devenus adultes continuent de souffrir, surtout si la situation reste problématique (11). Ils resteront fragilisés ne pouvant «étre aidé, dans tous les sens (émotionnel, matériel, financier...) du terme » par des parents blessés. Is devront, dans la mesure du possible, avoir recours & leurs propres ressources et mi ement (11). Il est également intéressant, mais déplorable, de remarquer que beaucoup des adjectifs et verbes utilisés pour décrire ces enfants relevent du registre de la guerre ! Les conséquences de l'utilisation de enfant contre Vex-conjoint De multiples dégats, psychologiques surtout, parfois méme physiques, peuvent apparaitre chez les parents et les enfants. Parmi les dégats les plus fréquents : anxiété, dépression, suicide, addictions diverses, et pour les enfants : idem + école buissonniére, décrochage scolaire, Le parent agresseur croit au départ qu’il va « gagner » facilement en donnant un « coup » & Pautre. Il oublie que l'autre peut aussi donner des coups. Finalement, le parent agresseur se retrouve lui aussi mal dans sa peau. Rogers écrivait, en 197, qu’un divorce conflictuel est, pour un enfant, plus lourd que le décés un parent, Unvenfant qui perd un parent dans un accident, par exemple, est finalement moins perturbé qu’un enfant qui vit un divorce conflictuel (2). Tl faut aussi tenir compte des déyats du stress chronique lorsque les choses ne s’arrangent pas au long cours, c'est-i-dire aprés quelques mois !,C’est ici qu’intervient une autre dimension : Ja durée de procédure. Si un conflit dure quelques jours ou quelques semaines, on considére que le stress aigu est bénéfique : par exemple, les périodes d’examens scolaires, ott les enfants vivent des périodes de stress aigu, c'est bénéfique parce qu’ils font un effort, surmontent la difficulté et acquitrent de nouvelles capacités. Le stress chronique, au contraire, fait régresser, soufftir et démolit progressivement la personne. On entend souvent des gens dire « Vous savez, tout va finir par s'arranger ». C’est oublier importance de la mémoire limbique, la mémoire des faits émotionnants comme les avatars d’un divorce conflictuel : cette mémoire-Ia, elle ne se perd pas, elle ne se transforme pas ! Il faut done tout faire pour que tout s"arrange au plus vite car au plus la procédure judiciaire dure, au plus des événements motionnants vont s’accumuler et alourdir, rendre pénible Ja. situation psychologique des personnes concemnées! La souffrance des enfants se marque par des pertes de repéres et de nombreux problémes : - Au niveau psychique : stress, insomnies, cauchemars, instabilité, décrochage scolaire. - Au niveau physique : fatigue, amaigrissement - Au niveau familial : garde alternée, « double enfance », pertes de temps, on voyage d’ e616 puis de autre avec des choses qu’on peut dire, qu’on ne peut pas dire, ou qu’on doit dire...) - Problémes sociaux : déménagements, déscolarisation - Problémes financiers par l’appauvrissement des deux parents. Depuis quelques années, la neuropsychobiologie (12) met en évidence les séquelles cérébrales liges au stress chronique et démontre de mieux en mieux 1a « signature neuronale du stress ». Le stress laisse des blessures organiques dans le cerveau, et done pas uniquement psychologiques ! L’hypothalamus semble bien étre le fusible qui, s'il léche, laisse alors svexprimer des conséquences physiques (hypertension...) et —_psychologiques. On remarque que les enfants qui ont connu une longue situation stressante ont une diminution de leurs prises de décision a age adulte, s’y révélant done plus fragiles. Pour I’adulte qui est longuement confronté au stress, on constate une diminution de la capacité de travail, de la capacité de mémoire, des difficultés d’adaptation aux nouveautés et des problémes au travail. On peut dire qu’il y perd son latin ! En 2009, Iéquipe de Me Gowan (13) au Canada a analysé 36 cerveaux de jeunes gens suicidés et décédés, certains aprés une longue maltraitance (abus sexuel ou physique) pendant Venfance. Dans certains neurones de ’hippocampe, un noyau du lobe temporal, on amis en évidence, chez ces demiers -et non chez des suicidés du méme Age, sans contexte de maltraitance- une anomalie dans l’expression génétique d’un récepteur aux glucocorticoides, hormones bien connues_—_intervenant dans la_—sréponse-—au_ stress. Ceci pose le probléme du comportement parental et du stress véeu par les enfants sur 1a régulation épigénétique de certains récepteurs cérébraux ! La neurobiologie des émotions et du stress tend done démontrer aujourd’hui que les cicatrices du stress sont assez indélébiles. Les longues mialtraitances et le stress lié aux longues procédures pourraient done entrainer des modifications cérébrales au long cours. Qui sont les parents toxiques (14)? Ce sont généralement des personnalités de type narcissique-pervers, des manipulateurs. Yvonne Poncet-Bonnisol (15) dit qu’a l’extérieur, le harceleur se présente comme une personne brillante, cultivée, charmeuse. Dans I’intimité conjugale, il dévalorise, il injurie, il détruit a petit feu, il prend en otage son/sa partenaire puis les enfants. C’est vrai qu’on parle beaucoup de violence familiale, mais il faut toujours faire la part des choses entre violence physique et violence psychologique, en se disant que la violence psychologique est souvent la avant la violence physique, et qu’il serait bénéfique de pouvoir la détecter. Les manipulateurs sont parmi nous et nous avons difficile a les détecter ainsi que leurs fagons de faire (16) Marie-France Hirigoyen (17) a décrit ces processus dans son livre « Femmes sous emprise » il s‘agit de processus de destruction psychologique tres progressive. Il ne s’agit pas d’une violence physique. Nul besoin de la force pour assujettir autrui. Des moyens subtils, voilés, ambigus, pernicieux, des processus de conditionnement apparentés & des lavages de cerveau sont des processus d’emprise qui paralysent autant adultes qu’enfants. Conclusions et perspectives Compte tenu des données neurobiologiques du stress et des dégats majeurs (physiques et psychologiques) du stress chronique, il faudrait étre préventif, autant que possible, par un management rapide et dissuasif devant toute situation d’abus de pouvoir parental et particuliérement d’utilisation d’un enfant contre I’autre parent !. Cela me parait indispensable, On ne peut pas en vouloir & un juge qui rend un mauvais jugement, mais bien au fait que ce bon ou mauvais jugement n'est jamais revu, I faudrait peut-étre prévoir des révisions systématiques des membres de l’ex-cellule familiale et de leur fonctionnement, tous les 3. 6 mois, par exemple, et en tout cas éviter les longues procédures qui « enferment » les enfants dans des situations complexes de pression et contre-pression, oi! les parents continuent & les utiliser tant qu’il y a encore quelque chose & gagner ou a perdre ! Il faudrait aussi essayer de mieux comprendre, lors d’un divorce conflictuel, qui sont les acteurs et que veulentils/elles. Oi en sont les enfants? Quelle vie ont-ils au milieu des parents en conflit? Comment vivent-ils cela? Pour cela, il faudrait promouvoir une Education de tous les intervenants, pour qu’ils puissent déméler au plus vite une situation qui dérape et ne pas la laisser trainer car rapidement des difficultés psychologiques vont apparaitre chez les parents mais aussi les enfants et tout ceci de maniére d’autant plus durable que la situation est conflictuelle. B. Cyrulnik met en évidence ces maltraitances affectives et émotionnelles qu’il considére comme principales par rapport A la maltraitance de type sexuel dont on parle beaucoup (18), et Rodgers signale que le décés d’un parent est moins stressant pour un enfant que la perte de contact avec un parent dans le cadre d’un divorce (19 ). Cyrulnik met particuligrement en évidence, comme facteurs de risque, les troubles de Vattachement et la nécessité pour la résilience de recréer de multiples nouveaux attachements(18). De plus, il précise qu’une carence affective et sensorielle, prolongée ou trop intense, a pour conséquence des troubles biologiques importants pouvant empécher tout processus de résilience, mais, si on intervient t6t au niveau des carences, le trouble pourra ire résolu, Enfin, il apparait la nécessité dune prise de conscience sociétale de la lourdeur de ces situations relevant de maltraitances voire de traumatismes (20), il est vrai peu visibles, voire invisibles, comme le dit Drouet (21) . On ne peut plus laisser passer ou du moins durer ce genre de traumatisme familial, Ces situations conflictuelles existent en nombre et sont délétgres pour une génération « sacrifige ». 