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GESTION Gp FINANCES PUBLIQUES La Revue Fondée en 1921 CCOMPTABILITE Normes et pratiques comptables dans la sphére publique N° 9/10 - Septembre-Octobre 2014 Nicolas GASNIER-DUPARC Assoc Risk & Management Groupe Tuilet Brigitte VAIRA-BETTENCOURT Associée Commissaire aux comptes Groupe Tuilet Spécialiste cu secteur public En charge du pdle audit secteur public Le contrdle interne : outil de gestion des risques et levier de performance. Enjeux et spécificités de sa mise en oeuvre dans le secteur public Le contréle interne est devenu un élément clé dans la maitrise des risques opérationnels de toute organisation. Pour autant, sa mise en ceuvre reste encore trop souvent un exercice conceptuel. Au-dela d’un outil de gestion des risques, intégré dans un systéme global de management, il constitue une réelle opportunité de maitrise des activités et un véritable levier d'optimisation, a condition d’en intégrer les bons modes de fonctionnement et réflexes. e secteur public se caractérise entre autres par un environnement dans lequel la culture de supervision et de contréle ordonnateur est moins développée que dans d'autres secteurs. Ce manque, il faut le reconnaitre, est bion souvent compensé par la ‘conscience du bien public et la mission de service public dont sont invests les acteurs Mais avant de développer tous les bienfaits du contrdle interne dans la gestion des établis- serments publics, econnaissons-lul un défeut de naissance majeur, sa dénomination : contrdle interne et pour éte plus précis le premier terme de son nam, «contrdle » LLacoeption couramment retenue dans la sphere publique est bien souvent celle d’« inspection » et percue en tant que telle comme une marque de défiance du management, voire une pression psychologique, en somme une pratique de management ineffciente. Cette vision restrictive est naturellement peu propice au développement c'un contrdle interne, ‘pour autant indispensable a la réalisation de la mission de service public comme nous le verrons, Comme tras souvent, les techniques de gestion etde management nous viennent des pays angio- saxons qui les premiers ont développé leur + intemal control» faussement tracuit en frangais par contrle interne. En effets notian de « control »en anglais traduit Une notion de maitrise plus que de contréle. Il fout en fait comprencre le contrle interne ‘comme le dispositif mis en ceuvre pour maftriser N° 9/10 Septembre Octobre 2014 / Gestion & Finances Publiques ses processus, son organisation et assurer la réalsation de ses missions de service public. Le contréle interne n'est done pas un dispositif de contrdle et de verification, mais un dispositi ppermettant & tout manager do créer un environ. rnement de travail, qui soit propice & un dévelop- ppement sécuisé et optimisé de ses activités ‘Aurdeld de la sémantique, apprenons donc le connaite, 8 utiliser et 8 'évaluer avant de le crtiquer voire de le rejeter. EH Contréle interne et maitrise des risques ‘Qu’entend-on par contréle interne ? Face des exigencesréglementairescrossantes, le contrdle interne s‘impose désormais dans toute ‘organisation, De maniére générale, le contrél in tere peut étre defini comme un ensemble de ispositis mis en couvre par les resporsables et le ‘personnel d'une organisation pour mattriser le fonc- tionnement etles résultats de leu activités et contr- buer 3 utilisation effciente de leurs ressources, Ilexiste de multiples definitions le plus souvent données par des organisations professionnelles. La definition la plus communément acceptée de la notion de contrdle interne est celle proposée parle COSO (Committee OF Sponsoring Organt- zation) en 1992, et récemment mise a jour en 2013 Elle a le mérite de bien préciser les contours de ce que recouvre le contiéle interne « Le contréle intemne est un processus mis en ceuvre par (e Conseil d’administration, la Direction Générale, la hiérarchie, le personnel d'un établissement et destiné fournirune assu: rance raisonnable quant & la réalisation d‘objec- tifs suivants: —Réalisation