11 faut éviter le sexisme, il faut lutter contre la secondarisation d’un parent (2), paralléliser les ex-conjoints (2), leur donner & tous les deux des devoirs et des droits et ce rapidement aprés la séparation, surtout si elle est conflictuelle (ct pas Pinverse !) avec une « surveillance », un suivi régulier jalonné par le juge et réalisé par son équipe d’assistants sociaux eVou médiateurs. Le tribunal de la famille serait peut-étre la meilleure solution : une instance unique, qui doit étre compétente et motivée sur les plans psychologique, socio-familial, financier, etc... (2) Références (1) « Parents séparés : contraints & l'accord ? » O. Limet , Edipro, Liége, (2de édition) 2009 (p. 141), 2) « Approcker le divorce conflictuel», JE Vanderheyden, Feuilles Familiales, 2008 ) «Des hommes ordinaires », CR. Browning . Les belles lettres, Collection Histoire, Paris, 1994 (4) «L’argent, nerf dela séparation !» I-E Vanderheyden, Feuilles Familiales, 2006, dossier n°78 :pp65-71 (8) «Lamémoire iransformée » J-E Vanderheyden, Feulles Familiales, dossier n°70, « Vérités et Mensonges », Malonne, 2004 (©) «Sowenirs trompeurs » S. Brédart, Tempo Médical, juin 2008 ; pp 128-131 (),_«Lesyndrome des faux souvenirs - Ces psys qui manipulent la mémoire », pat Elizabeth et Katherine Ketcham, 1997, (8) «L’aliénation paremtale: pour une meilleure détection en 2009 !» J-E Vandetheyden dans Neurone, ‘octobre, 2009 ; 14-7 : 276-282. (©) «Répercussions psychologiques du divorce parental chez enfant» S. Vangyseghem et J. Appelboom. Revue Médicale de Bruxelles, 2004 ; pp 442-8 (10) « La Sainte Fotie du couple » P. Salomon, Eds Albin Michel, 1994 (11) «Les enfants adultes face au divorce de iew's parents» I. de Bau. Feuilles Familiales, dossier 90 « Les couples qui durent ontis des secrets 2, Malonne, 2009, (12) « Biologie des émotions » Belaung C . Eds De boeck, Bruxelles, 2007 (13) « Epigenetic regulation ofthe glucocorticoid receptor in human brain with childhood abuse »Me Gowan et al, Nature Neuroscience, 2009 ; 12 : 342-48 (14) «Parents toxiques : comment échapper & leur emprise », de Suzanne Forward, Marabout Psy, 2007 (15) « Pour en finir avec les pervers de la famille » de Yvonne Poncet- Bonissol, Edition Chiron, Paris, 2003 (16) «Les manipulateurs sont parmi nous », Isabelle Nazaré-Aga, éditions de "homme , 2004 (17) «Femmes sous emprise » M-F Hirigoyen, Eds Pocket, 2006 (18) «Larésilience, ¢a s‘apprend ? Les « Dix Conmandements » de Boris Cyruinik » T.Goorden, Neurone, février 2010 (in press) (19) « Parental divorce and adult psychological distress: evidence from a national birth cohort » B, Rodgers, J.Child Psychol. Psychiat, , 1997 ; 38 : 867-72. 20). « Traumatismes de Venfance et de I'adolescence » Y-H Haesevoets, Collection Oxalis, Ed. Deboeck, 2008 (21) «Les maliraitances imvisibles » JB. Drouet, Ed. Le Cherche midi, Paris, 2008 La Justice et les non représentations d’enfants Olivier Limet Comment réagissent les intervenants de l'aprés séparation parentale face aux non représentations d’enfants ? Les évolutions culturelles qui ont conduit A la nouvelle loi de 2006 peuvent expliquer les difficultés éprouvées par les juges pour faire appliquer les décisions judiciaires. (1) On sait que la Belgique connait un nombre impressionnant de divorees. Il y a aussi un nombre assez, impressionnant de non représentations d’enfants, Il y a deux ou trois ans, on évaluait & environ 20.000 par an les plaintes pour des enfants qui ne sont pas présentés chez le parent qui les attend, Bien sir, il faut nuancer ce chifite. 20 000 plaintes, cela ne signifie pas 20 000 dossiers. Certaines personnes portent plainte plusieurs fois la méme année. L’estimation est done de l’ordre de 7000 dossiers chaque année. Si l'on affirmait que « ce qui doit guider les parents en conflit de méme que les intervenants de Vaprés-séparation parentale, c'est Vintérét supérieur de l'enfant, Bt que l'un des besoins fondamentaux de Venfant, c'est d’avoir une relation de qualité et aussi équilibrée que possible, avec ses deux parents », la grande majorité des personnes serait préte & appuyer cette vision des choses. Pourtant, cela n'est pas si évident, et ce pour de multiples raisons. Cela parait une évidence dans nos sociétés actuelles, alors que ce n’est pas si évident que cela. Et le fait que