et optimisation des opérations Fiabilté des informations fnancidres ~ Conformité aux lois et aux réglementations en vigueur.» Cette definition confirme bien nos propos arguant du faitque le contrdle interme n’est pas un simple dispositif de contrdle, mais bien un processus famélioration continue et de maitrse des pro: ccessus opérationnels. Il consttue, comme le pré- cise le cadre conceptvel, un « moyen darriver & ses fins, et non pas une fin en soi. Il est cYailleursintéressant de noter que des tois objectifs cités, le premier est la réalisation et optimisation des opérations. Cela sigifie ni plus ri moins que le contréle interme s‘adresse en premier lieu au management de proximité. I Constitue pour ce demier un outil lui permettant cforganiser son périmatre de responsabilité de ma- rire & remplirlarrission quiluia été assignée, tout er1optimisant les moyens que la colecivité pubique lui met disposition et dontil est comptable Par aillous, le contrdle interne ne se résume pas, comme bien souvent on veut le caricature, un corpus de procédures et de régles figées, C'est tn processus de progrés continu qui vit travers les incivicus quile mettent en ceuvre, Il est porté et incarné par ensemble du personnel, & tous les niveau de la hiérarchie de organisation, Entin il est important de souligner que le contréle inteme doit apporter une assurance raisonnable et non pas une assurance absolve. Le cadre de référence Le contréle interne est devenu un paint de pas- sage obligé, incontournable face aux exigences réglementaires croissantes et a la pression des contrdleurs externes (Centficateurs, Audits externes, Cour des comptes, IGAS...) Intioduit dans les années 80, le contre interne @ \éritablement pris son essor dans es années 2000 2 la suite des nombreux scandoles financiers et comptables, De nowreles lois et églementations ont instaurées (Loi de Sécurité Financier (LSP), Sarbanes-Oxley Act (50%), 4, 7* et 8 Diractives européennes...) imposant aux organisations une nouvelle gouvernance et une meilleure cornmuni- cation en matiére de gestion des risques et contrdle interne. Face & ce souci de sécurisation et de transpa- rence, la Loi Organique relative aux Lois de Finances {LOLF), adoptée en 2001 et son appli- cation en 2006, est venue campléter le dispositif en introduisant obligation de contre interne pour les entités du secteur public. (Cestextesimposent utilisation d'un cacke concep: ‘uel mais ne citent aucun référentiel, Des standards francais ont été développés en France (Ordre des Experts Comptablas en 1977 et Autorité des Mar- chés Financiers en 2006). Cependant, le COSO reste, en matire de contrdle interne et de mane- cgerent des risques, le référentie e plus courarn ment utilisé. propose un cadre conceptuel et un guide méthodalogique. Pour le secteur public, les référentiels proposés parla DGFIP (Référentiel de contidle interne de Etat, Circulaires CICF, Audit interne...) et le dé- IN 9/10 Septembre Octobre 2014 / Gestion & Finances Publiques HU 35 o// COSO, un référentiel reconnu et évolutif COSO ‘Committee OF Sponsoring Organizations of the Treadway Commission) est une commission & but non lucratif ayant insttué aux fnats-Unis en 1992 le premier standard de controle inteme « Internal Control ~ Integrated Framework », econnu au plan international (€OSO 2013 est la mise & jour de COSO 1, complétant sa definition par 17 principes elés aidant sa mise en oeuvre. COSO 2 a introduit en 2002 un cadre de référence pour un systéme de ‘management global des risques (Enterprise Risk Management Framework) cret GBCP reletif la gestion budgétaire et comp- table publique, ontintroduit une vraieréforme de la démarche de contréle interne au sain de la sphere publique. tls s'appuient notamment surles rélérentials du COSO, Orientés au départ surla fraude, la protection des ressources et la sincérité de information comp= table et financire, les nouveaux standards du contréle interne ont désormais comme ambition de favoriser la réalisation efective d'objectfs stra- tégiques et la mattrise des risques associé, Le fameux « Cube COSO » (cf. figure 1) denne une vision « 3D » du systéme de gestion des ques avec trcis axes danalyse distinct : objec, compo sants du contéle interne et structures de orga Figure 2 ers des risques défini par le FERMA igure 1~Le « Cube COSO » nisrme. Cela permet de téconcilie la vision mana- ‘ériale des risques ota vision opérationnelle Le périmatre des risques Le risque peut atre défini de manire générale comme un événement susceptible d'empéchar Vattente des objecifs de organisation Il convient sinsi identifier tous les événomonts suscopibles d'avoir un impact sur les objectits définis (straté- iques, opératonnels financiers, conforms.) et dle courirlstoalté du périmatre activité ERENT Cito tucaa ls ORIGINE EXTERNE 36 9/10 Septembre-Octobre 2014 Source ERMA Gestion & Finances Publiques La notion d« Univers de risques » est essentialle pour identifier les risques majeurs, préalable indispensable & la mise en place du systime de contréle inteme, Le management des risques tol que entend le COSO 2 couvre un spectre de risques trés large qui peut éte ilustré par funivers des risques produit par le FERMA (Federation of European Risk Management Associations) Stratégiques, Opétationnels, Financiers et Pétils, Le matrise des risques opérationnels telle que Ventend le COSO 1 du contréleinteme se focalise uniquement sur les risques opérationnels issus des processus (ef, encadré figure 2) lune approche méthodologique rigoureuse Les étapes du déploiement du contréle interne La culture de contréle interne ne se décréte pas et s‘inscrit dans la durée. Lenvironnement de contréle interne constitue un pré-requis incontournable, C'est un élément majeur de la culture d'une organisation. Le contre interne sexprime désormais dans une vision plus large, comme élément de maitrise de activité. Il ne se limite plus & une fonction de contrdle et joue un réle clé dans la conduite et le pilotage des activité. IIcontribue & améliorer Veffcacit lige & certains processus décisionnels. La gestion publique inrockitepar ls LOLFanotam- ‘ment conduit limiterla place du contéle préalable de conforrité effects par es contyleurs financiers ulproft oun contréle a posterioride Vefcacité de la gestion et dela dépense publique. Cest une évolution importante de la démarche de contréle, Traditionnellement, les contrdles sefaisaiont de maniére ponctuele comme des au- dits, Dans une démarche de contrdle interne, on cherche & mettre en place des contrdles perma- nents, qui doivent vivre dans toute lorganisation. Deux points clés du déploiement sont donc la notion de « dispositifousysteme » et de « perma- rence des contréles » En pratique, la mise en ceuvre d'un dispositif de maitrise des risques reste complexe, nécessitant une approche méthodologique ‘rigoureuse, conforme aux bonnes pratiques de la place, et la rmattrise des outils associés. Il ne faut pas nier la dimension technique du contrdle inteme. Il néces- site une organisation structurée, des outils et Lune bonne gouvernance. Le déploiement d'un systéme de gostion des risques se gére en ‘mode projet. La composante «Animation et Plo- tage » est une des concitions essentielles dans la ‘ussite de la mise en ceuvre du dapositit Si 'on se référe & la pyramide du COSO 1 (ef. figure 3}, qui a le mérite de bien structurer les étapes, on distingue traditiomellement cing composantes du contrdle interne Figure 3 - La pyramide du contrdle interne COSO 1 Ces composantes procurent un cadre pour décrite et analyser le contre interne mis en place dans une organisation, Ils'agit de —Henvironnement de contrdle, qui correspond, pour l'essentiel, aux valeurs diffusées dans lor gatisation @); ~ Véveluation des risques 'aune de leurimpor- tance et fréquence (@; — les activités de contrdle, définies comme les ragles et procedures mises en ceuvre pour trai- ter les risques, le COSO imposant la material sation factuelle des contrdles (@); le pilotage et la supervision, cest-dcire le «contre du contre» interne —linformation et a communication, qu'il sagit doptimiser (@) La réalisation de l'ensemble des phases