cela ne soit pas si évident est a la source de nombreuses situations compliquées et conflictuelles. L’évolution de la famille Aujourd’hui, quand deux jeunes mariés affirment qu’ils se marient pour toujours, on observe habituellement des sourires attendris ou perplexes dans I’assemblée. Les participants se disent peu prés : « Oh, comme ils sont mignons ». Heureusement, certains continuent a croire 4 leurs engagements. Mais l’évidence que I’on se marie pour toujours a été remplacée par une autre évidence : on reste parent pour toujours. Quand on y pense, cela a aussi quelque chose d’assez « mignon », Qu’est-ce que a veut dire « rester parent pour toujours » ? On pourrait en discuter .. Vers la fin des années 60, une série de changements trés importants sont intervenus. L”un de ces changements est que Vindividu a pris une place tout & fait considérable. En tant qu’homme, en tant que femme, on peut exister, se différencier des autres et étre soi avec ses propres besoins. II n’en était pas de méme pendant les décennies et les siécles précédents. On aa désormais la liberté de poser des choix personnels. Cela ne sest pas fait en un jour et cela reste encore trés relatif, mais le processus est entamé. Et le fait de pouvoir exprimer ses choix, de pouvoir exprimer ses désirs, cela comporte la liberté de pouvoir exprimer le choix de divorcer, de se séparer, de changer de partenaire, etc. Jusque la, les divorces et les séparations Gtaient vraiment réduits en nombre Les roles et les places des hommes et des femmes ont eux aussi fondamentalement changé, et cela en bonne partie A Pinitiative du mouvement féministe. A cété de certaines tendances extrémement radicales, d'autres ont agi dans une optique de dialogue avec les hommes et la société dans son ensemble, Leur revendication : « En tant que femmes, nous voulons pouvoir accéder au monde du travail, avoir des revenus, jouir d’une autonomic et dune indépendance au niveau financier ». Cette évolution des femmes s'est accompagnée d'une forte demande de participation plus intensive, plus importante des hommes dans le ménage, dans l'éducation des enfants, etc, Ce mouvement a été relayé du c6té des hommes, ou du moins de certains d’entre eux, qui ont progressivement revendiqué plus de place auprés de leurs enfants, L’évolution de la place de Venfant Parallélement a cela, la place de l'enfant a elle aussi changé. C’est a la méme période que la pilule est apparue et s’est généralisée. Cela a rendu possible le choix d’avoir un enfant quand on le veut et si on le veut. On se souvient des slogans des années 60 et 70. Cette liberté pour les familles, pour les femmes en particulier, a été déterminante. Une des répercussions est que enfant choisi a été de plus en plus au centre. L’enfant est désormais celui qu’on a choisi avoir et on y consacre toute son attention, L’intérét pour Penfant s’inscrit done dans un chemin complexe, qui implique beaucoup de données différentes, mais oi la place qu’on lui a accordée progressivement était trés importante. Du point de vue sociétal, dans la plupart des pays occidentaux, il était évident jusqu’a ce moment-la que lorsqu’il y avait une séparation, un divorce, les enfants, surtout en bas age, restaient avec la maman et que l'on attendait du papa qu’il veille a ce qu’ils n’aient besoin de rien finaneiérement. A partir du moment oi ’enfant est plus au centre, progressivement, les critéres de décision des modalités d’hébergement changent. Ce n’est plus I’age mais progressivement Pintérét de enfant qui entre en ligne de compte. L’intérét de l'enfant, parce que, comme cela a ét enfant, ses besoins, son développement sont au centre. Il apparait progressivement que, tout compte fait, certains péres savent s’occuper des enfants et veiller eux aussi a leur intérét, et commencent 4 revendiquer une place auprés de leurs enfants, méme au moment des séparations. Ils voudraient pouvoir s’occuper des enfants, pas seulement un peu au hasard des choses, mais de fagon plus systématique. Evidemment, toutes ces évolutions ne sont pas générales et homoganes et dépendent des appartenanees sociales. De Vintérét de Venfant & Végalité parentale Qui dit « intérét pour enfant », dit « intérét pour son éducation ». Et qui dit « intérét pour son Education », dit « intérét pour les capacités éducatives des parents ». C’est de la que viennent de nombreuses tensions extrémement virulentes, puisqu’il faut démontrer que, sion revendique la garde, c’est au nom de lintérét de enfant, puisque l'enfant est au centre. Finalement, enfant est tellement au centre qu’on en vient & parler en son nom , au point qu’il devient difficile, méme en médiation, de pouvoir exprimer ses propres désirs, en tant qu’adulte, en tant que parent, en tant que pére ou mére, On est obligé de formuler les choses pour que ce soit audible pour la société, en le formulant de fagon adéquate, c’est-i-dire en termes d"intérét de l'enfant. La mise au centre des enfants et de leur intérét s’est développée parallélement I’attention aux capacités éducatives des parents et donc au soutien a la parentalité, avec tout le poids qui peut reposer sur les épaules des parents, quasi obligés de justifier qu’ils sont de bons parents. Dans la foulée, on a commencé 4 insister sur |’importance de l’investissement des deux parents, ce que I’on a désigné par le terme de coparentalité. Et de coparentalité, de fagon relativement imperceptible, est venue I’idée que les parents doivent avoir un investissement égal vis-a-vis de leurs enfants et done des droits égaux. C’est une conséquence logique des revendications des femmes pour des droits égaux. Ce qui est compliqué, c’est qu’une ambiguité trés grande s’est installée : on confond sous une méme notion les besoins des parents, ’égalité entre les parents en investissement et en droits-, et I’intérét de l’enfant. Lorsque l’on interroge les personnes, on se rend compte qu’une grande majorité met spontanément un signe égal entre intérét de l'enfant et égalité parentale. Alors qu’en y réfléchissant un peu, les interlocuteurs nuanceraient probablement : « Pintérét de l'enfant, c’est surtout qu’il n’y ait pas trop de conflits entre les parents... et peut-étre que plus d’égalité atténuerait les conflits ». Il convient done d’étre attentif a ce que des confusions ne s'installent pas dans les revendications. Il faut aussi insister sur le fait que toutes ces notions d’intérét de enfant, de dialogue parental, de coparentalité, si elles désignent des préoccupations essentielles, sont fluctuantes au cours de histoire. Elles dépendent aussi beaucoup de histoire personnelle et familiale des personnes qui vivent les situations de séparation. Quand les choses ne se passent pas trop bien et quand les personnes concernées ne partagent pas les valeurs affirmées, que ce soit de facon claire ou larvée, un des parents peut monter I’enfant contre autre. Ce n’est pas toujours un choix conscient et volontaire de détruire l'autre. C’est souvent un processus qui se met en place et qui se développe. Parfois I’enfant lui-méme rentre dans le jeu et est dépassé par les événements. L’évolution des modéles Pendant trés longtemps, le modéle théocratique ou patriarcal a doming. I a été un peu bousculé par le siécle des Lumiéres, pour qui les choses sont déterminées par la nature. Gérard Neyrand (2), sociologue frangais, dit ceci : « Si la vision théocratique asseyait V'opposition ou la distinction entre les hommes et les femmes dans un ordre divin, la vision naturaliste va inscrire les différences entre eux dans leur nature. » Cette conception sera appuyée par les progrés de la médecine, qui va confirmer ces différences. Gérard Neyrand ajoute : « Mais c'est aussi dans la nature, et non plus essentiellement dans la religion, que va se réancrer la domination sociale masculine. La femme va éire assignée a ses responsabilité maternelles et pour longtemps encore, les femmes et les filles seront éloignées de l'éducation, de la vie publique et de la politique. L’homme a, de son caté, & tenir sa place dans l’espace public». Ce modele a été bousculé lui-méme par la révolution frangaise, ol pendant deux ans les lois sur le divorce ont été plus progressistes que celles que I’on connait actuellement. Mais cela n’a pas duré, entre autre a cause de la pression de I’Eglise. Il y a done eu cette poussée fulgurante d’une vision égalitaire, d’une vision démocratique. Par la suite, il y a eu une série de vagues, pour en arriver a mai 68, avec de fortes exigences d’égalité, C’est dans cette ligne que s“inscrit le mouvement de coparentalité. Gérard Neyrand insiste sur un aspect de ces évolutions : les différents modéles (théocratique ou patriarcal, naturaliste, égalitaire) ne se sont pas succédé, ils se sont superposés, On pourrait dire que l'on porte encore en nous l'ensemble de ces modeles. Si l’on pouvait en faire une image par transparence, il y aurait au dessus le modéle égalitaire puis, en dessous, le modéle naturaliste, et en dessous encore le modéle théocratique ou patriarcal. Lorsqu’il y a un gros conflit, les pressions naturalistes, théocratiques ou patriarcales ressurgissent, parfois chez. les péres, parfois chez. les méres. La position naturaliste est peut-étre plus anerée chez. les meres « Vous savez, monsieur le juge, je ne comprends pas... Le pére ne s’est jamais occupé des enfants, c’est toujours moi qui me suis occupée des enfants, d’ailleurs c’est moi qui les ai portés, qui les ai allaités, accompagnés. C’est normal, c’est mon réle de mére...». C'est une vision naturaliste. Et quand le pére réagit en disant : « L’autorité, c’est moi. Ce n'est pas toi qui décide, c*est moi », il remet en avant une vision pattiarcale, La place du juge et la relation & Vautorité Dans une petite commune du Brabant wallon; l’on trouvait cet écriteau datant des années 60 : «Il est interdit duriner sur ce mur sous peine de confiscation ». Derriére la formulation un peu comique, on peut relever les termes utilisés : « interdire », « peine », « confiscation ». Un autre panneau, récent lui, dans une réserve naturelle d’oiseaux : « Pour votre sécurité et votre plaisir, acceptez cette réglementation ». Il y a ici lieu d’obtenir I’adhésion des citoyens au nom de leurs propres « plaisir » et « sécurité». Ces deux panneaux illustrent un solide changement dans le rapport a la norme et & l’autorité. C’est également ce qui ressort d'une recherche en sociologie (3) : 1a majorité des magistrats interrogés pointent Ia difficulté aujourd’hui d’imposer une décision, Ils sont dés lors amenés a accompagner les parties en vue d’obtenir leur adhésion. La loi de 2006 (4Y'inscrit dans cette logique. On peut par exemple ressaisir le juge beaucoup plus facilement. Le résultat, c'est que le juge est amené a se déguiser et & prendre habit de I’éducateur, du conciliateur, du médiateur, de celui qui guide, qui accompagne. « Accompagnement » est un mot qui est omniprésent dans notre société, en particulier dans le monde judiciaie Le probléme se pose lorsque la décision en matiére d’hébergement n’est pas respectée. Le juge est en difficult, le systéme est en difficulté. Du coup, on en vient toujours a essayer d’améliorer une décision et & faire du « sur mesure ». Mais si on me fait un costume sur mesure et que je grossis un peu, je demanderai qu’on ajuste le costume plutdt que de m’ajuster a lui, Dans cette logique, une décision judiciaire n’a jamais de pérennité et perd donc de sa puissance. C’est une des grandes difficultés que pose la conception actuelle et qui améne les juges & devoir se situer sans cesse face a des dilemmes lors des procédures de séparations, en particulier lorsque ces séparations sont trés conflictuelles. Notes (1) Olivier Limet est licencie en politique économique et sociale, membre d'une équipe pluridisciplinaire en _psychiatrie et intervenant en tant que consultant et formateur auprés de professionnels de diverses disciplines et auprés de parents. Ayant Iui-méme connu une situation de rapt parental international (son ex- pouse belge a retenu durant plusieurs années leurs trois enfants au Kenya, malgré existence de décisions civiles belges), il s'est souvent exprimé sur cette problématique et celle de laliénation parentale. Cette analyse, rédigée par José Gérard, se base sur son intervention lors du colloque organisé par Couples et Familles le 23 septembre 2009 sur le theme « Divorces conflictuels et intérét de enfant ». 2). Voir notamment NEYRAND G., Le dialogue familial - un idéal précaire, Toulouse, érés, 2009 (3) LIMET O,, PARENTS SéPARES : CONTRAINTS A L'ACCORD ? Une analyse & partir de la Toi de 2006 sur Vhébergement égalitaire : contexte, discours et pratiques du judiciaire face d la non-représentation enfants, Lidge, Edi.pro, 2009 (4) Loi du 18 juillet 2006 tendant a privilégier Thebergement égalitaire de Venfant dont les parents sont séparés cet réglementant lexécution forcée en matiére dhébergement dlenfant

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