est nécessaire pour le déploiement complet, la dlemiére phase étant constituée par''anayse des résultats et a proposition d actions correctives (On distingue traditionnellement deux phases tune premiere phase d'stats des lieuxet ‘analyse N° 9/10 Seplembre-Octobre 2014 / Gestion & Finances Publiques Me 37 W// 38 etune deuxiéme phase d évaluation et d'optimi- sation du systéme. Le déploiement de la seconde phase ui induit implication des services opéra- tionnels est souvent plus longue et plus delicate 8 mettre en place. Reconnaitre la complexité déploiement d’un de contréle interne dans le secteur public Déployer un dispositif de contrdle interne au sein lun établissement public, nécessite, dans un pre- rmier temps, ce bien traduire son organisation in- teine et ses missions & travers une cartographie des processus. Dans un deuxidme temps, ces pro- cossus de management métier et support sont décrits de maniére a faire apparaitre les acteurs, les systarnes d'informations sollicités et 'enchai- nement des taches. Phase 1 : Etat des lieux Ubjectf est de mete en eohérence les actions de maitrse avecles risques Cet exercice doit couvrir aussi bien le champ de Vordonnateur que celui du comptable. En effet, Vanalyse des risques et de le performance ne sorte pas & la frontiére des responsabilités defines par décret de ces deux acteurs, qui sont cenla matire co-tesponsables du déploiement et de l'eficacité du dispositif de contrdle interme. La notion de bonne pratique est fondarentale. Ello est au coour de toutes ces démarches. C'est ce que tout professionnel expériments « sat quil devrait mettre en ceuvre mais qu'lln'spplique pas toujours» Un point de vigilance est d'intégrer a cartogra phie des systémes d'information et de tenir compte des contréles embarqués. Bien souvent, nous observons que le systéme d‘information est largement sous utilisé dans un objectifde maitrise des risques. II constitue a contrario souvent un facteur de risque plus qu'un élément de maitise. Dans cet exercice, les établissements publics se trouvent souvent confrontés 8 des dificutés qui sont propres a leur organisation et qui rendent perfois difficile soit cette description, sot a defi- nition du contour des activités qui doivent étre décrites. Par exemple, ilartive que des établisse- ments utlisent des systémes d'information, pour tant coeur de métier, mais qui sont développés et rmaintenus par d'autres structures indépendantes, ou encore que des établissements mettent en delegation ou sous mandet de gestion tout ou partie de leurs processus meétiers, mais aussi, is se trouvent confrontés la complenité de la régle- entation applicable & leur domaine dactivte tatilication, modalits d'octii d aides, champ de compétence, ce qui rend parois complexe a des- cription des taches... Ces éléments devront ire intégrés méme si ces demniers ne sont pas direc- tement maitrisables par 'établisserent et sous $0 responsabilité direct. Il comviendra, aors,de trouver cles reais, des pratiques et des solutions perfoisin- navantes pour matter son risque « 8 distance » Une phase essentielle : construire la cartographie des risques La cartographie des risques estle sacle de toute démarche de contréle interne, La qualité du eksposiil repose en effet sur la complétude et le pertinence dela cantographie Pour autant, 'objectif& travers le systéme de ges- tion des risques ast de mesurer le risque résiduel 2 travers une assurance raisonnable, lI convient done de ne pas vouloir étre trop exhaustit et de cibler les risques clés, stratégiques pour Vrorganisation, En effet, lexercice d’analyse des risques dans le secteur public, notamment sur les processus, métier est souvent rendu difficile a la fois du fait de lunicité de activité qui rend impossible tout parangonnage avec les standards métiers qui existent dans le pri, mais aussi par Vorgenisation parfois complexe. Pour les pallier, il convient de réaliser une analyse des risques qui croise plusieurs sources, La certographie des risques, établie selon une

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